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Les comportements sexuels et reproductifs des femmes vivant sous antirétroviraux au Cameroun

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par Moustapha Mohammed Nsangou Mbouemboue
Université Yaoundé I - Master en sociologie 2010
  

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II - PROBLEMATIQUE

Dès son apparition, la pandémie du SIDA a fait l'objet de plusieurs études dans les facultés de sciences, les laboratoires de microbiologie et de virologie. Ces travaux ont abordé le thème de manière restrictive .En effet, ils portaient sur l'évolution du virus dans l'organisme humain, la dégénérescence du système immunitaire de l'homme, les symptômes et les modes de transmission de la maladie.

Peu de temps après, il passe du domaine de laboratoire de médecine pour se poser comme un problème de société. Des études ont révélé qu'il se transmettait par voie sexuelle et n'était pas l'apanage des homosexuels. Certains le percevaient en terme religieux ; pour eux, il était taxé de maladie incurable, de mort, de malédiction, c'était l'ultime chance pour les impurs et les païens de se rendre compte de la colère de Dieu et de se reconvertir16(*). A ce moment, le SIDA devient une maladie de la honte, des marginaux et étrangère en Afrique amenant les PVVIH à se cacher17(*). Tout ceci a donc permis de comprendre l'ampleur de la maladie au cours de la décennie 1990 - 2000 amenant les sciences sociales à se pencher sur la question.

Cependant, une importante littérature a été écrite sur la question de VIH/SIDA parce qu'en absence de traitement curatif et de vaccin préventif, il fallait recourir par des sciences sociales qui devaient permettre de comprendre les croyances, les attitudes, les comportements qui favorisent ou freinent l'épidémie et lui donnent forme. Egalement, les enjeux politiques, économiques, éthiques de la prévention et du traitement reposaient sur l'introduction de ces sciences18(*). Pour procéder à cette étude il a été important pour nous de parcourir les écrits des autres parce que selon QUIVY, R. et CAMPENHOULT,

Lorsqu'un chercheur entame un travail, il est peu probable que le sujet traité n'ait jamais été abordé par quelqu'un d'autre auparavant, au moins en partie ou indirectement... Tout travail de recherche s'inscrit dans un continuum et peut être situé dans ou par rapport à des courants de pensée qui le précèdent et l'influencent. Il est donc normal qu'un chercheur prenne connaissance des travaux antérieurs qui portent sur des objets comparables et qu'il soit explicite sur ce qui rapproche et sur ce qui distingue son propre travail de ces courants de pensée19(*).

Les questions de propagation ont été examinées dans différents aspects notamment au niveau de la transmission du VIH, des enjeux de traitement et de prévention et au niveau des facteurs de développement des comportements à risque.

Sur ce, certains chercheurs ont révélé que sa propagation était liée au statut social de la femme20(*) et à sa précarité économique21(*) ; ce qui a contribué à aggraver le taux de prévalence chez les femmes d'où la féminisation de la maladie au Cameroun. D'autres par contre, ont évoqué les différents processus de transmission du virus, car des études ont révélé qu'il existe un rapport entre la transmission du VIH, la culture et le système de croyances et de représentations. Car la propagation de la pandémie est aussi liée à sa non acceptabilité en Afrique comme maladie22(*), à cause de la corrélation qui existé entre l'infection au VIH et la sexualité et fécondité des PVVIH en général23(*)en ce sens que les PVVIH sont contraintes de vivre un nouveau modèle de comportement.

En outre, vu la fonction biologique de la femme à savoir la procréation, il a été prouvé que la transmission du virus de la mère à l'enfant24(*) est d'un pourcentage non négligeable. Or, la femme étant la donneuse de vie, et que sa considération sociale en Afrique est liée à sa fonction biologique, on observera une différentiation de chiffres des personnes infectées entre ce continent et les autres. De même, les conventions qui lient ce continent et l'Occident pour la recherche des médicaments, EBOKO, F a affirmé que c'est « le continent africain qui paye le plus lourd tribut à la pandémie du SIDA, avec 70% des cas de contamination25(*) » ; dans la même lancée, il aborde le thème sous un angle sociopolitique en 2007 en posant le problème de la disponibilité des médicaments et de la dépendance du continent vis-à-vis du Nord et constate que les médicaments sont au Nord et les malades au Sud26(*).

Au cours d'un séminaire doctoral sur les sciences sociales et VIH/SIDA en France, plusieurs problèmes ont été soulevés par les participants à savoir : l'inégalité structurelle d'accès au traitement, l'évolution et le vécu de la maladie, le rapport entre les malades et leurs proches27(*). Mais ce qui n'a pas été fait c'est de spécifier le vecu de la maladie chez les femmes séropositives africaines qui ont des contraintes plus visibles que celles de l'Occident ; ce qui a des répercussions sur les rapports avec leurs proches.

Au Cameroun, ayant pris acte de certains problèmes soulevés, des politiques seront donc mises sur pied pour favoriser un accès des personnes infectées au traitement : la confidentialité dans la déclaration des résultats des tests sérologiques, la non discrimination, la reconnaissance du VIH comme une question de vie collective, la prise en charge et le soutien des patients et leurs familles. C'est pour cette raison que le gouvernement camerounais a entrepris depuis 1996 28(*)des actions visant à faciliter l'accès du plus grand nombre de PVVIH à l'ARV. Dans un point de presse du 19 avril 2007, le Ministre de la santé publique a annoncé la gratuité des antirétroviraux à compter du 1er mai 2007. Cette décision arrive au moment où les unités de prise en charge (UPEC) et les centres de traitement agrées (CTA) enregistrent chaque jour de nouveaux malades et de personnes mises sous traitement antirétroviral. La mise en oeuvre de cette politique a permis une augmentation du nombre de personnes ayant initié le traitement ARV de 600 malades en fin 2001 à 53238 en juin 200829(*). De plus, 38.000 personnes ont eu recours au dépistage au cours de l'année 2003. Ces indicateurs ne doivent pas masquer la difficulté du programme, soulignée explicitement par les promoteurs, dans le plan stratégique de lutte contre le SIDA 2004 - 200630(*). Les ARV étant introduits depuis 1996 dans le pays, il est important de vérifier les effets de l'accès au traitement sur la sexualité et le comportement procréateur des patients qui suivent ce traitement afin de savoir les modifications qui surviennent. A ce titre, le Cameroun peut d'une manière générale à travers sa capitale politique(YAOUNDE), constituer un terrain privilégié de recherche sur les spécificités sanitaires des femmes vivant avec le virus du SIDA. Plus spécifiquement, le Cameroun apparaît comme un terrain d'observation des effets de la mise sous ARV sur le comportement des femmes et des hommes atteints par le virus du SIDA notamment dans le domaine de la vie sexuelle et reproductive.

Lorsqu'un individu apprend qu'il est infecté par le VIH, le conseil délivré par les équipes de santé est d'utiliser des préservatifs à chaque relation pour ne pas donner naissance à un enfant qui pourrait être infecté, ou qui pourrait se retrouver orphelin quelques années plus tard.31(*)

Ces propos soulèvent une question importante dans le champ de la santé de la reproduction. On pourrait s'attendre à ce que des personnes qui se savent infectées, fassent des choix volontaires pour éviter dans leurs processus reproductifs toute sexualité à risque. Ceci est pourtant loin de la réalité, surtout dans le contexte africain en général et au Cameroun en particulier où l'enfant est, malgré les mutations de la société considéré comme une richesse.

Notre approche sera spécifiquement axée sur les femmes sous traitement et la gestion de leur désir d'enfants parce qu'il existe un rapport entre l'infection au VIH chez les femmes et leurs comportements sexoreproductifs. En temps de VIH, les femmes ne rencontrent pas les mêmes difficultés que les hommes séropositifs ce qui crée une disparité dans les conséquences enregistrées entre les hommes et les femmes32(*). Ces problèmes sont d'ordre socioculturel, économique, affectif et religieux. Ainsi dans cette étude nous nous attèlerons à comprendre si la mise sous ARV constitue un facteur de modification de comportements des femmes séropositives notamment les femmes enceintes, celles qui ont des nouveaux nés, et celles qui n'en ont pas encore. Une étude menée au Rwanda a au contraire montré que les femmes dépistées positives pendant les campagnes de dépistage et qui n'avaient pas encore de quota d'au moins 4 enfants se « dépêchaient » plutôt à faire d'autres enfants afin d'atteindre un nombre « suffisant ». En Côte d'Ivoire, une équipe franco ivoirienne a montré qu'après notification à la femme de son statut sérologique, elles utilisent peu la contraception, et encore moins le préservatif33(*).

Au Cameroun, une étude sur l'accessibilité aux ARV a fait constater que l'une des motivations des femmes à assurer une observance thérapeutique est surtout le souci de retrouver un certain équilibre physique ou physiologique qui leur permettrait ensuite de continuer un projet de procréation. Décider de ne plus avoir d'enfants constitue une négation de l'avenir car celui-ci constitue un gage de survie pour les parents34(*). Même lorsque les professionnels de la santé proposeront à l'accoucheuse infectée, les options d'allaitement en temps de VIH parmi lesquelles on peut citer l'allaitement maternel exclusif ou le lait artificiel qui est sans risque, la forte pression sociale que subissent les femmes infectées ou les accoucheuses peut contraindre certaines d'entre elles à abandonner l'allaitement artificiel au profit de l'allaitement maternel à risque. Aussi dans le contexte de pauvreté où l'on assiste de plus en plus à un « épuisement financier » des malades du SIDA, il n'est pas toujours possible pour les femmes pauvres sous ARV d'assurer une réelle survivance nutritionnelle ou une substitution en micronutriment. Ces femmes pauvres pour la plupart, doivent donc gérer des contraintes sanitaires et sociales liées à leur désir de procréation. Ce projet de procréation ou ce désir de contribuer à assurer sa sexualité conjugale doit être corrélé à la fois à l'accessibilité sanitaire, économique, sociale, culturelle et religieuse. Car, en Afrique subsaharienne en général et au Cameroun en particulier, malgré la tendance du recul des naissances, l'imaginaire social qui prédomine est la recherche de l'enfant .Cette ambition peut être immédiate ou à long terme selon l'aspiration des uns et des autres. La femme est plus honorée quand elle a fait des enfants35(*). Ainsi, au vu de ceci, on constate que ce programme des ARV n'a pas su allier faits sanitaires, faits culturels, économiques et sociaux car au Cameroun et dans plusieurs sociétés subsahariennes, la procréation est au coeur des préoccupations sociales.

* 16 J.TONDA, « SIDA, pentecôtisme et périls bio politiques en Afrique centrale » in Enjeux n°31, avril-juin, 62-66, 2007, pp.59-62.

* 17 U.OLANGUENA AWONO, op. cit. p.35.

* 18 Revue internationale des sciences sociales, Le VIH/SIDA vu par les sciences sociales, UNESCO/érès, vol.186, n°4, 2005.

* 19 R. QUIVY et L. CAMPENHOULT, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, 1995, pp.42-43.

* 20 G. T. MBANG, « Statut social, connaissance et prévention du SIDA chez la femme Camerounaise », Mémoire de Maitrise en Sociologie, Université de Yaoundé, 1991-1992.

* 21 C. RENAUDIN, « Prévenir et traiter le Sida en Afrique, l'exemple du Cameroun », Mémoire de maitrise en Géographie, Université Paul Valery (Mont Pellier 3), septembre 2004, p.91.

* 22 L. VIDAL, Faire de l'Anthropologie. Santé, science et développement, Paris, La Découverte, 2010.

* 23 H. MIMCHE et al. op. cit.

* 24 http//.bms.france.fr/comment-entre-on-en-contact-avec-html :2/3 pendant la grossesse, 1/3 des cas lors de l'accouchement, et 10 à 30% lors de l'allaitement si la femme n'est pas suivie.

* 25 F. EBOKO, « Le droit contre la morale ? L'accès aux médicaments contre le SIDA en Afrique » in Revue des sciences sociales...op. cit. p.789.

* 26 F. EBOKO, « Une sociologie de l'accès aux médicaments contre le SIDA au Cameroun », in Enjeux n°31, 2007, p.12.

* 27 http//calenda.revues.org/nouvelles11669.html.publié par D. CAVALLO le 15 avril 2008.

* 28 Les ARV ont été découverts en 1990, mais c'est en 1996 que leur efficacité a été prouvée dans le monde entier.

* 29 ARNS, Actualité en santé publique, doc. De l'ARNS, juin 2009, p.2.

* 30 MINSANTE, Plan stratégique..., op. cit.

* 31 D. DESGREES DU LOU, « SIDA et fécondité » in A. GUILLAUME et M. KHLAT (dir.), Santé de reproduction au temps du SIDA, CEPER, 2001, p.101.

* 32 P. AGGLETON, Analyse comparative : recherches effectuées en Inde et en Ouganda. Discrimination, stigmatisation et rejet liés au VIH et au SIDA, Genève, ONUSIDA, 2002.

* 33 D. DESGREES DU LOU, ibid.

* 34 J-M. ELA, op. cit.

* 35-Chez les Béti du Sud-Cameroun par exemple, la femme qui vient d'accoucher est appelée « femme accomplie ou encore la remplie des remplies ».

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld