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La condition de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission africaine des Droits de l'Homme et des peuples

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par Josep Martial ZANGA
Université Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit international et communautaire 2008
  

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B- AUTRE JURISPRUDENCE

1- CPIJ et CIJ et Sentences Arbitrale.

· Affaire, des Concessions Mavrommatis en Palestine (Grèce c. Grande-Bretagne) CPJI, 30 août 1924 Ser. A

· Affaire, Usine de Chorzow Pologne c. RFA 1927, CPIJ, série A n° 17

· Affaire de la compétence des tribunaux de Dantzig, CPJI, Avis du 3 mars 1928, Série B n°15 p17

· Interprétation des arrêts n°7 et 8, usine de Chorzów arrêt n° 11 du 16 décembre 1927, CPJI, Série A, n°13

· Affaire Ambatielos (Grèce c. Royaume-Uni), CIJ, 19 mai 1953

· Affaire, Hinterland (Suisse. c. États-Unis), Exceptions préliminaires, CIJ, 27 Mars 1959

· Affaire de l'Hinterland, opinion dissidente du juge Cordova, Recuiel CIJ, 1959, p.45.

· Affaire Ziat, Ben Kiran, (Grande-Bretagne c. Espagne), S A Max Huber, 24 décembre 1924, Sentence arbitrale relative aux réclamations dans la zone espagnole du Maroc, RSA, vo II, pp.729-732

2- Comité des droits de l'homme

· Com. 868/1999Albert Wilson c. Philippines, doc. NU, CCPR/C/79/D/868/1999, 2003.


· Com n° 458/1991, Albert Womah Mukong c. Cameroun UN Doc, CCPR/C/51/D/458/1991, du 10 août 1994

· Com 674/1995 Emile Caabe c. Island, UN Doc, CCPR/C/58/D/674/1995/(1996)

· Com. 910/2000, ATI Antoine Randolph c. Togo UN Doc. CCPR/C/79/D/910/2000 (2003)

3- Cour européenne des droits de l'homme.

· Arrêt Selmouni c. France n° 25803/94 ; CEDH 1999-V

· Arrêt Vernillo c. France du 20/02/1991 série A n° 198, p. 11 -12.

· Arrêt Icyer c. Turquie, n° 18888/02 décision du 02 janvier 2006.

· Arrêt Broniwski c. Pologne (GC) 23 Juin 2004

· Arrêt Dalia c. France 19 Février 1998, Recueil 1998-I, PP 87-88.

4- Cour interaméricaine des droits de l'homme

· Affaire Viviana Gallardo et autres. Jugement sur les exceptions préliminaires (13 novembre 1981), série A n° G 101/81, p. 87-88, § 26.

· Affaire Godinez Cruz, Jugement sur les exceptions préliminaires, 26 juin 1987, supra, §88

· Affaire Fairen Garbi et Solis Corrales, Jugement sur les exceptions préliminaires, jugement du 26 juin 1987, Série C, n° 2, §87.

VII- REFERENCES INTERNET

· http://www.fidh.org: Site de la fédération international des ligues des droits de l'homme

· www.revue-df.org, ou www.droitsfondamentaux.org: Site de la Revue de Droits fondamentaux

· www.achpr.org: Site de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples

· www.cidh.oas.org/: Site de la Commission interaméricaine des droits de l'homme


· www.corteidh.or.cr/: Site de la Cour interaméricaine des droits de l'homme

· www.droitshumains.org/Biblio/Txt Afr/HP Afr.htm/ Site des instruments africains de protection des droits de l'homme

· http://www.reliefweb.int /rw /dbc

· http://www.humanrightstz.org/ site de l'ONG Human Rights Organization

· www.un.org Site de l'Organisation des Nations unies.

· www.apdhac.org Site du centre interdisciplinaire de formation et de recherche en droits de l'homme pole d'excellence régionale en droits de l'homme

ANNEXES

ANNEXE 1 : EXTRAIT COMMUNICATION 227/99 - R. D. CONGO / BURUNDI, RWANDA ET OUGANDA

Le Droit

De la Recevabiité

51. La procédure visant à soumettre des communications étatiques à la Commission est régie par les articles 47 à 49 de la Charte. A ce stade, il est important de mentionner qu'il s'agit de la première communication interétatique introduite devant la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

52. Il est à noter qu'il a été communiqué au Burundi2, Etat défendeur, tous les mémoires pertinents ayant trait à la présente communication, conformément à l'Article 57 de la Charte Africaine. Le Burundi n'a non seulement pas réagi à aucun d'entre eux mais il n'a fait aucune présentation orale devant la commission eu égard à la plainte.

53. La Commission Africaine souhaiterait insister sur le fait que l'absence de réaction de la part du Burundi n'absout pas cet Etat de la décision que la Commission pourrait rendre lors de l'examen de la communication. Le Burundi, de par sa ratification de la Charte Africaine, a indiqué son engagement à coopérer avec la Commission Africaine et à respecter toutes les décisions que cette dernière pourrait rendre.

54. Dans leurs observations orales faites devant la Commission, lors de sa 27ème session ordinaire tenue en Algérie (du 27 avril au 11 mai 2000), le Rwanda et l'Ouganda ont allégué que la décision de l'Etat plaignant de soumettre la communication directement au Président de la Commission sans les en avoir préalablement informés ni en avoir d'abord fait notification au Secrétaire général de l'OUA, n'est pas valable du point de vue procédural et que cela compromet la recevabilité du cas.

55. L'article 47 demande à l'Etat plaignant d'attirer, par communication écrite, l'attention de l'Etat en violation sur la question. Cette communication devra également être adressée au Secrétaire général de l'OUA et au Président de la Commission. Dans un délai de trois mois à compter de la date de réception de la communication, l'Etat destinataire fera tenir à l'Etat qui a adressé la communication des explications ou déclarations écrites élucidant la question.

56. Conformément aux dispositions de l'article 48 de la Charte, si, dans un délai de trois mois à compter de la date de réception de la communication originale par l'Etat destinataire, la question n'est pas réglée à la satisfaction des deux Etats intéressés, par voie de négociation bilatérale ou par toute autre procédure pacifique, l'un comme l'autre auront le droit de la soumettre à la Commission par une notification adressée à son Président et d'en notifier les autres Etats concernés.

57. Les dispositions des articles 47 et 48 couplées avec les dispositions des articles 88 à 92 du Règlement intérieur de la Commission sont orientées vers la réalisation de l'un des principaux objectifs et principes fondamentaux de la Charte : la conciliation.

58. La Commission considère la disposition de l'article 47 de la Charte souple et non obligatoire. L'utilisation du terme «peut» en atteste. Tout comme la première phrase de cette disposition :« Si un Etat partie à la présente Charte a de bonnes raisons de croire qu'un autre Etat également partie à cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut appeler, par communication écrite, l'attention de cet Etat sur la question. »

59. En outre, lorsque le différend n'est pas résolu à l'amiable, l'article 48 de la Charte demande à l'un ou à l'autre Etat de soumettre la question à la Commission par une notification adressée à son Président et d'en notifier les autres Etats concernés. Toutefois, elle ne prévoit pas sa soumission au Secrétaire général de l'OUA. Dans tous les cas, l'Etat plaignant avait entrepris des démarches visant à y remédier en se basant sur la décision de la Commission prise lors de sa 25ème session ordinaire, à savoir qu'elle fasse parvenir une copie de sa plainte au Secrétaire général de l'OUA(voir paragraphe 14 ci-dessus).

60. Par ailleurs, il apparaît que la principale raison pour laquelle la Charte a prévu une disposition stipulant que l'Etat défendeur soit informé de ces violations ou notifié de la soumission d'une telle communication à la Commission, est d'éviter des surprises aux Etats concernés. Cette disposition permet en conséquence aux Etats défendeurs de décider de régler la plainte à l'amiable ou pas. La Commission estime que, même si l'Etat plaignant ne s'était pas conformé à ladite disposition de la Charte, cette omission n'est pas fatale pour la communication dans la mesure où, après avoir été saisie de l'affaire, une copie de la communication est, comme il est d'usage pour la Commission, envoyée aux Etats défendeurs pour recueillir leurs observations (voir paragraphe 15 cidessus).

61. L'article 49, en revanche, offre la possibilité de saisir directement la Commission sans passer par l'étape de la conciliation. A cet égard, l'Etat plaignant peut porter la question directement à l'attention de la Commission en adressant une communication au Président, au Secrétaire général de l'OUA et à l'Etat intéressé. Une telle procédure permet à l'Etat demandeur d'éviter d'entrer en contact avec l'Etat défendeur dans le cas où un tel contact ne serait pas diplomatiquement efficace ni souhaitable. Du point de vue de la Commission, tel semble être le cas dans l'espèce sous examen. En effet, la situation de guerre non déclarée qui prévaut entre la République Démocratique du Congo et ses voisins à l'Est ne favorise pas le genre de contacts diplomatiques qui auraient permis l'application des dispositions des articles 47 et 48 de la Charte. C'est également pour cette raison que la Commission a considéré que l'Article 52 ne s'appliquait pas à la présente communication.

62. En outre, la Commission ne peut connaître d'une affaire qui lui est soumise qu'après s'être assuré que les dispositions de l'article 50 de la Charte et de l'article 97 (c) du Règlement intérieur ont été respectées. C'est à dire, si toutes les voies de recours interne, si elles existent, ont été épuisées, à moins que la procédure de ces recours ne se prolonge d'une façon anormale.

63. La Commission note que les violations ayant fait l'objet de la plainte sont paraît-il perpétrées par les Etats défendeurs sur le territoire de l'Etat plaignant. Dans ce cas, la Commission estime qu'il n'existe pas de voies de recours internes et que la question de leur épuisement ne se pose donc pas.

64. Les activités alléguées des rebelles et des forces armées des Etats défendeurs parties à la Charte, qui soutiennent également les rebelles, ne relèvent pas seulement du droit humanitaire mais également du mandat de la Commission. Les dispositions combinées des Articles 60 et 61 de la Charte imposent cette décision qui est également étayée par l'Article 23 de la Charte Africaine.

65. Au regard de l'autorité qui n'exclut par les violations perpétrées dans le cadre de conflits armés, de la compétence de la Commission. Dans la communication 74/92, Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés c/ Tchad, la Commission a considéré que la Charte Africaine «contrairement aux autres instruments des droits de l'homme, ne permet pas aux Etats parties de ne pas respecter leurs obligations au titre du traité en cas de situations d'urgence. En conséquence, même une situation de [...] guerre [...] ne peut être invoquée comme une justification par l'Etat violant ou autorisant des violations de la Charte Africaine pour justifier de la violation de la Charte Africaine ou du fait de permettre sa violation». (voir également la communication

159/96, UNDH & Autres c/ Angola).

A la lumière de ce qui précède, la Commission déclare la communication recevable.

ANNEXE 2 : EXTRAIT COMMUNICATIONS 147/95 ET 149/96, SIR DAWDA K JAWARA
C. GAMBIE

Le droit

La recevabilité

22. La recevabilité des communications par la Commission est régie par l'article 56 de la Charte africaine. Cet article prévoit sept conditions qui, dans les circonstances normales, doivent être remplies pour qu'une communication soit recevable. De ces sept conditions, le gouvernement prétend que deux ne sont réunies, à savoir, celles de l'article 56(4) et 56(5).

23. L'article 56(4) stipule que: « ... [les communications ne doivent pas se limiter à rassembler] exclusivement des nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse ».

24. Le gouvernement soutient que la communication devrait être déclarée irrecevable parce qu'elle est basée exclusivement sur des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse. Il fait spécifiquement référence à la lettre du Capitaine Ebou Jallow annexée à la communication. Tout en étant peu commode de se fier exclusivement aux nouvelles diffusées par les moyens de
communication de masse, il serait tout aussi préjudiciable que la Commission rejette une communication parce que certains des aspects qu'elle contient sont basés sur des informations ayant été relayées par les moyens de communication de masse. Cela provient du fait que la Charte utilise l'expression « exclusivement ».

25. Il ne fait point de doute que les moyens de communication de masse restent la plus importante, voire l'unique source d'information. Nul n'ignore que l'information sur les violations des droits de l'homme vient toujours des moyens de communication de masse. Le génocide au Rwanda, les violations des droits de l'homme au Burundi, au Zaïre et au Congo, pour n'en citer que quelques-uns, ont été révélés par les moyens de communication de masse.

26. La question ne devrait donc pas être de savoir si l'information provient des moyens de communication de masse, mais plutôt si cette information est correcte. Il s'agit de voir si le requérant a vérifié la véracité de ses allégations et s'il a pu le faire étant donné les circonstances dans lesquelles il se trouve.

27. L'on ne peut dire que la communication sous examen est exclusivement basée sur des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse dans la mesure où elle n'est pas uniquement basée sur la lettre du Capitaine Ebou Jallow. Le plaignant allègue des exécutions extra judiciaires et a joint à la communication une liste de certaines des victimes alléguées. La lettre du Capitaine Ebou Jallow ne fait pas état de cette information.

28. L'article 56 alinéa 5 prévoit que les communications doivent « être postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale ».

29. Le gouvernement soutient aussi que l'auteur n'a pas essayé d'épuiser les voies de recours internes. Il estime que le requérant aurait pu envoyer sa plainte à la police qui aurait mené des enquêtes et poursuivi les coupables devant le tribunal.

30. Cette règle est l'une des conditions les plus importantes de la recevabilité des communications et c'est pour cela que dans presque tous les cas, la première question que se pose aussi bien l'Etat visé que la Commission est relative à l'épuisement des recours internes.

31. La justification de la règle de l'épuisement des recours internes tant dans la Charte que dans les autres instruments internationaux des droits de l'homme est de s'assurer qu'avant que le cas ne soit examiné par un organe international, l'Etat visé a eu l'opportunité de remédier à la situation par son propre système national. Cela évite à la Commission de jouer le rôle d'un tribunal de première instance, mais plutôt celui d'un organe de dernier recours (Voir communications 25/89 [Free Legal Assistance Group et Autre c. Zaïre], 74/92 [Commission Nationale des Droits des l'Homme et des Libertés c. Tchad (ACHPR 1995)] et 83/92 [Degli et Autre c. Togo]). Dans l'application de cette règle, les trois critères fondamentaux suivants doivent être pris en compte: la disponibilité, l'efficacité et la satisfaction.

32. Une voie de recours est considérée comme existante lorsqu'elle peut être utilisée sans obstacle par le requérant, elle est efficace si elle offre des perspectives de réussite et elle est satisfaisante lorsqu'elle est à même de donner satisfaction au plaignant.

33. La thèse du gouvernement relative à l'épuisement des recours internes doit donc être examinée dans ce cadre. Comme déjà mentionné, une voie de recours n'est considérée disponible que lorsque le requérant peut l'utiliser dans sa situation. Dans ses décisions antérieures, la Commission a déclaré les communications

60/91 [Constitutional Rights Project (pour le compte de Akamu et Autres) c. Nigeria], 87/93 [Constitutional Rights Project (pour le compte de Lekwot et Autres) c. Nigeria], 101/93 [Civil Liberties Organisation (pour le compte de l'Association du Barreau) c. Nigeria] et 129/94 [Civil Liberties Organisation c. Nigeria] recevables parce que la compétence des juridictions nationales avait été révoquée soit par décrets, soit par la création de tribunaux spéciaux.

34. La Commission a souligné que des voies de recours dont l'existence n'est pas évidente ne peuvent pas être invoquées par l'Etat à l'encontre du plaignant. En conséquence, dans cette situation où la compétence des juridictions nationales a été révoquée par des décrets dont la validité ne peut pas être mise en cause par aucun tribunal, l'on considère que les voies de recours internes n'existent pas et toute tentative d'y recourir serait une perte de temps.

35. L'existence d'une voie de recours interne doit être suffisamment certaine, non seulement en théorie, mais aussi en pratique, faute de quoi elle ne serait ni disponible ni efficace. Par conséquent, si le plaignant ne peut pas aller vers le tribunal de son pays parce qu'il a peur pour sa vie ou pour celle des membres de sa famille, les voies de recours internes sont considérées comme inexistantes pour lui.

36. Dans le cas sous examen, le requérant a été renversé par les militaires, il a été jugé par contumace, les anciens parlementaires et les membres de son gouvernement ont été mis aux arrêts et la terreur règne. Ce serait un affront contre le bon sens et la logique de demander au plaignant de retourner dans son pays pour épuiser les voies de recours internes.

37. Il n'y a aucun doute que le régime dénoncé par le plaignant avait instauré le règne de la terreur. Ainsi, non seulement pour le plaignant, mais aussi pour toutes les personnes de bonne foi, retourner dans son pays, en ce moment précis, pour quelque raison que ce soit, aurait mis sa vie en danger. Dans ces conditions, on ne peut pas dire que les voies de recours existent pour le plaignant.

38. Dans la jurisprudence de la Commission, une voie de recours qui n'a aucune chance de réussir ne constitue pas un recours efficace. La perspective de saisir les juridictions nationales, dont la compétence est anéantie par les décrets, devient elle-même nulle. Ce fait est renforcé par la réponse du gouvernement du 8 mars 1996, dans sa note verbale no. PA 203/232/01/(97-ADJ) dans laquelle il affirme que « ... le gouvernement gambien présidé par AFPRC n'a pas l'intention de perdre beaucoup de temps à répondre à des allégations frivoles et non fondées d'un despote déchu ».

39. En ce qui concerne le caractère satisfaisant des voies de recours internes, on peut déduire de l'analyse qui précède qu'il n'y avait pas de voies de recours susceptibles de donner satisfaction au requérant.

40. Compte tenu du fait qu'à ce moment précis le régime contrôlait toutes les branches du gouvernement et avait peu d'égard pour la justice, tel qu'en témoigne son mépris pour la décision du tribunal dans l'affaire T. K. Motors et considérant en outre que la Cour d'Appel de la Gambie a constaté, dans l'affaire Pa Salla Jagne c. l'Etat, qu'il n'y avait plus de droits de l'homme ou de lois objectives dans le pays, il serait contraire au système de justice de demander au plaignant de tenter les voies de recours internes.

41. Il convient aussi de noter que le gouvernement prétend que la communication manque de « preuves à l'appui ». La position de la Commission a toujours été qu'une communication fournisse des preuves indiquant à première vue une violation des droits de l'homme. Elle précise les dispositions de la Charte prétendument violées. L'Etat prétend aussi que la Commission n'est habilitée à traiter, aux termes de la Charte, que des cas de violations graves et massives des droits de l'homme.

42. Cette proposition est erronée. Outre les articles 47 et 49 de la Charte qui habilitent la Commission à examiner des plaintes introduites par des Etats parties contre d'autres Etats également parties, l'article 55 de la Charte prévoit l'examen des « communi- cations autres que celles des Etats parties ». De même, l'article 56 de la Charte énonce les conditions d'examen de ces communications (voir aussi Section XVII du Règlement intérieur intitulée « Procédures d'examen des communications reçues conformément à l'article 55 de la Charte »). Dans tous les cas, la pratique de la Commission a toujours été d'examiner les communications même lorsqu'elles ne révèlent pas une série de violations graves et massives. C'est par cet exercice utile qu'au fil des années, la Commission a développé sa jurisprudence.

43. L'argument qui veut que le gouvernement a agi conformément aux règles prévues par la loi n'est pas fondé dans la mesure où la Commission a, dans sa communication 101/93 [Civil Liberties Organisation (pour le compte de l'Association du Barreau) c. Nigeria, paragraphe 15], décidé qu'en ce qui concerne la liberté d'association: Les autorités compétentes ne devraient pas édicter des lois qui limitent l'exercice de cette liberté. Les autorités compétentes ne devraient pas outrepasser les dispositions de la Constitution ou amoindrir les règles de droit international. Et plus important, par sa Résolution relative au droit d'association, la Commission avait précisé que la réglementation de l'exercice de ce droit à la liberté d'association devrait être conforme aux obligations des Etats à l'égard de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Il s'ensuit que toute loi visant à limiter la jouissance de tout droit reconnu par la Charte doit répondre à cette condition.

Par ces motifs, la Commission déclare les communications recevables.

ANNEXE 3 : EXTRAIT COMMUNICATION 275/2003 - ARTICLE 19/ETAT D'ERYTHREE

Du Droit Recevabilité

43. La présente communication est soumise en vertu de l'Article 55 de la Charte africaine qui autorise la Commission africaine à recevoir et à considérer des communications, autres que celles émanant d'Etats parties. L'Article 56 de la Charte africaine dispose que la recevabilité

d'une communication soumise en vertu de l'Article 55 est assujettie à sept conditions.4 La
Commission africaine a insisté sur le fait que les conditions énoncées à l'Article 56 sont
conjonctives, ce qui signifie que, en l'absence de l'une d'entre elles, la communication est

déclarée irrecevable.5

44. Les parties à la présente communication semblent convenir que six des conditions énoncées à l'Article 56 ont été réunies. Elles sont néanmoins en désaccord sur l'application de l'une de ces conditions : l'Article 56(5), qui dispose que les communications relatives aux droits de l'homme et des peuples auxquels il est fait référence à l'Article 55, reçues par la Commission africaine devraient être prises en considération si elles «sont envoyées après épuisement des voies de recours locales, s'il en existe, a moins qu'il ne soit manifeste que cette procédure est indûment prolongée ».

45. L'épuisement des voies de recours locales est un principe de droit international permettant aux Etats de résoudre leurs problèmes internes conformément à leurs propres procédures
constitutionnelles avant que ne soient invoqués les mécanismes internationaux reconnus. L'Etat concerné peut donc avoir une opportunité de réparer le tort causé dans le cadre de son propre ordre juridique. Il s'agit d'une règle bien établie de droit international qui veut, qu'avant l'instauration de procédures internationales, les diverses voies de recours offertes par l'Etat aient été épuisées.

46. Selon des communications de la Commission africaine, pour que les voies de recours locales soient épuisées, elles doivent être accessibles, effectives et suffisantes. Dans ses communications n° 147/95 et 149/96, la Commission africaine considérait qu'un recours est considéré comme accessible si le plaignant peut l'exercer sans entrave, qu'il est réputé

effectif s'il offre une perspective de succès et jugé suffisant s'il peut réparer le tort.6

47. Ainsi, aux termes de l'Article 56(5), la loi sur l'épuisement des voies de recours locales présuppose : (i) l'existence de procédures érythréenes ayant trait à la

plainte ; (ii) la justiciabilité ou autrement au niveau érythréen, de l'objet de la plainte ; (iii) l'existence aux termes de l'ordre juridique interne de dispositions relatives à la réparation du type de tort faisant l'objet de la plainte et (iv) des voies de recours locales accessibles et effectives, à savoir : des recours suffisants ou capables de réparer le tort faisant l'objet de la plainte.

48. La seconde partie de l'Article 56(5), objet de la contestation entre les parties, dispose qu'une communication sera prise en considération si elle est adressée après épuisement des voies de recours locales «...s'il en existe, à moins qu'il ne soit manifeste que cette procédure est indûment prolongée ». Il en découle donc que la règle des voies de recours locales n'est pas rigide. Elle ne s'applique pas si :

(i) Les voies de recours locales sont inexistantes ;

(ii) les voies de recours locales sont indûment et irraisonnable ment prolongées ;

(iii) le recours aux voies de recours locales est rendu impossible ;

(iv) au vu de la plainte, il n'y a pas de justice ou il n'y à aucun recours local à épuiser, par exemple, lorsque le pouvoir judiciaire est sous le contrôle de l'organe exécutif responsable de l'action illégale ;

(v) le tort est dû à un décret du gouvernement, à l'évidence non soumis, en tant que tel, à la juridiction des tribunaux nationaux.

Questions soumises à la Commission Africaine :

49. Comme nous l'avons vu ci-dessus, les parties au présent cas sont en conflit sur la question de l'épuisement des voies de recours en Erythrée et il incombe en conséquence à la Commission africaine de résoudre cette question.

50. D'une part, l'Etat soutient que la condition stipulée à l'Article 56(5) n'a pas été remplie par le plaignant et qu'aucune des exceptions ci-dessus mentionnées ne devrait dont s'appliquer. D'autre part, le plaignant allègue que la règle d'exception de l'Article 56(5) devrait être appliquée.

51. Chaque fois qu'un Etat allègue le non épuisement des voies de recours nationales par un
plaignant, il lui incombe la charge de prouver que les recours qui n'ont pas été épuisés sont
accessibles, effectifs et suffisants pour réparer la violation alléguée, à savoir : que ces recours dans le

système juridique national permettent de traiter de la transgression d'un droit et sont effectifs.7 Lorsque l'Etat y est parvenu, la charge de la responsabilité incombe alors au plaignant qui doit prouver que les recours en question sont épuisés ou que l'exception prévue à l'Article 56(5) ) de la Charte africaine est applicable.

Conclusions du plaignant :

52. Dans la présente communication, le plaignant soutient que les voies de recours érythréennes ne sont pas accessibles et fait remarquer que le fait que les victimes soient détenues depuis plus de trois ans (depuis septembre 2001) au secret «est une manifestation du fait que l'administration de la justice en Erythrée est extrêmement anormale ».

53. Le plaignant souligne en outre le fait que la Section 17 de la Constitution érythréenne prévoit des clauses de sauvegarde contre l'arrestation et la détention arbitraires des personnes et que le

Gouvernement de érythréen a failli au respect de ces sauvegardes.8 Le plaignant prétend que «le manquement délibéré du gouvernement à se conformer à sa propre obligation constitutionnelle démontre qu'il est sans espoir et impossible ou déraisonnable pour les détenus de saisir les tribunaux érythréens via l'habeas corpus.

54. Le plaignant soutient en outre qu'en Erythrée, le pouvoir exécutif du Gouvernement interfère dans les affaires du pouvoir judiciaire, rendant ainsi suspecte l'indépendance et l'efficacité de ce dernier. Il cite la destitution du Président de la Cour Suprême par le Président de la République lorsque celui-ci aurait demandé à l'Exécutif de ne pas interférer dans le Judiciaire. Le plaignant a fait remarquer que «si le Président de la Cour Suprême pouvait être révoqué pour avoir simplement demandé à l'exécutif gouvernemental de ne pas interférer sur l'indépendance du judiciaire, qu'arriverait-il à un juge qui oserait ordonner la libération de détenus désignés comme étant des `traîtres' et des `ennemis de l'Etat' par la plus haute autorité, le Président» ?

55. Le plaignant fait en outre remarquer que les violations des droits de l'homme invoquées sont graves et lourdes et qu'en termes de jurisprudence de la Commission africaine, ces violations ne nécessitent pas l'épuisement des voies de recours locales.

56. Le plaignant conclut en déclarant qu'en fait, il avait adressé un ordre d'habeas corpus au Ministre de la Justice réclamant que les victimes comparaissent devant le tribunal mais qu'il n'avait pas reçu de réponse du Ministre et qu'il avait demandé à rendre visite aux victimes mais que la permission ne lui avait pas été accordée par l'Etat défendeur.

Observations de l'Etat :

57. Dans ses observations, l'Etat Défendeur maintient qu'en Erythrée, le pouvoir judiciaire est indépendant et que le plaignant aurait dû épuiser les voies de recours locales, directement ou à travers des représentants légaux. L'Etat Défendeur soutient avoir informé le plaignant qu'il aurait dû prendre l'initiative de se rapprocher directement des tribunaux pour demander justice pour les détenus mais que le plaignant n'a pris aucune initiative à cet égard.

58. L'Etat Défendeur plaide en outre le fait que les réclamations du plaignant selon lesquelles il y aurait un «black-out d'informations» et le judiciaire érythréen manquerait d'indépendance sont infondées dans la mesure où elles ne sont pas étayées par des exemples concrets indiquant qu'il y ait eu interférence dans le travail effectif des juges dans la dispense de justice dans le pays. Eu égard au

congédiement du Président de la Cour Suprême, l'Etat Défendeur soutient qu'en Erythrée, c'est le Président qui nomme le Président de la Cour Suprême et qu'il a donc le pouvoir de le destituer.9

59. L'Article 52 de la Constitution érythréenne dispose de la destitution et de la suspension des juges. Le sous-article 1 prévoit qu'un juge ne peut être destitué avant l'expiration de la durée de ses fonctions que par le Président, agissant sur recommandation de la Commission des Services
judiciaires (Judicial Service Commission), en vertu des dispositions du sous-article 2 de cet Article pour incapacité physique ou mentale, violation de la loi ou du code judiciaire d'éthique Le sous-article 2 dispose que la Commission des services judiciaires vérifiera si un juge devrait être ou non destitué aux motifs de ceux énumérés au sous-Article

1 de cet Article. Dans le cas ou la Commission des services judiciaires décide qu'un juge devrait être destitué, elle en fera pla recommandation au Président. Et le sous-article 3 dispose que le Président pourra, sur recommandation de la Commission des services judiciaires, destituer un juge faisant l'objet d'une enquête. L'Etat n'a pas indiqué si ces sauvegardes de procédure avaient été suivies mais a simplement laissé entendre que le Président de la Cour Suprême est nommé par le Président et peut être destitué par lui.

60. Dans ses conclusions verbales, lors de la 35ème Session ordinaire, le Représentant de l'Etat défendeur a réitéré que les allégations du plaignant étaient fausses et non fondées dans la mesure où elles avaient été formulées sans tentatives sérieuses de la part du plaignant de vérifier les faits avant de porter l'affaire devant la Commission africaine. En outre, le plaignant ne s'était pas présenté lui-même devant les tribunaux érythréens et, à ce titre, il incombait au plaignant de trouver les voies et moyens d'utiliser les tribunaux érythréens avant de porter l'affaire devant la Commission africaine. Il a rappelé à la Commission africaine que toutes les conditions de l'Article 56 doivent être réunies pour qu'une affaire soit recevable et que si l'une quelconque de ces conditions n'est pas remplie, la communication doit être déclarée irrecevable.

61. Le Représentant de l'Etat défendeur a informé la Commission africaine que les journalistes incarcérés avaient été arrêtés par la police et qu'ils étaient détenus par l'Exécutif. Toutefois, à l'issue de l'enquête, une décision administrative avait été prise pour libérer deux des journalistes et que la décision concernant les autres journalistes incarcérés devait prochainement intervenir.

62. Il a concédé que les détenus au nom desquels la présente communication était introduite n'avaient pas comparu devant un tribunal en raison de la nature du système de justice pénale en Erythrée. Il a déclaré qu'en Erythrée, le système de justice pénale n'a pas la capacité institutionnelle de gérer promptement les cas et, à ce titre, il y avait une énorme accumulation de cas en attente dans tous les tribunaux du pays.

63. L'Etat défendeur a, en outre, déclaré que, contrairement aux réclamations du plaignant selon lesquelles il n'avait pas pu se rendre en Erythrée afin d'assister les victimes, toutes les personnes impliquées dans l'affaire relative aux journalistes détenus et aux détenus politiques étaient invitées à se rendre en Erythrée, y compris le plaignant qui a choisi de ne pas se rendre dans le pays.

Décision de la Commission Africaine sur la recevabilité :

64. Pour déterminer la question de la recevabilité de la présente communication, la Commission africaine devra répondre, entre autres, aux questions suivantes :

- Qui doit, aux termes de la Charte africaine, épuiser les voies de recours locales : l'auteur de la communication ou la victime des violations alléguées des droits de l'homme ?

- La destitution d'un Président de la Cour suprême rend-elle les recours érythréens

inaccessibles ou insuffisants ?

- Le fait qu'un Etat manque au respect de ses propres lois rend-il les voies de recours érythréennes «sans espoir, impossibles et irraisonnables?»

- La communication révèle-t-elle de lourdes et graves violations des droits de l'homme et des

peuples ?

- La poursuite de la détention au secret des victimes rend-elle les recours érythréens inaccessibles, ineffectifs et insuffisants ?

65. La Charte africaine est claire eu égard à la partie devant épuiser les voies de recours locales. Elle indique, en son Article 56(1) que les auteurs de la communication doivent indiquer leur
identité, même s'ils sollicitent l'anonymat. Cela présuppose que les voies de recours locales doivent être épuisés par les auteurs. Dans sa considération des communications, la Commission africaine a adopté une approche actio popularis par laquelle l'auteur d'une communication ne doit pas connaître la victime ni avoir de relation d'aucune sorte avec elle. Il s'agit de permettre aux victimes désavantagées de droits humains sur le continent de bénéficier de l'assistance d'ONG et de particuliers très éloignés de l'endroit où elles vivent. L'auteur doit simplement se conformer aux conditions de l'Article 56. La Commission africaine a ainsi autorisé de nombreuses communications émanant d'auteurs agissant au nom de victimes de violations de droits humains. Ainsi, ayant décidé d'agir pour le compte de ces victimes, il incombe à l'auteur d'une communication de prendre des mesures concrètes pour se conformer aux dispositions de Article 56 ou d'indiquer la raison pour laquelle il lui est impossible de le faire.

66. Eu égard à la destitution du Président de la Cour Suprême, le plaignant échoue à démontrer suffisamment dans quelle mesure cette destitution l'aurait empêché de pressentir les voies de recours en Erythrée ou de quelle manière elle aurait rendu ces recours érythréens «sans espoir, impossibles et irraisonnables ?» L'indépendance du Judiciaire est un élément crucial de la règle de droit. L'Article

1er des Principes des Nations Unies sur l'indépendance du judiciaire10 indique que "l'indépendance du judiciaire sera garantie par l'Etat et inscrite dans la Constitution ou la loi du pays. Toutes les institutions, gouvernementales et autres, ont le devoir de respecter et d'observer l'indépendance du judiciaire." Selon l'Article 11 des mêmes principes "la durée de fonction des juges, leur indépendance, leur sécurité ...doivent être suffisamment garanties par la loi." Et l'Article 18 de disposer que "les juges seront passibles de suspension ou de destitution en raison d'incapacité ou

de comportement les rendant inaptes à l'exercice de leurs fonctions." L'Article 30 des normes

minimales d'Indépendance judiciaire11 de l'International Bar Association (IBA) garantit également que "un juge ne sera passible de destitution que si, en raison d'une action criminelle ou d'une faute de nature délictuelle ou répétée ou d'une incapacité physique ou mentale, il a manifestement démontré son inaptitude à remplir la fonction de juge

" et l'Article 1(b) d'énoncer que "l'indépendance personnelle signifie que les termes et conditions du service judiciaire sont suffisamment assurés pour garantir que les juges, à titre individuel, ne soient pas soumis au contrôle de l'exécutif." L'Article 52 (1) de la constitution érythréenne comporte une disposition presque similaire.

67. La question, toutefois, est de savoir si la destitution du Président de la Cour Suprême, de manière non conforme aux normes internationales, rend inaccessible et ineffectif le pouvoir judiciaire d'un Etat ? Le plaignant émettait simplement des doutes sur l'effectivité des voies de recours en Erythrée. La Commission africaine estime qu'il incombe au plaignant de prendre toutes les mesures nécessaires pour épuiser ou, du moins, tenter d'épuiser ces voies de recours. Il ne suffit pas au plaignant de dénigrer l'aptitude des voies de recours de l'Etat en raison d'incidences isolées. A cet égard, la Commission africainesouhaiterait se référer à la décision du Comité des droits de

l'homme dans le cas A c. l'Australie12 dans laquelle le Comité a considéré que «de simples
doutes sur l'efficacité des voies de recours nationales ou sur la perspective des coûts financiers

impliqués n'absolvait pas l'auteur de rechercher ces voies de recours ».13 La Commission africaine peut donc ne pas déclarer la communication recevable sur la base de cet argument.

68. Au regard de l'argument du plaignant selon lequel le Gouvernement n'aurait pas respecté ses propres obligations constitutionnelles aux termes de l'Article 17 de la constitution érythréenne, la Commission africaine est d'avis que l'essence même de l'occurrence de violations de droits de l'homme est due au fait que les gouvernements ne respectent leurs obligations ni érythréenes ni internationales. Lorsque cela se produit, les personnes dont les droits ont été ou sont susceptibles d'être violés saisissent les tribunaux nationaux pour invoquer leurs droits pour convaincre les gouvernements à respecter ces obligations. La constitution érythréenne offre de nombreuses sauvegardes par rapport aux personnes arrêtées et détenues sans accusation ni procès. Outre les sous- articles 1, 3 et 4 de l'Article 17, le sous-article 5 du même article est très instructif. Il dispose que «toute personne aura le droit de réclamer au tribunal un ordre d'Habeas Corpus. Lorsque l'auteur de l'arrestation ne le fait pas comparaître devant le tribunal et ne fournit pas la raison de l'arrestation, le tribunal doit accepter la demande et ordonner la libération du prisonnier ».

69. Donc, dans le cas en instance, le plaignant aurait pu, à tout le moins, avoir saisi un tribunal érythréen par un ordre d'habeas corpus pour attirer l'attention du tribunal sur la disposition constitutionnelle qui aurait, selon lui, été violée par le gouvernement. Les avocats cherchent souvent la libération de détenus en introduisant une demande d'ordre d'habeas corpus. Un ordre d'habeas corpus est un mandat judiciaire à l'auteur d'une arrestation lui ordonnant de faire comparaître un détenu devant le tribunal pour déterminer si cette personne est légalement emprisonnée et si elle devrait ou non être libérée de sa détention. Une demande d'habeas corpus est une demande adressée au tribunal par une personne qui s'élève contre sa propre détention ou son propre emprisonnement ou ceux d'un tiers. L'ordre d'habeas corpus a été décrit comme étant "l'instrument fondamental de

sauvegarde de la liberté individuelle contre une action arbitraire ou illégale d'un Etat."14 Il sert à contrôler efficacement la manière dont les tribunaux respectent les droits constitutionnels.

70. Dans ses conclusions, le plaignant reconnaît avoir adressé un ordre d'habeas corpus au Ministre de la Justice. La Commission africaine est d'avis que, même si elle attendait du Ministre qu'il conseille le plaignant sur la procédure appropriéeà suivre, son manquement à le faire ne constitue pas une violation de la loi. Le Ministère de la Justice est la même entité du Gouvernement qui a failli à «se conformer à ses propres obligations constitutionnelles...» et seuls les tribunaux sont habilités à lui ordonner de le faire. En adressant l'ordre au Ministre de la Justice, le plaignant ne peut prétendre avoir tenté d'épuiser les voies de recours érythréennes dans la mesure où l'Article 56(5) exige l'épuisement des voies de recours légaux et non pas de recours administratifs.

71. Eu égard à l'argument selon lequel la communication révèle de graves et lourdes violations des droits de l'homme, la Commission africaine souhaiterait réitérer ses décisions antérieures des communications

n° 16/88,15 25/89, 47/90, 56/91, 100/93 16, 27/89, 46/91, 49/91, 99/9317 selon lesquelles [...] elle ne peut considérer que l'exigence d'épuisement des voies de recours nationales s'applique littéralement dans les cas où il est impossible ou non souhaitable que le plaignant saisisse les tribunaux locaux pour chaque plainte individuelle comme c'est le cas lorsqu'il s'agit d'un grand nombre de victimes. En raison de la gravité de la situation des droits de l'homme et du nombre important de personnes impliquées, ces recours, tels qu'ils pourraient théoriquement en exister auprès des tribunaux érythréens, sont dans les faits pratiquement inaccessibles ...»

72. Toutefois, eu égard à la poursuite de la détention au secret des détenus, la Commission africaine souhaiterait faire remarquer la reconnaissance par la partie Etat que les victimes sont toujours maintenues en détention à cause de la piètre situation du système de justice pénale dans le pays. Eu égard à cet argument de la partie Etat, la Commission africaine fait remarquer qu'à chaque fois qu'un crime peut faire l'objet d'investigations et de poursuites par l'Etat, sur sa propre initiative, l'Etat a l'obligation de faire avancer le processus pénal jusqu'à son ultime conclusion. Dans de tels cas, on ne peut exiger du plaignant, des victimes ou des membres de leur famille qu'ils assument la tâche d'épuiser les voies de recours nationales lorsqu'il incombe à l'Etat d'enquêter sur les faits et de faire comparaître les personnes accusées devant le tribunal, conformément aux normes de procès équitables tant érythréennes qu'internationales.

73. La Commission africaine souhaiterait également faire remarquer que la partie Etat a généralement réfuté les plaintes alléguées et a insisté sur le fait qu'il existe des voies de recours en Erythrée et que le plaignant ne s'est pas efforcé de les épuiser. La Commission africaine fait toutefois remarquer que la partie Etat s'est contentée d'énumérer in abstracto l'existence de voies de recours sans les lier aux circonstances du cas et sans démontrer de quelle manière elles pourraient permettre une réparation

effective des circonstances de ce cas.18

74. En conséquence, dans la communication en instance, le fait que le plaignant n'ait pas suffisamment démontré avoir épuisé les voies de recours érythréennes ne signifie pas que ces voies de recours soient accessibles, effectives et suffisantes. La Commission africaine peut arriver à des déductions à partir des circonstances entourant le cas et déterminer si ces recours sont en fait accessibles et s'ils le sont, s'ils sont effectifs et suffisants.

75. L'invocation de l'exception à la règle voulant que les voies recours, aux termes de la législation érythréenne, soient épuisées, comme prévu à l'Article 56(5), doit invariablement être liée à la
détermination de possibles violations de certains droits inscrits dans la Charte africaine, tel que le

droit à un procès équitable inscrit à l'article 7 de la Charte africaine.19 L'exception à la règle de l'épuisement des voies de recours érythréennes s'appliquerait donc lorsque la situation de l'Etat ne permet pas la sauvegarde de la liberté individuelle (due process of law) pour la protection du droit ou des droits qui auraient été prétendument violés. Cela semble être le cas dans la présente communication.

76. Le fait de garder des victimes au secret depuis plus de trois ans démontre une violation, de prime abord, fondée des clauses de sauvegarde de la liberté individuelle et, en particulier, de l'Article 7 de la Charte africaine. Le fait de n'avoir pris aucune mesure de réparation de cette situation plus de douze mois après la saisie de la communication par la Commission africaine démontre que l'Etat a également failli à démontrer l'accessibilité et l'effectivité des voies de recours érythréennes.

77. La Commission africaine est également d'avis que l'Etat a eu suffisamment de temps et a été
suffisamment informé pour, au moins, inculper les détenus et leur accorder l'accès à des représentants légaux. Autre raisonnement lié à la condition requise d'épuisement : celui selon lequel un gouvernement devrait être notifié d'une violation des droits humains pour avoir l'opportunité de remédier à cette violation avant d'être cité à comparaître pour rendre compte devant un tribunal international. Toutefois, s'il est démontré que l'Etat a été amplement informé et qu'il a eu suffisamment de temps pour remédier à la situation, même en dehors du contexte des recours locaux de l'Etat, comme c'est le cas pour la présente communication, l'Etat sera toujours réputé avoir été dûment informé et il aurait dû prendre les mesures appropriées pour remédier à la violation alléguée. Le fait que l'Etat érythréen n'ait pris aucune mesure signifie que les voies de recours en Erythrée sont soit inaccessibles,soit, si elles le sont, qu'elles ne sont ni effectives ni suffisantes pour réparer les violations alléguées.

78. A cet égard, la Commission africaine souhaiterait se référer à sa décision de la Communication

18/8820 portant sur la détention et la torture du plaignant pendant plus de sept ans sans inculpation ni procès, les privations alimentaires pendant de longues périodes, le blocage de son compte bancaire et l'utilisation de son argent sans sa permission. La Commission africaine a considéré que, dans de telles circonstances, il est clair que l'Etat a été amplement informé de ces violations et aurait dû prendre des mesures pour y remédier La Commission africaine souhaiterait également réitérer sa

position prise dans la communication 250/200221. Dans cette communication, la Commission africaine était d'avis que la situation, telle que présentée par l'Etat défendeur, ne permettait pas la sauvegarde ni la protection des droits présumés avoir été violés ; les détenus se sont vus interdire l'accès aux voies de recours aux termes de la législation nationale et ont donc été empêchés de les épuiser. En outre, on les a fait comparaître avec un retard injustifié.

79. La situation, telle que présentée par l'Etat défendeur, ne permettait pas la sauvegarde ni la
protection des droits présumés avoir été violés ; les détenus se sont vus interdire l'accès aux voies de recours aux termes de la législation nationale et ont donc été empêchés de les épuiser. En outre, on les a fait comparaître avec un retard injustifié.

80. Dans le cas Albert Mukong, le Comité des droits de l'homme a considéré que «un Etat partie à la
Convention, indépendamment de son niveau de développement, doit répondre à certaines normes

minimales concernant les conditions de détention».22 Ce raisonnement du Comité des droits de l'homme peut également inclure le fait qu'un Etat partie à la Charte africaine, indépendamment de son niveau de développement, doit répondre à certaines normes minimales concernant l'équité des procès ou les clauses de sauvegarde de la liberté individuelle ». Le Comité a conclu que "l'objectif légitime de sauvegarder et, en fait, de renforcer l'unité nationale dans des circonstances politiques difficiles ne peut être atteint en tentant de museler ... les principes démocratiques et les

droits de l'homme".23

81. La poursuite de la détention au secret des victimes sans inculpation les prive de toute
représentation légale et rend difficile pour le plaignant ou toute autre personne soucieuse de leur prêter assistance à partir de quelque voie de recours accessible que ce soit. Laisser les détenus languir indéfiniment en détention à cause de l'insuffisance du système de justice pénale de l'Etat ou parce que personne n'a accès aux tribunaux érythréens en leur nom serait d'une injustice voire d'un manque d'équité choquants.

82. En l'absence de mesures concrètes de la part de l'Etat pour faire comparaître les victimes devant
un tribunal ou pour leur permettre d'avoir accès à leurs représentants légaux trois ans après leur arrestation et leur détention et plus d'un an après avoir été saisie de la question, la Commission africaine, en toute conviction, conclut que les voies de recours érythréennes, même si elles sont accessibles, ne sont ni effectives ni suffisantes.

Pour cette raison, la Commission africaine déclare la communication recevable.

ANNEXE 4 : EXTRAIT COMMUNICATION 299/2005 - ANUAK JUSTICE COUNCIL /
ETHIOPIE

Présentation du plaignant sur la recevabilité :

Le plaignant avance que l'article 56 (5) de la Charte Africaine requiert que les plaignants épuisent tous les recours internes avant de soumettre leur cas à la Commission Africaine. Le plaignant fait en outre observer que, si les recours internes potentiels ne sont pas accessibles ou se prolongent d'une façon anormale, la Commission peut néanmoins examiner une communication, en ajoutant que cela est d'autant plus vrai lorsque le pays contre lequel la plainte est engage a perpétré une série vaste et diverse de violations et que la situation générale du pays que l'épuisement des recours internes serait vain.le plaignant soutient que, dans le cas Anuak Justice, il serait vain de poursuivre les recours locaux en raison de l'absence d'un appareil judiciaire indépendant et impartial, de l'absence de recours efficaces, de la probabilité considérable de prolongement anormal des recours internes et, plus important encore, de la violence potentielle contre Anuak ou ceux qui les soutiendraient au sein du système judiciaire.

Anuak Justice Council allègue qu'il ne peut chercher l'épuisement des recours internes en raison de son inaptitude à jouir d'audiences indépendantes et équitables découlant directement du fait que l'agresseur est le gouvernement éthiopien. Le plaignant fait observer qu'en dépit de la protection de l'Article 78 de la Constitution de l'Etat défendeur garantissant l'indépendance du Judiciaire, la perception tant dans le pays qu'à l'étranger est que l'exécutif a une influence considérable, voire indue sur le judiciaire.

Le plaignant cite un rapport de la Banque Mondiale intitulé «Ethiopie : évaluation du secteur juridique et judiciaire» (2004) ayant conclu que «... des trois branches du gouvernement, le judiciaire est celle qui a le moins d'histoire et d'expérience d'indépendance et qu'il requiert donc un renforcement considérable pour acquérir une authentique indépendance». Selon le plaignant, ce rapport fait observer que l'interférence dans le judiciaire est plus flagrante au niveau de l'Etat où des rapports de responsables administratifs interfèrent avec des décision de justice, la destitution de juges, des ordres de décisions aux juges, des réductions de salaires des juges et le refus délibéré d'exécuter certaines décisions des tribunaux.

Le plaignant allègue que l'introduction du cas devant les tribunaux éthiopiens entraînerait une prolongation sans anormale dans la mesure où le système judiciaire éthiopien souffre d'un système complexe de tribunaux multiples sans coordination ni ressources, dont de «sombres conditions de service, le manque de personnel, le manque de formation adéquate, des infrastructures fragilisantes et des problèmes logistiques ». Le plaignant prétend que les procédures devant les tribunaux prennent des années avant d'aboutir et en conclut que le système judiciaire de l'Etat défendeur est si dépourvu de ressources que des poursuites seraient pratiquement impossibles, en faisant remarquer qu'aucune mesure

n'a été prise pour poursuivre les membres de l'Ethiopien Defence Force ou les responsables du gouvernement pour les atrocités qu'ils ont commises contre les Anuak.

Le plaignant allègue également que les Anuak craignent pour leur sécurité en introduisant leur cas en Ethiopie en ajoutant qu'il n'existe aucun avocat anuak formé qui puisse introduire le cas devant les tribunaux éthiopiens. Le plaignant fait observer que le sentiment écrasant dans la Région Gambella et chez les Anuak ayant fui le pays est que des avocats non anuak en Ethiopie ne serait pas enclin à défendre ce cas à cause des persécutions potentielles dont ils pourraient faire l'objet ainsi que tous les obstacles insurmontables à l'obtention de justes réparations. Le plaignant ajoute que les Anuak qui restent dans la Région Gambella continuent d'être exposés à des exécutions extrajudiciaires, à la torture, au viol et aux détentions arbitraires du fait des autorités de l'Etat défendeur en ajoutant que plusieurs d'entre eux ont été menacés et spécifiquement prévenus de ne pas engager de poursuites contre l'Etat défendeur. Le plaignant fait observer qu'en janvier 2005, l'Etat défendeur a menace les dirigeants anuak, en déclarant que quiconque tenterait de ternir la réputation de l'Etat défendeur aurait à en répondre. Le plaignant conclut en déclarant que l'introduction du cas dans l'Etat défendeur ne ferait que mettre davantage en danger la vie des Anuak restés en Ethiopie.

Le plaignant ajoute que l'Etat défendeur a été prévenu et a joui d'un délai adéquat pour réparer les violations des droits de l'homme à l'encontre des Anuak mais qu'il a totalement échoué à le faire. Que l'Etat défendeur a été prévenu des violations mais qu'il a choisi de ne pas prendre de mesures pour mettre un terme aux atrocités ou demander des comptes à ses forces. Le plaignant ajoute que la réponse de l'Etat défendeur aux massacres de décembre 2003 dans la Région Gambella a été inadéquate et fourbe. Que, sous les pressions internationales, l'Etat défendeur a établi une Commission d'enquête pour faire la lumière sur les tueries. Toutefois, selon le plaignant, l'enquête était faussée et sans résultat et ne répondait pas aux normes internationales d'une investigation indépendante.

Présentation de l'Etat défendeur sur la recevabilité :

L'Etat défendeur allègue que le cas des personnes impliquées dans les violations alléguées ayant eu lieu dans la Région Gambella sont actuellement pendants devant le Federal Circuiting Court et le défendeur allègue donc que les recours internes n'ont pas été encore épuisés. L'Etat a fourni une liste d'environ 9 cas de ce type y compris leur numéro de dossier et leurs dates précédentes et futures de report.

L'Etat défendeur allègue que la règle d'épuisement des recours internes ne se limite pas aux individus mais qu'elle s'applique également aux organisations, y compris celles ne relevant aucunement de la compétence de l'Etat défendeur. Selon le défendeur, le plaignant aurait pu chercher réparation devant les tribunaux internes, le Judicial Administration Office, la Commission d'enquête ou la Commission des Droits de l'homme mais il ne l'a pas fait. Selon l'Etat, le plaignant n'a pas démontré l'existence d'obstacles à l'utilisation de ce processus de recours ou que celui-ci se serait prolongé de façon anormale.

Sans indiquer l'état de la procédure, l'Etat allègue que toutes les personnes alléguées de violations des droits de l'homme en relation avec l'incident de Gambella de décembre 2003 ont été attraites devant la Cour de circuit fédérale. L'Etat indique que trois recours internes étaient disponibles pour les plaignants : les tribunaux compétents, l'Administrateur judiciaire et la Commission des Droits de l'Homme mais que les plaignants ne se sont rapprochés d'aucun d'entre eux.

Mesures provisoires

La République d'Ethiopie allègue que le plaignant n'a cherché qu'à présenter ce qu'il prétend être une preuve fondée (prima facie) de violations et n'a pas démontré que si ces violations alléguées se poursuivent, il y aurait un «dommage irréparable », comme requis. Enfin, le défendeur avance que le gouvernement a suffisamment prouvé qu'il a pris des mesures adéquates pour rectifier la situation et que celle-ci s'est généralement stabilisée et ne nécessite aucune mesure provisoire émanant de la Commission. L'Etat défendeur présente ce qui suit :

En février 2004, le Bureau du Premier Ministre a donné instruction aux institutions fédérales d'assister l'Administration régionale à sauvegarder la sécurité des personnes et des institutions et de prévenir toute nouvelle violence, sollicitant le soutien des personnes âgées, des jeunes et des fonctionnaires aux efforts dans le sens d'une paix durable, de la démocratie et du développement ; en réhabilitant les victimes de violences et les personnes déplacées et en attrayant en justice les responsables des violences perpétrées et des destructions de biens.

Les Forces de défense, une fois déployées, ont protégé la population civile et permis l'assistance humanitaire et la réhabilitation.

Le Gouvernement fédéral, en coopération avec les agences internationales, a coordonné l'assistance humanitaire pour soulager les souffrances des victimes de violences et les personnes déplacées.

Une Commission d'enquête a été établie pour enquêter sur les circonstances entourant la crise et des accusations ont été introduites en conséquence contre plusieurs individus. Des détails sur les fonctions, les tâches entreprises et les résultats obtenus par la Commission sont inclus dans les informations fournies.

Le Gouvernement a organisé diverses consultations et ateliers avec la participation des populations locales qui ont propose des solutions concrètes destinées à résoudre les problèmes auxquels la région est confrontée et qui ont identifié les causes profondes de la crise.

La Police fédérale a récemment diplômé plus de trois cents officiers de police de la région de Gambella pour aider à faire respecter la loi et l'ordre dans la région une fois que la situation aura été stabilisée.

Le droit

La recevabilité

La présente communication est présentée en vertu de l'Article 55 de la Charte Africaine qui autorise la Commission Africaine à recevoir et à examiner des communications, autres que celles des Etats parties. L'Article 56 de la Charte Africaine dispose que la recevabilité d'une communication introduite en vertu de l'Article 55 soit soumise à sept conditions. La Commission Africaine a insisté sur le fait que les conditions énoncées à l'Article 56 sont conjonctives ; ce qui signifie que si l'une d'elles n'est pas remplie, la communication sera déclarée irrecevable.

Dans la présente communication, le plaignant allègue avoir satisfait aux conditions de recevabilité énoncées à l'Article 56 de la Charte et qu'à ce titre, la communication devrait être déclarée recevable. L'Etat défendeur, en revanche, soutient que la communication devrait être déclarée irrecevable parce que, selon l'Etat, le plaignant n'est pas conforme à l'Article 56 (5) de la Charte Africaine. Comme il semble y

avoir accord entre les deux parties concernant le respect des autres exigences aux termes de l'Article 56, la Commission ne se prononcera pas à cet égard.

L'Article 56 (5) de la Charte Africaine dispose que les communications ayant trait aux droits de l'homme et des peuples seront examinées si elles : «sont postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifesté que la procédure de ce recours se prolonge d'une façon anormale ».

Les droits de la personne considèrent comme d'une importance suprême qu'une personne dont les droits ont été violés puisse s'adresser à des recours internes pour corriger le tort au lieu de porter la question devant un tribunal international. Cette règle est fondée sur le postulat selon lequel la mise en oeuvre pleine et efficace des obligations internationales dans le domaine des droits de l'homme est destinée à améliorer la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales au niveau national. Dans Free Legal Assistance Group c/. Zaïre et Rencontre Africaine pour la Défense de Droits de l'Homme [RADDHO] c/ Zambie, la Commission a considéré que «un gouvernement devrait être informé d'une violation des droits de l'homme pour avoir l'opportunité de réparer cette violation avant d'être attrait devant un organe international.»1 Cette opportunité permet à l'Etat accusé de sauver sa réputation qui sera inévitablement ternie s'il était attrait devant une juridiction internationale.

Cette règle renforce également la relation subsidiaire et complémentaire existant entre le système international et les systèmes de protection internes. Dans la mesure du possible, un tribunal international, y compris la présente Commission, ne devrait pas jouer le rôle d'une première instance, rôle qu'il ne saurait s'arroger en aucune circonstance. L'accès à un organe international devrait être disponible mais seulement en dernier ressort : après épuisement et échec des recours interne. En outre, les recours internes sont normalement plus rapides, moins onéreux et plus efficaces que les recours internationaux. Ils peuvent être plus efficaces au sens qu'un tribunal d'appel peut casser la décision d'un tribunal inférieur alors que la décision d'un organe international n'a pas cet effet, bien qu'elle engage la responsabilité internationale de l'Etat concerné.

La Charte Africaine déclare que la Commission Africaine examine une communication après l'épuisement des recours internes par le requérant, «s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifesté que la procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale.» La Charte reconnaît donc que, bien que l'exigence d'épuisement des recours internes soit une disposition conventionnelle, elle ne devrait pas constituer un empêchement injustifiable à l'accès à des recours internationaux. La présente Commission considère également que l'Article 56(5) «doit être appliqué concomitamment à l'Article 7 qui établit et protège le droit à un procès équitable.»2 Dans l'interprétation de cette règle, la Commission semble prendre en considération les circonstances entourant chaque cas, y compris le contexte général dans lequel fonctionnent les recours internes et les circonstances particulières du requérant. Son interprétation des critères de recours internes peut donc ne pas être comprise sans une certaine connaissance de ce contexte général.

Un recours interne a été défini comme étant «toute action juridique interne pouvant donner lieu à la résolution de la plainte au niveau local ou national.» 3 Le Règlement intérieur de la Commission Africaine dispose que «la Commission statue sur la question de recevabilité conformément à l'Article 56 de la Charte.» 4 Généralement, les règles exigent que les requérants citent dans leur requête les mesures prises pour épuiser les recours internes. Ils doivent fournir la preuve apparemment fondée

d'une tentative d'épuisement des recours internes. 5 Selon la procédure de soumission des communications, les requérants doivent indiquer, par exemple, les tribunaux auprès desquels ils ont cherché un recours interne. Les requérants doivent indiquer qu'ils se sont adressés à tous les recours internes en vain et doivent fournir des preuves à cet effet. S'ils n'ont pu utiliser ces recours, ils doivent expliquer pourquoi. Ils peuvent le faire en présentant des preuves découlant de situations analogues ou en témoignant d'une politique de l'Etat leur refusant ce recours.

Dans la jurisprudence de la Commission, trois critères majeurs président à la détermination de la règle
d'épuisement des recours internes, à savoir : le recours doit être disponible, efficace et suffisant.»1 Selon

la Commission, un recours est considéré disponible si le requérant peut le poursuivre sans empêchement2 ou s'il peut l'utiliser dans les circonstances entourant son cas.3 Le terme «disponible» signifie «immédiatement possible d'être obtenu; accessible»; ou

«réalisable, joignable; à la demande, à portée de main, prêt, présent; . . . opportun, à son service, à sa
volonté, à sa disposition, au doigt et à l'oeil.»4 En d'autres termes «les recours dont la disponibilité n'est

pas évidente ne peuvent être invoqués par l'Etat au détriment du plaignant.»5

Un recours sera réputé efficace s'iI offre une perspective d'aboutissement.6 Si son aboutissement n'est pas suffisamment certain, il ne répondra pas aux exigences de disponibilité et d'efficacité. Le terme «efficace» a été défini comme signifiant «adéquat pour accomplir un objectif; produisant le résultat recherché ou attendu» ou «opérant, utile, utilisable, exécutable, en ordre; pratique, courant, effectif, réel, valide.»7 Enfin, un recours est jugé suffisant s'il est capable de réparer la plainte.8 Il est réputé insuffisant si, par exemple, le requérant ne peut se tourner vers le judiciaire de son pays par peur généralisée pour sa vie« ou même pour celle des membres de sa famille.»9 La Commission a également déclaré qu'un recours était insuffisant parce que sa poursuite dépendait de considérations extrajudiciaires telle que la discrétion ou tout autre pouvoir extraordinaire dévolu aux responsables du pouvoir exécutif de l'Etat. Le terme «suffisant» signifie littéralement «adéquat pour

l'objectif; asez»; ou «ample, abondant; . . . satisfaisant.»10

Dans la présente communication, l'auteur est basé au Canada et allègue de violations des droits de l'homme dans l'Etat défendeur à la suite d'un incident survenu dans le pays. Le plaignant ne cache pas le fait que les recours locaux n'ont pas été tentés mais argue que les poursuivre serait vain «en raison du manque d'indépendance et d'impartialité du judiciaire, du manque de recours efficace, de la vraisemblance de prolongation anormale des recours internes et, plus important, du potentiel de violence à l'égard des Anuak ou de ceux qui les soutiennent au sein du système judiciaire ». Le plaignant allègue que les violations qui se sont produites dans la région de Gambella étaient massives et graves et impliquaient un grand nombre de personnes: il fait remarquer que «les forces gouvernementales et leurs collaborateurs, ayant préalablelement établi une liste de cibles, se sont rendus de porte en porte, massacrant tous les hommes Anuak éduqués qu'ils ont pu trouver, violant les femmes et les enfants et incendiant les foyers et les écoles ...».

Le plaignant fait en outre observer que l'appareil judiciaire dans l'Etat défendeur n'est pas indépendant en raison d'interférences au niveau de l'Etat, des rapports d'officiers d'administration interférant avec les décisions du tribunal, licenciant des juges et leur dictant leurs décisions, réduisant leurs salaires et refusant délibérément d'appliquer certaines décisions des

tribunaux, et que porter le cas devant les tribunaux éthiopiens équivaudrait à prolonger le processus d'une façon anormale puisque le système judiciaire souffre d'un

«système complexe de tribunaux multiples qui manquent de coordination et de ressources», y compris «de tristes conditions de service, de manque de personnel, de manque de formation adéquate, d'infrastructures débilitantes et de problèmes logistiques ». Le plaignant argue que les procédures judiciaires «mettent des années pour produire des résultats» et conclut que le système judiciaire de l'Etat défendeur est «si dépourvu de ressources que les poursuites seraient pratiquement impossibles ».

Le plaignant allègue également que la crainte des Anuak pour leur sûreté en introduisant l'affaire en Ethiopie et d'ajouter que les Anuak ne comptent aucun avocat de formation susceptible de porter l'affaire devant les tribunaux éthiopiens. Le plaignant conclut en déclarant que porter l'affaire dans l'Etat défendeur ne ferait que mettre davantage en péril la vie des Anuak restant en Ethiopie. Le plaignant ajoute que l'Etat défendeur a été informé et a eu le temps nécessaire pour remédier aux violations des droits de l'homme à l'encontre des Anuak mais qu'il a échoué à le faire de façon flagrante.

La Commission peut-elle conclure, sur la base des allégations du plaignant qui précèdent, que les recours internes de l'Etat défendeur ne sont pas disponibles ou qu'ils sont inefficaces ou insuffisants ?

Il doit être observé ici que les observations du plaignant semblent suggérer que les recours internes puissent être réellement disponibles mais il doute de leur efficacité concernant le cas présent. Il apparaît clairement, des observations du plaignant, que celui-ci s'est fondé sur des rapports, y compris un rapport de la Banque Mondiale qui concluait que «l'un des trois pouvoirs du gouvernement, le judiciaire, a un plus faible héritage et une moindre expérience de l'indépendance et, par conséquent, a besoin d'un renforcement significatif pour acquérir une véritable indépendance».

Les observations du plaignant démontrent également son appréhension quant à l'aboutissement des recours internes, par crainte pour la sûreté des avocats, par manque d'indépendance du judiciaire ou en raison des maigres ressources disponibles du judiciaire. Outre le fait de jeter le doute sur l'efficacité des recours internes, le plaignant n'a pas apporté de preuves concrètes ni démontré suffisamment que ces appréhensions étaient fondées et pourraient constituer un obstacle pour se tourner vers des recours internes. La Commission est d'avis que le plaignant jette simplement le doute sur l'efficacité des recours internes. Elle est d'avis qu'il incombe à chaque plaignant de prendre les mesures nécessaires pour épuiser ou, du moins, tenter d'épuiser les recours internes. Il ne suffit par pour le plaignant de jeter le doute sur l'aptitude des recours internes de l'Etat sur la base d'incidences passées isolées. A cet égard la Commission Africaine souhaiterait se référer à la décision du Comité des droits de l'homme dans A c/ Australie1 dans laquelle le Comité a considéré que «de simples doutes sur l'efficacité des recours internes

... n'absolvaient pas l'auteur de poursuivre ces recours ».1

La Commission Africaine peut donc ne pas déclarer la communication recevable sur la base de cet argument. Si un recours a la moindre probabilité d'être efficace, le requérant doit le poursuivre. Alléguer que les recours internes n'ont guère de probabilité d'aboutissement, sans essayer de s'en prévaloir, n'influencera absolument pas la Commission.

Le plaignant allègue également que les violations alléguées sont graves et qu'elles concernent un grand
nombre de personnes et que la communication devrait être déclarée recevable dans la mesure où la

Commission ne peut considérer que les exigences de recours internes s'appliquent littéralement dans des cas où il est impraticable ou non souhaitable que le plaignant saisisse les tribunaux internes pour chaque violation. Dans le cas Malawi African Association c/ Mauritanie2, par exemple, la Commission a observé que la gravité de la situation des droits de l'homme en Mauritanie et le grand nombre de victimes impliquées rendaient la voie des recours indisponible en termes pratiques et que, selon les termes de la Charte, leur processus «se prolongeait d'une façon anormale». De même, le cas Amnesty International c/ Soudan3 portait sur l'arrestation arbitraire, la détention et la torture de nombreux citoyens soudanais à la suite du coup d'Etat du 30 juillet 1989. Les actes de torture allégués étaient de contraindre les détenus dans des cellules de 1,8 mètres de largeur et d'un mètre de profondeur, inondées délibérément, frapper fréquemment aux portes pour empêcher les détenus de s'allonger, les forcer à affronter des simulacres d'exécutions et les empêcher de se baigner ou de se laver. Entre autres actes de torture, les détenus étaient brûlés avec des cigarettes, attachés avec des cordes pour couper la circulation sanguine, les battre avec des bâtons jusqu'à profondes lacérations de leur corps, aspergées ensuite d'acide. Après le coup d'Etat, le gouvernement soudanais a promulgué un décret suspendant la compétence des tribunaux réguliers en faveur de tribunaux spéciaux pour traiter des mesures prises dans l'application de ce décret. Il délégalisait également la prise de mesures légales à l'encontre du décret. Ces mesures, plus la «gravité de la situation des droits de l'homme au Soudan et le grand nombre de personnes impliquées, a conclu la Commission, «rendaient les recours indisponibles dans les faits.»4

Ainsi, dans les cas de violations massives, l'Etat est supposé être informé des violations se produisant sur son territoire et il est supposé agir en conséquence, quelles que soient les violations des droits de l'homme. L'omniprésence de ces violations dispense de l'exigence d'épuisement des recours internes, en particulier lorsque l'Etat ne prend aucune mesure pour les empêcher ou y mettre un terme.5

Ces cas doivent être néanmoins distingués du cas présent qui ne porte que sur un seul incident ayant eu lieu sur une brève période. L'Etat défendeur a indiqué les mesures qu'il a prises à l'égard de cette situation et les procédures judiciaires entreprises par les auteurs allégués de violations des droits de l'homme durant l'incident. En établissant la Commission d'enquête au Gambella et en inculpant les auteurs allégués de violations des droits de l'Homme, l'Etat, encore que sous la pression internationale, a démontré qu'il n'était pas indifférent aux violations alléguées de droits de l'homme qui avaient été perpétrées dans la région et, de l'avis de la Commission, peut être considéré comme ayant fait preuve d'une diligence raisonnable.

La Commission a également considéré, dans de nombreuses instances, que les recours internes n'ont pas été épuisés si un cas portant sur la question faisant l'objet de la requête qui lui est soumise est encore pendant devant les tribunaux nationaux. Dans Civil Liberties Organization c/ Nigeria,1 la Commission Africaine a décliné l'examen d'une communication eu égard de laquelle une plainte avait été introduite mais n'était pas encore réglée par les tribunaux de l'Etat défendeur. Dans la présente communication, l'Etat défendeur indique que l'affaire est toujours pendante devant ses tribunaux et a joint une liste de cas encore pendants devant la Cour de circuit fédérale en relation avec l'incident de Gambella. La liste indique les noms des suspects, les numéros de dossier de leur cas, les dates antérieures et futures d'ajournement. Le plaignant ne nie pas que ce processus soit en cours Pour la Commission, il n'importe pas que le fait que les cas soient toujours pendants devant les tribunaux ait été indiqué par le plaignant ou par l'Etat. La question sous-jacente est de savoir si le cas fait l'objet de la procédure devant la Commission et s'il cherche à accorder au plaignant les mêmes réparations que celles qu'il recherche auprès de la

Commission. Tant qu'un cas toujours pendant devant un tribunal interne fait l'objet d'une requête devant la Commission et tant que la Commission pense que les réparations recherchées peuvent être obtenues localement, elle déclinera de connaître de ce cas. La Commission est d'avis que la présente communication est toujours pendante devant les tribunaux de l'Etat défendeur et qu'elle ne satisfait donc pas aux exigences de l'Article 56 (5).

Pour les raisons qui précèdent, la Commission Africaine déclare la communication 299/2005 - Anuak Justice Council/Ethiopie - irrecevable pour non-épuisement des recours internes conformément à l'Article 56 (5) de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

Fait à la 39e session ordinaire

Banjul, Gambie du 11 au 25 mai 200

ANNEXE 5 : EXTRAIT COMMUNICATION 307/2005 - M. OBERT CHINHAMO /ZIMBABWE Décision sur la recevabilité

Résumé des observations du Plaignant sur la recevabilité

23. Le plaignant a déclaré jouir du locus standi devant la Commission puisque la communication est introduite par lui-même, citoyen du Zimbabwe. Concernant la compatibilité, le plaignant a soutenu que la Communication soulève une violation prima facie de la Charte perpétrée par l'Etat défendeur.

24. Il a en outre déclaré que, conformément à l'Article 56(4), les preuves qu'il a avancées révèlent que la communication n'est pas exclusivement basée sur des nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse, ajoutant qu'elle est basée sur des preuves originales produites par luimême, y compris des rapports d'organisations des droits de l'homme de bonne réputation.

25. Concernant l'exigence d'épuisement des recours internes conformément à l'Article 56(5), le plaignant a déclaré que les recours, dans cette circonstance particulière, ne sont pas disponibles car il ne peut pas les utiliser, qu'il a été contraint de fuir le Zimbabwe par crainte pour sa vie après avoir survécu à des expériences de torture perpétrées par l'Etat défendeur en raison de ses activités de défenseur des droits de l'homme. Le plaignant a argué qu'il incombe à l'Etat de démontrer que les

recours sont disponibles, citant les décisions de la Commission relatives aux communications 71/926 et 146/967.

26. Le plaignant a attiré l'attention de la Commission Africaine sur sa décision dans Rights International

c/ Nigeria8 où la Commission Africaine a considéré que l'inaptitude d'un plaignant à poursuivre les recours internes à la suite de sa fuite au Bénin par crainte pour sa vie où il lui a été accordé ultérieurement l'asile suffisait à établir une norme d'épuisement effectif des recours internes. En conclusion, il a fait remarquer que le fait qu'il ne se trouvait plus sur le territoire de l'Etat défendeur où des recours pouvaient être recherchés et le fait qu'il avait fui le pays contre sa volonté en raison des menaces contre sa vie empêchait toute poursuite de recours sans obstacles.

27. Le plaignant a également contesté l'efficacité des recours en faisant remarquer que les recours ne sont efficaces que lorsqu'ils comportent une perspective de succès. Il a soutenu que l'Etat défendeur

traite les décisions des tribunaux allant à son encontre avec indifférence et désapprobation et qu'il ne s'attend pas à ce que, dans son cas, la décision d'un tribunal soit respectée. Il a déclaré que l'Etat défendeur avait tendance à ignorer les décisions des tribunaux qui ne lui étaient pas favorables et il a ajouté que les Avocats défenseurs des droits de l'homme au Zimbabwe disposaient d'au moins 12 exemples dans lesquels l'Etat avait ignoré des décisions de justice depuis l'an 2000. Il a cité la décision de la Haute Cour dans le cas Commercial Farmers Union et le cas Mark Chavunduka et Ray Choto où les deux plaignants auraient été enlevés et torturés par l'armée. En conclusion et compte tenu de la situation prévalant dans l'Etat défendeur, de la nature de sa plainte et de la pratique bien connue de l'Etat défendeur de non- application des décisions des tribunaux, son cas n'avait aucune perspective de succès si les recours internes étaient poursuivis et, selon lui, ne valaient pas la peine de l'être.

28. Le plaignant a en outre allégué que la communication avait été présentée dans un délai raisonnable conformément à l'Article 56 (6) et qu'en conclusion, la communication n'avait fait l'objet d'aucune décision d'un autre organe international.

Observations de l'Etat défendeur sur la recevabilité

29. L'Etat défendeur a brièvement rappelé les faits relatifs à la communication et a indiqué que les faits, tels que présentés par le plaignant, `présentent un certain nombre de lacunes'. L'Etat a argué que le plaignant faisait des allégations générales sans fournir de preuves à l'appui, citant, par exemple, l'allégation du plaignant selon laquelle il avait été agressé, abusé et que l'accès aux toilettes lui avait été refusé lorsqu'il se trouvait en détention préventive. L'Etat se demande pourquoi le plaignant n'a pas porté ceci à l'attention du Magistrat lorsqu'il a comparu ultérieurement devant lui. L'Etat s'interroge également sur le fait que le plaignant ou son avocat n'ait pas fait état des menaces alléguées pour la vie du client devant le Magistrat lors des quatre comparutions devant ce dernier. L'Etat a conclu que le plaignant a échoué à fournir des preuves à l'appui de sa peur et des menaces alléguées contre sa vie et il est d'avis que le plaignant a quitté le pays de son propre gré.

30. Sur la question de la recevabilité, l'Etat a soutenu que la communication soit déclarée irrecevable car elle n'est pas conforme à l'Article 56 (2), (5) et (6) de la Charte.

31. L'Etat a soutenu que la communication n'est pas conforme car elle allègue de violations des droits de l'homme en général et ne fournit aucune preuve de ces violations et d'ajouter que les faits ne présentent pas de violation prima facie des dispositions de la Charte, en faisant observer que, fondamentalement, les faits et les points faisant l'objet de la communication n'entrent pas dans le rationae materiae et le rationae personae de la compétence de la Commission.

32. Sur l'épuisement des recours internes aux termes de l'Article 56 (5), l'Etat a soutenu que des recours internes étaient disponibles pour le plaignant, citant la Section 24 de la Constitution qui dispose des voies à suivre en cas de violation des droits de l'homme. L'Etat a ajouté qu'il n'y a aucune preuve que le plaignant a suivi les recours internes. L'Etat a en outre indiqué qu'aux termes de la loi zimbabwéenne, lorsqu'une personne perpètre des actes violant les droits d'une autre personne, cette autre personne peut obtenir du tribunal qu'il soit interdit à l'auteur de la violation de les perpétrer.

33. Sur l'efficacité des recours internes, l'Etat a soutenu que la Constitution dispose de l'indépendance du judiciaire dans l'exercice de son mandat, conformément aux Principes des Nations Unies relatifs à l'indépendance du judiciaire et aux lignes directrices de la Commission Africaine relatives au droit à un procès équitable.

34. L'Etat a écarté l'argument du plaignant selon lequel son cas est similaire à ceux introduits par Sir Dawda Jawara contre la Gambie et par Rights International (au nom de Charles Baridorn Wiza) contre le Nigeria, ajoutant que dans ces deux derniers cas, une réelle menace pour la vie avait été prouvée. L'Etat a poursuivi en indiquant des cas dans lesquels le gouvernement a appliqué des décisions de tribunaux prises à son encontre en ajoutant que, dans le cas présent du plaignant, le gouvernement avait respecté la décision du tribunal.

35. L'Etat a en outre indiqué qu'aux termes de la loi du Zimbabwe, il n'est pas juridiquement obligatoire qu'un plaignant soit physiquement présent dans le pays pour avoir accès aux recours internes en précisant que tant le High Court Act (loi sur la Haute Cour) (Chapitre 7:06) que le Supreme Court Act (loi sur la Cour suprême) (Chapitre 7:05) autorisent toute personne à s'adresser à un tribunal à travers son avocat. L'Etat a ajouté que, dans le cas Ray Choto et Mark Chavhunduka, les victimes avaient été torturées par des agents de l'Etat et qu'elles en avaient demandé réparation alors qu'elles se trouvaient toutes les deux au Royaume-Uni et que leur réclamation avait abouti. L'Etat en a conclu que le plaignant n'est pas empêché de poursuivre des recours de manière similaire.

36. L'Etat a également soutenu que la plainte n'est pas conforme à l'Article 56 (6) de la Charte en indiquant que la communication devrait être introduite dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours internes mais, lorsque le plaignant se rend compte que les recours internes se prolongent d'une façon anormale, il doit soumettre immédiatement la plainte à la Commission. Selon l'Etat, bien que la Charte ne spécifie pas ce qui constitue un délai raisonnable, la Commission devrait s'inspirer d'autres juridictions comme la Commission interaméricaine qui a fixé à six mois le délai raisonnable, ajoutant que même le protocole fusionnant la Cour africaine de justice et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples dispose de six mois.

37. L'Etat a conclu ses observations en faisant remarquer que `aucune raison convaincante n'a été donnée à la non poursuite des recours internes ou recours à la Commission dans un délai raisonnable' et que, donc, la communication devrait être déclarée irrecevable.

De la recevabilité

Compétence de la Commission africaine

38. Dans la présente communication, l'Etat défendeur soulève une question sur la compétence de la Commission africaine à traiter de cette affaire. L'Etat affirme que « fondamentalement, les faits et les questions en litige n'entrent pas dans le rationae materiae et le rationae personae de la compétence de la Commission. » La Commission traitera donc de la question préliminaire de sa compétence soulevée par l'Etat défendeur.

39. Le «Black's law dictionary» définit la rationae materae comme suit : « en raison de l'affaire visée» ; en conséquence de, ou selon la nature de, la question visée » ; alors que la rationae personae est définie comme suit : « En raison de la personne concernée ; selon la nature de la personne. »

40. Compte tenu de la nature des allégations contenues dans la communication, telles que les allégations de violation d'intégrité ou de sécurité, d'intimidation et de torture de la personne, la Commission est d'avis que la communication soulève des éléments matériels susceptibles de constituer une violation des droits de l'homme et que, à ce titre, elle a une compétence ratione materiae car la communication dénonce des violations de droits de l'homme protégés par la Charte. Eu égard à la compétence rationae personae de la Commission, la communication indique le nom de l'auteur, un individu dont l'Etat défendeur est engagé à respecter et protéger les droits aux termes de la Charte Africaine. Eu égard à l'Etat, la Commission note que le Zimbabwe, Etat défendeur dans ce cas, est Etat partie à la Charte Africaine depuis 1986. En conséquence, le plaignant et l'Etat jouissent tous deux du locus standi devant la Commission et la Commission a donc compétence ratione personae pour examiner la communication.

41. Ayant décidé qu'elle a compétence rationae materiae et compétence rationae personae, la Commission va maintenant procéder à se prononcer sur les domaines litigieux entre les parties.

Décision de la Commission Africaine sur la recevabilité.

42. La recevabilité des communications par la Commission Africaine est régie par les exigences de l'Article 56 de la Charte Africaine. Cet Article dispose de sept exigences devant être toutes remplies avant que la Commission Africaine ne déclare une communication recevable. Si l'une des conditions/exigences n'est pas remplie, la Commission Africaine déclarera la communication irrecevable, à moins que le plaignant ne justifie pourquoi l'une des exigences n'a pas pu être remplie.

43. Dans la présente communication, le plaignant affirme que sa plainte satisfait aux exigences des paragraphes 1-4 et 7 de l'Article 56. Il déclare que son incapacité d'épuiser les recours internes a été due au fait qu'il a dû fuir en Afrique du Sud par crainte pour sa vie. Il indique qu'il n'a pas tenté de se conformer à cette exigence en raison de la nature de son cas et des circonstances dans lesquelles il a fui l'Etat défendeur et que, puisqu'il vivait en Afrique du Sud, l'exception à la règle devrait être invoquée.

44. En revanche, L'Etat soutient que le plaignant ne s'est pas conformé aux dispositions de l'Article 56 (2), (5) et (6) de la Charte et exhorte la Commission à déclarer la communication irrecevable pour non respect de ces exigences.

45. Les exigences de l'Article 56 de la Charte sont destinées à assurer qu'une communication est correctement introduite devant la Commission et à cribler les communications futiles et vexatoires avant d'en arriver au fond. Comme il a déjà été indiqué, pour qu'une communication soit déclarée recevable, elle doit satisfaire à toutes les exigences énoncées à l'Article 56. En conséquence, si une partie soutient qu'une autre partie n'a pas satisfait à l'une des exigences, la Commission doit se prononcer sur les questions litigieuses entre les parties. Cela ne signifie toutefois pas que les autres exigences de l'Article 56 qui n'est pas litigieux entre les deux parties ne seront pas examinées par la Commission.

46. L'Article 56(1) de la Charte africaine dispose que les communications seront admises si elles indiquent l'identité de leur auteur, même si celui-ci demande à la Commission de garder l'anonymat. Dans le cas présent, l'auteur de la communication est identifié comme M. Obert Chinhamo, il n'a également pas demandé à garder l'anonymat. L'Etat défendeur a également été clairement identifié comme étant la République du Zimbabwe. La disposition de l'Article 56(1) a par conséquent été totalement respectée.

47. L'Article 56(2) de la Charte africaine dispose qu'une communication doit être compatible avec la Charte de l'OUA ou avec la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Dans la présente communication, l'Etat défendeur soutient que la communication n'est pas conforme aux exigences de l'Article 56 (2) en ce qu'elle n'est pas compatible avec les dispositions de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine ou la Charte Africaine elle-même. L'Etat affirme à cet égard que, pour qu'une plainte soit compatible avec la Charte ou l'Acte Constitutif, elle doit présenter une violation prima facie de la Charte.

48. Le terme compatibilité signifie `conformément à', `en conformité avec', `non contraire à' ou `contre'. Dans la présente communication, le plaignant allègue notamment de violations de son droit à l'intégrité de sa personne et être sujet à des intimidations, au harcèlement et à une torture psychologique, à la détention arbitraire, à la violation de la liberté de circulation et à une perte de ressources occasionnée par les actions de l'Etat défendeur. Ces allégations soulèvent à l'évidence une violation prima facie des droits de l'homme, en particulier du droit à la sécurité ou à l'intégrité de la personne et à la liberté de toute torture comme stipulé dans la Charte. Les plaignants soumettant des communications à la Commission ne sont pas tenus de spécifier quels articles de la Charte ont été violés ou même quel droit est invoqué tant qu'ils ont soulevé la substance de la violation en question. Sur cette base, la Commission Africaine est satisfaite que, dans la présente communication, l'exigence de l'Article 56(2) de la Charte Africaine ait été suffisamment respectée.

49. L'Article 56(3) de la Charte dispose que pour être examinée, une communication ne doit pas contenir des termes outrageants ou insultants à l'égard de l'Etat mis en cause, de ses institutions ou de l'Organisation de l'Unité Africaine (Union africaine). Dans le cas présent, la Communication envoyée par le plaignant ne contient pas, de l'avis de la Commission africaine, de termes outrageants ou insultants, d'où la satisfaction de l'exigence de l'exigence de l'Article 56(3).

50. L'Article 56(4) de la Charte dispose que la Communication ne doit pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse. La présente communication a été soumise par le plaignant lui-même et serait la propre expérience qu'elle aurait vécue auprès d'agents d'agent de police de l'Etat défendeur. Sa soumission est corroborée par le rapport médical ainsi que par une déclaration sous serment de son avocat. Pour cette raison, l'on peut déclarer qu'il a satisfait aux conditions de la disposition du présent paragraphe de la Charte africaine.

51. L'Article 56(5) prévoit que les communications à examiner pas la Commission africaine doivent être introduites après épuisement des recours internes. L'Etat défendeur soutient que la plainte n'est pas conforme à l'Article 56(5) de la Charte. Il soutient qu'il existe des recours internes suffisants et efficaces disponibles pour le plaignant dans l'Etat et que le plaignant n'a pas recherché ces recours avant d'introduire la présente communication devant la Commission. En revanche, le plaignant argue que, puisqu'il a dû fuir le pays par crainte pour sa vie, il n'a pu y revenir pour poursuivre ces recours internes.

52. La raison d'être de l'épuisement des recours internes est de s'assurer qu'avant que des procédures ne soient introduites devant un organe international, l'Etat concerné ait l'opportunité d'y remédier à travers son propre système interne. Ceci pour que le tribunal international agisse en tant que tribunal de

première instance au lieu d'être un organe de dernier recours.9

53. Trois critères majeurs peuvent ressortir de la pratique de la Commission dans la détermination du respect de cette exigence : le recours doit être disponible, efficace et suffisant.

54. Dans la communication Jawara c/ Gambie,10 la Commission a déclaré que «un recours est considéré disponible si le demandeur peut le poursuivre sans obstacle, il est réputé efficace s'il offre une perspective de succès et il est jugé suffisant s'il est capable de faire droit à la réclamation ». Dans la communication Jawara, que les deux parties ont citée, la Commission a considéré que«l'existence d'un recours doit être suffisamment certaine, pas seulement en théorie mais en pratique, sans quoi, il n'aura pas l'accessibilité et l'efficacité requises. ... En conséquence, si le demandeur ne peut se tourner vers le judiciaire de son pays par crainte pour sa vie (ou même pour celle des membres de sa famille), les recours internes devraient être considérés indisponibles pour lui .

55. Le plaignant, dans la présente communication, déclare avoir quitté son pays par crainte pour sa vie en raison d'intimidation, de harcèlement et de torture. En raison de la nature de son travail, les agents de l'Etat défendeur ont commencé à le suivre en vue de lui faire du mal et/ou de le tuer. Il a également indiqué comment il a été traité en détention, en faisant remarquer qu'on l'avait privé de nourriture, qu'il n'avait pas été soigné lorsqu'il il s'était plaint de maux de tête, qu'on ne l'avait pas autorisé à aller aux toilettes, que les conditions dans les cellules de détention provisoire étaient mauvaises - nauséabondes, exiguës, toilettes bouchées ou débordant d'urine et d'autres déchets humains, les cellules étaient infestées de parasites comme des moustiques qui avaient piqué le patient durant toute sa détention et lui avaient rendu tout sommeil impossible ; la cellule était nauséabonde et très froide, causant au plaignant des problèmes respiratoires et une toux qui avaient persisté pendant six mois ; le plaignant s'est vu refuser une couverture la nuit et la permission de prendre un bain. Selon le plaignant, tout cela constitue une torture et un traitement inhumain et dégradant.

56. Le plaignant a en outre allégué que l'Etat défendeur s'est servi de renvois du tribunal pour lui refuser un procès dans un délai raisonnable, le torturant ainsi psychologiquement et épuisant ses ressources. Selon le plaignant, l'affaire a été renvoyée au moins cinq fois - du 20 septembre 2004 au 21 février 2005 (sur une période de six mois) et ces renvois étaient destinés à le harceler et à le torturer psychologiquement. La plupart du temps la Central Intelligence Organization (organisation centrale de renseignements) venait prendre des photos de lui, l'intimidant ainsi.

57. Le plaignant a ajouté que, lorsqu'il a continué de publier les atteintes par le défendeur aux droits de l'homme à Porta Farm, l'Etat défendeur a envoyé ses agents de la sécurité pour le suivre en diverses occasions, tentatives destinées à lui faire du mal. Selon le plaignant, le 12 septembre 2004, `un homme conduisant une Mercedes blanche et soupçonné d'appartenir à la Central Intelligence Organization s'est rendu auprès de la famille du plaignant et a laissé des messages de menace de mort au frère du plaignant'. Ce message, selon le plaignant, était qu'il était un ennemi de l'Etat et qu'il serait tué. Le plaignant a été obligé de demander à son frère de rester avec lui pour des raisons de sécurité. Au cours

d'un autre incident, le même homme, cette fois-ci accompagné de trois autres, est revenu une seconde fois et a formulé des menaces similaires au plaignant.

58. Il a indiqué que, le 30 septembre 2004, il a été arrêté par des hommes conduisant une Mercedes Benz bleue qui l'ont à nouveau menacé. Le fait que ce dernier incident se soit produit à proximité de sa maison était pour lui une raison suffisante pour craindre pour sa vie. En août 2004, à plusieurs occasions, il a reçu de nombreux appels téléphoniques le menaçant de mort et l'un d'entre eux disant «Nous vous suivons. Nous vous aurons. Vous êtes un homme mort ». Il dit avoir informé le Conseil d'Amnesty International - Zimbabwe, Zimbabwe Lawyers for Human Rights et son avocat des appels de menace. Des véhicules transportant des personnes aux agissements étranges ont été observés, garés aux alentours de sa résidence et de son lieu de travail à des heures étranges jusqu'à ce qu'il décide de se cacher et, ultérieurement, de fuir en Afrique du Sud. Il suspecte l'Etat défendeur d'avoir voulu l'enlever et le tuer, en ajoutant qu'il existe de nombreux cas d'enlèvements de personnes qui n'ont jamais été revues.

9. D'autres incidents ayant donné au plaignant de bonnes raisons de croire que sa vie était menacée sont le fait qu'en janvier 2005, l'Etat défendeur a refusé de délivrer des passeports à sa famille, alors que la demande en avait été faite depuis novembre 2004. Il a donc dû abandonner sa famille qui réside toujours au Zimbabwe. Au moment de la présentation de la présente communication, la famille n'avait toujours pas de passeports. Il a également indiqué qu'il avait dû abandonner ses études à l'Institute of Personnel Management of Zimbabwe

(IPMZ) et à la Zimbabwe Open University. En octobre 2004, sa fille a dû quitter l'école lorsque toute la famille a dû se cacher. A la fin du mois de septembre

2004, il a été très choqué de constater que tous les fichiers de son ordinateur portable avaient été supprimés et il a suspecté que la disparition des fichiers était liée aux agents du défendeur.

60. Il a conclu que « du fait des arrestations et des détentions arbitraires, de la torture, des traitements inhumains et dégradants, des retards dans sa mise en accusation et son procès, de sa surveillance par les agents du défendeur et des incidents susmentionnés, le plaignant soutient que le défendeur a violé de façon flagrante ses droits et ses libertés et ceux de sa famille ... »

61. De ces déclarations, le plaignant cherche à démontrer que, du fait des agissements de l'Etat défendeur et de ses agents, un situation a été créée qui l'a amené à croire que le défendeur voulait lui faire du mal et/ou le tuer. Il est donc devenu préoccupé par sa sécurité et celle de sa famille. Par crainte pour sa vie, il dit s'être caché et, par la suite, avoir fui dans un pays voisin, l'Afrique du Sud, à artir duquel il a présenté la présente communication.

62. Dans une plainte de cette nature, la charge de la preuve de la torture et les raisons pour lesquelles les recours internes n'ont pu être épuisés incombe au plaignant. Ce dernier a la responsabilité de décrire la nature de la torture ou du traitement qu'il a subis et dans quelle mesure chaque acte de torture, d'intimidation ou de harcèlement allégués ont insufflé suffisamment de crainte au plaignant pour l'inciter à craindre pour sa vie et celle de ses proches au point de ne pas pouvoir tenter les recours internes et de préférer fuir le pays. Il ne suffit pas que le plaignant déclare avoir été torturé ou harcelé sans relater chaque acte particulier venu alimenter cette peur. Si le plaignant s'acquitte de cette charge,

alors la charge passera à l'Etat défendeur qui devra démontrer que les recours sont disponibles et, dans le cas particulier du plaignant, comment ces recours étaient suffisants et efficaces.

63. A l'appui de son cas, le plaignant a cité les décisions de la Commission Africaine dans le cas Jawara

et les cas Alhassan Abubakar c/Ghana11et Rights International c/ Nigeria12 dans lesquels, a-t-il

dit, la Commission a considéré qu'on ne pouvait s'attendre à ce que les plaignants, dans ces cas, poursuivent les recours internes dans leur pays en raison du fait qu'ils avaient fui leur pays par crainte pour leur vie.

64. Ayant étudié les observations du plaignant et l'ayant comparée aux cas précités en appui de sa réclamation, la Commission est d'avis que les cas ci-dessus ne sont pas similaires au cas présent. Dans le cas Jawara, par exemple, le plaignant était un ancien Chef d'Etat renversé par un coup d'Etat militaire. Le plaignant, dans ce cas, a allégué qu'à la suite du coup d'Etat «il y a eu abus de pouvoir manifeste par ... la junte militaire». Le gouvernement militaire était allégué avoir initié un règne de terreur, d'intimidation et de détention arbitraire. Le plaignant alléguait en outre l'abolition de la Déclaration des Droits, telle que contenue dans la Constitution gambienne de 1970, par le Décret militaire n°30/31, évinçant la compétence des tribunaux à examiner ou à remettre en cause la validité de ce Décret. La communication alléguait l'interdiction aux partis politiques et aux ministres de l'ancien gouvernement civil de prendre part à toute activité politique. La communication alléguait en outre de restrictions à la liberté d'expression, de circulation et de religion. Ces restrictions se manifestaient, selon le plaignant, par l'arrestation et la détention sans accusation, des enlèvements, de torture et l'incendie d'une mosquée.

65. Dans le cas Jawara, la Commission a conclu que « le plaignant, dans ce cas, a été renversé par les militaires, il a été jugé par contumace, les anciens ministres et membres du Parlement de son gouvernement ont été détenus et la terreur et la peur pour la vie sévissaient dans le pays. La peur généralisée perpétrée par le régime, telle qu'alléguée par le plaignant, ne fait aucun doute. Le sentiment suscité non seulement dans l'esprit de l'auteur mais dans celui de toute personne sensée était que retourner dans son pays, à ce moment précis, pour quelque raison que ce soit, mettrait sa vie en péril. Dans ces circonstances, les recours internes ne peuvent être considérés disponibles pour le plaignant. » La Commission a enfin fait remarquer « ce serait un affront au sens commun et à la logique que de demander au plaignant de retourner dans son pays pour y épuiser les recours internes. »

66. Dans le cas Alhassan Abubakar, il devrait être rappelé que M. Alhassan Abubakar était un citoyen ghanéen arrêté par les autorités ghanéennes dans les années 1980 au motif qu'il aurait collaboré avec des dissidents politiques. Il avait été détenu sans accusation ni procès pendant plus de 7 ans jusqu'à son évasion depuis l'hôpital d'une prison le 19 février 1992 pour la Côte d'Ivoire. Après son évasion, sa soeur et son épouse qui étaient venues le voir en Côte d'Ivoire ont été arrêtées et détenues pendant deux semaines dans le but d'obtenir des renseignements sur l'endroit où vivait le plaignant. Le frère du plaignant l'a informé que la police avait reçu de fausses informations sur son retour et avait, à plusieurs occasions, entouré sa maison, l'avait perquisitionnée et avait fini par le rechercher dans le village de sa mère.

67. Au début de l'année 1993, le HCR en Côte d'Ivoire a informé le plaignant qu'un rapport avait été reçu du Ghana, lui assurant qu'il pouvait rentrer librement, sans risque d'être poursuivi ni de fuir la prison. Le rapport indiquait également que tous les détenus politiques avaient été libérés. Le

plaignant, quant à lui, maintenait qu'il existe une loi au Ghana infligeant aux évadés des peines de 6 mois à 2 ans de prison, que les causes de la détention dont ils se sont évadés soit légitimes ou non. Sur ce postulat, la Commission a considéré que

« considérant la nature de la plainte, il ne serait pas logique de demander au plaignant de retourner au Ghana pour y chercher un recours auprès des autorités juridiques nationales. En conséquence ; la Commission ne considère pas que les recours internes soient disponibles pour le plaignant. »

68. Dans Rights International c/ Nigeria, la victime, un certain M. Charles Baridorn Wiwa, étudiant nigérian à Chicago a été arrêtée et torturée dans un camp de détention militaire nigérian situé à Gokana. Il a été allégué que M. Wiwa avait été arrêté le 3 janvier 1996 par des soldats armés inconnus en présence de sa mère et d'autres membres de sa famille et qu'il était resté dans ledit camp de détention militaire du 3 au 9 janvier 1996. En détention, M. Wiwa avait été fouetté et placé dans une cellule avec quarante cinq autres détenus. Lorsqu'il a été identifié comme étant un parent de M. Ken Saro - Wiwa, il a été soumis à diverses formes de torture. Un certificat médical prouvant la torture physique de M. Wiwa était joint à la communication. Après 5 jours dans le camp de détention de Gokana, M. Wiwa a été transféré au State Intelligence Bureau (SIB) (Bureau de renseignements de l'Etat) à Port Harcourt. M. Wiwa y a été détenu du 9 au 11 janvier 1996, sans voir d'avocat ni de parents, si ce n'est un entretien dequelques minutes avec son grand père. Le 11 janvier 1996, M. Wiwa et 21 autres Ogonis ont comparu devant la Magistrate Court 2 de Port Harcourt, sous l'accusation de réunion interdite en violation de la Section 70 des Criminal Code Laws de l'Eastern Nigeria 1963. M. Wiwa s'est vu accorder une liberté provisoire sous caution mais, à ce moment-là, des inconnus, estimés être des agents du gouvernement, l'ont enlevé et ont menacé sa vie en le faisant monter de force dans une voiture à Port Harcourt. Sur avis d'avocats des droits de l'homme, M. Wiwa a fui le Nigeria le 18 mars 1996 pour Cotonou, République du Bénin, où le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés l'a déclaré réfugié. Le 17 septembre 1996, le gouvernement des Etats-Unis lui a accordé le statut de réfugié et il réside dans ce pays depuis lors.

69. Dans ce cas, la Commission Africaine a déclaré la communication recevable au motif qu'il n'existait pas de recours internes disponibles et efficaces pour les violations des droits de l'homme au Nigeria sous le régime militaire. Elle a en outre affirmé que « la norme d'épuisement des recours internes est satisfaite lorsqu'il n'existe pas de recours adéquat ou efficace disponible pour l'individu. Dans ce cas particulier ... M. Wiwa ne pouvait poursuivre aucun recours interne après sa fuite par crainte pour sa vie vers la République du Bénin et l'octroi ultérieur du statut de réfugié par les Etats-Unis d'Amérique. »

70. La communication à l'étude doit également être différenciée de Gabriel Shumba c/ République du

Zimbabwe13. Dans le cas Shumba, le plaignant, M. Gabriel Shumba, alléguait qu'en présence de 3 autres : Bishop Shumba, Taurai Magayi et Charles Mutama il recevait des instructions de l'un de ses clients, un certain M. John Sikhala, dans une affaire ayant trait à une allégation de harcèlement politique par des membres de la Zimbabwe Republic Police (ZRP). M. John Sikhala est Membre du Parlement au sein du Movement for Democratic Change (MDC), parti d'opposition au Zimbabwe. Vers 23h00, des policiers anti-émeute, des policiers en tenue civile et des personnes identifiées comme appartenant à la Central Intelligence Organization ont pris la pièce d'assaut et arrêté toutes les personnes présentes. Au cours de l'arrestation, le certificat de pratique du droit du plaignant, l'agenda, les fichiers,

les documents et les téléphones cellulaires ont été confisqués et il a reçu plusieurs gifles et plusieurs coups de pied par, notamment, le responsable du Commissariat de Police Saint Mary.

71. Le plaignant et les autres ont été emmenés au Commissariat de police Saint Mary où il a été détenu sans accusation et s'est vu refuser l'accès à un représentant légal. On lui a également refusé de manger et de boire de l'eau. Le plaignant a déclaré que, le jour suivant son arrestation, il a été sorti de la cellule, une cagoule placée sur la tête, et conduit vers un endroit inconnu où on l'a fait descendre dans un endroit faisant penser à un tunnel ou une pièce en sous-sol. Da cagoule a été retirée, il a été entièrement dévêtu et ses mains et pieds ont été liés en position foetale avec une planche placée entre ses jambes et ses bras. Dans cette position, le plaignant a été interrogé et menacé de mort par environ15 interrogateurs. Le plaignant a en outre allégué qu'il avait aussi été électrocuté par intermittence pendant 8 heures et qu'une substance chimique avait été appliquée sur son corps. Il a perdu le contrôle de ses fonctions corporelles, il a vomi du sang et il a été forcé de boire son vomi. Le plaignant a présenté une copie certifiée d'un rapport médical décrivant les blessures trouvées sur son corps. Après son interrogation à environ 19h00 le même jour, le plaignant a été détaché et contraint d'écrire plusieurs déclarations l'impliquant lui-même et plusieurs membres supérieurs du MDC dans des activités subversives. A environ 19h3, il a été conduit au commissariat de Harare et mis en cellule. Le troisième jour de son arrestation, ses avocats qui avaient obtenu une injonction du tribunal ordonnant sa libération ont pu avoir accès à lui. Le plaignant a été par la suite accusé aux termes de la Section 5 du Public Order and Security Act (loi sur l'ordre public et la sécurité) ayant trait à l'organisation, la planification et la conspiration visant à renverser le gouvernement par des moyens inconstitutionnels. Il a ensuite fui le Zimbabwe par crainte pour sa vie.

72. Les quatre cas ci-dessus ont une chose en commun : un établissement clair de l'élément de peur perpétré par des institutions identifiées de l'Etat, peur que, dans le cas Jawara, la Commission avait considéré comme susceptible «d'inverser le cours de la justice en demandant que le plaignant tente des recours internes ». Dans le cas Shumba, l'Etat n'a jamais réfuté les allégations de torture ou l'authenticité des rapports médicaux mais a simplement argué que le plaignant aurait pu saisir les tribunaux locaux pour demander réparation.

73. Dans le cas en considération, le plaignant, M. Obert Chinhamo a présenté une représentation graphique des conditions de détention, dont le préjudice pour le fond de la communication peut être qualifié d'inhumain et dégradant. Il a également indiqué des cas d'allégations, d'intimidation et de harcèlement par des agents de l'Etat.

74. Toute personne raisonnable serait préoccupée et effrayée pour sa vie si des agents de la sécurité de l'Etat s'immisçaient dans ses activités quotidiennes. Le plaignant avait toutes les raisons d'être préoccupé pour sa sécurité et celle de sa famille. Il devrait être toutefois noté que le plaignant n'a identifié aucun des hommes le suivant comme étant des agents de l'Etat. Selon ses observations, les personnes qui le harcelaient étaient anonymes, inconnues ou des membres présumés de la Central Intelligence Organization (CIO) et, dans certains cas, il a simplement remarqué des hommes inconnus près de chez lui ou de son lieu de travail.

75. Il est ici particulièrement important de remarquer que, malgré toutes les menaces, le harcèlement, les appels téléphoniques et la surveillance alléguée d'agents de l'Etat défendeur, le plaignant choisisse de n'en rien rapporter à la police. Dans ses observations, il n'a pas indiqué

pourquoi il n'avait pas soumis l'affaire aux investigations de la police mais pourquoi il avait préféré en rendre compte à ses employeurs et à ses avocats. De l'avis de la Commission, le plaignant n'a pas étayé ses allégations de faits. Et même si, par exemple, la détention du plaignant équivalait à une torture psychologique, il ne pouvait s'agir de menaces de mort le poussant à fuir pour sauver sa vie. Hormis les allégations de conditions inhumaines dans lesquelles il a été détenu, il n'existe aucune indication d'abus physiques comme dans les cas Shumba et Rights International cases.

76. Le plaignant a porté des accusations générales et n'a pas corroboré ses allégations par des preuves documentaires, des déclarations sous serment ou des témoignages d'autres personnes. Il n'a pas démontré, comme dans les autres cas susmentionnés, que le danger dans lequel il se trouvait nécessitait sa fuite du pays. Sans preuve concrète à l'appui des allégations du plaignant, la Commission ne peut pas considérer l'Etat défendeur responsable du harcèlement, des intimidations et des menaces que le plaignant à subis et qui l'ont fait fuir le pays par peur pour sa vie. Cela d'autant plus que le plaignant ne s'est jamais soucié de rapporter ces incidents à la police ou de les soulever devant le magistrat lorsqu'il a comparu quatre fois devant le tribunal du défendeur.

77. La question est toutefois de savoir si, ayant quitté le pays, le plaignant avait épuisé les recours internes ou encore s'il devait encore épuiser ces recours internes.

78. La première condition d'acceptation d'un recours interne est qu'il soit disponible pour être épuisé.

Le mot «disponible» signifie «immédiatement susceptible d'être obtenu; accessible»;14 ou «atteignable,
joignable, à la demande, sous la main, prompt, présent; . . . pratique, à son service, à sa disposition,

au doigt et à l'oeil.»15

79. Selon la Commission Africaine, un recours est considéré disponible si le demandeur peut le

poursuivre sans obstacles ou s'il peut en user dans les circonstances de son cas.16 Existait-il des recours disponibles, même depuis l'extérieur de l'Etat défendeur ?

80. L'Etat indique qu'aux termes de ses lois, le plaignant n'a pas besoin d'être physiquement présent dans le pays pour avoir accès aux recours internes, en ajoutant que le High Court Act et le Supreme Court Act autorisent toute personne à introduire une demande à l'une ou l'autre Cour à travers son avocat. Pour étayer cela, l'Etat a cité le cas Ray Choto et Mark Chavhunduka où les victimes ont été torturées par des agents de l'Etat et où elles ont demandé une réparation alors qu'elles se trouvaient toutes les deux aux Royaume-Uni et que leur réclamation a abouti. L'Etat a conclu qu'il n'est pas interdit au plaignant de poursuivre des recours de façon similaire.

81. Le plaignant ne conteste pas la disponibilité de recours internes dans l'Etat défendeur mais il argue que, dans son cas particulier, ayant fui le pays par crainte pour sa vie et se trouvant aujourd'hui hors du pays, les recours internes ne lui sont pas disponibles.

82. La Commission Africaine est d'avis que n'ayant pas réussi à établir qu'il a fui le pays contre sa volonté en raison d'agissements de l'Etat défendeur et qu'au regard de la loi du Zimbabwe, il n'est pas nécessaire de se trouver physiquement dans le pays pour avoir accès aux recours internes, le plaignant ne peut pas prétendre que les recours internes ne lui étaient pas disponibles.

83. Le plaignant soutient que, même si les recours internes étaient disponibles, ils n'étaient pas efficace parce que l'Etat a tendance à ignorer les décisions des tribunaux rendues à son encontre, en citant notamment la décision de la Haute Cour dans les cas Commercial Farmers Union et Ray Choto et Mark Chavhunduka et il a ajouté que Zimbabwe Lawyers for Human Rights a identifié au moins 12 cas dans lesquels l'Etat a ignoré les décisions des tribunaux depuis 2000.

84. La Commission exige généralement que les plaignants énoncent, dans leurs observations, les mesures qu'ils ont prises pour épuiser les recours internes. Ils doivent fournir une preuve prima facie de tentative d'épuisement des recours internes. Le Comité des droits de l'homme a déclaré que le simple fait qu'un recours interne soit peu pratique ou peu attrayant ou qu'il ne produise pas un résultat favorable au demandeur ne démontre pas, en soi, l'absence d'épuisement de tous les recours

efficaces.17 Dans sa décision dans A c/ Australie,18 le Comité a considéré que « de simples doutes
sur l'efficacité des recours internes ou la perspective de coûts financier impliqués n'absolvaient pas

l'auteur de poursuivre ces recours. »19

85. La Cour européenne des droits de l'homme, pour sa part, a considéré que, même si les demandeurs ont des raisons de croire que les recours internes et les appels possibles disponibles seront inefficaces, ils devraient les rechercher dans la mesure où « il incombe généralement à un individu lésé de donner aux tribunaux internes l'opportunité d'élaborer à partir des droits existants en en

faisant une interprétation. »20 Dans l'Article 19 c/ Erythrée,21 la Commission a considéré que «il incombe au plaignant de prendre toutes les mesures nécessaires pour épuiser, ou au moins tenter d'épuiser, les recours internes. Il ne suffit pas que le plaignant dénigre l'aptitude des recours internes de l'Etat en se fondant sur des cas isolés ».

86. De l'analyse qui précède, la Commission est d'avis que le plaignant a ignoré d'utiliser les recours internes qui lui étaient disponibles dans l'Etat défendeur qui, s'ils les avaient tentés, auraient pu apporter une résolution satisfaisante à la plainte.

87. La troisième question litigieuse entre le plaignant et l'Etat défendeur est la disposition de l'Article 56(6) de la Charte qui dispose que « les communications reçues par la Commission seront examinées si elles sont introduites dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ... »

88. La présente communication a été reçue au Secrétariat de la Commission le 26 septembre 2005. Sa saisine a été examinée par la Commission en novembre 2005, soit dix mois après la fuite de son pays alléguée par le plaignant, le 12 janvier 2005.

89. La Commission prend note que le plaignant ne réside pas dans l'Etat défendeur et qu'il lui a fallu du temps pour s'installer dans la nouvelle destination avant d'introduire sa plainte devant la Commission. Même si la Commission devait adopter la pratique d'autres organes régionaux de considérer que six mois sont un délai raisonnable pour présenter des plaintes, compte tenu de la nature du cas du plaignant qui se trouve dans un autre pays, il serait important, dans un souci d'équité et de justice, de considérer qu'un délai de dix mois est raisonnable. La Commission ne considère donc pas que la communication a été présentée contrairement à la sous-section 6 de l'Article 56.

90. Enfin, l'Article 56(7) dispose que la communication ne doit pas concerner des cas sui ont été réglés conformément, soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de la Charte de l'OUA et soit des dispositions de la Charte africaine. Dans le cas présent, l'affaire n'a pas été réglée par l'une de ces organismes internationaux, d'où la satisfaction des exigences de l'Article 56(7) par le plaignant.

La Commission africaine trouve que dans la présente Communication 307/05- Obert Chinhamo c./ République du Zimbabwe, le plaignant n'a pas rempli les conditions de l'Article 56(5) de la Charte africaine, et par conséquence la déclare irrecevable.

Décision prise lors de la 42ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples tenue le 28 novembre 2007 à Brazzaville, République du Congo

ANNEXE 6 : EXTRAIT COMMUNIOCATION 293/2004- ZIMBABWE LAWYERS FOR HUMAN RIGHTS & INSTITUTE FOR HUMAN RIGHTS AND DEVELOPMENT /REPUBLIQUE DU ZIMBABWE

Le Droit

La Recevabilité

Observations des parties sur la recevabilité

37. L'Etat défendeur demande que la communication soit déclarée irrecevable car elle ne répondait pas aux exigences des Articles 56 (2), (3), (4) et (5).

38. L'Article 56(2) stipule que la communication devrait être compatible avec la Charte de l'OUA et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Selon l'Etat et citant la Fiche d'Information n° 3 de la Commission africaine : Procédure d'examen des communications, l'auteur d'une communication devrait faire des allégations précises des faits liés aux documents, si possible, et éviter de faire des allégations en termes vagues. L'Etat affirme que la plainte est écrite dans des termes généraux et ne fait aucune allégation précise. L'Etat fait en outre observer que les plaignants ont simplement allégué que l'Etat avait violé la Charte sans préciser quels droits avaient été violés, où ces violations avaient eu lieu et la date à laquelle elles avaient été perpétrées et que les plaignants n'ont pas donné les noms des victimes.

39. Les plaignants soutiennent que, quatre ans après les élections, la Cour suprême et la Haute Cour n'ont pas pu apporter une solution efficace et rapide. La Haute Cour avait initialement désigné trois juges pour traiter les affaires. L'un des juges a démissionné, faisant état de menaces dont il a fait l'objet après avoir rendu un jugement en faveur de l'opposition. Les trois juges ont été remplacés et les affaires n'ont pas été réglées. Les violations qui ont eu lieu durant la période des élections n'ont pas été abordées depuis plus de quatre ans.

40. Les plaignants affirment, en revanche, que la communication détaille les infractions aux dispositions de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et, selon eux, une violation apparemment fondée des droits de l'homme, et ils allèguent que la communication remplit la condition de l'Article 56 (2) de la Charte.

41. Eu égard à l'Article 56 (3), l'Etat allègue que la communication est écrite dans un langage injurieux et désobligeant à l'encontre de l'Etat du Zimbabwe et de son appareil judiciaire. Il indique que les plaignants allèguent de l'incapacité de l'Etat à garantir l'indépendance et le fonctionnement approprié du Judiciaire et que le gouvernement n'a pas pu observer le principe de la séparation des pouvoirs. L'Etat allègue en outre que la communication prétend qu'un juge aurait démissionné à cause des pressions qu'il aurait subies à la suite d'une décision qu'il aurait rendue en faveur du MDC. L'Etat ajoute qu'aucun des juges n'a subi de représailles ou démissionné à la suite d'un jugement rendu et il conclut que la plainte déforme les faits et comporte de fausses informations qui sont insultantes pour l'Etat et son appareil judiciaire - destinées à jeter le discrédit sur l'Etat et que la communication n'est donc pas conforme aux dispositions de l'Article 56 (3) de la Charte

Africaine. Les plaignants affirment quant à eux que la communication n'est pas rédigée dans un langage injurieux et désobligeant et qu'aucun terme outrageant ou insultant à l'égard du gouvernement de la République du Zimbabwe, de ses institutions ou de l'Organisation de l'Unité africaine n'a été utilisé et, à ce titre, que la communication est conforme aux dispositions de l'article 56 (3).

42. L'Etat allègue en outre que la communication est fondée sur des informations diffusées par les mass médias ou relevant de l'imagination de l'auteur et, à ce titre, ne peut être reçue aux termes de l'Article 56(4) qui stipule que les communications ne devraient pas être exclusivement fondées sur des nouvelles diffusées par les mass médias. L'Etat ajoute que la communication ne mentionne pas qui a fait l'objet de discriminations ou dans quel cas une partie aurait été discriminée, ni par quel juge. La plainte est donc illusoire et ne devrait pas être recevable. Les plaignants, pour leur part, allèguent que la communication comporte une compilation de déclarations sous serment et de demandes de la Haute Cour et de la Cour Suprême du Zimbabwe.

43. Par rapport à l'épuisement des voies de recours internes, l'Etat allègue que les plaignants n'ont pas épuisé les recours internes disponibles, en faisant observer que les requêtes en contestation d'élections sont traités rapidement et que toutes les requêtes des plaignants ont été traitées, certaines ayant été rejetées, d'autres retirées. L'Etat indique qu'il n'a rien fait pour en gêner le processus, comme allégué par les plaignants et fait observer, qu'en cas de non-exécution, les parties à la requête peuvent se rapprocher du Juge Président ou du Premier Juge et que le gouvernement n'a aucun rôle à jouer dans les requêtes en contestation d'élections. L'Etat fait remarquer que la plupart des requêtes introduites devant la Haute Cour ont été traitées en 2001 ; certaines ayant fait l'objet d'appels devant la Cour Suprême. Les plaignants soutiennent que l'exception à la règle doit s'appliquer à ce cas, dans la mesure où la procédure s'est prolongée de façon anormale. Ils prétendent que le retard apporté à la finalisation de la requête par la Cour Suprême et la Haute Cour était excessif et, selon les plaignants, ce retard justifie l'évocation de la règle d'exclusion de l'épuisement des voies de recours internes, vu qu'elles n'existent pas.

Décision de la Commission sur la recevabilité

44. Dans sa jurisprudence, la Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission) a articulé un cadre d'affectation de la charge de la preuve entre les plaignants/plaignants et les Etats défendeurs. Aux fins de saisine et de recevabilité, le plaignant ne doit présenter qu'un cas bien fondé (prima facie) et satisfaire aux conditions énoncées à l'Article 56 de la Charte pour ce qui concerne la recevabilité. Une fois cela fait, il incombe alors à l'Etat défendeur de présenter des réponses spécifiques et des preuves réfutant chacune des assertions contenues dans les observations du plaignant.

45. Dans la présente communication, les plaignants soutiennent que les conditions de recevabilité de l'Article 56 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ont été remplies alors que l'Etat allègue que certaines ne l'ont as été, en particulier l'Article 56 (2), 3, 4 et 5. Concernant la conformité de la communication à l'Article 56(2), la Commission africaine fait observer que la communication établit une violation apparemment fondée des dispositions de la Charte Africaine et qu'elle est donc compatible à la fois à l'Acte constitutif et à la Charte Africaine. La communication allègue de retards excessifs dans le traitement des requêtes en

contestation d'élection et, en conséquence, d'une violation du droit à un procès équitable aux termes de l'Article 7(1) (d) et à la participation au gouvernement aux termes de l'Article 13 de la Charte. Il est difficile de prouver l'incompatibilité invoquée par l'Etat.

46. L'Article 56 (3) requiert que la communication ne contienne pas des termes insultants ou outrageants L'Etat allègue qu'en déclarant que l'Etat a manqué de garantir l'indépendance et le fonctionnement approprié du Judiciaire et que le gouvernement n'a pas observé le principe de la séparation des pouvoirs, les plaignants ont tenu un langage injurieux. L'Etat allègue en outre que la communication prétend qu'un juge aurait démissionné à cause des pressions qu'il aurait subies à la suite d'une décision qu'il aurait rendue en faveur du MDC. L'Etat conclut que la plainte donne une fausse représentation des faits et qu'elle comporte de fausses informations qui sont insultantes pour l'Etat et son appareil judiciaire - destinées à jeter le discrédit sur l'Etat et que la communication n'est donc pas compatible avec les dispositions de l'Article 56 (3).

47. La question fondamentale qui n'a pas été abordée dans la présente communication est de savoir dans quelles limites il est possible de critiquer l'appareil judiciaire ou les institutions de l'Etat en général au nom de la liberté d'expression, et si la déclaration faite par le plaignant constitue un langage outrageant ou insultant au sens de l'Article 56 (3) de la Charte Africaine. En réalité, la communication invite la Commission à préciser la relation entre la liberté d'expression et la protection de la réputation des institutions de l'Etat.

48. Les termes performatifs du sous paragraphe 3 de l'Article 56 sont outrageants et insultants et ils doivent être dirigés contre l'Etat partie concerné ou ses institutions ou l'Union Africaine. Selon le Oxford Advanced Dictionary, outrageant signifie parler avec mépris de... ou traiter à la légère.... et insultant signifie agresser avec mépris ou offenser l'estime de soi ou la pudeur de ...

49. L'appareil judiciaire est une institution très importante dans tous les pays et ne peut fonctionner convenablement sans le soutien et la confiance du public. En raison de l'importance de préserver la confiance du public dans le Judiciaire et de la réserve nécessaire pour qu'il puisse jouer son rôle d'arbitre, des mesures de protection spécifiques existent depuis de nombreux siècles pour protéger le Judiciaire de toute diffamation. L'un de ces dispositifs de protection est de décourager les remarques et les termes insultants ou outrageants visant à ridiculiser ou jeter le discrédit sur le processus judiciaire.

50. La liberté d'exprimer ses opinions et de débattre de la conduite des affaires publiques par le Judiciaire ne signifie pas que des attaques, calomnieuses ou non, puissent être autorisées à l'encontre du Judiciaire en tant qu'institution ou à l'encontre des officiers de la justice pris individuellement. Une distinction claire ne peut être établie entre les critiques acceptables du Judiciaire et les déclarations portant directement préjudice à l'administration de la justice. Les déclarations concernant les officiers de justice dans l'exécution de leurs charges judiciaires ont, ou peuvent avoir, un impact beaucoup plus important que le fait de simplement blesser leurs sentiments ou d'attaquer leur réputation. En raison des graves implications de la perte de confiance du public dans l'intégrité des juges, les commentaires publics visant à jeter le discrédit sur le Judiciaire ont toujours été jugés avec réprobation.

51. En déterminant si une remarque particulière est outrageante ou insultante et si elle a terni l'intégrité du Judiciaire ou une autre institution de l'Etat, la Commission doit vérifier si ladite remarque ou ledit langage visent à violer illégitimement ou intentionnellement la dignité, la réputation ou l'intégrité d'un officier ou d'un organe de justice et s'ils sont utilisés de manière calculée pour polluer l'esprit du public ou de toute personne raisonnable afin de jeter le discrédit et d'affaiblir la confiance du public dans cette institution. Le langage doit viser à saper l'intégrité et le statut de l'institution et à jeter le discrédit sur elle.

52. A cet égard, l'Article 56 (3) doit être interprété en gardant à l'esprit l'Article 9 (2) de la Charte Africaine qui dispose que « toute personne a le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et des règlements. » Un équilibre doit être trouvé entre le droit de s'exprimer librement et le devoir de protéger les institutions de l'Etat pour veiller à ce que, tout en décourageant les abus de langage, la Commission africaine ne soit pas par ailleurs en train de violer ou de freiner la jouissance d'autres droits garantis par la Charte Africaine tels que, en l'espèce, le droit à la liberté d'expression.

53. L'importance du droit à la liberté d'expression a été pertinemment déclarée par la

Commission Africaine dans les communications 140/94, 141/94, 145/94 contre le Nigeria56 où elle a considéré que la liberté d'expression est : Un droit humain fondamental, vital pour le développement personnel et la conscience politique de l'individu et pour sa participation à la conduite des affaires publiques de son pays. Les individus ne peuvent participer pleinement et équitablement au fonctionnement de leur société s'ils doivent vivre dans la peur d'être persécutés par les autorités de l'Etat du fait d'exercer leur droit à la liberté d'expression. L'Etat doit faire observer, protéger et garantir ce droit s'il souhaite s'engager de manière honnête et sincère dans la démocratie et la bonne gouvernance.

54. Au fil des ans, la distinction devant être établie entre critiques authentiques du Judiciaire et langage insultant s'est amenuisée. Avec la progression de la politique des droits de l'homme, de la bonne gouvernance, de la démocratie et des sociétés libres et ouvertes, le public doit établir un équilibre entre la question de la libre expression et la protection de la réputation des institutions de l'Etat telles que le Judiciaire. Lord Atkin a défini la relation fondamentale entre ces deux valeurs dans Ambard c/ A-G de Trinidad et Tobago (1936) 1 All ER 704 at 709 dans les termes suivants :... mais lorsqu'il s'agit de l'autorité et de la position d'un juge particulier ou de la bonne administration de la justice, il n'y a aucun mal si un membre du public exerce le droit ordinaire de critiquer de bonne foi, en privé ou en public, l'action de la justice. Le chemin de la critique est une voie publique ... La justice n'est pas une vertu cloîtrée : elle doit pouvoir être soumise à un regard scrutateur et aux commentaires respectueux, voire même crus,
des gens ordinaires.

55. Dans la présente communication, l'Etat défendeur n'a pas établi comment, en déclarant que le gouvernement n'a pas observé le principe de la séparation des pouvoirs et qu'un juge avait démissionné sous les pressions consécutives à une décision qu'il aurait rendue en faveur du MDC, le plaignant avait porté le discrédit sur le Judiciaire et le gouvernement. L'Etat n'a pas démontré l'effet adverse de cette déclaration sur le Judiciaire en particulier et les institutions de l'Etat dans leur globalité. L'Etat n'apporte aucune preuve pour démontrer que ces déclarations

auraient été de mauvaise foi ou calculées pour empoisonner l'esprit du public à l'encontre du gouvernement et de ses institutions.

56. La Commission africaine ne considère donc pas qu'il y ait eu langage outrageant ou insultant à l'encontre du gouvernement de la République du Zimbabwe, de ses institutions ou de l'Union Africaine. La Commission africaine est également d'avis que la communication est conforme à l'Article 56(4) qui stipule que les communications ne devraient pas être exclusivement fondées sur des nouvelles diffusées par les médias. La présente communication comporte une compilation de déclarations sous serment et de demandes de la Haute Cour et de la Cour Suprême du Zimbabwe.

57. Concernant l'Article 56 (5) ayant trait à l'épuisement des recours internes, les plaignants invoquent que l'exception à la règle s'applique sur la base d'une prolongation anormale de la procédure. Ils allèguent que le retard dans la finalisation des requêtes par la Cour Suprême et la Haute Cour est irraisonnable et autorise, selon les plaignants, l'invocation de la règle d'exception à l'épuisement des recours internes comme non existants.

58. Ce qui constitue la prolongation de façon anormale de la procédure aux termes de l'Article 56 (5) n'a pas été défini par la Commission Africaine. Il n'existe donc pas de critères standards employés par la Commission Africaine pour déterminer si un processus a été indûment prolongé et la Commission a donc tendance à traiter chaque communication sur le fond. Dans certains cas, la Commission tient compte de situation politique prévalant dans le pays, de l'historique judiciaire du pays et dans d'autres, de la nature de la plainte.

59. L'objet de la présente communication est la validité des résultats électoraux. Les résultats électoraux sont supposés être rendus le plus rapidement possible de manière à permettre aux concurrents de connaître les résultats. Dans la plupart des juridictions, en raison de la nature même des élections, des mécanismes sont mis en place pour assurer que les résultats soient donnés le plus rapidement possible et que, quelles que soient les réclamations présentées par les concurrents évincés, ils soient traités avec diligence.

60. L'exception visée à l'Article 56 (5) exige que le processus doive non seulement se prolonger mais qu'il doive l'avoir été « indûment. » Indûment signifie « excessivement » ou « de façon injustifiable. » Donc, s'il y a une raison justifiable pour prolonger l'affaire, elle ne peut être qualifiée de « indue. » A titre d'exemple, lorsque le pays est pris dans une agitation civile ou une guerre ou lorsque le retard est en partie causé par la victime, sa famille ou ses représentants. Si la Commission n'a pas élaboré de norme déterminant ce que signifie « prolongé de façon anormale », elle peut être guidée par les circonstances entourant le cas et par la doctrine de la common law du « test de l'homme raisonnable. » A cet égard, le tribunal cherche à découvrir, compte tenu de la nature et des circonstances entourant un cas particulier, quelle serait la décision d'un homme raisonnable.

61. Ainsi, étant donné la nature de la présente communication, un homme raisonnable conclurait-il que l'affaire a été prolongée de façon anormale ? A tous égards, la réponse serait oui. Plus de quatre ans après l'introduction des requêtes en contestation d'élection, les tribunaux de l'Etat défendeur ne sont pas parvenus à statuer et les fonctions que les victimes contestent sont toujours occupées et leurs mandats sont presque arrivés à terme.

Pour les raisons qui précèdent, la Commission africaine considère que la communication est compatible avec l'exception à la règle de l'Article 56 (5) et les autres conditions requises de l'Article 56 et la déclare donc recevable.

TABLE DE MATIÈRES

DEDICACES i

REMERCIEMENTS ii

AVERTISSEMENT iii

LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES iv

SOMMAIRE vi

RESUME vii

ABSTRACT viii

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

A - CONTEXTE DE L'ÉTUDE 4

B - DÉLIMITATION DU SUJET 10

B - DÉFINITION DES TERMES OU CONCEPTS 11

D - INTÉRÊT DU SUJET 15

E- PROBLÉMATIQUE 16

F - HYPOTHÈSE DE RECHERCHE 17

G - DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE. 17

H - ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN 19

PREMIÈRE PARTIE: LA RÉAFFIRMATION D'UNE DÉFINITION FONCTIONNELLE
DE LA RÈGLE. 21

CHAPITRE I : LA GARANTIE DU PRINCIPE DE LA PRIMAUTÉ DE LA PROTECTION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME. 23

SECTION I : UNE CONSÉCRATION TACITE DU PRINCIPE DE LA SOUVERAINETÉ DES ÉTATS 23

Paragraphe I : Le respect de la juridiction souveraine des États. 24

A - La référence aux fonctions de la règle en droit international général 24

1 - Le principe de souveraineté en droit international général 25

2 - Le rôle de la règle dans la pratique de l'arbitrage international et de la protection diplomatique. 26

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon