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L'identité cosmopolitique. Etude de cas: citoyens du monde

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par Sebastian Peà±a Marin
Université de Poitiers - Master I Conception de projets en coopération pour le développement 2010
  

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b) Universalisme, race, ethnie et citoyenneté : réalité et fiction de l'appartenance

Nous ne pouvons pas aborder le sujet de la race, de l'ethnie et de la citoyenneté sans faire au moins référence à leur toile de fond : l'idéologie universaliste. L'universalisme est un sujet très vaste et mériterait des centaines et des milliers pages, au-delà que ce qui

24 Gil Delannoi, Sociologie de la nation. Fondement théoriques et expériences historiques, Paris, Ed Armand Colin, 1999

25 Idem

lui a déjà été consacré. Toutefois, il n'y a pas d'intérêt à l'aborder dans toute son étendue et sa complexité puisqu'on finirait probablement par se perdre en cours de route. Nous allons tout simplement dégager les éléments principaux afin de comprendre dans quelle mesure la construction sémantique de la race, de l'ethnie et de la citoyenneté est influencée par cette catégorie historique qui a façonné la pensée occidentale.

La doctrine universaliste promeut un principe suprême d'égalité entre les hommes, dont les Droits de l'Homme, par exemple, font partie. Nous pouvons identifier sa source dans des aspects de la pensée monothéiste chrétienne qui se sont reconverties à l'économie-monde capitaliste. Dieu est unique, et il règne sur l'espèce humaine, laquelle est également unique, ce système de pensée reconnait ainsi l'unicité de l'humanité. Les Lumières au XVIIIème siècle auraient laïcisé cette maxime en faisant émaner l'égalité morale et les droits de l'homme de la nature humaine elle-même, nos droits deviennent donc ainsi des droits naturels qui font partie intégrante de la condition humaine. L'époque moderne a été ainsi marquée par la proclamation de l'égalité entre les hommes, refusant toute différence substantielle entre les hommes du fait d'une nature humaine commune.

Il peut paraitre paradoxal de baser des différences sur un principe d'égalité, et cela l'est d'une certaine façon. La contrepartie de cet altruisme universaliste d'inspiration humaniste est qu'il porte en lui un fort caractère évolutionniste, il suppose une évolution unilinéaire de la culture en tant qu'attribut universel de l'Homme : dans le sommet de cette évolution se trouve ni plus ni moins la culture européenne (Incarnée par la République dans le cas de la France). Cette vision hiérarchisante de la nature humaine n'est pas sans conséquences. Les campagnes de colonisation par exemple ont été justifiées moralement et idéologiquement par les principes de l'Universalisme républicain. En effet, la démarche est fondée sur l'idée qu'il faut amener les « autres races » vers le stade supérieur de la modernité, de la technique, de la démocratie, du progrès économique et vers tous ce qui est susceptible d'appartenir substantiellement aux aspects les plus illustres de notre civilisation et qui sont, en même temps, voués à toute l'humanité. « Les Lumières fournirent plusieurs idées nouvelles au discours racial, en premier lieu l'accent mis de nouveau sur l'idée de hiérarchie. Toutes les races appartenaient à l'humanité, mais elles n'étaient, bien sûr, pas toutes égales. Les écrivains du XVIIIe siècle soulignaient les différences humaines comme susceptibles de

développement, non immuables, les races moins avancées pouvant graduellement progresser et accéder à la civilisation. Par exemple, ils tendaient à remplacer le terme de « sauvage » par celui de « primitif », considérant les non-Blancs comme moins évolués que les Blancs 26».

« Race », voilà le mot peut-être le plus maudit du XXème siècle, qui porte en lui la plus grande des croix. Le concept de race a réussi à canaliser les instincts les plus ignobles et à donner un support idéologique tordu à la haine et à la xénophobie.

D'où vient ce mot et qu'est-ce qu'il veut dire? Cela peut paraitre surprenant, mais on a dressé le rapport à la différence sur quelque chose qui n'existe même pas. Cette terminologie est source d'énormes controverses lorsqu'on l'applique à l'espèce humaine. Aujourd'hui, la race n'est reconnue en tant que critère d'analyse ni par la sociologie, ni par la biologie. On trouvera malheureusement toujours des pseudo-scientifiques bornés qui affirment que la race existe, et qu'il suffit de regarder, qu'il y a des « noirs » et des « blancs », mais ce n'est pas aussi simple. Nous allons laisser tout cela pour le réconfort de la médiocrité intellectuelle des partisans du Front national.

La perception actuelle que l'on a de la « race » vient de l'anthropologie physique du début du XIX siècle27. L'anthropologie physique est la science qui étudie la diversité de la morphologie et de la physiologie des groupes humains, elle cherchait une explication aux différences sociales des hommes et elle a avancé la conclusion que les différences culturelles, sociales ou historiques sont symbolisées par les traits physiques. « L'anthropologie physique cherchait à constituer des classes d'animaux humains qui correspondent à une classification en type de civilisation ». Au XIXème siècle, « race » désignait donc une totalité somatico-sociale et c'est là où réside la thèse fondamentale du racisme théorique : la variété de formes culturelles est fondée et expliquée par la variété de formes physiques.

Bien que beaucoup de travaux aient montré que la causalité raciale « n'avait aucun sens » et que la race n'existait pas au sens strict, l'erreur s'est perpétuée. Comprendre

26 Tyler Stovall « Universalisme, différence et invisibilité. Essai sur la notion de race dans l'histoire de la France contemporaine ». Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique. Numéro 96-97 (2005).

27 Pierre Morel, L'anthropologie physique, Paris, Presses universitaires de France, Que Sais-Je ? 1962

que la source généalogique de l'acception moderne du mot race se trouve dans l'anthropologie physique n'explique pas le pourquoi de sa persistance dans la croyance commune. En effet, l'erreur s'est poursuivie comme si elle nous arrangeait, et en réalité, c'est le cas.

Nous allons exposer deux raisons de ce fait de persistance de la notion de race. A la base ces perceptions sont distinctes, mais elles trouvent leur point de convergence dans les pratiques sociales.

Nous pouvons entrevoir de quelle façon le concept de nation établit un jeu douteux d'association avec celui de race : la nation en tant qu'allégorie de la race, une pureté ancestrale qui vient des temps immémoriaux, héritée et inhérente à la création des espèces, qui mérite donc d'être sauvegardée. En effet, l'idée de nation cherche dans la race un fondement anthropologique, comme si la nation était l'aboutissement d'une sélection naturelle, pourtant « les nations ne constituent pas une version politique de la doctrine des espèces naturelles 28» nous rappelle Ernest Gellner.

Ernest Renan nous amène de nouveaux éléments à ce sujet dans le cas européen, « La conscience instinctive qui a présidé à la confection de la carte d'Europe n'a tenu aucun compte de la race, et les premières nations de l'Europe sont des nations de sang essentiellement mélangé »... « Un Anglais est bien un type dans l'ensemble de l'humanité. Or le type de ce qu'on appelle très improprement la race anglo-saxonne n'est ni le Breton du temps de César, ni l'Anglo-Saxon de Hengist, ni le Danois de Knut, ni le Normand de Guillaume le Conquérant ; c'est la résultante de tout cela. Le Français n'est ni un Gaulois, ni un Franc, ni un Burgonde. Il est ce qui est sorti de la grande chaudière où, sous la présidence du roi de France, ont fermenté ensemble les éléments les plus divers », il continue, la race « ... n'a donc été pour rien dans la constitution des nations modernes. La France est celtique, ibérique, germanique. L'Allemagne est germanique, celtique et slave. L'Italie est le pays où l'ethnographie est la plus embarrassée. Gaulois, Étrusques, Pélasges, Grecs, sans parler de bien d'autres éléments, s'y croisent dans un indéchiffrable mélange... », « ...La vérité est qu'il n'y a pas de race pure et que faire reposer la politique sur l'analyse ethnographique, c'est la faire porter sur une chimère.

28 Ernest Gellner, Nations et nationalismes, Paris, Ed Payot 1999

Les plus nobles pays, l'Angleterre, la France, l'Italie, sont ceux où le sang est le plus mêlé 29»

Il nous parait judicieux de faire une petite parenthèse afin d'expliquer le contexte historique où se situe le célèbre discours d'Ernest Renan. En effet, le discours de ce dernier se place dans une dichotomie conceptuelle qui affronte deux théories de la nation. Fisher, son homologue allemand, propose une définition basée principalement sur des critères ethnique qui légitiment l'annexion de l'Alsace-Loraine par l'Allemagne. Renan défend une conception élective de la nation, selon lui la légitimité politique de la nation repose sur la volonté des citoyens de vivre ensemble, le sentiment d'appartenance prime sur les considérations d'ordre ethnique, autrement dit, il fait un appel à la conscience historique et à la communauté de destin.

Nous allons maintenant reprendre les réflexions de l'auteur Colette Guillaumin30, qui nous propose une toute autre explication du fait que la dichotomie race/société ne soit pas encore entrée dans le sens commun. En effet, dans la pensée occidentale, et cela se reflète dans les structures des langues, il existe une cohésion profonde entre nos systèmes de pensées et de représentations du somatique et du socio-psychologique. Il s'agit donc des caractéristiques propres de nos systèmes de représentation et de nos processus perceptifs, c'est pour cela que l'acte raciste est le même dans le fond mais sa forme change en fonction de contextes historiques et sociaux. Il s'agit d'une sorte de fatalité cognitive occidentale, un reflet symbolique propre de la « psychologie des sociétés », un problème au niveau de notre organisation inconsciente et de nos systèmes perceptifs.

La psycho-sociologie montre l'existence d'un fait race. C'est-à-dire que si la race n'existe pas objectivement, cela n'en détruit pas pour autant la réalité psychologique et sociale de la race. Il parait évident que les caractères physiques ne déterminent jamais les comportements sociaux. Le fait race (ou l'idée de race) serait une manifestation de la nature sociale de l'homme et de son désir de hiérarchisation. Les « noirs » du XVème siècle et les « noirs » du XXème par exemple ne désignent ni les mêmes personnes ni les mêmes civilisations. Le « peuple » fut le support de la première théorie des différences

29 Ernest Renan. Qu'est-ce qu'une nation ?, Paris, Ed Agora, Pocket, 1992

30 Colette Guillaumin, L'idéologie raciste, genèse et langage actuel, Paris, Ed Gallimard 2002

raciales fin XVIIIème, théorie basée sur la différence de « nature » entre ouvriers et patrons. La différenciation raciale entre noirs, jaunes ou blancs est historiquement récente. De ce fait, nous devrions constater, dans les années à venir, que l'essor époustouflant de la Chine va brouiller les anciennes représentations de la supposée infériorité de la « race jaune ».

L'«Ethnie », en revanche, est une création de l'anthropologie culturelle, elle désigne un groupe relativement localisé dans l'espace. Cependant cela reste une terminologie ambiguë puisque « ethno » en grec se traduit par « race » dans les langues occidentales. La terminologie d' « ethnie » a été une tentative de distance des sciences sociales envers les connotations héréditaires qui marquent le terme « race » et que nous venons d'exposer.

Malgré tout, l'anthropologie culturelle a réussi à dissocier le concept biologique du concept de culture. Méthodologiquement elle donne une description des cultures indépendantes des divisions et classifications de l'anthropologie physique.

Selim Abou31 entend par groupe ethnique un groupe dont les membres possèdent, à leurs propres yeux et aux yeux des autres, une identité distincte enracinée dans la conscience d'une histoire ou d'une origine commune, réelle ou symbolique. Ce fait de conscience est fondé sur des données objectives telles qu'une langue, une race, une religion commune, voire un territoire, des institutions ou des traits culturels communs.

Il y a trois facteurs fondamentaux qui composent l'identité ethnique : la langue parce que, tout en étant un élément parmi d'autres de la culture, elle transcende les autres éléments dans la mesure où elle a le pouvoir de les nommer, de les exprimer et de les véhiculer. La religion parce qu'elle modèle une vision du monde et une échelle de valeurs. La race parce que, quel que soit son degré d'indétermination, elle renvoie symboliquement à l'origine commune et mobilise les forces obscures de l'instinct, du sexe et du sang. Ces trois facteurs, qui sont réalité et symbole, sont susceptibles d'acquérir une dimension véritablement mythique propre à établir ou à fausser la réalité en fonction des intérêts politiques, sociaux, économiques et culturels.

31 Selim Abou, L'Identité Culturelle, Beyrouth, Ed Perrin - Presses Universitaire Saint-Joseph, 2002

L'identité ethnique dépend en partie de la manière dont le groupe interprète et réinterprète sa propre histoire. Elle échappe en grande partie à la conscience du groupe, elle est vécue comme naturelle et le groupe en prend conscience seulement lorsqu'il se voit confronté à un groupe culturellement différent. Cette dialectique s'articule d'avantage en mettant en évidence les oppositions que les ressemblances.

Or, l'identité ethnique est un phénomène susceptible de varier ou de se voir modifié, c'est-à-dire qu'elle est potentiellement altérable et s'enrichit en cours de route : par sa propre nature elle est inachevée. Aucune nation moderne ne possède d'ailleurs une base « ethnique » donnée, même lorsqu'elle procède d'une lutte d'indépendance nationale.

Suite à l'analyse des notions de race, d'ethnie et de nation, nous allons voir un autre concept indissociable de l'état-nation, la citoyenneté. La citoyenneté (« politeia » en grec) est un concept aussi ancien que la politique elle-même. Elle est liée simultanément à une certaine idée de la souveraineté, de l'autonomie ou de l'autodétermination, ainsi qu'à l'existence d'un état, au sein duquel le potentiel individuel de participation aux décisions politiques doit s'exprimer. A première vue, la citoyenneté parait un concept plus démocratique et moins excluant que la nation, la race ou l'ethnie, mais ce n'est pas du tout le cas.

Au même titre que la nation, la notion de citoyenneté s'inscrit historiquement dans un processus constant de redéfinition. Aristote disait que chaque régime politique projette une certaine définition de la citoyenneté car celle-ci délimite un certain modèle de droits et de devoirs32.

Cette véritable institution de l'état-nation, s'accompagne, par définition, d'un principe d'exclusion sans lequel il n'y a ni communauté ni souveraineté. En effet, il n'y a de la citoyenneté que là où il y a cité et où les « citoyens » sont clairement distingués des « étrangers » en terme de droits et d'obligations sur un territoire donné. La citoyenneté fonctionne comme un critère supplémentaire pour établir la dichotomie entre « Nous » et

32 Etienne Balibar, Les frontières de la démocratie, Paris, Ed La découverte 1992

« Eux », c'est un instrument de différenciation et de hiérarchisation des légitimités civiques. La citoyenneté symbolise et concrétise un fait de partage du pouvoir.

La notion de citoyenneté est divergente selon les pays, car elle dépend de la valeur que chaque état souhaite lui donner. Ceci s'explique parce qu'elle est étroitement rattachée à la notion de nationalité, et que la notion de nationalité est aussi, à son tour, variable selon le pays. La nationalité est souvent vue comme le fondement premier du droit à la participation citoyenne et vice-versa.

Il s'articule ainsi une confusion entre les aspects identitaires et politiques, entre l'identité et le droit, entre la culture et la politique, entre le civique et l'origine des populations. Les registres d'appartenance et d'engagement politique montrent que la pratique de la citoyenneté devrait se détacher d'une conception exclusivement liée à l'identité nationale33.

En conclusion, la notion de citoyenneté a une implication directe dans l'édification et le maintien des identités et des appartenances nationales. De ce fait, l'exercice complet des droits politiques est un élément capable de générer appartenances et allégeances. Cela veut dire que la participation citoyenne à une structure ou à une entité autre que l'état-nation d'origine peut avoir un rôle déterminant dans le processus d'affranchissement du sentiment d'appartenance nationale et d'évolution de l'identité nationale.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci