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L'identité cosmopolitique. Etude de cas: citoyens du monde

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par Sebastian Peà±a Marin
Université de Poitiers - Master I Conception de projets en coopération pour le développement 2010
  

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2. L'identité nationale

a) La communauté d'expérience, la communauté de destin, les symboles et les mythes.

Peut-on parler d'identité nationale sans faire référence au discours politique qui a eu lieu en France il y a déjà quelques mois ? La réponse est oui et non. Oui, car nous pouvons jeter à la poubelle ce débat tendancieux tenant compte du fait qu'il a été orchestré avec une malhonnêteté intellectuelle propre aux sphères politiques. De ce fait, il ne reproduisait pas les agencements empiriques et théoriques nécessaires pour saisir convenablement ce sujet. Et non, parce que si l'on veut comprendre la véritable contribution de l'identité nationale à la construction de la société nationale, il faut l'aborder aussi depuis son caractère imaginé, rhétorique et discursif.

La revue de vulgarisation « Cahiers de France » nous donne différents éléments qui, selon elle, définissent l'identité nationale proprement française : «... la conception de l'enseignement, le rapport à l'universalité, la laïcité, ainsi que le rôle particulier joué par l'Etat, l'école, les formes de vie, la transmission familiale, les institutions politiques, les valeurs collectives, les débats publics sur les problèmes éthiques, la définition de la responsabilité de l'Etat et des individus, les ambitions de sa diplomatie, la conception de l'intégration et la manière d'envisager l'autre, la place des intellectuels dans la vie publique, le modèle social, la place de la langue. Ces éléments font partie de ce que l'on appelle « l'identité nationale française 35».

Voilà une très mauvaise tentative de définition de l'identité nationale, il n'y a qu'une seule petite allusion à l'immigration historique qui fait pourtant de la France le deuxième pays en termes d'immigration après les Etats-Unis36 : Regardons bien la phrase suivante qui se trouve au milieu du texte «... la conception de l'intégration et la manière d'envisager l'Autre », elle nous laisse sous-entendre que le seul lien qu'entretient la France avec sa population composée de vagues successives d'immigrants est

35 « L'identité Nationale », Cahiers Français. N°342, 2008. D. La Documentation Française

36 Gérard Noiriel, Etat, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris, Ed Belin, 2001

« l'intégration » de l'« Autre ». Ce texte ne définit pas l'identité nationale française, il en fait partie, et nous allons voir pourquoi.

L'identité nationale est ce qui permet à un peuple de se définir, ou plutôt de s'autodéfinir. La conception de l'identité nationale est inséparable de certaines périodes d'affirmation et sédimentation nationales, elle est nécessaire pour garder l'esprit de cohésion mais aussi d'exclusion. Pour la conscience nationale le pays est considéré comme un berceau, il est souvent sacralisé et l'idée est renforcée par des couches successives d'accumulation d'expériences politiques, de proclamations et de combats, de réussites et de défaites. L'identité nationale contient une forte dimension symbolique et elle prend de l'importance quand il s'agit de la conscience sociale de la durée historique.

Chaque nation présente un contenu différent : un territoire, et au moins une ethnie, une langue, une religion, une tradition. Chaque nation développe une description esthétique et mythologique d'elle-même. En effet, pour l'identité nationale, symbole et vérité font bon ménage, et à cela il faudrait ajouter révisionnisme historique, déformations, réinterprétations, inventivité, erreurs, violence intellectuelle et linguistique, mensonges, falsifications, bonne volonté, hypocrisie, illusions, bref, tous les éléments dont on a besoin pour construire une véritable machine à rêves. Les constructions des identités nationales sont déterminées, entre autre, par le rapport de l'ensemble de la société à sa propre histoire, ou plutôt à l'idée qu'elle se fait de sa propre histoire et, de ce fait, l'objectivité n'est pas au rendez-vous.

Nous pouvons identifier quatre piliers principaux de l'identité nationale : la communauté d'expérience ou historique, la communauté de destin, les symboles et les mythes.

Toute d'abord, la notion de communauté d'expérience, ou communauté historique, est liée à l'histoire commune ou, comme nous l'avons déjà dit, à l'idée que l'on se fait de l'histoire commune.

Le portrait de la nation esquissé par Ernest Renan nous dit à ce propos que « la nation, comme l'individu, est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont

faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j'entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans la passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple 37».

La communauté historique consiste à établir que nous sommes nous-mêmes l'aboutissement d'une évolution historique unilinéaire commune, fruit d'un passé ancestral. L'identité nationale joue à l'illusion rétrospective: elle consiste à croire que nous sommes la trace et la preuve d'un passé immémorial, que les générations qui se succèdent pendant des siècles sur un territoire approximativement stable, sous une désignation approximativement univoque, se sont transmis une substance invariante.

Dans le cas de la France par exemple, en 2010 une étude démographique à montré que 20 % de la population française a au moins un parent étranger38 (contre un tiers en 198839). L'idée que l'on s'est fait d'une population française liée collectivement par exemple à Louis XIV est démographiquement et statistiquement fausse. Il s'avère donc très problématique de faire remonter l'unicité ethnique de la population française à seulement trente ans en arrière, alors certains prétendent le faire remonter à deux mille ans au temps de gaulois, notamment dans les programmes du système d'éducation nationale français40.

La multiplicité des événements historiques qualitativement distincts et décalés dans le temps, n'appartient pas par nature à une nation déterminée. Dans la gestion et l'expression des appartenances nationales l'histoire ne trouve pas son importance dans le fait historique réel, daté, peint, enregistré ou vécu, l'histoire est, à cet effet, une construction sociale.

Deuxièmement, la notion de « communauté de destin » correspond à l'affirmation de la volonté de la part des citoyens de vivre ensemble et de partager un projet commun.

37 Ernest Renan. Qu'est-ce qu'une nation ?, Paris, Ed Agora, Pocket, 1992

38 Enquête « Trajectoires et origines » (TeO) 2010. Insee et Ined

39 Gérard Noiriel, Le creuset français, Paris, Ed du Seuil, 1988.

40 Source www.cndp.fr (Centre nationale de documentation pédagogique), Juin 2010

C'est l'appel du national à l'identité et au destin, une manière de lier passé et avenir : projet et destin sont les deux figures symétriques de l'illusion de l'identité nationale.

Troisièmement, les symboles, quand à eux, s'inscrivent dans le domaine de l'émotion et de la perception, ils fonctionnent comme des outils efficaces afin de nous rappeler ce à quoi nous appartenons : hymnes, drapeaux, chants ou récits font partie de l'arsenal symbolique de l'appartenance nationale. Qu'est qui fait qu'il existe des anonymes capables de mourir pour la patrie ? Un mystère pour les esprits éveillés, une source riche en symbolique pour les artisans de l'identité nationale.

La tombe du soldat inconnu par exemple en fait partie, elle permet « d'accéder à cet imaginaire où le don de soi vient sceller une relation basée sur l'absence suprême du nom, pour la gloire d'une supra-entité où le réseau d'identité individuelle disparait 41». Elle est exploitée symboliquement comme représentation de la force du sacrifice ultime dédié à la communauté nationale, et tous ceux qui en font partie devraient éprouver un sentiment de dette intrinsèque envers ces martyrs de la nation.

La tradition est aussi un symbole de l'identité nationale, la perpétuation des traditions communes rassemble la communauté. Hobsbawm nous propose la définition suivante de tradition « un ensemble de pratiques de nature rituelle et symbolique qui sont normalement gouvernées par des règles ouvertement ou tacitement acceptées et cherchent à inculquer certaines valeurs et normes de comportement par la répétition, ce qui implique automatiquement une continuité avec le passé 42». Ce terme évoque donc l'idée de transmission, il sert, par conséquent, à désigner l'idée d'une continuité entre le passé et le présent, sur le mode du respect à partir de l'« autorité des ancêtres ». Il raccorde le présent à une valeur sacrée qui peut prendre force d'autorité en raison de son ancienneté. Il prétend nous faire vénérer ce qui passe pour originel afin de faire passer pour « naturel » ce qui ne l'est pas. L'objectif de la mise en place d'actes rituels est de générer de la cohésion sociale ou de l'appartenance à des groupes, des communautés réelles ou artificielles. Elle permet également d'inculquer des croyances, des systèmes de valeur, des codes de conduite ainsi que de légitimer des institutions, des statuts et de

41 Marc Redfield, Retour sur la « communauté imaginée » d'Anderson. Essai de clarification théorique d'une notion restée floue, Raison Politiques 2007/3, n°27, p.131-172.

42 Eric Hobsbawm et Terence Ranger (dir.), L'invention de la tradition, Éditions Amsterdam, 2005.

perpétuer des rapports de pouvoir et d'autorité. « Même lorsqu'il existe une référence au passé historique, la particularité des traditions inventées tient au fait que leur continuité avec ce passé est largement fictif 43».

D'autres symboles de la nation sont les livres, la presse, les partitions, les drapeaux, les textes, les techniques, les institutions, les cartes, les évènements localisés (guerres, rituels, cérémonies), l'unité spatiale et territoriale. Les nations sont des sociétés dont l'imaginaire, saisi à travers des récits historiographiques nationaux, accomplirait un travail de persuasion pour faire croire qu'elles sont restées des communautés44.

Quatrièmement, les mythes, pour leur part, sont des récits fondateurs que les membres d'une société se transmettent de génération en génération depuis les temps les plus anciens. La fonction principale du mythe est de rassembler un groupe d'individus autour de la même idée d'un ordre du monde et d'une même conception de l'existence. Il s'agit d'un récit racontant l'origine, la fabrication des races et des traditions authentiques, et renvoyant à un temps indéfini. Un exemple clair est la justification théologique de l'Etat d'Israël pour les juifs.

Tout est fait comme si l'identité nationale était un endroit où l'on peut se réinventer continuellement, une véritable pate à modeler socioculturelle. Les notions de communauté historique, de communauté de destin, de symboles et de mythes de l'identité nationale ainsi que la religion, la langue, les traditions ou les habitudes sont donc des caractères communs de l'ordre du réel et du symbolique.

L'identité fonctionne comme un assemblage de toutes les considérations précédemment exposées en devenant ainsi un élément capable de mobiliser l'esprit de masse et l'idée de conquête du destin commun, un appel à l'effort collectif et à l'esprit d'équipe. Tous ses ressortissants sont potentiellement des représentants diplomatiques de l'ensemble. La nation permet à chacun d'être représentant des autres, et de considérer ainsi que par exemple la victoire de l'un est la victoire de tous. L'identité nationale doit représenter une source de fierté.

43 Idem

44 Ferdinand Tönnies, Retour sur la « communauté imaginée » d'Anderson. Essai de clarification théorique d'une notion restée floue, Raison Politiques 2007/3, n°27, p.131-172.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry