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L'incidence des importations et aides alimentaires sur l'agriculture congolaise

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par jean louis ndonda
Université de Kinshasa - Licence 2009
  

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1.3. Les dérives de l'aide alimentaire à travers le prisme de l'éthique

L'aide alimentaire est avant tout un instrument mis en place en situation d'urgence lorsqu'il s'agit de sauver des vies dans un délai proche de l'immédiat, soit après de graves catastrophes naturelles, soit à la suite de crises politiques majeures. Elle recouvre une vaste diversité d'instruments spécifiques à chaque situation : distribution de rations sèches, mis en place de cuisines populaires, systèmes d'alimentation complémentaires spécifiques destinés aux femmes enceintes, système de réhabilitation thérapeutique.

Si le principe de cette forme d'aide n'est pas remis en cause, son efficacité est très variable selon le contexte dans lequel elle est mise en oeuvre. Pour Carlo Del Ninno, les marchés sont encore le moyen le plus efficace de faire face à l'insécurité alimentaire dans la plus part des situations, notamment hors crise. Ayele Gelan va plus loin, et montre l'effet démotivant de l'aide alimentaire sur la production locale en prenant l'exemple particulier

63 USAID procurement information ( www.usaid.gov/procurement_bus_opp)

64 Declan Walsh, «America finds ready market for GM food - the hungry», The Independent, 30 March 2000.

de la RDC. La production locale n'étant plus compétitive face à l'aide alimentaire gratuite, les producteurs ayant réussi à produire malgré les difficultés ne parviennent pas à écouler leurs stocks. Les producteurs sont découragés. Ils adaptent leur comportement à la situation engendrée par le donneur et préfèrent intégrer les rangs des vulnérables et recevoir de la nourriture gratuitement. Ce comportement égoïste développé face à un partenaire altruiste est décrit par Becker cité aussi par MEHIEU comme un comportement « d'enfant gâté ». Ce théorème s'énonce comme suit : « si un agent bienveillant peut augmenter son utilité en réalisant un transfert vers un bénéficiaire quelconque, alors ce bénéficiaire, recherchant son intérêt propre, sera amené à simuler l'altruisme envers le donateur afin d'obtenir en fin de compte un transfert plus important que s'il ne s'était pas comporté de manière altruiste. Le bénéficiaire fait donc en sorte de choisir une stratégie qui maximise l'utilité du donateur pour, à son tour, en retirer un gain maximum ».65

En choisissant d'opter pour une stratégie attentiste et non productive, conforme aux attentes du donneur, les producteurs ainsi démobilisés par l'aide alimentaire renforcent la récurrence et l'ampleur des situations de crise, confortant les donateurs dans leur jugement et dans la nécessité de développer encore un peu plus les dons.

James Buchanan nous aide à comprendre ce processus avec son « dilemme du samaritain ». Pour lui le samaritain est actif, c'est-à-dire que le choix entre donner et ne pas donner n'est pas conditionné par le comportement de l'individu aidé66.

Ainsi, soit le samaritain donne et l'individu aidé ne travaille pas ; soit le samaritain ne donne pas et alors il déroge à ses principes moraux. Le samaritain est donc face à un dilemme : donner et conforter l'individu aidé

65 BALLET (Jérôme), BARILLOT et MAHIEU, « Dilemme du samaritain : une mise en perspective », in Monde en

développement, vol.2007/1,n°137,p.11

66 KOBOLBT (Christian), « Rational samaritans, strategic moves, and rule-governed behavior : some remarks on James Buchanan's «samaritan's dilemma»,1995

dans son comportement égoïste, ne pas donner et subir la perte morale de ne pas aider quelqu'un dans le besoin. Buchanan évoque la situation où le samaritain joue après l'individu aidé. Il devient passif car il conditionne son choix à celui de l'autre protagoniste. Le donneur n'est plus qu'un samaritain potentiel et ne s'impose plus la contrainte morale du don. L'individu aidé anticipe alors le nouveau pragmatisme du donneur. La règle morale fixée a priori est alors de nouveau la faiblesse du donneur. Ici, Buchanan met en lumière la contradiction entre l'utilité de court terme tant pour le samaritain (satisfaction morale de faire la charité) que pour l'individu aidé (ne pas travailler et recevoir quelque chose) et le long terme qui est affecté négativement par cette action de charité.

Si cette conséquence de l'aide alimentaire est aujourd'hui clairement identifiée, elle est loin d'expliquer à elle seule la récurrence des stratégies d'aide alimentaire et le fait qu'elles tardent à basculer dans les phases de réhabilitation puis de développement, seules étapes à même de générer les changements structurels propres à sortir de l'assistant. Et si l'on porte un regard attentif aux mécanismes d'aide alimentaire du point de vue des donateurs, on se rend alors compte que l'engagement altruiste et charitable n'est probablement pas l'unique motivation.

En premier lieu, il est important de saisir que les contributions en nature des pays donateurs sont moins liées à la survenance de crise de par le monde qu'au cours de la tonne sur les marchés d'échanges. Jacques Bertholet constate que les dons augmentent lorsque les cours sur le marché mondial sont les plus bas, c'est-à-dire quand les céréaliers du Nord ne parviennent pas à écouler leurs excédents67.

Ce graphique détermine la relation entre aide alimentaire et cours mondial du blé.

67 BERTHOLET (Jacques), Op. CIt. p.336

La situation

d'urgence subie par des populations vulnérables n'est alors plus l'objet premier du don, mais il découle d'u ne seconde stratégie par les pays du Nord.

La critique la plus appuyée que l'on peut porter à l'aide alimentaire est qu'elle est l'objet d'un véritable business générant des sommes colossales dans les pays du Nord. Dans le cas de l'aide alimentaire américaine, une loi exige que 75% de cette aide soit non seulement d'origine américaine (issue des agro- industries céréalières), mais également conditionn

ée et transportée

par voie maritime (jusqu'au pays aidé) par des entreprises américaines. Si le cas des Etats-

Unis est particulièrement marquant, nous insistons sur le fait que ce principe d'instrumentalisation se retrouve chez la plupart des pays donateu rs d'aide alimentaire sous formes variées.

Nous nous retrouvons bien loin du samaritain de Buchanan, victime de son altruisme, exploité par des parasites prédateurs. Il est au contraire dominateur et l'individu aidé est alors victime du don.

Un exemple encore plus édifiant est traité par Zerbe. Lors de la crise alimentaire de 2002 en Afrique Australe, l'opinion publique est interpellée sur la présence de céréales OGM dans les dons d'aide alimentaire des EtatsUnis. Sans parler des effets des OGM sur la santé ou l'environnement qui font encore l'objet de recherches et des débats passionnés, les impacts négatifs sur l'agriculture fragiles sont assez clairement identifiés. En effet, les céréales distribuées pour l'alimentation font inévitablement l'objet d'une sélection pour reconstituer les stocks de semences. A la récolte, les agriculteurs sélectionnent là encore les meilleurs grains pour l'année suivante sauf que les grains d'OGM sont stériles, plongeant à nouveaux les paysans en situation de vulnérabilité. Pour Zerbe, l'aide alimentaire américaine lors de cette crise n'avait d'autre but que de permettre à l'industrie des biotechnologies d'étendre sa zone d'influence et sont marché avec la volonté de rendre l'agriculture locale dépendante, au risque d'aggraver l'insécurité alimentaire dans la région68. Le don impur devient alors malveillant, empoisonné.

Toutefois, cette défiance extrême de l'aide alimentaire a eu pour effet salutaire de faire sortir certains Etats de leur comportement de « l'enfant gâté ». Ainsi, un certain nombre d'Etats au premier rang desquels la Zambie, a refusé l'entrée sur leur territoire de l'aide alimentaire américaine.

De tout ce qui précède, nous constatons que si la morale du principe fondamental de l'aide alimentaire qui consiste à reconnaitre à chaque individu sur la terre l'universalité du droit à l'accès à une nourriture en quantité et en qualité suffisante peut être admise largement comme juste et bonne, les mécanismes qui s'en prévalent sont quant à eux beaucoup plus critiquables. L'utilité individuelle de court terme se confronte à la responsabilité de la société dans son ensemble dont l'horizon est infini.

68 ZERBE Noah, « feeding the famine? American food aid and the GMO debate in southern Africa», food policy,n°29,2004,p.594

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon