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La répression de la torture en droit pénal international

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par Christelle SAKI
Université catholique de l'Afrique de l'ouest - Maitrise 2008
  

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INTRODUCTION GENERALE

Pratiquement éliminée d'Europe à la fin du XIXe siècle, la torture connaît au XXIe siècle une recrudescence et une extension géographique particulièrement inquiétante. Au cours donc des 50 dernières années, la lutte contre la torture est devenue un sujet de préoccupation essentiel relevant des droits de l'homme. La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, dans son article 5, est le premier texte juridique international où la « torture » est déclarée illégale de manière spécifique. Le premier traité interdisant la torture, adopté peu après, en 1950, est la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (appelée aussi Convention européenne des droits de l'homme), avec son article 3. La Convention des Nations Unies de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est le premier instrument international contraignant qui porte exclusivement sur la lutte contre l'une des violations des droits de l'homme les plus graves et les plus répandues de notre époque.

De nos jours, la plupart des traités généraux relatifs aux droits de l'homme, adoptés à l'échelon régional et mondial, concernent le problème de la torture et des mauvais traitements infligés aux personnes. Ils affirment que la torture est absolument interdite -- et même dans des situations d'urgence ou de conflit armé, ces traités insistent sur le fait qu'elle n'est pas permise. L'existence d'instruments consacrés à la prévention de la torture prouve également que les droits de l'homme s'attachent à interdire de tels actes.

Le fait que la torture soit à maintes reprises interdite dans les droits de l'homme ne devrait pas occulter l'importance des contributions relevant du droit international humanitaire qui ont été apportées dans ce domaine au cours du siècle écoulé. Sans mentionner explicitement la « torture », l'article 4 du Règlement annexé aux Conventions de La Haye de 1899 et 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre dispose que les prisonniers de guerre doivent être traités avec humanité, le recours à la torture. L'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 inclut dans la liste des règles minimales que doivent observer toutes les parties, même dans un conflit armé non international, une interdiction concernant « (...) les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment (...) les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices (...) ». De même, le Protocole II additionnel aux Conventions de Genève prohibe « (...) les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier (...) les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles ». En vertu de la IIIe Convention de Genève, les États parties et leurs autorités sont tenus, lors de conflits armés internationaux, de traiter les prisonniers de guerre en tout temps avec humanité et de respecter leur personne en toutes circonstances. La IVe Convention interdit les actes de violence et la torture contre les civils protégés en temps de guerre. Enfin, l'article 75 du Protocole I étend cette interdiction à toutes les personnes se trouvant dans ce genre de situation et précise que « la torture sous toutes ses formes, qu'elle soit physique ou mentale » est absolument prohibée.

Dans la même veine, la résolution 2002/38 de la Commission des Droits de l'homme de l'ONU reconnaît que « Nul ne doit être soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, (...) de tels actes représentent une tentative criminelle de détruire un être humain physiquement et psychiquement, que ne peuvent justifier aucune circonstance, aucune idéologie ni aucun intérêt supérieur, (...), une société qui tolère la torture ne peut en aucun cas prétendre respecter les droits de l'homme »1(*). De toute évidence, la torture est un sujet qui concerne à la fois les droits de l'homme et le droit humanitaire, les deux ensembles de normes se renforçant mutuellement. C'est pour atteindre cet idéal d'un monde sans torture, que les Nations Unies ont mis en place deux mécanismes : le mécanisme préventif et le mécanisme répressif.

Ce dernier mécanisme a pour objectif de dissuader la commission des actes de torture d'une part, et de l'autre, punir les auteurs et leurs complices et dédommager les victimes. La répression est donc, « l'action de sanctionner les auteurs et les complices des violations graves des droits de l'homme »2(*).

Dans le présent travail, il est important de préciser le sens des termes torture et droit pénal international.

L'article 1er de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants définit la torture comme : « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aigües, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne... ». Cette définition regroupe à la fois torture proprement dite, c'est-à-dire « forme aggravée de traitements inhumains et délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances »3(*) mais aussi des « atteintes à la dignité et à l'intégrité physique de la personne »4(*) qu'on désigne sous l'expression de « traitement cruel, inhumain ou dégradant ». Cette expression renferme aussi des humiliations graves. La torture présente plusieurs formes : elle peut être physique ou psychologique.

Quant au droit international, il est perçu comme le droit qui émane de la communauté internationale5(*). C'est le droit régi par l'Organisation des Nations Unies. En matière de répression de la torture, comme dans tout autre domaine des droits de l'homme, le droit applicable au niveau régional ou même national, doit être conforme au droit onusien.

Le droit international de répression de la torture peut alors être défini comme le droit de l'O.N.U, s'inspirant de la Charte de San Francisco de 26 Juin 1945 et de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, auquel tous les autres droits : nationaux, régionaux doivent nécessairement se conformer et s'approprier.

Ce ne sera pas la première fois qu'un travail de recherche soit consacré à la torture. Les mémoires et autres travaux de recherche existent déjà. Mais ils ne traitent que des mesures préventives. En effet selon leurs analyses, en raison de ses graves conséquences psychologiques, le mal infligé à la victime par la torture ne saurait être réparé. La prévention revêt donc une importance primordiale. Sur le plan des droits de l'homme, selon l'article 2.1 de la Convention contre la torture, tout État est tenu de « prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis(...) ». Ces mesures comprennent non seulement l'interdiction sans équivoque des actes de torture, mais aussi la formation du personnel de police et de sécurité, l'application de directives précises concernant le traitement des personnes privées de liberté, la mise en place de mécanismes nationaux d'inspection et de supervision et/ou l'introduction d'un dispositif permettant d'enquêter efficacement sur les plaintes relatives à des mauvais traitements.

Comme l'a souligné à juste titre l'ancien rapporteur spécial sur la torture de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, Peter Kooijmans6(*), la torture n'est jamais un phénomène isolé : « Elle ne commence pas dans les salles de torture de ce monde. Elle commence bien avant, lorsque le respect de la dignité de tout être humain et le droit à la reconnaissance de cette dignité inhérente sont absents. »7(*). Par conséquent, des mesures de sauvegarde contre la torture doivent déjà être prévues dans le traitement des prisonniers et des autres personnes détenues.

Depuis longtemps, le droit humanitaire reconnaît la nécessité d'élaborer des dispositions précises concernant le traitement des personnes privées de liberté, et ce à titre de sauvegarde contre les mauvais traitements. On peut considérer que les nombreuses dispositions de la IIIe Convention de Genève, notamment celles relatives à l'internement des prisonniers de guerre (articles 21 et suiv.) et celles relatives aux relations entre prisonniers de guerre et autorités (articles 78 et suiv.), constituent une codification de normes destinées à prévenir efficacement la torture et les peines ou traitements cruels ou inhumains pour cette catégorie de personnes protégées. Cela vaut également pour de nombreuses dispositions relatives au traitement des internés contenues dans la IVe Convention de Genève.


Les violations étant souvent dissimulées, le devoir de prévenir la torture est d'une importance capitale. Peter Kooijmans qualifie avec justesse la torture de violation du droit à la dignité, qui est le plus intime de tous les droits de l'homme, étant donné qu'elle se produit dans des lieux isolés et est souvent infligée sous le couvert de l'anonymat par un tortionnaire qui considère la victime comme un objet. Les visites de lieux de détention permettent d'éliminer ce caractère d'anonymat et sont donc un moyen très efficace d'éviter la torture. Ces visites permettent également de déterminer les situations susceptibles d'entraîner des actes de torture, et de prendre les mesures appropriées afin de réduire ce risque. Le droit international humanitaire reconnaît l'utilité de ces visites. Selon l'article 143 de la IVe Convention de Genève, les délégués du CICR ou des Puissances protectrices « seront autorisés à se rendre dans tous les lieux où se trouvent des personnes protégées, notamment dans les lieux d'internement, de détention et de travail ». En vertu de l'article 126 de la IIIe Convention de Genève, les prisonniers de guerre bénéficient du même droit. Dans les situations de conflit armé non international, le CICR peut offrir ses services aux parties au conflit et être ainsi autorisé à visiter les personnes privées de liberté du fait de ces conflits. Le droit d'initiative est lui aussi reconnu dans les situations de tensions et de troubles intérieurs, quand le CICR visite des personnes détenues pour des raisons liées à cette situation particulière, c'est-à-dire des prisonniers «politiques» ou de «sécurité»8(*).


Dans le cadre de leurs visites, le CICR et ses délégués entreprennent des démarches de caractère confidentiel auprès des autorités afin d'améliorer la situation des détenus. En outre, il arrive souvent que la simple présence physique de personnes extérieures au lieu de détention empêche effectivement la torture et les mauvais traitements et conduise à l'amélioration des conditions de détention. L'expérience du CICR a montré que « (...) de l'avis des détenus et même de gouvernements qui ont choisi d'accepter les services du CICR, les visites des délégués du CICR amènent, en général, des résultats positifs ».


Jean-Jacques Gautier, un banquier privé installé à Genève, a partagé cette opinion positive. En 1977, il a fondé le Comité suisse contre la torture, basé à Genève9(*). Il avait une vision d'avenir : il voulait étendre à l'ensemble des prisonniers le système des visites à caractère préventif de lieux de détention par des experts internationaux et appliquer ainsi un instrument du droit humanitaire au domaine de la protection des droits de l'homme.


Le moment n'était manifestement pas encore venu pour les Nations Unies d'adopter un traité imposant de telles visites. Aussi le Conseil de l'Europe a-t-il pris la question en main et a adopté, en 1987, la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cette Convention permet à un organe d'experts indépendants (connu sous le nom de Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) d'effectuer des visites périodiques ou ad hoc dans tous les lieux de détention sur le territoire des États parties et de faire des recommandations confidentielles au pays concerné, afin d'améliorer certaines situations susceptibles d'entraîner des actes de torture et des mauvais traitements10. Ces visites ont eu des résultats extrêmement positifs dans la lutte contre la torture.


En même temps, l'idée de créer un instrument de prévention efficace à l'échelon mondial n'a pas été abandonnée. En 1991, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a reçu du Costa Rica une proposition de projet de protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture de 1984. Le projet vise à introduire un système de visites préventives dans les lieux de détention « en vue de renforcer, si nécessaire, la protection [... des personnes détenues...] contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (...) ». Si le protocole est ratifié, ces visites seront effectuées par un sous-comité composé d'experts indépendants. Les négociations relatives à ce projet se poursuivent au sein du groupe de travail créé par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies.

Les instruments des droits de l'homme pour la prévention de la torture n'existeraient pas s'ils n'avaient pour modèle le droit international humanitaire. L'expérience a toutefois montré que la Convention européenne pour la prévention de la torture a un champ d'application plus vaste que celui du principe des visites du CICR aux détenus, et qu'elle a, par conséquent, sa raison d'être. Par exemple, elle couvre toutes les situations de détention, tandis que les visites du CICR se limitent à des situations particulières dans le contexte des conflits armés et de troubles accompagnés d'actes de violence.


Il faut souligner que le CICR s'intéresse avant tout aux individus, tandis que le CPT se concentre essentiellement sur les situations. Le CICR assure une présence à long terme dans les lieux qu'il visite : visiter les prisonniers à plusieurs reprises -- et, le cas échéant, leur fournir une assistance matérielle -- est un des principes de base de son action. D'une manière générale, les visites du CPT ne sont pas répétées, mais elles permettent d'engager avec le gouvernement un dialogue suivi sur les mesures visant à réduire les risques de torture et de mauvais traitements. Par conséquent, le CPT est concerné au premier chef par les questions relatives aux droits des personnes placées en détention préventive (les personnes gardées au secret, par exemple) ou par l'amélioration de conditions de détention qui ne répondent pas aux normes exigées11.

Tout comme pour les visites du CICR, le travail du CPT reste confidentiel. Toutefois, l'importance particulière accordée aux réformes explique la raison pour laquelle les États ont jugé nécessaire de renoncer au principe de la confidentialité absolue et d'inclure dans la Convention européenne la possibilité de faire des déclarations publiques si l'État partie concerné « (...) ne coopère pas ou refuse d'améliorer la situation à la lumière des recommandations du Comité (...) ». Si le projet de protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture entre en vigueur, l'intérêt porté aux situations et aux réformes pourrait s'accentuer encore, en particulier parce que le projet a été amendé au cours des négociations afin de créer un fonds qui devrait permettre aux États dont les moyens sont limités d'appliquer des réformes coûteuses.


En ce qui concerne la méthode utilisée lors des visites de lieux de détention, le droit humanitaire sert aussi d'exemple pour les instruments des droits de l'homme. Conformément à l'article 143 de la IVe Convention de Genève, les délégués sont autorisés à se rendre dans tous les lieux de détention et d'internement de leur choix et ils doivent avoir « accès à tous les locaux » dans ces lieux. Ils doivent pouvoir s'entretenir sans témoin avec tous les détenus qu'ils souhaitent rencontrer, sans restriction quant à la durée et à la fréquence de ces visites. Ces conditions doivent aussi être remplies avant que le CICR n'entreprenne des visites sur la base de son droit d'initiative.

Ces principes fondamentaux ont été incorporés dans la Convention européenne pour la prévention de la torture. La Commission interaméricaine des droits de l'homme a elle aussi le droit d'accéder aux lieux de détention et de s'entretenir avec les détenus sans témoin; quant aux rapporteurs spéciaux des Nations Unies, ils insistent pour avoir les mêmes possibilités quand ils visitent des lieux de détention. Le projet de protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, actuellement devant la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, va dans le même sens, mais la disposition prévue à cet effet n'a pas encore été adoptée. Il faut espérer que les procédures habituelles des mécanismes internationaux qui visitent les lieux de détention -- procédures établies en tant que telles -- ne seront pas menacées une fois le protocole facultatif adopté !

Partant de toutes ces analyses qui à notre avis revêtent un sens inouï, il nous paraît tout aussi utile, sinon plus d'aborder la question de la torture d'une façon beaucoup plus pratique, par le biais de la répression.

L'intérêt de ce sujet réside donc en ce que les différents mécanismes expérimentés jusque là ne sont pas arrivés à faire reculer la pratique de la torture10(*).

C'est pourquoi la présente étude essaiera de vérifier l'efficacité des stratégies de répression de ces « violations graves des droits de l'homme »11(*) aussi bien par le juge international que le juge interne. Car l'avènement de la Cour Pénale Internationale qui a été salué par les militants des droits de l'homme comme une fin à l'impunité ne résout pas le problème. La justice internationale (même perfectionnée) restera une lourde et coûteuse machine. Elle convient certainement au jugement de hauts responsables de très grands crimes (planificateurs).

En revanche, elle est mal placée pour juger les agents subalternes de ces crimes d'Etat (exécutants) et, surtout, les actes perpétrés dans l'intérêt purement privé de leurs auteurs12(*).

Ainsi, la torture relèvera de la compétence de la cour si et seulement si elle est commise sur une grande échelle13(*).

Cette précision étant faite, la répression de la torture en droit international soulève un certain nombre d'interrogations :

§ Comment fonctionnent les règles de la répression de la torture ?

§ Que dire de leur efficacité ?

§ Ces règles permettent-elles de répondre efficacement à la recrudescence des actes de torture et barbarie ?

§ Pouvons-nous affirmer qu'avec le mécanisme répressif actuel, l'humanité se trouve en mesure de mettre hors d'état de nuire tous les tortionnaires ?

§ Quelles solutions peut-on envisager pour garantir efficacement l'humanité de ces actes ignobles et humiliants ?

Toutes ces interrogations peuvent se résumer en une seule question : comment utiliser à bon escient les instruments relatifs à la torture pour l'éradiquer?

Pour répondre à cette question, nous avons adopté une démarche à la fois analytique et critique sur l'état actuel de la répression. Cette méthode nous a amené à constater d'abord, dans la première partie un contraste qui existe entre l'abondance de source de répression et l'inefficacité de la répression ; ceci nous a conduit à proposer dans la deuxième partie, des stratégies qui, à notre avis, aideront à réprimer efficacement la torture.

PREMIERE PARTIE :

SOURCE ABONDANTE DU DROIT ET REPRESSION INEFFICACE DE LA TORTURE AU PLAN INTERNATIONAL


La torture et les peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants font partie des rares droits de l'homme qui bénéficient d'une pluralité de sources. Grâce à ces sources diverses et variées, l'infraction devrait être facilement et efficacement réprimée. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette infraction fait partie des violations des droits de la personne qui se commettent quotidiennement et impunément. En réalité, les nombreuses sources dont bénéficient la torture et les peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants sont inconsistantes et donc conduisent à un résultat inefficace. De plus le caractère volontaire du droit international conduit à restreindre le peu d'effet que comportait le fondement répressif de ce crime par l'usage des réserves.

C'est ce double constat qui nous conduit à analyser dans un premier chapitre le fondement répressif qui est apparemment consistant ; ensuite les effets des réserves sur ce fondement.

CHAPITRE I :

UN FONDEMENT REPRESSIF EN REALITE INCONSISTANT

Pour mieux apprécier le fondement répressif de la torture, il convient de conduire son étude à travers deux points essentiels : d'une part, les instruments y relatifs, ce qui nous amène à voir la diversité d'arsenal répressif, et d'autre part, les institutions qui interviennent dans la répression c'est-à-dire le régime répressif.

SECTION 1 : UNE DIVERSITE D'ARSENAL DE REPRESSION

Plusieurs instruments relatifs aux droits de l'homme interdisent de manière absolue la torture, peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ces différents textes forment un véritable arsenal qui vise à éradiquer cette violation des droits humains.

Pour mieux appréhender cet arsenal, nous allons étudier d'abord la convention du 10 Décembre 1984 qui a marqué le couronnement du processus de codification en matière de lutte contre la torture (paragraphe 1), ensuite, les autres instruments qui prévoit et interdisent aussi la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La convention contre la torture

Elle sera analysée du point de vue de son contenu et de son effet.

A/ Du point de vue de son contenu

Analyser du point de vue de son contenu, on constate que ladite convention définit en son article 1er, la torture mais laisse en son paragraphe 2, une ouverture qui prendra en compte toute autre définition qui protègera mieux contre la torture. Cette option confirme l'inquiétude que la torture, les peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants peuvent être commis de différentes manières et qu'il est impossible pour un législateur, même le plus expérimenté, d'arriver à le prévoir d'avance avec précision. L'évolution de la définition de la torture le prouve bien. Nous y reviendrons.

De même, elle oblige les Etats parties à prendre toutes les mesures pour mettre leurs populations à l'abri des actes de torture (art 2). Au nombre de ces mesures, doit figurer en bonne place, à notre avis, les recours utiles pour sanctionner et décourager les auteurs potentiels de ce crime. A défaut de ces mesures, les victimes potentielles de la torture émigrent vers les Etats où la protection leur semble plus efficace car ils évoqueront, dans leur Etat de destination, l'interdiction d'expulsion de l'article 3.

L'analyse du contenu de la convention onusienne montre aussi que l'obligation est faite au juge interne d'être le premier protecteur de ses justiciables contre la torture. Pour ce faire, il appliquera son droit national qui doit être rendu conforme à la convention ou, à défaut appliquer directement celle-ci (art.4 à 7, 14, 16). Nous y reviendrons.

B/ Du point de vue de ses effets

Analyser du point de vue de son effet, on constate que la convention contre la torture devient une simple tribune de bonnes intentions. Nombreux sont les Etats qui ont adhéré à la convention moins par conviction que par souci de décrocher le mérite démocratique. On refuse à la convention d'avoir d'effet à l'intérieur de l'Etat.

En effet, c'est la déclaration de l'article 22 qui permet à la convention d'avoir d'effet direct à l'intérieur de l'Etat, au profit de ses justiciables. Mais malheureusement, cette déclaration de l'article 22 est facultative, ce qui conduit certains Etats (malheureusement les plus nombreux) à s'abstenir de faire cette déclaration. Ils se contentent uniquement des rapports périodiques et dans une certaine mesure des enquêtes sur des violations massives. Tout cela n'est pas suffisant puisqu'il n'inquiète pas les auteurs même des actes de torture. La seule méthode, susceptible d'intimider et de décourager directement la commission des actes de torture, c'est la possibilité de communication individuelle. C'est ce droit de recours individuel effectif qui peut donner de la crédibilité à la convention, ainsi que l'explique le professeur SUDRE : « un système de protection des droits de l'homme n'est crédible que s'il offre aux individus des garanties efficaces pour la protection de leurs droits »14(*). Or, cette possibilité du droit d'action individuelle c'est-à-dire du droit de plainte est facultative et ne lie pas d'office les Etats parties à la convention. Ceci permet de dire que celle-ci est un géant au pied d'argile car il suffit de s'abstenir de faire cette déclaration de l'article 22 pour mettre quasiment à néant tous les droits énoncés dans ce traité international. Surtout que dans beaucoup d'Etats parties, les textes nationaux ne sont pas rendus conformes à la convention et les juges résistent à appliquer directement celle-ci.

Tout ceci montre que ni le Comité contre la torture - seulement une minorité ont la possibilité de le saisir - ni les dispositions de la convention ne profitent pas à la majorité des victimes de la torture de par le monde. T comme pour ajouter à son inconsistance, la convention prévoit, contrairement aux autres instruments, que les dépenses occasionnées par les travaux du comité sont à la charge des Etats parties15(*). Ce mode de financement peut décourager les Etats à être partie et peut même bloquer le bon fonctionnement de l'organe chargé de superviser son application, ainsi que le constate A. Dormenval : « Tout mécanisme autofinancé risque de se trouver un jour paralysé par un Etat, surtout gros distributeur, peu désireux de voir sa situation examinée »16(*). Dans le cas de la torture, on n'en est pas encore arrivé là, mais il est fort probable qu'on en arrive dans l'avenir.

En dehors de la convention contre la torture, peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, nombreux sont les instruments qui ont prévu dans leurs dispositions, l'interdiction et la répression de la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ainsi, les dispositions de la convention ne profitent pas à la majorité des victimes de la torture de par le monde.

Paragraphe 2 : Les autres instruments de répression de la torture

Les personnes qui prétendent être victime de torture peuvent se prévaloir de conventions universelles ou de convention régionales.

A/ Au niveau universel

Au niveau universel, en dehors de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les personnes qui prétendent être victimes de la torture peuvent se prévaloir de l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il énonce que : « Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique. ». Les pactes de 1966 sont des conventions internationales avec effet juridique contraignant pour les Etats ; et les particuliers peuvent s'en prévaloir.

Au-dessus de tous ces instruments, il y a évidemment la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui énonce en son article 5 que : « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Mais contrairement aux pactes de 1966, la DUDH n'a pas d'effet juridique contraignant.

Nous avons exclu de notre travail, les conventions de la Haye et de Genève et leurs protocoles additionnels qui prescrivent aussi l'usage de la torture. Mais contrairement au pacte international relatif aux droits civils et politiques, les actes de torture dans ce cas constituent une violation aux droits et coutumes de guerre qui tombent sous la compétence de la cour pénale internationale avec des qualifications précises17(*) ; ce qui ne relève pas de notre étude.

Avec l'article 7 du pacte, la protection contre la torture est beaucoup plus large. En effet, un Etat qui n,'est pas partie à la convention de 1984 ou qui n'a pas reconnu la compétence du comité contre la torture à recevoir des communications individuelles, peut se faire condamner par le comité des droits de l'homme s'il est partie au pacte et qu'il a violé son obligation de l'article 7. Le CDH est l'organe qui surveille le respect des obligations prescrites par le pacte et condamne les violations si l'Etat est partie à son premier protocole facultatif.

Les articles 6 et 10 du pacte renforcent la protection contre la torture.

En tout état de cause, le comité des droits de l'homme ne peut recevoir que des communications intéressant un Etat partie à la fois au pacte et à son protocole facultatif.

Une fois encore, une tranche non négligeable de victimes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants se trouve exclue du droit de recours devant le comité des droits de l'homme.

Qu'en est-il des conventions régionales ?

B/ Au niveau régional

Au niveau régional, l'analyse du droit international des droits de l'homme conduit à constater que tous les continents disposent aujourd'hui d'une convention régionale relative aux droits de l'homme. Chacune de ces conventions prescrit, à travers ses dispositions, l'interdiction de la torture ou des peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ainsi on pourrait citer entre autre :

Ø La convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales, plus connue sous le nom de convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 à Rome contient le mécanisme le plus perfectionné de garantie des droits de l'homme18(*). La Convention inscrit en son art 3 que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ». Une disposition absolue et indérogeable qui a donné des interprétations bien larges par la Cour Européenne des Droits de l'homme au profit des victimes. Nous reviendrons sur les différentes interprétations évolutives faites par la CEDH de ce texte.

Ø La convention américaine relative aux droits de l'homme du 22 novembre

1969 à San José proscrit la torture sous toutes ses formes en son article 5, intitulé, `'droit à l'intégrité de la personne''. Il énonce : «

1.  Toute personne a droit au respect de son intégrité physique, psychique et morale

2. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements

cruels, inhumains ou dégradants. Toute personne privée de sa liberté sera traitée avec le respect dû à la dignité inhérente à la personne humaine.

3. La peine est personnelle et ne peut frapper que le délinquant.

4. Les prévenus doivent être, sauf dans des circonstances exceptionnelles

séparées des condamnés, et soumis à un régime approprié à leur condition de personnes non condamnées.

5. Lorsque le prévenu est dans sa minorité, il doit être séparé des adultes

et traduit, avec la célérité possible, devant un tribunal spécialisé où il recevra un traitement approprié à son statut.

6. Les peines privatives de liberté doivent avoir pour but essentiel

l'amendement et le reclassement social des condamnés ».

La cour interaméricaine des droits de l'homme sanctionne les violations de ce texte.

Ø En Afrique, c'est la charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui

interdit la pratique de la torture sous toutes ses formes en son article 5. « Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdits ». Ainsi qu'on le constate, ce texte reconnaît en des termes clairs et sans aucune restriction le respect de la dignité humaine, sous toutes ses formes.

Ø Enfin la charte arabe du 15 septembre 199419(*) des droits de l'homme Interdit

aussi la torture en son article 13 : 

a. « Les Etats partie protègent toute personne résidant sur leur territoire

contre toute forme de torture morale ou physique contre tout traitement dégradant ou inhumain et ils prennent toutes les mesures effectives. Toute pratique de ce genre ou toute participation est considérée comme une infraction punissable.

b. Il est interdit de soumettre une personne à des expériences médicales

ou scientifique sans son consentement »

Les textes à base desquels on pouvait réprimer la torture, les peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, sont ainsi qu'on vient de le voir, facultatifs en partie et ne s'imposent pas d'office. Ceci explique en partie la défaillance qu'on observe dans le mécanisme répressif du crime.

Qu'en est-il alors des organes créés pour superviser l'application de ces instruments et des organes qui sont susceptibles de requérir leur respect ? C'est ce qui fera l'objet de la deuxième subdivision de ce chapitre.

SECTION 2 : Un régime répressif virtuel de la torture

Pour mieux appréhender l'état du régime répressif, nous allons l'analyser à travers les institutions qui y interviennent et les règles de procédure que doit respecter la saisine de ces organes.

Paragraphe 1 : L'organisation institutionnelle

En dehors du comité contre la torture qui est l'organe principal et direct en matière de torture, beaucoup d'autres institutions interviennent dans la lutte contre la torture.

A/Le comité contre la torture

L'analyse du droit international des droits de l'homme conduit à constater que la répression des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants met en exergue le comité contre la torture. Il est institué par l'article 17 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Il assure principalement trois fonctions : L'examen des rapports que produisent périodiquement les Etats parties sur leur conformité avec la convention, l'étude des plaintes interétatiques et l'examen des communications émanant des particuliers.

Cette dernière fonction est fondamentale puisqu'elle permet aux victimes de mettre en oeuvre leurs droits à elles reconnus par la convention. Mais elle est, à l'instar de la deuxième fonction, facultative à l'égard des Etats puisqu'on peut être partie au pacte mais refuser d'être soumis à ce contrôle du comité. C'est pourquoi dans la majorité des cas, le comité assure uniquement l'examen des rapports périodiques que bon nombre d'Etats parties ne s'empressent pas d'ailleurs à faire.

B/Les autres institutions

Il ne sera ici question du comité des droits de l'homme, de la cour européenne des droits de l'homme, de la cour américaine relative aux droits de l'homme et des peuples et bien entendu des juridictions nationales puisqu'en matière des droits de l'homme, elles appliquent soit directement le droit international soit le droit national, et celui-ci doit être conforme aux principes internationaux de protection des droits de l'homme.

Comme le comité contre la torture, le comité des droits de l'homme assure aussi trois fonctions principales :

Il s'agit de l'examen des rapports périodiques des Etats parties de l'étude des plaintes interétatiques et de l'examen des communications émanent des particuliers.

Les deux dernières fonctions sont facultatives pour les Etats. On est alors en face d'un obstacle similaire à celui du comité contre la torture. Mais dans le cas du comité des droits de l'homme, le nombre d'Etats parties au premier protocole facultatif au pacte est plus élevé que celui des Etats ayant fait la déclaration de l'article 22 de la convention du 10 Décembre 1984. Ce qui permet de constater que la protection devant le comité des droits de l'homme est plus large que devant le CCT. Mais toujours est-il que ce ne sont pas toutes les victimes potentielles du monde qui bénéficient de la garantie du CDH.

Au niveau régional, nous avons la cour européenne des droits de l'homme qui interdit en son article 3 la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cette cour régionale se veut la plus active en matière des droits de l'homme. Elle a en effet contribué  à faire évoluer la définition de la torture pour mieux la réprimer. Mais sa compétence se limite au niveau du conseil de l'Europe. Il serait souhaitable qu'une action pareille à la cour de Strasbourg s'installe dans tous les quatre coins du monde pour faire reculer effectivement la torture et les autres violations graves des droits de la personne.

Nous avons la cour interaméricaine qui oeuvre sur le continent américain.

Sur le continent africain, nous avons la commission africaine des droits de l'homme et des peuples, instituée par la charte. Elle n'est pas une juridiction. Contrairement aux mécanismes institutionnels européen et américain, le système de sauvegarde de la charte africaine ne repose jusque-là que sur un organe de conciliation, dépourvu de garantie juridictionnelle. Il présente donc une lacune et une faiblesse qui réduisent considérablement son efficacité et ses chances de succès. Ainsi BA Abdoul et autres ont pu écrire que : «sa mission est fort délicate dans la mesure où elle se trouve privée de tout pouvoir juridictionnel, qui seul pourrait lui permettre de remplir ses fonctions avec plus d'indépendance et sans trop de difficultés »20(*).

La présence des juridictions nationales parmi les institutions chargées de réprimer les actes de torture en droit international peut surprendre. Mais en réalité, elles devraient être classées au premier rang. En effet, le protecteur premier des droits de l'homme est le juge national. Pour ce faire, il ne peut pas se réfugier derrière l'argument selon lequel le juge national applique son droit positif ; puisqu'en matière des droits de l'homme, c'est la charte de l'ONU et la DUDH qui doivent être des références à tout juge, international, comme national, chargé de protéger et de garantir ces droits. Ce qui veut dire que tout droit, régional ou national, relatif aux droits de l'homme, à moins d'être des instruments rétrogrades, doivent se conformer aux principes universellement acceptent et régis par la charte de l'ONU et la DUDH.

Mais à voir la pratique quotidienne dans les pays, le constat est amer. Certains juges appliquent des textes qui n'ont rien à voir avec la réalité internationale des droits de l'homme, ou refusent ou résistent à faire bénéficier ses justiciables compatriotes des avancées internationales des droit de l'homme21(*).

Quand on a la possibilité de saisir ces différents organes, quelle procédure doit-on suivre pour espérer que sa plainte sera effectivement examinée ?

Paragraphe 2 : les règles de la procédure

Les règles de la procédure ne sont pas toujours identiques quand il s'agit de s'adresser à un juge national ou à un juge international.

Il convient d'étudier d'une part l'action devant les juridictions nationales et l'action devant les juridictions internationales d'autre part.

A/La compétence des juridictions nationales

Les juridictions nationales sont compétentes pour connaître des actions intentées par leurs justiciables ; mais il arrive que certains justiciables soient traduits devant les tribunaux avec qui ils n'ont aucun lien.

1-Les juges internes et la répression de la torture  

Le mode de saisine du juge interne varie d'un Etat à un autre puisqu'il obéit au droit national de procédure. Il faut dire qu'en matière de torture comme en matière des droits de l'homme en général, le juge constitutionnel intervient de plus en plus22(*).

En ce qui concerne la qualification des faits, elle ne devrait pas poser problème puisque la convention du 10 Décembre 1984 exige des Etats parties de rendre conforme leur droit pénal à la convention contre la torture23(*).

En tout état de cause le juge interne devrait être disponible à toutes allégations des personnes qui s'estiment victimes de torture dans les conditions prescrites par l'article 5 de la convention.

2-La compétence universelle des juridictions nationales

La compétence universelle en matière de torture plus qu'en tout autre cas de violations des droits de l'homme est une institution qui tend à parfaire la répression de ces actes.

C'est un mécanisme qui vise par exemple qu'un auteur présumé d'actes de torture qui ne serait pas poursuivi dans son propre pays24(*), soit parce qu'un changement politique est intervenu et que les nouvelles autorités ne cherchent pas à poursuivre les dirigeants précédents, puissent être jugé malgré cela dans un autre pays25(*). Ainsi la compétence pénale d'une juridiction nationale est dite « universelle » quand elle s'étend, en principe à des faits commis n'importe où dans le monde et par n'importe qui ; lorsque, par conséquent un tribunal que ne désigne aucun critère ordinairement retenu, peut, cependant connaître d'actes accomplis par des étrangers, à l'étranger ou dans un espace échappant à toute souveraineté. Pour que s'exerce cette compétence, il suffit théoriquement, des hasards d'une arrestation, d'une plainte ou d'une dénonciation26(*).

En tout état de cause, le paragraphe 3 de l'article 5 de la convention de 1984 autorise l'établissement de la compétence universelle en vue de sanctionner les auteurs d'actes de torture partout où ils fuiront. En effet, rien n'empêche un Etat d'user, à cette fin, du principe général qui lui permet de déterminer librement l'étendue de sa juridiction répressive27(*).

En ce qui concerne les conditions d'exercice de la compétence universelle, les conventions ou les lois nationales qui l'instituent au profit des juridictions nationales, déterminent elles-mêmes les conditions de leur mise en oeuvre28(*).

L'affaire Pinochet restera en mémoire en ce qui concerne la mise en oeuvre de la compétence universelle pour des actes de torture29(*).

Pour la première fois un Etat (la GRANDE BRETAGNE) a procédé à l'arrestation d'un auteur présumé d'actes de torture qui se trouvait sur son territoire en application d'une instruction donnée par un autre pays (Espagne).

La décision de la chambre des Lords le 24 Mars 1999 de refuser l'immunité à Pinochet est historique et crée une véritable jurisprudence internationale en ce qui concerne la mise en oeuvre de la compétence universelle.

Elle a incontestablement entraîné des incidences majeures dans la construction d'une justice sans frontières et dans les relations internationales30(*).

B/L'action devant les juridictions internationales

Il faut rappeler que toutes les instances internationales de garanties des droits de l'homme exigent que la prétendue victime puisse épuiser les recours que son droit positif lui offre. Cela ne voudrait pas dire qu'à chaque fois, il faut aller jusqu'à la cassation et attendre sa décision avant de saisir l'instance régionale ou universelle. Il en est ainsi si, on peut établir que la décision de la juridiction nationale suprême est connue d'avance et n'est pas favorable à la victime, donc ne garantit pas les droits humains. C'est aussi le cas si les délais dans lesquels ces juridictions nationales doivent se prononcer deviennent excessivement longs ou si la procédure devant elles est telle qu'elle ne garantit aucune issue favorable à la protection des droits de l'homme. On parle de plus en plus de l'épuisement des voies de recours `'disponibles'' ou recours `'utiles'' pour mettre davantage l'accent sur la disponibilité de ces instances nationales à réprimer les agissements contraires aux principes universels des droits de l'homme.

Au niveau régional, la CEDH de Strasbourg demeure l'instance de référence en matière de garantie des droits de l'homme.

Au niveau régional, la CEDH de Strasbourg demeure l'instance de référence en matière de garantie des droits de l'homme en général et des actes de torture en particulier. Elle bat le record du nombre annuel des plaintes. Elle peut être saisie d'une requête individuelle par toute personne physique, toute ONG ou tout autre groupe de particulier (art 34) dans un délai de 6 mois à partir de la date de la décision interne définitive.

Cette requête ne doit pas être anonyme. L'audience est normalement publique. Les arrêts de la cour ont force obligatoire et exécutoire. Ils sont définitifs s'ils proviennent de la Grande Chambre. S'ils proviennent d'une chambre, ils deviennent définitifs : « a- lorsque les parties déclarent qu'elles ne demanderont le renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre ; ou b- trois mois après la date de l'arrêt, si le renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre n'a pas été demandé ; ou c- lorsque le collège de la Grande Chambre rejette la demande de renvoi formulée en application de l'article 43 » (article 44§2 a-b-c.).

Quant à la cour interaméricaine des droits de l'homme, elle ne peut, malheureusement, pas être saisie par les particuliers, prétendues victimes de la torture. L'individu ne dispose pas d'un droit d'action individuelle devant la cour. Nous pouvons donc dire, avec le professeur F. SUDRE qu'il n'y a pas de garantie véritable et efficace contre la torture devant la cour interaméricaine des droits de l'homme. Car la notion de recours individuels « est au fondement même de l'efficacité de la garantie internationale des droits de l'homme »31(*).

La commission devant laquelle l'individu dispose d'un droit de recours n'est pas malheureusement une juridiction, et n'a donc pas de décision obligatoire et exécutoire sous la forme de chose jugée.

En ce qui concerne l'Afrique, la situation est pratiquement la même qu'en Amérique.

Pour le moment, il n'existe pas encore une cour africaine susceptible d'être saisie par les prétendues victimes d'actes de torture32(*). La seule commission disponible n'est pas une juridiction. De plus, le droit de saisine des individus devant elle est encore restreinte, ainsi que l'explique le juge KEBA M'BAYE : « les auteurs de la charte manifestent une très grande méfiance vis-à-vis des communications autres que celles des Etats parties ; aussi les ont-ils enfermés dans des conditions de recevabilité dont le respect intégral bien que difficile est nécessaire pour assurer une saisine valable de la commission »33(*).

En définitive, la procédure devant la commission fait la part belle aux Etats en matière de saisine dans un continent ou l'arbitraire étatique est encore une réalité.

Le particulier qui prétend être victime de torture et qui a rempli la condition d'épuisement des recours internes, peut introduire une communication auprès du CCT si l'Etat incrimina fait la déclaration de l'article 22 de la convention de 1984.

Il peut aussi saisir le CDH si l'Etat incriminé est partie au pacte international relatif aux droits civils et politiques et à son premier protocole facultatif.

Dans l'un ou l'autre cas, la procédure adopte est quasiment la même.

D'abord l'adresse précise de l'organe doit apparaître au début de la communication. Ensuite les renseignements sur l'auteur de la communication doivent être fournis ainsi que ceux de la victime, si l'auteur n'est pas la victime. Les renseignements sur l'Etat en cause, les articles violés et les recours internes exercés doivent être signalés.

Enfin, il faut préciser si la même affaire a été soumise à une autre instance nationale ; et exposer les faits en cause34(*).

Toute communication introduite suivant la procédure, sera examinée par l'organe qui constatera si oui ou non il y a eu torture. Dans ce dernier cas, il peut être fait obligation à l'Etat incriminé d'allouer une réparation suffisante à la victime.35(*)

A cette inconsistance du fondement répressif, s'ajoute l'effet destructif des réserves.

CHAPITRE 2 :

LE SYSTEME DES RESERVES AU FONDEMENT DE LA REPRESSION DE LA TORTURE

Les réserves constituent la plaie qui gangrène le droit international des droits de l'homme, puisqu'elles détruisent les fins poursuivies, ainsi que le reconnaît M. Boutros-Ghali, alors secrétaire général de l'ONU, lors de la conférence mondiale sur les droits de l'homme en 199336(*).

Pour bien comprendre l'effet destructif des réserves sur les instruments relatifs à la torture, nous allons étudier dans un premier temps la problématique des réserves aux instruments relatifs aux droits de l'homme, en général et dans un second temps, nous étudierons les réserves à la convention du 10 Décembre 1984.

SECTION I : Problématique des réserves aux instruments internationaux

Il convient ici d'analyser d'abord le régime général des réserves aux traités internationaux avant de voir le cas spécifique des conventions relatives aux droits de l'homme.

PARAGRAPHE 1 : Régime général des réserves aux traités

La convention de Vienne sur le droit des traités du 23 Mai 1969 définit en son article 2-a la réserve comme étant « une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat ».

La réserve est une pratique très ancienne en droit international. Contrairement en droit interne où le droit s'impose aux individus sans leur consentement, l'Etat, entité souveraine37(*) ne peut se faire obliger que par sa propre volonté. Forts de ce principe, les Etats observaient des réticences à s'obliger vis-à-vis des conventions internationales38(*).

Pour amener les Etats à conclure des traités en faveur de la coopération et la paix internationale, cette astuce permettrait d'accepter des engagements internationaux `'avec réserve''. La doctrine de `'l'intégrité du traité'' régissait la pratique. Il exigeait le consentement de tous les Etats contractants avant que soit acceptée une réserve et que son auteur devienne partie au traité39(*). La SDN a pratiqué cette doctrine puisque «  pour accepter une réserve, le secrétaire général exigeait non seulement le consentement de tous les Etats parties, mais aussi celui des Etats signataires »40(*).

L'évolution dans le domaine a été progressive depuis la convention de la Havane dont l'article 6 énonce que l'objection qu'un Etat peut formulé contre une réserve n'empêche pas l'Etat, auteur de la réserve de devenir partie au traité. L'objection a seulement pour conséquence d'éviter que le traité entre en vigueur entre l'Etat, auteur de la réserve et l'Etat, objecteur. Cette évolution a été consacrée par la Cour Internationale de Justice.

En effet, dans son avis consultatif de 1951 relative aux réserves à la convention sur la prévention et la sanction du crime de génocide, la cour a adopté la position de la convention panaméricaine et profita pour fixer la règle qui permet d'apprécier l'admissibilité d'une réserve. C'est, dit la cour, la compatibilité de la réserve avec l'objet et le but du traité qui doit déterminer l'attitude tant de l'Etat qui se propose de la formuler que des autres Etats au moment de l'accepter ou de formuler une objection41(*).

C'est cette opinion que le convention de Viennes sur le droit des traités a adopté pour définir le régime général des réserves dans ses articles 2 et 19 à 23.

A la lecture de ces dispositions, il ressort que : sauf prohibition expressément formulée dans le texte du traité, les Etats peuvent formuler toute réserve compatible avec l'objet et le but du traité (art. 19). Il revient aux autres Etats parties d'accepter la réserve ou d'objecter contre elle42(*).

Mais s'agissant des traités constitutifs d'organisation internationale, c'est l'organe compétent de celle-ci sauf disposition contraire, qui peut accepter ou refuser la réserve43(*).

En tout état de cause, une réserve produit des effets dans des conditions suivantes :

- La réserve est acceptée par tous les Etats partie44(*). Dans ce cas, le traité entre en

vigueur entre l'Etat réservataire et tous les autres Etats parties. Les dispositions sur

lesquelles porte la réserve se modifient dans la mesure prévue par elle (art. 21, 1-a et b).

- La réserve n'a pas été acceptée par tous les Etats parties. Dans ce cas, le traité entre

en vigueur entre l'Etat réservataire et les Etats qui ont accepté la réserve (art. 20-4-a)

- Un Etat partie objecte de façon non équivoque qu'une réserve empêchera l'entrée

en vigueur du traité. Dans ce cas le traité n'entrera pas en vigueur entre cet Etat objecteur et l'Etat auteur de la réserve. Si au contraire cette intention n'était pas exprimée par l'Etat objecteur, le traité produira ses effets entre les deux Etats, à l'exception de la clause ou des clauses affectées par la réserve.

Il se crée alors une série de régimes conventionnels particuliers entre l'Etat réservataire et les autres Etats.

A cause de leur spécificité, ce régime général ne peut s'appliquer aux conventions internationales relatives aux droits de l'homme.

PARAGRAPHE 2 : la spécificité des conventions relatives aux droits de l'homme

Même si la possibilité de formuler des réserves est aussi acquise quand il s'agit des instruments relatifs aux droits de l'homme, le contrôle de leur compatibilité avec l'objet et le but du traité, cette fois-ci, n'est pas laissé aux objections éventuelles des autres Etats parties au traité. Il obéit à un régime spécifique.

A/Possibilité de formuler des réserves

Nombreux sont les juristes qui soutiennent que les réserves aux dispositions de protection des droits de l'homme sont irrecevables. Mais il faut reconnaître que les réserves présentent une certaine utilité car elles permettent une large acceptation des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. La possibilité d'effectuer des réserves facilitent des ratifications. Elle encourage l'adhésion de plus grand nombre d'Etats qui respectent généralement les obligations qui sont énoncées45(*). Or dans le domaine des droits de l'homme, plus qu'ailleurs, il est recherché l'adhésion de plus grand nombre d'Etats, si possible tous les Etats. C'est pourquoi beaucoup de conventions de protection des droits de l'homme n'interdisent pas la possibilité de formuler des réserves.

La Convention contre la torture, peines et traitements inhumains ou dégradants a admis aussi la possibilité de se dérober de l'obligation de certaines de ses dispositions.

Il s'agit de la déclaration facultative des articles 21 et 22 ; si elles ne sont pas faites, le comité ne pourra pas examiner les communications interétatiques (art21) et les communications des particuliers (art. 22).

A ces deux possibilités de se dérober des obligations énoncées par la convention, il faut ajouter la réserve de l'article 28 qui empêchera le comité de procéder à une enquête confidentielle sur le territoire d'un Etat partie où la torture serait pratiquée de manière systématique et celle de l'article 30 qui délie son auteur des dispositions contenues dans son premier paragraphe, selon lesquelles, tout différend entre deux ou plus des Etats parties concernant l'interprétation ou l'application de la convention qui ne peut pas être réglé par voie de négociation sera soumis à l'arbitrage à la demande de l'un d'entre eux, ou à la cour internationale de justice.

A l'analyse, le caractère facultatif de la déclaration de l'article 22 paraît fondamental au vu de cette étude.

En effet, c'est la reconnaissance du comité, inscrite à l'article 22 qui lui permettra d'être un moyen de recours individuel dans la mise en oeuvre des droits reconnus dans la convention. C'est donc la garantie même de ces droits qui se trouve être défaillante46(*). Disons carrément que cette garantie des droits énoncés dans la convention n'existera plus dès lors que le comité ne sera pas compétent pour recevoir et examiner les communications présentées par ou pour le compte des particuliers, ainsi que l'affirme le professeur SUDRE « la proclamation internationale des droits de l'homme est une chose, la garantie internationale du respect de ces droits en est une autre »47(*).

La possibilité de formuler des réserves existe aussi à l'égard du pacte international relatif aux droits civils et politiques48(*). Il en est de même de la convention européenne des droits de l'homme (art.75) et de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.49(*)

B/Contrôle de la compatibilité des réserves

Depuis l'arrêt Belilos du 29 Avril 198850(*) on peut affirmer que les réserves émises à propos des traités relatifs aux droits de l'homme obéissent à un régime spécifique puisque c'est l'organe chargé de supervision de l'instrument qui est admis à contrôler la compatibilité avec le but et l'objet poursuivi par l'instrument 51(*). Car le droit international des droits de l'homme diffère du droit international classique ; c'est un droit objectif qui au rang de droit international52(*). Et comme le reconnaît encore Mazyambo M. KISALA, les droits humains se réfèrent à l'identité universelle de la personne humaine53(*). Ils sont donc attachés par principe à la seule qualité de la personne humaine54(*). Les traités qui proclament les droits de l'homme ont ainsi pour finalité de créer pour les Etats des obligations absolues qui impliquent l'uniformité de conduite envers tous les individus se trouvant sous la juridiction des Etats parties55(*).

Ainsi, ni l'entrée en vigueur d'une convention relative aux droits de l'homme à l'égard de l'égard de l'Etat auteur d'une réserve, ni l'appréciation de celle-ci et sa validité ne dépendent pas du consentement exprès ou tacite des autres Etats, mais plutôt de l'organe de supervision de ladite convention56(*). L'objection à une réserve d'un traité relatif aux droits de l'homme ne devrait produire aucun effet.

C'est dans cette optique que s'inscrit la pratique du CDH. Dans son observation générale n°24(52) relatives aux réserves au pacte et à ses protocoles facultatifs, adoptée le 2 Novembre 1994 au cours de sa 52ème période de session57(*) le comité des droits de l'homme définit ce qui constitue les objets et les buts du pacte et de ses protocoles. En fonction de cela, il donne les caractéristiques que doit présenter toute réserve au pacte ou à ses protocoles, ce qui constitue des instructions précises tant aux Etats qui ont l'intention de formuler des réserves qu'à ceux qui l'ont déjà fait58(*).

Cette position a été consacrée le 2 Novembre 1999 dans la jurisprudence Kennedy où le comité des droits de l'homme a invalidé la réserve de Trinité et Tobago relative à l'article 1er du premier protocole facultatif59(*).

On espère que le comité contre la torture s'approprie ce procédé pour contrôler et juger de la compatibilité des différentes réserves faites par certains Etats parties.

Il faut reconnaitre que le travail du comité contre la torture dans ce domaine, sera difficile, voire utopique en ce qu'il n'atteindra jamais le but.

En effet, le principal obstacle à la mission du comité, celle de garantir la jouissance par les individus des droits énoncés dans la convention n'est pas à proprement parler une réserve qu'on peut contrôler facilement.

En effet, la déclaration prévue à l'article 22 pour reconnaitre la compétence du comité à examiner des plaintes émanant des particuliers, est facultative. Un Etat peut adhérer à la convention sans faire cette déclaration. Elle apparaît comme un autre instrument qui n'est pas contenu dans la convention. Ce sont donc deux choses différentes : le texte de la convention et une déclaration facultative donnant la possibilité aux citoyens sous juridiction d'un Etat partie de se faire entendre par le comité en cas de violation des droits à eux reconnus par la convention, à l'instar du premier protocole facultatif par rapport au pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Profitant de cette possibilité de formuler des réserves, nombreux sont les Etats partie à la convention contre la torture, peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ont soit formulé directement des réserves ou des déclarations soit se sont abstenus se faire la déclaration facultative de l'article 22, refusant ainsi des communications émanant des particuliers, vidant du coup l'essentiel des garanties contenues dans la convention.

SECTION 2 : Les réserves à la convention de 1984

Avant d'étudier les conséquences de ces réserves sur la convention, il importe de faire l'état des lieux quant à la nature des réserves et les Etats partie qui en sont les auteurs.

Paragraphe 1 : les Etats réservataires

Des 138 Etats qui ont signé ou ratifié la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, seulement 41 Etats ont accepté la compétence du comité contre la torture pour recevoir et examiner les communications présentées par et pour le compte des particuliers relevant de leur juridiction (art.22)60(*).

Il s'agit de : l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Allemagne, l'Argentine, l'Australie, l'Autriche, l'Azerbaïdjan, le Bahreïn, la Belgique, la Bulgarie, Cameroun, le Canada, le Chypre, la Croatie, le Danemark, l'Equateur, l'Espagne, la Finlande, la Fédération de Russie, la France, le Ghana, la Grèce, la Hongrie, l'Islande, l'Italie, le Liechtenstein, le Luxembourg, le Malte, le Monaco, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède, la Suisse, les Seychelles, le Togo, la Tunisie, la Turquie, l'Ukraine, l'Uruguay et la Yougoslavie.

Nombreux sont aussi les Etats partie à la convention qui ont formulé des réserves diverses et variées. On peut regrouper ces différentes réserves par rapport aux différentes dispositions de la convention.

Trois Etats ont formulé des réserves ou des déclarations interprétatives par rapport à la définition de la torture énoncée à l'article 1er. Il s'agit de : Botswana, de Luxembourg et des Etats-Unis d'Amérique.

Par rapport à l'article 3 et à l'article 16, seuls les Etats-Unis ont formulé une déclaration interprétative.

Par contre, ils sont au nombre de trois à formuler des réserves qui touchent le contenu de l'article 14 : le Bangladesh, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis d'Amérique.

Les Etats comme l'Afghanistan, l'Arabie Saoudite, la Chine, le Cuba, l'Indonésie, l'Israël le Koweït et la Pologne ont formulé des réserves par rapport aux dispositions de l'article 20.

Mais c'est surtout par rapport à l'article 30 que les Etats sont nombreux à formuler des réserves. Ils sont au nombre de dix-sept à savoir : l'Afghanistan, l'Arabie Saoudite, le Bahreïn, le Chili, la Chine, le Cuba, les Etats-Unis d'Amérique, la France, le Ghana, l'Indonésie, l'Israël, le Koweït, le Maroc, le Monaco, le Panama, la Pologne et la Turquie.

Quant au Qatar, il fait réserve à « toute interprétation des dispositions de la convention qui soit incompatible avec les préceptes du droit islamique et de la religion islamique ».

Paragraphe 2 : les conséquences des réserves sur la convention de 1984

S'agissant de la validité des réserves, la compétence appartient-elle aux Etats partie au traité ou au comité qui a été créé en vue de contrôler l'application de la convention ?61(*)

Ainsi se pose d'emblée la question. En ce qui concerne la convention de 1984 comme le reconnaît le CDH à l'égard du pacte et ses protocoles, c'est le comité contre la torture, organe de contrôle qui doit connaitre l'étendue des obligations étatiques afin de s'acquitter de ses fonctions62(*). L'objection ou la non objection de la part des Etats partie n'a donc pas d'effet63(*). Il appartient au comité contre la torture et à lui seul d'accepter ou de refuser une réserve64(*).

Surtout lorsqu'il examine une requête individuelle, il doit se prononcer sur l'effet et l'étendue d'une réserve afin de déterminer l'admissibilité de la requête, et sa conclusion devra être respectée par les Etats parties65(*).

C'est seulement de cette manière que le comité pourra atteindre son objectif, celui de constituer un organe de recours aux victimes de la torture. Car l'impossibilité pour les particuliers de saisir le comité contre la torture supprime tous les éléments des garanties prévues par la convention.

Elle est le développement pour sa mise en oeuvre de l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques66(*).

Or l'article 7 fait partie de la catégorie des dispositions du pacte qui ne sont pas susceptibles de dérogations même en situation d'urgence nationale67(*). Ainsi le caractère de certaines dispositions de la convention de 1984 notamment de l'article 22 contredisent cette conception, c'est-à-dire celle qui classe l'article 7 parmi les dispositions obligatoires et absolues. C'est pourquoi, il convient de dire que la convention de 1984 est une simple déclaration qi sert de tribune aux Etats et de préambules aux lois fondamentales.

Le moins qu'on puisse dire, au vu de tout cela, est que le CCT, malgré la publicité qu'on en fait autour de ses activités68(*) n'arrive pas encore à assurer la mission qu'on était en droit d'attendre de lui. Cela ne dépend peut-être pas du comité en tant qu'institution. C'est la flexibilité de la conception de la souveraineté des Etats ou l'abus du principe de la compétence exclusive des Etats69(*) au détriment de la protection internationale de l'individu70(*) qui constituent les véritables obstacles. Mais le comité pourra inverser la tendance en redéfinissant son rôle en tant qu'organe chargé de sanctionner une infraction qui fait partie des plus cruelles et des plus redoutables vis-à-vis de la dignité humaine.

A la suite de cette analyse, il convient de retenir qu'en l'état actuel de son fonctionnement, le mécanisme répressif actuel de la torture est en deçà des attentes des nombreuses victimes de ce crime.

Face à cet état de chose, il est impérieux d'instaurer d'autres stratégies pour corriger les tares recensées, et par là même, éradiquer le phénomène.

DEUXIEME PARTIE :

LA NECESSITE D'UN CHANGEMENT DE STRATEGIE DANS LA REPRESSION DE LA TORTURE

Comme signalé plus haut, l'effectivité du système répressif est un élément fondamental dans la lutte contre la torture, les peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La situation qui se présente actuellement, relativement à cette question est assez préoccupante, si l'on s'attarde un peu sur l'écart qui existe entre l'abondance des traités internationaux, les grandes conférences mondiales et l'inefficacité du mécanisme de répression du crime.

Les nouvelles stratégies à instaurer et dont la nécessité n'est plus à démontrer, devront toucher deux points essentiels à savoir : sortir du statisme actuel d'une part et de l'autre, renforcer la répression de proximité.

CHAPITRE 1 :

UNE DYNAMISATION NECESSAIRE

Pour rendre dynamique la lutte contre la torture, certaines mesures ont été prises. Il y a lieu d'évaluer la pertinence de ces mesures envisagées avant d'étudier d'autres mesures qu'on devrait normalement envisagées.

SECTION 1 : Les solutions envisagées

L'organisation des Nations Unies, depuis sa création n'a jamais cessé de se déployer contre la torture. Les dernières créations en date concernent l'élaboration d'un projet de protocole facultatif à la convention de 1984 et l'implication des organes des Nations Unies aux côtés du comité contre la torture dans la lutte contre le crime.

Paragraphe 1 : le projet de sous-comités

Pour bien appréhender cette nouvelle initiative des Nations Unies, nous allons analyser d'abord son contenu avant de constater ses carences à atteindre les fins poursuivies.

A/Le contenu de la réforme

L'objectif principal sinon unique du projet de protocole facultatif est de prévenir la torture dans les lieux de détention, ainsi que cela ressort clairement du préambule et de l'article premier du protocole.

La mise en oeuvre de cette prévention sera assurée par un sous-comité (articles 5 à 10). Le sous-comité international sera assisté des mécanismes nationaux de prévention (articles 17 à 23). Le sous-comité et les mécanismes de prévention pourront formuler des recommandations à l'attention des Etats visités (articles 11-a et 19-b).

Le mécanisme national est aussi habilité à présenter des propositions et des observations au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi en la matière (article 19-c). C'est une attribution si elle devient effective, pourra rendre conforme les législations nationales des Etats concernés au droit international des droits de l'homme. Cela pourra déboucher sur la reconnaissance du Comité contre la torture de l'article 22 de la convention de 1984 pour recevoir et examiner les plaintes individuelles, des Etats parties qui n'ont pas encore fait cette déclaration. L'effet de cette déclaration sur les gouvernants reste, au demeurant utopique.

Des garanties pouvant favoriser le travail des membres du sous-comité et de leurs collaborateurs des mécanismes nationaux, sont reconnues et accordés (art. 14 et 18). Des protections sont renforcées en faveur des `'informateurs'' du sous-comité (art.15) et (art.21). Cette protection pourra aider à avoir des éléments de preuve dans cette manière où elle est très rare et engendre l'impunité. On espère donc que les sources d'information du sous-comité serviront aussi les victimes des actes de torture devant le juge71(*).

L'une des mesures efficaces prévues par le protocole est la possibilité de publier le rapport annuel du sous-comité et l'obligation de publier les rapports annuels des mécanismes nationaux. Nous sommes dans un domaine où la publicité d'un Etat comme bon ou mauvais protecteur des droits humains renforce le prestige international de l'Etat ou l'anéantit et le rend méprisable.

Contrairement à ce qui est prévu dans la convention où ce sont les Etats parties qui prennent en charge les dépenses occasionnées par les activités du comité c'est l'ONU qui prend en charge les dépenses résultant des travaux du sous-comité de prévention. Ce mode de financement le mettra certainement beaucoup plus indépendant des Etats parties.

Il est prévu la création d'un fonds spécial pour aider les Etats à améliorer entres autres les conditions de détention.

Il est dit expressément qu'il ne sera admis aucune réserve au protocole. Mais les Etats parties peuvent ajourner l'essentiel des obligations qui leur incombent au titre de ce protocole. Cet ajournement peut aller jusqu'à cinq ans à compter de la date à partir de laquelle l'Etat intéressé est partie au protocole. Concrètement, la jouissance des mesures de protections contenues dans le protocole par les victimes potentielles n'est pas pour demain.

B/Les limites de la réforme

A l'analyse, la réforme issue du protocole facultatif en projet présente deux défauts fondamentaux. D'abord, la réforme s'est limitée à la prévention. C'est-à-dire que l'objectif ne serait pas de punir pour dissuader la commission de l'infraction. Les rédacteurs du protocole facultatif sont partis d'un constat : « convaincus que d'autres mesures sont nécessaires pour atteindre les objectifs de la convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants... »72(*). et pour apporter ces mesures qui manquent pour atteindre les objectifs de la convention, il faut selon les rédacteurs, la prévention. Alors que la convention elle-même avait plusieurs mesures de prévention73(*). Il s'agit des systèmes de rapports périodiques (art.19) et surtout des mesures louables prévues à l'article 20. Ces mesures peuvent conduire le comité à descendre sur le terrain pour enquêter. Mais elles sont devenues ineffectives à cause de l'usage qui en est fait. Ce qui veut dire concrètement que les nouvelles mesures qu'apporte le protocole facultatif n'atteindront leur objectif que si et seulement si, on en fait un bon usage. Et l'usage le plus bénéfique à notre avis c'est le constat de torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants auquel ces mesures pourront conduire, puisse déboucher sur la répression ou au moins puisse servir de preuve devant les juges. Il n'y a que la répression qui puisse réduire ce crime puisqu'elle a plusieurs fonctions à savoir : dissuader, décourager, effrayer, réparer, dédommager...

Ensuite, le deuxième défaut fondamental, à notre avis, de ce protocole est son domaine d'action trop limité : les lieux de détention. C'est croire que le torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne peuvent se commettre qu'en prison. Nous sommes d'accord que les périodes de détention constituent des périodes propices pour subir la torture. Mais les infractions de sévices corporelles, la torture psychologique, les humiliations grossières... ne sont pas l'apanage des seuls personnels pénitentiaires et autres intervenants dans la garde des personnes privées de liberté74(*). La torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants se commettent un peu partout et à tout moment : à la maison, au travail, à l'école, sur la voie75(*). Limiter les actions aux seuls lieux de détention, c'est priver un grand nombre de victimes potentielles d'être protégées contre la torture. Seule la répression de toute personne, physique ou morale, reconnue coupable d'acte de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants peut susciter une méfiance et une prise de conscience des auteurs potentiels de ces crimes.

Paragraphe 2 : l'implication de tous les organes de l'ONU dans la lutte contre la torture

Pour mieux appréhender cette implication des Nations Unies dans l'éradication de la torture, il convient d'analyser d'abord les actions engagées avant d'évaluer les effets.

A/Les actions

L'éradication de la pratique de la torture dans le monde constitue l'un des principaux défis que l'ONU s'est employée relever quelques années seulement après sa création. Afin d'assurer à tous, une protection adéquate contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'ONU a adopté au fil des ans des normes universellement applicables. Mais constatant que celles-ci n'ont pas pu atteindre les objectifs fixés, l'organisation reprend du travail. Il n'est plus question de laisser seuls la convention de 1984 et les organes qu'elle a institués dans la bataille. C'est ainsi que le comité des droits de l'homme, organe chargé de superviser le pacte n'a cessé de recevoir et d'examiner les plaintes relatives à la violation de l'article 7 qui interdit la torture. Pour faire bénéficier un plus grand nombre de personnes de ses services en la matière, et de façon générale tous les droits de l'homme, le CDH a élaboré une observation générale76(*) qui anéantit les obstacles que constituaient les réserves aux instruments relatifs aux droits de l'homme. Le comité des droits de l'homme fait aussi une interprétation large de la notion de torture. Ainsi, il a reconnu que l'article 7 s'appliquait aux techniques d'exécution des condamnés à mort, et que les exécutons doivent être menées de manière à réduire au minimum les souffrances physiques et psychologiques77(*).

La commission des droits de l'homme, elle aussi s'investit depuis peu dans la lutte contre la torture. Dans sa Rés. 2002/3878(*) adoptée sans vote le 22 Avril 2002, elle rappelle aux gouvernements que les châtiments corporels infligés aux enfants ainsi que les menaces de mort, peuvent être assimilées à) un traitement cruel, inhumain ou dégradant ou à la torture. La résolution recommande aussi que les allégations faisant état d'actes de torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doivent être examiner sans délai et en toute impartialité par l'autorité nationale compétente, posant ainsi le problème de recours utiles, base d'une garantie efficace des droits de l'homme. Elle revient aussi sur l'éternel problème de preuve et demande que toutes les personnes qui fournissent des informations sur les actes de torture et d'autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants soient protégées.

La commission invite les gouvernements à reconnaître la compétence du comité pour recevoir et examiner entre autres les plaintes individuelles et de s'abstenir de formuler des réserves à l'égard des dispositions de la convention. Elle salue enfin la constitution du fonds de contribution volontaire des Nations Unies pour les victimes de la torture, la commission loue aussi les actions positives du secrétaire général en faveur de la prévention et de la réadaptation sociale des victimes de torture.

B/Les limites de ces actions

Toutes ces actions sont intéressantes en ce qu'elles révèlent la gangrène sociale que représente le crime de torture. Elles montrent que les actes de torture sont quotidiens dans les différentes sociétés du monde. Mais aussi révélatrices qu'elles soient, ces différentes actions de l'ONU sont vouées à l'échec puisqu'elles ne touchent pratiquement pas la cause première du phénomène. En effet, si la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants persistent c'est parce que les auteurs de ces actes ignobles, faciles et rapides à commettre sont assurés de ne pas être punis. Et beaucoup d'éléments concourent à l'impunité du crime. Il s'agit entre autres de l'existence de recours utiles et le problème de manque de preuve quand bien même les allégations paraissent évidentes.

Or, toutes les actions de l'ONU n'ont fait que recommander la création de ces conditions. Il serait beaucoup plus intéressant de contraindre les Etats à adopter des mesures concrètes devant concourir à l'éradication du crime79(*).

Section 2 : les solutions envisageables

L'analyse du droit international des droits de l'homme conduit à remarquer que l'institution la plus active dans la répression de la torture demeure la cour de Strasbourg. Pour lutter contre ce crime, les autres instances devraient s'inspirer de la méthode de la cour européenne des droits de l'homme auxquelles on peut ajouter une méthode alternative de répression.

Il convient alors d'étudier l'expérience de la cour de Strasbourg d'une part et la répression alternative d'autre part.

Paragraphe 1 : l'expérience de a cour de Strasbourg

L'évolution de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme a perms de réprimer certains comportements qui apparemment n'étaient pas protégés par les diverses dispositions qui interdisent la torture. Ainsi depuis l'arrêt Irlande c. RU80(*) du 18-01-1978 qui qualifie la torture de « traitement inhumain délibéré provoquant de fort graves et cruelles souffrances », la notion a évolué dans le seul souci de mieux réprimer le crime. Au fil des années et de la jurisprudence de la cour et de la commission, l'article 381(*) a pu être appliqué à des situations qui ne relevaient nécessairement pas de ce que les rédacteurs de la convention avaient en tête, à savoir des situations «classiques » de mauvais traitements subis par les requérants du fait d'agents étatiques82(*).

Ainsi, en 1999, dans l'arrêt Selmouni c. la France, la cour a fait un pas qui assure une prospérité dans la jurisprudence européenne quand elle dit : « ... à l'égard d'une personne privée de sa liberté, l'usage de la force physique qui n'est rendu strictement nécessaire par le comportement de ladite personne porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l'article 3 »83(*). Cette évolution jurisprudentielle importante présente un autre intérêt en ce qu'elle dissocie les termes « torture » et « traitement inhumain ou dégradant » dans l'interprétation de l'article 384(*). Cette distinction que comporte l'article 3 de la CEDH entre « torture » et « traitements inhumains ou dégradants », distinction qu'on retrouve aussi dans la convention de 1984, serait retenue pour marquer d'une spéciale infamie des traitements inhumains provoquant délibérément de graves cruelles souffrances85(*). Dans l'affaire Irlande c. RU, la cour avait considéré que les techniques policières d'interrogatoire utilisées ne constituent pas des actes de torture mais seulement « une pratique de traitements inhumains et dégradants »86(*). En effet, un traitement inhumain désigne des pratiques qui provoquent un sentiment de désespoir et d'infériorité et un traitement dégradant est un traitement qui vise à humilier l'individu devant autrui ou devant ses yeux87(*). Il est utile de préciser que le traitement considéré n'est pas nécessairement une coercition physique ; mais peut être un traitement qui entraîne des effets psychiques d'une certaine gravité88(*). C'est cette évolution jurisprudentielle intéressante de la CEDH qui a amené Jean-Manuel LARRALDE à considérer que la cour a fait un recul quand elle se refuse à admettre la violation de l'art. 3 chez une personne indûment privée de sa liberté à qui on a posé des menottes lors de son transfert de la prison à l'hôpital89(*). Mais l'application de l'article 3 au contentieux des étrangers lorsque leur expulsion, extradition ou refoulement sont envisagés constitue sans nul doute l'une des avancées les plus spectaculaires90(*).

A cet égard le célèbre arrêt Soering c. RU91(*) est très illustratif à un double point de vue. D'abord il a considéré que le « syndrome du couloir de la mort »92(*) constitue « un traitement inhumain » au sens de l'article 3. C'est un curieux exemple de protection par ricochet93(*) puisque la cour est parvenue à contourner l'art2§1 de la convention94(*).

Le deuxième point important de l'arrêt Soering est qu'il ne suggère aucunement un acte direct de l'Etat défendeur contraire à l'article 395(*).

En effet, ce n'est pas le RU qui allait se prononcer, ni exécuter la peine de mort qui menaçait Jens Soering mais l'Etat de Virginie vers lequel il devrait être extradé pour être jugé pour l'assassinat de deux personnes96(*). Mais pour la cour, le fait que l'Etat extradant ou expulsant ne soumet pas directement le requérant à des « traitements inhumains » ne saurait le relever de « sa responsabilité au regard de l'art. 3 pour tout ou partie des conséquences prévisibles qu'une extradition entraîne en dehors de sa juridiction ». La jurisprudence Soering affranchit ainsi l'applicabilité de l'art. 3 d'un acte direct de l'Etat défendeur97(*). La cour sanctionne le fait que l'Etat partie à la convention prête la main à un comportement contraire à la convention98(*).

L'autre interprétation évolutive non moins spectaculaire est celle que la cour a adopté dans l'arrêt D c. RU, rendu le 2 Mai 1997 où la cour a considéré que l'absence de soins médicaux à une personne en phase terminale du SIDA est comparables aux traitements inhumains et dégradants99(*).

L'inspiration de la jurisprudence de la juridiction de Strasbourg par toutes les instances internationales et nationales comme l'a déjà fait le CDH100(*) serait bénéfique pour la lutte contre la torture.

Paragraphe 2 : la prise en compte d'une répression alternative

Pour combler les lacunes d'une procédure de justice qui n'aboutit presque toujours pas, d'autres mesures, telles les sanctions administratives et disciplinaires doivent être prévues et exécutées. Même dans les Etats où les poursuites pénales sont développées, elles ne peuvent représenter qu'une partie des mesures propres à mettre un terme à l'impunité.

Le but de ces sanctions administratives et disciplinaires serait de faire savoir que la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne sont pas une méthode acceptable pour obtenir des informations ni pour parer aux menaces auxquelles sont confrontées les forces de sécurité dans l'accomplissement de leur mission101(*). Les règlements administratifs, règlements intérieurs devraient prévoir : l'ouverture sans délai d'enquêtes approfondies indépendantes et impartiales sur tous les actes de torture qui sont signalés102(*) ; la suspension de tout service actif pour le ou les fonctionnaires mis en cause pendant la durée des investigations ainsi que leur mise à l'écart, leur mutation ou leur révocation s'ils sont reconnus coupables ; d'autres sanctions appropriées, comme une peine d'amende ou l'obligation de verser des dommages et intérêts103(*) à la victime104(*).

En effet, la réaction interne d'une institution à des accusations de recours à la torture formulées contre son personnel est déterminante pour renforcer l'impunité ou pour y mettre un terme105(*). Un fonctionnaire présumé coupable d'actes de torture ne devrait plus bénéficier d'aucune faveur professionnelle au moment même où la procédure d'accusation est en cours. Le fait de traiter des actes de torture commis dans une institution par exemple de faits isolés imputables à des fonctionnaires peu recommandables désignés comme « brebis galeuses » peuvent empêcher que le caractère institutionnalisé de e problème soit reconnu ou traité.

La pratique courante malheureusement, qui consiste à indemniser les victimes seulement sans déférer les tortionnaires à la justice106(*) est à décourager puisqu'elle ne participe pas réprimer effectivement le crime en vue de l'éradiquer.

CHAPITRE 2 :

LE JUGE INTERNE : UN ORGANE INCONTOURNABLE DANS LA REPRESSION DE LA TORTURE EN DROIT INTERNATIONAL

Le recours aux juridictions nationales est aujourd'hui, vu l'état actuel de la question de la répression de la torture en droit international, la seule solution capable de surmonter au mieux les divers obstacles rencontrés dans ce cadre.

En effet, nous savons que l'interdiction de la torture est absolue et non dérogeable mais que la souveraineté internationale des Etats a vidé de tout sens, ce qui fait que beaucoup de personnes ne sont pas protégées.

Face à cette situation, il est nécessaire de prendre des mesures afin d'en tirer et d'exploiter au besoin tous les avantages. Il faut pour cela, garantir le droit d'accès au juge interne, puis se servir des conventions internationales pour mieux réprimer le crime au niveau national.

Section 1 : les garanties du droit d'accès au juge interne

Pour permettre à toutes les victimes de torture de pouvoir s'adresser à son juge pour avoir justice, il faut pouvoir détruire certains obstacles, puis restaurer la justice classique.

Paragraphe 1 : les obstacles à surmonter

Ces obstacles peuvent varier d'un Etat à un autre. Mais quelle que soit la nature de ces obstacles, ils concourent tous à un même résultat : exclure une majorité de la protection de la justice.

Selon le professeur Pierre COUVRAT, il faut distinguer le droit au juge et le `'droit au droit'' qui concourent tous les deux au droit à la justice107(*).

En effet, le droit à la justice est le droit au juge parce que ce droit suppose la saisine d'un juge étatique en vue d'obtenir de lui une décision. Le droit à la justice est également `' le droit au droit'' en ce sens que le recours à la justice vise à faire reconnaître et sanctionner les droits individuels.

Mais puisque dans l'institution judiciaire, le juge joue un rôle central, le droit à la justice peut se ramener au droit d'accès au juge.

Ainsi apparaissent les deux obstacles qui doivent être surmontés pour avoir accès à la justice : il s'agit d'une part de disposer des potentialités intellectuelles, financières, nécessaires pour s'adresser au juge ; et de l'autre, être en mesure de savoir qu'on est victime.

En d'autres termes, les obstacles à la justice suppose qu'une catégorie non négligeable de la population se trouve exclue des services de la justice soit parce qu'elle est pauvre, soit parce qu'elle est analphabète ou encore parce qu'elle ignore ses droits.

Détruire les obstacles qui bloquent l'accès à la justice, revient à agir d'abord sur le coût « trop cher » de la justice, ensuite alphabétiser ou scolariser les populations et enfin, enseigner aux populations leurs droits les plus élémentaires. Ceci permettra de donner effet au principe de l'accès de tous à la justice.

En matière de torture, plus qu'en toute autre matière des droits de l'homme, si ce principe continue d'être une simple profession de foi sans être concrétisé, il ne peut pas être mis un terme aux violations. En matière de torture plus particulièrement d'autres exigences complémentaires sont à observer : le droit au juge doit être non seulement garanti par, comme le dit le professeur COUVRAT, « une accessibilité constante dans le temps à l'obtention de la justice (...) une accessibilité dans l'espace quel que soit l'endroit où elle est sollicitée (...) une égalité de traitement pour tous par elle »108(*), mais surtout encourager les victimes présumées en les sensibilisant et en les protégeant109(*).

L'accès au juge suppose aussi le droit à un juge impartial et indépendant qui tiendra compte des circonstances pour apprécier les éléments de preuve110(*).

Le droit à la défense, exigence fondamentale de toute procédure doit être renforcé dans ce domaine, car les victimes d'actes de torture sont souvent analphabètes et issues des couches défavorisées de la société et ne sont as forcément capables de payer les services d'une bonne défense.

Il faut aussi et dans tous les cas, rapprocher les juridictions des justiciables, puisque la distance qui sépare les juridictions des justiciables est très souvent la cause de l'impunité, comme l'explique le professeur SAWADOGO : « l'éloignement géographique de la justice du justiciable est un facteur de premier ordre de la difficulté d'accès à la justice, surtout quand on tient compte du temps nécessaire au règlement d'une seule affaire. Pour le justiciable éloigné, en effet, plusieurs déplacements sont nécessaires au siège de la juridiction avant que son affaire ne soit tranchée. Cet obstacle se trouve aggravé pour les pays vastes, forestiers ou désertiques dont l'état des infrastructures laisse à désirer »111(*).

Si la destruction de tous les obstacles est nécessaire pour avoir accès à la justice, il n'en demeure pas moins que la justice classique soit restaurée.

Paragraphe 2 : la restauration d'une justice classique

Pour garantir le droit d'accès au juge, il faut restaurer la justice, c'est-à-dire, la rendre conforme aux exigences du droit international des droits de l'homme.

En effet, les textes applicables dans la plupart des Etats parties à la convention de 1984 ne prennent pas en compte les principes énoncés par la convention. Ce sont des textes vétustes. Et comme le rapporte Amnesty International, dans certains pays, « le crime spécifique de torture n'exista pas toujours. Les faits sont alors qualifiés de `'coups et blessures'', infraction sanctionnée par une peine moins lourde »112(*). Face à cette situation, il est impérieux d'actualiser les textes, c'est-à-dire, les rénover, les adapter à l'environnement socioculturel et économique international.

Cette opération passe nécessairement par une acceptation indirecte du droit international en droit interne. On pourrait par exemple définir dans la législation interne la torture et les autres infractions assimilables en reprenant les principaux termes utilisés dans la convention de 1984 et l'élargir si possible, ainsi que le suggère implicitement l'article 1er paragraphe 2 de la convention. On pourrait aussi adopter d'autres mesures sur le plan interne de lutte contre le crime, qui ne sont pas contraires aux grands principes tracés par la convention de 1984.

A cela, il faut ajouter la vulgarisation de la convention en insistant sur les possibilités de garanties qu'elle offre aussi bien au plan interne que sur le plan international à toute personne d'actes de torture et autres peines et traitements cruels inhumains ou dégradants.

En effet, si les victimes n'ont aucune connaissance de leur droit, comment pourront-ils y accéder ? C'est dans cette optique que le professeur DEGNI-SEGUI constate que « l'un des obstacles majeurs à l'accès au prétoire (...), c'est l'ignorance du droit en général et de leurs droits en particulier par les citoyens qui sont pourtant censés ne pas les ignorer, en vertu de l'adage nemo legem ignorare censetur »113(*).

Ainsi tous les citoyens, en milieu urbain et en milieu rural pourront bénéficier des différentes mesures de protection et de garantie du droit à ne pas être soumis à la torture.

Pour ce faire, certaines mesures doivent être prises.

Dans un premier temps, il s'agira de traduire la convention et les lois et textes nationaux qui s'y rapportent en langues nationales. Cette mesure permettra d'informer et d'instruire les populations rurales souvent déconnectées de la réalité juridique et qui n'hésitent pas souvent à lancer que `'les lois sont faites pour les gens de la ville et non pour les villageois''114(*).

Dans un second temps, il s'agira de multiplier les émissions radiodiffusées ou télévisées en direction des justiciables, aussi bien dans la langue officielle que dans les langues nationales, dans les Etats où elles existent.

Dans un troisième temps, il s'agira d'inscrire dans les programmes scolaires, l'enseignement des notions élémentaires des droits de l'homme et leurs mécanismes de garantie. Cela permettra au monde scolaire de connaître les notions élémentaires de droit afin de ne pas être victime de l'ignorance.

L'accès au juge interne constitue une urgence dans la lutte contre l'impunité des tortionnaires. Il faudra donc assurer ce droit tout en l'améliorant avec les garanties qu'offrent les conventions internationales en la matière. Cette mesure permettra de connaître la supériorité et la force obligatoire au niveau national des instruments de protection des droits humains.

Section 2 : la dynamique de la supériorité de la norme internationale

La dynamique de la supériorité de la norme internationale par rapport à la norme nationale suppose d'abord que la convention internationale prime sur la loi nationale quand les deux se contredisent, ensuite que le juge interne respecte l'interprétation faites par le juge international.

Paragraphe 1 : l'applicabilité directe des conventions internationales par le juge interne

Dans l'optique d'une application des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, le juge interne pourra, dans un premier temps, se servir de ces normes internationales pour enrichir sa loi nationale, et dans un second temps, s'en servir en lieu et place de sa loi nationale.

A/Convention internationale : source d'élargissement du pouvoir de création du droit des juges

Le juge national, saisi d'une plainte faisant allégation de torture et des peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants peut et il doit le faire pour ne pas être un obstacle à l'évolution internationale des droits de l'homme, recourir à la convention onusienne et à des dispositions pertinentes de convention ou charte régionales pour compléter la loi nationale ou pour l'enrichir.

Ainsi, le juge national peut se servir de deux manières des conventions internationales pour pouvoir rendre une décision exemplaire.

Dans un premier temps, le juge doit recourir de manière systématique à la norme internationale pour compléter la loi nationale là où elle apparaît incomplète, lacunaire, insuffisante ou en contradiction avec la convention onusienne.

Plusieurs jurisprudences montrent que les juges internes ouverts au droit international n'ont pas hésité à recourir à la norme internationale pour compléter la loi nationale115(*).

Dans un second temps, le juge doit recourir à la norme internationale pour enrichir la loi nationale, pour la vivifier, en dégager toutes les potentialités pour protéger les droits humains116(*).

Cette ouverture du juge national permet non seulement de donner effet à la convention au profit des particuliers qu'elle est censée protéger, mais aussi permet à l'Etat partie dont il est l'organe de respecter ses engagements internationaux.

B/Le principe d'application de la convention par le juge national

Pour assurer l'effectivité de la convention en droit interne, le meilleur moyen et le plus simple est l'application de ces dispositions par le juge interne lors de ses décisions par rapport aux plaintes qui lui sont soumises.

L'applicabilité directe et la primauté des conventions internationales relatives au droit de l'homme ont fait l'objet d'une littérature particulièrement abondante.

Pour le Dr Alain Didier OLINGA, « l'applicabilité directe des traités internationaux reste une question de stratégie jurisprudentielle, d'attitude globale face au droit international, ou tout simplement un réflexe d'opportunité, lié au contexte de la décision. »117(*)

Mais pour Hervé BRIBOSIA, la principale condition d'applicabilité interne d'un traité est sa réception dans l'ordre étatique par la loi118(*) qui lui permettra de produire d'effet direct119(*). Ainsi les particuliers sous la juridiction d'un Etat partie à la convention peuvent se prévaloir directement devant le juge national de cette convention. Cette possibilité permettra à toute personne se trouvant sur un territoire sous la juridiction d'un Etat partie qui n'aurait pas pris les mesures préconisées par la convention pour rendre conforme son droit national, de bénéficier directement des dispositions de celle-ci, comme le recommande la jurisprudence le Ski : « Attendu que, lorsque le conflit existe entre une norme de droit interne et une norme de droit international qui a des effets directs dans l'ordre juridique interne, la règle établie par le traité doit prévaloir ; que la prééminence de celle-ci résulte de la nature même du droit international conventionnel »120(*).

Mais l'application des conventions par le juge national un autre avantage non moins important. Elle permet à l'Etat de respecter ses engagements internationaux.

En effet, la méconnaissance dans son droit interne de la convention internationale qu'il s'est engagé à respecter met l'Etat dans la position de violation de la convention devant le juge international. Car l'application d'une règle nationale clairement incompatible avec la disposition d'un traité peut constituer un fait illicite international121(*).

Paragraphe 2 : L'autorité de chose interprétée par les juridictions internationales

Il n'est pas suffisant que le juge national applique la convention ou s'en serve comme source d'élargissement du droit. Il faut surtout qu'il l'interprète dans le sens donné par l'instance internationale chargée de sa supervision, comme l'a fait, la deuxième chambre civile du tribunal fédéral suisse, en privant d'effet la déclaration interprétative suisse relative à l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme, suivant ainsi la cour européenne des droits de l'homme. C'est seulement à cette condition que les justiciables pourront bénéficier de l'évolution de plus en plus efficace du droit international des droits de l'homme.

De plus, dans les litiges auquel il est partie, l'Etat est lié par l'autorité de chose interprétée par l'instance internationale122(*). Le juge étant un organe de l'Etat, il est aussi lié par les engagements qui lient son Etat.

En effet, par son fait, le juge peut engager la responsabilité de l'Etat. Il en est ainsi parce que l'instance internationale ayant un contrôle supranational. Il vérifie le respect des engagements pris par l'Etat. Et ce respect suppose l'obéissance par tous les organes de l'Etat de ces engagements.

Il est vrai que certains juges peuvent se réfugier dans le respect des règles internes de séparation des pouvoirs et chercher à se limiter dans l'interprétation de sa loi nationale123(*). Mais en agissant ainsi, il dénie à ses justiciables ce caractère « d'identité universelle de la personne humaine »124(*) qui a pour fondement l'égalité de tous les êtres humains. Les droits de l'homme ne sont pas, en effet, attribués aux individus au moyen d'un statut juridique particulier ; au contraire, ils sont attachés par principe, à la seule qualité de la personne humaine125(*). C'est pourquoi, le juge interne doit pouvoir, afin de faire produire à la convention l'effet utile auquel elle prétend, mettre de côté les règles de droit interne qui limitent sa compétence. Ce procédé lui permettra certainement de déclarer, de nul effet les déclarations retenues sous l'effet de la torture.

CONCLUSION GENERALE

On a voulu, dans ce travail présenter et évaluer le système répressif d'une des violations les plus fréquentes des droits de la personne.

Le premier constat qui s'est imposé est celui d'une déception voire une certaine hypocrisie : les Etats et les organisations internationales sont très dynamiques dans la définition des droits de l'homme. Mais au stade pratique de leur mise en oeuvre, ils deviennent perplexes voire hostiles. C'est la cause fondamentale de l'échec de toutes les politiques d'éradication du crime de torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants.

L'impunité est l'une des causes majeures de la persistance de la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les différents mécanismes de lutte contre ce crime ont attaché peu d'importance à la répression. Le mécanisme onusien, universel qui devrait bénéficier à toute l'humanité se trouve être léger du fait du caractère politique de l'organisation en charge126(*).

Au niveau régional, les instances n'ont pas nécessairement le pouvoir qu'il faut bien réprimer le crime. Très souvent, la procédure devant ces instances est telle que l'individu, alléguant des actes de torture ne peut les saisir directement pour avoir justice.

C'est seulement au sein du conseil de l'Europe, avec la cour de Strasbourg qu'on observe une efficacité certaine de la répression des actes de torture et les peines et traitements cruels, inhumains et dégradants. Mais là encore, les plaintes se multiplient au jour le jour et débordent la cour. Il revient alors au juge national, premier protecteur des droits de l'homme à prendre conscience de son rôle.

Pour ce faire, il doit dépasser les mesures très souvent rétrogrades de son droit national. Le droit international des droits de l'homme met tous les individus quel que soit le pays dans lequel ils vivent sur le même pied d'égalité pour leur faire bénéficier des mêmes protections et des mêmes garanties qu'il offre. C'est pourquoi, le juge national est tenu d'exploiter les mécanismes internationaux.

Les mécanismes de surveillance de l'application du droit international humanitaire sont relativement faibles. Dans les cas de torture, les Puissances protectrices et le CICR peuvent faire des démarches auprès de l'État responsable partie aux Conventions de Genève et aux Protocoles, mais il n'existe pas de procédures officielles permettant de faire appliquer l'interdiction de la torture. La Commission internationale d'établissement des faits, créée en application de l'article 90 du Protocole I, est notamment habilitée à enquêter sur des cas graves de torture.

En revanche, le droit humanitaire a joué un rôle essentiel dans l'élaboration de modalités d'application concernant la répression pénale des infractions graves aux obligations fondamentales découlant des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels. La torture est explicitement mentionnée dans la définition des infractions graves donnée dans les quatre Conventions. Les États sont tenus de « (...) prendre toute mesure législative nécessaire pour fixer les sanctions pénales adéquates à appliquer aux personnes ayant commis, ou donné l'ordre de commettre (...) » de tels actes ; ils ont également l'obligation « de rechercher les personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de commettre, l'une ou l'autre de ces infractions graves, et [ils devront] les déférer à [leurs] propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité (...) », si elles ne sont pas extradées vers un autre État partie. La torture étant ainsi clairement reconnue comme un acte impliquant la responsabilité pénale personnelle des auteurs, il n'est pas étonnant qu'elle soit aussi mentionnée dans les actes punissables par les Tribunaux internationaux créés pour juger les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda. La torture figure en outre dans la liste du projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité127(*).

La responsabilité individuelle ne relève généralement pas des droits de l'homme. Il est donc crucial pour lutter contre la torture qu'en vertu des articles 4 et 5 de la Convention contre la torture, les États promulguent des lois prévoyant de sanctionner les auteurs d'actes de torture -- qu'il s'agisse de leurs propres ressortissants ou d'étrangers, si ceux-ci ne sont pas extradés. Si, conformément aux travaux préparatoires, ces dispositions sont inspirées de conventions se rapportant à la lutte contre le terrorisme128(*), elles sont fondées sur la notion de responsabilité individuelle dans le cas d'infractions graves au droit international humanitaire.

En l'état actuel, le droit international montre que les instruments de droit humanitaire et ceux des droits de l'homme offrent un ensemble complet de normes et de procédures relatives à la prévention et la répression des actes de torture et à la réparation de tels actes. Du point de vue historique, ces deux branches du droit se sont influencées mutuellement de manière positive. Aujourd'hui, les faiblesses constatées dans l'une peuvent bien souvent être compensées en invoquant des instruments relevant de l'autre. Le fait que la torture continue d'exister dans de nombreux pays n'est pas dû à un vide juridique, mais plutôt à un manque de volonté politique des États de s'acquitter des obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire et des droits de l'homme.

En effet, les dispositions de l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques sont absolues et indérogeables, même en cas d'urgence national. Et la convention contre la torture, peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, n'est que le développement de cet article du pacte, dans le souci de sa mise en oeuvre129(*). Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, la disposition principale de cette convention est facultative130(*), ce qui ne lui permet pas d'atteindre son objectif. Il faut donc que les juges internes s'en servent pour lui donner l'effet que le caractère volontaire du droit international lui a dénié.

La formation que reçoivent les juges nationaux est souvent centrée sur le droit national. S'ils connaissent le droit international, ce n'est que de façon superficielle

De ce point de vue, la répression efficace de la torture n'oblige-t-elle pas qu'on revoit la formation à donner aux magistrats de chaque pays ?

Jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme et du comité des droits de l'homme

 

Projet de protocole facultatif à la convention de 1984

 

Déclaration universelle des Droits de l'Homme

Modèle de communication

BIBLIOGRAPHIE

I/OUVRAGES GENERAUX

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RAPPORTS-COLLOQUES

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2- Colloque sur l'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone à Port-Louis, les 29, 30 septembre et 1er octobre 1993. AUPELF-UREF, 258 pages.

3- CPT, 11ème rapport général d'activité, couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 2000, Strasbourg, 3 Septembre 2001.

JURISPRUDENCE

1- CEDH : arrêt Irlande contre Royaume-Unis du 18 Janvier 1978, série A, n°25.

2- CPJ : affaire du lotus du 7 septembre 1928, I, R.C.D.I.P.

3- CDH : constatation n° 172/1984 du 9 Avril 1987 : S.W.M. Brocks contre Pays-Bas, in : Documents d'études, n°3-6, 1999.

4- CEDH : arrêt Belilos du 24 avril 1988, série A, N°132.

5- CEDH : arrêt campbell et cosans du 25 février 1982, série A.

6- CEDH : arrêt Ranien contre Finlande, in R.T.D.H., n°38/99 pp. 291-298

7- CEDH : arrêt Soering c. Royaume-Unis du 7 juillet 1989, série A.

8- CEDH : arrêt D. contre Royaume-Unis du 2 mai 1997, série A.

9- CEDH : arrêt Ahmed Sadik contre Grèce du 15 Novembre 1996, série A.

TEXTES OFFICIELS ET JURIDIQUES

1- Projet facultatif à la convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants.

2- Statut de Rome de la cour pénale internationale, in code de droit international humanitaire, Bruxelles, 2002, 750 pages. Textes réunis par Eric DAVID, Françoise TULKENS et Damien VANDERMEERSCH.

3- Convention contre la torture, peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, in : code de droit internatioanl des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2000. Textes réunis par Olivier DE SCHUTTER, Françoise TULKENS et Sébastien VAN BROOGHEN BROEK.

4- Statut de Ouagadougou du protocole relatif à la charte des droits de l'homme et des peuples portant création d'une cour africaine des droits de l'homme et des peuples, in : code de droit international des droits de l'homme.

5- Charte des Nations-Unies et statut de la cour internatioanle de justice.

6- Convention de Vienne sur le droit des traités.

7- Observation générale n°24 (52) du 4 novembre 1994.

8- Convention américaine relative aux droits de l'homme, in : code de droit international des droits de l'homme.

9- Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, in : code de droit international des droits de l'homme.

10- Convention européenne des droits de l'homme n : code de droit international des droits de l'homme.

11- Déclaration islamique des droits de l'homme

12- Déclaration universelle des droits de l'homme, in : code de droit international des droits de l'homme.

13- Pactes international relatif aux droits civils et politiques in : code de droit international des droits de l'homme.

SITES INTERNET

1- http://www.unhchr.ch

2- http://www.asf.be

3- http://www.ictr.org

4- http://www.icty.org

5- http://www.ichrdd.ca/publications f/femtri.html

6- http://www.un.org

7- http://www.fundp.ac.be

8- http://www.echr.coe.int

9- http://www.parliament.the stationery-office, co.uk/pa/Id

10- http://www.excite.fr

 

TABLES DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE

1ére PARTIE : source abondante du droit et répression inefficace de la torture au plan international

Chapitre 1 : présentation d'ensemble du fondement répressif de la torture en droit international

Section 1 : une diversité d'arsenal de répression

Paragraphe 1 : la convention contre la torture

Paragraphe 2 : les autres instruments de répression de la torture

Section 2 : un régime répressif virtuel de la torture

Paragraphe 1 : l'organisation institutionnelle

A- Le comité contre la torture

B- Les autres institutions

Paragraphe 2 : les règles de la procédure

A- La compétence des juridictions nationales

1- Les juges internes et la répression de la torture

2- La compétence universelle des juridictions nationales

B- L'action devant les juridictions internationales

Chapitre 2 : le système des réserves au fondement de la répression de la torture

Section 1 : problématique des réserves aux instruments relatifs aux droits de l'homme

Paragraphe 1 : régime général des réserves aux traités

Paragraphe 2 : la spécificité des conventions relatives aux droits de l'homme

A- Possibilité de formuler des réserves

B- Contrôle de la compatibilité des réserves

Section 2 : les réserves à la convention de 1984

Paragraphe 1 : les Etats ayant fait des réserves

Paragraphe 2 : les conséquences des réserves sur la convention de 1984

2ème Partie : la nécessité d'un changement de stratégie dans la répression de la torture

Chapitre 1 : une dynamisation nécessaire

Section 1 : les mesures envisagées

Paragraphe 1 : le projet de sous-comités

A- Le contenu de la réforme

B- Les limites de la réforme

Paragraphe 2 : l'implication de tous les organes de l'ONU dans la lutte contre la torture

A- Les actions

B- Les limites

Section 2 : les mesures envisageables

Paragraphe 1 : l'expérience de la cour de Strasbourg

Paragraphe 2 : la prise en compte d'une répression alternative

Chapitre 2 : le juge interne : un organe incontournable dans la répression de la torture en droit international

Section 1 : les garanties du droit d'accès au juge interne

Paragraphe 1 : les obstacles à surmonter

Paragraphe 2 : la restauration d'une justice classique

Section 2 : la dynamique de la supériorité de la norme internationale

Paragraphe 1 : l'applicabilité directe des conventions internationales par le juge

A- Convention internationale : source d'élargissement du pouvoir de création du droit des juges

B- Le principe d'application de la convention par le juge national

Paragraphe 2 : l'autorité de chose interprétée par les juridictions internationales

CONCLUSION GENERALE

ANNEXES

BIBLIOGRAPHIE

* 1 Rés.2002/38 de la commission des droits de l'homme du 22 Avril 2002 P.1 www.un.org.

* 2 Salmon, Jean (sous la direction de  dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2001

* 3 CEDH, Arrêt Irlande c. Royaume Unis, 18 Janvier 1978, série A n°25 www.echr.coe.int

* 4 Salmon, Jean précité

* 5 CORNU, Gérard (sous la direction de) Vocabulaire juridique, PUF, Paris 1987

* 6

* 7 Traduction du CICR. En effet, les scènes de torture s'observent un peu partout et non seulement dans les prisons et autres lieux de détention.

* 8 Il faudrait souligner que c'est avec l'autorisation de l'Etat concerné que le CICR y procède.

* 9 Aujourd'hui appelé Association pour la prévention de la torture

* 10 La torture se pratique presque quotidiennement dans beaucoup de pays du monde. Cf les rapports annuels d'Amnesty International

* 11 Préambule du projet de protocole facultatif à la convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants.

* 12 ASCENCIO, H. ; DECAUX, E. et ALAIN, P : le droit international pénal, A ; Pédone, Paris, 2000, p. 917

* 13 Statut de la CPI : art. 6-b : la torture est qualifiée de génocide ; art. 7-f : elle est qualifiée de crime contre l'humanité ; art. 8-2-a : elle est qualifiée de crime de guerre.

* 14 SUDRE, Fréderic : les mécanismes et les techniques de garantie internationale des droits fondamentaux : les mécanismes quasi juridictionnels et juridictionnels, AUPEF-UREF, sans pagination

* 15 Le comité pour l'élimination de toutes formes de discrimination raciale et le CCT sont les seuls organes à prévoir ce mode de financement.

* 16 DORMENVAL, Agnès : procédures onusiennes de mise en oeuvre des droits de l'homme : limites ou défauts ?, PUF, Paris 1991, P.166

* 17 Supra note n° 12

* 18 SUDRE, F., cité note n°13

* 19 Cf. www.google.fr

* 20 BA Abdul et autres : l'organisation de l'unité africaine : de la charte d'Addis-Abéba à la convention africaine des droits de l'homme et des peuples, Paris, Silex, 1984, pp. : 410-411

* 21 Face à l'emprise et à la pénétration croissante de la convention européenne dans le droit national, l'attitude de la jurisprudence française, notamment celle de la cour de cassation est ambivalente, elle est faite tout à la fois d'ouverture et de réticences, d'audace et de prudence, d'avancées et de réticences : Regis de GOUTTES : le juge français et la cour européenne des droits de l'homme : avancées et résistances... in RTDH n° 24-1995, Bruylant, Bruxelles, P.605.

* 22 En Côte d'Ivoire par exemple, en matière de violation des droits de l'homme, les justiciables préfèrent s'adresser à la cour constitutionnelle plutôt qu'à un juge de droit commun ou administratif puisque la procédure est moins complexe et rapide, mais surtout parce que le juge constitutionnel applique et la constitution et la charte africaine qui sont les directives tracées par la charte internationale des droits de l'homme.

* 23 Cf. art.4 et 16 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

* 24 Les exemples sont légions : Pinochet, Hissein Hahré, Capitaine Ely Ould Dah...

* 25 ASCENCIO, H. ; DECAUX, et ALAIN, p : op. cit., p. 373

* 26 ASCENCIO, H. ; DECAUX, et ALAIN, p : op. cit., p. 305

* 27 CPJ.I, 7 septembre, Affaire du Lotus, R.C.D.I.P., p.354, Note H. Donnedieu de Vabres.

* 28 Cf. art. 689-2 du code pénal de procédure pénale français

* 29 Le 16 octobre 1998, l'ex dictateur chilien Augusto Pinochet est arrêté à Londres pour torture sur requête du juge espagnol Bathazar Garzon : TINE, A : la cour pénale internationale ; l'Afrique face au défi de l'impunité, édition Raddho, Dakar, 2000, p. 49.

* 30 TINE, A précité, note n°28

* 31 SUDRE, F., op. Cit.

* 32 La cour issue du protocole relatif à la charte portant création d'une cour africaine des droits de l'homme et des peuples, statut de Ouagadougou, 9 Juin 1998 n'est pas encore entrée en vigueur, faute de ratification suffisante. Sur les 15 ratifications nécessaires, jusqu'en janvier 2003, seuls 6 pays ont déposé leurs instruments de ratification : Afrique du Sud, Burkina Faso, Gambie, Mali, Ouganda et Sénégal.

* 33 KEBA MBAYE : IN : `'Rapport introductif sur la charte africaine des droits de l'homme et des peuples'',actes du colloque de la commission internationale des juristes, Nairobi, du 2 au 4 décembre 1985, p. 42.

* 34 Cf. Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme :www.unhchr.org : modèle de communication

* 35 Les affaires de violation aux droits de l'homme portées devant le CDH ont souvent été sanctionnées par des réparations accordées aux victimes : constatation n° 172/1984 du 9 avril 1987 : S.W.M. Broeks c. Pays-Bas, documents d'études n°3.06.1999. Protection Universelle des droits de l'homme.

* 36 Cité par Gérard COHEN-JONATHAN : la décision du comité des droits de l'homme des Nations-Unies du 2 novembre 1999 dans l'affaire Kennedy contre Trinité-et-Tobago ; des réserves au premier protocole facultatif In Rn° 6-9/2000, p. 213.

* 37 Cf. art. 2-1 de la charte des Nations Unies.

* 38 En effet, une fois engagé, l'Etat est obligé de respecter le traité sans quoi il engage sa responsabilité internationale : art 26, convention de Vienne sur le droit des traités

* 39 Mazyambo Makengo KISALA : l'Etat d'acceptation du pacte international relatif aux droits civils et politiques et de son 1er protocole facultatif par les etats africains, in revue de droit africain n°3/97, p.8

* 40 COOCIA, M. cité par Mazyambo Makengo KISALA, ibid

* 41 CIJ, Recueil des arrêts ; Avis consultatifs et ordonnances, 1951, p.22

* 42 Mazyambo Makengo KISALA, précité.

* 43 Cf. art.20-3 de la convention de Vienne sur le droit des traités.

* 44 Mais l'article 20-1 énonce qu'une réserve expressément autorisée n'a pas besoin d'être acceptée à moins que le traité ne le prévoit.

* 45 William A. SCHABBAS : les réserves des Etats-Unis d'Amérique au pacte interational relatif aux droits civils et politiques en ce qui a trait à la peine de mort, in R.U.D.H. N°4-6, 1994, P.140. Aussi non moins pertinent :Obs. Générale n°24 (52) para 4, www.un.org.

* 46 Le comité des droits de l'homme fait la même remarque sur le 1er protocole facultatif par rapport aux droits contenus dans le pacte, obs. générale n°24c (52)§ 13-14, op.cit.

* 47 SUDRE, F. op. cit

* 48 Observation générale n°24 (52) §5, op. cit

* 49 En effet l'interprétation faite par le comité des droits de l'homme à l'égard du silence du pacte peut-être appliqué aussi en silence de la charte africaine, cf. obs. générale n° 24 (52) §4 et 5, op. cit.

* 50 CEDH : arrêt Belilos du 24 avril 1988, série A, n°132, www.echcr.coe.int: c'est depuis cet arrêt que la cour a décidé de sanctionner elle-même les réserves considérées comme contraires à l'objet et au but de la convention ou trop générales.

* 51 COHEN-JONATHAN, Gérard : op. cit P.209

* 52 Mazyambo, Makengo, KISALA, Loc. cit.

* 53 Mazyambo, Makengo, KISALA, Ibid

* 54 F. SUDRE, cité par M. M. KISALA, Ibid

* 55 COHEN JONATHAN, Gérard, op. cit. p.209

* 56GOLSONG, H. Cité par Mazyambo, Makengo, KISALA, op. cit. p.10. il existe cependant des instruments relatifs aux droits de l'homme qui ont adopté des règles semblables à celles établies par la convention de Vienne. Tel est e cas des conventions relatives aux droits de la femme et à l'élimination raciale.

* 57 Texte publié en anglaisdans la revue Human Rights Law journal, 1994, vol 15 n°11-12 pp.464-467

* 58 Mazyambo, Makengo, KISALA, op. cit. p.11

* 59 Pour un commentaire de cette jp, voy COHEN-JONATHAN, GERARD : la décision du comité des droits de l'homme des Nations Unies du 2 novembre 1999 dans l'affaire Kennedy c. Trinité-et-Tobago. Des réserves au premier protocole facultatif, pp. 209-217.

* 60L'état de la Convention de 1984 au 1er juillet 2002

* 61 Cf. COHEN-JONATHAN, Gérard, précité p.210

* 62 Christine SHANET, présidente du comité des droits de l'homme, citée par COHEN-JONATHAN : elle réagissait suite aux conclusons adoptées par la commission du droit international selon lesquelles : « en cas d'illicéité d'une réserve, il appartient à l'Etat, auteur, d'en tirer les conséquences ».

* 63 Voy. Obs. générale n° 24 (52) § 17, op.cit.

* 64Voy. Obs. générale n°24 (52) §18, op.cit.

* 65 Christine CHANET, présidente du comité des droits de l'homme, citée par COHEN-JONATHAN,

* 66 L'article 7 du pacte provient de l'article 5 de la DUDH, cf préambule de la convention contre la torture § 4

* 67 Voir notamment William SHABAS, op. cit. pp. 140-141 et aussi observation générale n°24 (52), op. cit.

* 68 Beausoup s'accordent à reconnaître que le CCT fait partie des plus actives des institutions onusiennes chargées de protéger les droits de l'homme ; mais on oublie très souvent que ses actons se limitent à des constats de violations par tel ou tel partie, puisqu'il n'arrive pas à étudier le cas de chaque victime pour en accorder des réparations.

* 69 DORMENVAL, Agnès, op. cit.pp. 112-113 : elle estime que les limites aux organes onusiennes sint inhérentes au domaine auquel elles appartiennent à savoir droit international public.

* 70 Mazyambo Makengo Kisala, loc. cit : le principe de la souveraineté exclusive des Etats devrait être limité au droit international classique, le droit international des droits de l'homme devrait être échappé.

* 71 En effet, il est fréquent que le juge rejette les allégations de torture sous prétexte qu'elles ne sont pas prouvées.

* 72 Préambule du projet de protocole facultatif à la convention contre la torture §2.

* 73 Divers mécanismes pareils à ce que le protocole facultatif existaient déjà dans certains pays mais n'ont rien apporté comme solution. C'est le cas par exemple du Comité National des droits de l'homme au Cameroun, créé par décret n° 90/1459 du 8 novembre 1990.

* 74 Par exemple le fait d'exposer des fillettes au risque d'excision est une violation des dispositions interdisant la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants : trib. Administratif de Lyon, 12 Juin 1996.

* 75 Les humiliations assimilables à des traitements inhumains ou dégradants sont plus graves si elles surviennent en public, dans la rue par exemple.

* 76 Obs. générale n° 24(52), op. cit ;

* 77 Observation générale n°20 (44), Document N.U. CCPR/C/21/Rév/1Add/3 §6.

* 78 www.un.org

* 79 On peut par exemple isoler (embargo) un gouvernement réfractaire aux mesures de garanties efficaces contre la torture.

* 80 Arrêt Irlande c. R.U, précité.

* 81 L'art.3 de la CEDH énonce : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

* 82 Syméon KARAGIANNNIS/ Expulsion des étrangers et mauvais traitements imputables à l'Etat de destination ou à des particuliers, in RTDH n° 37/99, P ; 34.

* 83 Cf. arrêt Selmouni, in : RTDH n° 41/2000, p.123 et suivants.

* 84 Pierre LAMBERT, Dignité humaine et interrogations musclées de la police, in : RTDH n° 41/2000 p.138.

* 85 Pierre LAMBERT, op.cit.p.139

* 86 Arrêt Irlande c.RU, précité

* 87 CPT, 11ème rapport général d'activité, couvrant la période du 1er janvier au 31 Décembre 2000, Strasbourg, 3 septembre 2001

* 88 CEDH : arrêt Campbell et Csans du 25 Février 1982, série A. www.echr.coe.int

* 89 CEDH : arrêt Ranien c. Finlande, in RTDH n°38/99, le requérant se plaint d'avoir été victime d'un « traitemen dégradant » contraire à l'article 3.

* 90 Syméon KARAGIANNIS : loc.cit.

* 91 CEDH : ARRËT Soering c. RU du 7 Juillet 1989, série A. www.echr.coe.int

* 92 C'(est le lieu où le condamné à mort est emprisonné en attendant son exécution ; on l'appelle aussi `'quartier des morts''.

* 93 Le raisonnement de la CEDH est extrêmement sinueux ainsi que le relève le professeur F. SUDRE : « extradition et peine de mort : arrêt Soering de la CEDH du 7 juillet 1989, RGDIP, 1990 pp. 103-122.

* 94 L'art. 2§1 de la CEDH est relative à la protection de la vie et à la peine de mort. Il n'interdit point la peine capitale car il énonce : »le droit de toute personne à la vie est protégée par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale pronnonc ée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ». (nous l'avons souligné)

* 95 Syméon KARAGIANNIS, loc. cit.

* 96 Cf. arrêt Soering c. Ru précité

* 97 Syméon KARAGIANNIS, loc. cit

* 98Henri LABAYLE : « l'éloignement des étrangers devant la CEDH » in RFDA, 1997.p0 989

* 99 CEDH : arrêt D c. Ru du 2 mai 1997, série A www.echr.coe.int/: la cour estime que l'expulsion d'une personne condamnée au RU vers son pays d'origine (Saint Kitts) serait contraire à l'article 3 du moment où cette personne se trouve en phase terminale du sida et ne pourrait pas retrouver dans l'Etat d'arrivée le soutien moral et médical dont il bénéficie au RU. « Son expulsion l'exposerait à un risque réel de mourir dans des circonstances particulièrement douloureuses »§ 53 de l'arrêt.

* 100 Dans son observation générale n° 24 (52), précité, le CDH s'est largement inspiréde la jp de la cedh en particulier des solutions des arrêts Belilos et Loizoidou.

* 101 La convention de 1984 y oblige les Etats parties (art 10)

* 102 Les procédures qui sont très souvent classées, sans suite en matière de torture le sont très souvent à cause de la dépendance des enquêteurs au supérieur hiérarchique, mais aussi à la légèreté.

* 103 Ces dommages et intérêts qui touchent directement le patrimoine du tortionnaire est une sanction véritablement dissuasive.

* 104 Amnesty International : la torture ou l'humanité en question, EFAI, Paris, 2000, P. 97

* 105 Amnesty International p.95

* 106 La cour suprême de Sri Lanka accorde chaque année des indemnités à des personnes qui ont été torturées par les policiers, alors qu'aucun responsable de torture n'a, à ce jour, été reconnu coupable par une juridiction Srilankaise. Cf. A I précédemment cité, p.98

* 107 COUVRAT, P. : l'accès à la justice et ses obstacles, in : Colloque sur l'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone à Port- Louis les 29, 30 septembre et 1er octobre 1993 AUPELF-UREF, 1994, p. 258.

* 108 COUVRAT, P. note 106

* 109 Les intimidations et les menaces à l'encontre des victimes de tortures les empêchent de porter plainte : cf. AI, cit.p. 90.

* 110 Les enquêtes sur les allégations de torture sont parfois menées par l'organisme auquel appartiennent les auteurs des sévices. Ce qui fait que ces enquêtes débouchent sur des preuves qualifiées d'insuffisantes : cf. AI

* 111 SAWADOGO, F6M : l'accès à la justice en Afrique francophone : problèmes et perspectives : le cas du Burkina-Faso, in : colloque sur l'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone p. 297.

* 112 Amnesty International pp. 91-92

* 113 DEGNI-SEGUI, R. : l'accès à al justice et ses obstacles, in : l'effectivité des droits fondamentauxdans les pays de la communauté francophone, ed. Kéilher, 1994, p. 253.

* 114 DIENG, A. : assistance juridique aux populations rurales, in : justice en Afrique. Afrique contemporaine n° spécial 156, sous la direction de : GAUDUSON, J.B0 et CONAC, G, la documentation française, Paris, 1990.

* 115 Cf. cass. Crim. 15 mai 1990 en France qui s'est efforcé de compléter lui-même le droit sur les écoutes téléphoniques à la suite des arrêts de condamnation de la CEDH du 24 avril 1990 (Kruslin et Huvig), et ce, jusqu'à ce qu'intervienne la nouvelle loi française du 10 juillet 1991.

* 116 GOUTTES, Régis de : le juge français et la convention européenne des droits de l'homme : avancées et résistances...op.cit. p607

* 117 OLINGA, A.D. : l'applicabilité directe de la convention internationale sur les droits des enfants devant le juge français, in : RTDH n°24/1995, p.713.

* 118BRIBOSIA, H. : applicabilité directe et primauté des traités internationaux et du droit communautaire ; réflexion générale sur le point de vue de l'ordre juridique belge, in : RBDI, Vol. XXIX, 1996-1, p.36

* 119L'effet direct d'une norme de droit international se définit comme son aptitude à conférer par elle-même au particulier sans requérir aucune mesure interne d'exécution, des droits dont ils puissent se prévaloir devant les autorités juridictionnelles de l'Etat

* 120 Cass. 1ère chambre, 27 mai 1971, Pas, I, 886, arrêt le Ski (Belgique). Aussi la non moins pertinente jp : CEDH, arrêt Ahmed SADIK contre Grèce du 15 novembre 1996, série A : la cour dit « la convention forme partie intégrante du système juridique grec où elle prime toute disposition contraire de la loi ».

* 121 BRIBOSIA, H. op. cit. p.57

* 122 Arrêt du 17 décembre 1992, cf FLAUSS, Jean-François, op. cit. p.303.

* 123 DE SCHUTTER, O. : la coopération entre la cour européenne des droits de l'homme et le juge national, il : RBDI Vol. XXX, 1997-1. P.67.

* 124 Pour M. de SCHUTTER, il s'agit d'un dilemme pour le juge. Il utilise le critère de la proportionnalité pour aider à résoudre ce dilemme : l'excès de pouvoir que le juge doit commettre, au regard des règles dudroit interne relatives à la séparation des pouvoirs ne doit pas excéder ce qui est strictement nécessaire à assurer le respect par l'Etat de ces obligations internationales ; op. cit. p.9

* 125 L'expression est de M. Mazyambo, Makengo, Kisala, op. cit. p.9

* 126 Voir note n°68

* 127 . Voir J. Herman Burgers/Hans Danelius, The United Nations Convention against torture, Dordrecht/Boston/Londres, 1988, pp. 56, 57 et 130, qui mentionne comme sources d'inspiration la Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (1973), la Convention internationale contre la prise d'otages (1979), ou la Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs (Convention de La Haye, 1970).

* 128 Anciennement article 50 de la Convention européenne.

* 129 En effet, c'est pour donner effet contraignant à l'article 5 de la DUDH qu'il est repris par le pacte en son article 7 qui est une convention internationale dont l'effet juridique obligatoire ne se discute pas. La même disposition est reprise par les instruments régionaux : convention européenne (art 3), charte africaine (art 5), convention américaine (art 5), charte arabe des droits de l'homme (art 13)

* 130 Il s'agit de l'article 22 qui permet au particulier de saisir le comité contre la torture en cas de violation de leurs droits.






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