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Ethique et démocratie: les cas américain et français

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par Pathé DIOP
Faculté de Lille 2  - DEA de science politique 2003
  

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3. La tendance communautarienne de la démocratie française et le poids de la tradition

Il y a deux façons, pour un peuple, de se comporter vis-à-vis de la tradition : en la critiquant si nécessaire ou accepter ses principes tels quels. La démocratie française contemporaine demeure très attachée, sur certains points, à sa tradition républicaine. Bien qu'elle repose, comme quasiment toutes les démocraties occidentales, sur le modèle libéral, sa spécificité par rapport à la démocratie américaine contemporaine est le fait qu'elle consacre l'individu comme l'unité de base de sa forme libérale de la démocratie.

Même si la démocratie française d'aujourd'hui diffère sur beaucoup de points de celle des Etats-Unis, nous constatons quand même une tendance qui l'incline vers une forme communautaire de la démocratie quoiqu'elle ne demeure pas encore institutionnalisée. Ce refus de reconnaître politiquement le communautarisme pourrait être imputé à la

123 W. J. Rorabaugh, op., cit. p. 239

fois à un besoin de préserver une image : le particularisme ou l'exceptionnalisme de sa forme démocratique et à sauvegarder les principes républicains qui ont façonné cette dernière.

La tendance française vers une démocratie communautaire tient sans doute son origine immédiate de la politique de décentralisation des années 1980, laquelle, en accordant aux régions leur autonomie, désaxe la prégnance du pouvoir étatique. De surcroît, les nouveaux mouvements sociaux qui détiennent parfois une teneur de communautarisme demeure eux aussi un fait qui prouve certainement cette inclination communautaire de la démocratie française.

Ce qui, nous semble-t-il, participe à une prolifération de communautés éthiques dans l'espace public français, d'où un nouveau rapport entre la Constitution(l'Etat) et ces éthiques particulières.

3.1 L'assimilationnisme français.

Bien que la démocratie française contemporaine soit plus ou moins caractérisée, au niveau social, par la coexistence de communautés de valeurs, elle n'arrive toujours pas à reconnaître politiquement ou juridiquement cette diversité. Est-ce par excès d'une culture de la passion de l'universel inscrite dans sa tradition républicaine que la France éprouve du mal à accepter la différence ?

Nous nous inclinons à répondre par l'affirmative vu tous les moyens investis et mobilisés par elle pour, d'une part, préserver une unité nationale et, de l'autre, exposer, de l'extérieur, sa singularité.

La France vit « son histoire comme un récit de

l'universel124 », la Révolution de 1789, en marquant l'an zéro de la démocratisation française, édifie un calendrier dont le but est de participer à la construction de l'idéal républicain d'unité. Les luttes politiques et sociales qui ont présidé à l'avènement du processus démocratique sont a posteriori perçues comme des moments historiques importants qu'il faudrait régulièrement commémorer. Ce qui sert sans doute à unir le peuple autour d'une même histoire.

L'institutionnalisation politique de ces luttes est une façon de refouler les conflits, voire les passions, comme un registre de manifestation politique démocratiquement légales. Autrement dit leur désinvestir toute dignité politique.

L'homme tel que le conçoit la démocratie française reste un calque de la République, du moins de ses principes tels que ceux d'unité et de rationnel. C'est pourquoi il doit être fait à son image afin que, reproduisant les principes, il pourrait servir l'idéal républicain et ainsi être un bon citoyen. Les communautés pourraient être un obstacle pour l'individu dans son action politique, car elles peuvent lui enseigner des valeurs qui entrent en contradiction ou s'opposent aux valeurs démocratiques, la République, comme le dit si bien Jean Baudouin, « oblige ses ennemis les plus déclarés par apport à ses idées et à ses choix, déstabilise ainsi fortement les projets alternatifs et plus largement les visées fondamentalistes et substitutistes.125 » L'individu est alors au centre de la forme libérale de la démocratie française est doit être assimilé aux valeurs que fait siennes cette dernière.

124 Marc Sadoun, La démocratie en France,1, Gallimard, 2000, p. 27

125 Jean Baudouin, « Dynamique démocratique et intégration républicaine » in La démocratie en France, I, Paris, Gallimard, 2000, p. 348 sous la direction de Marc Sadoun.

L'assimilationnisme français est une façon de reconnaître la société(civile disons)séparée, mais dépendante de l'Etat ; qui plus est, elle constitue un bloc, homogène, composé d'une juxtaposition d'individus égaux soumis à un corpus de règles juridiques émanant de l'Etat lui-même. La société ne s'autorégule pas, contrairement aux Etats-Unis ; elle « est entièrement structurée par et autour de l'Etat qui joue un rôle d'impulsion et exerce en contrepartie sa mainmise sur [elle].126» Le droit, monopolisé par l'Etat, joue ainsi le rôle d' « assimilateur », il ne prévoit pas, du moins jusqu'à maintenant, un droit particulier pour des minorités. Le modèle sociétal français reste à bien des égards contractuels et non régulateurs, comme c'est le cas outre-atlantique, c'est-à-dire aux Etats-Unis.

La France récuse une conception ethnique de la démocratie, en cela elle reste fidèle à cette perception de la politique en tant que moyen de produire de l'unité et de l'ordre. Cette obsession de production d'unité et d'ordre très caractéristique du modèle français de la démocratie peut amener à penser à une primauté des droits de l'homme sur les droits civiques. Ce voudrait signifier un assimilationnisme qui coïnciderait, au-delà des principes ou valeurs définissant République, avec l'homme en général, c'est-à-dire la Raison qui était aussi bien l'idéal des Lumières que de la République.

Toutefois, il faut dire qu'une conception déterminée de la démocratie, comme celle de la France, ne détient pas des principes suffisants et efficaces pour tailler l'homme à sa mesure. Ce, parce que celui-ci, vu les fondamentaux qui le caractérisent, la liberté, l'égalité et l'autonomie, reste

126 Laurent Cohen-Tanugi, op., cit., p. 5

dynamique et est toujours animé par un désir de reconnaissance et une exigence de justice.

La décentralisation politique de 1982 qui consacre l'autonomisation des régions participe, du moins accélère de beaucoup la quête de reconnaissance de certains groupes se constituant en communautés, car l'espace public devient désormais de moins en moins élastique et rigide et l'Etat, en se substituant en un système juridique de plus en plus autonome, perd aussi bien son centralisme que sa morale politique.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld