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Ethique et démocratie: les cas américain et français

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par Pathé DIOP
Faculté de Lille 2  - DEA de science politique 2003
  

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2.3 La liberté politique et la séparation des pouvoirs

La démocratie représentative américaine s'est établie après la ratification de la Constitution en 1787, mais elle ne fut définitivement adoptée que le 21 juin 1788 quand le « quorum nécessaire » de neuf Etats fut atteint avec la ratification de l'Etat de New Hampshire.

Les Américains, en sauvant la Liberté de la corruption dont elle fut l'objet dans le « Vieux Monde », l'intégraient dans leur système de gouvernement mixte tout en lui donnant une nouvelle manière d'être. Ils la concevaient alors, moins comme un attribut de la personne, qu'une manière d'être des différents pouvoirs.

La République américaine était ( et jusqu'à présent) divisée en trois pouvoirs : l'exécutif, le judiciaire et le législatif. Ce dernier, à son tour divisé en deux chambres : le sénat et le parlement qui constituent le Congrès. Cette division avait pour avantage, selon les Pères fondateurs, de protéger les droits du peuple. Sur ce sujet Madison consulta « l'oracle toujours consulté et cité : l'illustre Montesquieu.50 » qui est le premier à avoir recommandé cet axiome politique inspiré par la Constitution britannique. Il faut dire que les Américains cherchaient dans la séparation des pouvoirs ainsi cités un équilibre dont le but était de

50 Le Fédéraliste, n° XLVII, p. 397

prévenir, sinon une corruption, du moins une usurpation de la liberté par un des différents départements. Ainsi, « lorsque l'une des trois composantes cherche à usurper une partie de l'autorité, il bute contre la vigilance des deux autres, qui l'empêcheront d'aller plus avant dans son entreprise de telle sorte que la liberté du peuple sera préservée. En accordant à chaque groupe composant la communauté une part de l'autorité politique, la république laisse une place pour chaque valeur51 » : la sagesse, la puissance et la liberté populaire.

La séparation des pouvoirs n'est par ailleurs pas sans communication, chacun constitue un frein ou contrepoids pour l'autre, d'où s'en suit une balance. « Il faut évidemment, dit Madison ou Hamilton, que chaque département ait une volonté propre, et par conséquent soit organisé de manière que les membres de chacun d'eux aient le moins d'influence possible sur la nomination des membres des autres pouvoirs (...), il faudrait que toutes les nominations à la magistrature exécutive suprême, aux fonctions législatives et judiciaires eussent la même sorte d'autorité, à savoir le peuple, et par des canaux n'ayant entre eux aucune communication (...) il est également évident que les membres de chaque département doivent être aussi peu dépendants que possible de ceux des autres quant aux émoluments attachés à leurs fonctions.52 »

Toutefois le peuple reste dépositaire de la souveraineté, laquelle recouvre, somme toute, un type de souveraineté que Denis Lacorne appelle « composite » « englobant tout à la fois les instances de pouvoir nationales et provinciales, le gouvernement fédéral et les gouvernements des Etats fédérés.53 »

51 Laurent Bouvet et Thierry Chopin, op. cit., p. 30

52 Le Fédéraliste, n° LI, p. 429

53 Denis Lacorne, L'invention de la république, le modèle américain, Paris, Hachette, 1991, p. 118

Sur ce point qu'est la séparation des pouvoirs il faut bien remarquer un moment que nous appelons machiavélien, pour reprendre les termes de Laurent Bouvet et Thierry Chopin et dont Madison, dans Le Fédéraliste n° X, s'est beaucoup inspiré sur le sujet des factions. Machiavel54, comme le fera plus tard Proudhon, inscrit ses analyses politiques dans une perspective plutôt sociologique que philosophique.

Machiavel considère la société comme composée d'intérêts opposés ou de « désirs » ; en cela, il introduit une rupture par rapport aux conceptions républicaines traditionnelles qui « condamnent avec force la division et la discorde, estimées incompatibles avec l'idéal moniste d'un bien commun qui serait placé au-dessus des intérêts divergents et particuliers à chaque groupe.55 » Ici la liberté devient plus « réelle » puisqu'elle procède d'un vécu et non d'un a posteriori philosophique qui la tient comme existante du seul fait qu'elle est énoncée ou inscrite dans les principes de gouvernement. Elle procède d'un conflit d'intérêts, qui est un mal nécessaire, n'étant pas une atteinte à la liberté, mais la condition même de son existence.

L'intégration de ce moment machiavélien dans la

Constitution américaine par les Pères fondateurs n'est pas sans soulever des réactions d'opposition de la part des antifédéralistes . Ceux-ci estimaient que « le bien public est toujours oublié dans les conflits des partis rivaux ; que les questions sont trop souvent décidées, non pas dans les règles de la justice et des droits de la minorité, mais par la force supérieure d'une majorité intéressée et oppressive.56 » Madison

54 Du moins dans la quatrième chapitre du premier livre des Discours sur la Première Décade de Tite-Live.

55 Laurent Bouvet et Thierry Chopin, op. cit., p. 32

56 Le Fédéraliste n° X, p. 66

naturalise la faction en ce qu'elle l'inscrit dans la nature même de l'homme, se traduisant par une nécessité conflictuelle entre la raison et les passions ; ce qui fait qu'il ne peut pas y avoir « une uniformité d'intérêts », pour reprendre les propos de ce dernier, du fait de l'incommensurabilité des passions humaines, car « de la protection des facultés différentes et inégales pour l'acquisition de la propriété (premier objet du gouvernement), résulte immédiatement l'inégalité dans l'étendue et la nature des propriétés ; et de leur influence sur les sentiments et les opinions des propriétaires respectifs, résulte la division de la société en intérêts différents et en partis différents.57 »

Le but principal du gouvernement américain consiste alors, comme le rappelle bien Madison, à réglementer l'opposition des divers intérêts : celui de l'agriculture, des manufactures, du commerce, des capitalistes etc. La réglementation des factions, dont le but est de préserver l'intérêt public, se fait dès lors, aussi bien par une harmonisation des différents intérêts par les législations, que par une reconnaissance mutuelle de leur part, c'est-à-dire un respect réciproque. Ceci conduit, somme toute, à « les faire tous contribuer au bien public.58 »

Cette solution ainsi proposée par les Pères fondateurs consistait cependant, moins à faire disparaître les causes des factions, ce qui est d'autant plus impossible que les intérêts sont consubstantiels à la nature humaine, car appartenant à la partie désirante de l'homme (le thymos), mais à corriger leurs effets. C'est en ceci que consistait, nous semble-t-il, la conception de la liberté des Fondateurs.

57 Ibid, pp. 68-69

58 Ibid, p. 71

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon