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Une approche socio-historique de la violence au XIXème siècle: le cas d'une conspiration à  Lyon en 1817

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par Nicolas Boisson
Université Pierre Mendès France Grenoble - Master recherche 2008
  

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III-4.2 Les querelles au sein même des royalistes, les luttes d'influences

Cette conspiration manquée du 8 juin 1817 aura au moins eu le mérite de semer le trouble au sein des royalistes. Une véritable seconde affaire est née de ces événements avec le scandale, opéré par les révélations de Fabvier et Sainneville, d'infiltration et de provocation de la conjuration par les autorités militaires civiles du général Canuel.

De la naissance au début de l'année 1817 de l'enquête sur le complot supposé en préparation à Lyon jusqu'à l'enquête postérieure sur les troubles qui lui sont liés, tout semble opposer le lieutenant de la Police civile, Charrier de Sainneville, aux autorités locales ultras : le général Canuel, le maire de Lyon le comte de Fargues et le préfet du Rhône Chabrol. Ainsi, les conflits d'autorité entre la Police et l'Armée seront constants, mais aussi entre Sainneville et le préfet. En témoigne cette lettre du préfet du Rhône, Chabrol, au Ministre de l'Intérieur, Decazes, datée du 24 juillet 1817 : «  Sainneville se dit autorisé par le Ministère à étendre ses relations dans les campagnes, ce que je ne lui avais jamais refusé. Mais il le fit par de mauvaises mesures, y mit une grande publicité, et donna tellement le change à l'opinion, qu'il arriva que celui qui avait malheureusement quitté son poste, peu de jours avant les événements, se présentait avec un redoublement d'attributions et de confiance, et que celui au contraire qui n'avait manqué à aucune mesure, ni de prudence, ni de prévoyance, se trouvait en quelque sorte, en compromis avec l'opinion. »268(*).

Il est vrai en effet que le lieutenant de police, Sainneville, n'était pas présent lors des mouvements séditieux du 8 juin, alors qu'il était en charge de l'affaire. Cependant, derrière la critique d'incompétence du préfet à l'encontre de Sainneville, résonne d'avantage le clivage politique entre les ultras lyonnais, dont Chabrol est un représentant, et les « modérés » comme Sainneville, qui ne cache pas beaucoup ses liens avec Camille Jordan.

Cette affaire du 8 juin 1817 s'envenima en effet sérieusement avec la publication de la brochure de Sainneville et Fabvier. Suite à l'ébruitement de la nouvelle de l'existence d'une provocation militaro-policère dans l'activation du complot du 8 juin, le ministre de l'Intérieur, Decazes, très choqué aussi par la sévérité des condamnations de la Cour prévôtale du Rhône, envoie en septembre 1817 un commissaire extraordinaire, le maréchal Marmont assisté du colonel Fabvier dans la mission d'éclaircir les circonstances de la naissance des troubles de juin. Le maréchal Marmont découvre vite les rivalités locales entre les royalistes, le rôle musclé joué par le général Canuel dans la répression, les arrestations arbitraires et les agissements d'agents provocateurs ultras269(*). Le maréchal Marmont en octobre 1817 fera ainsi muter avec promotion Canuel, Chabrol et Sainneville. Seul le maire de Lyon, de Fargues, restera en place, mais il mourra peu de temps après. Nous reviendrons sur ces suites politiques de l'affaire et notamment sur ces mutations de fonctionnaires du royaume dans le prochain point (II-5). Plus important dans cette affaire dans l'affaire, est la publication des deux brochures de Fabvier, l'assistant du maréchal Marmont, démontrant pièces justificatives à l'appui fournies par le lieutenant Sainneville, la vérité de la manoeuvre de provocation sous l'ordre de Canuel des conjurés, à l'aide d'agents infiltrés, Brunet et le capitaine Ledoux comme nous l'avons déjà évoqué. Le premier texte était un mémoire relatant sa mission au côté de Marmont. Ce texte ayant suscité la polémique car il évoquait déjà des hypothèses de manipulations par les autorités militaires lyonnaises, le colonel Fabvier publia une seconde brochure, Lyon en 1817270(*), dans laquelle il exposa sommairement et honnêtement, les conditions de l'infiltration du complot, que nous avons déjà exposées (II-1.2). Mais surtout dans ce second texte complétant le premier, le colonel Fabvier exprimait son sentiment fort désapprobateur sur l'ensemble du traitement de cette affaire : les manipulations militaires de Canuel, l'instruction expéditive par les Cour prévôtales, leurs condamnations excessives (28 condamnations à mort, dont 11 exécutées)... Fabvier s'y livrait même à un véritable plaidoyer en faveur des anciens membres de l'armée impériale exécutés, comme Oudin, ancien capitaine de Dragons, guillotiné à Saint-Genis Laval le 17 juillet 1817 et dont la tête servit de boule au jeu des troupes, ou encore en faveur de Garlon, ancien chef des corps francs des Cent-Jours. On reprochera à Fabvier de s'être soustrait à l'obligation de réserve du militaire, mais surtout les ultras l'accuseront de collusion bonapartiste, voire jacobine.

Présentons rapidement le personnage. Charles-Nicolas Fabvier271(*) est né à Pont-à-Mousson en 1782. Polytechnicien de la promotion de 1804 et lieutenant d'artillerie, il a d'abord accompli des missions diplomatiques, au côté de Sébastiani à Constantinople et Gardanne à Téhéran. Présent en Espagne, en Russie et en Allemagne en 1813, il a également participé à la campagne de France. En 1815, en Lorraine, il a tenu Montmédy contre les alliés, à la tête de quelques patriotes, et n'a consenti à rendre la place que bien après la deuxième abdication de Napoléon. Il se rallie néanmoins à Louis XVIII et devient, dans le sillage de Marmont, l'un des quatre majors généraux de la Garde royale. Mais cette brochure signera sa rupture avec le régime, il sera destitué. Le colonel Fabvier deviendra un comploteur invétéré et sera de toutes les conjurations des années 1820-1822. Il meurt en 1855 comme Joseph Rey... Personnage intéressant donc que ce colonel Fabvier qui fustigeait dans sa brochure, Lyon en 1817, le mépris des ultras à l'égard des séditieux du 8 juin 1817 : « Si l'on se rappelle, en effet, les horreurs commises, les actes arbitraires, les vexations, les insultes dont a accablé une population généreuse ; si l'on fait attention que ces persécutions frappaient des hommes que la stagnation du commerce, que la misère, qu'une administration malfaisante excitaient au mécontentement ; si l'on considère qu'avant l'arrivée du maréchal, ces hommes semblaient abandonnés par le gouvernement mal instruit des faits, à la haine de leurs ennemis, et ne pouvoir attendre leur délivrance que de leur désespoir, pourrait-on assez admirer leur longanimité, assez louer le sacrifice généreux qu'ils ont fait pendant si longtemps de leurs trop justes ressentiments ? »272(*).

Ces publications de brochures par Fabvier et Sainneville ranimaient la lutte à la Chambre entre ultras et constitutionnels, ces derniers qui se rapprochaient même des libéraux de Lyon. Georges Ribe note avec justesse : « Pendant plus d'un an, ultras, constitutionnels et libéraux agiteront la France de leurs accusations sur leur participation au complot. »273(*). Les ultras seront au final les perdants quant à leurs calculs sur la ville de Lyon. Camille Jordan, qui prendra vivement parti pour Fabvier et Sainneville, dans sa brochure, La Session de 1817, véritable réquisitoire contre les ultras de Lyon, sera réélu député du collège de l'Ain le 20 octobre 1818 et deviendra dés lors l'un des chefs de l'opposition constitutionnelle.

A ce creusement des divisions au sein des royalistes entre constitutionnels d'un côté et ultras de l'autre, mais n'est ce pas la faute de ces derniers ?, il nous faut aussi souligner le soutien des libéraux à Fabvier et Sainneville. En effet, ces derniers furent attaqués pour calomnie par le général Canuel et la  veuve  du calomnié, le capitaine Ledoux, devant le tribunal de la Seine. Une première fois condamnés à une légère amende ne satisfaisant pas Canuel, ce dernier reporta la plainte devant une autre Cour, condamnant cette fois Fabvier et Canuel à une amende de trois mille francs de dommages et intérêts. La grandeur d'esprit des libéraux lyonnais s'exprima, puisqu'ils ouvrirent une souscription qui permit, avec 12 000 souscripteurs, d'acquitter largement Fabvier et Sainneville. En ces années 1818-1819, constitutionnels lyonnais et libéraux lyonnais avaient su se réunir autour de cette malheureuse affaire.

Quelques mots méritent encore d'être écrits au sujet des conséquences de cette provocation policière.

* 268 Lettre du préfet du Rhône, Chabrol, au ministre de l'Intérieur, datée du 24 juillet 1817. Archives nationales, carton côté F7 9695.

* 269 Voir Bruno Benoit, L'identité politique de Lyon..., op.cit, p.52, 53.

* 270 Cette brochure du colonel Fabvier, Lyon en 1817, Paris, Delaunay, 1818, est consultable à la bibliothèque municipale de Lyon Part Dieu, fond ancien, dans les tomes 2 et 3 de l'ensemble Conspiration de Grenoble et Lyon 1816-1817, respectivement côtés IF 436/T2 et IF 436/T3.

* 271 Notice biographique réalisée à partir de l'article de Josiane Bourguet-Rouveyre, «Les bonapartistes dans les conspirations de 1815 à 1823 », in Bernard Gainot/Pierre Serna (dir.), Secret et République 1795-1840, op.cit, p.137, 138 et de Patrice Gueniffey, Journal de la France et des Français..., op.cit, p.1398.  

* 272 Le colonel Fabvier, Lyon en 1817, op.cit, première partie, p.19.

* 273 Georges Ribe, L'opinion publique et la vie politique à Lyon..., op.cit, p.241.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry