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De la protection juridique des forêts du Burundi : le cas du parc national de la Kibira

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par Désiré UWIZEYIMANA
Université de Limoges - M2 Droit International et Comparé de l'Environnement 2012
  

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A. Les points forts des normes de protection du Parc National de la Kibira

Comme nous l'avons déjà mentionné, la conservation de la diversité biologique du PNK du Burundi date de l'époque coloniale. Sur le plan national, des lois en la matière ont été élaborées pour réglementer la coupe et la vente de bois, la chasse et la capture des animaux sauvages de

49 BARARWANDIKA, A., Etude prospective du Secteur forestier en Afrique, 2001 : cas du Burundi, p.8.

50 NZOJIBWAMI, C., Etude de cas d'aménagement forestier exemplaire en Afrique centrale: le Parc National de la Kibira, Burundi, 2002, FAO, p.13.

cette forêt naturelle51. En effet, en mettant en défens cette forêt naturelle, l'autorité coloniale visait à la fois la protection des sols contre l'érosion et la conservation de la faune. La réglementation en rapport avec la conservation de la biodiversité du PNK a été renforcée dans les années 80 avec la création de l'Institut National pour l'Environnement et la Conservation de la Nature (INECN).

C'est dans la même logique de faire face aux défis environnementaux qui menacent cette aire protégée que la République du Burundi s'est dotée des outils juridiques de gestion de ses ressources naturelles dont les plus importants sont : le Code de l'Environnement de 2000, le Code Forestier de 1985, la Loi sur la création et la gestion des aires protégées de 2011 en révision du Décret-loi n°1/6 du 3 mars 1980 portant création des parcs nationaux et des réserves naturelles et le Décret-Loi de 2000 portant délimitation d'un Parc National et de 4 Réserves Naturelles.

Ces textes de loi fixent les règles fondamentales destinées à permettre la gestion de l'environnement et la protection de celui-ci contre toute forme de dégradation, afin de sauvegarder et de valoriser l'exploitation rationnelle des ressources naturelles et d'améliorer les conditions de vie de la personne humaine, dans le respect de l'équilibre des écosystèmes naturels. Ils prévoient aussi des mesures visant à assurer la conservation des ressources biologiques de ces écosystèmes naturels.

En plus de ces textes légaux et réglementaires qui relèvent du droit interne, le Burundi est partie à plusieurs conventions internationales ayant des rapports avec la conservation des ressources naturelles du PNK. On citera notamment la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), la Convention CITES, la Convention Phytosanitaire, etc. Par ce dernier engagement, le Burundi a manifesté sa volonté de collaborer avec la communauté internationale dans le domaine de la conservation des ressources forestières de cet écosystème naturel.

De ce qui précède, force est de constater que le Burundi dispose d'un cadre légal très riche et cela devrait faciliter la connaissance des droits et des obligations et l'orientation des interventions à mener en matière de conservation de cette aire protégée. Cet ensemble de textes de loi servent de référence à la conservation et à l'utilisation durable de ses ressources naturelles.

Il est à noter que le cadre légal de protection des ressources forestières en général et du PNK ne cesse de s'améliorer en vue d'être efficace. En effet, la politique forestière et le Code forestier du Burundi sont entrain d'être révisés afin d'être adaptés aux circonstances du moment en matière de protection de l'environnement.

Ainsi, en ce qui concerne les formations naturelles, la politique forestière du Burundi, qui est encore au stade de projet, vise comme objectifs : la réduction totale des pertes en espèces et en espaces, la restauration des espaces dégradés, la gestion participative des formations naturelles et le développement de l'écotourisme. Les efforts de protection et de conservation de ces ressources désormais canalisés par cette politique doivent être marqués par le souci permanent d'orienter les ressources vers la population qui en est le bénéficiaire actuel et futur.

51 INECN, Rapport d'étude sur les modes de gouvernance et les catégories d'aires protégées au Burundi, Bujumbura, 2008, p.12.

B. Les faiblesses des normes de protection du Parc National de la Kibira

Nous venons de voir que le Burundi dispose d'un important arsenal juridique de nature à lui permettre d'assurer de façon cohérente et efficace la protection de la biodiversité du PNK, une fois ces mécanismes légaux respectés et mis en oeuvre. Cependant, ces derniers comportent de nombreuses insuffisances et contraintes liées à leur application et à leur effectivité.

D'une manière générale, ces contraintes sont les suivantes :

1. Beaucoup de lois et conventions manquent de textes d'application sans lesquels ces lois et conventions demeureront largement inapplicables.

Dans la plupart des cas, ces lois de caractère trop général ne sont pas suivies de textes d'application qui pourtant, sont nécessaires pour apporter des précisions sur les dispositions de la loi insuffisamment détaillée. De même, lorsqu'elles sont ratifiées par l'Etat, les conventions internationales sont souvent inadaptées. En effet, elles énoncent des normes écologiques et des objectifs globaux qui nécessitent une certaine adaptation à la situation et aux données environnementales de chaque pays en tenant compte du degré de développement et de ses moyens. Or, dans l'état actuel des choses, toutes ces conventions ratifiées par le Burundi ne sont généralement relayées par aucun texte légal d'adaptation, si bien que les objectifs qu'elles énoncent demeurent lettre morte.

A titre illustratif, la convention sur la diversité biologique que le Burundi a déjà ratifiée, prévoit dans ses dispositions de nombreuses obligations à charge des Etats parties en matière de réglementation d'accès aux ressources génétiques, le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques, le contrôle, etc.

Mais, le droit interne est muet sur ces aspects alors que toutes ces conventions posent des principes et laissent à chaque Etat Partie la charge d'organiser sur le plan national les modalités politiques, juridiques et institutionnelles de leur mise en oeuvre.

Il importe donc pour le Burundi de fournir beaucoup plus d'efforts d'adaptation de sa législation nationale afin de s'acquitter de cette importante mission.

2. D'autres lois ne prennent pas suffisamment en compte la nécessité d'une approche participative pourtant indispensable pour l'aménagement d'une législation environnementale efficace52.

Ainsi, en vertu du principe 10 de la Déclaration de Rio, « la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau

52 L'approche participative est un outil privilégié permettant l'association active et responsable des ONGs, des collectivités locales et populations (FAO, 2000).

qui convient ». Cette participation concerne les femmes53, les jeunes54 aussi bien que les populations et communautés autochtones et autres collectivités locales qui ont un rôle vital à jouer dans la gestion de l'environnement et le développement du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles55.

Selon Marc DUFUMIER, la protection des espèces végétales et de la faune sauvage suppose que soient délimités et entretenus dans un pays un certain nombre de parcs naturels et de forêts classées dont la gestion conservatoire ne peut être assurée qu'avec la participation des populations riveraines56. Donc, la meilleure façon d'avoir une législation environnementale est d'assurer la participation des différents intervenants dès sa conception. En effet, les communautés locales sont en mesure, si elles sont associées à la procédure, de déterminer la meilleur façon de protéger l'environnement. Dans ce même ordre d'idée, il importe de relever que la loi forestière du 25 mars 1985 est non seulement incohérente sous plusieurs aspects, mais aussi très restrictive en matière de droits d'usage des populations.

A ce titre, cette participation active de la population est donc garante d'une meilleure adaptation des règlements aux réalités et d'un meilleur respect des textes susceptibles d'assurer la préservation des ressources naturelles. Par ailleurs, la gestion durable des ressources de l'environnement au XXIème siècle ne peut pas se faire selon les principes du XIXème siècle avec une administration centralisatrice, secrète et autoritaire57.

Ainsi, la gestion du Parc National de la Kibira (PNK) fait participer les communautés villageoises grâce à un plan communautaire de conservation, gage de partenariat entre la population, l'administration et les conservateurs. De plus, la mise en place d'un nouvel organe consultatif, les «comités locaux de surveillance du parc» dans toutes les communes autour de la Kibira, semble être une solution d'implication des populations dans la gestion du parc58.

3. L'ineffectivité de la loi ou de la convention est due souvent à sa méconnaissance, non seulement par les citoyens, mais aussi ceux qui sont chargés de veiller à son application.

A l'état actuel des choses, lorsqu'une loi est promulguée, elle n'est pas suivie de mesures d'accompagnement qui consistent en la vulgarisation, l'information et la sensibilisation des institutions étatiques, de l'administration territoriale et des populations rurales pour que chacun sache en ce qui le concerne, ses droits et obligations. Ainsi, l'information, la sensibilisation et

53 Principe 20 de la Déclaration de Rio.

54 Principe 21 de la Déclaration de Rio.

55 Principe 22 de la Déclaration de Rio.

56 DIFUMIER, M., « Environnement et Développement Rural », in Revue du Tiers Monde, Tome XXXIII, p.303.

57 PRIEUR, M., « Démocratie et Droit de l'Environnement et du Développement », in RJE, 1993, p.29.

58 NZOJIBWAMI, C., Etude de cas d'aménagement forestier exemplaire en Afrique centrale: le parc national de la Kibira, Burundi, 2002, FAO, p.9.

59 Principe 19 de la Déclaration de Stockholm de 1972.

60 MEETU, Stratégie Nationale et Plan d'Action en matière d'Education Environnementale. Bujumbura, 2009, p.7.

l'éducation relatives à l'environnement doivent se réaliser au niveau de toute la population et de toutes les catégories socio-professionnelles.

En effet, la Déclaration de Stockholm de 1972 est on peut plus claire. Elle énonce qu'il est essentiel de dispenser un enseignement sur les questions d'environnement aux jeunes générations aussi bien qu'aux adultes, en tenant dûment compte des moins favorisés afin de développer les bases nécessaires pour éclairer l'opinion publique et donner aux individus, aux entreprises et aux collectivités le sens de leurs responsabilités en ce qui concerne la protection et l'amélioration de l'environnement dans toute sa dimension humaine59. La réussite de cette approche éducative reste dans une large mesure subordonnée à la mise en place d'un mécanisme de vulgarisation des textes, elle-même conditionnée par la mise en place des mécanismes institutionnels d'accompagnement permettant de relever le taux et le niveau d'alphabétisation. Enfin, l'éducation environnementale doit être un outil fondamental pour développer la formation et la sensibilisation de notre population lui permettant d'avoir des connaissances approfondies et des compétences nécessaires afin d'opérer des choix raisonnés60.

4. L'ineffectivité de certains textes de lois est liée aux difficultés financières et techniques nécessaires à leur mise en application.

D'aucuns s'accordent sur le fait qu'au Burundi, on ne dispose pas de moyens adéquats et suffisants pour combattre par exemple le braconnage, les feux de brousse, la coupe de bois. En effet, entre des braconniers et contrebandiers équipés d'armes à feu et des gardes-forestiers allant à pied et non armés, il y a tout un fossé. Sur un plan général, ces difficultés financières et techniques soulignent le lien profond qui existe entre la protection de l'environnement et le développement. L'idée de conservation de la nature est vaine dans des régions où sévit la misère, où les populations empruntent tout à la nature pour survivre.

Il est difficile également de juguler la destruction des forêts par des paysans qui ont besoin de lopins de terre pour pratiquer une agriculture de subsistance et de bois de chauffage pour des besoins domestiques si l'on n'est pas en mesure de leur proposer des solutions alternatives. Ainsi, la loi n°1/10 du 30 mai 2011 portant création et gestion des aires protégées au Burundi préconise l'élaboration des plans de gestion et d'aménagement des aires protégées en général et du PNK en particulier en vue de promouvoir des droits d'usage qui ne dégradent pas l'aire protégée, de promouvoir des alternatives aux ressources biologiques vulnérables dans les villages riverains, etc.

Force est cependant de constater que l'élaboration de tels plans requiert la disponibilité des moyens financiers et des ressources humaines outillées pour cette fin afin de préserver ce patrimoine naturel.

61 Article 12 du Protocole de Nagoya sur l'Accès aux ressources génétiques et le Partage juste et équitable des Avantages découlant de leur utilisation relatif à la convention sur la diversité biologique.

Ainsi donc, au Burundi, les responsables du pays devraient être sensibilisés sur l'intérêt combien important que présentent les textes existants en une matière aussi vitale que celle de la conservation des ressources naturelles pour les générations présentes et futures.

5. Il existe des aspects entiers de la biodiversité qui ne font l'objet d'aucun encadrement juridique national.

C'est le cas des manipulations génétiques, de la répartition des bénéfices découlant de l'utilisation des ressources biologiques, de la réglementation des expérimentations, de la protection juridique des connaissances traditionnelles, de l'accès à la technologie ainsi que son transfert, etc.

Au Burundi, le constat est que la plupart de ces aspects de la biodiversité ne sont soumis à aucune réglementation alors que leur encadrement juridique national serait d'une grande utilité pour le pays et pour les populations riveraines des aires protégées en général et du PNK en particulier. Ainsi, comme le pays n'est pas partie au Protocole de Nagoya, les connaissances traditionnelles ne font objet d'aucune protection juridique. Grâce à ses dispositions claires sur l'accès aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques, les communautés autochtones et locales bénéficient de l'utilisation de leurs connaissances, innovations et pratiques61.

En conclusion, comme nous venons de le constater, la question de l'environnement est désormais devenue une préoccupation planétaire. Sur le plan interne, en plus d'une politique claire de protection des réserves forestières, le Burundi s'est doté d'un droit positif de protection du PNK. Sur le plan international, le pays étant partie à nombreux de traités internationaux, s'est associé aux autres nations de la communauté internationale pour faire face aux menaces dont fait l'objet cet écosystème naturel. Evidemment, bien que le Burundi dispose d'un important arsenal juridique en rapport avec la conservation de la biodiversité du PNK, les problèmes liés à son application et son effectivité subsistent.

En plus du cadre légal de protection du PNK, une conservation et une utilisation durable de la biodiversité du PNK suppose l'existence des mécanismes institutionnels appropriés permettant de suivre de près les agissements qui seraient de nature à porter atteinte aux ressources naturelles de cette réserve forestière.

2ème Partie : LES MECANISMES INSTITUTIONNELS DE PROTECTION DU PARC

NATIONAL DE LA KIBIRA

Les bases d'une politique de gestion des ressources naturelles et de l'environnement doivent être conçues en termes de préservation de potentiel de production et en termes de maintien de l'équilibre du milieu. En effet, une bonne gestion des ressources naturelles et de l'environnement exige une action concertée et coordonnée de tous les acteurs du développement. La responsabilité de conserver et gérer les ressources forestières est partagée entre diverses institutions tant nationales qu'internationales à titres divers.

Au Burundi, la coordination incombe à l'Institut National pour l'Environnement et la Conservation de la Nature (INECN) sous la tutelle du Ministère de l'Eau, de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de l'Urbanisme (MEEATU) qui réalise la politique du Gouvernement en la matière (Chapitre I). C'est ainsi que pour assurer une protection effective du PNK, des stratégies légales et institutionnelles adéquates doivent être envisagées par les responsables du pays pour la conservation et l'utilisation durable de ses ressources naturelles (Chapitre II).

CHAPITRE 1 : LES INSTITUTIONS INTERVENANT DANS LA CONSERVATION DU PARC NATIONAL DE LA KIBIRA

L'Institut National pour l'Environnement et la Conservation de la Nature (INECN) a la mission principale d'assurer la gestion des forêts naturelles et les aires protégées. Cependant, pour arriver à gérer cette aire protégée, il doit collaborer avec les autres partenaires comprenant les institutions publiques (section 1) et les Organisations Non Gouvernementales (ONGs) nationales, coopération bilatérale et multilatérale (section 2).

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