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De l'image de la France dans les trois dernières fictions romanesques de Mongo Beti

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par Jean Baptiste NTUENDEM
Université de Dschang - Master II 2013
  

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I-2- L'organisatrice des guerres civiles, des génocides et des coups d'Etat.

Les forfaitures de l'ancienne métropole sont nombreuses et les textes de Mongo Beti en rendent suffisamment compte. La guerre civile vécue dans le pays francophone décrit par le narrateur est explicitement évoquée dans L'Histoire du fou, et porte la responsabilité lointaine de l'ancienne métropole :« Trop heureuse de saisir enfin l'occasion d'une revanche facile sur ses déboires asiatiques, l'ancienne métropole jeta dans la balance son expérience de manoeuvrière à la fois politique et militaire : elle installa un dictateur complaisant et lui fit endosser une guerre civile larvée. » (Mongo Beti 1994 : 13)La France qui sert de mentor à son dictateur l'aide à déclencher une guerre civile contre les révolutionnaires qui revendiquent l'indépendance totale du pays :

... Il n'avait pu présenter sa carte d'identité, crut pouvoir adoucir son tortionnaire en dénonçant à tout hasard Zoaételeu comme étant le maillon stratégique d'un réseau de militants clandestins et de guérilleros, tous acabits avec lesquels le chef de l'Etat porté à bout de bras par l'ancienne métropole, venait d'engager une guerre sans merci. (Mongo Beti 1994 : 14)

Autant la guerre est menée dans la province du centre contre les militants clandestins, autant elle est poursuivie à l'Ouest contre les maquis révolutionnaires, avec l'appui de l'ancienne métropole : « Quand enfin Zoaételeu reparut après six années peut-être plus interminables pour les siens que pour lui-même, et alors que le chef de l'Etat poursuivit contre les maquis révolutionnaires de l'Ouest une guerre qui s'exaspérait chaque jour et où s'épuisaient lentement les facultés de la nation... » (Mongo Beti : 15) L'auteur de Trop de soleil tue l'amour montre que, pour maintenir son emprise en Afrique, l'ancienne métropole est prête à tout. Le génocide au Rwanda est évoqué ici plusieurs fois et porte sa responsabilité lointaine : «  Nous n'aimons pas beaucoup les Français ici, déclarait le patron ; ces gens-là n'ont jamais oublié qu'ils ont été nos maîtres. Regardez ce qui s'est passé au rwanda. Ils sont prêts à tout pour maintenir leur emprise. » (Mongo Beti 1999 : 26) Si dans cette première allusion à la guerre civile et au génocide rwandais n'est pas très explicite, une vingtaine de pages plus loin, la responsabilité des Français est explicitement établie dans cette boucherie humaine : « Après leur génocide du Rwanda, ils ne devraient même pas sortir dans la rue. Si seulement kabila réussissait enfin à les expulser du zaïre... » (Mongo Beti : 47)

Le voeu formulé ici par le personnage d'Eddie montre non seulement l'omniprésence française en Afrique noire francophone, mais surtout toutes ses contributions désastreuses dans les massacres des populations dans cette partie du continent africain. D'ailleurs, d'un texte à l'autre, cette crise du Rwanda revient dans les propos d'Eddie, et sous la plume de l'auteur comme une véritable obsession :

C'est vrai, ça, faut pas toujours incriminer les toubabs. Des salauds, les toubabs. D'accord, tout à fait d'accord, ils le reconnaissent eux-mêmes parfois, comme en ce moment avec l'affaire du génocide du Rwanda et les dérives d'Elf aquitaine dans le golfe de Guinée ce qui est plus sympa, nous n'avons même plus de mérite à les dénoncer, les toubabs, quand ils s'y mettent, le font eux-mêmes mieux que nous. (Mongo Beti 2000 :207)

L'ancienne métropole est perçue dans notre corpus comme l'instigatrice principale des persécutions des leaders politiques et des coups d'Etat. L'emprisonnement du leader de l'UPC Félix Moumié porte les empreintes de la France, et PTC dénonce ce triste événement historique qui montre davantage la cruauté des Français : «  les Français, c'est le poison, rappelez-vous le Dr Félix Moumié- ou l'accident de la route. C'est raffiné, quoi, il y a la classe. » (Mongo Beti 1999 : 55) L'assassinat de Félix Moumié avait déjà fait l'objet de la préoccupation de Mongo Beti, hors fiction, dans son essai intitulé Main basse sur le Cameroun publié en 1972. Dans cet essai, il montre que c'est un agent des services secrets français qui s'était déguisé sous l'identité d'un journaliste pour commettre ce lugubre forfait :

Quant à Félix-Roland Moumié, autre chef révolutionnaire camerounais assassiné, là au moins il est impossible de laisser les services d'action psychologique d'Ahmadou Ahidjo vaticiner des échafaudages rocambolesques : Moumié comme je l'ai déjà dit d'ailleurs, fut tout bonnement empoisonné à Genève par un soi-disant journaliste, en vérité un agent des services secrets français, nommé Bechtel, avec lequel il avait eu l'imprudence à peine croyable de dîner en tête-à-tête. (Mongo Beti 1972 : 149)

L'historien camerounais de renom, Engelbert Mveng situe avec exactitude la date de cet empoisonnement le 3 Novembre 1960 : « Il est mort le 3 Novembre 190, en Suisse empoisonné par un certain William Bechtel, officier des services secrets français. (C'est la conclusion de l'enquête menée par la police fédérale suisse.) (Mveng 1985 :183)Les circonstances de cet empoisonnement sont bien élucidées par un upéciste, compagnon de lutte de Moumié :

On connaît la suite des événements : dans un premier temps, Bechtel parvient à gagner la confiance de Moumié à Accra en se faisant passer pour un journaliste. Ensuite, il lui conseille d'aller soigner son foie à Genève, chez de grands spécialistes qu'il pouvait lui recommander. Les deux hommes se retrouvent donc en Suisse, le Samedi 15 Octobre 1960, ils dînent dans un restaurant du vieux Genève : «le plait d'argent» (...) A son retour, une autre surprise : son vin a changé de goût, il est devenu paralysie des organes vitaux commence à le gagner. Médecin, il identifie le Thallium, un poison violent, et accuse la main rouge et le SDECE. Il mourra le 3 Novembre 1960 dans la clinique genevoise où on l'avait transporté. Betchel sera poursuivi, acquitté et blanchi par la justice helvétique. (Eyinga 1991 :128)

Les textes de Mongo Beti ne montrent pas seulement que la France sait organiser des guerres civiles, des génocides et des empoisonnements. Nous avons pu lire ses implications dans ces nombreux coups d'Etat et putches qui structurent ces fictions, et également ses arbitrages complices et complaisants : « Mais l'assaut brutal à la Kalachnikov, ça, c'est africain, c'est Mubutu contre Lumumba, Eyadema contre Sylvanus Olympio, Compaoré contre Sankara, ou Tombalbaye contre Outel Bono. » (Mongo Beti 1999 : 55)L'Afrique noire francophone post coloniale est peinte comme le théâtre des manoeuvres politiques et militaires d'une ancienne métropole qui ruse à suffisance et manipule à volonté tous les chefs d'Etat à sa guise et à sa fantaisie.

Il se murmurait pourtant ici et là, et pas seulement dans l'entourage immédiat de l'avocat, que les chefs militaires dissidents se préparaient à une confrontation avec le nouveau pouvoir que, d'ailleurs, cette perspective troublait à en juger par les indices manifestes. Ils disposaient d'un armement redoutable, grâce auquel il leur suffisait de quelques semaines, au plus, pour balayer le nouveau chef de l'Etat et ses troupes. Ils s'étaient jusqu'alors retenus d'entamer les hostilités parce qu'ils s'interrogeaient à propos de l'attitude de l'ancienne métropole qui avait réussi à garder son soufrage secret, laissant croire à chaque camp qu'il accordait la préférence. (Mongo Beti 1994 : 171)

Cette attitude secrète de la France cache plutôt sa sournoise et sa duplicité, elle agit en faveur de son dictateur pantin :

La fraction élégante du public, s'aveuglant de ses illusions, se gaussait des préventions de démocratie venant de militaires présentés traditionnellement comme l'incarnation de l'esprit fascinant. L'ambassade de l'ancienne métropole, craignant d'être destituée de son statut d'arbitre, se bornait à insinuer auprès de qui voulait l'entendre des appréciations désenchantées sur la fraction militaire opposée au chef de l'état ; elle hésita d'ailleurs de moins en moins à lever son masque et à se poser carrément en mentor du seul chef de l'Etat et de son clan, ce qui n'incitait pas peu les deux camps à exacerber leur exécution mutuelle. (Mongo Beti : 177)

Les complots et les conjurations de l'ancienne métropole en Afrique noire francophone sont d'ailleurs bien reconnus par le Président François Mitterrand dans son allocution prononcée à l'occasion de la séance solennelle d'ouverture de la 16ème conférence des chefs d'Etat de France et d'Afrique :

De la même manière, j'interdirai toujours une pratique qui a existé parfois dans le passé et qui consistait pour la France à tenter d'organiser des changements politiques intérieurs par le complet et la conjuration. Vous le savez bien, depuis neuf ans, cela ne s'est pas produit et cela ne se produira pas.1

Il faut bien noter que ce discours de la Baule date du 20 Juin 1990, alors que François Mitterrand a été élu en 1981. L'aveu du Président François Mitterrand dévoile à suffisance les pratiques manoeuvrières de la France néocolonialiste. S'il est établi que l'ancienne métropole s'illustre comme une excellente manoeuvrière politique et militaire qui sait organiser des guerres civiles, des empoisonnements et des coups d'Etat, il faut encore lui reconnaître cette habilité à s'ingérer dans les affaires de ces colonies et d'y pratiquer un espionnage rampant.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire