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De l'image de la France dans les trois dernières fictions romanesques de Mongo Beti

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par Jean Baptiste NTUENDEM
Université de Dschang - Master II 2013
  

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I-5- Les dérives de la Francophonie, le racisme et la Xénophobie de la France

S'il est vrai que la Francophonie fait l'objet de deux mentions seulement dans notre corpus, nous avons noté toutefois qu'elle ne bénéficie pas d'une appréciation favorable. Bien au contraire, non seulement on lit un rejet des Français, mais aussi celui de leur Francophonie : « Les français, nous n'en voulons plus ici, mais alors plus du tout. Mais est-ce que c'est leur problème ? D'abord ce fut leur foutu franc CFA, une vraie calamité. Et voilà qu'ils viennent en plus nous casser les pieds avec leur francophonie. » (Mongo Beti 1999 : 27)

Mongo Beti pense que la Francophonie linguistique est irréelle, ou plutôt un mensonge :

...Comment prétendre coopérer avec un peule sans parler la langue où il bègue depuis des millénaires ? Voyez-vous, messieurs, la francophonie est un concept mensonges, au moins sur le plan linguistique, et sans doute sur tous les autres. Mais il faut faire avec, que voulez vous ? Au demeurant, qu'est-ce que le mensonge, sinon un synonyme de la politique parmi d'autres ? (Mongo Beti 2000 : 128)

Que ce soit dans ses fictions ou hors fiction, l'écrivain contestataire garde une position très critique face à la francophonie. Dans le rebelle II, il la dénonce avec véhémence lorsqu'il dit :

Non, je ne le crois pas du tout, je l'ai dit très souvent. D'ailleurs, je suis contre la francophonie des Français, c'est un instrument d'oppression. C'est un échafaudage d'idées, qui d'ailleurs n'ont rien à voire avec la langue française, conçue pour maintenir les Africains sans autel. Ça n'est pas du tout un instrument de développement, ni de libération, puisque tut ce qui concerne la francophonie, institution, argent, vient de la France. L'initiative est absolument aux Africains et d'ailleurs, en Afrique, on préfère les chefs d'Etat aux écrivains, qui sont pourtant les dépositaires de cette langue française. ( Djifack 2007 : 163)

Si la Francophonie des Français est perçue par Mongo Beti comme un instrument d'oppression au service du néocolonialisme, il apparaît également très clair que cette ancienne métropole est dépeinte comme raciste et xénophobe, au regard de l'arsenal des lois Pasqua sur l'immigration qui rendent l'entrée et le séjour en France très compliqués, et compte tenu de l'idéologie développée et étendue par la lepénisation. Théorie fondée sur l'idée de la supériorité de certaines races sur les autres, le racisme est un ensemble de comportements fondés, consciemment ou non, sur cette théorie, sur cette doctrine. Dans notre corpus, deux noms français sont rattachés au racisme et à la xénophobie des Français. Le narrateur fait allusion à Jean Marie le Pen et à son idéologie politique en ces termes : « ... à l'époque de cette chronique, polluée par une lepénisation galopante, Eddie, accusé de trafic de stupéfiants, a été expulsé de Franc par charter. » (Mongo Beti 1999 :43) En effet, la lepénisation est un néologisme politique qui désigne l'appropriation progressive par le public de tout ou partie des thèmes développés par Jean marie le Pen, le leader du Front National à cette époque. La lepénisation est une idéologie d'autant plus dangereuse qu'elle est très redoutée, même dans les Lycées français des anciennes colonies, comme le remarque si bien, le jeune journaliste :

En tout cas, le proviseur n'en voulait pas, de ce groupuscule. Il menaçait de chasser le jeune homme, qui le traitait de raciste, de lepéniste et même de nazi. Ca agaçait le proviseur, mais ça le paralysait aussi, c'est quand même fâcheux de se faire traiter publiquement de lepéniste ici, c'est très mauvais pour la carrière, d'autant qu'il n' a effectivement des problèmes de racisme au Lycée français. (Mongo Beti 2000 : 74)

Quant à Charles Pasqua, le narrateur affirme : «  C'était au début des années 80, bien avant que cela ne devienne une mode avouée avec le Ministre Charles Pasqua lors de la première cohabitation. » (Mongo Beti : 43) Bébète qui maîtrise l'actualité en France avoue à Georges qu'elle ne se ferra pas ridiculiser par les lois Pasqua : « pas question de quitter mon pays (...) est-ce que tu dois même si on me laissera sortir de l'avion une fois dans ton pays ? Et les lois Pasqua, tu en fais quoi ? Une crème de goyave ? » (Mongo Beti : 94) En effet, nommé ministre de l'intérieur dans le premier gouvernement de cohabitation lorsque Jacques Chirac était premier ministre de François Mitterrand, de 1986 à 1989, Charles Pasqua, à cette fonction, est l'auteur de la loi portant son nom, rendant plus difficile le séjour des étrangers en France. De 1993 à 1995, il est à nouveau ministre de l'intérieur du gouvernement Balladur, alors premier ministre de François Mitterrand, la réforme du code de la nationalité française dite « réforme Pasqua» est votée par le parlement. Parlant de l'immigration africaine en Europe, Georges fait cette réflexion :

En réalité, l'Afrique demeure le plus grand commun diviseur de la classe politique française, pas tellement dans l'expression des bonnes intentions, là tout le monde est d'accord, mais dans les attitudes concrètes, c'est tout à fait autre chose. Au moins à propos de l'immigration, tous les observateurs en retrait de la scène politique sont unanimes : au sahel, par exemple, c'est le sauve- qui peut des jeunes vers l'abondance et la liberté, c'est -à - dire vers l'Europe... » (Mongo Beti : 2000 : 129)

Cette abondance et cette liberté paraissent illusoires d'autant plus que nous notons des vagues d'expulsions par charters décriées par l'auteur. Le porte-parole de Mongo Beti sur cette question épineuse est Georges qui affirme : « Rappelez-vous l'église saint-bernard et Jugez si la situation est grave. Bien fait. Nous avons détruit l'Afrique, l'Afrique va nous détruire à sa manière, celle de miséreux... » (Mongo Beti : 129) Les allusions aux expulsions par charters sont récurrentes dans Trop de soleil tue l'amour qui est le récit des retours des exilés au pays natal. Mais, pour beaucoup, c'est un retour forcé et déshumanisant qui traduit la xénophobie des Français : « ...les Français nous sortent par les yeux avec leur francophonie et leur franc CFA, et voilà qu'ils se mettent à expulser nos frères de chez eux, et encore par charters entiers... » (Mongo Beti : 47)

Le rapatriement par charters est d'ailleurs très mal perçu, car les expulsés en sortent violentés, comme Eddie : « N'empêche qu'Eddie sans conteste un des plus beaux spécimens d'homme aigri et amer, sans doute parce qu'il avait été rapatrié par charter, il faut reconnaître à sa décharge que c'est là une épreuve à laquelle on survit généralement très mal. » (Mongo Beti : 98) Le narrateur trouve inhumains ces expulsions par charters qu'il compare à une sorte de mort :

Tiens, il y'aurait peut-être un roman ou une pièce de théâtre à écrire un jour sur ce thème, qui s'intitulerait : y'a-t-il une vie après les charters ? Pas bête du tout comme idée. Pas bête du tout. Les jeux ne se figurent pas combien c'est terrible d'être ramené chez soi par un vol charter. Il faudrait expliquer, le public réaliserait peut-être ce qu'il y a d'inhumain dans cette procédure. (Mongo Beti : 98)

L'image d'une manoeuvrière politique et militaire collée à l'ancienne métropole n'est pas une illusion, au regard de l'argumentation sus-menée qui a pris appui sur les trois derniers romans post retour d'exil de Mongo Beti. S'il est vrai que les dictateurs d'Afrique francophones sont de dignes serviteurs très loyaux du système colonial, si ces pays se trouvent submergés par les vagues de guerres civiles, de génocides et de coups d'Etat récurrents, il faut tout simplement reconnaître que la décolonisation gaulliste consacre le retour à l'âge d'or de l'exploitation coloniale. Comme la deuxième partie de cette réflexion va le démontrer, l'image de la France est davantage celle d'une manoeuvrière économique véritable prédatrice qui désintègre les souverainetés économiques de ses anciennes colonies.

II- LES MANOEUVRES NEOCOLONIALES D'EXPLOITATION ECONOMIQUE

La France manoeuvrière est d'une présence envahissante en Afrique noire francophone où elle est très puissante, grâce aux multiples tentacules de ses multinationales qui contrôlent l'essentiel de l'économie. C'est ce que les critiques appellent le néocolonialisme .En effet, le néocolonialisme est défini comme suit : « Le Néocolonialisme désigne, à partir des années 1960, les diverses tentatives d'une ex-puissance coloniale de maintenir par les moyens détournés ou cachés la domination économique ou culturelle sur les anciennes colonies après leur indépendance »1La mainmise française sur les matières premières africaines a fait l'objet de la préoccupation de beaucoup de critiques. Mongo Beti, cité par Jooned Khan, affirme : 

 La France est encore très présente en Afrique'', dit-il, sur un le ton du simple constat.' Le pétrole ,le gaz ,les richesses minières, les banques, les forets, les déchets toxiques, depuis le Congo-Brazzaville jusqu'en Cote d'Ivoire ,en passant par le Gabon, le Cameroun, la République Centrafricaine ,le Tchad ,le Niger, le Bénin, le Togo et le Burkina Faso .Cette vaste région est aux mains de toutes sortes ,plus ou moins reliées des intérêts français. (Khan 2010 :2_3)

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius