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Enfant naturel en droit tchadien, étude à  la lumière du projet de code des personnes et de la famille


par Modeste BESBA
Université de Ngaoundéré. - Master 2016
  

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B- La contestation de la paternité basée sur la non-conformité de la possession d'état au titre de naissance

La paternité est le lien juridique qui existe entre le père et son enfant. Ce lien s'établit soit par le titre de naissance, soit par la possession d'état, ou encore par la reconnaissance. Une fois établie, qu'elle soit légitime ou naturelle, la paternité peut être contestée. Néanmoins, le droit encadre les cas qui permettent de contester une filiation déjà établie. Une telle chose mérite critique.

Une vieille tradition latine, à laquelle certains sont encore attachés, faisait de la contestation de paternité un monopole du mari174(*). C'est à lui seul que l'action fut longtemps réservée, contrairement au principe classique de procédure en vertu duquel toute personne ayant un intérêt né et actuel, direct et personnel, a qualité pour agir en justice175(*). Ce qui signifie que cette tradition donne la latitude du désaveu au seul mari ; monopole qui fut supprimé par la loi française du 3 janvier 1972. Désormais, la mère a le droit d'agir en contestation après remariage avec le vrai père de l'enfant. Cette réforme est critiquée pour son immoralité puisqu'elle reconnait à la mère la faculté d'avouer son infidélité, et même le droit de s'en prévaloir176(*). Elle ouvrait une très large voie à la contestation, chose qui fut amplifiée par la jurisprudence177(*).

Au Tchad, l'action en contestation de la filiation légitime est prévue par le Code civil et on distingue selon qu'elle est attitrée ou non. Dans le premier cas, ou lorsque la filiation légitime est établie par un acte de naissance et une possession d'état conforme à ce titre, elle est inattaquable. Mais le droit pose une atténuation à ce principe. Ainsi donc, la paternité légitime peut être contestée par le mari seul. C'est pourquoi l'article 312 du Code civil, tout en prévoyant la présomption de paternité, évoque en son alinéa 2 que le père présumé pourra néanmoins désavouer l'enfant, s'il prouve que, pendant le temps qui a couru depuis le trois centième jusqu'au cent quatre-vingtième jour avant la naissance de l'enfant, il était, soit pour cause d'éloignement, soit par l'effet de quelque accident, dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa femme.

En dehors du désaveu de droit commun fondé sur l'article 316178(*) du Code civil et qui ne peut être intenté que lorsque la présomption de paternité est déclenchée, le mari possède encore trois possibilités pour désavouer l'enfant de sa femme. Il peut effectuer un désaveu par simple dénégation permettant d'écarter sa paternité en cas de naissance avant le 180e jour du mariage. Le mari n'a pas à prouver matériellement sa non paternité dans cette situation : il suffira simplement de comparer la date de l'acte de mariage de celle de naissance179(*). Le mari peut ensuite effectuer un désaveu en défense180(*)qui vient en réponse à une action en réclamation d'état. C'est le cas lorsqu'un enfant entend faire établir en justice son lien de filiation à l'égard d'une femme mariée et que le mari de celle-ci prouve par tout moyen que même si l'enfant appartient à sa femme, il n'en est pas le géniteur. Enfin, le mari a la possibilité de faire un désaveu préventif,181(*) lorsqu'il pressent une action en justice pour faire établir que sa femme a un enfant.

Pour ce qui est de la paternité naturelle, puisqu'elle s'établit par la reconnaissance de l'enfant par le père, sa contestation se fait aussi par la preuve que cette reconnaissance est viciée ou mensongère. C'est dans ce sens que s'attèle l'article 339 du Code civil. Cet article dispose : « Toute reconnaissance de la part du père ou de la mère, de même que toute réclamation de la part de l'enfant pourra être contestée par tous ceux qui y auront intérêt ». Cet article dit que la reconnaissance faite par le père peut être contestée par toute personne y ayant intérêt. L'article parle aussi de la contestation de la réclamation de la paternité faite par l'enfant. Contrairement à la contestation de la paternité légitime qui est le monopole du mari de la mère, toute personne y ayant un intérêt peut contester la paternité naturelle. Apparait ainsi une inégalité entre filiation légitime et filiation naturelle basée sur la contestation de la paternité.

Puisque le droit évolue dans le temps et dans l'espace, il est admis dans certains pays comme la France la paternité naturelle par la possession. Qu'en est-il de l'évolution envisagée dans le PCPFT ?

Il faut dire que la situation reste la même que dans le Code civil puisque seule la paternité légitime s'établie par le titre de naissance et la possession d'état conforme à ce titre. La paternité naturelle continue d'être établie par la reconnaissance obligatoire de l'enfant par le père. Cela n'encourage pas l'établissement de l'égalité en droit tchadien de la filiation.

Les rédacteurs du PCPFT n'ont pas pensé à protéger l'enfant naturel contre les actions en contestation de sa paternité, puisqu'aux termes de son article 326 alinéa 1 : « Lorsque la possession d'état n'est pas conforme au titre de naissance, toute personne y ayant intérêt peut contester la reconnaissance dont l'enfant a fait l'objet et s'opposer à toute action en réclamation intentée par lui-même ». Il découle de cet article que la contestation de la reconnaissance est subordonnée à la preuve que la possession d'état n'est pas conforme au titre de naissance. Pourtant même dans le PCPFT en cours d'adoption, il n'est pas admis d'établir la paternité naturelle par la possession d'état ; seule la paternité légitime peut s'établir par ce mode selon l'article 314. Cet article dispose : « La possession d'état à l'égard du père légitime est établie en prouvant que constamment : l'enfant a porté le nom du père dont il prétend descendre ; le père l'a traité comme son enfant et a pourvu en cette qualité à son éducation, son entretien et son établissement ; il a été reconnu pour tel par la société ; il a été traité comme tel par la famille ».

Alors que seul le mari peut désavouer l'enfant de sa femme dans un bref délai de six (6) mois selon les articles 317182(*) et 318183(*) du PCPFT, la contestation de la paternité naturelle est l'affaire de toute personne y ayant intérêt et sans délais. Les rédacteurs du PCPFT continuent de protéger le mariage au détriment de l'enfant né hors ce cadre. Ces inégalités remarquées dans la protection des enfants contre la contestation de leur filiation n'excluent pas les cas d'irrecevabilité de cette action.

* 174 TERRE (F.) et FENOUILLET (D.), Droit civil, Les personnes, La famille, Les incapacités, op.cit., n°818, p.685.

* 175 Ibid.

* 176 Ibid.

* 177 La jurisprudence, par deux a contrario célèbres et audacieux, amplifia le déclin de la présomption en reconnaissant à des tiers le droit de contester, indirectement ou même directement la paternité du mari de la mère : l'adultère n'est plus, à cet égard, une affaire exclusivement conjugale mais peut être dénoncé par les tiers.

* 178 Art. 316 C.civ. : « Dans les divers cas où le mari est autorisé à réclamer, il devra le faire, dans le mois, s'il se trouve sur les lieux de naissance de l'enfant ; Dans les deux mois après son retour, si, à la même époque, il est absent ; Dans les deux mois après la découverte de la fraude, si on lui avait caché la naissance de l'enfant ».

* 179 NEIRINCK (C.) et al.,Droit de la famille, op.cit, p.97.

* 180 Ibid.

* 181 Ibid.

* 182 Art. 317 PCPFT : « Le mari peut désavouer l'enfant conçu pendant le mariage : 1°) S'il prouve que pendant la période légale de conception, il était dans l'impossibilité de cohabiter avec sa femme ; 2°) Si, selon les données acquises de la science, l'examen des groupes sanguins ou l'incompatibilité des caractéristiques physiques de l'enfant avec les siennes propres établissent qu'il ne peut être son père, par tous les moyens, si la femme lui a dissimulé sa grossesse ou la naissance de l'enfant dans les conditions de nature à le faire douter gravement de sa paternité . L'adultère de l'épouse ne suffit pas pour ouvrir l'action en désaveu ».

* 183Art. 318 PCPFT : « L'action en désaveu du mari doit se faire dans les six mois : de la naissance, s'il se trouve sur les lieux de l'époque de celle-ci ; après son retour, si à la même époque il n'est pas présent ; après la découverte de la fraude, si on lui a caché la naissance de l'enfant ».

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