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Le temps dans la justice pénale au Togo.


par Solim Aimée SONDOU
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2018
  

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CONCLUSION PARTIELLE

En tout état de cause, la lenteur de la justice pénale togolaise est imputable à l'Etat. Une justice lente équivaut à un déni de justice, ce qui est prohibé143.

Il est évident dans les conditions matérielles, statutaires, sociales et politiques existantes au Togo et dans la plupart des Etats africains, qu'il est difficile qu'un juge, animé de la plus forte conviction qui soit et d'une conscience professionnelle irréprochable, puisse vivre son indépendance et assurer la neutralité.

Il faut relever malgré ces difficultés le sens de responsabilité irréprochable de certains juges togolais. Il s'avère nécessaire de mettre plus de moyens à leur disposition afin qu'ils accomplissent avec succès les rôles qui leur sont assignés.

S'il est admis aujourd'hui, que le temps est un facteur d'inefficacité de la justice pénale togolaise en raison de la lenteur de ladite justice, la prescription en matière pénale n'en demeure pas moins une cause de cette inefficacité.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 36

142 CEDH, Di Mauro c. Italie, 28 juillet 1999, req. n° 34256/96, § 23.

143 Constatations du Comité des droits de l'Homme, Robert Casanova c. France, 27 décembre. 1990, req. n° 441/1990, A/49/40, annexe IX, sect.. U.

L'OBSOLESCENCE DES REGLES DE LA PRESCRIPTION

EN DROIT PENAL TOGOLAIS

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 37

CHAPITRE II

La prescription est un principe général de droit qui fait référence à la durée au-delà de laquelle une action en justice, civile , administrative, commerciale ou pénale, n'est plus recevable. En matière pénale, la prescription est un mode général d'extinction du droit de poursuivre et du droit d'exécuter une peine. Elle est donc variable puisqu'elle englobe deux notions. Il s'agit de la prescription de l'action publique et de la prescription des peines, qui se distinguent aujourd'hui nettement144 et sanctionnent l'ignorance de la commission d'une infraction, la négligence de la partie poursuivante145 ou l'inexécution de la sanction pénale. Ces deux mécanismes sont intrinsèquement liés au temps. En effet, « le temps à vocation à rendre illégitime la réponse pénale à un comportement pourtant considéré comme infractionnel aux yeux de la loi »146. Mais, ce temps se présente aujourd'hui comme insuffisant et trop court dans la mesure où « l'injustice née de l'impunité d'un [---] malfaiteur serait un mal aussi fort pour la société que le méfait lui-même »147. Les règles régissant la prescription en matière pénale au Togo sont aujourd'hui obsolescentes.

L'obsolescence d'une règle est la péremption de celle-ci. Qu'est ce qui explique l'obsolescence des règles de la prescription en matière pénale en droit pénal togolais ?

En matière pénale, on note une opposition diamétrale des revendications de la doctrine et de l'opinion sur la prescription. En effet, si « dans certains domaines, les uns s'opposent à l'idée même de prescription ou réclament du législateur l'allongement des délais, suscitant d'ailleurs des oppositions notamment parmi les praticiens. En d'autres domaines, certains reprochent aux juges leur hostilité à la prescription, leurs jurisprudences reportant le point de départ du délai de prescription et demandent une intervention législative vigoureuse. Ils ont aussi leurs opposants. Le premier débat, mené autour des infractions contre les personnes, ne rencontre guère le second qui touche aux infractions contre les biens, et plus précisément au droit pénal des affaires »148.

144DANET (J.), « La prescription de l'action publique, un enjeu de politique criminelle », Archives de politique criminelle, 2006/1 (n° 28), p. 73-93. URL: https://www.cairn.info/revue-archives-de-politique-criminelle-2006-1-p.3.

145 RIDE (C.), « La réforme de la prescription pénale, allongement des délais de prescription et traitement particulier des infractions occultes et dissimulées », le Village de la justice, édité par legi team, 22 mars 2017.

146FOURMY (V.), Le désordre de la prescription de l'action Publique, Mémoire pour le Master II Droit Pénal et Sciences Pénales à la Faculté de droit Université Paris II Panthéon-Assas, Année universitaire 2010 - 2011, p.

147 Ibidem, p.16

148DANET (J.), opcit, p.80

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 38

Les deux notions qu'englobe la prescription en matière pénale sont la prescription de l'action publique et la prescription des peines. La prescription des poursuites ou de l'action publique est le délai après lequel le ministère public ou une victime ne peut plus porter plainte ou exercer des poursuites. La prescription des peines est le délai après lequel la justice ne peut plus exécuter une peine. Ces deux prescriptions se présentent comme une problématique complexe et mouvante.

La prescription en matière pénale est obsolescente, en raison de l'insuffisance des règles qui fixent le temps nécessaire à la société pour que celle-ci estime, soit qu'il n'est plus possible d'engager des poursuites (Section I), soit qu'il n'est plus possible d'exécuter une peine (Section II).

Section I : L'insuffisante réglementation de la prescription de l'action publique en droit pénal togolais

L'action publique, est l'action exercée au nom de la société par le ministère public pour faire constater au juge compétent le fait punissable, établir la culpabilité du délinquant et obtenir le prononcé de la sanction pénale établie par la loi149. Le ministère public est donc le dépositaire légal de l'action publique qu'il exerce dans l'intérêt de la société. L'action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le Code de procédure pénale150. Cette action doit être exercée dans un délai légal, mais, lorsque ce n'est pas le cas, elle est prescrite autrement dit éteinte et toute poursuite devient impossible151.

La prescription de l'action publique est consacrée par le droit positif togolais. Cependant, elle reste problématique en raison des insuffisances liés à ses délais (§1) et de ses limites (§2).

§.1-Les insuffisances liées aux délais de la prescription de l'action publique

Le droit de la prescription de l'action publique présente des carences aussi bien dans le Code pénal que dans le Code de procédure pénale. Ces Codes sont inadaptés aux exigences contemporaines de répression des infractions en raison de délais courts de l'action publique et de l'absence d'une prise en compte effective de la gravité de certaines infractions au regard de leur délais de prescription.

Admettre la carence dans la limitation temporelle de la prescription de l'action publique c'est reconnaitre que les délais prévus par le législateur en matière de classification tripartite des

149Article 1er CPPT.

150 Idem

151 PICOTTE (J.), Juridictionnaire Recueil des difficultés et des ressources du français juridique, réalisé pour le compte du Centre de traduction et determinologie juridiques, 8 février 2018, p. 2272 ; GINCHARD (S.) et BUISSON (J.), Procédure pénale, 8e ed, Litec, 2012, n°1122, p ;797.

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infractions sont courts (A), et que ce dernier n'a pas daigné prévoir de délais dérogatoires aux délais de la prescription de l'action publique (B).

A- Le caractère abrégé des délais de la prescription de l'action publique

La prescription de l'action publique est « une cause d'extinction de cette action par l'effet de l'écoulement d'une période de temps depuis le jour de la commission de l'infraction »152. Elle constitue un enjeu majeur de la politique criminelle d'autant plus qu'elle touche la relation entre la justice pénale et l'écoulement du temps153.

Le Code de Procédure Pénale a prévu des durées de prescription de l'action publique. En effet, l'action publique est prescrite si l'infraction n'a pas été déférée à la juridiction de jugement par citation ou ordonnance de renvoi dans un délai partant du jour où elle a été commise.154 Ces délais sont fixés à dix (10) ans pour les crimes, trois (03) ans pour les délits et un (01) an pour les contraventions155. L'écoulement de ces délais entraine l'extinction de l'action publique et rend de ce fait toute poursuite impossible156. Il faut rappeler que ce délai est prorogé d'un (01) an en matière criminelle et six (06) mois en matière correctionnelle si l'instruction ouverte avant son expiration n'est pas achevée157 : il s'agit de la classification tripartite des infractions. Au regard de cette classification, il est à remarquer la variation du délai de la prescription selon la gravité de l'infraction. Par ailleurs, la même observation a été relevée par Maître Valentin GUISLAIN à propos du droit français158.

En droit français, le législateur a opéré des réformes en matière de prescription de l'action publique. Ces réformes ont doublé les délais de la prescription en matière pénale. Ainsi, en matière criminelle, le délai de prescription passe de dix ans (10) à vingt (20) ans159 tandis qu'elle passe de trois ans (03) à six (6) ans160 en matière délictuelle. Le législateur marocain a également aménagé les délais de la prescription en matière pénale. Il dispose à cet effet : « Sauf dérogations résultant des lois spéciales, l'action publique se prescrit : En matière criminelle, par vingt années grégoriennes révolues à compter du jour où le crime a été commis ; En matière délictuelle, par cinq années grégoriennes révolues à compter du jour où le délit a été commis ; En matière de simple police, par deux années grégoriennes révolues à compter du jour où la contravention a été commise »161. Ces réformes des délais de la

152 DESPOTES (S.), LAZERGES-COUSQUER (L), Traité de procédure pénale, Economica, 4e édition, 09-11-2015.

153 DANET (J), la prescription de l'action publique, un enjeu de la politique criminelle, Archives de politique criminelle 2006/1, n°28, p.73.

154 Article 7 CPPT

155 Op cit

156 Op cit

157 Idem

158 GUISLAIN (V.), « Sujet de grand oral : L'imprescriptibilité de l'action publique », 06/12/2014, Léga Vox, p, 2.

159 Article 7 CPPF

160Article 8 CPPF

161 Article 4 du Nouveau Code de Procédure Pénale du Maroc.

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prescription de l'action publique constituent une véritable révolution pour les procédures pénales française et marocaine et rétrograde la procédure pénale togolaise.

En droit pénal togolais, les délais de prescription de l'action publique apparaissent aujourd'hui courts. On peut donc estimer que le législateur national n'évalue pas l'ampleur du trouble causé par l'infraction avant de déterminer le temps qui sera nécessaire à la société pour qu'elle se refuse à poursuivre le comportement infractionnel. En conséquence, la prévision législative ne permet pas une prise en compte effective de la gravité inhérente à chaque type d'infractions162. Les règles régissant la prescription de l'action publique en droit pénal sont véritablement inadaptées aux attentes de la société.

Quoi qu'on dise, la prescription de l'action publique est réelle c'est-à-dire qu'elle concerne de façon générale l'ensemble des infractions qui sont prévus par le Code de procédure pénale. Toutefois, la prescription ne s'applique pas aux crimes les plus graves: le crime de génocide163, les crimes de guerre164 les crimes contre l'humanité165et le crime d'apartheid166. Ces crimes sont rendus imprescriptibles par le législateur167. Il en est de même en droit français en ce qui concerne les crimes contre l'humanité168. Cette consécration du législateur togolais constitue une innovation majeure car l'ancien Code pénal ne contenait aucune disposition en la matière.

Les lacunes du droit pénal togolais en matière de prescription ne se limitent pas uniquement aux délais courts que prévoit le législateur en ce qui concerne la classification tripartite des infractions. Ils s'étendent à l'absence de délais de prescription dérogatoires.

162MIHMAN (A.), op cite 363 Contribution à l'étude du temps dans la procédure pénale :pour une approche unitaire du temps de la réponse pénale, Thèse de doctorat en droit privé et science criminelle à l'Université Paris Sud 11-Faculté Jean Monnet le 02 avril 2007N°3, p.363.

163Article 143 CPT : « Constitue le crime de génocide l'un quelconque des actes ci-après, commis en temps de paix ou en temps de guerre dans l'intention de détruire en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial, politique ou religieux, comme :1) meurtre de membres du groupe ; 2) atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; 3) soumission intentionnelle de membres du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; 4) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; 5) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ».

164Article 145 CPT : « Constitue un crime de guerre, l'une quelconque des infractions graves ci-après, commises en période de conflit armé international, lorsqu'elles visent des personnes ou des biens protégés par les conventions de Genève :1) l'homicide intentionnel... » ; Article 146 CPT : « Constituent également des crimes de guerre, les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir, l'un quelconque des actes suivants : 1) le fait de compromettre par un acte ou une omission injustifiée la vie, la santé et l'intégrité physique et mentale des personnes au pouvoir de la partie adverse ou internées... » et l'Article 147 : « Constituent, en outre, des crimes de guerre les violations graves de l'article 3commun aux conventions de Genève et les autres violations graves aux lois et coutumes applicables aux conflits armés non internationaux, à savoir l'un quelconque des actes suivants :1) les atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, inhumains et dégradants, ainsi que la torture...»

165Article 149 CPT « : Constitue un crime contre l'humanité, en temps de paix ou en temps de guerre, l'un quelconque des actes suivants, commis en connaissance de cause dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile ou une population désarmée en cas de conflit interne : 1) meurtre ; 2) extermination ... »

166Article 152 CPT : « L'apartheid est tout acte commis en vue d'instituer ou d'entretenir la domination d'un groupe racial d'êtres humains sur un autre groupe racial d'êtres humains aux fins de l'opprimer systématiquement » et l'Article 153 CPT : « Constitue un crime d'apartheid, assimilé à un crime contre l'humanité l'un quelconque des actes inhumains suivants :1) ôter la vie à des membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux ... »

167 Article 164 CPT

168 Art. 211-1 à 212-3 CPPF

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 41

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