WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le temps dans la justice pénale au Togo.


par Solim Aimée SONDOU
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2018
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre second : La nécessité de réformer la prescription en matière pénale au Togo.

L'AMENAGEMENT DU TEMPS POUR LE TRAITEMENT DES

AFFAIRES PENALES DANS UN DELAI RAISONNABLE

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 56

CHAPITRE I

Les instruments internationaux, régionaux ou nationaux reconnaissent à toute personne à un procès, des droits qui lui permettent d'être jugé dans un délai raisonnable221. Ces droits relatifs à la célérité du procès pénal sont exigibles à l'Etat togolais, premier garant de leur effectivité. Malheureusement, c'est la lenteur qui accule souvent la justice pénale togolaise. Ce profond ancrage de ce principe conduit certains auteurs à voir dans un dépassement de ce délai un « déni de justice processuel »222. Pour y remédier, il faut dès lors préconiser le juste temps.

L'aménagement consiste en l'ensemble des mesures ou dispositions prises pour améliorer une situation donnée. Dans quelles mesures peut-on aménager le temps pour que le traitement des affaires pénales se déroule effectivement dans un délai raisonnable ?

La lenteur de la justice, ce thème récurrent en droit pénal togolais, est également fort ancien en droit français. En effet, en se référant aux discours de rentrée aux audiences solennelles des cours d'appel en France, il apparaît que les magistrats se sont saisis dès le début du XIXe siècle de cette thématique223, afin d'y remédier. La doctrine n'est pas restée en marge de cette inquiétude d'autant plus que, NANA É. E. affirmait que « Le droit étant une recherche d'équilibre entre des intérêts opposés, la justice ne doit pas être administrée avec des retards propres à en compromettre l'efficacité et la crédibilité »224.

Pour contrer la lenteur qui sévit au sein de la justice pénale togolaise, il serait juste de mettre en place des mécanismes nationaux tendant à prévenir la lenteur et à apporter un redressement approprié en cas de violation des délais impartis. Mais, vu le caractère exponentiel du

221 Voir supra, A, pp. 15&16.

222 SAVADOGO (L.), Déni de justice et responsabilité internationale de l'État pour les actes de ses juridictions, JDI (Clunet), 03/2016, p. 827 s., cité par B. Nicaud, Délai raisonnable et droit européen, AJ pénal 2017. 163

223 FARCY (J.-C.), Magistrats, Les discours de rentrée aux audiences solennelles des cours d'appel XIXe- XXe siècles, CNRS Editions, 1998, p. 798. On peut par conséquent déduire de cette analyse que, dès1811, le Procureur Général ROULHAC (CA Limoges) traitait de la question, dans une intervention intitulée «L'activité et la célérité dans l'expédition des affaires ». Il fut suivi, en 1823, par l'avocat général LEBE (CA Agen), lequel exprimait « La nécessité d'une étude approfondie des lois de la part du magistrat et l'obligation d'impartirune bonne et prompte justice », exigence confirmée, l'année suivante, par le procureur général Blanquart DEBAILLEUL (CA Douai), dans son discours consacré aux « Devoirs des magistrats dans l'instruction criminelle : sagacité et célérité ». En revanche, en 1828, l'avocat général SAVEROT (CA Dijon), mettait en garde contre « Les dangers que représente l'amour de la célérité chez les magistrats ». Seule note discordante, semble-t-il, puisque le procureur général THOUREL (CA Nimes) reprenait, en 1855, le thème sous un titre plus neutre « De la célérité dans la distribution de la justice civile », la même sobriété revenant, en 1862, dans le discours de l'avocat général GAUTIER (CA Grenoble) « La célérité dans la justice ». Etrangement, peut-être, il a fallu plus d'un siècle pour que la question soit, de nouveau, placée au premier plan des préoccupations des chefs de cour, le conseiller Le Foyer DE COSTIL (CA Paris) centrant son propos, en 1986, sur « La justice et le temps ».

224NANA (É. E.), Droits de l'homme et justice : le délai de procédure pénale au Cameroun, L'Harmattan, 2010, p. 19.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 57

phénomène, une réaction vigoureuse du personnel judicaire ainsi qu'une implication active des parties au procès pénal s'imposent. Le respect du délai raisonnable devant la justice pénale togolaise implique de revoir les moyens humains au premier rang desquels figurent les magistrats chargés de rendre la justice, tout en améliorant l'organisation de l'institution judiciaire et des textes de nature à favoriser l'accélération des procédures pénales.

La justice pénale togolaise doit nécessairement se dérouler dans un délai raisonnable. Pour y arriver, il faut dès lors consacrer des exigences légales (Section I), tout en impliquant les acteurs de ladite justice pour que ceux-ci les mettent en application (Section II).

Section I : Les exigences légales de la tenue du procès pénal dans un délai raisonnable La tenue du procès pénal dans un délai raisonnable pose le problème des garanties d'un tel procès. Il s'agit des exigences légales pour atteindre cet objectif afin que le justiciable qu'il soit victime ou accusé en matière pénale, puisse avoir la possibilité de faire valoir ses droits sans retard excessif225.

Le délai raisonnable étant une condition sine qua non pour réaliser un procès pénal dans le temps (§.1), il faut revitaliser la procédure pénale togolaise (§.2).

§.1- Le délai raisonnable, condition sine qua non pour un procès pénal dans le temps Le délai raisonnable est absent du droit pénal togolais. Pour le consacrer, le législateur national doit nécessairement le référencer, le clarifier (A) et instituer des sanctions rigoureuses afin de dissuader d'éventuels contrevenants (B).

A- Le référencement et la clarification législative de la notion de délai raisonnable

Le procès pénal doit être rendu dans un délai raisonnable. Pour se faire, le législateur national doit faire mention de cette notion dans le droit pénal et la clarifier.

Le référencement de la notion du délai raisonnable, devient aujourd'hui une nécessité d'autant plus qu'on ne saurait évoquer le droit au délai raisonnable sans en faire référence, soit au Code pénal, soit à au Code de procédure pénal. Le législateur a donc l'obligation de référencer le droit au délai raisonnable dans les textes juridiques pénaux. Cela permettra et constituera un repère incontournable aussi bien pour le personnel judiciaire que pour les justiciables.

La clarification de la notion du droit au délai raisonnable, doit également faire partie intégrante des Codes pénal et de procédure pénale.

225 ALLIX (D.), « le droit au procès pénal équitable », justice n° 10, 1998, p.19.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 58

Qu'est-ce que le droit au délai raisonnable ? « La notion de délai raisonnable est une notion floue qui est difficile à définir. Le terme délai qui se rapporte à la durée peut s'entendre comme le temps accordé pour faire une chose. L'ambiguïté et la difficulté proviennent de l'adjectif raisonnable qui est accolé au "délai". Qu'est ce qui est raisonnable et qu'est ce qui ne l'est pas? De prime abord, nous pouvons dire qu'est raisonnable ce qui est conforme à la raison, au bon sens. Il s'agit d'une notion qui fait appel à des appréciations du milieu social. C'est ce qui est admissible dans une communauté à un moment donné. Le raisonnable varie alors avec le temps et l'espace comme l'ordre public »226.

Le droit au délai raisonnable sous-entend donc que la justice soit rendue avec célérité. Ce délai doit être en adéquation avec la situation à laquelle il s'applique. En d'autres termes, il doit être acceptable au regard des faits de la cause. En principe, le délai raisonnable se décline en trois délais. En effet, selon la Convention Européenne des Droits de l'Homme, l'aspect raisonnable s'attachant aux délais doit être apprécié in concerto pour chaque phase de la procédure. Ainsi, distingue t'elle d'abord, le délai raisonnable de la détention provisoire227 ; ensuite, le bref délai pour statuer en matière de détention228et enfin le délai raisonnable de la procédure229.

Traditionnellement, le caractère raisonnable de la durée d'un procès pénal s'apprécie au cas par cas et au regard de trois critères à savoir, la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et la manière dont les autorités judiciaires ont traité l'affaire230. Le premier critère est « la complexité de l'affaire ». Il inclut toutes les données de fait et de droit. A titre indicatif, il y a la complexité de l'administration de la preuve qui résulte du nombre de prévenus, du volume et de la difficulté de l'affaire ; de même que l'incertitude de la règle de droit qui est très souvent un élément important expliquant certaines lenteurs procédurales231.Le deuxième critère est relatif au « comportement du requérant ». Il est reconnu que la personne inculpée ne dispose pas de moyens efficaces pour ralentir le cours de la justice pénale en raison de son droit de garder le silence que lui impose la loi pénale232.

226NATY (S.), le délai raisonnable dans le procès pénal, mémoire de maitrise en science juridique à l'Université Gaston eryersaint-Loui 2007, p.7.

227 Art5.3 CEDH : « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c) du présent article, doit aussitôt être traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou liberty pendant la procédure... ».

228 Art5.4 CEDH « Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si sa détention est illégale. »

229 Art6 .1CEDH « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable,... ».

230 Posé dans un arrêt KöNIG vs RFA du 28 Juin 1988 : « le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie eu égard notamment de la Co complexité de l'affaire, du comportement du requérant, du comportement des autorités compétentes et de l'enjeu du litige » ; Observation no. 32 du Comité des Droits de l'Homme relative à l'article 14 du PIDCP ; CEDH 6 mai 1981, n° 7759/77, Buchholz c/ Allemagne;.25 mars 1999, n° 25444/94, Pélissier et Sassi c/ France, D. 2000. 357, note D. Roets ; 15 juill. 1982, n° 8130/78,Eckle c/ Allemagne, § 73

231 Arrêt Preto et autres contre Italie, 8 decembre1983, série A n° 7.

232 Article 14.3, g, du pacte international du 19 décembre 1966, relatifs aux droits civils et politiques.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 59

Cependant, il faut noter que certains requérants font souvent recours à des manoeuvres dilatoires telles le refus volontaire de communiquer à la justice les pièces qu'elle lui réclame, le changement incessant ou tardif d'avocats, l'abus de l'exercice des voies de recours, l'absence à l'audience, ou encore un requérant qui adopte une stratégie pour retarder le procès233.Le troisième critère qui est « le comportement des autorités compétentes » doit être entendu largement : les juges et l'Etat. Les juges doivent fournir des diligences durant la durée consacrée à la réflexion d'une analyse juridique. L'Etat ne doit pas compromettre la gestion de la justice pénale. Il s'agit de l'obligation de résultat qui lui incombe car il est le premier comptable en matière de respect du droit au délai raisonnable. L'intérêt de ces critères réside dans le fait qu'ils sont permanents et assurent la prévisibilité et la sécurité juridique propres à toute interprétation d'une règle de droit234.

Outre ces trois critères précités, un nouveau critère dit « l'enjeu du litige » est utilisé par la Commission Européenne des Droits de l'Homme, afin de garantir et de préserver la dignité du requérant235. Dans ce contexte, l'appréciation de la durée du procès pénal est plus stricte lorsqu'il est question d'un conflit de travail qui met en jeux les conditions de travails et de vie du requérant.

Le calcul de la durée du délai raisonnable n'est pas chose aisée. Il a tout de même pour point de départ le moment où la personne fait l'objet d'une accusation en matière pénale. Cette notification doit avoir « des répercussions importantes sur la situation du suspect »236 Ainsi, il peut s'agir de l'arrestation, de l'inculpation, ou de l'ouverture de l'enquête préliminaire237. Elle se termine avec la décision définitive. En France par contre, ce point d'arrivée est fixé soit à la date de l'arrêt de la cour de cassation ou du conseil d'Etat soit au délai de deux mois après l'arrêt d'appel.

Le législateur national doit référencer le droit au délai raisonnable afin que sa violation soit sanctionnée.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire