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Le temps dans la justice pénale au Togo.


par Solim Aimée SONDOU
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2018
  

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Section II : Les obstacles de fait à un jugement pénal dans un délai raisonnable

En consacrant le droit au délai raisonnable à l'article 19 alinéa 1er de la constitution togolaise, il va s'en dire que le Togo dispose d'un environnement adéquat à l'épanouissement des droits de l'homme et confère par voie de conséquence la garantie à chaque citoyen, la faculté de saisir un tribunal et de faire trancher son litige dans un délai raisonnable. Malheureusement, la justice pénale a véritablement du mal à s'exécuter dans le délai raisonnable en raison des obstacles de fait qui lui sont aussi bien internes (§.1) qu'externes (§.2).

§.1- Les obstacles internes à l'effectivité de la justice pénale togolaise

La justice pénale, en l'occurrence le juge pénal a la haute mission de trancher les conflits en protégeant les intérêts en jeu contre leurs violations et contre tout arbitraire de la part des pouvoirs publics. Cette justice est cependant accusée de tous les maux mais aussi soupçonnée de partialité, de laxisme, de corruption, de négligence et même très souvent d'incompétence. Cette situation se justifie aussi bien par le manque de personnel judiciaire au pénal et par la mauvaise organisation de la justice pénale (A), que par le disfonctionnement lié aux personnels judiciaires et à leurs conditions de travail (B).

A- La carence en personnel judiciaire au pénal et la mauvaise organisation de la justice pénale

Au Togo, le secteur de la justice en général et du pénal en particulier souffre d'un manque chronique de ressources humaines, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Ce manque favorise la lenteur excessive de la justice pénale.

90Article 515 CPT : « Constituent une entrave au bon fonctionnement de la justice : 1) le bris de scellés ; 2) la destruction, la dégradation, la soustraction de registres, d'éléments de preuve, d'actes ou autres documents publics ; 3) le refus de témoigner ; 4) le faux témoignage ; 5) le faux serment ; 6) la subornation de témoin ; 7) l'altération volontaire par un interprète de déclarations faites en justice ; 8) l'altération volontaire par un expert de résultats ou d'observations apportés en justice.

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Le personnel judicaire au pénal est composé essentiellement de magistrats, de greffiers et de secrétaires des greffes et parquets. Au Togo, la formation des magistrats, des greffiers et des secrétaires de parquet est dévolue au Centre de Formation des Professions de Justice (CFPJ)91, créé par la loi 2009 - 024 du 30 Octobre 2009. Ils doivent être en nombre suffisant afin de pouvoir accomplir leur mission avec efficacité. Mais, il est à noter une absence considérable du personnel judicaire au pénal. En effet, le système judiciaire togolais est, surchargé et en sous-effectif92. En effet, le Togo ne compte au total que deux cent quarante-huit (248) magistrats dont trente (30) femmes93 en fonction. S'agissant des magistrats il faut distinguer : les magistrats du siège, les magistrats du parquet, les juges d'instruction, juges des libertés et de la détention et des juges de l'application des peines.

La lenteur de la justice pénale togolaise se justifie en partie par l'insuffisance de ces magistrats aux différentes étapes du procès pénal. D'abord, le magistrat du siège chargé de dire le droit en rendant des décisions de justice dont le juge d'instruction94, est un magistrat du siège du tribunal de grande instance. Il intervient avant l'éventuel procès pénal en vue de réunir tous les éléments permettant de déterminer si les charges à l'encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour que celles-ci soient jugées. Il instruit donc à charge et à décharge. Ce qui justifie son rôle crucial dans le procès pénal. Mais un regard porté sur le nombre des magistrats au Togo révèle son étroite insuffisance.

Ensuite, le ministère public représenté par le Procureur de la République en personne ou par ses substituts près le Tribunal de première instance95, par le Procureur General en personne ou par ses substituts près la Cour d'Appel et auprès de la Cour d'Assises96 et par un juge chargé du Ministère public auprès d'un Tribunal de première instance exerce à effectif restreint97 l'action publique et requiert l'application de la loi98. Les juges doivent être en nombre suffisant vu leur importance dans le procès pénal. Malheureusement c'est à effectif réduit qu'ils travaillent.

Enfin, le juge de l'application des peines reste absent dans l'organisation judiciaire. Il s'agit d'un vide juridique qui a des conséquences sur la situation des détenus puisque, cela limite l'individualisation des peines et à terme, contribue à la surpopulation carcérale99. La mise en oeuvre des peines probatoires en milieu ouvert reste aussi paralysée. Il en est de même de

91 Il est érigé en service à compétence nationale dans le cadre du Programme National de Modernisation de la Justice. Il

relève du Président de la République avec délégation de tutelle administrative et technique au Ministère chargé de la Justice.

92Rapport 2016 sur les droits de l'Homme-Togo, opcit, p.6.

93 www.justice.tg, consulté le 04 avril 2019.

94Art. 39 CPPT

95Art. 31 CPPT

96Art. 26 CPPT

97Art. 35 CPPT

98Art. 22 CPPT

99 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Togo, Op cit, p.34.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 25

l'aménagement des peines d'emprisonnement de courte et de moyenne durée telles que le port de bracelet électronique, le chantier extérieur, la semi-liberté et la libération conditionnelle.

Le manque de magistrats dans le procès pénal a pour conséquence immédiate la surcharge administrative. En effet, si dans le Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé et dans quelques rares juridictions de l'intérieur du pays, la formation est collégiale d'au moins trois magistrats, la plupart des juridictions de l'intérieure du Togo fonctionne à juge unique. Le juge unique cumule à lui seul les fonctions d'Officier de Police Judiciaire, de juge d'instruction, de juge du siège et parfois même de juge chargé du Ministère Public100, ceci en violation de la règle de la séparation du Parquet et du Siège. Cette confusion de rôle menace sérieusement l'indépendance de la justice pénale togolaise. Il est évident que cet état de chose est préjudiciable au bon fonctionnement de la justice pénale togolaise. Ceci dans la mesure où la tenue des audiences en la matière sont très rares et l'instruction des affaires pénales reste problématique.

Face à la permanente pénurie de magistrats et de greffiers due à d'importants départs la retraite, à des décès, à des désertions et des affectations des juridictions inférieures aux juridictions supérieures, on a du mal à expliquer le mutisme du gouvernement. Nul concours n'est organisé en vue de recruter et de former de nouveaux magistrats, greffiers et secrétaires de parquet pour combler un tant soit peu le grand vide judiciaire qui existe actuellement. D'ailleurs le dernier concours de la magistrature lancé depuis septembre 2014 qui devrait se tenir le 03 décembre 2014 n'a été relancé que le 15 février 2019 que pour vingt (20) postes pour la magistrature et trente et cinq (35) pour greffiers et secrétaire de parquet. On a l'impression que l'Etat est complice de la situation retardant l'organisation du concours. L'une des inquiétudes au sujet du concours de la magistrature au Togo est l'absence de garantie de sa totale transparence. Puisque, chaque recrutement des magistrats fait régulièrement resurgir des soupçons sur certains candidats qui auraient été admis en raison de leur appartenance ethnique ou au parti au pouvoir en place. Cette question soulève bien évidement le problème de la compétence effective desdits magistrats.

Quant aux greffiers, ce sont des fonctionnaires et des auxiliaires de justice. La justice pénale togolaise fait face à leur carence101 au regard du volume de travail à accomplir par ceux-ci. Le greffier en chef est la « mémoire » de la juridiction puisque, outre les fonctions d`administration, d'encadrement, de gestion et d'assistance au Président dans les actes de sa

100 Dans l'interview accordé par le Président du Tribunal de Troisième Classe de Tchamba dans le Reflets du Palais, N°50 du mois de février 2018 à la page 4, il relevait à juste titre par rapport à l'organisation et au fonctionnement de leur juridiction que « Nous somme le Président du Tribunal, nous exerçons à ce titre les attributions liées à cette charge, nous exerçons les fonctions du juges du siège (juger et instruire), le décret nous nommant dit que nous somme chargé des fonctions de juge des enfants et chargé du Ministère Public ».

101 www.justice.tg, consulté le 04 avril 2019 : Le Togo ne compte qu'environ 202 greffiers.

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juridiction, il veille à la bonne gestion du matériel, des locaux et des équipements dont il a la charge. Les greffiers sont sous l'autorité du Greffier en chef et ont la vocation d'assister les magistrats dans l'exécution de leurs missions. A titre indicatif, ils dressent et authentifient les actes de la procédure tout au long du déroulement du procès pénal, délivrent les casiers judiciaires. Souvent, un greffier peut assister deux voire trois magistrats. Avec le nombre important de dossier que doivent gérer les greffiers, on comprend dès lors le rôle qu'ils jouent dans la lenteur de la justice pénale.

L'absence du personnel judiciaire aux différents stades du procès pénal est une cause de la lenteur de la justice pénale. Ce qui fait que la quasi-totalité des juridictions et de Cours d'appel travaillent à effectif réduit. Dans ces conditions, comment peut-on trouver un « homme neuf » (expression du professeur Jean Carbonnier), afin qu'il assure l'impartialité, l'indépendance judiciaire et dans le même temps, tenir le procès pénal dans un délai raisonnable ?

Auxiliaires de justice, les avocats fournissent de nombreux services à la population. L'absence de Barreau auprès de la Cour d'Appel de Kara, handicape sérieusement l'accès à un avocat à l'intérieur du pays. Ce qui justifie d'ailleurs la concentration des cabinets uniquement à Lomé. Il se pose dès lors la question de l'effectivité de la décentralisation de la profession d'avocat à l'intérieur du Togo.

La mauvaise organisation de la justice pénale contribue à ralentir son efficacité. En effet, cela a une double justification. D'une part, l'absence de décentralisation de la justice pénale est l'une des causes de sa lenteur. Il existe que deux Cours d'Appel : celle de Lomé et celle de Kara. La première desserve les juridictions au Sud et la seconde les juridictions au Nord. Il est donc évident qu'il s'agit de la concentration judiciaire qui constitue un inconvénient majeur entraînant quasiment des lenteurs excessives constatées dans la justice pénale togolaise. Contrairement au Togo, l'état français à une Cour d'Appel par ville et souvent, la mention du nom de la ville induit la Cour d'Appel de ladite ville.

D'autre part, en prenant en compte les facteurs de croissance démographique, de développement économique du Togo, il faut relever que la carte judiciaire de la République togolaise est complètement dépassée. En principe, à chaque préfecture sa juridiction. Mais c'est avec consternation qu'on constate que des préfectures comme Kougnowou, Agoè sont sans juridiction. Ce qui fait que les détenus de ces préfectures sont convoyés dans d'autre prison civile. La lenteur de la justice pénale est également inhérente aux personnels judiciaires et à leurs conditions de travail.

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