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Le temps dans la justice pénale au Togo.


par Solim Aimée SONDOU
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2018
  

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§.2- Les obstacles externes à une bonne justice pénale togolaise

Une analyse approfondie de la pratique judiciaire togolaise permet de constater que le comportement des parties au procès pénal (A), ainsi que la complexité et/ou la nature de l'affaire et l'augmentation constante des affaires pénales (B) peuvent expliquer la lenteur de la justice pénale.

A- L'emprise des parties sur le temps

L'emprise des parties sur le temps pénal implique que les parties aient une maitrise sur la gestion du procès pénal. Cette emprise des parties sur le temps est une cause de la lenteur de

116 La loi organique n°2013-007 du 25 février 2013 est venue modifiée la loi organique n°96-11 fixant le statut des magistrats. Cette loi organique et son décret d'application n°2013-047/PR ont permis une révision des éléments de rémunération des magistrats.

117Rapport 2016 sur les droits de l'Homme-Togo, United States Department of State
· ibidem.

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 31

la justice pénale. Elle est relevée à plusieurs niveaux.

D'abord, dans un procès pénal, l'emprise des parties sur le temps est souvent relevée lorsque l'une des parties ou son avocat mettent en oeuvre tous les artifices de procédure possibles afin que l'issue du procès soit retardée118. Pour se faire, les parties font recours à des manoeuvres dilatoires dans le but de ralentir la décision du juge afin de nuire à l'autre partie. Le temps contentieux est donc instrumentalisé119 à dessein personnel. Ainsi, les recours et les procédures devant les tribunaux motivés par la mauvaise foi, constituent des abus de droit120.

Tout citoyen a le droit fondamental de saisir la justice pour préserver ses droits et obtenir réparation lorsque ceux-ci ont été lésés121mais, il ne doit pas en abuser. Souvent, certains citoyens exercent des actions en justice, dépourvues de tout fondement. Ces actions sont en réalité vouées à des fins dilatoires, soit en différant, en retardant, ou en suspendant l'issue du procès. Il est donc évident que le procédé dilatoire est la plupart du temps usité dans le seul but de ralentir la justice.

En outre, La prorogation de l'instance pénale ou son renouvellement à la suite de l'exercice d'un appel ou d'un pourvoi en cassation par l'une des parties au procès pénal peut être perçu par l'autre partie comme trop longue. En effet, certaines parties conscientes du caractère infondé de leur recours, l'initient quand même dans le seul but d'avoir à exécuter le jugement rendu en première ou deuxième instance. L'emprise d'une des parties sur le procès pénal fait grandir le sentiment d'injustice à l'égard de l'autre partie qui reprocherait au juge la tardiveté de la sanction pénale122. Dans ces conditions, il est évident que la lenteur est vécue comme une attente interminable sur le sort de la victime de l'emprise.

Ensuite, l'emprise des parties sur le temps du procès est due à l'interférence de certaines personnes dans l'exercice de la fonction du juge. En effet, les magistrats rencontrent des difficultés et obstructions à la procédure. C'est le cas lorsque certains éléments des Forces Armées Togolaises (FAT) sont impliqués dans la commission d'une infraction puisque « la hiérarchie militaire retient l'intéressé pour des sanctions disciplinaires avant de le mettre à la disposition de la justice »123. A titre indicatif, « en 2009, les juridictions de Kévé et de Dapaong ont eu de nombreuses difficultés pour faire comparaître et interroger des militaires,

118 ODENT (B.), « L'avocat, le juge et les délais », Mélanges René Chapus, Paris, Montchrestien, 1992, p. 483.

119 DE BECHILLON (D.), « Deux caractères du temps contentieux », Justice & Cassation 2007, p. 134.

120 BAUDOUIN (J.L.) et DESLAURIERS (P), La responsabilité civile, 5e éd., Cowansville (Qc), Les éditions Yvon Blais, 1998 à la p. 137 ; LAROUCHE (P.), « La procédure abusive » (1991) 70 R. du B. can. 650 à la p. 665.

121; BAUDOUIN (J-L) et DESLAURIERS (P.), ibidem.

122 DANET (J.), « Le temps des parties. Temps du litige ou du conflit et temps de la procédure », in S. GABORIAU et H. PAULIAT (dir.), Le temps, la justice et le Droit, op. cit., p. 128.

123 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Togo, Opcit p. 33

SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page 32

présumés auteurs, respectivement dans une bavure militaire ayant entraînée mort d'homme et dans un homicide »124.

Enfin, il faut relever l'immixtion du pouvoir exécutif dans l'exercice de la justice pénale togolaise125. En effet, il est constant que le pouvoir politique togolais cherche à s'attirer les grâces de sa justice pénale tout en la contrôlant. Face à l'insuffisance de la démocratisation du pouvoir judicaire togolaise, certains magistrats marquent leur reconnaissance à l'égard du pouvoir exécutif dans la prise des décisions. Ceux-ci, en agissant de la sorte ont le regard tourné vers leur fauteuil puisque, la promotion des magistrats passe par le politique, la fidélité à l'exécutif en place. En définitive, l'intrusion de l'Etat dans la justice pénale constitue une entorse à l'accélération du procès pénal. Les décisions rendues, sont dépourvues de crédibilité et remettent en cause l'indépendance effective du pouvoir judicaire. Il se pose dès lors la question de la subordination de la justice pénale à l'Etat, ce qui entrave l'exercice de ce droit126. Au passé, certains « [---] Ministres de la Justice togolaise ont imposé leur point de vue aux juges sous la menace d'affectation ou de sanction. Ce sont des situations qui sont observées et vécues par des magistrats ; elles ne s'expriment pas ouvertement mais plutôt dans la discrétion et les magistrats s'en plaignent »127.

A l'instar du Togo, l'immixtion de l'Etat dans la justice en faisant complètement fi des principes constitutionnels d'indépendance et d'impartialité des juges, est monnaie courante en Afrique128 comme en témoignent ces quelques illustrations.

Premièrement, en République Démocratique du Congo (RDC), Madame Ramazani Wazuri Chantal, Juge Présidente du Tribunal de Paix Lubumbashi/Kamalondo a multiplié des déclarations selon lesquelles « messieurs l'Administrateur Général de l'Agence Nationale des Renseignements (ANR), le Premier Président de la Cour d'Appel de Lubumbashi et le Procureur Général près cette Cour, l'avaient obligé de condamner M. Katumbi Chapwe Moïse, dans l'affaire sous RP 7652 qui oppose ce dernier à M. Emmanouil Alexandros Stoupis, à trois ans de prison, avec arrestation immédiate et aux dommages et intérêts d'un million de dollars américains, afin d'obtenir son inéligibilité à la présidence de la République »129. Il découle des déclarations de madame la juge Ramazani Wazuri Chantal, l'immixtion flagrante du Gouvernement de la RDC dans les affaires judiciaires130.

124 Idem

125Rapport 2016 sur les droits de l'Homme-Togo, Op cit, p.6.

126Ibidem

127 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Togo, Op cit, p. 17

128FALL (A.- B.), Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les

systèmes politiques en Afrique, Edition Bruxelles Bruyant 2000, p. 310.

129 Publié le 27 janvier 2017 par la Cité Africaine, Maître Tshiswaka Masoka Hubert, Avocat au Bareau de Lubumbashi/Directeur Général de l'Institut de Recherche en Droit Humains (IRDH))

130 Idem

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Deuxièmement, au Sénégal, le 27 février 2016 dans une déclaration faite en marge de l'installation du Comité de ressort de Dakar, l'Union des Magistrats du Sénégal (UMS) a dénoncé l'immixtion du pouvoir Exécutif sur les décisions de justice. L'UMS déplore en outre «la non -application des décisions rendues par les cours et tribunaux ».

Troisièmement, au Niger, le 29 novembre 2015, les magistrats Nigériens ont dénoncé les "immixtions" de plusieurs membres influents du régime dans "le traitement de dossiers judiciaires", dont la très sensible affaire de trafic de bébés impliquant l'opposant Hama Amadou, incarcéré.

Quatrièmement, au Bénin, l'Union Nationale des Magistrats du Bénin (UNAMAB) réunie en Assemblée Générale Extraordinaire le vendredi 04 mai 2018, constate que les déclarations du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et de la Législation, tenues sur Frissons Radio en marge de la présentation du compte rendu du Conseil des Ministres du mercredi 02 mai 2018, mettent en cause les attitudes du Juge d'Instruction et du Juge des Libertés et de la Détention relativement à l'exécution de mandat d'arrêt décerné contre l'honorable Atao Mouhamed. Il s'agit d'une interprétation inexacte des dispositions du Code de procédure pénale mais aussi d'une atteinte grave à l'office du juge et à l'indépendance de la Justice131. Par ailleurs, l'UNAMAB fustige avec gravité cette immixtion flagrante de l'exécutif dans la conduite de certaines affaires. Cette attitude du Garde des Sceaux, dont le chef est le Président de la République, garant de l'indépendance de la Justice et Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, vise à intimider, voire terroriser les magistrats et caporaliser le pouvoir judiciaire132.

Au demeurant, le rapport de l'Organisation Internationale de la Francophonie de juillet 2015 évoque des difficultés qui concernent les systèmes de justice de plusieurs États membres de la Francophonie. Ainsi, les difficultés d'exécution des décisions de justice sont parfois causées par l'obstruction de l'Administration et de ses agents133. La justice, élément constitutif de tout Etat de droit, ne semble donc pas bénéficier en Afrique en général et au Togo en particulier d'une grande confiance de la part de la population puisque l'indépendance du juge vis-à-vis des autres pouvoirs est loin d'être conquise.

Outre ce qui précède, la lenteur avec laquelle les décisions de justice sont rendues est due également à la complexité et/ou la nature de l'affaire ainsi qu'à la constante augmentation des affaires pénales.

131 DADAGLO (M. R.), Président du BE/UNAMAB, Cotonou expresse.

132 DADAGLO (M. R.), Président du BE/UNAMAB

133Projet de rapport de l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie « L'accès à la justice dans l'espace francophone : le rôle des parlements » présenté par M. André DROLET, Député (Québec), Rapporteur, Berne (Suisse) | 7-10 juillet 2015, p.3

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry