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Economie experimentale et théorie des jeux.


par Adil FERTAH
Université Cadi Ayad - Diplôme des études supérieures approfondies en sciences économiques 2003
  

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Chapitre III : La théorie des jeux en

laboratoire

« the construction of a theory to deal with an unlimited or very large number of negotiation possibilities is as yet so difficult that it seems desirable to restrict and severely formalise the negotiation procedure to that point where a meaningful theory can be constructed (...) because of the relatively undeveloped status of the theory. The authors feel that the use of an experimental approach is strongly indicated »*(*)

Dans les deux chapitres précédents nous étions amenés à présenter l'intérêt scientifique de la méthode expérimentale, en montrant qu'il s'agit bien d'un outil d'investigation différent des autres techniques traditionnelles ( une différence que les expérimentateurs la voie tantôt, comme supériorité, tantôt comme complémentarité). En outre, nous avions pu découvrir que, au moins pour l'économie, la méthode expérimentale ne cesse pas de se développer, ceci se justifie par sa couverture de plusieurs domaines d'investigation parmi lesquels nous avons cité la théorie des jeux au quelle nous avons donné plus d'importance. Notre choix s'explique par le fait que cette théorie a le privilège d'être (pour l'expérimentateur) à la fois, un champ d'application et l'outil le plus adéquat pour la conception des jeux expérimentaux. Pour cela nous examinerons, dans ce troisième chapitre, de façon un peu plus claire le rapprochement entre l'économie expérimentale et la théorie des jeux (section I). Dans un deuxième point (section II) et toujours dans le même but de mettre en lumière ce rapprochement fructueux entre ces deux disciplines, nous présenterons l'exemple de deux expériences expérimentales (ou plutôt deux jeux expérimentaux).

Section I : Rapprochement entre la

théorie des jeux et

l'économie expérimentale

« ... I am cautiously optimistic that, a hundred years from now, game theory will have become the backbone of a kind of micro-economic engineering that will have roughly the relation to the economic theory and laboratory experimentation of the time that chemical engineering has to chemical theory and bench chemistry »1(*)

1-1- De la théorie des jeux à l'expérimentation :

aperçus historiques et méthodologiques

Le développement de la théorie des jeux et le recours croissant à l'expérimentation en laboratoire ont constitué deux des principales innovations des soixante dernières années en science économique. Ainsi la théorie des jeux s'est présentée comme un outil fournissant un éclairage différent sur les problèmes posés par la microéconomie traditionnelle, elle a surtout fait apparaître de nouveaux problèmes. Elle est considérée par ses défenseurs comme un intéressant outil de réflexion.

Quant à la pratique de l'expérimentation en laboratoire elle est légèrement moins familière aux économistes. Elle consiste en une observation du comportement d'individus dont on tente de contrôler les dotations en biens, les préférences et les coûts, dans une situation caractérisée par un certain nombre de modes d'échange de l'information et de conclusion des contrats dont on essaie également de contrôler la nature. Elle se déroule souvent dans un lieu clos et utilise un matériel parfois sophistiqué (ordinateurs ou autres dispositifs de communication entre les joueurs et d'enregistrement des conduites)- d'où l'utilisation de l'expression « en laboratoire ». Elle a pour buts principaux de tester des théories, d'étudier les raisons des échecs de ces dernières à expliquer les comportements des individus, ou de découvrir des régularités empiriques susceptibles de constituer le socle de nouvelles théories2(*). C'est à la fin des années 40 qu'on peut situer la naissance de l'économie expérimentale, avec les « expériences de marché » d' E. H. CHAMBERLIN3(*) (en 1948). Tout comme la théorie des jeux, l'économie expérimentale a éprouvé quelques difficultés à s'imposer dans le champ de la pratique des économistes, mais on peut affirmer sans hésitation que sa position, sans toutefois l'emporter sur celle des travaux statistiques et économétriques, est à présent assez solidement établie. De nombreux économistes cherchent aujourd'hui à formuler des théories nouvelles ou à reformuler d'anciennes théories de manière notamment à ce que puisse être testée dans des conditions contrôlées telle ou telle proposition de la théorie4(*).

L'étendue et la portée de cette union - forcée par à la fois le développement et l'utilisation de la théorie des jeux et par le recours croissant à l'expérimentation en laboratoire- sont attestées par le nombre des publications, la variété des applications théoriques, l'apparition d'enseignements spécifiques et la multiplication des manuels.

Dès le début, ou presque, du développement parallèle de ces deux approches ( théories des jeux d'un côté, expérimentation de l'autre), des chercheurs ont été amenés à les utiliser conjointement. En effet, à la fin des années 1950, soit peu de temps après la publication de Theory of Games and Economic Behavior et de l'expérience de marché de CHAMBERLIN, M FLOOD (1958)5(*) et H RAIFFA (1962) mettent en oeuvre ce que nous appellerons, dans la suite, « des jeux expérimentaux »6(*). Il s'agit d'expérimentations en laboratoire dans lesquelles on observe le comportement d'individus participant à des jeux- dans le sens que les théoriciens des jeux donnent à ce terme. L'expérimentation la plus connue de FLOOD consiste ainsi à faire jouer à deux individus le jeu matriciel décrit par le tableau suivant :

Joueur 1

1 2

1

joueur 2

2

-1 ; 2

0,5 ; 1

0 ; 0,5

1 ; -1

Qui est un jeu à « somme non nulle », puis à comparer le comportement observé des individus qui le jouent avec des « prédictions » s'inspirant des résultats de la théorie des jeux. Ces prédictions reposent sur l'idée que si les agents se comportent « rationnellement », alors il est possible qu'ils se conforment aux choix stratégiques mis en avant par la théorie des jeux. Dans son compte rendu expérimental, FLOOD se demande ainsi si les joueurs jouent ou non une « stratégie d'équilibre » compte tenu de la stratégie choisie par son adversaire. Dans son jeu7(*), FLOOD se demande ainsi si l'équilibre de NASH correspondant au choix de la stratégie 2 pour le joueur 1 et de la stratégie 1 pour le joueur 2, soit l'issue dont le vecteur de gain est ( 0 ; 0,5), est un bon « prédicteur » du comportement des joueurs, ce qui serait le cas si chacun d'entre eux décidait de jouer une stratégie d'équilibre.

Autour des interrogations de ce type, la théorie des jeux et la recherche expérimentale ont ainsi commencé à entretenir des relations qui se sont, avec les années, progressivement intensifiées. En plus des premiers jeux expérimentaux recensés conçus par FLOOD et RAIFFA, on compte également dans la période pionnière une expérience réalisée en 1952 et cosignée par NASH lui-même (KALISCH, MILNOR, NASH et NEERING, 1954). A ce volet-ci, mariant la théorie des jeux et l'expérimentation, on doit, en premier lieu, faire correspondre les travaux fondateurs de RAPOPORT et CHAMMAH8(*) (en 1965) concernant le dilemme du prisonnier. Puis, après quelques années d'hésitation, les chercheurs en sciences sociales commencent peu à peu à mettre régulièrement en oeuvre des jeux expérimentaux (plus souvent d'ailleurs en psychologie sociale, sociologie ou théorie du comportement qu'en économie). En 1962, RAPOPORT et ORWANT répertorient plus de vingt articles dont l'objet est un compte rendu expérimental, des articles où sont décrites en tout une trentaine de jeux expérimentaux différents.

Dans le champ de la psychologie sociale ou de la théorie du comportement, le succès est fulgurant à partir des années 1960, comme le décrit A COLMAN9(*) :

« Vers 1965, les jeux expérimentaux étaient devenus si populaires que le Journal of Conflict Resolution commença à leur consacrer une section distincte dans chacun de ses numéros, et, en 1972, plus de 1000 études empiriques avaient été publiées dans cette revue ou ailleurs1(*)0 (...). Depuis les premiers travaux expérimentaux jusqu'au milieu des années 1990, ce sont quelques 2000 jeux expérimentaux [experimental gaming] qui ont été publiés. » p. 13.

Dans le champ de l'économie, les travaux expérimentaux se développent initialement autour des thèmes liés à la théorie du duopole et d'oligopole, et à la théorie du marchandage1(*)1. Puis, dans les années 1980, le nombre de jeux expérimentaux étudiés augmente régulièrement. Les jeux en question sont issus de toutes les parties de la théorie des jeux depuis la théorie des jeux non-coopératifs, sous forme normale ou extensive, jusqu'à l'étude des conditions d'information des joueurs, en passant par la coordination ou la théorie du marchandage - séquentiel ou non. En 1992, l'International Journal of Game Theory s'enrichit d'ailleurs d'une section spéciale intitulée « Games and Experiment » pour laquelle SELTEN joue le rôle d'éditeur . Depuis plusieurs années, la revue Games and Economic Behavior publie également des comptes rendus de jeux expérimentaux.

En plus de constituer un corpus de travaux en expansion, ces jeux expérimentaux représentent une fraction importante de la littérature expérimentale économique. On peut en prendre la mesure en considérant la place qu'ils occupent dans les premiers manuels d'économie expérimentale. En 1991, J. D. HEY1(*)2 publie le premier de ces manuels, qui consacre des développements importants à la théorie du comportement interactif - dont un sixième de l'ouvrage pour les thèmes du marchandage et des jeux en général. Le Handbook of Experimental Economics de J. H. KAGEL et A ROTH1(*)3 contient plusieurs chapitres portant sur les jeux expérimentaux. Par ailleurs, en

juin 1998 débute la publication de la revue Experimental Economics, dont une grande partie des articles traitent de problèmes liés à la théorie des jeux.

* *- NASH J.F., KALISH G.K., MILNOR J.W., NERING E.D. (1954), « Some Experimental n-person Games », dans THRALL R.M., COOMBS. Et DAVIS R.L. (eds), Decisions Processes, New York, p. 302

* 1 - ROTH. (1991), op. cit p 107.

«  je suis avec précaution optimiste que, cent ans dès maintenant, la théorie des jeux deviendra la colonne vertébrale de l'ingénierie microéconomique qui aura grossièrement avec la théorie économique et l'expérimentation en laboratoire de l'époque le même type de relation que l'ingénierie chimique entretient aujourd'hui avec la théorie chimique et la chimie de paillasse »

A cet égard Alvin ROTH parle déjà en 2002 de la naissance d'un nouveau domaine de recherche proprement dit qui est le « Design economics » qui est une sorte de cet « ingenieering » économique dont il avait parlé en 1991. Pour ROTH le « Design economics » est le fruit et le résultat de la jonction de trois autres domaines de recherche à savoir : l'économie expérimentale, la théorie économique traditionnelle et la théorie des jeux. Voir son article fondateur : «The Economist as Engineer: Game Theory, Experimental Economics and Computation as Tools of Design Economics », Econometrica, 70, 4, July 2002, 1341-1378, dans lequel il définit ce nouveau domaine comme étant « the part of economics intended to further the design and maintenance of markets and other economic institutions. » p 1342.

* 2 - Voir SMITH V.L.(1994), p. 113-115.

* 3 - CHAMBERLIN E.H.(1948), op. cit.

* 4 - Pour un recensement des faits attestant le développement de la pratique de l'expérimentation en économie, voir par exemple DELOCHE R. (1995), notamment les pages 951-955, ou des manuels d'économie expérimentale tels que HEY (1991), DAVIS et HOLT (1992), FRIEDMAN et SUNDER (1994) ou KAGEL et ROTH (1995).

* 5 - FLOOD, M. M. (1958), « Some experimental games », Management Science, Vol. 5, p. 5-26.

* 6 - Une expression qu'utilise déjà FLOOD (1958), p. 6.

* 7 - Réaliser avec la collaboration de M DRESHER.

* 8 - RAPOPORT A., CHAMMAH. A.M, (1965), Prisoner's Dilemma: A Study in Conflict and Cooperation, Ann Arbor, University of Michigan Press. Voir aussi STRAFFIN P. (1980), The Prisoner's Dilemma, Umap Journal, N°1, p. 101-103 pour un historique de l'invention de ce jeu.

* 9 - COLMAN A. (1999), Game Theory and its Applications in the Social and Biological Sciences, Londres et New York: Routledge. ( Seconde édition corrigée et augmentée- première impression en 1995 chez Butterworth-Heinemann - de Game theory and Experimental Games, 1982, Oxford, Pergamon Press.) cité dans MAMAS P. (2001), op. cit p. 7.

* 10 - l'auteur renvoie aux publications suivantes :

- WRIGHTSMAN L.S., O'CONNOR. J., BAKER N. J. (1972), Cooperation and Competition : Readings in Mixed-Motive Games, Belmont : Brookes-Cole.

- GUYER. M., PERKEL. B. (1972), Experimental games : a b ibliography (1945-1971), Ann Arbor, Mich : Mental Health Research Institute, Communication 293.

* 11 - Voir à ce sujet les travaux pionniers suivants :

- SAUERMANN. H., SELTEN R. (1959), « Ein Oligopoleexperiment », Zeitschrift für die Gesamte Staatswissenschaft, vol. 115, p. 427-471;

- SIEGEL S., FOURAKER L.E. (1960), Bargaining and Group Decision Making, New York : McGraw-Hill .

* 12 - HEY J.D. (1991), Experiments in Economics, Oxford, Royaume Uni.

* 13 - ROTH A., KAGEL J, (1995), op. cit.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery