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Le phénomène migratoire en mer méditerranée depuis 2013. Enjeux d'une frontière meurtrière aux portes de l'Europe.


par AnaàƒÂ«lle TOUTOUNJI
Ecole Supérieure de Commerce et Développement 3A Paris - Master 2 Manager de projets internationaux, parcours Coopération et Action Humanitaire 2019
  

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Table des abréviations

BEAA : Bureau européen d'appui en matière d'asile

Benelux : Belgique, Pays-Bas, Luxembourg

CEDH : Convention européenne des droits de l'homme

CNUDM : Convention des Nations unies sur le droit de la mer

COPS : Comité politique et de sécurité

CPI : Cour pénale internationale

DH : Droits de l'Homme

DUDH : Déclaration universelle des droits de l'homme

EUBAM : Mission d'assistance pour une gestion intégrée des frontières en Libye

Eurostat : European statistic

Frontex : Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières

extérieures des États membres de l'Union européenne

MDM : Médecins du monde

MNA : Mineurs non accompagnés

MoU: Memorandum of Understanding

MSF : Médecins sans frontières

OIM : Organisation internationale pour les migrations

ONG : Organisation non gouvernementale

ONU : Organisation des Nations unies

OTAN : L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord

PAF : Police aux frontières

PECO : Pays d'Europe centrale et orientale

RIC : centre de Réception et d'Identification

SNSM : Société nationale de sauvetage en mer

UE : Union européenne

UNHCR ou HCR (United Nations High Commissionner for Refugees) : Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés

ZEE : Zone économique exclusive

Sommaire

I) La « crise » des réfugiés en Europe depuis 2015 6

A) Évolution des traversées en mer Méditerranée, des arrivées en Europe et de la

perception des flux migratoires des années 40 aux années 2000 7

B) Une médiatisation grandissante du phénomène migratoire en mer

Méditerranée depuis 2013 13

C) Mesures prises par l'Union européenne et fermeture progressive des frontières 19

II) Du pays départ à l'arrivée aux frontières européennes : des moyens de contrôle, de mise à distance et de refoulement durant tout le parcours migratoire en mer

Méditerranée 26

A) L'externalisation de la politique migratoire européenne : double coopération

bilatérale de l'Europe avec la Turquie et la Libye 26

B) Les enjeux et conséquences du sauvetage en mer des migrants en Méditerranée : rôle

des eaux territoriales et responsabilités 36

C) Les îles grecques : l'accueil dans les hotspots 44

III) Déni de solidarité et difficulté d'un consensus européen 50

A) Une violation de certains principes issus de textes de lois européens et internationaux

50

B) La criminalisation des ONG de sauvetage en mer 58

C) Difficulté d'un consensus européen sur la gestion des flux migratoires et perspectives

d'avenir en Méditerranée 72

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La mer Méditerranée représente actuellement la route migratoire la plus empruntée du monde, mais également la plus meurtrière selon l'Organisation des Nations unies (ONU). Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR ou HCR), l'entité de l'ONU en charge de la protection des réfugiés partout dans le monde, estime que depuis 2015, 750 000 personnes ont traversé la mer Méditerranée, fuyant la Syrie, l'Irak, l'Afghanistan, l'Erythrée, la Libye, le Soudan et d'autres pays en proie à des guerres et conflits. Dans le but de trouver refuge et protection en Europe, et contraints de fuir les conditions de vie inhumaines en Libye, des milliers d'homme et de mineurs non accompagnés (MNA) risquent leur vie en embarquant sur des embarcations de fortune ou des bateaux pneumatiques surchargés. Certaines s'entassent même dans des cales de bateau et décèdent d'asphyxie faute de place et de manque d'air. En 2013, le projet Missing Migrants est lancé par l'Organisation internationale pour les migrants (OIM) suite au naufrage de 366 personnes au large de Lampedusa ayant tenté de rejoindre l'Europe. Le but de ce projet est de retrouver et de compter les migrants, demandeurs d'asile et réfugiés ayant disparu en empruntant des routes migratoires internationales (mer Méditerranée, frontière États-Unis - Mexique, etc.). Il s'agit probablement de la source la plus fiable en termes de comptage des migrants morts ou disparus partout dans le monde étant donné l'importante mobilisation des recherches et l'exactitude et la précision des chiffres communiqués régulièrement. En 2015, le Missing Migrants Project a recensé 2 704 décès en Méditerranée, en 2016, il en a recensé 3 216 faisant de 2016 l'année la plus meurtrière, en 2017, 2 428 personnes ont péri en Méditerranée et en 2018, on en comptabilise 1 549. Depuis le début de l'année 2019, 844 personnes se sont noyées ou ont disparu en tentant la traversée de la Méditerranée.

La problématique de la traversée de la mer Méditerranée demeure un sujet à la fois très médiatisé et à la fois tabou et pour cause : si les naufrages sont régulièrement évoqués par la presse, en revanche, la question de la responsabilité du sort des migrants qui tentent de rejoindre l'Europe demeure sous silence et sans réponse concrète apportée. Le rôle des passeurs dans l'aide à la traversée de la Méditerranée par les migrants, bien que controversé, semble arranger les politiques qui ont alors un coupable à pointer du doigt. Néanmoins, le problème qui subsiste s'étend bien au-delà du rôle des passeurs et de la traversée de la Méditerranée : les politiques actuelles se trouvent davantage positionnées sur une logique de contrôle et de mise à distance des migrants et se ferment ainsi à toute ouverture de dialogue pouvant mener à un changement de leur politique migratoire. Le sauvetage des vies en mer ne semble pas être la priorité mais la surprotection des frontières, elle, mobilise des moyens financiers, techniques et humains

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considérables. Si les acteurs humanitaires, comme par exemple l'Organisation non gouvernementale (ONG) SOS Méditerranée, organisent des opérations de sauvetage en mer, ils n'ont pas le pouvoir de décision sur l'arrivée et l'accueil des migrants en Europe.

Transformée en véritable frontière voulue comme infranchissable, la Méditerranée est aujourd'hui représentative de la montée de l'extrémisme de droite et des mouvements xénophobes en Europe. Leurs discours politiques ne reflètent plus que haine et rejet envers les migrants et influencent négativement une majorité des citoyen(ne)s qui se ferment de plus en plus à l'accueil des migrants. Figée dans une politique migratoire datant des années 90 et n'étant plus réellement adaptée aux circonstances actuelles en raison de la montée des conflits dans le monde et de l'augmentation des personnes qui fuient, l'Union européenne (UE) semble impassible face aux drames en Méditerranée et face à l'aspect meurtrier de ses frontières. Malgré de nombreuses rencontres et sommets organisés ces dernières années afin de trouver des solutions pour stopper les naufrages en Méditerranée (sommet de l'Union européenne de Juin 2018 à Bruxelles), les États européens ne parviennent pas à s'accorder sur une politique opérationnelle et investie dans la traversée sécuritaire de la Méditerranée et l'accueil décent des migrants en Europe. La difficulté d'un consensus européen sur la question migratoire perdure depuis des années étant donné le positionnement et le rapport aux migrations différents de chaque État : si l'Espagne semble réceptive à l'appel des migrants en détresse, en répondant par exemple à l'appel du navire Open Arms qui souhaitait faire débarquer les migrants, l'Italie, elle, y est totalement opposée et ne souhaite plus accueillir de migrants ni laisser les ONG pénétrer dans ses eaux territoriales et ses ports. Face à ces divergences et à cette unité fragmentée, comment réussir à s'accorder sur une volonté commune qui puisse arrêter les drames en Méditerranée ? Comment opérer des changements profonds qui façonnent une nouvelle politique migratoire adaptée aux situations actuelles ? Car ce sont bel et bien tous les États européens qui sont confrontés aux flux migratoires, qui doivent apporter des solutions préservant la vie des migrants et qui répondent aussi, dans le même temps, aux principes de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.

Malheureusement, actuellement, les droits des migrants et réfugiés sont régulièrement bafoués et l'Europe semble loin d'être le continent des droits de l'Homme qu'elle dit représenter depuis sa création. Dans une logique de contrôle et de mise à distance, l'UE procède à une délégation de la gestion des flux migratoires à des pays comme la Libye et la Turquie en passant des accords avec ces derniers afin qu'ils interceptent et gardent les migrants « chez eux ». À ce jour, seuls les navires affrétés par des ONG, par quelques États comme l'Espagne et de temps

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en temps ceux de Frontex, sont présents en Méditerranée afin de repérer et secourir les bateaux et personnes en détresse. Il est important de savoir que tous les migrants ayant parvenu à arriver aux frontières européennes ont été secourus : à ce jour, aucune embarcation partie de Turquie ou de Libye n'a réussi à arriver « à bon port » étant donné les conditions extrêmes de la traversée en Méditerranée et la précarité des embarcations des migrants. Les initiatives comme l'opération Mare Nostrum, opération de sauvetage lancée par l'Italie en 2013 afin de porter secours aux migrants, ont réussi à sauver plus de 170 000 vies mais faute de solidarité des États membres de l'UE envers l'Italie qui finançait à elle-seule cette opération coûteuse, Mare Nostrum prend fin pour laisser place à l'opération Triton qui est davantage orientée dans la surprotection des frontières que dans le sauvetage en mer.

L'Europe se retrouve actuellement face à une situation qu'elle n'avait, jusqu'à alors, jamais anticipé, ayant toujours soutenu les actions dédiées aux migrants et réfugiés « de loin » principalement en finançant les camps de réfugiés gérés par le HCR en Afrique et au Moyen-Orient. Consciente que la Méditerranée constitue potentiellement une zone de dissuasion envers les migrants qui en tenteraient la traversée, l'Europe en fait son « arme » afin d'empêcher les entrées sur son territoire.

Ainsi, dans quelle mesure la mer Méditerranée représente-t-elle une zone de contrôle et de refoulement des migrants aux frontières de l'Europe ? De quelle manière l'Europe déploie-t-elle sa politique de dissuasion et de refoulement des migrants ? Quels sont les enjeux politiques, économiques et sociaux de la traversée de la mer Méditerranée par les migrants ? Ce mémoire a pour but d'exposer les moyens mis en place par l'Europe pour dissuader les migrants de parvenir à ses frontières et pour les refouler en déléguant leur gestion et leur accueil à des pays comme la Libye, le Maroc ou la Turquie. Plus précisément, il s'agira d'analyser la politique migratoire européenne actuelle, d'en extraire les défaillances en termes des droits humains et d'apporter des préconisations en réponse à ces défaillances. Ce mémoire n'a pas pour finalité de prendre position ou de dénoncer des potentiels coupables quant aux drames en Méditerranée. Il s'agira surtout d'énoncer des faits avérés à l'aide de sources diverses et de les analyser afin de mieux comprendre les enjeux politiques, économiques et sociaux qu'implique la traversée de la Méditerranée par les migrants et dans quelle mesure les différentes parties prenantes y ont leur responsabilité.

La première partie du mémoire sera essentiellement axée sur du contexte : en effet, pour bien analyser le déploiement de la politique migratoire européenne, il faut d'abord en

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comprendre les causes et les évolutions en prenant en compte les changements politiques, économiques et sociaux des 30 dernières années qui ont joué un rôle dans l'instauration progressive d'une méfiance envers les migrants. Une analyse des évolutions des traversées en Méditerranée, des arrivées en Europe et de la perception des flux migratoires des années 40 aux années 2000 sera proposée dans la première sous-partie pour démontrer le changement progressif de la mentalité européenne vis-à-vis de la condition des migrants. La sous-partie Une médiatisation grandissante du phénomène migratoire en Méditerranée depuis 2013 abordera la question de la médiatisation importante que connait le phénomène migratoire en Méditerranée depuis 2013 et tentera de briser le stéréotype selon lequel les conflits dans le monde ont poussé des millions de migrants à aller en Europe. Enfin, dans la sous-partie Mesures prises par l'Union européenne et fermeture progressive des frontières, il s'agira de clôturer cette première partie de contexte en exposant le début des mesures prises par l'UE pour une fermeture progressive de ses frontières. Cette première grande partie a également pour but de de démontrer que l'Europe fait face à une « crise de l'accueil » plutôt qu'une « crise des réfugiés » : la crise réside en effet dans le fait que l'Europe ne souhaite pas accueillir les migrants fuyant conflits et persécutions, et ne répond donc pas à ses devoirs, et non pas dans le fait qu'il y ait trop de migrants ou réfugiés pour que leur gestion soit ingérable.

La deuxième partie du mémoire abordera les moyens de contrôle, de refoulement et de mise à distance des migrants durant tout leur parcours migratoire en Méditerranée, de leur départ de Turquie ou de Libye à leur arrivée aux frontières européennes. La première sous-partie développera les accords signés entre l'UE et la Turquie et l'UE et la Libye, accords représentatifs de la volonté de délégation de la gestion des flux migratoires de l'Europe en échange de moyens financiers et techniques importants et d'investissement dans la formation des garde-côtes libyens. Elle évoquera également les conséquences dramatiques de l'application de ces accords sur les migrants. La deuxième sous-partie traitera des enjeux et des conséquences du sauvetage des migrants selon qu'ils sauvés dans les eaux territoriales libyennes ou internationales. En effet, si la traversée sécuritaire de la Méditerranée n'est pas assurée, leur sauvetage l'est encore moins : interceptés par des garde-côtes libyens, ils seront ramenés de force dans les camps de détention en Libye, sauvés par les ONG de sauvetage, ils seront débarqués aux frontières européennes (îles ou territoire selon les autorisations et les États concernés). Enfin, dans la dernière sous-partie seront évoqués les hotspots, dispositif instauré par l'UE en 2015 afin de trier les migrants pour différencier ceux étant éligibles au statut de

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réfugié. Il s'agit là d'une manière de contrôler sévèrement les flux d'entrées sur le territoire européen.

La troisième et dernière grande partie Déni de solidarité et difficulté d'un consens européen a pour but de mettre en exergue le déni de solidarité dont fait preuve l'Europe envers la cause migratoire ainsi que la difficulté de l'établissement d'un consensus européen pour répondre aux défis actuels. La première sous-partie concernera les violations des principes relatifs à la Convention de Genève sur les réfugiés. Ensuite seront abordés la criminalisation des ONG de sauvetage en mer et le rôle de certains États européens dans l'entrave au travail de ces ONG. Enfin, il s'agira de parler de la difficulté d'un consensus européen sur la gestion des flux migratoires et des perspectives d'avenir du sauvetage en Méditerranée.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe