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La place des états membres de l’UE dans les négociations sur les échanges agricoles à  l’organisation mondiale du commerce. Le cas de l’influence de la France et de l’Allemagne sur la politique commerciale commune.


par Florian Ouillades
Université de Strasbourg - Master de Relations Internationales (Etudes Européennes) 2008
  

Disponible en mode multipage

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Directeur de mémoire : M. BOUZAR Madjid 2008

UNIVERSITE MARC BLOCH - STRASBOURG II

INSTITUT DE TRADUCTEURS, D'INTERPRETES ET DE RELATIONS INTERNATIONALES

SECTION RELATIONS INTERNATIONALES

MASTER

« ETUDES EUROPEENNES / EUROCULTURE »

MEMOIRE

« LA PLACE DES ETATS MEMBRES DE L'UE DANS LES NEGOCIATIONS SUR LES ECHANGES AGRICOLES A L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE. LE CAS DE L'INFLUENCE DE LA FRANCE ET DE L'ALLEMAGNE SUR LA POLITIQUE COMMERCIALE COMMUNE. »

OUILLADES Florian

louyann@hotmail.com

2

Table des matières

Introduction 3

1. Les cadres communautaire et multilatéral : une influence restreinte des Etats membres de l'UE?

8

1.1. Les institutions européennes et la PCC : qui fait quoi ? 8

1.2. Les fondements juridiques 12

1.3. Pourquoi l'Etat membre s'efface 7 16

2 La France et l'Allemagne: quelles différences pour quelles influences? 20

2.1. L'Allemagne 20

2.2. La France 24

33

2.3. L'autre façon d'influencer 29

3. Améliorer l'influence nationale ou réformer l'OMC? La recherche d'une nouvelle stratégie nationale.

3.1. Un mode de négociation imparfait entre efficacité et démocratie 33

3.2. Le déficit démocratique 37

3.3. Pourquoi réformer l'OMC 7 40

Conclusion 46

Annexes 51

Bibliographie 55

3

Introduction

Le stage

Le présent mémoire a été réalisé dans le cadre du Master 2 Euroculture/Etudes Européennes après un stage de cinq mois effectué au ministère fédéral allemand de l'alimentation, de l'agriculture et de la protection du consommateur1 à Berlin. Ce ministère, partagé depuis 1999 entre les deux capitales historiques de l'Allemagne (Bonn et Berlin), emploie environ 1000 personnes. Il comporte sept directions générales qui se répartissent les trois compétences du ministère. Le bureau dans lequel j'ai été accueilli fait partie de la sous-direction générale des affaires européennes et internationales et s'occupe des affaires commerciales internationales. L'équipe de six personnes est principalement responsable des affaires et des organisations de commerce international. Les autres compétences sont la politique des produits de base et du système de préférences douanières ainsi que les accords Afrique-Caraïbes-Pacifique concernant les produits agricoles. Les tâches quotidiennes du bureau comprennent le monitoring des domaines de compétence, la représentation du gouvernement fédéral allemand ou encore la défense de ses intérêts auprès des organisations internationales.

Mon rôle au sein de la structure a été clarifié dès le premier jour par mon chef de bureau2 (chef de service). Ma première mission a été de me familiariser avec les différents domaines de compétence du service pour ensuite me concentrer sur un domaine de recherche plus précis. J'ai alors eu l'occasion d'évoquer mon souhait de lier cette première tâche à mon impératif de rédaction du mémoire. Par la suite j'ai pu réaliser des tâches d'ordre varié. Outre le monitoring des négociations de l'OMC, j'ai eu l'opportunité d'effectuer des missions dans les villes de Genève, Bruxelles et Luxembourg, afin d'y suivre la coordination de la politique commerciale commune les négociations à l'OMC. J'ai également participé à l'organisation d'événements comme le congrès du conseil international du cacao. Plus tard j'ai rédigé une note de synthèse à l'intention du secrétaire d'Etat portant sur l'analyse d'une étude scientifique. J'ai enfin assisté à de nombreuses réunions politiques de niveaux gouvernemental et international ont enrichi ce travail de recherche d'un grand nombre de réflexions. Parmi les différents domaines d'activités du bureau, mon choix s'est rapidement porté sur les négociations à l'OMC, du fait de leur

1 En Allemand: Bundesministerium für Ernährung, Landwirtschaft und Verbraucherschutz.

2 En Allemand: Referatsleiter.

4

importance capitale dans les relations entre les Etats. Dans ce domaine, la tâche du ministère est d'organiser la coordination et la présentation de la position allemande dans les négociations sur l'agriculture à l'OMC, en amont des réunions européennes. La plus grande difficulté consiste alors à trouver un consensus qui va dans le sens des intérêts de l'agriculture allemande.

Le mémoire

L'enjeu est de montrer l'importance limitée des Etats membres de l'UE dans le système multilatéral des négociations sur les échanges agricoles et de voir dans quelle mesure une réforme du système de coordination de la politique communautaire et/ou de l'OMC s'impose. Le sujet traite uniquement d'une partie de la politique commerciale de l'UE qui concerne les accords commerciaux multilatéraux négociés à l'OMC. L'analyse de cette coordination décrit plus particulièrement une partie des négociations, à savoir l'accord sur l'agriculture. Dans un contexte de crise alimentaire mondiale, la libéralisation des marchés agricoles en cours à l'OMC va certainement occuper le devant de scène dans un avenir proche. L'Europe souhaite, plus que jamais, faire entendre sa voix dans un domaine où elle jouit d'une compétence exclusive depuis plusieurs décennies. La politique commerciale commune (PCC3) a en effet jalonné la construction européenne et n'a cessé de prendre de l'ampleur, à mesure que l'espace économique européen s'agrandissait. Le fait de constituer juridiquement une union douanière prédestinait la Communauté4 à un rôle majeur dans les négociations des accords du GATT5. Cependant, celui-ci a lui aussi évolué d'un simple organe négociant des tarifs douaniers pour devenir une puissante Organisation Mondiale du Commerce. L'augmentation du volume des négociations à

3

4 La Communauté ou Communauté européenne (CE) est l'un des piliers de l'organisation juridique que représente l'UE. Le mot Communauté est souvent utilisé dans ce mémoire pour renvoyer à l'ensemble des institutions européennes, au niveau supranational par rapport au niveau national des Etats membres de l'UE. Sa méthode de fonctionnement institutionnel repose sur une logique d'intégration où la Commission a par exemple le monopole du droit d'initiative. Cf. http://europa.eu/scadplus/glossary/eu communities fr.htm Union Européenne, Glossaire, consulté le 25/07/08.

5 L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (en anglais GATT : General Agreement on Tariffs and Trade), conclu à Genève le 30 octobre 1947, est un accord multilatéral de libre-échange ayant pour but de limiter le protectionnisme économique. Il fait partie (avec la banque mondiale et le FMI : fonds monétaire international) des institutions de Bretton Woods, censées relancer les économies et les échanges internationaux dans la période d'après-guerre. Le GATT n'était à l'origine qu'un pas vers la création d'une organisation commerciale internationale. L'OMC, créée en 1995.par les accords de Marrakech, est le successeur du GATT. Cf. http://www.wto.org/ Organisation Mondiale du Commerce, consulté le 18/08/08.

5

l'OMC a par ailleurs provoqué l'accroissement des conflits entre la Communauté (ici la Commission) et les Etats membres.

Le présent mémoire s'inscrit dans l'étude de cette lutte d'influence. Il s'interroge sur la place présente et à venir des Etats membres dans la politique multilatérale des échanges agricoles. Quelle influence ont les Etats membres dans la coordination de cette politique au sein de la Communauté? Jusqu'à quel degré respecte-t-on les points de vues allemands et français? Voilà un point départ pour la réflexion. La partie de la PCC concernant la conclusion et la négociation des accords commerciaux internationaux de l'OMC pousse particulièrement à l'analyse pour deux raisons. L'UE est premièrement un membre très singulier de l'OMC ; elle est le seul exemple d'intégration régionale. De plus, le volume exceptionnel des négociations est lui-aussi devenu quelque chose d'unique au monde. Le but du mémoire est avant tout d'éclaircir la « cohabitation » entre la Commission et les Etats membres en matière de politique commerciale commune à l'OMC dans le but d'évaluer, dans un deuxième temps, le système actuel des négociations. Le thème du respect des intérêts nationaux s'oriente sur deux axes. L'un s'attache à définir les cadres juridiques et institutionnels tandis que l'autre tire les conséquences de l'influence limitée des Etats membres de l'UE.

D'un point de vue méthodologique, l'étude comparative franco-allemande est au coeur de l'analyse. Cette comparaison, précédée d'une réflexion sur les cadres supranationaux, pose les bases d'une critique du système de la PCC. Le sujet exposé dans ce mémoire fait l'objet de peu de recherches à l'heure actuelle ; celles-ci se limitent souvent à une analyse législative du partage des compétences UE/Etats membres à l'OMC. Les références utilisées sont principalement en allemand mais la bibliographie comporte aussi des ouvrages de langues anglaise et française. Cela s'explique par mon lieu de stage et la spécificité de mon sujet. J'ai en effet eu accès au réseau des bibliothèques ministérielles fédérales, ce qui s'est avéré décisif, autant pour les sources primaires que secondaires.

Les termes

Une définition du concept de l'européanisation, l'interaction entre les institutions nationales et européennes6, est indispensable à la compréhension du sujet ; il en va de même pour les notions de démocratie et de souveraineté nationale. Cependant la

6 Les trois principales institutions européennes sont : le Conseil de l'UE, la Commission européenne, le Parlement européen. La Cour de justice des Communautés européennes sera mentionnée plus bas.

6

première remarque concerne ici le terme d'influence. Le premier mot du titre renvoie au rôle assigné aux Etats membres de l'UE dans les ensembles structurés que représentent l'UE et l'OMC.7 C'est en relation avec l'idée de « place » qu'il faut comprendre ce terme d'influence. Celle-ci peut finalement se définir comme une action généralement prolongée dans le temps et non brutale que des groupes, ici nationaux (les représentants des pouvoirs exécutifs français et allemand), exercent sur les opinions politiques d'autres groupes, comme les institutions européennes ou l'ensemble des négociateurs à l'OMC. La volonté de l'Etat-nation de conforter sa place au sein de structures internationales, d'y d'étendre son influence, est presque une tautologie. L'action qu'un pays exerce sur la politique d`un autre se définit aussi comme une influence et rentre donc dans le cadre de réflexion. La raison derrière cette quête d'influence et d'espace se nomme la souveraineté nationale. Elle est imprégnée d'identité nationale et tire sa légitimité du postulat suivant: l'Etat-nation est le garant de la meilleure démocratie possible.

Une démocratie se décrit comme un système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l'ensemble des citoyens. La pratique veut que ces citoyens n'exercent qu'indirectement ses fonctions8. Le débat sur la démocratie, abordé en dernière partie, concerne justement la distance imaginaire entre le citoyen et l'Etat, lors d'une prise de décisions. La distance doit bien sûr être la plus courte et la plus directe possibles. Si les citoyens constatent leur impuissance à influencer les décisions de leurs dirigeants, la démocratie est, dit-on, menacée. A ces deux impératifs de souveraineté nationale et de démocratie vient se greffer une troisième notion de subsidiarité, que ce mémoire tente de clarifier. La subsidiarité se comprend comme la recherche d'une action politique au niveau le plus pertinent et le plus proche des citoyens9. La subsidiarité est donc incontournable, dès que l'on aborde la question de la compétence des Etats membres de l'UE. C'est aussi le principal point de discorde entre les Etats membres et la Communauté.

Le plan

Il tente de regrouper toutes les questions du triangle Etat membre/Union Européenne/OMC, c'est-à-dire du partage des compétences entre le niveau national, communautaire et multilatéral dans les négociations multilatérales sur les échanges

7 Pour les définitions à venir: Cf. http://www.cnrtl.fr/definition , consulté le 24/06/08.

8 Cf. http://www.cnrtl.fr/definition/r%C3%A9publique

9 Cf. Article A du Traité sur l'Union Européenne.

agricoles. Le premier point concerne les niveaux de décisions communautaire et multilatérale ; il détermine ainsi le cadre et l'impact des positions nationales. L'échelle nationale, et plus précisément les différences de culture politique et leur incidence au niveau communautaire, termine la présentation. Les deux premières parties ont pour objectif de démontrer à quel point l'influence d'un seul Etat membre de l'UE est restreinte, tandis que la recherche de consensus et la combinaison des stratégies nationales sont fondamentales. Enfin, l'exemple des moyens d'action nationale replace les réflexions dans un contexte plus large. Démontrer l'influence limitée de la France et de l'Allemagne ne suffit pas ; il faut par la suite proposer une alternative ou du moins de déceler les failles du système étudié. Les notions de transparence, de démocratie, et de subsidiarité sont abordées dans ce sens. Elles engagent une remise en cause de la stratégie nationale et de la place de l'OMC face aux problèmes de développement.

Une particularité du fonctionnement des négociations de l'OMC mérite d'être mentionnée ici. Le mémoire prend en exemple l'accord sur l'agriculture qui ne représente qu'une partie des négociations. Il y a en effet à l'OMC plusieurs accords concernant différents domaines liés au commerce, comme les négociations sur l'accès au marché pour les produits non agricoles (NAMA10) ou encore l'accord général sur le commerce des services (GATS11). Cependant un principe d'engagement unique (ou single undertaking) rend toutes ces parties indissociables. L'engagement unique signifie qu'il n'y a d'accord sur rien tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout. Les différents volets de négociations forment donc un seul « paquet », un tout renégociable en permanence. Il a donc fallu créer des instruments de coordination à la fois technique et généraliste pouvant répondre à la complexité des négociations de l'OMC. Dans ce mémoire, il convient bien évidemment d'analyser le tout pour comprendre la partie et vice versa. C'est pourquoi certaines remarques faites au fil des pages concernent l'Organisation Mondiale du Commerce dans son ensemble et non l'accord sur l'agriculture en particulier ; la coordination des négociations reste une affaire globale.

7

10 Non Agricultural Market Access.

11 General Agreements on Trade in Services.

8

1 Les cadres communautaire et multilatéral : une influence restreinte des Etats membres de l'UE?

Cette partie aborde les différents niveaux de gouvernance de la politique commerciale internationale, qui englobent les Etats membres de l'UE dans un système complexe et interdépendant, à la manière de cercles concentriques. Après l'étude des principaux acteurs européens du processus, une analyse juridique vient compléter l'exposé de la politique commerciale commune. Enfin, les dernières remarques concernent les raisons du déclin de l'influence nationale traditionnelle. L'objectif ne change pas : démontrer l'influence limitée des Etats membres de l'UE12 sur le système de la coordination de la politique commerciale multilatérale, en s'appuyant sur l'exemple de l'accord sur l'agriculture à l'OMC. Si, comme l'affirme Bernadette Corbach, « La mondialisation a (...) mis l'accent sur le besoin de gouvernance internationale »13, quels pouvoirs les Etats membres de l'UE gardent-ils sur les mécanismes de régulation de la globalisation?

1.1 Les institutions européennes et la PCC : qui fait quoi ? Les étapes de la négociation

Le domaine des négociations à l'OMC relève de la politique commerciale extérieure, qui est une compétence dite exclusive14 de la Communauté. Cette dernière revendique de plus en plus le droit de représenter exclusivement les intérêts des Etats membres dans les négociations d'accords internationaux15. Cependant, comme le remarque Nicholas Emiliou, « la CE [Communauté Européenne] ne constitue pas un Etat souverain en tant que tel et n'en possède donc pas tous les pouvoirs, tels que la conclusion d'accords internationaux. »16 Dans le but d'éclaircir le rôle de chacun des niveaux national, communautaire et multilatéral, l'analyse de la configuration institutionnelle de la politique

12 en prenant l'exemple de la France et de l'Allemagne

13 « globalization has (...) highlighted some need for international governance » in Corbach Bernadette V. I., 2005, Die Europäische Gemeinschaft, ihre Mitgliedstaaten und ihre Stellung in ausgewählten internationalen Organisationen, Logos, Berlin, p. 15.

14 Cf : article 133 du Traité de l'Union Européenne.

15 Cf: Emiliou Nicholas/O'Keeffee David (éds.), 1996, The European Union and World Trade Law, Wiley, Chichester, p. 21.

« The EC itself is not a sovereign state and consequently does not have all the powers of sovereign states

to conclude international agreement » in Op. cit. p. 21.

16

9

commerciale commune est essentielle. Le point de départ est ici le rapport entre les différentes institutions Européennes dans la définition des objectifs et les négociations des accords de l'OMC.

La première étape de la coordination de la PCC à l'OMC dans l'Union européenne concerne l'obtention d'un mandat pour l'ouverture des négociations.17 Dans l'Union européenne, c'est avant tout la Commission qui est « responsable de la négociation et de la gestion des accords commerciaux »18. Ensuite, la politique commerciale extérieure est, à l'intérieur de la Commission, l'affaire du Commissaire au commerce (actuellement le britannique Peter Mandelson). Cette Direction Générale (DG) du commerce a la charge de coordonner la préparation de la position de la Communauté dans les négociations. Elle le fait sous la forme d'une proposition de direction des négociations qu'elle soumet à l'approbation du Conseil de l'UE19.20 Cette proposition est préparée avec d'autres DG et votée éventuellement à la majorité qualifiée. Il s'agit par exemple de la DG Agriculture et Développement Rural lorsque les intérêts de l'agriculture européenne sont concernés.

Cette position est alors défendue devant le Conseil des affaires générales21, étant donné qu'il n'existe pas de formation du Conseil pour les affaires commerciales. Cette particularité peut dans certains cas nuire à l'efficacité de la politique commerciale.22 En effet, les ministres des Affaires Etrangères sont souvent plus sensibles aux questions politiques que techniques. C'est alors le CAGRE (Conseil Affaires générales et relations extérieures) qui décide, à la majorité qualifiée si nécessaire, de la politique commerciale commune à l'OMC en mandatant formellement la Commission pour la conduite des

17 Les quatre paragraphes suivants reprennent l'argumentation des références suivantes: Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Nomos, Baden-Baden, pp. 41-43, et: Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, pp.204-209.

18Cf: http://consilium.europa.eu/cms3 fo/showPage.asp?id=388%E2%8C%A9=en : Conseil de l'Union Européenne, Le Conseil "Affaires générales et relations extérieures".

19 Le Conseil de l'Union Européenne ou Conseil des ministres se distingue du Conseil de l'Europe (organisation régionale de la grande Europe qui défend un espace démocratique et juridique commun. Siège: Strasbourg) et du Conseil Européen (sommets semestriels très médiatisés des chefs d'Etats de l'UE et du président de la Commission. Siège : dans le pays qui exerce la présidence de l'Union).

20 Infra le Conseil. Le Conseil de l'Union européenne est l'organe européen qui représente l'intérêt des Etats membres. Il existe en fait neuf formations de cet organe intergouvernemental (le Conseil n'existe pas en tant que tel) où siègent les 27 ministres nationaux.

21 Cette formation du Conseil de l'UE, dont le nom complet est le GAGRE : Le Conseil "Affaires générales et relations extérieures", est la plus importante des neuf, et se réunit une fois par mois. Pour plus d'informations sur le fonctionnement du Conseil de l'Union Européenne: Cf. http://www.consilium.europa. eu/cms3 fo/showPage.asp?id=426&lang=fr

22 Cf. http://eiop.or.at/eiop/texte/2004-014a.htm Leal-Arcas Rafael, The EC in the WTO: The three-level game of decision-making. What multilateralism can learn from regionalism, European Integration online Papers Vol. 8, No. 14, consulté le 18/08/08, p. 14.

10

négociations. Il faut enfin ajouter qu'une fois le mandat accordé, il peut être à tout moment complété par le Conseil par le biais d'une directive.23

Le Conseil est appuyé dans ses décisions par un comité spécial, le comité de l'article 133, qui est en dialogue permanent avec la Commission. Le comité de l'article 133 est au centre de la politique commerciale extérieure à l'OMC. Son analyse reste donc indispensable à l'intelligence du travail de coordination au sein de l'UE. Ce comité tire son nom d'un article du traité d'Amsterdam qui régit la politique commerciale extérieure. Il prévoit entre autres la création d'un « comité spécial désigné par le Conseil pour l'assister dans cette tâche et dans le cadre des directives que le Conseil peut lui adresser »24. C'est l'un des 37625 comités que comporte le Conseil et il se compose de fonctionnaires nationaux, experts dans l'un des domaines des négociations. Pour résumer, « Il [le comité de l'article 133] délibère sur les propositions de la Commission, les améliore sur la base du consensus et les transmet ensuite au COREPER26 et enfin au CAGRE » 27

Bien que n'étant pas l'instance la plus haute, le comité de l'article 133 a un rôle central et représente le coeur de la coopération. Il est présent pratiquement à tous les niveaux de la coordination. D'une part, les Etats membres y analysent et débattent les non-papers28 que la Commission Européenne, qu'elle produit sur les différents thèmes des négociations avant ou après l'obtention du mandat. De l'autre, la Commission prend en considération les réactions des Etats membres dans la formulation de sa proposition de mandat et dans la conduite des négociations. Ainsi il n'arrive que très rarement que le Conseil n'accorde pas son mandat à la Commission. Depuis le traité de Nice, la Commission est tenue d'informer le comité durant la phase des négociations29, ce qui ne fait que renforcer la coopération. Même si les négociations à l'OMC dominent l'ordre du jour, le comité 133 traite aussi d'autres politiques ou négociations qui concernent le commerce extérieur.30

23 Cf. Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, pp. 204-205.

24 Art. 133 TCE § 1.

25 Cf. Berthold Norbert, 1996, Regionale wirtschaftliche Integration - Ordnungspolitischer Sündenfall oder Schritt in die richtige Richtung? in Zohlnhöfer Werner (éd.), 1996, Zukunftsprobleme der Weltwirtschaftsordnung, Duncker & Humblot, Berlin, p. 50.

26 Cf. Page suivante.

27 « Es berät und verbessert die Vorschläge der Kommission (...) auf Konsensbasis und leitet sie dann weiter zu Coreper und anschließend zum GAC » in Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Ed. Nomos, Baden-Baden, p. 42.

28 Un non-paper est un document de travail non officiel qui présente une politique et a pour but de lancer une discussion de fond sur le sujet.

29 Cf. Knodt Michèle, 2005, Regieren im erweiterten europäischen Mehrebenensystem, internationale Einbettung der EU in die WTO, Nomos, Baden-Baden, p. 57 et 58.

30 comme par exemple la conclusion d'accords commerciaux de libre échange ou les accords d'association.

11

Son mode de prise de décision s'apparente à celui des autres réunions au Conseil ; si en théorie les votes s'effectuent à la majorité qualifiée, la recherche de consensus s'est imposée dans la pratique. Rafael Leal-Larcas31 constate même que le comité 133 est davantage un lieu de consultation que de prise de vote formelle. Bien sûr, la présidence du Conseil y dirige les négociations mais le leadership de la Commission se fait très présent dans les faits. C'est à elle qu'incombe la tâche de trouver un consensus sur la PCC.

Rôle et architecture du Conseil

Le Conseil possède une autre formation politique importante en matière de politique commerciale commune : le COREPER. Il s'agit du comité des représentants permanents auprès de l'Union Européenne. Dans l'organigramme du Conseil, il est au dessus du comité 133. En reprenant toute l'organisation hiérarchique, on trouve au premier niveau les groupes de travaux. Ceux-ci ont un thème de travail très spécifique et une influence restreinte. Ensuite vient le comité de l'article 133 (pour la PCC) qui base ses débats sur les travaux effectués en groupe de travail. Juste au dessous de l'échelle ministérielle, on retrouve ces représentants permanents qui ont pour tâche de préparer les conseils des ministres. Leur autre mission est de chercher un consensus à 27 pour alléger au maximum l'agenda des ministres, pendant les réunions du Conseil. Toute l'institution fonctionne suivant un même principe de subsidiarité, que l'on retrouve dans la Loi fondamentale allemande32. Ce principe implique que toute décision soit prise au niveau hiérarchique le plus bas possible.

On pourrait penser que cette institution, à la fois démocratique et légitime, parvienne à sauvegarder les intérêts nationaux. Cet argument s'inscrit cependant contre la thèse de ce travail de recherche. Il y au contraire toutes les raisons de douter du rôle purement intergouvernemental du Conseil, à commencer par le fait qu'un gouvernement ne possède pas de droit de véto sur chaque décision. Florence Chatiel synthétise cette vue du Conseil:

« Ce dernier [le Conseil] incarne la légitimité interétatique, par sa composition, tout en

étant le vecteur de la construction d'un intérêt européen en raison des mécanismes de vote intégré. Les votes à la majorité qualifiés empêchent en effet de ne voir dans le Conseil

31 Cf. http://eiop.or.at/eiop/texte/2004-014a.htm Leal-Arcas Rafael, The EC in the WTO : The three-level game of decision-making. What multilateralism can learn from regionalism, European Integration online Papers Vol. 8, No. 14, consulté le 18/08/08, p. 14.

32 Nom donné à la constitution allemande de 1949.

12

qu'un organe intergouvernemental. Il dispose du pouvoir de décision partagé avec le Parlement, ce qui l'éloigne encore davantage de l'idée intergouvernementale. La préparation des décisions en amont par le comité des représentants permanents a créé des habitudes de travail et des lieux de négociations combinant la nécessaire prise en compte des intérêts nationaux et la tout aussi évidente émergence d'intérêts communs. »33

Ce que l'auteur suggère ici est que, dans l'entreprise communautaire, la souveraineté nationale est mise à l'épreuve même à l'intérieur de l'organe créé pour la préserver. On peut logiquement affirmer que les positionnements de la France et l'Allemagne dans les négociations à l'OMC ont été et sont toujours grandement influencés par la construction européenne.

En résumé, l'action de la communauté à l'OMC se divise en quatre étapes.34 Une fois les objectifs fixés et la Commission habilitée à négocier vient le temps de la négociation. Celle-ci se termine dans l'idéal par une conclusion d'accords, qui débouche sur une mise en application des modalités35. Il faut à ce stade préciser la particularité qu'induit l'accord sur l'agriculture à l'OMC. Le Conseil de l'agriculture jouit en effet d'une certaine influence, surtout depuis que les négociations à l'OMC incluent un volet sur les échanges agricoles36. Le personnel de la Commission qui siège à Genève37 est d'ailleurs mixte et se compose de fonctionnaires issus de la DG Commerce et/ou Agriculture. Enfin, les ministres de l'agriculture sont généralement présents au côté des ministres de l'économie dans les conférences ministérielles et lors de la conclusion d'un cycle de négociations. L'OMC implique donc pour l'Europe un travail de coordination complexe à la fois technique (requérant la coopération des DG Agriculture et Commerce) et institutionnel (entre le Conseil et la Commission).

1.2 Les fondements juridiques

L'article 133, symbole du rapport de force: Etats membres / Commission.

33 Chaltiel Florence, L'émergence d'une décision européenne, Renforcer la présence européenne de la France in Conseil d'Etat, Jurisprudence et avis de 2006, rapport public 2007,- L'administration française et l'Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, p. 354.

34 Concernant les 4 étapes Cf. Knodt Michèle, 2005, Regieren im erweiterten europäischen
Mehrebenensystem, internationale Einbettung der EU in die WTO
, Nomos, Baden-Baden, p. 56

35 Cette négociation post-accord porte sur les détails ( ex. la hauteur des droits de douanes pour chaque ligne tarifaire c.-à-d. chaque produit) et dure parfois plusieurs années.

36 Cf. troisième partie : historique de l'accord sur l'agriculture à l'OMC.

37 Le siège de l`OMC se situe à Genève en Suisse, sur les bords du lac Léman. Par ailleurs, en période de conférence ministérielle à l'OMC, le Conseil de l'UE peut éventuellement siéger sur place.

13

Que dit le droit communautaire sur l'intérêt commercial national et communautaire? Il est maintenant question d'analyser le transfert de compétences du niveau national vers le niveau communautaire. L'étude chronologique des fondements juridiques permet de comprendre davantage l'influence qu'ont les Etats membres de l'UE sur les mécanismes de la PCC. Comme le souligne justement Michèle Knodt, « la politique commerciale commune est l'une des premières politiques de la construction européenne transférée au niveau communautaire »38. Ces fondements juridiques remontent au traité de Rome instituant les Communautés européennes. Il faisait allusion à une mise en commun des intérêts économiques. Cependant, l'article de référence en matière de politique commerciale, l'article 113 (plus tard 133), ne date que des années 90 et traité de la Communauté Economique (ou de Maastricht). Dans son ouvrage d'analyse diachronique, Michèle Knodt présente d'autres aspects essentiels de la PCC :

« Elle [la PCC] est le pendant fonctionnel de l'union douanière. Les responsabilités

politiques ont été centralisées pour manier plus facilement les instruments de l'union douanière ; une gestion centralisée des accords commerciaux paraissait alors plus

effective. De plus, on espérait (...) grâce à cette centralisation, diminuer les chances d'intervention d'intérêts purement nationaux. »39

Alors que la première phrase indique pourquoi la PCC se comprend comme une des politiques naturelles de la Communauté, la dernière explique le vieux projet de la Communauté : diriger toute la politique extérieure de l'Europe 40

Les Etats membres ont commencé à abandonner leur souveraineté dans les affaires du commerce extérieur dès la création de la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1957. Le transfert de compétences ne s'est pas encore opéré complètement, si bien qu'il existe à l'intérieur de la politique commerciale commune à l'OMC une mixité des compétences (une exclusivement communautaire, l'autre partagée). Ceci trahit le débat juridique ininterrompu qui oppose les institutions européennes aux Etats membres de l'UE voire les institutions de l'Union entre elles : la Commission et le Conseil. Cette confrontation a pour origine la définition même du terme du mot commerce, évoqué dans l'article 113 du Traité de Maastricht. En effet, cet acte juridique édicte le partage de compétences de la politique commerciale commune sans fournir une énumération

38 « Die gemeinsame Handelspolitik ist eine der ältesten vergemeinschafteten Politkbereiche der europäischen Integration » in Knodt Michèle, 2005, Regieren im erweiterten europäischen Mehrebenensystem, internationale Einbettung der EU in die WTO, Nomos, Baden-Baden, 281 p.

39 « Sie [die Gemeinsame Handelspolitik] ist die funktionale Entsprechung der Zollunion.(...) Zu einer effizienten Handhabung der Instrumente der Zollunion wurden die politischen Zuständigkeiten zentralisiert; es erschien effektiver die Handelsabkommen zentral zu verhandeln. Darüber hinaus hoffte man, (...), durch die Zentralisierung die Erfolgschancen der Intervention von mitgliedstaatlichen Einzelinteressen zu schmälern » in Op. cit., 281 p.

40 Cf. infra : position maximaliste.

14

exhaustive de ce à quoi le terme commerce fait référence. Le troisième article du traité de Paris41 distingue par exemple la politique commerciale commune d'un marché intérieur des biens et des services ou encore d'une politique commune dans le domaine de l'agriculture et de la pêche. On en déduit alors que la politique commerciale commune ne regroupe pas tous les secteurs de l'économie extérieure de la Communauté.42 De cette confusion naissent deux positions concurrentes : une définition maximaliste de la PCC par la Commission Européenne, garante de l'intérêt communautaire et une autre minimaliste défendue par le Conseil, qui reflète le point de vue des gouvernements nationaux43.

La question du partage des compétences n'a fait surface de manière formelle qu'au début des années 90.44 La Cour européenne de justice, seul arbitre des conflits institutionnels impliquant les Etats membres de l'UE ou les institutions Européennes, a été maintes fois sollicitée et continue de saisir du problème juridique45. On observe de manière générale une volonté de la Commission d'étendre son influence et sa compétence exclusive dans les négociations et la conclusion des accords de l'OMC. Plusieurs auteurs, comme Meinhard Hilf, pensent que l'on se dirige vers une centralisation c'est à dire une communautarisation46 complète de la PCC. Evoquant le partage présent et futur des compétences en matière de PCC, celui-ci écrit : « la Cour a reconnu le caractère évolutif de la PCC. Ainsi il est probable que la ligne de démarcation (...) soit redessinée à l'avenir pour bénéficier de nouveau à la CE [Communauté européenne], à moins que les Etats membres n'abandonnent leur processus de création d'un marché intérieur ».47 Cela semble conforter l'idée de recul de l'influence des Etats membres de

41 instituant la communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), signé le 18 avril 1951.

42 Cf. Corbach Bernadette V. I., 2005, Die Europäische Gemeinschaft, ihre Mitgliedstaaten und ihre Stellung in ausgewählten internationalen Organisationen, Ed. Logos, Berlin, p. 106.

43Cf. Koutrakos, Patrick, 2003, `I Need to Hear You Say It': Revising the Scope of the EC Common Commercial Policy in Yearbook of European Law no. 22, 2003, Oxford University Press, Oxford, pp. 410 et suiv.

44Cf. Knodt Michèle, 2005, Regieren im erweiterten europäischen Mehrebenensystem, internationale Einbettung der EU in die WTO, Nomos, Baden-Baden, p. 60.

45 La Cour est sur le point de statuer de nouveau sur la portée de l'article 133. Cf. Commission Européenne, Demande d'avis de la Cour de justice des Communautés Européennes présentée par la Commission sur : le caractère exclusif ou non de la compétence de la Communauté pour signer les accords de l'OMC avec 18 Etats membres, et sur : la pertinence de l'article 133 § 1 et 5, en relation avec l'article 300 § 2 du TCE comme base juridique appropriée pour la conclusion d'un accord, no. A-1/08, JURM(08) 10502, 15 février 2008, Bruxelles, 81 p.

46 « La communautarisation : correspond au transfert d'un domaine relevant, dans le cadre institutionnel de l'Union, de la méthode intergouvernementale (deuxième et troisième piliers) à la méthode communautaire (premier pilier). La méthode communautaire est basée sur l'idée que la défense de l'intérêt général des citoyens de l'Union est mieux assurée lorsque les institutions communautaires jouent pleinement leur rôle dans le processus de décision, en respectant le principe de subsidiarité » in http://europa.eu/scadplus/ glossary/communitisation fr.htm Union Européenne, Glossaire, consulté le 25/07/08.

47 The Court recognized that the CCP is of an evolutionary nature so that the (...) demarcation-line will probably shift again in favour of the EC unless the Member States are bringing the process of creating an internal market to an end. in Hilf Meinhard, 1995, The ECJ's Opinion 1/94 on the WTO - No Surprise, but Wise? in European Journal of International Law, vol.6 no. 2, p. 13.

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l'UE sur la politique commerciale commune. Comme l'explique Hilf, penser une compétence exclusive des Etats membres en matière de politique commerciale commune est anachronique. Cela reviendrait à concevoir l'absence d'une union douanière et donc une perte énorme d'efficacité dans les négociations à l'OMC. On imagine aussi que les paroles de la Commission possèdent un plus grand pouvoir de conviction que celle d'un seul Etat membre lors des réunions à Genève.

Par ailleurs, les représentants des Etats-membres de l'UE ne sont pas autorisés à s'exprimer en réunion plénière à l'OMC. La Commission avance pour cela un impératif d'unité ; l'intervention d'un Etat membre sur un sujet ne faisant pas consensus ne manquerait pas de jeter le discrédit sur la Communauté européenne.48 L'Allemagne comme la France sont néanmoins conscientes de la plus-value que représente la conduite des négociations à l'OMC par la Commission. De plus, la Communauté et les Etats membres gardent le même objectif: donner à l'Europe une image forte sur la scène internationale et une voix unique dans les forums internationaux tels que l'OMC. A plusieurs reprises, l'article 133 (ex no. 113) a été remanié en ce sens, comme au cours des négociations du traité de Nice en 2000. Sans rentrer dans une confrontation des deux versions de l'article de la PCC, les changements apportés ont donné à la Communauté davantage de poids dans les négociations.49 Cette extension de la compétence communautaire s'est révélée nécessaire pour plusieurs raisons50 : la Commission a pu d'une part gagner en confiance et en crédibilité auprès de ses partenaires commerciaux au niveau mondial et représente maintenant les intérêts communautaires et nationaux de façon plus judicieuse et cohérente. Bernadette Corbach va jusqu'à dire qu' « en pratique il semblerait que la Communauté soit l'unique membre du complexe global de l'OMC. »51 Si l'influence de l'Europe des 27 sur la formation de la position européenne à l'OMC est indéniable, le pouvoir d'un seul Etat membre, qu'il soit français ou allemand, reste lui très limité.

48 Cf. http://eiop.or.at/eiop/texte/2004-014a.htm Leal-Arcas Rafael, The EC in the WTO : The three-level game of decision-making. What multilateralism can learn from regionalism, European Integration online Papers Vol. 8, No. 14, consulté le 18/08/08, p. 10.

49 Cf. Siebold Dagmar, 2003, Die Welthandelsorganisation und die Europäische Gemeinschaft, ein Beitrag zur globalen wirtschaftlichen Integration, Duncker & Humblot, Berlin, pp. 229-235.

50 Corbach Bernadette V. I., 2005, Die Europäische Gemeinschaft, ihre Mitgliedstaaten und ihre Stellung in ausgewählten internationalen Organisationen, Ed. Logos, Berlin, p. 114.

« Faktisch erscheint es, als ob die Gemeinschaft alleiniges Mitglied des Gesamtkomplexes WTO sei. » in

Op. cit. p.120.

51

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1.3. Pourquoi l'Etat membre s'efface ?

Compétence partagée, compétence exclusive

La compétence partagée est, comme son nom l'indique, une délimitation des pouvoirs où les Etats membres et la Communauté sont co-décisionnaires. A l'inverse, dès que la Communauté jouit d'une compétence exclusive dans une politique, toutes les décisions sont entre les mains des institutions européennes. Les négociations à l'OMC sont l'un des champs d'action politique où les deux compétences coexistent. Cette particularité constitue en quelques sortes l'origine de la problématique de ce travail de recherche. Celui-ci s'intéresse plus précisément à l'analyse des limites du cadre de la politique commerciale commune à l'OMC. Les tentatives pour renforcer la base juridique et rendre cette politique plus cohérente ont été nombreuses. On vient de voir par exemple que l'article 133, modifié par le traité d'Amsterdam, a engendré un mode de prise de décision simplifié à l'intérieur de la Communauté. Le premier constat est que la Communauté jouit le plus souvent d'une compétence exclusive dans la prise de position dans les négociations.

Pour l'accord sur les échanges agricoles à l'étude, la compétence de la Communauté est exclusive. L'influence directe des Etats-membres sur le processus des négociations est donc bornée, tout comme celle des parlements nationaux et européen.52 Le Parlement européen accompagne néanmoins le processus des négociations de façon indirecte. Il peut ainsi adopter des résolutions ou tenir une audience au stade de la préparation de la position de mandat. Plus tard, le comité des relations commerciales extérieures du Parlement reçoit régulièrement des rapports de la Commission et du Conseil. Enfin, la procédure d'avis conforme requiert la majorité simple du Parlement européen au moment de la ratification, dans quelques domaines des négociations relevant de la compétence partagée. Le comité économique et social européen ne peut donner son opinion que sur demande. Comparé à cette implication minime, la Commission joue un rôle essentiel parce qu'elle doit représenter une Europe qui ne trouve presque jamais de position unanime sur le sujet de l'OMC.53 En effet, la Commission est obligée d'adopter une position commune en interne en cas de désaccord entre la Communauté et les Etats

52 Cf. troisième partie.

53 Cf. http://eiop.or.at/eiop/texte/2004-014a.htm Leal-Arcas Rafael, The EC in the WTO : The three-level game of decision-making. What multilateralism can learn from regionalism, European Integration online Papers Vol. 8, No. 14, consulté le 18/08/08, p. 10.

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membres. La Commission a plusieurs responsabilités : on la retrouve à l'OMC dans le rôle de représentant naturel, de porte-parole et de négociateur unique

Le rapport de force entre Etats membres et Union Européenne à l'OMC est réel. Cependant, peut-on dire qu'une compétence exclusive de la Communauté existe en pratique? Le rôle ambigu du Conseil ne permet pas de répondre entièrement à cette question. Pour reprendre la division en étapes chronologiques énoncée plus haut, on constate que la définition des objectifs et l'octroi du mandat se fait par le Conseil des ministres. Ensuite, la Commission européenne se charge de mener les négociations en tant que représentante du Conseil et en consultation avec le comité de l'article 133. La conclusion des accords et la ratification sont opérées par le Conseil, souvent sans l'intervention des parlements nationaux. La plus grande différence entre compétence exclusive et partagée concerne finalement le mode de vote. La prise de décision échoit à la majorité qualifiée lorsque la Communauté jouit d'une compétence exclusive. Dans le cas contraire, les ministres du Conseil et les parlements nationaux doivent approuver à l'unanimité les parties des accords relevant d'une compétence partagée. Quelque soit le mode de vote, la France et l'Allemagne ne peuvent faire l'économie d'une recherche d'alliance. Ce type de compromis systématique ne fait qu'affaiblir la position nationale. Constituer une majorité qualifiée ou son contraire, une minorité de blocage, sont deux actions qui occupent souvent Paris et Berlin et rappellent l'interdépendance du couple moteur franco-allemand. La position de l'Allemagne au sein du Conseil peut ainsi s'avérer déterminante pour la position française à l'OMC, comme l'explique Lütticken54. Face à des Etats membres dépendants, il affirme aussi que: « la conduite des négociations, le droit d'initiative et les différences d'opinion au Conseil ont donné à la Commission une certaine marge de manoeuvre »55.

Les Etats membres au sein de l'OMC/GATT

La politique commerciale commune confère à l'UE un comportement d'Etat-nation à part entière sur la scène internationale. L'Union est d'ailleurs membre de l'OMC aux côtés de ses 27 Etats membres. Cependant, il est ici nécessaire de s'arrêter sur un point détail

54 Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Nomos, Baden-Baden, p. 167.

« die Verhandlungsführung, das Iniativrecht und die inhaltlichen Differenzen im Rat gaben der

Kommission einen gewissen Handlungsspielraum » in Op. cit. p. 168.

55

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pour bien comprendre la faille juridique. Le fait de désigner l'Union Européenne comme membre de l'OMC reste juridiquement incorrect. 56. En effet, en se référant à la page internet de l'organisation57, seules les Communautés européennes figurent au rang des Etats membres. Elles existent depuis 1957 ; le nom complet du traité de Rome est en fait le traité instituant les communautés européennes. C'est un terme qui regroupe trois entités distinctes : la Communauté économique européenne (CEE), la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) et la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). Il n'en reste plus que deux communautés aujourd'hui58 mais dans la pratique, la CEE a toujours porté seule la compétence légale de l'action communautaire. L'unique problème est que ces trois communautés n'englobent toujours pas tout ce que représente l'Union Européenne59. Alors que l'UE devient davantage qu'une simple communauté économique en 1992, le traité ne lui prévoit pas de statut de personne morale de droit international, si bien qu'elle ne peut être membre de jure de l'OMC. Michèle Corbach ajoute que le traité de Lisbonne pourrait simplifier la situation juridique en réglant le problème de la personnalité juridique60. Le fait d'être une personne morale commerciale permettrait enfin à l'UE de remplacer la Communauté européenne à l'OMC.

Pour reprendre l'analyse de la place des Etats membres de l'UE, on s'aperçoit que la France et l'Allemagne n'ont pas vraiment le pouvoir de décision qu'ils désirent au sein de l'OMC. L'Europe doit en effet négocier ardemment avec ces partenaires et défendre une position qui a perdu en signification. En effet, le nombre de pays membres qui ne cesse d'augmenter atténue logiquement le pouvoir des grands blocs commerciaux tels que l'UE et complique la possibilité d'accord. Si l'antagonisme Etats-Unis / Union Européenne a marqué le dernier cycle de négociations61, le cycle actuel a laissé une place moins prépondérante à l'Europe dans les négociations. En effet, l'affrontement entre pays développés et pays en voie de développement, mis en exergue par l'agenda de Doha, a porté au devant de la scène l'Inde et les Etats-Unis, en laissant le second rôle à une

56Cf. Corbach Bernadette V. I., 2005, Die Europäische Gemeinschaft, ihre Mitgliedstaaten und ihre Stellung in ausgewählten internationalen Organisationen, Ed. Logos, Berlin, p.105

57Cf. http://www.omc-wto.com/organisation-etatsmembres.html, Organisation Mondiale du Commerce, consulté le 18/08/08.

58 La CECA, d'une durée de cinquante ans, n'existe plus officiellement depuis 2001.

59 L'Union Européenne, créée par le traité de Maastricht, n'est pas le nouveau nom de la communauté économique européenne mais un terme regroupant plusieurs groupes de politiques aux procédures législatives différentes. En plus du pilier des communautés (dont la PCC fait partie), l'UE se dote de deux autres piliers de politiques plutôt intergouvernementales, comme celle de sécurité ou des affaires judiciaires. 60Cf Corbach Op. cit. p.118. On notera que l`article 47 du traité de Lisbonne précise que: « L'Union possède une personnalité juridique ».

61 Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Ed. Nomos, Baden-Baden, p. 164.

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Europe divisée. Déjà lors du cycle d'Uruguay62, l'Europe n'avait pas réussi à parler d'une seule voix comme l'explique Florian Lütticken63. Cela fut de nouveau le cas aux dernières négociations de février 2008. Bien que la France ne souhaitait pas d'accord à Genève, on ne peut objectivement lui imputer l'échec des négociations.

Pour conclure, l'influence nationale pèche, tant au niveau communautaire qu'au niveau multilatéral. D'une part, le consensus, principe commun au régionalisme et au multilatéralisme, affaiblit toute position unilatérale, nationale. De l'autre, la Commission fait bon usage de sa marge de manoeuvre dans la conduite des négociations. Stephen Woolcock relève que « les détracteurs du processus décisionnel européen de la politique commerciale accusent la Commission Européenne de ne pas vouloir négocier sans mandat du Conseil et de n'être pas capable de négocier une fois le mandat obtenu, sous prétexte que celui-ci est rédigé de manière trop contraignante.»64 Pour renvoyer au débat sur l'indépendance de la Commission abordé en dernier lieu, on peut nommer ici un exemple. Il arrive que la Commission expose des « faits accomplis » aux Etats membres lors des débriefings à Genève : c'est-à-dire des compromis déjà négociés qui ne rentrent pas dans les termes du mandat que celle-ci a reçu65. Dans un autre style, « l'UE peut également faire des transferts pour s'assurer que l'accord négocié à la table internationale soit accepté par tous les Etats membres. »66 L'auteur évoque par là une certaine tractation sous forme de promesse d'aide financière compensatoire, dont la Communauté se sert pour sortir d'une impasse au Conseil de l'UE dans les négociations à l'OMC. Les pages suivantes tentent de d'examiner comment la France et l'Allemagne réagissent face à ces « débordements » de la Communauté et à la menace de leur souveraineté nationale ?

62 Les négociations à l'OMC s'effectuent par cycle, celui d'Uruguay étant le dernier en date (1986-1994) et le plus vaste. Il déboucha sur la conférence de Marrakech instituant l'OMC.

63 Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Ed. Nomos, Baden-Baden, p. 167.

64 « Critics of the EU decision-making in trade policy have accused the European Commission of being unwilling to negotiate without a mandate from the Council and unable to negotiate once it has a mandate, because the mandate is so tightly drafted. » in Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, p. 205.

65 Cf. Lütticken Op. cit. p. 168.

« The EU may also use side payments in order to help ensure that all Member States accept the deal that

has been negotiated on the international table » Woolcock, Op. cit. p. 210.

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2 La France et l'Allemagne: quelles différences pour quelles influences?

L'Allemagne et la France ont toujours été au coeur du processus de construction et sont souvent perçues comme un moteur européen. Ces deux nations influentes n'en sont pas moins très différentes. Ce couple mixte à l'origine de l'aventure supranationale se prête donc parfaitement à une analyse globale de l'influence des Etats membres dans l'Union européenne. L'Allemagne fédérale et la France centralisée sont le sujet de cette partie qui aborde la coordination de la politique commerciale commune dans le secteur de l'agriculture à l'échelle nationale. Après avoir constaté l'autorité limitée des Etats membres de l'UE dans le chapitre précédent, on peut se demander si les particularités nationales ne permettent pas de compenser ce désavantage ? L'enjeu est ici de considérer les différences de culture politique pour analyser leur impact. Outre la confrontation des deux modèles, il est aussi question de la façon dont la France et l'Allemagne influencent les institutions européennes. On s'aperçoit que la politique commerciale extérieure, d'abord coordonnée au niveau national, ne prend pas le même sens dans les deux pays et que les différences de culture politique n'ont, en fin de comptes, pas de réelles conséquences dans la coordination de la PCC à Bruxelles67.

2.1. L'Allemagne fédérale et plurielle

L'Allemagne a un lien particulier avec la construction européenne. Le projet européen fait presque partie de la culture nationale, comme en témoigne la Loi fondamentale:

Article 23 [L'Union Européenne] :

«Pour l'édification d'une Europe unie, la République fédérale d'Allemagne concourt au développement de l'Union Européenne qui est attachée aux principes fédératifs (...) ainsi qu'au principe de subsidiarité»68

Cet article 23, base de la coopération entre l'Union Européenne et la Fédération allemande, donne à penser que la République fédérale et l'UE ont une structure fédérale

67 Bruxelles est ici utilisée dans ce mémoirecomme une métonymie car c'est le centre symbolique du pouvoir communautaire.

68 «Artikel 23 [Europäische Union] Zur Verwirklichung eines vereinten Europas wirkt die Bundesrepublik Deutschland bei der Entwicklung der Europäischen Union mit, die (...) föderativen Grundsätzen und dem Grundsatz der Subsidiarität verpflichtet ist » Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland, 2006, Bundeszentrale für politische Bildung, Bonn, p. 23.

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similaire et qu'elles poursuivent les mêmes buts de démocratie, de respect du principe de subsidiarité, etc. On parle alors dans ces systèmes de gouvernance à plusieurs niveaux d'une forte interaction entre le niveau local, régional, national voire supranational comme ici l'Europe. Il n'est donc pas étonnant de constater que ces deux processus de formation d'entité européenne69 et fédérale allemande remontent à une même période d'après-guerre. Martin Hüttmann illustre le fédéralisme en le comparant à un jeu de poupées russes70 . Il fait le parallèle entre l'imbrication des niveaux de gouvernance et de compétence et les différentes poupées qui s'emboîtent les unes dans les autres. Cette image résume bien la relation entre les différents niveaux que l'on retrouve en Europe et encore davantage en Allemagne. Le voisin germanique aurait-il pour autant une longueur d'avance sur la France, sous prétexte qu'il forme une fédération?

La politique européenne en Allemagne est une politique nationale où les niveaux fédéral et fédéré71 entrent en concurrence.72 Cependant, la compétence législative pour la politique à l'étude a depuis longtemps quitté les niveaux régionaux ou nationaux. Par exemple, le Bund comme les Länder ne gardent qu'une influence indirecte sur les négociations de l'OMC à Genève car celles-ci relèvent du commerce extérieur, depuis longtemps l'affaire de la Communauté. Cela ne signifie pas que la fédération ou les Länder n'ont pas de moyens d'influence dans la politique commerciale commune. En effet, les représentations de la Fédération ainsi que les seize représentations des Länder jouent un rôle capital de communication et de lobbying dans la capitale belge73. Le caractère fédéral de l'Allemagne devrait logiquement lui conférer un avantage sur la scène européenne. Cependant, si elle garde une place particulière dans l'Union du fait de sa taille et de sa situation géographique, l'Allemagne rencontre les difficultés liées à cette même structure fédérale. Le principe de subsidiarité, inhérent à sa constitution, engage dans la pratique un impératif de vote consensuel. La position allemande doit par exemple être approuvée par plusieurs bureaux concernés dans plusieurs ministères, avant chaque intervention dans les formations du Conseil.

Il arrive parfois que les ministères fédéraux, ces représentants d'intérêts divergents, n'arrivent pas à s'entendre sur des sujets sensibles. Il est facile de s'imaginer que le ministère de la coopération défende une position diamétralement opposée à celle du

69 On ne peut pas encore parler de réel projet constitutionnel européen dans les années 50.

70 Cf. Hüttman Martin G., 2005, Wie europafähig ist der deutsche Föderalismus? in Aus Politik und Zeitgeschichte , mars 2005, no. 13-14, p. 27.

71 En allemand on distingue la Fédération : le Bund des Etats fédérés ou Etats-régions ; en allemand : les (Bundes-) Länder (Land au singulier).

72 Cf. Hüttman Op. Cit. p. 27.

73 Cf. la dernière sous-partie portant sur le lobbying.

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ministère de l'agriculture. Un des terrains de discorde est par exemple l'accord sur l'agriculture à l'OMC. Tandis que l'un (le ministère de la coopération) prend fait et cause pour les pays du Sud et leur développement, l'autre se pose en défenseur des intérêts des agriculteurs allemands en essayant entre autres de limiter leurs pertes d'accès aux marchés74. Si un tel conflit d'idées persiste et si les fonctionnaires allemands ne sont pas parvenus à un compromis minimum, le délégué de la république fédérale ne sera pas autorisé à s'exprimer dans les forums européens. Ce silence peut très fortement nuire à l'influence et à l'image du pays dans l'Union, d'autant plus que beaucoup d'autres Etats membres ne sont pas concernés par ce problème. Le processus de prise de décision collégiale de l'Allemagne l'empêche de réagir rapidement dans la procédure de préparation des initiatives de la Commission. Lorsque celle-ci lance des consultations75, les fonctionnaires allemands tardent parfois à émettre un avis sur les desseins communautaires. Comme l'explique le Conseil d'Etat76, l'une des clés du succès des intérêts nationaux réside justement dans la capacité à influencer très tôt la Commission européenne.

...a su tirer les leçons de son histoire

L'autre inconvénient de la coordination allemande est qu'elle n'est pas centralisée. Il n'existe pas vraiment d'équivalent allemand au secrétariat général des affaires européennes français. Certes la chancellerie représente un niveau de décision supérieur au niveau ministériel mais la plus grande partie des décisions se prend au niveau du chef de service77. Dans leur ouvrage technique, Anja Thomas et Wolfgang Wessels expliquent ainsi qu': « en règle générale, l'accord interministériel doit avoir lieu au niveau des chefs de service. Si celui-ci n'est pas possible entre les experts techniques, les sous-directeurs voire les directeurs sont alors informés du processus. » 78 Pour résumer, la

74 Défendre l'agriculture nationale revient à favoriser l'exportation de produits agricoles en cherchant à diminuer les barrières douanières dans les pays du Sud et à maintenir une barrière douanière domestique suffisante pour les produits agricoles qui restent sensibles (à la concurrence).

75 Cf. supra les non-papers de la Commission dans le paragraphe sur la description de la relation entre les institutions européennes en matière de politique commerciale commune concernant les accords de l'OMC

76 Cf. Rapport public du Conseil d'Etat 2007, jurisprudence et avis de 2006 - L'administration française et l'Union européenne: quelles influences? Quelles stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, pp. 297-317.

77 Dernier échelon de l'organisation ministérielle, on emploie également le terme de chef d'unité ou de bureau.

78 « Im Regelfall soll die interministerielle Einigung auf der Ebene der Referatsleiter stattfinden. Ist dies auf der Arbeitsebene nicht möglich, werden zunächst die Unterabteilungsleiter bzw. Abteilungsleiter mit dem

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coordination d'une politique européenne comme celle du commerce extérieur prend davantage de temps et concerne davantage de personnes que dans la plupart des autres Etats membres de l'UE. En marge des réunions du comité de l'article 133, le gouvernement fédéral organise une réunion préparatoire au siège du ministère fédéral de l'économie, responsable de la coordination à l'échelle fédérale.79 Cette réunion quasi-hebdomadaire prépare la position allemande défendue plus tard à Bruxelles. Le but de la réunion est de fournir au représentant allemand des éléments de parole lors du comité 133. Il s'agit donc d'arrêter une position commune à plusieurs services compétents des ministères fédéraux. C'est la première étape technique de recherche de consensus. Le cheminement de ses ébauche de directives est long et les révisions sont monnaie courante, bien que le tout se fasse électroniquement. Chaque document doit être cosigné par plusieurs services, qui comptent parfois plus de dix personnes. Voilà encore un processus qui s'avère coûteux, sans oublier que ces réunions par visioconférence sont parfois le théâtre de confrontations d'ordre politique plus que technique

L'Allemagne possède donc une constitution très fonctionnelle et de nombreux garde-fous démocratiques. Par ailleurs, un autre principe énoncé dans l'article 23 la caractérise: le principe de subsidiarité. La position allemande peut ainsi varier sensiblement en fonction de la personnalité du fonctionnaire qui représente la Fédération à un moment donné. Il n'a d'ailleurs que peu de comptes à rendre à sa hiérarchie, comparé à son homologue français. Pour conclure, les principes du pluralisme de l'Allemagne limitent quelque peu sa rapidité de fonctionnement. Cependant, autant la Fédération que les Länder compensent cette démocratie peu accommodante par une expérience du lobbying et de la représentation d'intérêts80. Les Länder ont par exemple pignon sur rue dans la capitale européenne comme en témoigne la représentation de l'Etat-libre de Bavière. Elle est située à deux pas des institutions et porte le surnom évocateur du château allemand le plus célèbre. Le pays n'est donc pas réellement défavorisé par sa constitution et la délégation allemande est toujours bien voire parfois mieux représentée81 dans les affaires du commerce extérieur que celles d'autres Etats-membres moins riches.

Vorgang befasst ». Thomas Anja, Wessels Wolfgang, 2006, Die deutsche Verwaltung und die Europäische Union, Berlin-Brüssel-Berlin, BAKÖV, Brühl, p. 163.

79 Les considérations faites dans la fin de ce paragraphe s'appuient sur mon expérience pendant le stage.

80 Les Länder ont depuis toujours une représentation à la Fédération dans la capitale allemande.

81 Cf. Conseil d'Etat, Jurisprudence et avis de 2006, rapport public 2007,- L'administration française et l'Union européenne: quelles influences ? Quelles stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, p. 297.

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Le comportement de l'Allemagne en matière de relations internationales suit quelques principes relevés par Florian Lütticken.82 Il évoque en effet des éléments de l'identité allemande assez caractéristiques. Tout d'abord, il y a dans la culture politique un impératif du « jamais tout seul » qui dissimule à la fois une peur de l'isolation et de l'idée d'un Sonderweg allemand (voie singulière). Il y a ensuite un penchant naturel fédéraliste qui se traduit par une certaine capacité d'alliance et une sympathie envers la construction européenne. L'Allemagne se distingue enfin par un légalisme83 très développé et une prédisposition au rôle de relais transatlantique. Outre l'influence du passé84, Florian Lütticken décrit l'importance considérable du regard extérieur (venant principalement de Washington et de Paris) comme une caractéristique de la politique extérieure allemande. Celle-ci est cependant coincée entre deux volontés antagonistes. Le pays ne peut jouer son rôle de porte-parole de l'intégration européenne (du fait de sa situation en Europe) que jusqu'à un certain niveau ; sa volonté est limitée par une autocensure dont elle a hérité de son histoire. Ce dernier point fait de l'Allemagne une puissance malgré elle. Cependant elle prend sa fonction très à coeur dans l'orchestre mondial : elle s'efforce de limiter la partie destinée aux solistes pour ne pas compromettre la symphonie multilatérale.

2.2. La France

centralisée et unie

La France n'a pas la même tradition que sa voisine allemande car l'histoire de son unité territoriale démocratiquement gouvernée est beaucoup plus ancienne. Il y a ainsi une plus grande présence de traditions de culture politique, certaines ayant même traversé les siècles. La dichotomie fédéralisme/centralisme, constante de l'analyse du franco-allemand, s'applique également à la coordination de la politique du commerce extérieur. Le type de coordination à la française respecte par exemple moins le principe de

82 Pour ce paragraphe: Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Nomos, Baden-Baden, p. 106.

83 attachement excessif à la lettre de la loi. Cf. http://www.cnrtl.fr/definition/ Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, consulté le 24/06/08.

84 L'attitude qui consiste à apprendre de ses erreurs est très présente dans la culture politique allemande. Cf. Op. cit. , p. 106.

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subsidiarité, ce que l'on induit à la structure centralisée du pays. On note en effet que les décisions concernant une même question seront très souvent prises en Allemagne à un niveau hiérarchique inférieur par rapport à la France. Les ministères ont davantage de responsabilités dans le processus de la coordination de la PCC outre-Rhin, alors qu'en France, le chef d'Etat ou son premier ministre garde un pouvoir de décision sur quasiment toutes les affaires des négociations sur l'agriculture à l'OMC.

Jean-Marie Paugam expose85 quelques caractéristiques de la coordination nationale française. Sa première remarque concerne l'attribution des compétences. Le domaine des affaires du commerce extérieur, partie inhérente de la politique étrangère, est en France dirigé principalement par le président de la République. Si la constitution ne lui confère pas davantage de pouvoir que son gouvernement dans ce domaine, l'usage a consacré les affaires étrangères comme un domaine réservé86 du Président. La seconde entité administrative qui influence la politique commerciale extérieure est la Direction des Relations Extérieures Economiques, dirigée par la secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Cette DREE, basée au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, est au centre d'un système de coordination dans lequel plusieurs ministères rentrent en compte. On retrouve par exemple le ministère de l'agriculture en charge de la défense des intérêts de l'agriculture française, dans le cadre des négociations multilatérales sur les échanges agricoles. Au dessus de ce niveau d'expertise technique se situe le Secrétariat Général du Comité Interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI). Il a pour mission principale de trancher la position française dans toutes les négociations à l'OMC. Bien que ce secrétariat soit dirigé par le cabinet du premier ministre, le Président de la république garde son influence ; c'est à lui qu'appartient la décision finale en cas de conflit entre les ministères. La France a hérité d'une tradition de prise de décision plus unilatérale que collégiale. Elle jouit par conséquent d'une très grande rapidité de réaction face aux projets de la Commission européenne.

La politique extérieure française du siècle dernier se différencie aussi clairement de celle de sa voisine.87 L'élément principal qui la caractérise est sa conviction de faire partie

85 Cf. http://www.wto.org/english/res e/booksp e/casestudies e/case14 e.htm Paugam Jean-Marie, The Road to Cancún: the French Decision-Making Process and WTO Negotiations, consulté le 02/05/08, pp. 2-3.

86 Terme inventé en 1959 par Jacques Chaban-Delmas. Pour plus d'informations sur la notion de domaine réservé : Cf. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/cohabitation/domaine.shtml, La Documentation française, Le domaine réservé, consulté le 25/08/08.

87 Concernant les deux paragraphes suivant: Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Nomos, Baden-Baden, pp. 158-159.

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des grandes puissances. L'idée d'une troisième force européenne88, contre-pouvoir face à l'Amérique et la Russie, a accompagné la pensée politique française depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Il en est de même pour ce qui est du désir de préserver la France en tant qu'Etat-nation-patrie. Il existe deux discours opposés qui veulent maintenir la France au rang des grandes nations et qui donnent pour cela un rôle à l'Allemagne. D'un côté, les partisans de l'intégration Européenne prônent le recours à l'alliance (principalement avec l'Allemagne) en tout point salutaire. D'autres pensent en revanche que l'Europe fait perdre son intégrité à la France. On remarque ici que la conviction d'être une grande nation française va de pair avec un constat de menace du rayonnement national. On comprend alors mieux pourquoi la volonté d'auto préservation est l'une des caractéristiques de l'attitude française sur la scène internationale. L'idée d'une troisième force mondiale européenne, plus récente, est née au sortir de la deuxième guerre mondiale. Dans une atmosphère de guerre froide, la France, comme d'autres nations européennes, a vu dans l'Europe un rempart à l'expansionnisme américain et soviétique. Après la chute du mur de Berlin, cette conception ne s'applique bien sûr plus qu'aux Etats-Unis. Enfin le combat pour la préservation de la France, en tant qu'élément identitaire, se retrouve dans plusieurs champs politiques. Cette argumentation peut être en effet utilisée dans un contexte économique, culturel ou encore juridique. L'idée de défense de l'identité nationale se traduit le plus souvent par un refus d'abandon de souveraineté nationale. L'inverse, c'est-à-dire un transfert de souveraineté nationale vers le niveau communautaire, n'est pas exclu par ses défenseurs de la France, mais il doit toujours se faire dans un but de garantir les intérêts de la France, ici européenne89.

Les considérations sur le comportement de la France et l'Allemagne en matière de politique extérieure permettent de mieux comprendre les positions des deux pays dans les négociations sur les échanges agricoles à l'OMC. L'élément de la préservation de l'identité française exposé par Florian Lütticken90 s'applique également aux négociations de l'OMC. Ainsi, l'un des grands débats du dernier cycle a opposé les Etats-Unis et l'UE (principalement la France). Ce différend dans le domaine des services trouvait son origine dans la volonté du maintien d'une exception culturelle française. Parallèlement, au niveau agricole, il a toujours été question de préserver l'agriculture authentique et historique d'une

88 Pour plus de détails sur cette notion: Cf. Blum Léon, La Troisième Force européenne in Le Populaire, 6 janvier 1948.

89 Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Nomos, Baden-Baden, p.159.

90 Dans le texte: die Bewahrung Frankreichs; pour le paragraphe suivant également: Cf. Ibid., pp. 158-161.

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France nommée profonde. Ce concept jouit d'une longue tradition en France et donne à penser que le commerce des biens agricoles ne doit pas être considéré comme celui des biens industriels. A ce sujet, Jacques Chirac, alors président de la République française, fit la remarque suivante en juin 2003: « il est essentiel de rappeler que l'agriculture ne se réduit pas au cadre commercial dans lequel les négociations internationales prétendent trop souvent l'enfermer »91. On identifie ici une constante de la politique de la France qui se décline dans le secteur primaire comme dans le tertiaire.

Il existe cependant un argument économique qui conforte la position conservatrice de la France. L'agriculture y est incontestablement plus importante qu'en Allemagne. En termes de produit national brut par exemple, l'agriculture représente 2,2 %, contre 0,8% pour l'Allemagne et en termes d'emplois, les agriculteurs représentent 4,1% de la population active pour seulement 2,2% outre-Rhin.92 Le secteur primaire a donc beaucoup plus de poids et de défenseurs dans l'hexagone. Tant au niveau Européen avec la réforme de la PAC qu'au niveau mondial avec les négociations du cycle de Doha, l'enjeu est la réduction du soutien financier porté aux agriculteurs. C'est alors pour soutenir un secteur significatif de son économie que la France adopte une position conservatrice dans les forums internationaux. Son but est souvent de conserver un statu quo qui lui est favorable.

...dans son combat contre le « libéralisme anglo-saxon »

Enfin, l'attitude de la France et de l'Allemagne face au libéralisme permet de mieux comprendre leur position respective. Le protectionnisme en tant que pensée économique peut compter en France sur un soutien populaire plus important que dans les autres grandes économies nationales.93 Ce protectionnisme économique rencontre une très forte volonté de préserver l'Etat, la nation et la patrie française. On peut effectivement faire le parallèle entre le conservatisme dans le domaine économique et le domaine social ou encore culturel. Florian Lütticken explique que le concept de protectionnisme rejoint celui de l'anti-américanisme. Les trois éléments identitaires de la France en matière de relations

91 http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais archives/interventions/discours et declarations/2003/juin/all ocution du president de la republique devant le congres mondial des jeunes agriculteurs.3343.html , Archives de la présidence de la république française de M. Jacques Chirac, Allocution du Président de la République devant le Congrès mondial des jeunes agriculteurs, 13 juin 2003, consulté le 11 juillet 2008.

92 Source CIA: https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/xx.html Central Intelligence Agency, The World FactBook, consulté le 11 juillet 2008.

93 Pour ce paragraphe: Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Nomos, Baden-Baden, p. 162-163.

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internationales sont quelque part liés l'un à l'autre. La préservation de la nation, la perception de la France comme une grande puissance et la vision de l'Europe comme une troisième puissance mondiale se retrouvent dans la lutte contre une mondialisation anglo-saxonne94. Ce scepticisme français à l'égard de la mondialisation dans les négociations à l'OMC est soutenu par une majorité d'électeurs français qui pensent qu'il en va d'une atteinte à l'identité nationale. La position française reflète ainsi davantage une volonté populaire de défense nationale que des intérêts sectoriels réels de l'économie nationale.

Par rapport à la France, l'Allemagne apparaît relativement moins conservatrice dans les négociations à l'OMC sur l'agriculture. Il y a plusieurs explications à cela. La première est que l'Allemagne a développé une méfiance du protectionnisme économique, sans pour autant se ranger du côté du groupe des northern liberals (groupe des libéraux du nord qui comprend principalement le Royaume-Uni, les pays scandinaves, et quelques nouveaux Etats membres de l'UE). Toujours d'après Florian Lütticken95, ce scepticisme à l'égard du protectionnisme a avant tout une explication morale. En effet, l'Allemagne a la certitude que le protectionnisme économique est très nuisible aux économies du tiers-monde ainsi qu'aux pays voisins de l'UE. S'ajoute à cela un argument historique déjà mentionné ici : le poids représenté par le passé, dont il faut en permanence se démarquer. Le protectionnisme européen des années vingt-trente est perçu en Allemagne comme l'une des causes du troisième Reich et de la deuxième guerre mondiale. On pourrait aller jusqu'à dire que l'Allemagne a autant peur du protectionnisme que la France a peur du libre-échange. Pour finir, la structure économique de l'Allemagne est telle que son secteur secondaire est très développé. L'Allemagne, qui n'est plus le premier exportateur mondial que depuis peu, voit la libéralisation des échanges d'une manière positive. Elle a beaucoup d'intérêts offensifs dans les négociations à l'OMC. Plus les marchés s'ouvrent, plus elle a de possibilités pour vendre ses automobiles ou ses fromages96.

Pour conclure, l'une des principales différences entre l'Allemagne et la France est l'importance qui est donnée à l'opinion des puissances étrangères alliées dans la formation de la volonté politique nationale. De la même façon, une des grandes

94 Eine Angelsächsische Globalisierung: in Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Nomos, Baden-Baden,p. 162.

95Cf. Ibid. p. 110.

96 L'Allemagne est, contrairement à la pensée commune, le premier exportateur mondial de fromage. Cf. http://www.bmelv.de/cln 044/nn 754188/DE/12-Presse/Pressemitteilungen/2008/113-MUE-Kaeseexport. html nnn=true Müller Gerd, secrétaire d'Etat parlementaire du Ministère fédéral allemand de l'alimentation, de l'agriculture et de la protection des consommateurs, communiqué de presse No. 113, consulté le 11 juillet 2008.

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divergences se matérialise dans la relation avec les Etats-Unis.97 La France fait preuve de beaucoup plus d'anti-américanisme que l'Allemagne. La perception de l'Europe comme troisième puissance, beaucoup plus présente dans l'hexagone, permet d'expliquer cette méfiance. La France, qui adopte très souvent une position radicale face aux Etats-Unis dans les négociations à l'OMC, cherche à obtenir également l'approbation d'une majorité d'Etats membres au niveau Européen. L'Europe a donc une fonction équivoque dans l'argumentation française. Elle représente d'un côté une menace pour l'intégrité de la France mais est également perçue comme un rempart à l'américanisme et une réponse aux menaces qu'il représente. Cet anti-américanisme, qui rassemble les différentes tendances politiques, a été notamment partagé par l'ancien président de la république française François Mitterrand. Dans une adresse au président Bush, il clarifiait que : « La France n'est prête ni à s'incliner devant les demandes américaines ni à se soumettre aux intérêts de quel pays que ce soit, elle ne cèdera pas »98. La France développe donc deux argumentations concurrentes vis-à-vis de l'Allemagne. Si les défenseurs de l'intégration Européenne voient dans la recherche de consensus avec le voisin germanique une solution aux menaces pesant sur la France, les eurosceptiques considèrent toute influence étrangère comme une menace pour les intérêts nationaux.

2.3 L'autre façon d'influencer

Après le constat d'une influence limitée, il convient de s'intéresser aux réponses stratégiques des Etats membres de l'Union Européenne. Comment la France et l'Allemagne parviennent-elles à défendre leurs intérêts et que signifie le terme « reflexe99 » européen? Les paragraphes suivants décrivent et analysent les diverses stratégies d'influence mises en place par les deux pays. Pour la partie française, les réflexions se

97 Ce dernier point pourrait être contesté par la politique d'ouverture diplomatique lancée par l'actuel président français : Nicolas Sarkozy.

98 « France is not ready to bow to American demands nor to submit to the interests to any other country, and will not give away ». Interview pour le Financial Times, édition du 16 Janvier 1992.

99 Cf. Rapport public du Conseil d'Etat 2007, jurisprudence et avis de 2006 - L'administration française et l'Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, pp. 334-346.

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basent sur un document officiel récent100 abordant la question de la stratégie européenne. Les considérations générales qu'il contient trouvent une résonance toute particulière dans le domaine de la PCC. Ce rapport relève plusieurs solutions qui s'offrent aux Etats-nations menacées. Il y est dit par exemple que la France aurait tout intérêt à anticiper, c'est-à-dire à proposer et réagir, au tout début du processus de formation des propositions de la Commission. C'est d'ailleurs dans cette intention que l'administration française prépare en permanence des analyses d'impact. Ensuite il s'agirait de bien négocier ses positions. Cela veut dire principalement savoir s'appuyer sur des alliances diplomatiques et la société civile. C'est l'idée que les positions consensuelles ont davantage de chance de convaincre que celles où la population nationale est divisée. En effet, le rapport note que toute action doit être conséquente : « l'influence repose aussi sur la convergence des actions et des positions avec certains de nos partenaires, avec les milieux concernés et avec les autorités administratives indépendantes compétentes. »101

On comprend alors le point de vue de Jean-Marie Paugam102 quand il affirme que les Etats membres doivent en permanence s'adapter au jeu multilatéral. Il rappelle également que la France se doit de construire avec les autres pour assurer sa défense personnelle103 au sein du comité 133. La perception française du rôle d'un Etat membre dans la politique commerciale commune est claire. Sylvain Lambert104 avise qu' : «il [son rôle] n'est pas de remplacer le négociateur européen mais de nuancer ses arguments, lui rappeler les priorités et d'indiquer ses propres lignes rouges105»106. Paugam ajoute qu'une bonne relation avec la Commission reste indispensable pour imposer son point de vue. Parallèlement, le lobbying serait d'après lui primordial. A ce sujet, les groupes d'intérêts auraient tendance à se focaliser sur leur relation avec Bruxelles. Plus précisément, il indique que les intérêts offensifs d'un Etat membre seraient principalement représentés à Bruxelles, alors que ces intérêts offensifs seraient aussi bien discutés dans la capitale européenne que dans la capitale nationale. Voilà peut-être une raison pour laquelle les Etats membres de l'UE sont souvent perçus comme plutôt conservateurs. L'auteur conclut par la position conservatrice de l'Europe dans les négociations sur l'agriculture à l'OMC,

100 Pour la fin de ce paragraphe : Cf. Rapport public du Conseil d'Etat 2007, jurisprudence et avis de 2006 - L'administration française et l'Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, 432 p.

101 Cf. Ibid. p. 317.

102 Pour l'argumentation de ce paragraphe : Cf. http://www.wto.org/english/res e/booksp e/

casestudies e/case14 e.htm Paugam Jean-Marie, The Road to Cancún: the French Decision-Making Process and WTO Negotiations, consulté le 02/05/08. 11 p.

103 Protéger ses intérêts défensifs (dans l'agriculture par exemple).

104 Un haut fonctionnaire du ministère de l'agriculture et de la pêche français.

105 Limites non négociables.

106 Paugam, Op. cit. p. 3.

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qui s'expliquerait par les standards élevés de son agriculture. Ceci aurait une conséquence inévitable : les produits européens qui arrivent sur les marchés ne sont généralement pas compétitifs.

La politique agricole commune a été créée pour compenser ces standards élevés de production de l'agriculture européenne. Les gouvernements nationaux de pays agricoles107 tentent donc tant bien que mal de la préserver108 dans les négociations multilatérales sur les échanges agricoles. Le manque de lobbying de la part des Etats membres et des entreprises européennes ferait que l'ordre du jour des négociations demeure très défavorable à l'UE.109 En effet, les 153 Etats membres se retrouvent à discuter en priorité de l'agriculture, des produits industriels et puis des services110 alors qu'un ordre inverse serait beaucoup plus profitable à l'UE. On est en droit d'objecter que les groupes d'intérêts, très efficaces et présents à tous les niveaux de prise de décision européenne111, compensent largement le manque d'influence exposé jusqu'ici. Il y a là un contre-argument valable. Cependant, la question du lobbysme doit être approfondie. Ce que l'Etat ne fait pas, les lobbys s'en chargent. Mais est-ce la même chose pour les citoyens? A-t-on trouvé là le meilleur moyen d'imposer un intérêt national ? Et surtout, dans quelle mesure ce cette représentation d'intérêts est-il démocratique?

Certes, les groupes d'intérêts, issus de la société civile, reflètent fidèlement les intérêts des personnes et des entreprises nationales mais leur importance autant que leurs pratiques restent discutables. S'il est facile de blâmer les groupes de pressions qui défendent des intérêts purement économiques, les lobbys d'intérêts non commerciaux et les organisations non-gouvernementales (ONG) sont tout aussi controversées.112 Bernadette Corbach explique comment : « la légitimité de tels groupes est (...) elle-même discutable ».113 Premièrement, ces demandeurs de transparence ou d'une plus grande participation en matière de politique commerciale internationale ne sont eux-mêmes pas élus, contrairement aux représentants des gouvernements nationaux qui négocient les accords. Sont-ils ainsi de vrais représentants ? Devant quels citoyens sont-ils

107 Comme la France ou l'Irlande (la position de l'Allemagne étant un peu plus nuancée).

108 La ligne rouge de l'UE dans les négociations a été d'éviter que les accords engendrent une nouvelle réforme de la PAC.

109Cf. http://www.wto.org/english/res e/booksp e/casestudies e/case14 e.htm Paugam Jean-Marie, The Road to Cancún: the French Decision-Making Process and WTO Negotiations, consulté le 02/05/08. 11 p

110 La question des services a été abordée lors d'une seule journée.

111 Cf. Tableau récapitulatif du cheminement d'une décision européenne, de l'idée à l'initiative formelle in: Rapport public du Conseil d'Etat 2007, jurisprudence et avis de 2006 - L'administration française et l'Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, p. 364.

112 Pour ce point : Cf. Corbach Bernadette V. I., 2005, Die Europäische Gemeinschaft, ihre Mitgliedstaaten und ihre Stellung in ausgewählten Internationalen Organisationen, Ed. Logos, Berlin, p. 15.

« The legitimacy of such groups [the NGOs] (...) is itself questionable » in Ibid. p. 15.

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responsables ? Leur légitimité est grandement remise en question. Derrière les ONG, il y a souvent des donneurs d'ordres issus des pays du Nord qui se disent prêcher la cause des pays du Sud. Bernadette Corbach en fait le constat et illustre ses propos avec le problème du travail des enfants. Certaines organisations non-gouvernementales militent en effet pour faire rentrer les droits de l'Homme à l'OMC. Cela reviendrait par exemple à infliger des sanctions commerciales aux pays du tiers-monde enfreignant ces nouvelles règles d'ordre social. Cependant, les pays concernés, censés être représentés par ces ONG, sont souvent d'un avis contraire. Ils ne pensent pas que le fait d'ériger de nouvelles barrières économiques puisse servir à améliorer le sort de leurs citoyens.

L'influence des lobbys parfois regrettable bien qu'il soit légitime de donner la parole à des représentants d'intérêts économiques, dès qu'il s'agit de défendre des intérêts économiques nationaux. Le caractère exceptionnel des négociations de l'OMC entraînent des relations diplomatiques en conséquence. En effet, la constitution de réseaux peut s'avérer décisive114 tant au niveau de l'OMC qu'au niveau du comité de l'article 133. Ce networking est un autre mode opératoire non-officiel de la coordination de la politique commerciale extérieure, qui n'est pas vraiment transparent. Au niveau des Etats membres de l'UE, la circulation d'informations parfois capitales entre hauts fonctionnaires s'effectue souvent de manière indirecte grâce à un réseau de contact. Ces experts techniques ministériels utilisent également des moyens officieux pour faire pression sur leurs collaborateurs européens. La délégation française du Conseil sait par exemple bien se servir de la communication par courriel pour rallier d'autres Etats membres à leur cause, souvent défensive, en marge des réunions du comité de l'article 133.

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114 Cette remarque s'appuie sur des observations effectuées lors de mon stage.

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3. Améliorer l'influence nationale ou réformer l'OMC? La recherche d'une meilleure stratégie nationale.

L'objet de cette dernière partie n'est pas d'étayer une critique de la mondialisation ou de son visage institutionnel : l'organisation mondiale du commerce. Il serait d'ailleurs bien innocent de penser que cette organisation oeuvre au développement de la mondialisation. L'OMC est davantage son contraire. Il s'agit d'un organe qui tente de réguler une mondialisation des échanges galopante et de donner un cadre, pour l'instant trop frêle, à l'économie mondiale. C'est donc a posteriori que l'on essaye d'infléchir le cours d'un système globalisé et complexe pour le rendre profitable à tous. Le manque d'influence de l'Allemagne et de la France dans les négociations multilatérales sur les échanges agricoles a été prouvé. Cependant, le parti-pris de ce mémoire est aussi de démontrer la priorité d'une réforme de l'OMC sur la défense d'intérêts nationaux ou encore l'amélioration de l'influence nationale à l'OMC. En un mot, si réforme il y a, elle doit favoriser l'intérêt mondial, plus que l'intérêt national. Si l'intérêt mondial est presque indéfinissable en général, dans le cas des négociations de l'OMC cela pourrait être l'idée de recherche d'un développement humain et économique global et homogène Il s'agit avant tout de questionner la validité de cette proposition en partant des constats faits sur l'influence des Etats-membres de l'Union Européenne. C'est pourquoi une première hypothèse concernant le caractère non démocratique de l'influence nationale est développée. Pourquoi qualifier de non démocratique une organisation internationale qui fonctionne suivant le principe de l'unanimité ? Faut-il rappeler qu'un accord à l'OMC peut théoriquement échouer à cause du véto d'un seul des 153 Etats membres ?

3.1. Un mode de négociation imparfait

entre efficacité et démocratie

L'OMC est sûrement l'organisation internationale la mieux respectée au monde115. C'est avant tout pour cela qu'elle est d'un côté promise à un grand avenir et qu'elle suscite aussi un grand intérêt. En effet, le désir d'utiliser l'OMC comme un instrument de gouvernance

115 Il est ici fait référence au comportement du gouvernement fédéral américain au conseil de sécurité des nations unies à la veille de la dernière guerre en Irak par exemple.

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mondiale multilatérale est l'un des plus grands défis de la mondialisation. Cependant, c'est son mode de fonctionnement qui semble être contestable. Toute négociation est en effet problématique. L'OMC pose un problème de responsabilité, surtout dans le cas de la Commission Européenne où le négociateur a uniquement un rôle de représentant. Comme l'explique Louis Cartou, « [i]l appartient à la Commission d'instruire le dossier des négociations, de les préparer puis de les conduire sur la base des directives que lui fixe le Conseil »116. Quel est toutefois le véritable rôle de la Commission? Est-ce celui d'un simple exécutant? Les pages qui suivent présentent une critique de son mode de négociation entre efficacité et démocratie.

Toute négociation a un mode opératoire assez éloigné de tout processus démocratique. En effet, il faut tout d'abord arrêter une position dans le plus grand secret. Cela nécessite par exemple de définir une limite ou ligne rouge au-delà de laquelle tout accord éventuel sera inacceptable. Si cette limite est dépassée, le résultat est alors considéré comme le plus mauvais qui soit. Il s'agit ensuite de définir des objectifs (pour viser le meilleur résultat possible) sans aussi oublier de fixer une position intermédiaire, envisageant un résultat plausible et moyennement ambitieux. Dans le cas de la Commission, le fait de rendre public les limites d'un plan de négociations sur l'agriculture à l'OMC peut nuire considérablement à la position de l'Europe à Genève. C'est pour cela que la Commission ne peut se risquer à rendre certaines informations publiques, de peur que les parties adverses en soient informées. En outre, mettre en évidence ses propres limites à la négociation lors du comité 133 reviendrait à s'attirer la colère des Etats membres les plus conservateurs. Il s'avère parfois contre-productif de divulguer un scénario très peu ambitieux qui n'aurait l'approbation d'aucun Etat-membre. Ces réflexions sont autant de pistes qui peuvent expliquer le manque de transparence dans la communication avec la Commission, qu'une majorité d'Etats membres de l'Union conteste.

Une autre particularité des négociations, propre à la PCC, vient ajouter au manque de transparence. On sait que la Commission européenne agit dans le cadre d'un mandat, rédigé de manière peu détaillée. Il arrive qu'elle s'aventure, comme on l'a vu, et négocie bilatéralement hors du mandat accordé117, toujours dans l'espoir d'obtenir une contrepartie plus satisfaisante sur un autre point des négociations. L'idée d'un équilibre, parfois subtil, doit être respectée pour que l'accord soit finalement acceptable par toutes les parties. Pourtant, aucun accord ne peut être parfait car cela impliquerait que chaque négociateur

116 Cartou Louis, 1994, L'Union Européenne: Traités de Paris-Rome-Maastricht, Ed. Dalloz, Paris, p. 558.

117 Cela c'est effectivement produit lors du dernier cycle de négociations : Cf. Lütticken Florian, 2005, Die europäische Handelspolitik in GATT/WTO. Nationale Außenpolitiken und ihr Einfluss auf die Handelspolitik der Europäischen Kommission am Beispiel der Verhandlungen zur Uruguay-Runde, Ed. Nomos, Baden-Baden, 214 p.

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obtienne le meilleur accord possible118. Il faut dans toute négociation envisager le meilleur pour obtenir l'acceptable. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre les mots Peter Mandelson: « l'alternative de ce qu'il y a sur la table, ce n'est pas un meilleur accord mais pas d'accord du tout »119. Comment peut-on dans ces négociations internationales préparer ses concitoyens à accepter des accords qui risquent d'être désavantageux?

Le cycle actuel de Doha s'est fixé comme objectif de favoriser le développement des pays du Sud. Les négociations actuelles sont à proprement parler asymétriques. Cette notion de partialité est difficilement acceptable pour les populations des pays développés. Les occidentaux reconnaissent mal l'importance du défi planétaire que représente le développement, surtout en période difficile de stagnation économique. La tâche de rassurer les citoyens européens et les institutions parlementaires, qui les représentent, sur ce qui ce trame à Genève peu paraître compliquée. Il paraît tout aussi difficile de les convaincre du bien-fondé même des négociations multilatérales sur les échanges agricoles120. Ce qui est à craindre, c'est le désintéressement des institutions parlementaires. En effet, moins les pouvoirs législatifs des Etats membres sont impliqués dans les négociations, plus ils risquent de ne pas cautionner les accords et récuser l'autorité de l'OMC, ce qui mettrait en péril la ratification des accords par leurs Etats membres.

Critique du Comité 133

Le Comité de l'article 133 fait l'objet de critiques diverses et plus ou moins fondées.121 La première renvoie au caractère clos des discussions. Cette critique est d'ailleurs un reproche général adressé aux institutions européennes que l'on accuse de manquer de transparence. Il est vrai qu'aucune des séances du comité de l'article 133 n'est publique. De plus, il est composé d'experts à qui l'on reproche souvent de n'avoir peu de

118 Cela étant mathématiquement impossible

119The alternative to what's on the table is not the perfect deal, but no deal at all in :

http://ec.europa.eu/commission barroso/mandelson/speeches articles/sppm138 en.htm Commission
Européenne, Opening remarks by Peter Mandelson to the meeting of WTO Ministers, Davos, Suisse, 27 Janvier 2007, consulté le 01/08/08.

120 Cf. Annexe 2 : Tableau sur les effets de la libéralisation sur l'agriculture respectant l'environnement.

121 Pour la critique du comité de l'article 133 : Cf. http://www.ecologic.de/download/projekte/1800-1849/1800/7 1800 cate eu trade policy.pdf , Klasing Anneke, Knigge Markus, 2005, Report on Trade, Environment, and European Trade Policy Development, consulté le 27/05/08, p. 7 et 8.

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considérations pour les préoccupations non commerciales122. En effet, les experts nationaux parviennent très bien à défendre leurs intérêts économiques mais manquent parfois de conscience politique. Anneke Klasing et Markus Knigge vont jusqu'à dire que ce comité manque de sagacité et de vision de ce qu'une grande stratégie de commerce extérieur européenne pourrait être.123 Il faut admettre que ces fonctionnaires nationaux ne sont très souvent pas habilités à outrepasser leurs compétences et que ce niveau d'expertise technique demeure subordonné aux niveaux politiques supérieurs (le COREPER et le Conseil des ministres). Cependant, le caractère très technique du comité nuit parfois à la Communauté dans les négociations à l'OMC. En effet, Lorenz Schomerus, chef-négociateur allemand du cycle de l'Uruguay, constate124 que les exposés au sein du comité de l'article 133 sont généralement dédiés aux intérêts sectoriels défensifs125 des Etats-membres. Il prend l'exemple du cycle de l'Uruguay, où tout débat de fond sur la pertinence d'un système de régulation ou de libre-échange resta absent des réunions du comité 133 ou du Conseil. Cela constitua alors un handicap pour la négociatrice européenne. La Commission dut ainsi souvent innover et agir de son propre chef dans les négociations à l'OMC.

En un mot, les instructions que la Commission obtient du comité de l'article 133 pour la négociation s'avèrent parfois trop techniques et éloignées des réalités d'une négociation commerciale intergouvernementale et multilatérale. Une autre critique se rapporte à l'influence de la Commission dans les réunions du comité 133. Klasing et Knigge126 expliquent que son expérience de la rédaction de propositions et des négociations à l'OMC lui confère une certaine autorité. Ainsi, les Etats membres ne réussissent généralement à changer les propositions de la Commission qu'au prix de gros efforts. Il s'avère alors primordial de chercher à créer une alliance d'Etats, correspondant à peu près à une majorité qualifiée, autour d'une proposition pour lui donner davantage de poids. Pour finir, la Commission jouit d'une autonomie relative pour le choix de tactique de négociation, ce qui ne manque pas d'inquiéter les Etats membres. Ils critiquent donc la trop grande indépendance de la Commission.

122 En anglais : non-trade-related issues. Il est ici question de standards sociaux ou environnementaux que l'on tente de lier (dans les accords de l'OMC) à la libéralisation des échanges dans le but de donner un caractère plus `humain' ou `renouvelable' à la mondialisation.

123 Cf. http://www.ecologic.de/download/projekte/1800-1849/1800/7 1800 cate eu trade policy.pdf ,
Klasing Anneke, Knigge Markus, 2005, Report on Trade, Environment, and European Trade Policy Development, consulté le 27/05/08, p. 7.

124 Pour la fin de ce paragraphe, Cf. Schomerus Lorenz, 2003, Die Uruguay-Runde: Erfahrungen eines Chefunterhändlers in KRAFT Gerhard/ Tietje Christian/ Sethe Rolf (éds.), Beiträge zum Transnationalen Wirtschaftsrecht, no. 19, Septembre 2003, Institut für Wirtschaftsrecht, Halle, pp. 8-9.

125 Des intérêts sectoriels défensifs sont des secteurs menacés (par la concurrence) d'une économie d'un Etat membres pour lesquelles il adopte une position conservatrice et défend un statu quo.

126 Cf. Klasing & Knigge, Op. cit., p. 7.

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3.2. Le déficit démocratique

au niveau communautaire: le concept de légitimité.

En évoquant le déficit démocratique, on ne peut éviter la notion de légitimité. Voilà un concept très populaire que l'on retrouve souvent dans les critiques de l'Union Européenne ou de l'OMC. Sophie Meunier127 relève d'ailleurs que ces dernières sont accusées d'être démocraticides128 par les détracteurs de la mondialisation. Qu'est-ce donc que cette légitimité ? Fritz Scharpf129 propose une définition dans laquelle il distingue l'idée de gouvernance130 par le peuple de celle de gouvernance pour le peuple. Il s'agit là d'une distinction faite entre la légitimité dans les processus politiques (input legitimacy) et la légitimité axée sur les résultats politiques (output legitimacy). Seul le point de vue diffère : d'un côté la manière, de l'autre ses résultats. On peut facilement appliquer ces considérations à la PCC. Une légitimité input traduit l'idée que le peuple est la seule source de souveraineté. C'est l'exemple d'une démocratie participative et transparente où les décideurs sont responsables devant leurs électeurs. De ce point de vue, la politique commerciale commune, décidée par des fonctionnaires de la Commission sans la participation des législatures nationales ni du parlement européen, ne peut être considérée comme légitime.

Par une légitimité de type output, on entend une capacité à trouver des solutions respectant l'intérêt public. Cette légitimité se traduit par des politiques bénéficiant effectivement au plus grand nombre. Le contraire serait une politique pour le moins redistributive131, favorisant un groupe de personnes au détriment de l'autre. La politique commerciale commune serait-elle donc légitime sous cet angle? Une fois de plus Sophie Meunier fait part de son scepticisme et explique que le commerce extérieur est une politique qui se définit comme redistributive. Les négociations commerciales font par nature autant de perdants que de gagnants. Un exemple flagrant est l'ouverture des marchés agricoles. Celle-ci désavantage fortement les agriculteurs français et bénéficient

127 Sur les questions de légitimité dans les trois paragraphes suivants : Cf. Meunier Sophie, 2003, Trade Policy and Political legitimacy in the European Union in Comparative European Politics, Mars 2003, Vol. 1, No.1 Palgrave Macmillan, Basinstoke, p. 74-76.

128 de mettre la démocratie en danger : democraticidal in Ibid., p. 73.

129 Pour les définitions : input/output : Cf. http://www.mpi-fg-koeln.mpg.de/pu/workpap/wp98-2/wp98-2.html , Scharpf Fritz W., Interdependence and Democratic Legitimation, MPIfG Working Paper 98/2, septembre 1998, Max Planck Institut, Cologne, consulté le 10/08/08.

130 Scharpf utilise plus précisément les expressions government by the people et government for the people.Ibid.

131 Meunier, Op. cit., p. 75.

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aux agriculteurs des pays émergents. La PCC semble sous cet aspect encore moins légitime. Pourtant, Sophie Meunier ajoute qu' : « à long terme, la légitimation de l'absence de barrières commerciales se justifie plus facilement que le protectionnisme »132. Ce dernier point doit être nuancé. Pourquoi ne pas penser en effet que les pays les moins avancés (PMA) ont besoin de protectionnisme pour rattraper leur retard de développement133 alors que le libéralisme économique reste essentiel aux pays émergents et industriels. Le protectionnisme peut se justifier dans certains cas. Il est difficile d'oublier par exemple que les Etats-Unis, comme d'autres grandes puissances commerciales mondiales, n'auraient pu atteindre leur niveau de développement actuel sans protectionnisme économique.

Si la politique commerciale commune ne paraît pas vraiment légitime, c'est peut-être parce qu'elle ne respecte pas intégralement le principe de subsidiarité. On a vu en effet que la distance entre le citoyen et le niveau de décision politique en matière de politique commerciale commune était particulièrement grande. L'explication est que les niveaux de gouvernance régionaux et multilatéraux se heurtent à un autre concept développé dans l'introduction : la souveraineté nationale. Sophie Meunier répond de la manière suivante : en faisant abstraction de l'échelle nationale, en considérant les européens comme des consommateurs, des travailleurs plus que des français ou des allemands, la politique commerciale commune se justifie davantage.134 Quoiqu'il en soit, le caractère démocratique de la PCC est sérieusement remis en cause et cela nuit à sa légitimité. Peut-on alors imaginer un autre mode de fonctionnement plus démocratique pour les négociations multilatérales sur les échanges commerciaux? Cela est peu probable, et c'est la raison pour laquelle ce travail de recherche opte pour une réforme globale des objectifs de l'OMC. Si l'on écarte la critique sectorielle (les négociations à l'OMC ne bénéficient pas à la totalité des secteurs de l'économie) un dernier problème subsiste : celui d'une critique plus large des négociations. Considérer les citoyens comme des consommateurs ne résout pas le problème de légitimité. Certains consommateurs refusent en effet que leurs conditions soient améliorées grâce aux négociations de l'OMC. Comment qualifier cette politique de légitime alors qu'une minorité en Occident refuse que l'on se batte pour leurs avantages, sous prétexte de répercutions néfastes pour d'autres populations moins développées quelque part sur le globe ?

132 « in the long run, the absence of restraints to trade may be easier to legitmize than protectionnism » in Sophie, 2003, Trade Policy and Political legitimacy in the European Union in Comparative European Politics, Vol. 1, No.1, Mars 2003, Palgrave Macmillan, Basinstoke, p. 77.

133 on pense ici au secteur de l'agriculture par exemple.

134 Ibid., p. 79.

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Le rôle restreint du Parlement Européen

L'influence limitée du Parlement européen dans le processus de coordination de la politique commerciale commune à l'OMC a déjà été mentionnée dans ce texte. Une analyse plus détaillée du rôle de l'unique institution européenne démocratiquement élue est cependant nécessaire. Une plus forte présence du Parlement européen dans les négociations à l'OMC serait-elle envisageable? Stephen Woolcock remarque :135 « Même si cela n'était pas juridiquement nécessaire, il est difficile de voir comment l'on pourrait refuser au Parlement Européen le droit de donner son avis conforme136 sur les résultats de négociations commerciales majeures telles que le nouveau cycle de l'OMC engagé à Doha ». Evoquant l'avis conforme, l'auteur rappelle qu'une telle procédure est étrangement requise pour les accords bilatéraux d'association.137 L'objectif ici est d'exposer les critiques générales et de répondre à la question de l'absence du Parlement européen dans le processus de validation des accords de l'OMC. En d'autres termes, suffit-il d'impliquer davantage l'organe parlementaire européen pour répondre aux problèmes de la politique commerciale commune ?

Le Parlement peut en règle générale agir de façon informelle dans la formation des négociations à l'OMC. Il a par exemple le droit de lancer un débat sur le sujet en assemblée plénière. Cependant, l'impact de celui-ci reste limité car la grande majorité des parlementaires ne sont pas au faîte de l'avancée des négociations.138 Pourtant, l'influence du Parlement pourrait être améliorée de différentes façons139, en lui permettant par exemple d'assister aux réunions du comité 133. Un droit de consultation est également envisageable au stade de la rédaction de la proposition de mandat. Enfin, une consultation avant toute conclusion d'accord commercial donnerait au Parlement un contrôle suffisant

135 « Even if it were not legally necessary, it is difficult to see how it would be possible to deny the EP the right to give its assent to the results of a major trade negociation such as the new WTO round agreed at Doha » in Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, p. 208.

136 L'une des quatre procédures législatives : Selon cette procédure, le Conseil doit obtenir l'assentiment du Parlement européen pour prendre certaines décisions d'importance majeure. Source : http://europa.eu/scadplus/glossary/assent procedure fr.htm Union Européenne, Glossaire, consulté le 25/07/08.

137 Cf. Woolcock, Op. cit., Ibid.

138 Cf. Emiliou Nicholas/O'Keeffe David (éds.), 1996, The European Union and World Trade Law, Wiley, Chichester, p. 25-26.

139 Pour les propositions : Cf. http://www.ecologic.de/download/projekte/18001849/1800/7 1800 cate eu t rade policy.pdf Klasing Anneke et Knigge Markus, 2005, Report on Trade, Environment, and European Trade Policy Development, consulté le 27/05/08. 13 p.

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sur le contenu des négociations. Stephen Woolcock140 réplique que cette dernière hypothèse est peu crédible. En effet, on imagine aisément la crise internationale majeure que déclencherait un véto parlementaire de ce type. Le refus de ratifier un projet d'accord gigantesque, déjà accepté par 152 Etats-membres, la Commission et le Conseil, reste très hypothétique. L'argument qu'il avance est que tout contrôle ou suivi non systématique des négociations à l'OMC reste superficiel voire contreproductif.

Les négociations sont très complexes car elles se déroulent sur plusieurs niveaux simultanément. Les institutions parlementaires sont, avoue-t-il, très loin de saisir les rouages de ce système multilatéral des échanges commerciaux. Cette distance s'explique par le fait qu'une première négociation au sein de l'UE entre les Etats membres est suivie d'une renégociation de la position communautaire au sein de l'OMC avec les 152 Etats membres restants. Pour conclure, si le Parlement européen était amené à entériner des accords de l'OMC, il le ferait probablement sans discuter, vu que son autorité est purement formelle. Le transfert de compétence de la politique commerciale extérieure au niveau multilatéral reste un bienfait relatif141. Il permet évidemment d'éviter que des intérêts particuliers n'influencent la nature ou l'échec d'accords multilatéraux complexes. Ce transfert de compétence tend à satisfaire au mieux l'idée d'un intérêt mondial. Cependant, de larges populations se retrouvent défavorisées par de tels accords internationaux. Ce détachement peut être considéré comme un déficit démocratique car les populations sont souvent impuissantes et les moyens de recours sont quasi inexistants.

3.3 Pourquoi réformer l'OMC ?

L'intérêt mondial

.Pourquoi favoriser l'intérêt mondial, plutôt que l'intérêt national ou communautaire et qu'est-ce que cela implique? Dans quelles mesures l'Allemagne et la France auraient-elles intérêt à faire preuve d'altruisme politique ? Régler le problème de développement est le

140 Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, p. 209.

141 Pour ce point : Cf. Meunier Sophie, 2003, Trade Policy and Political legitimacy in the European Union in Comparative European Politics, Vol. 1, No.1, Mars 2003, Palgrave Macmillan, Basinstoke, p. 79.

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grand chantier du 21ème siècle pour les pays développés. De plus, favoriser l'intérêt du plus grand nombre d'Etats-membres serait d'abord un bon moyen de rendre l'OMC plus légitime, pour reprendre la discussion sur la légitimité. Est-ce si facile ? Ce qui est sûr est que L'OMC pourrait favoriser davantage l'intérêt des pays en voie de développement et des pays les moins avancés. A titre d'exemple, les grandes avancées à l'OMC sont généralement négociées en premier lieu par un noyau d'Etats-membres, comprenant les grandes puissances commerciales et les grandes puissances émergentes. Les PMA et les pays en voie de développement ne participent pas à ces réunions. Ils se font représenter tantôt par le Brésil, tantôt par l'Inde. Leur rôle grandissant dans l'économie mondiale empêche pourtant de les considérer comme des pays en développement à par entière142. Une fois le premier consensus obtenu au sein du noyau de négociateurs, la seconde étape est celle de la multilatéralisation, de l'élargissement de ce consensus au reste des Etats-membres (environ 140 nations). C'est à ce stade qu'il est difficile de croire que les grands leaders économiques mondiaux n'exercent pas de pressions sur les pays en voie de développement.143 C'est pourquoi il est quasi impossible qu'un pays en voie de développement soit la cause d'un échec des négociations, alors que tous les pays membres sont théoriquement égaux à l'OMC.

Pourquoi le développement des pays les moins avancés est-il donc si important pour les pays industrialisés européens ? Quel peut-être le lien entre ces deux groupes de pays aux objectifs économiques si différents ? La réponse est de nouveau du côté de la recherche de l'intérêt général mondial. Le développement économique et la réduction de l'insécurité alimentaire dans les PMA contribuent au bien-être futur de l'Europe, dans le sens où ils permettent de limiter deux des plus grands défis de la société européenne : le terrorisme international144 et l'immigration clandestine. On retrouve en effet très souvent

142 Cf. Parlement européen, Rapport sur la voie d'une réforme de l'Organisation mondiale du commerce, commission du commerce international, rapporteur: Cristiana Muscardini, A6-0104/2008, 03/04/08, Bruxelles, p. 13.

143 Cf. Woolcock Stephen, 2003, The regional dimension: European economic diplomacy in Bayne Nicholas et Woolcock Stephen, 2003, The new economic diplomacy: decision-making and negotiation in international economic relations, Ashgate, Aldershot, p. 210.

144 Le lien entre terrorisme international et insécurité alimentaire, développé plus loin par Pinstrup-Andersen, est moins évident que le lien entre insécurité alimentaire et émigration. Il développe : « La faim généralisée, l'absence d'espoir et de justice sociale génèrent la colère et sont perçues comme une justification de l'instabilité internationale et du terrorisme fomentés et soutenus par des individus et des groupes issus de la classe moyenne. Faute de reconnaître et de traiter ces causes fondamentales de l'instabilité, les efforts actuels investis dans les solutions militaires, les services secrets et les autres mesures de protection seront inefficaces » in http://www.un.org/french/pubs/chronique/2003/numero3/0303p65.asp , Pinstrup-Andersen Per, La sécurité alimentaire dans les pays en développement, Pourquoi l'action des gouvernements est nécessaire in Chronique de l'ONU, 2003, Vol. XL, No. 3, consulté le 11/08/08.

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l'insatisfaction de la population aux sources de l'exil ou du fanatisme religieux. Le mécontentement étant très lié aux conditions de vie de l'être humain, on peut justement incriminer le niveau de développement à ce niveau. En Europe, les ressortissants des pays les moins avancés ou à retard de développement sont souvent impliqués dans des cas soit d'immigration clandestine ou soit de terrorisme international. Soigner ces fléaux passe ainsi par la résolution du problème de la faim et du développement agricole dans les pays du tiers-monde. Etre conscient de ce lien entre agriculture, immigration clandestine et terrorisme international et le combattre, c'est déjà faire un pas certain vers une bonne gouvernance internationale. La meilleure gouvernance internationale n'est-elle pas de prévenir des risques que court le monde à long terme ? Le parallèle avec le niveau microéconomique est ici très pratique. Dans une entreprise, un manager est évalué sur ses résultats sur le long terme. Une bonne gestion à petite échelle correspond, au niveau politique, à une gouvernance internationale efficace. Pour en revenir aux négociations sur les échanges agricoles : voir à court terme implique de défendre des intérêts économiques alors qu'une vision à long terme impose quelques « investissements »difficiles, gages de paix future.

La pertinence du concept-même de libéralisation des échanges comme outil de développement des pays du Sud est également discutable. On sait que l'outil trouvé pour relever le pari de prospérité mondiale prêche entre autres l'exclusion totale des droits de douanes dans les échanges commerciaux. C'est cette préoccupation, au coeur du présent cycle de négociations, qui est loin de faire l'unanimité parmi les pays du Sud voire parmi ceux du Nord. La question de pertinence mériterait assurément d'être approfondie mais l'angle d'approche proposé ici est différent. La crise alimentaire des années 2007 2008 fait resurgir les lacunes de la politique agricole internationale et de l'aide au développement. Certes, des mécanismes sont déjà en place pour favoriser le développement des PMA comme la clause de sauvegarde spéciale. Cependant, il semblerait que la libéralisation des échanges ne soit pas la solution miracle aux problèmes de développement agricole et de sécurité alimentaire auxquels une partie du monde fait face.

Il faut savoir que l'histoire des produits agricoles dans les négociations commerciales multilatérales est très récente. Les négociations pour un accord sur l'agriculture n'ont été inaugurées que lors du lancement du dernier cycle de l'Uruguay en 1986. La particularité du dossier agricole est celle d'un secteur encore très protégé, surtout en Occident. Cela veut dire par exemple que les tarifs douaniers sur les produits agricoles sont en moyenne plus élevés que pour les produits industriels. La raison de l'entrée tardive de l'agriculture

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dans le système OMC/GATT s'explique peut-être par le manque d'intérêt économique que représente la libéralisation du secteur agricole pour les pays à économie de marché comme l'Allemagne et la France. Leurs hauts coûts de production agricole nécessitent une haute protection douanière à l'importation, et la levée de ces barrières mettrait en péril une partie de la production de ces pays occidentaux. L'agriculture à l'OMC représente donc l'un des plus grands chantiers et lequel les négociateurs buttent le plus souvent. Les échanges agricoles ont un caractère exceptionnel mais pas seulement à cause des pays industrialisés.

Hypothèses de réforme de l'OMC

Doit-on à l'OMC modifier les compétences, le mode opératoire ou encore l'ensemble des règles du jeu ? On constate une recrudescence des différentes critiques émises à l'encontre de l'OMC au lendemain de l'échec des négociations à Genève, fin juillet 2008. Les difficultés actuelles d'accord à l'OMC prêtent à penser que les négociations seraient peut-être trop ambitieuses. Ces derniers paragraphes sont donc consacrés à l'étude d'une réforme de l'organisation mondiale du commerce. Si les détracteurs de l'OMC rejettent souvent le concept même de libéralisme économique, une remise en cause totale de l'organisation est ici exclue. Le multilatéralisme est en effet trop précieux à une époque où les dangers liés à la mondialisation grandissent d'année en année. Il est donc question d'orienter les critiques vers le rapport agriculture et développement.

L'agriculture a la chance de pouvoir jouer un rôle primordial dans le développement économique et humain. La modernisation de l'agriculture et l'augmentation de la production agricole sont en effet les premiers pas vers un développement humain plus profond et durable. Avant qu'une révolution industrielle ne soit possible, une révolution verte, agricole, doit avoir lieu. On pourrait étayer cet argument en citant le cas de l'Inde après son indépendance. Ce n'est donc pas un hasard si le développement de l'agriculture vivrière dans les pays concernés par la récente crise alimentaire est relevé par tous les observateurs comme étant une solution durable du problème d'accès à la nourriture. Par conséquent, les négociations de l'accord sur l'agriculture à l'OMC devraient se concentrer davantage sur le développement agricole des pays en voie de développement et des PMA que sur la lutte entre pays industrialisés et pays

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émergeants.145 L'OMC devrait, pour le moins, coopérer davantage avec la FAO (Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture146) pour contribuer à l'éradication de la faim dans le monde. L'OMC ne remplissant pas cette tâche, un instrument de gouvernance internationale dans le secteur de l'agriculture pourrait voir le jour.

Une des critiques le plus souvent formulées concerne la trop grande indépendance de l'OMC par rapport à l'architecture onusienne. Cette remarque semble être partagée par beaucoup d'institutions parlementaires147. L'idée est donc d'améliorer la coordination avec certaines institutions de l'Organisation des Nations unies. Il serait peut-être judicieux de renforcer le lien avec la FAO dans le domaine des échanges de biens agricoles, surtout dans les périodes de crise alimentaire majeure. L'expertise des fonctionnaires de la FAO ne pourrait être que bénéfique, dans le sens où une supervision du processus de négociation148 donnerait à la communauté internationale au moins l'illusion de responsabiliser les négociateurs à l'OMC. Deux rapports émis par les parlements français et européen149 font le même constat du manque de responsabilité et de légitimité démocratiques de l'OMC. La solution consisterait-elle à créer une assemblée parlementaire de l'OMC composée de parlementaires des Etats membres ?150 On doit quand-même s'interroger sur l'efficacité d'une telle mesure. Une assemblée ne serait pas réellement compatible avec un système de négociations qui évolue en permanence. Dès que l'on envisage la relation : négociation commerciale / parlement, la dichotomie de l'efficacité et de la démocratie réapparaît.

En contournant ce dilemme, Razeen Sally151 démontre le bien-fondé d'une réorientation du champ d'action de l'OMC vers des fonctions déjà existantes, mais traitées en marge des négociations du cycle de Doha. Elle explique que : « le rôle de l'OMC peut se limiter à encourager les (...) réformes nationales par l'édification de règles plus justes pour l'ensemble de la communauté des affaires». Son argumentation consiste à dire que

145 Une divergeance entre un pays émergeant (l'Inde) et un pays industrialisé (les Etats-Unis) est considéré être à l'origine de l'échec des négociations lors de la dernière conférence ministérielle de juillet 2008

146 En anglais : Food & Agriculture Organisation.

147 Cf. Parlement européen, Rapport sur la voie d'une réforme de l'Organisation mondiale du commerce, commission du commerce international, rapporteur: Cristiana Muscardini, A6-0104/2008, 03/04/08, Bruxelles, 24 p. et : Assemblée nationale, Rapport d'information déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne,sur la réforme de l'Organisation mondiale du commerce et son lien à l'architecture des Nations Unies, Documents d'information n°2477, 2000, Paris, 484 p.

148 Le rapport du PE imagine de donner par exemple à la FAO ou à l'Organisation mondiale du travail un statut d'observateur à l'OMC.

149 Cf. Parlement européen et Assemblée nationale Op cit.

151 « Die Rolle der WTO kann sich darauf beschränken, (...) nationalen Reformen mit besseren Regeln für die internationale Geschäftswelt zu unterstützen. » in Sally, Razeen, 2008, Bitte keine Weithandeisrunden mehr! in Die Zeit, édition du 07 août 2008, Wirtschaft, Berlin, p. 25.

150 Assemblée nationale, Op. cit., p. 84.

l'ouverture des marchés doit rester une compétence de l'Etat-nation. Elle s'appuie sur le fait qu'en Asie, beaucoup de pays en voie de développement ont volontairement libéralisé leurs économies dans les dernières décennies. L'OMC devrait-elle s'efforcer d'aider les acteurs du commerce international (entrepreneurs et hommes d'affaires) par le biais de régulations qui leur sont adaptées ? L'avantage que l'on reconnait à ce système est qu'il permet de développer un commerce, intérieur comme extérieur, plus équitable152. Pourtant, Razeen Sally ne manque pas de dénoncer les risques d'un éventuel retour au protectionnisme. Les interdictions d'exportations représentent une réelle menace pour la sécurité alimentaire internationale, comme de récents événements ont montré.

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152 dans le premier sens du terme, à dissocier du fair trade.

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Conclusion

Synthèse

Depuis la création de l'OMC, il y a moins de vingt cinq ans, l'UE a vu le nombre de ses Etats membres doubler. L'OMC a connu la même évolution et gagné vingt nouveaux membres sur la même période. Les processus d'élargissement sont toujours d'actualité, si bien qu'on peut prédire que les prochaines décennies seront celles du régionalisme et le multilatéralisme. Ce succès n'est pas sans conséquence pour les puissances européennes traditionnelles. L'examen de la politique commerciale commune a présenté une politique à plusieurs niveaux interdépendants. La construction européenne a créé des mécanismes uniques dans le but d'entraîner une coopération toujours plus étroite entre les Etats de l'Union. Ces mécanismes, qui caractérisent la coordination de la PCC, exigent des Etats membres un ajustement stratégique. C'est cette adaptation qui est perçue en Europe comme un symbole d'érosion de la souveraineté nationale. On apprend également que l'influence des Etats membres est aussi affaiblie par le rapport de force entre les institutions européennes ; le comité de l'article 133 est une illustration parfaite de cette confrontation.

La Commission, représentante de l'intérêt général communautaire, a de son côté une autorité non négligeable sur le déroulement des négociations. A l'OMC, elle a le premier rôle : celui de la négociatrice tandis que le Conseil est à la fois consultant et signataire. Le Parlement n'est dans l'affaire qu'un consultant sans influence. Enfin, l'influence des Etats membres est enfin atténuée par le rapport de force à l'intérieur de l'OMC. La même négociation de la position nationale s'opère de nouveau à une plus grande échelle, puisque cette organisation autogérée regroupe 153 Etats nations souveraines. Le combat juridique, également passionnant, est lui aussi en passe de rendre la Communauté plus indépendante encore dans la politique commerciale. Face à toutes ces attaques, il y a bien un dernier recours: la menace du véto national sur la ratification des accords. Cette mesure, que le caractère multilatéral de l'OMC rend possible, est souvent utilisée par certains membres, telle une arme que l'on brandit dans les moments de détresse.

Les grands Etats membres historiques de l'UE ne subissent pas ses changements de manière passive. Le couple franco-allemand réagit différemment car la culture et l'histoire de ses deux pays frontaliers ont façonné des cultures politiques quasiment opposées. La

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France a depuis toujours une structure centralisée, qui lui permet par exemple de réagir très rapidement et d'influencer la position européenne à l'OMC. D'un autre côté, la prise de décision y est souvent unilatérale, moins démocratique et peu préparée au multilatéralisme. En passant le Rhin, le centralisme se transforme en fédéralisme. Cette caractéristique garantit la légitimité démocratique par une prise de décision collégiale, tout en ralentissant fortement la coordination interministérielle153. On retombe en fin de comptes sur la même dichotomie que celle la méthode de négociation de la Commission. Toute l'action politique semble en effet balancer entre efficacité et légitimité.

Un dernier point de dissemblance est le positionnement national dans les négociations sur l'agriculture à l'OMC ; tandis que la France a des reflexes davantage protectionnistes, l'histoire et la structure de l'Allemagne ont prédéterminé son enclin au libéralisme. Les différences de culture nationale ne semblent pourtant pas privilégier ni désavantager l'un ou l'autre pays au niveau européen. Les particularités évoquées n'ont qu'une incidence modérée sur la conduite des négociations à l'OMC par la Commission. Le déclin du rayonnement national dans les affaires du commerce extérieur est en marche. La France et l'Allemagne ne manquent pas de dénoncer l'impératif de consensus au sein de la Communauté. S'ils jugent leurs intérêts nationaux galvaudés par la construction européenne, la France et l'Allemagne devraient davantage envisager cette étape d'alliance comme un atout. En effet, jamais une position communautaire n'est aussi convaincante que lorsqu'elle est partagée par la totalité des Etats membres. Il ne faut pas oublier qu'un consensus a toujours pour origine une communication et une négociation bilatérales. C'est bien au contraire la dissension qui dessert clairement l'intérêt de l'Etat membre ; la Commission gagne alors en indépendance car elle doit négocier sans consignes claires des Etats membres.

Pour compenser la perte d'influence, des réflexes européens se mettent en place. Les relations avec la Commission et les groupes de pression parviennent souvent à avoir ce que les Etats membres n'ont pas obtenu lors des réunions officielles. Il n'empêche que la négociation par la Communauté est une arme à double tranchant pour les Etats membres. Une avancée dans les négociations s'obtient souvent aux dépends du respect des intérêts nationaux. La compétence communautaire exclusive a des avantages évidents mais elle rend les Etats membres plus dépendants des institutions pour promouvoir leurs intérêts.

153 Celle-ci « doit respecter les compétences des Länder, l'équilibre des coalitions politiques au sein de certains gouvernements et la spécificité des pouvoirs du Chancelier. » in Conseil d'Etat, Jurisprudence et avis de 2006, rapport public 2007,- L'administration française et l'Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, p. 296.

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La PCC possède donc un système de coordination est à la fois complexe et perfectible. Toute solution doit prendre en compte ceci : négociation commerciale et démocratie ne font pas bon ménage. La politique commerciale internationale, comme les institutions européennes, souffre d'un déficit démocratique. Pour plus démocratie, il faudrait, en suivant l'étymologie, rendre le pouvoir aux dèmes, c'est-à-dire aux représentants des citoyens du monde. Si cela est presque impossible vu la technicité des débats, il au moins primordial de veiller à ce que chaque nation garde le même poids dans les négociations.

L'OMC poursuit davantage un objectif, la libéralisation des échanges, qu'elle ne construit de cadre pour le commerce mondial. Certes le libéralisme est préférable au protectionnisme sur le long terme, mais encore faut-il que l'économie du pays soit compétitive. L'étude lancée dans ce mémoire parvient à montrer que l'OMC doit évoluer dans le sens d'un intérêt général mondial. Quel autre objectif cet instrument de prospérité planétaire pourrait-il remplir que celui d'aider à satisfaire les besoins les plus élémentaires de plus de 800 millions154 de personnes ? Cela nous rappelle que les échanges agricoles à l'OMC ne devraient pas être considérés comme des biens industriels, ne serait-ce que pour des raisons de politique de développement. Ainsi dans les pays développés, des intérêts politiques viennent s'opposer aux intérêts économiques nationaux. Les 800 millions d'affamés compliquent sérieusement l'entreprise de la libéralisation du secteur agricole. Un des problèmes majeurs est que certains pays comme les pays les moins avancés n'ont pas terminé leur révolution agricole. Leur agriculture est alors terriblement vulnérable à la concurrence. Une forte perturbation des marchés locaux par l'aide en nature des Etats-Unis en période d'insécurité alimentaire155ne fait qu'accentuer le phénomène. Dans ce contexte, on peut difficilement exiger des PMA qu'ils baissent ne serait-ce que très légèrement leur protection douanière, alors que cela pourrait compromettre davantage encore leur développement ?

L'OMC, moteur du développement économique et humain?

Ce sujet épineux referme la thématique de l'influence et ouvre celle du développement. On le retrouve également dans les négociations des accords de partenariat économique avec les pays d'Afrique-Caraïbes-Pacifique, engagées pour garantir la conformité aux lois de l'OMC. Si l'agriculture est si particulière et si elle semble parfois vouer les cycles de

154 Source FAO (2008) Cf. http://www.fao.org/newsroom/fr/news/2008/1000854/index.html

155 Cf. la problématique de la monétarisation (passage d'une aide humanitaire in kind à une aide in cash) de l'aide alimentaire sur le site de l'OMC.

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négociations aux échecs, pourquoi ne pas faire sortir les échanges agricoles du cadre de l'engagement unique156 et la négocier à part? Jacques Carles157 souligne à ce sujet que : « les produits agricoles représentent seulement dix pourcents des échanges commerciaux mondiaux ». Dans ce travail de recherche, la critique majeure adressée à l'OMC concerne les pays du Nord comme du Sud. En matière de prospérité, la capacité des accords de libre-échange à réduire les écarts de développement dans le monde est controversée. Pierre Pagesse, membre du mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture158, décrit la situation :

« En simulant l'impact de la proposition de Falconer159 à l'OMC, le modèle démontre qu'une volatilité croissante des prix serait très proche du scénario de libre-échange absolu. Par conséquent, une décision multilatérale de réduction des droits de douanes, du soutien interne [aux agriculteurs] et du soutien à l'export ne serait pas bénéfique aux pays les plus pauvres mais aurait en fin de comptes l'effet inverse Les agriculteurs ne peuvent pas survivre dans un marché qui est devenu extrêmement chaotique. »160

156 Principe de l'OMC Cf. introduction.

Quel est le futur du cycle de Doha après le dernier échec des négociations ? L'élection présidentielle américaine à venir, le renouvellement de la Commission européenne ainsi que les élections législatives en Inde en 2009 vont vraisemblablement repousser les possibilités de conclusion de cycle de plusieurs années. La longueur des négociations dans ce dernier cycle laisse planer le doute sur le destin de l'OMC. Plus que l'avenir de l'organisation, c'est le mode de négociation comme l'engagement unique par exemple qui est en sursis. On pourrait aussi envisager une scission entre des organes de règlement de différends, qui ont prouvé leur efficacité, et des organes de négociation, qui sont moins performants. La meilleure solution reste à trouver mais le coupable est déjà connu. La cause des échecs à l'OMC est encore et toujours la réalité d'un monde où les décisions se prennent unilatéralement pour préserver des intérêts nationaux. La crise actuelle des produits alimentaires force le même constat, l'intérêt général doit primer sur l'intérêt

157 «trade only involves 10% of agricultural products worldwide » in http://www.reuters.com/article/ pressRelease/idUS119994+05-Jun-2008+PRN20080605 , Reuters, An International Task Force to Speedily Launch the World Agriculture Organization, 5 juin 2008, consulté le 11/08/08.

158 Momagri est un thinktank basé dans le premier arrondissement parisien dont Jacques Carles est l'un des fondateurs.

160 « in simulating the impact of the Falconer proposal to the WTO, the model demonstrates that increasing price volatility was very close to the scenario of complete free trade. Consequently, a multilateral decision to reduce customs duties, national incentives and export subsidies would not benefit the poorest countries and would, in fact, have the opposite effect. Farmers cannot survive in a market that has become highly chaotic. » in http://www.reuters.com/article/pressRelease/idUS168683+10-Apr-2008+PRN20080410 , Reuters, An International Task Force to Speedily Launch the World Agriculture Organization,10 avril 2008, consulté le 20/08/08.

159 Délégué néo-zélandais président du groupe de négociations agricoles de l'OMC.

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national. L'Allemagne et la France, en tant que puissances économiques mondiales, ont une grande responsabilité dans cette entreprise. Leur situation n'en est pas moins ambivalente. A l'OMC, on a affaire à des négociations où tout vainqueur est montré du doigt. En tant que pays développé il faut parfois savoir ruser pour gagner assez et contenter ses citoyens, sans jamais trop y parvenir pour ne pas mécontenter les citoyens du reste du monde

Alors que le commerce a peut-être permis de sauver l'humanité à l'époque préhistorique161, il pourrait la mettre en péril au 21ème siècle ? Le développement et le partage des richesses inégaux entre les pays est une source de conflit inépuisable. Le grand défi des décennies à venir est de soutenir les efforts pour une gouvernance internationale. La situation actuelle est tout sauf satisfaisante. Une chose est sûre : le monde ne peut pas se passer du multilatéralisme. Pour l'économie mondiale, il représente l'établissement de mécanismes durables permettant de privilégier les rapports de chacun des pays avec l'ensemble de ses partenaires162. Cette définition du multilatéralisme montre à quel point celui-ci a davantage de valeur que de simples accords régionaux, qui désavantagent toujours les Etats les plus faibles. L'établissement d'un commerce plus sûr et équitable vaut certainement mieux que le gain temporaire de parts de marchés. Le déclin de l'influence des Etats membres de l'UE dans la politique commerciale internationale est inexorable. La chance à saisir pour l'Allemagne et la France, c'est l'opportunité d'une réforme de l'OMC, qui se fait plus pressante à chaque nouvel échec des négociations. Si l'on est rentré depuis longtemps dans une ère mondiale, il reste encore à poser les fondements d'une conscience planétaire. Celle-ci pourrait en effet s'avérer salutaire pour les populations futures, qui devront dépendre plus que jamais les unes des autres. Le cycle de Doha a été lancé en réponse directe à l'électrochoc que les événements du onze septembre 2001 ont représenté. On est en droit de supposer qu'une autre crise majeure soit malheureusement nécessaire pour provoquer une prise de conscience en conséquence.

161 Cf. Le rôle socioéconomique capital du commerce de l'obsidienne en Afrique après la catastrophe de Toba (selon la théorie de Stanley Ambrose) dans Ambrose Stanley H., Late Pleistocene human population bottlenecks, volcanic winter, and differentiation of modern humans, in : Journal of Human Evolution, 1998, Vol. 34, No. 6, pp. 623-651.

162 Cf. la définition : http://www.cnrtl.fr/definition/multilat%C3%A9ralisme, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, consulté le 24/06/08.

Annexes

51

Annexe l : Tableau de la coordination de la PCC. Woolcock, p. 202.

52

Annexe ll: sondage de l'opinion publique. Eurobaromètre, pp. 44 et 65.

53

Annexe lll : Tableau comparatif franco-allemand. Lütticken, pp. 175-177.

Annexe lV : Schéma récapitulatif : entre efficacité et responsabilité. Leal-Arcas, p.43.

54

55

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57

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