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Rapport au savoir chez les enfants Ba-Bongo du village Matagamatsegue. Enquête sociologique en milieu rural au Gabon.


par Guy Laroche Mombo
Université Omar Bongo - Master II en sociologie 2019
  

Disponible en mode multipage

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Libreville, Décembre 2019

UNIVERSITE OMAR BONGO

FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE

RAPPORT AU SAVOIR CHEZ LES ENFANTS BABONGO DU

 

VILLAGE MATAGAMATSENGUE

 

ENQUETE SOCIOLOGIQUE EN MILIEU RURAL AU GABON

 

MEMOIRE DE MASTER RECHERCHE

(Option : sociologie de l'éducation, des savoirs et de la socialisation)

Présenté et soutenu par : Sous la supervision de :

Guy Laroche MOMBO Romaric Franck QUENTIN DE MONGARYAS

Maître de Conférences (CAMES) en Sociologie de l'Education

et la direction de :

Dr Orphée Martial SOUMAHO MAVIOGA Sociologue de la jeunesse et de la socialisation politique Maître-assistant (CAMES)

Remerciements

Nos sincères remerciements vont d'abord à notre directeur de recherche, le Docteur Orphée Martial SOUMAHO MAVIOGA et au Professeur Romaric Franck QUENTIN DE MONGARYAS, pour leur disponibilité et leur patience tout au long de l'élaboration de notre travail.

Profonde reconnaissance à toute l'équipe pédagogique du parcours Education ; Savoirs et Socialisation, et particulièrement au professeur Mesmin-Noel SOUMAHO pour sa relecture du manuscrit et ses orientations pertinentes.

Toute notre gratitude à :

· Notre épouse et notre fille pour leur soutien et leur patience durant la rédaction du mémoire ;

· Tous nos frères et soeurs pour le soutien familial sans cesse renouvelé ;

· Nos promotionnaires, pour la solidarité manifestée tout au long de notre parcours au département de sociologie ;

· Tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la consolidation et à la matérialisation de cette première expérience scientifique.

Dédicace

A notre tante:

Feue Titine MATSOUNGOU IDANGA notre tante, qui a toujours souhaité le meilleur pour nous.

Sommaire

Dédicace

Remerciements

Liste des tableaux Sigles et abréviations

Introduction générale 1

PREMIERE PARTIE : PREALABLES EPISTEMOLOGIQUES DE LA RECHERCHE 4

Introduction de la première partie 5

Chapitre premier : Approche théorique de la recherche 6

Section 1 : Construction de l'objet et détermination du champ d'étude 6

Section 2 : Elaboration de la problématique 17

Chapitre II : Approche méthodologique de la recherche 26

Section 1 : Construction du modèle d'analyse 26

Section 2 : Démarche méthodologique et champ empirique d'enquête 31

Conclusion de la première partie 40

DEUXIEME PARTIE : De l'expérience scolaire des parents d'élevés et du rapport au savoir chez les élevés Babongo a l'inadéquation entre la réalité scolaire en milieu rural et les

missions fondamentale des politiques éducatives au Gabon 41

Introduction de la deuxième partie 42

Chapitre III : Expérience scolaire des chefs de familles 43

Section 1 : Représentations sociales de l'école et histoire scolaire des chefs de familles 43

Section 2 : Stratégies d'encouragement et perspectives professionnelles 48

Chapitre IV : Rapport aux savoirs chez les élèves Babongo 50

Section 1 : Caractéristiques et Représentation de l'école chez les élèves 50

Section 2 : Stratégies parentales d'encouragement et attitude des élèves en situation de

cours et en dehors 66

Chapitre V : Limites des politiques éducatives en milieu rural 73

Section 1 :Pratiques pédagogiques, rythmes scolaires et inégal accès à l'éducation et la

formation 74

Section 2: L'école en milieu rural : « une école où on apprend pour abandonner demain » 80

Conclusion de la deuxième partie 86

Conclusion générale 88

Eléments de bibliographie 91

Table des matières 95

Annexes 99

Liste des tableaux

Tableau n°1 : Répartition des répondant selon l'âge 12

Tableau n°2 : Répartition selon le niveau d'étude 12

Tableau n°3 : Répartition des répondants selon les perspectives professionnelles 13

Tableau n°4 : Effectif d'élèves de l'école de Nzingui par sexe et par niveau 13

Tableau n°5 : Répartition des élèves par tranche d'âges, sexes et par niveau 14

Tableau n°6 : Répartition des redoublants par sexes et par niveau 15

Tableau n°7 : Répartition des nouveaux par sexes et par niveaux 15

Tableau n°8 : Effectifs de l'école de Nzingui par niveau et par sexe selon leurs origines 37

Tableau n°9 : Les enquêtés par sexe 37

Tableau n°10: Niveau d'études des parents 43

Tableau n°11 : Répartition des élèves par tranches d'âges et niveau d'études 50

Tableau n°12 : Perception de l'école chez les élèves 52

Tableau n°13 : Répartition des élèves selon les raisons de leurs études 53

Tableau N°14 : Typologies des fréquentations 55

Tableau n°15: Langue utilisée à la maison 60

Tableau n°16 : Répartition des enquêtés par métier 64

Sigles et abréviations

CEP : Certificat d'Etudes Primaires

DAP : Direction d'Académie Provinciale

1ère année : Première Année

2ème année : Deuxième Année

3ème année : Troisième Année

4ème année : Quatrième Année

5ème année : Cinquième Année

6ème : Sixième

1

INTRODUCTION GENERALE

De nos jours, l'école n'est plus considérée comme un sanctuaire. C'est tout au contraire un territoire partagé entre l'institution familiale et scolaire où sont articulées l'instruction et l'éducation. En effet, la famille constitue la cellule de base et c'est une institution fondamentale par rapport à l'école, aux médias et au groupe des pairs, dans la mesure où c'est en son sein que l'individu débute l'apprentissage de la vie en société. Elle a un rôle non négligeable dans nombre de secteurs tels que le social, l'économique et le politique. Son apport apparait ainsi très déterminant en ce qu'elle est aussi le groupe de base de la société qui est en constante évolution. C'est la raison pour laquelle notre recherche fait un bref retour sur l'histoire scolaire des parents d'élèves issus du village Matagamatsengue.

Toutefois, on ne peut mener une étude pertinente sur le rapport aux savoirs des élèves Babongo sans comprendre la relation que ces familles auxquelles ils sont issus entretiennent avec le fait d'aller à l'école pour y apprendre. Car le rapport aux savoirs n'est pas qu'un rapport au sujet lui-même mais est aussi un rapport au monde social dans lequel il évolue. En d'autres termes, l'analyse du rapport au savoir nous impose « une lecture de la réalité sociale »1 avant que de s'y intéresser à la réalité scolaire.

Ainsi, plusieurs recherches d'universitaires au Gabon font état d'un important nombre de variables dans le but d'expliquer les phénomènes auxquels sont confrontées les populations d'élèves (l'échec scolaire, le redoublement etc.), mais qui pour nous semble insuffisantes : l'handicap culturel et économique, la pauvreté, l'effet maitre etc. ces insuffisances sont dues en ce qu'elles écartent la responsabilité du sujet lui-même, entant que sujet pensant, qui a la capacité de se mobiliser ou non face à des activités sur la base de ces choix, attentes, perceptions et à la manière dont les choses prennent sens en fonction de ce qu'il valorise. Certes, ces variables sont toutes pertinentes et objectives, mais leur principale limite réside dans le fait qu'elles considèrent le sujet comme une `'marionnette» qui ne possède pas de marge de manoeuvre.

1 Bernard Charlot, (2002), Du rapport au savoir, Elément pour une théorie, 3ème édition, Paris, Economica (Coll. « Anthropos »).

Il est donc nécessaire de recentrer le débat sur le rapport au savoir qui est une notion globalisante pour avoir une vision plus large dans le cadre de notre analyse.

Par conséquent, quelques questions vont orienter notre réflexion : Comment les élèves du village Matagamatsengue se représentent-ils le fait d'aller à l'école ? Autrement dit, quel sens donnent-ils à la fréquentation scolaire ? Pourquoi les élèves du village Matagamatsengue persévèrent-ils dans leurs études malgré le caractère irrégulier de leur fréquentation scolaire ? Telles sont les deux questions de départ qui vont servir de boussole à notre enquête sociologique.

Par ailleurs, l'objectif de cette investigation est de montrer l'impact du rapport au savoir sur la persévérance scolaire des élèves Babongo appartenant massivement à la même origine sociale. Rappelons, en effet, que le rapport au savoir « nécessite une étude de la part du formé, d'autant plus que le savoir dispensé par une institution vient en contradiction avec celui déjà constitué par la famille ou d'autres institutions. Les manières de faire au sein des institutions peuvent alors rentrer en conflit avec les propres rapports personnels du sujet. Ces crispations sont décelables à travers les obstacles à la formation, les résistances qui menacent l'intégrité personnelle des sujets »2.

Il est important de se poser de bonnes questions pour parvenir à saisir le type de relations (de rapports) qui existent entre ces derniers et l'école.

Nous avons retenu comme cadre empirique le village Matagamatsengue. Il s'agit d'un village pygmée situé au sud du Gabon dans la province de la Ngounié, précisément dans le département de la Louétsi-Wano. Notre population cible était principalement les élèves issus de ce village et inscrits en majorité à l'école primaire de Nzingui. Pour une large compréhension, nous avons ajouté un élève en situation d'abandon, quatre collégiens et onze chefs de famille. Et dans l'optique d'un complément d'informations pour cerner les conditions scolaires dans lesquelles ils évoluent, nous avons eu des entretiens semi-directif avec les dirigeants de l'école de Nzingui, ceux des deux villages environnant et la responsable pédagogique des écoles primaires dudit département.

2 Kalali Faouzia (2007) Rapport au Savoir : Bilan sur la place du sujet dans les différents travaux, Congrès international AREF (Actualité de la Recherche en Education et en Formation).

2

3

Ainsi, ce travail n'a pas été réalisé sans difficultés. Nous avons rencontré comme principale difficulté la réticence et l'indisponibilité des enquêtés, notre lieu de résidence (Libreville) par rapport au cadre empirique d'investigation (situé à plus de 500kms) et le problème de langue Babongo qui impliquait dans certains cas la présence d'un traducteur.

Le présent travail est subdivisé autour de deux articulations dont l'argumentaire se structure autour de deux parties, cinq chapitres et dix sections. Premièrement, les préalables épistémologiques de la recherche à partir des approches théorique et méthodologique de la notion du rapport au savoir. Et deuxièmement, une analyse de l'expérience scolaire des parents d'élèves, du rapport aux savoirs des élèves Babongo et l'inadéquation entre la réalité scolaire en milieu rural et les principes fondamentaux de la loi n°21/2011 du 14 février portant organisation générale de l'éducation, de la formation et de la recherche au Gabon.

Première partie

PREALABLES EPISTEMOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

5

Introduction de la première partie

Dans cette étape qui s'assimile aux deux premiers actes de la démarche sociologique, la conquête et la construction, il est question de rompre avec les préjugés (les idées préconçues) sur le fait social que nous étudions, à savoir le rapport au savoir.

En sciences sociales et en sociologie en particulier, le sens commun (le langage ordinaire) est porteur de nombreux pièges dans la mesure où une grande partie de ses idées puisent leur source des prénotions ; c'est-à-dire des apparences immédiates. En effet, la rupture consiste précisément à rompre avec ce qui nous donne l'illusion d'appréhender le rapport au savoir. Cette rupture va se réaliser à travers quelques étapes : d'abord, la formulation de la question de départ, ensuite l'exploration et enfin la problématique. Cependant, cette rupture épistémologique n'est possible que par de nombreuses lectures, car tout travail de type scientifique s'inscrit dans un cadre bien précis. Tout apprentissage scientifique débute par la lecture des devanciers.

Après avoir conquis le phénomène du rapport au savoir contre l'illusion du savoir immédiat, nous devons ensuite le construire par la raison, dans le but de mieux constater les faits sur le terrain.

Dès lors, il est nécessaire de choisir une démarche méthodologique appropriée pour mieux appréhendé notre objet problématique. Notre choix s'est ainsi porté vers une démarche hypothético-déductive. Par ailleurs, elle consistera d'abord à émettre deux hypothèses que nous irons ensuite vérifier sur le terrain et à construire les concepts fondamentaux afin de mieux expliquer notre phénomène.

Chapitre premier

APPROCHE THEORIQUE DE LA RECHERCHE

Section 1 : Construction de l'objet et détermination du champ d'étude

1.1. Le rapport au savoir comme objet d'étude

Comment choisir un thème d'étude sur lequel on va travailler et construire un objet sociologique en partant de ce thème initial ? Tel est, selon Serge PAUGAM3, le genre de question que doit se poser l'étudiant en sociologie avant d'entreprendre une quelconque recherche. Le choix d'un sujet de recherche n'est jamais anodin, il est souvent le résultat des motivations, sensibilité (personnelle), dans certains cas inconscientes ou tout au moins peux explicitées. Comme celui d'Emile DURKHEIM, qui a travaillé sur le suicide parce qu'il se considérait lui-même comme un « neurasthénique4 ».

En effet, pour le cas de notre recherche, le choix du rapport au savoir comme objet d'étude peut aller de soi ; du fait qu'il a été retenu à cause notre proximité avec la communauté Babongo dès la petite enfance. Ainsi, le fait social selon Emile DURKHEIM « consiste en des manières d'agir, de penser et de sentir, extérieur à l'individu, et qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel il s'impose à lui5 ».Le fait social obéit à trois caractéristiques que sont : la récurrence, l'extériorité et la contrainte. Par suite, il ne saurait se confondre avec les phénomènes organiques, puisqu'il consiste en représentation et en action ; ni avec les phénomènes psychique, lesquels n'ont l'existence que dans la conscience individuelle et par elle.

3 Serge. Paugam, (2010), L'enquête sociologique, Paris PUF, p.7-8

4 Selon le petit Larousse, la neurasthénie est un état durable d'abattement et de tristesse. 5Dans le cadre de la collection : `'les classiques des sciences sociales»

Site web : http://www. Uqac.uquebec.ca/zone30/classique des sciences sociales/index.html

6

En outre, un objet d'étude peut se définir comme `'ce sur quoi porte la recherche». Il traite du phénomène social étudié par le chercheur : il est d'abord social et, après avoir été soumis aux faits, il devient un objet sociologique. Aussi, le chercheur construit son objet d'étude dans le but d'avoir une idée plus ou moins précise sur l'objet.

Il est primordial alors de définir notre objet d'étude « rapport au savoir ». La notion de « rapport au savoir » a été développée dans deux champs théoriques : le champ de la recherche clinique par Jacky BEILLEROT et le champ de la sociologie par Bernard CHARLOT.

Selon Jacky BEILLEROT, le rapport au savoir se définit comme : « un processus par lequel un sujet, à partir des savoirs acquis, produit des nouveaux savoirs singuliers lui permettant de penser, transformer et sentir le monde naturel et social 6».Le rapport au savoir est un rapport à son propre désir, désir de savoir ou comme le dit Freud, apprendre c'est investir un désir dans un objet de savoir. C'est-à-dire que le rapport au savoir est avant tout un processus jamais figé, qui évolue tout le long de la vie, à partir de ce que nous savons ou non, de façon dont nous nous situons par rapport à ces savoirs et au fait même de savoir ou de ne pas savoir.

Ainsi, le rapport au savoir est toujours singulier, il se construit en fonction de l'histoire de chacun et chacune et s'insère donc dans une dynamique familiale, sociale et historique.

Pour le champ de la sociologie, Bernard CHARLOT définit ainsi le rapport au savoir : « le rapport au savoir est un rapport au monde, à l'autre et à soi-même d'un sujet confronté à la nécessité d'apprendre ; le rapport au savoir est l'ensemble des relations qu'un sujet entretient avec tout ce qui relève de « l'apprendre et du savoir ». C'est aussi «un ensemble d'images, d'attentes et de jugement qui porte à la fois sur le sens et la fonction sociale du savoir et de l'école, sur la discipline enseignée, sur la situation d'apprentissage et sur soi-même »7. Enfin, le rapport au savoir est donc « l'ensemble (organisé) de relations qu'un sujet humain (donc singulier et social) entretient avec tout ce qui relève de `'l'apprendre» et

6 Jacky Beillerot, (1996), Pour une clinique du rapport au savoir, Paris, L' harmattan.

7 Bernard Charlot, (1997), Du rapport au savoir, Elément pour une théorie, Paris Anthropos

7

8

du `'savoir» : objet, contenu de pensée, activité ; relation personnelle, lieu, personne, situation, occasion, obligation, etc., liés en quelques façons à l'apprendre et au savoir »8.

Par ailleurs, ces définitions nous montrent que le rapport au savoir concerne à la fois des processus : l'acte d'apprendre, les situations d'apprentissages et des produits des savoirs. En effet, le rapport au savoir est à la fois un rapport de sens et relation de valeur, c'est-à-dire qu'une personne valorise ce qui a du sens pour elle, et à l'inverse, elle donne du sens à ce qui représente de la valeur pour elle. La
·valeur
· et le
·sens
· que donne une personne à un savoir sont liés à son identité9.

Selon Charlot, « ce qui s'exprime dans le rapport au savoir, c'est l'identité même de l'individu. Mais cette identité n'est pas seulement exprimer dans le rapport au savoir, elle y est aussi en jeu : être confronté à un apprentissage, à un savoir, à l'école, c'est y engager son identité et la mettre aussi à l'épreuve10 ». On parle donc de rapport identitaire au savoir, quand il s'agit de comprendre de quelle façon le savoir prend sens pour la personne. Autrement dit, le rapport identitaire au savoir permet de répondre à la question : pourquoi apprendre ? Cependant, la question du sens peut aussi se posée sous la forme : qu'est-ce que apprendre? On parle ainsi de rapport épistémique au savoir pour s'intéresser à la nature de l'activité nommée savoir. « Le rapport épistémique au savoir est cette relation de l'individu à la nature même de l'acte d'apprendre et au fait de savoir »11.

En outre, au sens de Bernard Charlot et Jacky Beillerot, lorsqu'un élève échoue à l'école, la première question à se poser n'est pas celle des handicaps dont il est peut-être affecté, elle est de savoir s'il a travaillé et comment il a travaillé, car s'il ne travaille ou travaille de façon cognitivement inefficace, il n'est pas étonnant qu'il échoue. En tant que tel, il construit du sens et met en oeuvre des activités. Tout individu humain donne sens à ce qu'il est, à ce qui lui arrive, à la situation dans laquelle il se trouve, à la société et au monde

8 Bernard Charlot, (1999), Le rapport au savoir en milieu populaire. Une recherche dans les lycées professionnels de banlieue. Paris, Edition Economica.

9 Bernard Charlot, (2002), Du rapport au savoir. Elément pour une théorie. Paris, Editons Economica.

10 Bernard Charlot, E. Bautier, J-Y, (1992), Ecole et savoir dans les banlieues et ailleurs, Paris, Armand Colin.

11 E. Bautier, J-Y. Rochex, (1998), L'expérience scolaire des nouveaux lycéens, Démocratisation ou massification, Paris, Armand Colin.

9

dans lequel il vit. C'est le cas, notamment, d'un élève dont l'histoire scolaire n'est pas seulement une trajectoire, une série de points par lesquels il passe et qui peuvent être étudiés de l'extérieur, mais elle est aussi une série d'expériences qu'il vit, qu'il interprète et auxquelles il donne sens.

En définitive, nous notons que le rapport au savoir « ne se réduit pas aux relations que nous entretenons avec des apprentissages ou avec des savoirs. Il se construit également à travers nos projets d'avenir, nos aspirations professionnelles et sociales, nos réponses à des sollicitations de l'entourages, etc.»12. Il n'y a de rapport au savoir que d'un sujet, et il n'y a de sujet que désirant.

Toute notre vie, nous entretenons avec le savoir un certain type de relation qui peut influencer et marquer nos trajectoires. Si le rapport au savoir semble avant tout une question individuelle et singulière, on peut aussi parler du rapport au savoir d'un groupe, dès lors qu'il existe des représentations collectives et de valeur collective (de groupe communautaire). Par ailleurs, c'est dans ce cadre que nous parlerons du rapport au savoir des élèves Babongo du village Matagamatsengue. C'est-à-dire de la relation que ces élèves d'origine Babongo entretiennent avec le fait d'aller à l'école et d'y apprendre des choses. Car il n'y a pas d'un côté l'identité du sujet et l'autre son être social, les deux sont inséparables ; le rapport au savoir est indissociablement social et singulier.

1.2. La sociologie de l'école, de la famille et du rapport au savoir comme champs scientifiques

Le champ scientifique est représenté ici par les différentes disciplines dans lesquelles s'inscrit la recherche. Par ailleurs, notre objet d'étude nous place immédiatement dans la sociologie de l'école et la sociologie de la famille.

La sociologie de l'école est revendiquée parce que la réussite scolaire des enfants est visée par la dépendance qui existe entre le sens et la valeur qu'un sujet donne à l'école (ou les représentations sociales) et l'institution scolaire, et en ce que l'école est l'élément de départ qui favorise l'intégration sociale de l'individu.

12 Bernard Charlot, E. Bautier, J-Y, (1992), Ecole et savoir dans les banlieues et ailleurs, Paris, Armand Colin.

La sociologie de la famille est également interpellée parce que la famille, ainsi que l'école, est une institution qui a la charge de former, d'éduquer et d'intégrer les individus dans la société. Toutes les catégories familiales n'ont pas le même discours sur l'école, dans la mesure où les projets d'avenir, les aspirations professionnelle et sociale et la valeur donnée à l'école ne sont pas les mêmes. La relation entre l'école et la famille, qui sont les deux principales instances de socialisation de l'enfant, ont des effets qui déterminent en parti la réussite scolaire des enfants. Par conséquent, la sociologie de l'école est indissociable de la sociologie de la famille.

En plus de ces deux champs précités, nous mobilisons la sociologie du rapport au savoir car la réussite implique aussi une activité et un désir de la part du sujet (de l'apprenant). On observe aujourd'hui que la réussite scolaire des enfants n'est plus toujours fonction des normes sociales des familles et de la pertinence de l'école quelles soutiennent. Tel est le cas d'un enfant issu d'une famille de catégorie défavorisée, mais qui met en oeuvre toutes les stratégies pour y parvenir. C'est-à-dire cette capacité personnelle dont dispose l'individu à former son raisonnement (auto développement) et de canaliser des connaissances dans sa mémoire (auto organisation) ; ce qui participe plus est donc le « Learning13 ».

Par conséquent, notre étude visant à démontrer l'impact du rapport au savoir sur la persévérance scolaire au Gabon et chez les élèves du village Matagamatsengue en particulier relève donc aussi de la sociologie de l'école, de la famille et du rapport au savoir.

1.2.1. La persévérance scolaire comme problème posé par l'objet d'étude

Constat : Le taux de redoublement qu'enregistre le Gabon dans les établissements scolaires, inquiète véritablement, les autorités politiques et même la Banque Mondiale du fait qu'il croît sans cesse. Et il est d'ailleurs l'un des plus élevés au monde. « Etant déjà important avant 1990, il est passé de 38,1% à 42,8% durant la période 2010-2015 »14. Par ailleurs, la période 2010-2015 a connu donc un taux de redoublement de 4,7% de plus que celle avant 1990 (38,1% - 42,8%).

13 Roger Girod, (1984) « Inégalité des chances : quelques aspects de l'évolution des théories », Pouvoir, n°30, Septembre.

14 Gabon : les objectifs du millénaire pour le développement, Banque Mondiale, 2015.

10

11

De ce fait, pour mieux cerner le problème que pose notre objet d'étude, nous avons effectué une pré-enquête dans le village Matagamatsengue. Notre échantillon était composé principalement de deux catégories d'individus : dix chefs de famille (dont l'âge varie entre 20 et 56 ans) et dix enfants scolarisés (dont l'âge varie entre 8 et 19ans), tous des deux sexes. Cependant, nous avons aussi eu l'occasion de discuter, un temps soit peut, avec le directeur de l'école primaire de Nzingui et le vice-président du conseil départementale de la Louétsi-Wano (responsable de la défense des peuples autochtones). Sur trente(30) jeunes en âge d'être scolarisés que nous avons recensé du 12 au 14juillet 2016, vingt (20) se sont toujours inscrits à l'école de Nzingui sur les deux années académiques allant de 2014 à 2016.

Cependant, le directeur de cette école nous confie que : « les élèves ressortissant de Matagamatsengue ont toujours eu une fréquentation irrégulière bien qu'ayant quelques exception dont 4 ont pu obtenir leur certificat d'études primaires».Et mentionne« qu'il est rare de voir ces élèves boucler une année académique ».

Ensuite, sur les 10 élèves que nous avons retenus et interrogés sur l'item de la fréquentation, 9 ont coché la case « irrégulier ». Et sur l'item du projet professionnel, 5 ont répondu « dans les corps habillés », 2 répondent «enseignant », 1 souhaite être infirmier et 2 autres « chauffeur ». Sur les 1O chefs de famille ayant rempli le questionnaire sur ce même item du projet professionnel, 5 souhaitent que leurs enfants intègrent les « corps habillés », 2 dans le domaine de « la santé », 1 pour celui des « eaux et forêts » et 2 dans « l'enseignement ».

12

1.2.2. Présentation des données de la pré-enquête Tableau n°1 : Répartition des répondants selon l'âge

Classe d'âges

Parents

élèves

 

F

T

G

F

T

8 à 15 ans

0

0

0

5

3

8

15 à 20 ans

0

0

0

1

1

2

20 à 30 ans

1

0

1

0

0

0

30 à 40 ans

1

1

2

0

0

0

40 à 50 ans

3

1

4

0

0

0

50 à 60 ans

2

1

3

0

0

0

Total

7

3

10

6

4

10

 

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2016

Il apparait ici que la grande partie des élèves se situe dans la tranche d'âge de 8 à 15 ans et chez les parents, la majeure partie se situe dans celle de 40 à 50 ans (soit 4 parents) et de 50 à 60 ans (3 parents).

Tableau n° 2 : Répartition selon le niveau d'études

Niveau d'étude

Parents

élèves

 

F

T

G

F

T

Inferieur ou égale au CM2

7

3

10

2

4

6

Inférieur ou égal à la 3eme

0

0

0

4

0

4

Total

7

3

10

6

4

10

 

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2016

13

Nous pouvons noter ici que les parents tout comme les élèves ont, de manière générale, un niveau d'études inférieur ou égal au CM2, exceptés 4 élèves qui ont un niveau d'études inférieur ou égal à la classe de troisième et tous de sexe masculin.

Tableau n°3 : Répartition des répondants selon les perspectives professionnelles

Professions

Parents

Elèves

 

F

T

G

F

T

Infirmier / médecin

0

2

2

0

1

1

Force de l'ordre

4

1

5

4

1

5

Enseignant

2

0

2

0

2

2

Agent des eaux et forêts

1

0

1

0

0

0

Chauffeur

0

0

0

2

0

2

Total

7

3

10

6

4

10

 

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2016

Pour ce qui est du projet professionnel, il ressort que 10 (dix) sur les vingt (20) individus interrogés (parents/élèves) ont une préférence pour les métiers des forces de l'ordre et les 10 (dix) autres pour tout autre corps de métiers tels que : infirmier, enseignant, eaux et forêt et chauffeur.

Tableau n°4 : Effectif d'élèves de l'école de Nzingui par sexes et par niveau d'études.

1ère A

2ème A

3ème A

4ème A

5ème A

Total

G

F

T

G

F

T

G

F

T

G

F

T

G

F

T

G

F

T

17

08

25

04

04

08

08

07

15

03

04

07

04

01

05

36

24

60

 

Source : Rapport de la rentrée scolaire 2017-2018, école de Nzingui

14

Tableau n°5 : Répartition des élèves par âges, sexes et par niveaux

Ages

Niveaux

 

2ème A

3ème A

4ème A

5ème A

Total

 

F

G

F

G

F

G

F

G

F

G

F

T

6 ans

01

02

00

00

00

00

00

00

00

00

1

2

3

7 ans

02

03

00

00

00

00

00

00

00

00

02

03

05

8 ans

02

00

00

00

00

00

00

00

00

00

02

00

02

9 ans

05

01

01

01

00

00

00

00

00

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06

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10 ans

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11 ans

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12 ans

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13 ans

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15 ans

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03

 

30

22

52

 

Source : Rapport de la rentrée scolaire 2017-2018 école de Nzingui modifié

En outre, selon le rapport de la rentrée scolaire de l'année 2017-2018 de l'école publique de Nzingui, on observe de manière générale que les élèves de cette école sont en situation de retard scolaire, c'est-à-dire que l'âge de ces derniers ne correspond pas au niveau d'études dans lequel ils se trouvent : c'est notamment le cas de la classe de première année où l'on observe que la majorité des élèves ont 9 ans. Dans ce même rapport, « on observe une parité entre le nombre de redoublants et celui des nouveaux sur l'ensemble de l'établissement (21 nouveaux et 21 redoublants) »15. Par contre, la fiche technique de la rentrée scolaire 2018-2019 révèle que le nombre de redoublants est supérieur à celui des nouveaux (32 contre 21).

15 Voir annexe n°6, portant sur le rapport de la rentrée scolaire2017-2018 et la fiche technique de la rentrée scolaire 2018-2019 de l'école de Nzingui.

15

Tableau n°6 : Répartition des redoublants par sexes et par niveaux

Niveau d'études

Garçon

Fille

Total

1ère année

08

05

13

2ème année

03

04

07

3ème année

05

05

10

4ème année

00

02

02

5ème année

00

00

00

Total

16

16

32

 

Source : Fiche technique de l'année scolaire 2018-2019, école de Nzingui

Tableau n°7 : Répartition de nouveaux élèves par sexe et par niveau d'études

Niveaux

Garçon

Fille

Total

1ère année

02

01

03

2ème année

02

02

04

3ème année

01

01

02

4ème année

02

06

08

5ème année

04

00

04

Total

11

10

21

 

Source : Fiche technique de l'année scolaire 2018-2019, école de Nzingui

Selon le directeur de l'école, le redoublement de ces élèves en général et en particulier ceux d'origine Babongo du village Matagamatsengue trouverait son explication dans le fait que ces derniers, lors de certaines évaluations, sont souvent absents ou abandonnent en cours d'année pour revenir l'année suivante se réinscrire. Enfin, toujours dans le cadre de notre pré-enquête, nous avons rencontré le 12 juin 2018, le vice-président du conseil départemental de la Louétsi-Wano, qui travaille aussi en collaboration avec l'ONG « AGAFI » dans le cadre de la défense des peuples autochtones. Ainsi ; il nous confie : que « ces élèves ressortissant de Matagamatsengue, même bien qu'ayant obtenu le certificat d'études primaires ont du mal à dépasser le niveau 3eme ».

16

Et il rejoint le directeur de l'école en parlant de leur fréquentation scolaire en « dents de scie », c'est-à-dire le fait de fréquenter l'école de manière épisodique. Il poursuit en disant que ces élèves, « s`inscrivent en début d'année, sont plus ou moins réguliers entre octobre et mi-

décembre, absents entre mi-décembre et février, réapparaissent sur les bancs de l'école la période de mars/avril, et certains repartent avant la fin des cours. Mais l'année scolaire suivante, ils reviennent quand même se réinscrire». Il conclut en ajoutant : que « ce va et vient des élèves s'observe pour ceux qui sont inscrits à l'école primaire de Nzingui, ceux inscrits au lycée de Lebamba et celui de Bongolo».

Dans cette perspective, en considérant qu'un problème de recherche est un écart entre une situation actuelle insatisfaisante et une situation désirable, notre problème apparait donc sous l'angle d'une discordance entre la réussite scolaire et la valeur ou le sens que l'on donne à l'école. C'est en effet, cette situation de `'persévérance scolaire» qui nous a conduit à nous intéresser au rapport que les élèves issus de Matagamatsengue et leurs familles entretiennent avec le savoir, le fait d'aller à l'école et d'y apprendre des choses, alors même que ces enfants ont un grand retard scolaire, sont souvent obligés de s'absenter de long mois, et que leur environnement social et scolaire n'est pas propice à la réussite scolaire.

1.2.3. Les questions de départ de notre recherche

Toute recherche débute par un questionnement de départ clair. C'est ce dernier qui guide et oriente le travail en fonction des objectifs à atteindre. Une bonne question de départ, selon QUIVY et CAMPENHOUDT16, doit obéir à trois critères fondamentaux : « la clarté », « la pertinence » et « la faisabilité ». En effet, il faut que la question soit précise et que son sens ne prête pas à confusion. Ensuite, il faut qu'elle soit ouverte afin de laisser

16 Luc Van Campenhoudt et Raymond Quivy, (2011), Manuel de recherche en sciences sociales, 4éme éd, Paris, Dunod.

place à plusieurs réponses différentes. Et enfin, celle-ci doit être réaliste en rapport avec les ressources qui sont à la disposition du chercheur.

Par ailleurs, cette question du rapport au savoir soulève plusieurs interrogations qui constitueront le fil conducteur de notre recherche dans l'optique de mieux comprendre et d'expliquer ce phénomène chez les élèves d'origine Babongo du village Matagamatsengue.

- Comment les élèves du village Matagamatsengue se représentent-ils le fait d'aller à l'école ? Autrement dit, quel sens donnent-ils à la fréquentation scolaire ?

- Pourquoi les élèves du village Matagamatsengue persévèrent-ils dans leurs études
malgré le caractère irrégulier de leur fréquentation scolaire ?

Nous avons là donc, les deux principales interrogations qui nous servirons de boussole tout au long de notre investigation et auxquelles nous tenterons d'y répondre.

Section 2 : Elaboration de la problématique

Lors d'une investigation de type scientifique, et de sociologie en particulier, la problématique est présentée comme une étape fondamentale entre la rupture et la construction de l'objet. Si l'on se réfère à QUIVY et CAMPENHOUDT, cette phase désigne : « l'approche ou la perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. Elle est l'angle par lequel les phénomènes vont être étudiés, la manière dont on va les interroger »17. L'élaboration de la problématique se réalise en deux grandes étapes. Dans un premier temps le chercheur doit faire le point sur les problématiques antérieur : Celle-ci consiste donc pour nous à recensé les travaux des prédécesseurs et à faire des comparaisons, avant d'expliquer sa propre problématique dans un second temps : adopter un cadre théorique dont on est à mesure de maitriser.

2.1. La revue de la littérature

Dans le but de répondre à la question de savoir d'où surviennent les inégalités scolaires, différentes approches ont été développées par les sociologues. Il est en effet nécessaire de faire une revue de la littérature en ce que cette thématique (d'inégalité scolaire) suppose d'être observée avec distanciation, objectivité et toujours en contexte.

17 Luc Van Campenhoudt et Raymond Quivy, (2011) Op.cit, p 16

17

Ainsi, nous vous ferons un bref aperçu de quelques travaux sur cette question dans la sociologie de l'éducation en général, et en référence au contexte gabonais.

2.1.1. Dans la littérature sociologique

* Bernard CHARLOT18, dans son livre, Le rapport au savoir en milieu populaire, définit le rapport au savoir comme l'ensemble (organisé) de relations qu'un sujet humain (donc singulier et social) entretient avec tout ce qui relève de `'l'apprendre» et du `'savoir» : objet, contenu de pensée, activité ; relation personnelle, lieu, personne, situation, occasion, obligation, etc., liés en quelques façons à l'apprendre et au savoir.

Il montre par cette définition que le rapport au savoir ne se réduit pas aux relations que nous entretenons avec des apprentissages ou avec des savoirs, mais Il se construit également à travers nos projets d'avenir, nos aspirations professionnelles et sociales, nos réponses à des sollicitations de l'entourages. Cette analyse nous amène à aborder dans un premier temps l'expérience scolaire des parents Babongo avant que d'aborder le rapport au savoir chez les enfants Babongo de Matagamatsengue.

* Jacky BEILLEROT19, quand à lui dans son livre Pour une clinique du rapport au savoir, parvient à montrer que le rapport au savoir est avant tout un processus jamais figé, qui évolue tout le long de la vie, le rapport au savoir est à la fois un rapport de sens et relation de valeur, c'est-à-dire qu'une personne valorise ce qui a du sens pour elle, et à l'inverse, elle donne du sens à ce qui représente de la valeur pour elle.

Selon Jacky Beillerot, la réussite scolaire d'un élève dépend du sens que celui-ci donne à ses études. Cette analyse nous intéresse en ce quelle place l'élève (l'individu) au centre de sa réussite ou de son échec scolaire.

* François DUBET20, dans son livre sur l'expérience sociologique, s'efforce de montrer comment la sociologie se pose sans cesse les mêmes questions, construit des réponses qui relèvent autant de choix théoriques que de la nature des conflits, des débats et des expériences que la sociologie doit dégager des routines sociales de la vie. La sociologie y

18 Bernard Charlot, (1999), Le rapport au savoir en milieu populaire. Une recherche dans les lycées professionnels de banlieue. Paris, Edition Economica.

19 Jacky Beillerot, (1996), Pour une clinique du rapport au savoir, Paris, L' harmattan.

20 François Dubet (2007), L'expérience sociologique, Paris, la Découverte.

18

apparait moins comme une doctrine, que comme une aventure intellectuelle et une manière de définir l'action sociale par des choix de méthodes.

Selon Dubet, « si l'on part de l'hypothèse que les acteurs sont des acteurs et qu'ils possèdent donc des capacités d'actions et de réflexions, se sont-elles que le chercheur doit mobiliser plutôt que se conférer un monopole du sens qui ne risque guère de lui être contesté par ceux qu'il étudie, car il est rare qu'ils lisent ces ouvrages ou ces articles ».

Cette approche de Dubet propose que ce soit en observant les acteurs que l'on peut comprendre dans quelle société nous vivons, plutôt que d'inférer mécaniquement le sens d'une action du contexte où elle se forme. En outre, le principe d'autonomie conduit les acteurs à ne pas se considérer comme des victimes (jouet de destin final), mais comme acteurs de la construction de leur propre vie.

L'approche que développe Dubet ici, nous parait très pertinente pour notre étude car elle met en avant l'acteur capable d'agir, de réagir et parfois d'inventer des réponses.

*Marie DURU-BELLAT, contrairement à Dubet, met l'accent sur l'effet-établissement. Pour elle, les causes de l'inégalité des chances scolaires doivent être recherchées au sein de l'établissement car chaque établissement, ayant un mode particulier de fonctionnement et d'organisation (spécificité de management), influence fortement le rendement scolaire des élèves.

Ici, l'idée qui se dégage est celle des contextes scolaires variés et inégaux, qui favorisent une inégalité de réussite au profit des familles qui usent de stratégies en inscrivant leurs enfants dans des contextes plus favorables à la réussite.

Cette perspective est pertinente pour notre étude en ce qu'elle relève la diversité des contextes scolaires qui est aussi plus ou moins observable au Gabon entre les « établissements du centre et ceux de la périphérie » 21ou encore entre ceux des zones urbaines et ceux des zones rurales.

21Orphée Martial Soumaho Mavioga et Dany Daniel Békale, (2017) « Offre scolaire au Gabon et problématique de l'inégalité des chances dans l'enseignement primaire », Romaric Franck Quentin de Mongaryas (dir.) refonder l'école gabonaise : enjeux et perspectives, Saint Denis, Publibook.

19

20

Notre étude se déroule en zone rurale, et à l'épreuve des observations de terrain, il se lit une forte disparité scolaire qui se traduit en termes de structures scolaires, d'enseignants et d'outils pédagogiques. L'environnement scolaire dans cette zone rurale pose des limites dans la réussite scolaire des apprenants.

* Pierre MERLE22, pour sa part, envisage de comprendre les phénomènes de mobilisation et de découragement scolaire à partir de l'expérience subjective des élèves. Selon lui, ce qui pourrait être à la base de l'inégalité de chance scolaire d'après les élèves eux-mêmes est l'effet maître, c'est-à-dire l'interaction entre maître et élève.

Dans son étude, il montre que les élèves ne sont poussés à travailler que dans la mesure où les compétences rationnelles et didactiques des professeurs ont une influence positive sur les élèves. Dans ce cas, le maître a une part de responsabilité de bons ou de mauvais résultats des élèves. En d'autres termes, il est à l'origine de la performance de ces derniers.

Par ailleurs, la précarité qui touche les maîtres dans les zones rurales ne motive pas celui-ci à s'intéresser à la réussite scolaire des élèves. Tout au plus, ils vont veiller à leur donner l'essentiel des savoirs à acquérir pour un niveau donné.

* Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON23 s'intéressent aux logiques de la reproduction sociale par le biais de l'héritage culturel. Leur hypothèse centrale était que l'école reproduit les inégalités sociales à travers les méthodes et les contenus d'enseignement qui privilégient de manière implicite une forme de culture propre aux classes dominantes, ce qui désavantage les élèves issus des classes dominées.

Selon eux, l'école remplit une fonction de légitimation en transformant les inégalités sociales en inégalités présentées comme naturelles (d'aptitude, de goûts, etc.). Pour rendre compte de ce processus qui lie la performance scolaire au milieu social, ils ont développé la notion de « capital culturel ». Toujours selon eux, plus le niveau culturel de la famille est

22 Pierre Merle, (2004), « Mobilisation et découragement scolaires : l'expérience subjective des élèves », Education et Société, n°13. pp.193-208

23 M. Cacouault et F. Oeuvrard, (1995), Sociologie de l'éducation, 4éme éd, Paris, (`'la découverte» coll. « Repères »).

élevé, plus l'enfant a des chances de réussir à l'école du moment où c'est ce capital qui est valorisé à l'école. Cela revient à dire que le système éducatif est destiné aux enfants qui dès le départ possèdent un capital qui leur permet de s'orienter plus aisément dans le milieu scolaire et de le transformer en diplôme. Cependant, les enfants issus des milieux défavorisés ont un capital culturel qui est opposé à la culture valorisée par l'école dans ces valeurs et son langage, ce qui implique de leur part un plus grand effort.

Cette approche est très intéressante. Mais sa principale limite provient du fait qu'elle ne présente que l'implication de la famille et de l'école sur l'échec qui affecte les populations d'élèves. Ce qui laisse entendre que les inégalités de réussite des élèves ne s'expliquent que par les inégalités de distribution du capital culturel que médiatisent les dispositions individuelles socialement déterminées (l'habitus) et donc écarte la responsabilité de l'élève lui-même.

* Viau ROLLAND24, pour sa part montre que la « motivation » en contexte scolaire, est un état dynamique qui a ses origines dans la perception que l'élève a de lui-même et de son environnement, et l'incite à choisir une activité, à s'y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d'atteindre un but : « si un élève ne donne du sens aux activités scolaires, il ne peut travailler fort ».

Cette étude nous paraît pertinente en ce qu'elle rejoint, peu ou prou, notre préoccupation dont l'objectif est de comprendre la persévérance scolaire individuelle d'élèves appartenant massivement aux mêmes catégories sociales.

2.1.2. Que pensent les universitaires gabonais ?

Quelques travaux de recherche universitaire ont fait l'objet

* Axel Eric AUGE25, dans son mémoire de maitrise intitulé Evaluation du paradigme de la reproduction sociale au milieu universitaire au Gabon pour une lecture de l'école reproductrice, tente de vérifier le paradigme de la reproduction sociale de Bourdieu qui

24 Rolland Viau. Rolland (1994), La Motivation en contexte scolaire, Paris, Bruxelles. De Boeck et Lacier S. a.

25 Axel Eric Augé, Evaluation du paradigme de la reproduction sociale en milieu universitaire au Gabon, pour une lecture de l'école reproductrice, mémoire de maitrise en sociologie, Libreville, FLSH, UOB, Septembre 1997.

21

postule que l'origine sociale conditionne le destin social. Il va ainsi constater que l'origine sociale modeste est une source de motivation pour les étudiants de familles populaires. Il démontre par la suite que, si pour Bourdieu l'origine sociale modeste condamne les étudiants au sein des sociétés capitalistes comme la France, l'effet n'est pas le même au Gabon.

Cette approche est aussi très intéressante ; mais au fond, elle n'explique pas pourquoi la capacité d'auto organisation et d'auto développement du savoir varie en fonction d'un élève à un autre, dans la mesure où le principe d'autonomie26 conduit l'acteur à ne pas se voir comme une victime mais comme un acteur capable de donner un sens à ce qui lui arrive.

*Hermine MATARI27, quant à elle, en s'appuyant sur le paradigme Bourdieusien, tente de montrer que la structure familiale a pour fonction la reproduction sociale, biologique et scolaire. Ceci en tentant de maintenir, et si possible d'améliorer, la position de la famille dans l'espace social. Ces travaux tentent de comprendre et d'expliquer la nature des rapports que les familles Gabonaise entretiennent avec l'institution scolaire.

Cette approche ne fait pas suffisamment place aux cas marginaux et ne nous permet pas elle aussi de comprendre la persévérance scolaire individuelle d'individu appartenant aux mêmes catégories sociales. Elle rejoint ainsi, peu ou prou, la position de Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON sur la variable de l'origine sociale pour expliquer la réussite scolaire.

* Mesmin-Noël SOUMAHO28, dans sa thèse de doctorat démontre que l'héritage peu modifié de la colonisation, ce que l'on désigne généralement sous le vocable « système éducatif gabonais », n'est que la transposition d'un modèle déjà périmé en France. C'est-à-

26 François Dubet, Op.cit, p 18

27 Hermine, Matari, Trajectoire scolaire dans l'enseignement primaire et famille au Gabon. Pour une étude du rendement à partir de l'origine sociale des élèves. Mémoire de maitrise en sociologie, Libreville, FLSH, UOB, Octobre 1999.

28 Mesmin-Noël Soumaho, Objectifs de l'enseignement primaire et contenu des manuels de lecture. Contribution à une étude sociologique du curriculum au Gabon, 2tomes, thèse de Doctorat 3e cycle en sciences de l'éducation. Paris, université René Descartes-Paris V, 1987.

22

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dire qu'il ne prend pas en compte les réalités socioculturelles en ce que l'enseignement dispensé à l'école primaire au Gabon est inadapté, parce que n'intégrant pas une réalité culturelle fondamentale dans l'éducation : la langue maternelle. De ce fait, dès que l'enfant arrive à l'école, il perd toute spontanéité et adopte une attitude passive. « C'est que l'enfant est brusquement soumis à la nécessité de se plier à une discipline dont la valeur n'est pas comprise, il doit travailler seul au lieu d'agir au sein d'un groupe. La tâche demandée lui est étrangère sans rapport avec la vie et enseignée dans une langue inconnue ». Et par conséquent, ces savoirs inculqués à l'école sortent l'enfant de son milieu et le rend très inutile à ce milieu.

L'aspect de transposition spontanée d'un modèle sans un effort de contextualisation qu'aborde Mesmin-Noël SOUMAHO sur la question du système éducatif gabonais est très pertinent pour notre étude en ce qu'il touche la question du « rapport à la langue ». Le français est la langue légitimée à l'école au Gabon ; or en milieu rural gabonais (à Matagamatsengue en particulier), la langue vernaculaire est la plus utilisée dans l'espace privé ainsi que dans l'espace public. Cet écart entre socialisations familiale et scolaire a nécessairement une incidence dans le rapport.

* Gilbert NGUEMA ENDAMNE29 , dans l'école pour échouer fait un point des avatars d'une ouverture précoce de l'école à toutes les couches sociales. Il montre qu'en zone rurale, les directeurs d'écoles sont appelés à faire les arbitrages entre la loi et la pression villageoise. Les conditions de vie précaire des directeurs et enseignants (certains sont nourris et logés par les villageois) réduisent leur autonomie. En outre, cette volonté d'instruire tous les enfants en âge scolarisable va se heurter à des difficultés économique et financière qui ne permettent pas de répondre à l'exigence d'une éducation de qualité, susceptible d'atteindre les finalités qui lui ont étés assignées.

Tout comme dans la thèse doctorale de Mesmin-Noël SOUMAHO, cet aspect nous ait aussi pertinent en ce qu'il met en avant les limites d'une ouverture de l'école pour tous, en

29Gilbert, Nguema Endamne. (2011) L'Ecole pour échouer. Une école en danger. Crise du système d'enseignement gabonais. Paris, Publibook

24

notant toutefois l'effet de contexte scolaire rural pour montrer l'échec d'un système éducatif qui favorise à son tour l'échec scolaire.

* Romaric Franck QUENTIN DE MONGARYAS30, quant à lui, s'intéresse au rapport à la lecture des étudiants de sociologie (licence 3 et Master 1) à Libreville. Il montre à l'aide de la théorie du rapport au savoir développée par Bernard Charlot, que chez ces étudiants gabonais de l'Université Omar Bongo, il y a une absence de culture sociologique, une faible construction intellectuelle et scientifique qui s'explique par leurs comportements paradoxaux en matière de lecture dans la mesure où ils ne parviennent pas à développer une compétence lectrice qui est nécessaire à tout étudiant qui souhaite poursuivre des études supérieures. En d'autres termes, ces étudiants n'ont pas un habitus lectoral ou encore n'entretiennent pas des habitudes ou des comportements qui favorisent le goût du livre ou de la lecture.

Tout comme les précédentes analyses, celle-ci nous paraît intéressante en ce qu'elle parvient à montrer l'importance d'un habitus lectoral dans le cadre de la construction d'une culture sociologique nécessaire à la poursuite des études universitaires, tout en mettant au centre le sujet lui-même.

Au terme de ce retour sur ces quelques travaux de nos prédécesseurs, et après avoir élucidé leurs problématiques, nous passons à la seconde phase dans le but de nous donner une problématique qui sied à notre questionnement de départ. Il s'agit de savoir en contexte gabonais, dans quelle mesure le rapport au savoir peut expliquer la motivation des élèves à persévérer dans la poursuite des études.

2.2. La perspective sociologique de notre problématique

L'objectif de notre recherche est d'expliquer principalement l'écart entre le rapport au savoir et l'acharnement des élèves à poursuivre des études malgré un contexte familial et scolaire complexe (une « école pour échouer31») à partir d'une enquête au village

30Romaric Franck Quentin De Mongaryas, Culture intellectuelle et scientifique dans l'enseignement supérieur gabonais : Analyse du rapport à la lecture des étudiants de sociologie (Licence 3 et Master 1) à Libreville, http://WWW.regalish.net, p17

31Gilbert Nguema Endamne, (2011), op.cit., p22.

25

Matagamatsengue. Et pour ce faire, nous convoquons Bernard Charlot comme auteur de référence.

Ses travaux de recherche qui retiennent notre attention portent sur le sens et la valeur que présentent pour les élèves et leurs familles l'école, et le fait même d'apprendre. Il tente d'identifier les processus qui structurent les histoires scolaires des jeunes : mobilisation à l'école et sur l'école, et les processus épistémiques. Ces recherches montrent qu'une histoire scolaire n'est jamais jouée d'avance, et que les jeunes des milieux populaires pensent l'école en termes d'avenir plus que de savoir, et qu'apprendre ne présente pas un sens univoque.

Dans le but d'atteindre notre objectif, la théorie sociologique du sujet de BERNARD CHARLOT32 est celle que nous avons retenue dans le cadre de notre recherche, dans la mesure où elle porte tout autant sur la part du social et du psychique, que sur les conceptions du sens, du savoir et de l'apprendre. Cette perspective entre en dialogue avec une psychologie qui pose comme principe que tout rapport à soi passe par le rapport à l'autre. Une lecture en positive s'attache au sens que l'élève donne à ce qui lui arrive. Car l'univers de sens est ce qui différencie les populations d'élève et non tel ou tel autre phénomène considéré isolément. Le choix de ce cadre théorique est aussi justifié par l'objectif de saisir les cas marginaux (les singularités).Connaissant que le cadre théorique a pour fonction d'organiser notre représentation de la réalité, une question fondamentale va ainsi orienter notre investigation : Comment les élèves du village Matagamatsengue se représentent-ils le fait d'aller à l'école ? Autrement dit, quel sens donnent-ils à la fréquentation scolaire ? Pourquoi les élèves du village Matagamatsengue persévèrent-ils dans leurs études malgré le caractère irrégulier de leur fréquentation scolaire ? Telle sera la question que ce travail se propose d'éclaircir.

32 Bernard Charlot, (1982), « je serai ouvrier comme mon papa, à quoi ça me sert d'apprendre ? Echec scolaire, Démarche pédagogique et rapport social au savoir », GFEN ; Quelles pratiques pour une autre école, Paris, Casterman.

26

CHAPITRE II

APPROCHE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

Section1 : Construction du modèle d'analyse

1.1. L'énonciation des hypothèses

Le but de notre recherche est de comprendre et d'expliquer l'influence du rapport au savoir sur la persévérance scolaire des élèves issus d'une minorité ethnique et dont le contexte social, politique et familial et scolaire leur est défavorable voire hostile.

Selon QUIVY et CAMPENHOUDT, « un travail ne peut être considéré comme une véritable recherche s'il ne se structure autour d'une ou de plusieurs hypothèses ». L'hypothèse se présente comme une réponse provisoire à la question de départ de la recherche, qui demande à être vérifiée.

Par ailleurs, nous rappelons ici que notre questionnement de départ est de savoir : Comment les élèves du village Matagamatsengue se représentent-ils le fait d'aller à l'école ? Autrement dit, quel sens donnent-ils à la fréquentation scolaire ? Pourquoi les élèves du village Matagamatsengue persévèrent-ils dans leurs études malgré le caractère irrégulier de leur fréquentation scolaire ? En d'autres termes, quelle pertinence sociologique peut-on accorder à la corrélation entre le rapport au savoir des élèves et la persévérance scolaire ?

Hypothèse 1

Les élèves issus de la communauté Babongo accordent véritablement un sens social aux études dans la mesure où ils développent une persévérance scolaire qui se construit autour d'un projet familial essentiellement centré autour d'une relative réussite sociale qui se traduit par un emploi rémunéré, qui permettra à l'enfant plus tard d'aider toute la famille.

Hypothèse2

Le contexte scolaire en zone rural étant défavorable, les élèves Babongo du village Matagamatsengue accordent un sens épistémique et identitaire restreint aux études, non pas dans la perspective de sortir de leur catégorie sociale, tout au plus pour apprendre à lire et à écrire afin de solliciter des tâches subalternes dans la division sociale du travail moderne.

1.2. Définition et construction des concepts

1.2.1. Définition des concepts

Cette étape est nécessaire en ce que les concepts permettent d'expliquer le phénomène à étudier. En effet, le cadre théorique permet de spécifier les concepts, de les définir et de préciser les limites de ces définitions. En outre, c'est la relation entre les concepts clés retenus qui va constituer le fondement de notre manière de concevoir le problème et de l'aborder.

· Le rapport au savoir

Le rapport au savoir désigne « l'ensemble d'images, d'attentes et de jugements qui portent à la fois sur le sens et la fonction sociale du savoir et de l'école, sur la discipline enseignée, la situation d'apprentissage et soi-même »33 . Aujourd'hui, « c'est une relation de sens, et donc de valeur entre un individu (ou un groupe) et les processus ou produit du savoir ».34

· La persévérance scolaire35

La persévérance scolaire peut être définie au sens strict comme la poursuite des études jusqu'à l'obtention d'un premier diplôme ou d'une qualification. Pour soutenir cette persévérance, il faut que les études soient suffisamment valorisées auprès des jeunes :

33 Bernard charlot. (1982) « Je serais ouvrier comme papa, alors à quoi ça me sert d'apprendre ? L'échec scolaire, vécu pédagogique et rapport social au savoir ». GFEN. Quelle pratique pour une autre école ? Tous capable ! Paris, Tournai, Casterman.

34 B Charlot. Bautier, E. et Rochex, J-Y. (1992) Ecole et savoir dans les banlieues... et ailleurs. Paris : Armand.

35 Persévérance scolaire : définition et situation à Montréal.

https:/www. Reseauréussitemontréal. Ca/ persévérance.../ persévérance.sc...

27

28

- que ces derniers soient motivés et s'y investissent,

- qu'ils se sentent capables de réussir un parcours adapté à leurs capacités et aspirations,

- que les exigences de leur vie d'élèves s'harmonisent avec les autres dimensions de leur vie.

En outre, les déterminants de celle-ci sont : la motivation, l'enseignement, l'estime de soi, l'encadrement parental, le climat scolaire et les ressources du milieu. De ce fait, si l'influence de ces déterminants est positive, on parle ainsi de facteurs de protection qui favorisent la persévérance scolaire du jeune.

Le taux de diplômes des élèves issus de Matagamatsengue n'étant pas archivé par la Direction d'Académie Provinciale de la Ngounié (DAP) et par le centre d'examen de Nzingui, dans la présente investigation la mesure de la persévérance scolaire s'est faite sur la base des déterminants citée précédemment et des données recueillies sur le terrain, dans l'objectif de palier à l'absence de rapport de fin d'année.

En effet, dans le cadre de notre travail, nous définissons la persévérance scolaire comme une capacité à poursuivre des études au-delà des handicaps liés à l'origine sociale, au retard scolaire et à un contexte scolaire défavorable qui condamneraient les élèves à l'avance à des abandons. Mais cette persévérance scolaire sensée être positive ne permet pas aux élèves issus de la communauté Babongo de véritablement sortir de leurs conditions sociales défavorisées à la fin de leurs études. Au plus, ces élèves espèrent dépasser le niveau scolaire de leurs parents et trouver un emploi subalterne dans l'appareil de production de l'Etat.

· Mobilisation à l'école et sur l'école36

La notion de mobilisation à l'école désigne l'investissement dans le travail scolaire. Elle fait appel à plusieurs processus : l'incitation par les membres de la famille, l'aide technique, l'appropriation de la demande familiale. Cette demande devient volonté personnelle de réussir. La mobilisation à l'école est la force de la demande inscrite dans le réseau des

36 Bernard Charlot, (1992), « Rapport au savoir et rapport à l'école dans deux collèges de banlieue », sociétés contemporaines, n°11-12 ? P119-147

37 Gaston. Mialaret (1979), Vocabulaire de l'éducation. Education et Sciences de l'Education, Paris, PUF, p. 392

29

relations familiales, plus que l'aide technique apportée par les parents qui soutiennent la mobilisation des jeunes sur l'école (l'élève est ici dans un « rapport aux apprentissages professionnels »).

Par contre, la notion de mobilisation sur l'école désigne l'investissement dans le fait scolaire lui-même. Elle implique que l'on attribue du sens au fait même d'aller à l'école pour y apprendre des choses. Ici, c'est l'activité intellectuelle qui donne sens à l'école, activité de construction progressive d'un savoir qui, dans sa phase ultime, objective et nomme ce savoir (l'élève est dans un « rapport à la culture »).

De ce fait, même la didactique la plus performante se révélerait impuissante (inefficace) face à un élève qui n'en a rien à faire de l'école. Il est donc important qu'un élève se mobilise sur l'école pour qu'il se mobilise à l'école. Tout individu, dominé soit-il, est actif, agit sur et dans le monde, en fonction du sens qu'il attribue à ce monde.

· Le retard scolaire

Au sens de Gaston MIALARET37, on parle de retard scolaire pour désigner un élève qui se retrouve en-dessous de la norme par rapport à son âge ; C'est-à-dire un élève qui est dans une classe inférieure à celle qu'il devrait être par rapport à son âge. En effet, plusieurs facteurs peuvent expliquer le retard scolaire notamment : le décrochage, l'échec (redoublement), l'entrée tardive dans le système scolaire, etc.

1.2.2. Construction des concepts

La construction des concepts consiste, dans un premier temps, à déterminer les dimensions qui les constituent, avant que de préciser les indicateurs par lesquels les dimensions pourront être mesurées.

30

Concept

 

Dimensions

Indicateurs

Rapport au savoir

Epistémique

*avoir un esprit critique

*maitriser la lecture et l'écriture *faire des exercices ou des lectures hormis ceux que donne le maitre

Identitaire

*Devenir un monsieur *Devenir `'un blanc»

Social

*avoir un travail à la fin des

études*inciter l'enfant par des

conseils à faire ses exercices de
maison

*Aider la famille grâce à un emploi rémunéré

Persévérance
scolaire

familiale

- encourager les enfants à faire les exercices

- Encourager les enfants à aller à l'école

- Dépasser le niveau d'études des parents

Pédagogique

- Se réinscrire chaque année - Apprendre à lire et écrire

- Apprendre à parler français

Identitaire

- Devenir un monsieur - Avoir une profession,

31

Section2 : Démarche méthodologique et champ empirique de l'enquête

2-1 Démarche méthodologique

L'élaboration de notre objet d'étude formalisé en concept bien clair pose le problème de la méthodologie qui en garantit la validité scientifique. Nous allons préciser dans ce qui suit un ensemble de techniques ou de procédures d'analyses en définissant une voie pour nous guider dans l'élaboration de la théorie où nous avons inscrit notre objet d'étude. Et pour ce faire nous avons utilisé comme technique principale d'investigation l'enquête par entretien. Cette technique sera soutenue par des récits de vie et par l'observation d'une classe en pleine leçon.

2.1.1. L'entretien semi-directif et les récits de vie comme techniques de collectes des informations (données)

* L'entretien semi directif est un instrument de mesure et de mise en forme des informations qui permettront au chercheur d'avoir un contact avec la réalité vécue par les acteurs sociaux. Il complète la lecture en permettant au chercheur de prendre conscience des aspects du phénomène auquel il n'était pas forcément sensible au départ.

Ainsi, il est réalisé en langue nzébi. En utilisant le questionnaire lors de notre pré enquête, nous avons été confronté aux problèmes de la langue de médiation avec certains de nos enquêtés qui présentaient des difficultés dans la compréhension de nos questions, ce qui nécessitait parfois des relances en nzébi.

Cet outil est donc celui qui sied le mieux à notre étude, au regard du nombre d'élèves qui nous permet d'avoir un temps suffisant pour les entretiens.

* le récit de vie peut constituer un instrument remarquable d'extraction de savoir pratique à condition de l'orienter vers la description d'expériences vécues personnellement et des contextes aux seins desquels elles se sont inscrites. Cette fonction descriptive appelée encore description en profondeur de l'objet social qui prend en compte ses configurations internes des rapports sociaux, son rapport de pouvoir, ses tensions, ses précautions et de reproduction permanente et ses dynamiques de transformation.

32

« Le récit de vie n'est pas n'importe quel discours : c'est un discours narratif qui s'efforce de raconter une histoire réelle et qui, de plus, à la différence de l'autobiographie écrite est improvisée au sein d'une relation dialogique avec un chercheur qui a d'emblée orienté l'entretien vers la description d'expériences pertinentes pour l'étude de sous objets. En d'autres termes, un récit de vie constitue un effort pour raconter une histoire réellement vécue.

Pour bien comprendre ce que cela signifie, il faut distinguer trois éléments :

- La réalité historico-empirique de l'histoire réellement vécue (trajectoire). Notons au passage que ce parcours inclut non seulement la succession des situations objectives des sujets mais aussi la manière dont il les a vécu, c'est-à-dire perçu et agit sur le moment ; de même les événements de son parcours ;

- La réalité psychique et sémantique constituée par ce que le sujet sait et pense rétrospectivement de son parcours biographique ; elle résulte de la totalisation subjective que le sujet a fait de ses expérience jusqu'ici.

- Et enfin, la réalité discursive du récit lui-même tel que produit dans la relation dialogique de l'entretien, correspondant à ce que le sujet veut bien dire, de ce qu'il sait (ou qu'il croit savoir) et pense de son parcours. »

Cette seconde technique de collecte de données que nous avons retenu, nous permettra de mieux saisir la relation que les élèves du village Matagamatsengue entretiennent avec le fait d'aller à l'école et d'y apprendre des `'savoirs savants», en nous replongeant dans leur histoire scolaire.

2.1.2. L'analyse de contenu comme technique de traitement des données

Une analyse de contenu consiste en un examen systématique et méthodologique des documents textuels ou visuels. Dans cette méthodologie qualitative utilisée en sciences sociales et humaines, le chercheur tente de minimiser les éventuels biais cognitifs et culturels en s'assurant de l'objectivité de sa recherche.

33

Dans le cadre de notre travail, l'analyse des données recueillies suis une logique inductive qui permet de partir des données brutes pour en construire le sens. Pour analyser le verbatim recueilli, on a opté pour `'l'analyse de contenu thématique», c'est-à-dire une analyse qui consiste à un travail de réduction ou de synthèse du corpus qui peut être très vaste. Cette synthèse permet de réduire le corpus en exprimant tout simplement l'essentiel de ce qui ressort du verbatim recueilli. Notons, qu'une fois le verbatim recueilli, on s'est posé la question de savoir, quel est l'essentiel qui se dégage des propos des élèves Babongo et leurs parents au sujet de l'école ? Qu'y-a-t-il de fondamental dans les relations que les élèves entretiennent avec le fait d'aller à l'école ? Plus précisément, ces entretiens s'articulaient autour de plusieurs thématiques qui ont fait l'objet d'analyse, à savoir, les représentations sociales de l'école, le rapport à l'école, les perspectives professionnelles et les stratégies parentales d'encouragement. Aussi, on a procédé à un résumé des thèmes de l'entretien semi-directif en mettant en exergue les citations fortes (une sorte d'argumentaire des enquêtés en rapport avec l'idée principale : les dires très éloquents ou démonstratifs).

En effet, nous avons principalement interrogé deux catégories d'enquêtés, les élèves d'origine Babongo et les chefs de familles du village Matagamatsengue. Par ailleurs, vingt (20) étaient de sexe masculin (11 garçons et 9 Hommes) et Cinq (5) de sexe féminin (3 filles et 2 femmes).

Nous avons fait recourt à ce type d'analyse car d'une part, elle nous permet d'échapper à l'analyse statistique des données qui caractérise l'analyse de contenu classique faisant du langage un simple instrument dénotatif et d'autre part, parce que l'analyse de contenu thématique permet une analyse approfondie de contenu.

2.2. Champ empirique d'enquêtes

2.2.1. Position géographique de l'univers d'enquête

Le champ empirique de notre investigation est le village Babongo Matagamatsengue. Le village Matagamatsengue se situe dans la province de la NGOUNIE, précisément dans le département de la LOUETSI-WANO à 36 kilomètres de LEBAMBA (chef-lieu du département),

34

sur l'axe Malinga-Mourembou.IL est entre le village Mbelnaltembe et Nzingui, à 144 kilomètres de MOUILA : capitale provinciale.

Matagamatsengue, nom du village de notre terrain d'investigation, désigne « le début du monde », et le nom des habitants de ce village est « Babongo »qui signifie « Peuple de la forêt ».

2.2.2. Présentation de la population d'enquête

Rappelons que la présente investigation a pour objectif de cerner le rapport aux savoirs des enfants d'origine Babongo du village Matagamatsengue. Faisant partie des groupes ethniques minoritaires et étant une communauté aux caractéristiques et attitudes traditionnelles particulières, il est donc nécessaire d'élucider leur mode d'organisation sociale, politique, économique et culturelle dans le but de mieux saisir leur rapport aux savoirs.

La population cible de notre travail est d'origine Babongo. Elle est assimilée à ceux qu'on appelle les pygmées du Gabon. De manière générale, les communautés pygmées encore appelée peuples autochtones, sont des peuples `'semi-nomades». Le terme pygmée vient du grec « pugmaois » qui signifie « haut d'une coudée »38. Les communautés autochtones vivent habituellement en petits groupes en forêt et dans des huttes faites en terre battue ou en feuilles. Ils sont souvent marginalisées39 car ils constituent des groupes qui « au niveau social, politique, économique ou culturel sont exclus ou bien opprimés dans la société ou dans leurs communautés».40

Ordinairement, l'éducation de l'enfant dans ces communautés a pour objectif le préparer à devenir autonome. Pour eux, l'enfant est perçu comme l'avenir de demain. Ainsi, il est donc nécessaire qu'il soit éduqué. Dans cette perspective il doit intérioriser les normes et les valeurs du milieu dans lequel il évolue pour assurer la stabilité et la pérennité de la communauté par la préservation du patrimoine culturel, mais aussi pour venir en aide à la

38Noël Jollif. (1992) Les pygmées de la grande forêt. Paris, L'harmattan

39Séverin Cécile Abega, (2006) Marginaux ou marginalisés? Cas des pygmées BAKA. Dans s-c ABEGA & P. Bigombo Logo (eds), la marginalisation des pygmées de l'Afrique centrale, Paris, Maisonneuve et Larose pp. 25-42.

40Abdel Koulaninga, l'éducation chez les pygmées de Centrafrique https://wwwlibrairie siloelarochesuryon.fr/.../1189656-/-éducation-c...

famille. La compétence est de ce fait la principale qualité à laquelle l'enfant doit être socialisé ; et à cette dernière, s'ajoutent les qualités morales et le respect des valeurs du groupe. Par ailleurs, l'éducation de ce dernier est assurée par la famille et la communauté, par la participation aux activités économique et culturelle.

Sur l'aspect économique, leurs ressources sont souvent tirées de la forêt. La résolution de la question d'alimentation constitue la première préoccupation. Il faut aussi noter qu'il existe une répartition sexuée des tâches : la chasse est généralement virile et la pêche ou la cueillette est réservée aux femmes, bien que cette distribution des tâches ne soit pas toujours figée. En effet, cette structuration basée sur un mode de vie communautaire et sur un système de parenté et de classe d'âge41, participe elle aussi au maintien des valeurs et des techniques qui leur permettent de vivre dans une parfaite harmonie avec leur milieu.

De plus, l'autorité dans cette communauté revient à un ancien qui dispose du savoir spirituel et a la charge de veiller au bien-être et à la protection des membres de son groupe : épauler par un conseil de sage, il règle principalement les questions d'initiation et de maladie, puis les litiges, la question du mariage, etc.

Par ailleurs, la communauté qui nous intéresse ici fréquente l'école bien avant les années 1980 et a quitté la forêt (le bord de la Ngounié42) pour construire l'actuelle Matagamatsengue en 1984 afin de se rapprocher de la route et vivre à proximité de leurs voisins bantous. Vivant désormais dans un contexte opposé à celui de leur milieu d'origine (la forêt), cela a entrainé un bouleversement profond de leur mode de vie ; dans la mesure où ils s'intègrent aujourd'hui dans un milieu dit moderne qui implique une autre organisation et surtout l'adoption d'une nouvelle langue (le français). Cependant, Tout en respectant leurs valeurs ancestrales et leur rapport à la forêt, ils tentent de faire corps avec leur nouveau milieu et ses implications. Ainsi, ils découvrent progressivement certaines choses qui agrémentent l'existence des enfants d'autres groupes ethniques, telle que l'école. Et ne pouvant résister à la modernité, ils décident de faire comme les autres :

41Fondaf bipindi, (2011) Scolarisation des enfants pygmées Bagyeli au Cameroun. Solidarités. Info/scolarisation : https://parrainages.Org>enfants-cameroun

42 Le bord de la Ngounié est le lieu du dernier village dans la forêt où ils ont été avant de rejoindre les communautés bantoues. Ce lieu sert aujourd'hui de zone de chasse et de pèche.

35

«Nous avons observé comment les autres envoyaient leurs enfants à l'école, et nous aussi, nous avons décidé de le faire pour qu'ils se transforment aussi » (chef du village Matagamatsengue).

Contrairement à la communauté Bagyeli43 du Cameroun, ils participent à la vie politique nationale (par le vote lors des élections), aux mutations sociales, ils se savent gabonais (par leur acte de naissance pour certains et d'autres par leur carte d'identité) et tout comme les Bakoya44dans l'Ogooué-Ivindo, plusieurs d'entre eux ont épousé des femmes bantou et ont adopté les mêmes pratiques agricoles que les non pygmées (notamment le manioc) et il habitent désormais dans des maisons construites avec les mêmes matériaux qu'utilisent les bantou.

Au regard de ce qui précède, on se rend compte que l'image véhiculée sur les communautés autochtones (communauté marginalisée) ne s'observe plus de la même manière chez celle-ci, d'une contré à une autre.

Enfin, dans le cadre de cette analyse, notre population cible est constituée de trois catégories d'enquêtés. La première est composée des élèves âgés de 9 à 25 ans dont la majorité est inscrite à l'école publique de Nzingui. La seconde, des chefs de familles et la troisième catégorie est constituée d'enseignants de l'école publique de Nzingui et du président de l'Association des Parents d'Elèves (APE) de cette école (le président de l'APE nous intéresse du fait qu'il soit du village Matagamatsengue).Par ailleurs, nous précisons que la première et la seconde catégorie d'enquêtés sont celles qui nous intéressent principalement.

En effet, la taille de notre échantillon est de 28 individus dont 10 élèves inscrits à l'école primaire de NZINGUI, 4 collégiens, 11 chefs de famille, 2 enseignants de l'école primaire de NZINGUI et le président de l'APE, tous de sexe confondu.

43 Fondaf bipindi, (2011) Scolarisation des enfants pygmées Bagyeli au Cameroun. Solidarités. Info/scolarisation : https://parrainages.Org>enfants-cameroun

44 Soengas Lopez. B (2010) La subsistance des pygmées Bakoya à l'épreuve de l'agriculture : dynamique des savoirs ethnobotaniques et des pratiques (Département de la Zadié, Ogooué-Ivindo, Gabon) : http://halarchives ouvertes.fr/docs/00/48/02/70/PDF/manuscrit thèse Seoengas. Pdf

36

37

Tableau n°8 : Effectifs de l'école de Nzingui par niveau et par sexe selon leurs origines

Origines sociales

Niveau d'études

total

1ère année

2ème année

3ème année

4ème année

5ème année

G

F

T

G

F

T

G

F

T

G

F

T

G

F

T

G

F

T

Bantou

4

2

6

2

4

6

3

4

7

1

5

6

00

00

00

10

15

25

Babongo

6

3

9

3

2

5

2

3

5

1

3

4

3

00

3

15

11

26

Total

10

05

15

05

06

11

05

07

12

02

08

10

03

00

03

25

26

51

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019

Selon les données de terrain représenté dans le tableau, on observe que la population d'élèves de l'école de Nzingui est composée d'enfants d'origine bantou et Babongo (autochtone), mais aussi qu'il existe un équilibre entre ces deux catégories d'élèves (25 bantous et 26 Babongo). Et contrairement à tous les autres niveaux, La classe de 5ème année est composée de 3 garçons d'origine Babongo uniquement. En effet, sur les 26 élèves d'origine Babongo, 10 ont été disposé à passer des entretiens avec nous.

Tableau n°9 : Effectifs des enquêtés par sexe

Sexe

Elèves

Parents

Total

Masculin

11

9

20

Féminin

3

2

5

Total

14

11

25

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019

Ce tableau nous montre que les garçons et les chefs de familles de sexe masculin sont ceux qui ont majoritairement accepté de passer des entretiens, plus précisément 11 garçons contre 3 filles et 9 hommes contre 2 femmes.

2.3. L'intérêt sociologique de l'étude

L'intérêt de notre étude se justifie premièrement par le fait que très peu de travaux de recherche scientifique au Gabon se sont intéressés à lire la réalité de l'école en milieu rural,

38

et d'autre part parce que nous observons aussi une population (minorité ethnique) que les recherches sociologiques au Gabon estiment marginale.

Deuxièmement, dans le but de démontrer que le rapport aux savoirs des élèves joue un rôle important sur le rendement scolaire. En outre, le phénomène de la persévérance scolaire nous permettra d'évaluer si l'analyse de Bernard Charlot sur le rapport aux savoirs des élèves peut être applicable en contexte rural. Il s'agit de lire le rapport aux savoirs non pas en terme d'échec ou d'abandon scolaire, mais en terme de persévérance scolaire qui s'explique d'une part par la dimension sociale (la demande familiale) et d'autre part la dimension épistémique.

En effet, il est question de comprendre dans quelle mesure la relation qu'entretiennent les élèves avec le fait d'aller à l'école et d'y apprendre des choses peut-être à l'origine de la persévérance scolaire.

Des lors, la persévérance scolaire nécessite d'être traitée avec beaucoup de rigueur en ce qu'il est un phénomène non quantifiable nonobstant le taux d'échec scolaire élevé du système éducatif gabonais.

2.4. Les limites de l'étude

Dans le cadre de notre travail de recherche, plusieurs difficultés théoriques et méthodologiques ont jalonné la rédaction de notre mémoire de master. Cependant, nous vous présentons les limites fondamentales rencontrées durant la recherche.

- La nécessité d'un interprète

Nos enquêtés s'expriment pour la majorité en langue nzébi. Il était donc indispensable de notre part d'avoir un interprète afin de nous permettre de mieux échanger avec certains d'entre eux. Seulement deux sur onze (2/11) récits de vie ont de ce fait été réalisés en français. Et pour ce qui est des entretiens avec les élèves, ils ont été quant à eux réalisés en français. Cependant, il y avait certains élèves qui donnaient de temps à autre des réponses en nzébi.

39

- La réticence et l'indisponibilité des enquêtés

Ce point constitue l'une des difficultés majeures de notre travail. La réticence et l'indisponibilité sont la caractéristique du peuple Babongo de Matagamatsengue. Selon le chef du village, leur réticence s'explique par le fait pour eux d'être constamment des victimes de l'arnaque et de fausses promesses `'des étrangers» qui arrivent chez eux, en particulier des hommes politiques auxquels nous avons été confondu à cause de notre arrivée juste après la période électorale (législatives et locales, octobre 2018). En effet, cet aspect est plus observable chez les femmes et les jeunes filles. C'est d'ailleurs l'élément explicatif de la faible présence de points de vue de ces dernières dans notre travail.

Les travaux champêtres étant la principale activité du peuple Babongo, nous étions contraint d'attendre chaque jour leur retour des champs au tour de 16 heure pour certains voire 18 heure pour d'autres afin d'avoir les parents d'élèves en entretien.

En outre, nous avons eu trois jours d'inactivité due à un décès dans le village. En effet, lorsqu'une telle tragédie survient, aucune autre activité ne peut être menée à tel point que même l'école avait été aussi fermée durant ce temps de deuil. A ces trois jours d'inactivité liés au deuil, se greffent ceux liés à l'absence des enseignants. Lorsqu'arrive la période du 25 du mois les enseignants se déplacent pour la ville dans le but de toucher leur salaire mais aussi dans le l'optique de passer du temps en famille.

« La période du 25 ou de la fin du mois est pour nous non seulement l'occasion de sortir pour nos salaires mais c`est aussi le temps que nous avons pour voir nos familles afin de répondre à nos obligations » (enseignante en 1èreannée à l'école publique de Nzingui).

- Notre lieu de résidence durant le séjour

N'ayant pas eu une famille d'accueil à Matagamatsengue, nous vivions donc à trois kilomètres de l'école dans un village voisin (Mbinambi). Par manque de véhicule, nous nous rendions chaque matin à pieds à l'école de Nzingui pour les entretiens avec les élèves et les observations en situation de cours et les soirs à Matagamatsengue pour les entretiens avec les parents d'élèves. La durée de notre séjour a été de 34 jours (du 9 novembre au 12 décembre 2018).

40

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Le rapport au savoir, en tant que fait éducatif, est l'objet d'étude sur lequel porte notre recherche. Il s'inscrit simultanément dans trois champs disciplinaires Sociologie : l'école, la famille et le rapport au savoir. Cet objet, pose un problème qui constitue la préoccupation majeure de notre investigation : l'incidence du rapport au savoir sur la persévérance scolaire (l'influence que peut avoir le sens que l'on donne à l'école et au fait d'apprendre sur la persévérance scolaire des élèves Babongo).

L'univers d'enquête que nous avons retenu dans le cadre de notre étude est le village Matagamatsengue, Situé dans la province de la NGOUNIE, précisément dans le département de la LOUETSI-WANO à 36 kilomètres de LEBAMBA (chef-lieu du département), sur l'axe Malinga-Mourembou.IL est entre le village Mbelnaltembe et Nzingui, à 144 kilomètres de Mouila : capitale provinciale

L'objectif est de savoir, en contexte gabonais, dans quelle mesure le rapport aux savoirs peut rendre compte de manière pertinente des échecs dans le système éducatif gabonais. Ainsi, la perspective théorique que nous avons adoptée est celle de Bernard CHARLOT. Deux hypothèses ont étés émises. Primo, les élèves issus de la communauté Babongo accordent véritablement un sens social aux études dans la mesure où ils développent une persévérance scolaire qui se construit autour d'un projet familial essentiellement centré autour d'une relative réussite sociale qui se traduit par un emploi rémunéré, qui permettra à l'enfant plus tard d'aider toute la famille. Secundo, Le contexte scolaire en zone rurale étant défavorable, les élèves Babongo du village Matagamatsengue accordent un sens épistémique et identitaire restreint aux études, non pas dans la perspective de sortir de leur catégorie sociale, tout au plus pour apprendre à lire et à écrire afin de pouvoir solliciter des tâches subalternes dans la division sociale du travail moderne.

Les outils de collecte des données que nous avons utilisés dans l'optique de vérifier ces hypothèses sont les récits de vie et le guide d'entretien. Les résultats de cette enquête feront l'objet de la deuxième partie de ce travail.

Deuxième partie

DE L'EXPERIENCE SCOLAIRE DES PARENTS D'ÉLEVES ET DU RAPPORT AU SAVOIR CHEZ LES ELEVES BABONGO A L'INADEQUATION ENTRE LA REALITE SCOLAIRE EN MILIEU RURAL ET LES MISSIONS FONDAMENTALE DES POLITIQUES EDUCATIVES AU GABON.

Introduction de la deuxième partie

La notion de rapport au savoir met en avant une dialectique entre intériorité et extériorité, entre sens et efficacité45, ou encore entre activité et subjectivité46. Cette dialectique est fondamentale dans le cadre de notre travail en ce qu'elle permet d'objectiver les situations observées. Par conséquent, la question du « sens » est centrale ici car elle nous met en rupture avec les autres sociologies : sociologie de la reproduction et du handicap socioculturel, pour lesquelles le sujet n'est pas central. «Se demander quels sont les mobiles de l'enfant qui travaille à l'école, c'est s'interroger sur le sens que l'école et le savoir présentent pour lui. Quel sens cela a-t-il pour l'enfant d'aller à l'école (...) 47» ?

En outre, mettre en évidence l'expérience scolaire des parents d'élèves ici nous permettra de mieux saisir la représentation sociale de l'école des familles Babongo de Matagamatsengue d'une part, et de cerner les relations qu'entretiennent les élèves issus de ces familles avec l'école d'autre part.

Après avoir mis en évidence l'expérience scolaire des chefs de famille et le rapport au savoir des élèves dans le chapitre trois (3) et quatre(4), le cinquième chapitre sera axé sur les politiques éducatives en milieu rural gabonais en général et en particulier celui du village Nzingui. Il s'agit ici d'un regard critique sur les réalités scolaire en milieu rural gabonais à partir des observations de terrain sur l'offre scolaire et sur la loi n°21/2011 du 14 février 2012 portant organisation générale de l'éducation, de la formation et de la recherche au Gabon.

De ce fait, quel sens les chefs de familles et les élèves donnent-ils à l'école et au fait d'apprendre ? Et que peut-on dire sur les politiques éducatives en contexte rural gabonais ? Tel est le fil conducteur de cette deuxième partie.

45Bernard Charlot, (2000). La problématique du rapport au savoir. In A. Chabchoub (Ed), rapports aux savoirs et apprentissages des sciences. Tunis : Publications de l'association Tunisienne des Recherches Didactiques.

46 Rochex, J-Y. (1995). Le sens de l'expérience scolaire. Paris : PUF.

47 Charlot, B, Bautier ; E. et Rochex, J-Y. (1992). Ecole et savoir dans les banlieues et ailleurs. Paris : A. Colin

42

Chapitre III

EXPERIENCE SCOLAIRE DES CHEFS DE FAMILLE

Pour mieux saisir le rapport au savoir, des élèves du village Matagamatsengue, nous avons choisi d'interroger aussi les parents d'élèves pour cerner leur rapport social au savoir. Car « le rapport au savoir est un rapport social en ce qu'il exprime les conditions sociales d'existence des individus (...) leur attente face à l'avenir et à l'école exprimant les rapports sociaux qui structures notre société »48

Cette deuxième catégorie d'enquêtés de notre échantillon est composée de 9 hommes et 2 femmes dont l'âge varie entre 21ans et 62 ans.

Section 1 : représentations sociales de l'école et histoire scolaire des chefs de familles Tableau n°10: Niveau d'études des parents

Niveau d'étude

effectifs

H

F

CP1/ CE1

5

0

CE2/ CM2

2

0

6ème

0

1

Sans

2

1

Total

9

2

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019

Sur 11 chefs de familles, 5 ont un niveau inférieur ou égal au CE1, 2 ont un niveau inférieur ou égal au CM2, une a un niveau 6ème et 3 n'ont jamais fréquentés l'école. De manière générale, on se rend bien compte que le grand nombre des parents d'élève a un niveau d'étude inférieur ou égal au CM2.

48 Beautier, E., Charlot, B, et Rochex, J, Y (2000). « Entre apprentissages et métier d'élève : le rapport au savoir » VAN ZANTEN, A. (Dir). L'école : l'état des savoirs. Paris, la Découverte 179-188.

43

1.1. Représentation sociale de l'école

Pour les parents d'élèves, l'école est ·quelque chose de bien·, de ·grand · et ·d'important · dans la mesure où elle offre la possibilité de sortir d'un état difficile. Pour d'autre l'école c'est la réussite, car on peut avoir un emploi en cas de réussite. Ils voient dans la scolarité de leurs enfants un moyen de changer leur position dans la société.

«L'école c'est la réussite, si tu réussi c'est le travail )) (Enquêté P2)

«L'école c'est quelque chose de bien, c'est le moyen pour vivre alaise et de sortir d'un état difficile )) (EnquêtéP9).

«L'école c'est la réussite )) (EnquêtéP7)

Notons que pour ces chefs de familles, lorsqu'ils fréquentaient encore l'institution scolaire, ils ne réalisaient pas en ce temps son n'importance, mais ce n'est qu'au fil du temps qu'ils ont commencé à donner de l'intérêt au fait d'aller à l'école. C'est-à-dire à construire du sens au fait d'apprendre. C'est pourquoi certains nous confient :

« Nous avons observé comment les autres envoyaient leurs enfants à l'école et nous aussi on avait décidé de le faire pour qu'ils se transforment aussi » (chef du village MATAGAMATSENGUE)

«Je pense aujourd'hui que c'est quelque chose de bien avant je ne le savais pas )) (EnquêtéP4)

« C'est aujourd'hui que je vois que c'est quelque chose de bien, quand je vois certaines personnes avec les véhicules, les bureaux )) (Enquêté P6).

En outre, la grande partie des responsables de familles Babongo voudraient que leurs enfants puissent réussir à l'école, c'est-à-dire avoir des diplômes pour qu'ils se démarquent d'eux. Et aussi pour la possibilité d'obtention d'emploi ; car l'école pourrait permettre grâce à la mobilité ascendante un ascenseur social.

«Je l'envoie à l'école pour qu'il soit transformé comme les autres )) (EnquêtéP11). « Ils vont à l'école pour devenir des personnes »(EnquêtéP10).

« Pour évoluer afin de devenir un blanc comme les autres ». (EnquêtéP9)

44

45

« Le premier problème est celui de moyen, nous n'arrivons pas à tous les inscrire et il y'a eu encore augmentation de la mutuelle scolaire. Celui qui a 5 enfants ne peut pas supporter cette charge donc ceux qui restent vont avec nous au champ. Plus difficile encore celui qui est au collège il y a la chambre à payer en tant que cultivateur nous ne pouvons pas. On a un problème de route et de commerçant pour écoulé le manioc ou la viande. S'il était possible de donner le manioc ou le poison à l'école nos enfants feraient l'école sans problème. L'autre problème est celui des papiers, il y a des enfants non déclarés et qui non pas d'acte de naissance. », (Président de l'association des parents d'élèves)

Une autre partie inscrit leurs enfant dans l'optique d'apprendre au moins à lire et écrire leur nom, pour ne plus qu'ils soient des sujets de moquerie comme eux ils l'ont toujours été. Mais de manière générale, les parents souhaitent voir leur enfant travailler plus tard, quel que soit l'endroit. Leur souci fondamental est l'instruction et le salaire qui viendraient couronner leurs études et leurs permettraient de venir en aide aux familles. Le but du savoir scolaire est donc ici de préparer l'avenir de l'enfant, dans la mesure où ces familles associent l'importance de l'apprentissage scolaire à la finalité de l'école.

« Mon coeur a changé, je ne veux plus qu'ils soient comme moi, je les inscris pour connaitre au moins écrire leur nom »(EnquêtéP4)

« Pour qu'ils réussissent et ne deviennent pas comme moi ? Et pour ne plus que l'on se moque encore d'eux comme nous» (EnquêtéP7)

« Pour que lui aussi devienne quelqu'un de grand différent de moi » (EnquêtéP6). 1.2. Histoire scolaire des chefs de famille

L'histoire scolaire des parents se caractérise par une confrontation à plusieurs épreuves. Après leur sédentarisation à Matagamatsengue, ils ont davantage été amenés à fréquenter le milieu scolaire par l'influence des peuples bantou environnant, cependant, ils ignoraient en ce temps l'importance de cette institution.

« (...) nous avons commencé à aller à l'école parce que nous voyons les autres envoyer leurs enfants à l'école » (chef du village Matagamatsengue)

46

Les règles et les principes de fonctionnement de l'école étaient opposés à leur mode de vie en ce qu'elle impliquait une présence totale de leur part. Or cela rentrait en contradiction avec le rythme de vie qui était le leur.

« Nous on vivait à l'époque seulement à l'aide de la forêt, s'il fallait rester toute une semaine à la maison juste pour aller à l'école nous devons mourir de faim et perdre nos champs »49(EnquêtéP6)

« Oh l'école était pour le blanc, nous on allait comprendre ça ! »50 (EnquêtéP4).

Sur les onze chefs de famille interrogés, neufs (9) ont été les premiers dans leur famille à avoir été à l'école, mais aucun d'eux n'a pu dépasser le cap du CM2. Par conséquent ils ne bénéficiaient d'aucun suivi scolaire à la maison et le seul savoir dont ils pouvaient jouir était celui que détenait l'enseignant. De manière générale, la volonté d'apprendre qu'ils manifestaient afin d'être comme les enfants des nouvelles communautés voisines se heurtait au problème de langue : c'est-à-dire que la langue qui est légitimé par l'institution scolaire ne leur permettait pas l'accès au bien qu'offre l'école (l'instruction, les diplômes etc.) et leur intégration. Pour y parvenir, il fallait selon eux « penser à son avenir ».

Au-delà des difficultés d'intégration liées au conflit de langue et au mode de vie, s'ajoutaient ceux liés au capital économique et les symboles en milieu scolaire.

Le capital économique. Selon nos enquêtés, les frais de scolarité en leur temps se levait à 1000franc et en ce temps, avoir cette somme c'était extrêmement compliqué et les parents n'y parvenaient pas à la réunir.

« (...) l'école était dure et le français aussi mais le manque de soutient nous a fait défaut, la scolarité était 1000franc et c'est cette somme que les parents ne parvenaient pas à payer (...) l'école c'est vraiment important aujourd'hui »51 (EnquêtéP8).

« Je trouvais l'école et parler français difficile, j'ai arrêté au CM2 n'ayant plus de moyens pour continuer mais en réalité j'ai envie de repartir à l'école pour faire des

49 Bessa la fuadeng moyi ndi na pindi, sal va nzo tsone yodji ndi mu lu coli mbe la kua na ma nzale na ma nougi bongna

50 O lucol labadga ikumbu cha ibambe bess lambé tchikss biéna !!

51 Ifuale na lucole a ba bunône ba sucki à ba tchavè lufunu la lucoli à ba ndi lukumi la-dol ngaga mè issatoge fute badole vè. Lole lucol ikumbe cha i buè

47

formations car cela m'intéresse davantage en voyant ce que deviennent les autres » (EnquêtéP9)

La poursuite des études au collège n'était pas chose facile dans la mesure où cela impliquait aux rares cas qui obtenaient leur Certificat d'Etude Primaire (CEP) de « prendre totalement leur vie en mains ». C'est le cas d'une jeune femme qui avait décroché en 6ème faute de moyen.

« Ici on peut se forcer d'apprendre, mais quand on va au lycée, on se retrouve sans famille ni moyen pour vivre et louer. J'ai bien voulu continué mon école mais le manque d'argent ma ramené au village parce que là-bas il faut donc prendre totalement sa vie en mains » (EnquêtéP7).

Les symboles en milieu scolaire. En milieu scolaire la distinction des bons et des mauvais élèves se faisait par l'utilisation des symboles tel que : les chênettes faites à base de tête ou de dents d'animaux, celle-ci a été à l'origine de leur rapport conflictuel avec l'école et leur intégration. En effet, il était imposé à tous ceux qui s'exprimaient en langue vernaculaire en classe de porter des chênettes et de l'avoir à l'école et en dehors dans la perspective de faire savoir aux camarades et aux parents que la langue vernaculaire n'était pas légitimée à l'école.

« Quand on accompagnait les autres à l'école, c'était interdit de parler le nzébi en classe, celui qui sortait un mot en nzébi l'enseignant lui portait la chênette qui avait la tête ou les dents des animaux pour montrer aux autres et aux parents que la langue que l'école utilise c'est le français et non le nzébi. Pour ne plus la porter j'avais lavé les main52. (EnquêtéP5).

Par ailleurs, les chefs de familles Bakongo avaient une relation conflictuelle avec l'institution scolaire. Ce conflit était principalement lié à l'obligation de l'apprentissage du français qui leur permettrait de communiquer avec les autres et de se faire comprendre par ces derniers. Ainsi, l'apprentissage du français se présentait en ce temps comme le moyen fondamental d'intégration et de considération sociale. Cependant, au-delà des souvenirs

52 Va la tosnge bambegi gu lucole bo inzebi yambele vè wa poss libige ru inzebi, mulongchi a ka luatesse ndè mulong mutsuè kè mine ma niame. Wé ka lénge na ndè mu muess ba mbegi na ngaga ti ndaga y ba yambela ru lucole ifuale a inzebi vè. Mu kol bié luata me na réte.

négatifs de leur fréquentation scolaire, ils souhaitent néanmoins que leur progéniture fasse mieux et cela se justifie par le fait qu'ils ont tous décidé que leurs enfants aillent à l'école.

Ainsi, quelles sont leurs stratégies d'encouragements et les perspectives professionnelles qu'ils souhaitent pour leurs enfants.

Section 2 : Stratégies d'encouragements et perspectives professionnelles

La représentation actuelle de l'école des chefs de familles Babongo étant cernées, nous nous intéresserons maintenant aux stratégies d'encouragements et aux perspectives professionnelles qu'ils souhaitent pour leurs enfants.

2.1. Stratégies d'encouragement

Les familles en générale et en particulier celles de Matagamatsengue faisant partie des groupes ethniques minoritaires, n'ont pas de capital économique conséquent pour inciter leurs enfants au travail ; leur stratégie d'encouragement se limite donc aux conseils exclusivement.

« Je ne travaille pas, je n'ai pas d'argent, je donne seulement la nourriture et les conseils pour ne pas être comme moi. Je cherche les moyens nécessaires en faisant la brousse, ils sont inscrits à l'école publique de Nzingui»53(EnquêtéP1).

« Quand je peux l'aidé je fais les devoirs avec elle, et je lui montre le bon comportement » (EnquêtéP7)

En ce qui concerne l'organisation du suivi des études, les familles Babongo n'envoient pas leurs enfants à la maternelle par manque de structure dans leur milieu. Ces derniers inscrivent en majorité leurs enfants en première année entre 7 et 8 ans. Ils estiment qu'à 6 ans l'enfant est encore trop petit pour se rendre à l'école et pour le séparer de ses parents ?

« Toi aussi !!! 6 ans l'enfant est encore petit, je ne peux pas encore l'inscrire et le laisser »54. (EnquêtéP7)

53 Mè dol vè mè mudianze vè, mè yèbi ndi bogl na ma ndongi muti acka iba nganamè.

54 Nawka !!! muane bileme ki bisamne, me chi toga pa com ndè ndoge na niag ndè vè

48

En plus, ils envoient leurs enfants dans les écoles publiques à cause de la proximité et des coûts minimes. Pour le grand nombre, l'ignorance dans l'activité scolaire et le manque de temps affectent le suivi scolaire des enfants à la maison. Le suivi des devoirs des enfants est peu régulier certes, mais les parents tentent de s'impliquer tant bien que mal dans la scolarité de leur enfants et cela se manifeste par : la participation dans la révision des leçons, les devoirs de maison (lorsque cela est possible) et les conseils.

2.2. Les perspectives professionnelles

La majorité des familles, n'ont pas de modèle de réussite dans leur parenté pour servir de référence à leurs enfants. Mais six (6) familles sur onze (11) souhaitent que leur progéniture travaille dans les forces de l'ordre sans pour autant donner une véritable raison pour ce choix. Trois (3) familles sont indécises car pour elles le véritable choix revient- à celui qui va à l'école car c'est lui-même qui connait ce qu'il peut faire avec ses diplômes (« ses papiers »).

« L'enfant lui-même choisira ce qu'il va faire demain, après avoir eu les papiers. C'est lui qui connait ce qu'il peut faire avec »55 (EnquêtéP2)

Et deux (2) familles souhaitent juste que leurs enfants deviennent des « hommes bien dans l'avenir » ou qu'ils « passent des concours et travaillent quelque part ». De ce fait, le type de métier n'est nullement ce qui importe ; l'essentiel est avoir un travail et de l'argent pour venir en aide à la famille

Aux confins de ce qui précède, nous nous intéressons dans les lignes qui suivent au rapport aux savoirs des élèves d'origine Babongo.

55 Ndè muèn i wha tôg sol muti ichang chi ndè ki bara ndè yebi bi ndè ki tog sa na chô

49

50

Chapitre IV

RAPPORT AU SAVOIR CHEZ LES ELEVES BABONGO

Dans ce chapitre, il s'agit de découvrir le sens que les élèves assignent à l'institution scolaire. En d'autres termes, il est question de découvrir la valeur que les élèves donnent au fait d'apprendre.

Par ailleurs, le but de notre étude est donc de mettre en exergue les attentes et les motivations de nos enquêtés en rapport avec l'école, mais aussi de mettre en évidence le type de relations qu'ils entretiennent avec l'institution scolaire afin de mieux expliquer la question de la persévérance scolaire en milieu rural.

Section 1 : Caractéristiques des élèves et représentation de l'école chez les élèves

1.1. Caractéristiques des élèves

Tableau n°11 : Répartition des élèves par tranches d'âges et le niveau d'étude :

Age

Effectif

Niveau d'étude

Moins de 10 ans

1

4ème année

10 ans-12 ans

3

3ème année

12 ans-14 ans

6

4èmea année/ 5ème année

Plus de 14 ans

4

5ème/ 4ème

total

14

 

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019

Sur les quatorze (14) élèves interrogé, la part de ceux qui ont entre 13 ans et 14 ans est la plus importante (6 élèves).

51

Et le niveau d'étude des élèves appartenant à cette tranche d'âge se situe entre la 4ème année et la 5ème année. Ensuite, ceux qui ont plus 14 ans (soit 4 élèves), c'est-à-dire 16 ans voir 21 sont tous au collège et ils ont un niveau d'étude qui se situe entre la 5ème et la 4ème. En outre, Il y a trois (3) élèves qui sont compris dans celle de 10 ans et 12 ans et ont un niveau 3ème année.

A l'inverse, la tranche d'âge la moins représente est celle de moins de 10 ans (soit une élève). Il s'agit précisément ici d'une fille de 9 ans qui a un niveau 4ème année.

Partant de ces données, on se rend compte que ces élèves sont en grande partie en retard scolaires, dans la mesure où il y a une inadéquation entre leur âge et leur niveau auquel ils se trouvent. L'âge avancé par rapport au niveau d'étude, trouve son fondement dans le fait de l'entrée tardive dans le système scolaire d'une part et parce qu'ils ont déjà tous connu au moins un redoublement.

Par ailleurs, les présentes données nous démontrent qu'aucun élève Babongo ne parvient à atteindre le niveau 6ème à l'âge de 10 ans. Cependant, selon l'âge de l'obligation scolaire au Gabon (de 3 à 16 ans) et les réforme du cursus scolaire au primaire, ils devaient arriver au collège au moins à cette âge.

Ainsi, il est nécessaire de noter que cette réalité n'est pas propre à ces élèves d'origine Babongo, elle s'observe en effet chez la grande partie des élèves en milieu rural. On peut donc dire selon ces données, que dans une cohorte de 14 individus en milieu rural et en particulier Babongo, un (1) seul parvient à atteindre le niveau 4èmeannée à l'âge de 9 ans, pendant que le reste de la cohorte enregistre un retard scolaire de 1 ans voire plus 5 ans par rapport à leur âge.

1.2. L'école comme lieu d'apprentissage

Pour découvrir le sens que donnent nos enquêté à l'école, deux questions leur ont été posé : que représente l'école pour vous ? Et pourquoi étudiez-vous ? Ces deux questions ouvertes ont été posée sans distinction quant au niveau de scolarité des élèves.

Les réponses qui nous ont été proposées par les élèves ont fait l'objet d'une catégorisation sous forme de tableau en fonction des idées majeures.

social

épistémique

Tableau n°12 : Perception de l'école chez les élèves

Perception de l'école

Effectif

G

F

L'école c'est avenir

3

0

L'école est un lieu de

développement et de réussite

2

0

L'école est une chose importante

1

2

L'école est un lieu d'apprentissage

3

1

Pas de réponse

2

0

Total

11

3

52

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019

Si l'on se réfère à cette catégorisation, on se rend compte qu'il ressort de celle-ci deux (2) niveaux de perception de l'école chez nos enquêtés (sociale et épistémique) : huit ont une perception sociale et quatre épistémique.

Ainsi, la première perception de l'école se justifie en ce que :

- l'école est perçue comme étant leur avenir de demain : « pour moi l'école c'est

l'avenir, c'est aussi bien pour apprendre » (Enquêté E5).

- l'école est un lieu de développement et de réussite : « l'école est un lieu de
développement et de réussite » (
Enquêté E10).

- l'école est une chose importante. « L'école c'est quelque chose d'important, mais j'ai
arrêté faute d'avoir frappé sur un enseignant »
(Enquêté E4)56.

Et la deuxième perception quant à elle se justifie par le fait que :

56 Cette élève a été exclue l'année antérieure (2017 - 2018) mais il n'a plus voulu se réinscrire pour cette année académique.

53

- l'école est perçue comme étant un lieu d'apprentissage : « pour moi l'école est un lieu d'apprentissage exemple pour apprendre à lire et écrire... » (EnquêtéE13).

A l'inverse de ce qui précède, deux enquêtés n'ont pas répondu à cette question, ce qui laisse percevoir qu'ils ne parviennent pas à attribuer un sens à l'école.

Ainsi, au regard de ce qui précède, on peut déduire que de manière générale les élèves en milieu rural et en particulier ceux du village Matagamatsengue se représentent l'école comme étant un lieu d'apprentissage, de développement et d'avenir. Bien que la valeur qu'ils attribuent à l'institution scolaire reste pour la majorité sociale.

Tableau n°13 : Répartition des élèves selon les raisons de leurs études

Les raisons des études

effectif

Sens

pour apprendre à lire et écrire

7

Epistémique

Pour devenir comme les autres (chercher un avenir meilleur)

6

social

Parce que je voie les autres

1

Autre

Total

14

 

Dans le cadre de la justification de la raison de leur étude, c'est-à-dire du pourquoi de leur étude, il se dégage trois idées majeures qui nous ont permis de regrouper les enquêtés en trois catégories d'élèves.

D'abord, pour ce qui est de la première catégorie d'élèves, le fait pour eux d'aller à l'école se justifie par le « désire d'apprendre à lire et écrire » (7 élèves).

« Je viens à l'école pour apprendre à lire et à écrire » (EnquêtéE13). « Je viens à l'école pour apprendre à lire et à écrire» (EnquêtéE11).

Ensuite, la seconde catégorie d'élèves dit faire l'école dans le but de devenir comme les autres, c'est-à-dire avoir un métier ou encore pour chercher un avenir meilleur pour demain (6 élèves). C'est dans cette optique que certains affirment:

« Je vais à l'école pour apprendre et devenir comme les autres, par exemple enseignant » (EnquêtéE10)

« Je vais et j'irais toujours pour chercher l'avenir de demain » (EnquêtéE7).

En effet, en observant ces deux grandes premières tendances on se rend compte que les élèves Babongo fréquentent l'institution scolaire pour deux objectifs fondamentaux, notamment :

- Pour apprendre à lire et écrire : ils se rendent à l'école pour une raison épistémique

- Et parce qu'ils voient en celle-ci la possibilité de réussir, ce qui leur permettrait
d'avoir un métier ou encore d'assuré leur avenir : leur présence à l'école a une raison sociale et identitaire.

En fin, la troisième catégorie d'élèves la fréquentation de l'école est sans objectif, ils vont à l'école juste parce qu'ils observent les camarades.

« Je vais à l'école parce que je vois les autre» (EnquêtéE2).

Par ailleurs, ces élèves non de ce fait aucun projet ni vocation. Ils se rapprochent de ceux que François Dubet appel « les étudiants dépourvus de projet, de vocation, mais intégrés à la vie universitaire, (...) force est de reconnaître qu'il s'agit là d'une figure très particulière de l'expérience étudiante puisqu'ils sont justement à l'université pour « la vie étudiante », pour le milieu qu'elle offre, pour la raison sociale. Dans le langage bordelais, il s'agit-là de l'étudiant « branleur », généralement du jeune étudiant arrivé dans la grande ville où il découvre la liberté et l'autonomie, la chaleur des amitiés nouvelles et qui décroche de ses études pour un an ou pour toujours »57.

1.3. La relation aux études

Dans cette partie, il s'agit pour nous de ressortir les types de relations qui existe entre nos enquêtés et l'institution scolaire. En d'autre terme il est question de mettre en exergues les tensions qui existe entre les élèves Babongo et le fait pour eux d'aller à l'école. Pour réussir à les mettre en évidence nous avons posé les questions suivantes :

57 Dubet François, (1994), Dimension et figures de l'expérience étudiante dans l'université de masse. In ; Revue française de sociologie. 35-4. Monde étudiant et monde scolaire. p 511-532

54

55

- Allez-vous tous les jours à l'école ? Pourquoi ?

- Qu'est-ce qui vous intéresse à l'école ?

- Quelle langue parlez-vous à l'école ? Et laquelle parlez-vous couramment à la

maison ?

- Avez-vous des difficultés pour vous exprimer couramment en français en classe ? Si

oui comment faite vous lorsque vous avez une idée à exprimer ?

- Combien de frère et de soeur avez-vous et combien sont-ils scolaire ?

Les réponses de la première interrogation ont fait l'objet d'une réorganisation sous forme de tableau. Ce qui nous a permis de ressortir deux types de catégories d'élèves : celle des réguliers et les irréguliers.

Tableau N°14 : Typologies des fréquentations

Types de fréquentation

effectif

régulier

4

irrégulier

10

Total

14

Source : Données de terrain, MOMBO Guy Laroche, 2019

Pour ce qui est de la catégorie des élèves réguliers, ils estiment que le fait de manquer aux cours ou encore s'absenté pour toute une journée pourrait avoir une conséquence sur leur devoirs, sur leur examens de fin d'année pour le cas de certains élèves de cinquième (5ème) année. Ce qui serait selon eux synonyme d'échec.

« Pour apprendre et pour lire, je vais tous les jours à l'école pour ne pas manquer les cours. Si je manque les cours je pourrais échouer aux examens de fin d'année » (EnquêtéE14).

« Mais si je manque les cours je ne peux pas avoir la moyenne au devoir et je vais échouer » (EnquêtéE12).

56

Le deuxième type d'élèves est celui des irréguliers. L'irrégularité de ces derniers est liée à quatre facteurs : l'absence des enseignants, les moqueries des camarades et les blâmes des enseignants, Les absences scolaires liées aux travaux champêtres et le capital économique. Ce type d'élève est cependant celui qui regroupe le plus grand nombre d'élève.

L'absence des enseignants : Nous relevons qu'ici la majeure partie d'élèves est composée des élèves de 1ère en 3ème année. Lors de notre travail de terrain nous avons pu constater l'absence de l'enseignant de la classe de 2ème et 3ème année. Cet enseignant est du moins après son affectation arrivé pour laisser ses effet mais n'est plus jamais revenu jusqu'à notre départ. « Et pour celui qui doit remplacer il a apporté ses affaires, mais jusque-là aucune idée sur la raison de son non-retour » (enseignante de 1ère année). Néanmoins, la majeure partie d'élèves de cette classe sont présent chaque jour dans leur salle.

« Parfois je pars tous les jours parfois pas aussi. On passe toute la journée en classe sans rien faire, le maitre n'est pas encore venu donc je pars quand il n'y a personne à la maison, Oui, pour apprendre à lire et à écrire.» (EnquêtéE3).

« Quand je pars le matin et que le maître de la 5ème année me puni à cause du bruit, ma mère me dit de ne plus repartir le soir ou même demain, parfois on part en brousse parce que les leçons on ne fait pas » (EnquêtéE2).

Les moqueries des camarades et les blâmes des enseignants : Cet aspect est souvent en grande partie observable chez les filles. Pour certaines, lorsqu'elles répondent à une question ou interviennent en classe et qu'elles commettent une erreur qui suscite des moqueries de leurs camarades, elles murissent une honte qui parfois les conduit à se renfermé et peuvent même ne plus intervenir le reste de la journée. Et pour d'autres, les réprimandes ou les blâmes des enseignants entrainent de la peur chez elles pouvant conduire à des absences de courte ou de longue durée.

« Les élèves Babongo que nous avons sont très sensibles surtout les filles, lorsque vous les blâmée ou que les camarades de classe se moquent d'eux, ils se renferment au point de ne plus s'exprimer tout une journée. Il y a des temps ou par honte ou par peur ils peuvent faire un bon moment sans venir aux cours (...) » (enseignant de 4ème et 5ème année).

57

« Je n'aime pas quand on me gronde à l'école ou que les autres se moquent de moi quand je fais les fautes ou que je ne parle pas bien. Même quand on joue parfois les autres nous traite de pygmée, c'est à cause de ça que je ne suis pas partie à l'école hier et aujourd'hui » (EnquêtéE6).

Le problème de sociabilité au monde extérieur manifesté par les élèves n'est en réalité que le reflet de la société Babongo en générale et en particulier celui des femmes de ce milieu du fait que la famille constitue la première instance de socialisation des enfants (individus) dans l'optique de les préparer à vivre en société. Nous avons pu le constater par la réticence de certains parents d'élèves à toutes nos tentatives d'approches pour des éventuels entretiens, parfois lorsque nous nous rapprochons d'eux ils rentraient dans les maisons et ne ressortaient qu'après notre départ. A cela s'ajoute le fait qu'une femme Babongo n'a pas le droit de s'exprimée en milieu publique lorsqu'il y a un homme proche. Ainsi, au regard des observations faites et des points de vus de nos différents enquêtés, nous pouvons dire que les élèves Babongo présente ici un double problème : la sociabilité avec le monde extérieur au leur et celui de la construction de l'identité d'élève. Ce qui explique en partie la fréquentation irrégulière de l'école.

« Je ne pars pas tous les jours, je tombe bêtement malade quand je suis à l'école et je suis bien à la maison au village » (EnquêtéE7).

Les absences scolaires liées aux travaux champêtres : Lorsqu'arrive les périodes ou les parents doivent se rendre au campement pour les activités champêtres ou de pêches de longue durée, les enfants en bas âges ne peuvent rester au village juste à cause de l'école car, selon eux, la sécurité de ces derniers passerait avant tout.

«(...) Non, il y a des fois quand les parents partent en brousse pour durer, ils m'amènent avec eux, parce qu'ils ne veulent pas qu'on reste avec nos grands-frères, peut-être on peut tomber malade derrière eux » (EnquêtéE1).

« Oooh !!! Je vais laisser mes petits enfants avec qui !!! Ils vont à l'école quand je suis là moi-même58» (EnquêtéP11).

58 « Oooh, banes bèm bapésse nane mè qui niaga !!! bôba yende gu l'école va meliva mè muene » (parent d'élève).

58

Le capital économique : Celui-ci vient par contre expliquer la situation d'abonda épisodique de certain et les inscriptions tardives. Ce facteur touche principalement les collégiens. Pour ces derniers leur situation actuelle d'abandon ou d'inscription tardive est liée selon eux aux capitaux économiques. L'absence du capital économique suffisant pour eux entraine des inscriptions tardives et c'est ce qui expliquera le fait pour eux de se rendre à l'école en milieu d'année ou l'année suivante.

« Je vais tous les jours mais faute de moyen je suis ici, donc je débute au second trimestre » (EnquêtéE10).

« Oui, mais je suis là parce qu'il n'y a pas de moyen. Je cherche à me réorienté à l'école de santé de Bongolo » (EnquêtéE7).

En outre, l'augmentation des frais de scolarité vient davantage cristalliser les abandons, tel est le cas des élèves du primaire en ce que le nombre d'enfant par famille constitue une limite importante.

« Mon fils, j'ai 10 enfants, la scolarité a augmenté cette année à cinq Milles franc (5000fr). Je trouve tout cet argent où ? Ce que je trouves j'inscris certains et les autres attendent d'abord59 ». (Président de l'association des parents d'élèves de l'école de Nzingui).

« (...) Pour mettre tous les enfants à l'école c'est l'argent avec le manioc que je fais tu crois que je peux tous les inscrire 60» (EnquêtéP6).

1.3.1. L'intérêt pour l'école :

L'intérêt pour l'école chez les élèves Babongo repose sur trois facteurs fondamentaux : l'apprentissage du français, le désir de lire et écrire et la mobilité sociale. Ces trois éléments constituent donc une source de motivation. L'école apparait comme un salut, c'est-à-dire comme une garantie de mobilité sociale.

Pour la grande partie de nos enquêtés, devenir « un grand monsieur » ou « comme les autre (avoir un emploi) » est en effet le fondement du « désir d'apprendre ».

59 « Ah muana mè, mè bane lukumi, le funu la lecol bama comsa bô ka tochiniadol chi ilèm mè babotchi gu mè baga, mua ba mè baga mè ka come dji i mè toge bana baka pa tale »

60 « Mu come ma ndoge ma bane botchi bombe dole ? Na bapite ba mè sa wè tasse-ti mè tor bôbotchi come ma ndoge »

59

« J'aime apprendre pour devenir un grand monsieur. Pour apprendre à lire et écrire, c'est cela qui m'attire à l'école » (EnquêtéE5).

«Pour apprendre afin d'être quelqu'un comme les autres» (EnquêtéE8).

Cependant, pour atteindre cet objectif qui n'est pas facile d'ailleurs ces derniers doivent fournir un véritable effort, c'est-à-dire se donné à apprendre à parler français. Ainsi, d'autres affirment sans ambages que :

«(...) Suivre les cours et suivre ce que dit le professeur. Ce qui m'intéresse à l'école c'est parler français et chercher une bonne branche pour obtenir mon diplôme ou mon avenir » (EnquêtéE10).

« Ce qui m'attire à l'école, c'est surtout apprendre à lire et écrire pour être comme les autres. Parce que j'aime lire et écrire» (EnquêtéE9).

« Ce qui m'intéresse à l'école c'est apprendre à lire et écrire pour gagner » (EnquêtéE13).

Par ailleurs, les conditions précaires dans lesquelles ils évoluent et leur handicap lié à la langue les poussent à « s'investir » dans le but de pouvoir sortir de là et aspirer à un meilleur avenir.

Contrairement à ce qui précède, une autre catégorie d'enquêtés présente le désir d'apprendre pour avoir un emploi, mais faire l'école en utilisant une langue qui n'est pas propre à leur milieu rend l'apprentissage difficile et conduit à des abandons pour d'autre.

«Parce que je vois les autres et pour l'avenir. J'apprenais pour avoir un bon travail demain comme les autres, mais l'école qu'on fait seulement en français là vraiment m'embêtait trop. Tout ce fait en français entre temps moi ce que je parle bien c'est le nzébi. J'ai arrêté cette année. C'était déjà difficile » (EnquêtéE4).

1.3.2. Le rapport à la langue utilisée à l'école

Le système éducatif gabonais utilise le français comme le moyen de transmission ou de socialisation de ses populations d'élèves. En d'autre terme le français est la langue légitimé à l'école.

Cependant, la langue maternelle est en milieu rural et à Matagamatsengue en particulier celle utilisée au quotidien. De ce fait, cet écart influence donc négativement les performances scolaires des élèves dans la mesure où il sort les élèves de leur milieu et les rend plus ou moins passif en milieu scolaire. C'est en effet dans cette optique que Soumaho Mesmin dira que « l'enseignement dispensé au primaire au Gabon est inadapté parce qu'il n'intègre pas une réalité culturelle fondamentale : la langue maternelle. De ce fait, dès que l'enfant arrive à l'école il perd toute spontanéité et adopte une attitude passive»61.

L'élève Mubongo est donc spontanément soumit à une double difficulté: l'apprentissage du français et la nécessité de se soumettre à une discipline dons la valeur est peut assimilée et parfois il ne parvient pas à construire un véritable sens lui permettant de se motivé.

En outre, ces élèves entretiennent un rapport conflictuel avec le français, ce qui fait que ces derniers ont plus de difficulté à l'école car l'écart est plus coriace pour eux quand ville ou le français est la langue la plus utilisé en milieu familiale et en lieu publique. Comme affirme Jean-Jacques DEMBA : « toutes les activités parascolaires, c'est-à-dire tout ce qu'ils font en dehors de l'établissement : les travaux familiaux, les activités sociales (...) explique le redoublement et donc les échecs scolaire »62.

Par conséquent nous distinguons ici trois types de figures d'élèves. Tableau n°15: Langue utilisée à la maison

Langue utilisée

effectif

Total

G

F

Français

0

2

2

Nzébi et français

3

1

4

Nzébi

8

0

8

Total

11

3

14

61Mesmin-Noel Soumaho. (1987), Objectifs de l'enseignement primaire et contenu des manuels de lecture. Contribution à une étude sociologique du curriculum au Gabon, 2tomes, thèse de Doctorat 3e cycle en sciences de l'éducation. Paris : université René Descartes-Paris V,

62 Jean-Jacque, Demba, (2014), Etude exploratoire des cause du redoublement selon le point de vu d'élèves d'un lycée gabonais, programme de maîtrise en didactique, Université Laval. Mai

60

61

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019

La première figure est celle de ceux qui ne parlent que le français à la maison. Celle-ci ne présente pas de difficulté à s'exprimer en français en classe et elle est constituée uniquement des filles.

« A la maison je parle en français et je réponds bien en français en classe )) (EnquêtéE12).

« À la maison, je parle le français ; j'étais à Libreville et donc je ne parle que le français. J'ai juste 2ans ici et je n'ai pas de problème en classe )) (EnquêtéE11).

Cette figure ne présente pas de problème d'adaptation, d'intégration dans le milieu scolaire et à construire des relations avec d'autres élèves. Ces élèves quant - à eux vivent une épreuve plus ou moins facile à surmonter dans la mesure où ils disposent d'un code culturel important légitimé à l'école (le français) qui leur permet de mieux s'adapter et ils développent aussi une conscience plus vive de l'utilité de l'école.

La seconde figure est constituée des élèves qui parlent plus ou moins les 2 langues à la maison, mais dont la langue maternelle demeure la plus pratique. De ce fait, elle présente quant à elle moins de difficulté à s'exprimer en français en classe. Cependant, l'abandon ou le retard scolaire s'explique chez ces derniers par le fait qu'ils sont moins performants, peu intéressé, passif et ils confèrent à leurs études une utilité limitée au désir d'apprendre à lire ou écrire.

«Le nzébi et le français. A la maison je parle le nzébi et le français mais je parle plus le nzébi, en classe je n'ai pas de difficulté mais parfois il peut arriver que je sois bloqué )) (EnquêtéE6)

« Je parle le français et le nzébi mais quand je suis ici au village c'est le nzébi cent pour cent. Et je n'ai pas vraiment de problème à m'exprimer en français en classe )) (EnquêtéE7).

Enfin la troisième figure est celle qui parle uniquement le nzébi. Elle regroupe la majeur partie d'élèves, elle est aussi celle qui présente le plus de difficulté à parler français en classe.

« Oui et quand je suis bloqué pour répondre quelque fois je m'exprime en nzébi, le maitre ne se fâche pas il me redit juste en français ma réponse » (EnquêtéE2).

« Oui et quand je ne peux pas les autre répondent. Quand je réponds à des questions en classe, il y a des mots qui me bloquent mais comme on ne parle pas le nzébi en classe je ne dis plus rien et quand je peux en français je donne la réponse » (EnquêtéE8)

« (...) vraiment quand je suis bloqué je fais recours aux camarades pour me donner l'expression qui correspond )) (EnquêtéE10).

Cette question du rapport à la langue est en effet un aspect en milieu rural qui est à la base des faibles performances et explique aussi la question du »retard scolaire» ce qui est observable dans notre contexte actuel pour tous les enquêtés de cette catégorie qui vivent une expérience scolaire en opposition à l'école. C'est-à-dire qu'ils vivent une expérience « contre l'école ))63

Lors de nos observations des déroulements des cours à l'école primaire de Nzingui (en classe de 1ère année et 4ème/5ème année), on s'est tout de suite rendu compte de la difficulté des élèves à s'exprimé en français.

Cas 1, classe de 1ère année : Pendant un cours portant sur l'apprentissage des expressions qui permettent de situe : une personne, un animal ou une chose. En utilisant des images, la maîtresse demande à ses élèves ou se situe les petites voiture blanche par rapport au camion ; ils répondent spontanément en langue vernaculaire : gubusu (devant) et gumbis (derrière). Cette réaction démontre que ces élèves ont des réflexes («habitus »64) qui les renvoient directement à l'utilisation de la langue locale, car elle est celle utilisée au quotidien. La classe de 1ère année est celle où l'on rencontre le plus d'élèves de toutes origines confondu qui ne s'expriment qu'en langue vernaculaire et même pour s'interpeler entre eux, ils utilisent les pseudonymes (les petits noms de maison). Ils se forcent néanmoins à utiliser le français au moment où ils rentrent en dialogue avec l'enseignant.

« Oui nous avons des problèmes lors des explications, déjà ils ne parlent tous que le nzébi, moi je suis Sango et quelquefois je fais recours à d'autres élèves pour me donner l'expression

63 François Dubet, (2007) Expérience sociologique, Paris, Ed la découverte

64 Pierre Bourdieu (1979), Critique sociale du jugement, Paris, Editions de minuit, p 190.

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63

en leur langue qui correspond avec celle que je veux expliquer ou je demande à celui qui suit de redire à ses camarade en langue. Il peut arriver que tu poses une question et spontanément ils te répondent en nzébi. Mais on est obligé de les recadrés à chaque fois » (maîtresse de 1ère année, école de Nzingui).

Cas 2, classe de 4ème/5ème année : les élèves de ce niveau rencontrent aussi le même problème bien qu'ici il n'a plus la même teneur. Lors de la révision d'un cours d'éducation civique (sur les symboles de la république gabonaise), l'enseignant demande à chaque élève de faire un résumé oral. Le constat fait est que ces derniers ont des bons éléments de réponse, mais ne parviennent pas à formuler des phrases avec aisance, car eux aussi se retrouvent rattraper par le réflexe de la langue vernaculaire. Certain n'arrivent pas à aller jusqu'au terme de leur pensée, cependant d'autres pour y arriver rajoutent des expressions en Nzébi.

Au regarde ces observation nous pouvons déduire que plusieurs tensions se greffent au rapport au savoir de nos enquêtes, ce qui par la suite explique en générale l'échec scolaire en milieu rural notamment : le capital économique, le rapport à la langue et le sens (valeur) attribuée à l'école.

En outre pour ces derniers, la valeur de l'école se limitera à son utilité car l'école selon eux est indispensable pour s'en « sortir », c'est-à-dire pour leur avenir. En effet le goût de l'école se limite donc au simple désir d'apprendre à lire et écrire de manière générale car aucun de nos enquêtés ne se rend à l'école pour des raisons intellectuelle (ou pour un intérêt lié à la connaissance, pour certaines discipline voir même pour les enseignants). Ainsi, dans une école de masse, chaque élève doit se construire son propre rapport au savoir (aux études) ; or pour le cas de nos enquêtes, ils présentent une difficulté d'adaptation et d'intégration au monde scolaire. Ces différentes tensions vont donc constamment conduire le jugement scolaire à leur invalidation dans la mesure où l'école de masse ne cesse d'affirmer que chaque élève est responsable de son échec voir de sa réussite scolaire.

Par conséquent quelles sont les perspectives professionnelles et leur modèle de réussite ?

64

1.4. Perspectives professionnelles et modèles de réussite

1.4.1. Perspectives professionnelles

Tableau n°16 : répartition des enquêtés par métier

Métiers

effectifs

 

G

F

Force de sécurité

4

0

Enseignant

1

1

Infirmier

0

2

Autres :

(peu importe le travail - je ne sais pas encore)

6

0

Total

11

3

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019

Suite à la question portant sur les projets professionnelles avenir, trois types de métiers sont mis en avant par la majeur partie de nos enquêté : les forces de l'ordre, enseignant et dans le domaine de la santé (infirmier). Dans ce groupe d'élève la part de ceux qui souhaitent travailler dans les forces de l'ordre est la plus importante : quatre sur huit pour les corps habiller, 2 veulent devenir enseignant et 2 autres dans le domaine de la santé.

A l'opposé, la seconde moitié de nos enquêté est d'une part incertaine voir imprécise sur le métier dont elle souhaite faire après ses études,

« Je ne sais pas encore» (EnquêtéE3).

D'autre part, selon eux le choix d'un métier n'est pas ce qui importe, car un métier reste un métier quel que soit sa nature.

« Peu importe le travail, je suis prêts à le faire (...) » (EnquêtéE6)

Par conséquent, on peut dire que pour ces élèves l'utilité des études est donc à la foi urgente et abstraite, d'autant plus évanescente que les élèves vivent une expérience scolaire sans suffisamment valorisée ou donnée un véritable sens à ce qui leur arrive. Ainsi, l'utilité de l'école demeure alors sans cesse différée dans un avenir incertain.

65

La relation que ces élèves entretiennent avec le fait d'apprendre est vide de sens, c'est-à-dire qu'elle ne renferme ni projet, ni vocation, intégration et même un véritable intérêt. En effet, cette relation conflictuelle entretenue va donc conduire les plus fragiles face à des épreuves complexes (difficiles) à disparaitre, donc à sortir du système (abandonner) au bout d'un temps. Cette situation va s'observée tout au long du cursus scolaire par une inadéquation importante entre les inscrits en 1ère année et ceux en 5ème année (aux examens) :

«(...) par exemple le fait qu'en 1ère et 2ème année on retrouve un nombre important d'élèves et à partir de la 3ème année où la demande d'implication au travail scolaire commence à croitre, un important déclin va s'observé entre la 3ème et la 5ème année (abandon, redoublement, etc.). C'est ce qui fait que le nombre d'inscrit aux examens soit de manière générale entre 0 et 5 candidats et en particulier trois pour cette année » (Enseignant de 4ème /5ème années)

Par ailleurs, quels sont les sources de motivations qui ont conduit nos enquêtés au choix de ces différents métiers ?

1.4.2. Modèles de réussites

Pour ce qui est des modèles de réussite, nos enquêtés ont pour référence des agents de forces de sécurités de manière générale excepter trois qui ont respectivement pour modèle : un enseignant, un agent des eaux et forêts et un élève de première.

« Quand je terminerais mes études, je serais policier. Parce que je le veux tout juste, aucun autre métier ne m'intéresse. Je veux être comme mon grand frère ya COPIN, il est aussi policier » (EnquêtéE5)

« Je souhaite être gendarme parce que je veux aider mes parents en achetant la nourriture, mon modèle c'est mon grand frère il est aussi gendarme » (EnquêtéE13).

«Je veux être médecin mais dans la médecine je n'ai pas de modèle. Mon modèle est dans l'armée et il est caporale » (EnquêtéE7).

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« Je veux être maitresse parce que j'ai un parent qui est enseignant, c'est le petit frère de mon père. Il enseigne à Mabanga » (EnquêtéE9).

L'aspiration à ces différents métiers est lié au besoin d'argent pour venir en aide à la famille pour certains et au fait de vouloir devenir comme un membre de la famille qui travail pour d'autre.

Au-delà du désir de ressemblé à un membre de la famille, l'influence parentale contribue aussi au choix de c'est différents métiers dans la mesure où les parents expriment aussi des attentes face aux études de leur enfants. En plus les corps de métiers sont très peut représenter en milieu rural, ce qui par la suite cristallise les perspectives professionnelles et les modèles de réussite à ceux près cités : il y a donc un effet contexte qui limite les possibilités de choix de métiers. De ce fait, les métiers en présence en milieu rural sont le plus souvent : force de l'ordre, enseignant, infirmier, forestier et commerçant.

Section 2 : Stratégies parentales d'encouragement selon les élèves et l'attitude des enquêtes en situation de cours et en dehors

2.1. Stratégies parentales d'encouragement

Le désir des parents pour la réussite de leurs enfants, pousse ces derniers à adopter certaines méthodes susceptibles d'être bénéfiques pour la réussite de leurs progénitures.

Ainsi, pour cerner ces méthodes et techniques, nous avons posé aux élèves des questions qui portent sur le suivi scolaire dans la mesure où « l'histoire scolaire ne doit pas être pensée en terme de capital culturel pour les jeunes des familles populaires, mais en termes de capital de mobilisation sur l'école et à l'école »65.

65Bernard Charlot, (1992) « rapport au savoir et rapport à l'école dans deux collèges de banlieue. » In société contemporaines, n°11-12.Pp119-147.

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2.1.1. Le suivi scolaire à la maison

L'apport parental dans le suivi scolaire se fait de manière variée. Premièrement, les élèves ayant des parents qui connaissent au moins lire et écrire, bénéficient des temps de répétition et d'exercice en plus de ce qu'ils font à l'école.

«Oui, pour les exercices, ils m'aident en utilisant le tableau, ils écrivent et je recopie » (EnquêtéE3).

« Oui. Ils lisent mais leçons et me montre en cas d'erreur. Ils prennent mes cahiers et me demandent si j'ai des devoirs de maison et ils mettent sur papier mes exercices pour qu'on travail » (EnquêtéE12).

«Mon père et ma mère m'aident à faire certains exercices quand ils peuvent, et me font réciter les leçons » (EnquêtéE14).

Il est nécessaire de noter ici que ceux qui bénéficient de ce soutien parental sont uniquement les élèves du niveau primaire car le niveau d'études des parents se situe pour la majorité entre la 1ère et la 3èmeannée, donc n'est pas suffisant pour aider ceux du niveau collège ou lycée.

«Ici mes parents non pas dépassez la 3ème année ils vont faire comment pour m'aider, à Libreville ils m'envoyaient souvent l'argent et me payaient les cours» (EnquêtéE7).

Deuxièmement : pour ce qui ont des parents qui ne savent ni lire ni écrire, ils se tournent vers les aînés qui fréquente ou qui ont fréquenté l'école dans la famille ou dans la communauté. Et pour d'autre l'aide des aînés n'est possible que lorsque ceux qui sont au collège reviennent au village.

« Quand je ne maîtrise pas un mot lorsque je fais la lecture, ce qui connaisse dans le village m'aident » (EnquêtéE9).

« Mes grande frère ne sont pas ici mais quand ils reviennent de Lebamba ils travaillent avec moi » (EnquêtéE10).

Et troisièmement, dans le cas où les familles placent un certain espoir de réussite en chaque élève, les parents, bien que n'ayant pas un niveau requis pour un suivi scolaire pertinent de

68

leur enfants, tentent de palier à ce handicap culturel en motivant d'une part les aînés à faire le suivi scolaire de leur cadets.

«(...) Ils nous demandent de faire nos devoirs, et mes parents demande à mes frères de m'aider. Ils m'envoient à leur recherche s'ils ne sont pas à coté pour venir faire les devoirs avec moi » (EnquêtéE2).

2.1.2. L'incitation parentale par des conseils

Les élèves Babongo du village Matagamatsengue, n'ayant pas grand-chose à recevoir de leurs parents au plan scolaire, peuvent tout de même compter sur leur « soutien moral ». Par conséquent c'est ce soutient qui leur donne la motivation d'accomplir des exploits dans le but de prétendre à un meilleur avenir. C'est-à-dire à une mobilité sociale.

En prenant compte des réponses de nos enquêtes, on constate que la quasi-totalité des élèves de notre échantillon bénéficie d'un soutien moral sans réserve de la part de leurs parents. Pour les parents bien que n'ayant pas atteints des niveaux d'étude assez élevés, espèrent ce qu'il y a de meilleur pour leurs enfants. C'est en effet cette raison qui pousse les parents à présenter tous les bienfaits et les avantages qu'ils peuvent tirer de l'école ; tel que : un meilleur statut social ou un future emploi bien rémunéré.

«Mes parents me disent : il faut aller à l'école, respecter les règles de l'école, d'apprendre, de devenir comme les policiers ou comme les autres et ce que le maitre demande de faire tu le fait ». (Enquêté E14)

«Ils nous conseillent à tout moment et demandent ce qu'on a fait. Par exemple : Nous on n'a pas réussi donc il faut que tu réussisses » (Enquêté E6).

Ainsi cette incitation à aimer l'école et à ne pas surtout abandonner s'ils veulent réussir dans la vie et faire mieux qu'eux devient comme une obsession parentale. Les familles espèrent pour leur enfant ce qu'ils n'ont pas pu avoir ou obtenir par le biais de l'école. C'est en effet ce qui explique l'inculcation de certaines valeurs. Par ailleurs, l'école se présente donc pour eux comme le meilleur moyen de réussite sociale, les parents usent donc de toutes les possibilités qui sont à leur pouvoir pour tenter de motiver en offrant par exemple des cadeaux (l'argent).

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« Parfois ils me donnent de l'argent et me disent pour avoir beaucoup d'argent il faut faire l'école sinon tu seras comme nous ». (Enquêté E10).

« Ils me disent d'apprendre pour être comme les autres » (Enquêté E8).

Il faut préciser que la motivation par les conseils des parents se présente dans certains cas inefficace ou insuffisant dans la mesure où elle ne permet pas à d'autres élèves de braver les difficultés qui se présentent à eux(ou pour leur survie en milieu scolaire). C'est d'ailleurs ce qui conduit certain de nos enquêtes, tel que E4, à dire :

« Ils m'ont toujours dit : suit l'école pour être comme les autres. Mais je n'ai pas pu, j'ai arrêté cette année c'était difficile ». (Enquêté E4).

Mais cette demande familiale devient pour ces élèves une volonté personnelle de réussir au-delà des épreuves auxquelles ils font face : «c'est la force d'une demande inscrite dans le réseau des relations familiales, plus que l'aide technique apportée par les parents qui soutiennent la mobilisation des jeunes sur l'école »66.

2.1.3. Les biens culturels

Nous entendons par bien culturel, tout instruments didactique qui servent d'aide à la compréhension mais aussi à l'approfondissement des cours tel que : livres, dictionnaires voir même les instruments de géométrie etc.

De tous les élèves interrogé il en ressort que ceux qui possèdent au minimum un ou deux biens culturels sont les élèves de 4ème et 5ème année, alors que ceux de la première année ne possèdent aucun bien culturel. Ce qui de facto est un véritable frein pour le suivi scolaire en milieu familial, car il est quasi impossible pour les enseignants de laisser aux élèves des exercices conséquent au moment de leur absence ou pour les week-ends. En effet, pour les enseignants tout comme pour les élèves, les manuels utilisés sont quelque fois pas au programme pour certaines discipline soit ils n'en ont carrément pas.

66Bernard, Charlot, (1992) « rapport au savoir et rapport à l'école dans deux collèges de banlieue. » In société contemporaines, n°11-12.pp119-147

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« (...) Tout les élèves que ce soit ceux qui viennent de l'autre coté (Matagamatsengue) ou d'ici, ils n'ont pas de manuels scolaire. Vous pouvez le constater de vous-même, certains élèves viennent de fois sans cahiers, d'autres juste avec des ardoises et repartent sans cours ni exercices. La situation est différente si vous vous rendez en 4ème et 5ème année » (maitresse de 1ère année de l'école publique de Nzingui).

2.2. L'attitude des élèves en situation de cours et en dehors

La manière dont les élèves se tiennent en classe et en dehors (hors du contexte scolaire) a fait l'objet d'une observation particulière. Celle-ci s'est faite en particulier dans les classes de 1ère, 4ème et 5ème année. En outre, elle a aussi nécessité de vivre au quotidien avec ses derniers dans le but de ressortir leurs activités majeures en dehors du milieu scolaire.

2.2.1. Attitude des élèves en classe

Parmi les trois niveaux observés, les élèves de la 5ème année sont les plus attentifs en classe avec plus ou moins ceux de la 4ème année tandis que les rêveurs et ceux qui font tout autre chose en classe sont ceux de la 1ère année. Ainsi, la classe de 1ère année est très mouvementée par les faits et gestes des élèves, les quinze élèves sont entre bavardage et perturbation. Mais curieusement lors que la maitresse demande de recopier la leçon tous sortent leur cahiers et ardoises.

Pendant les cours, les élèves de 4ème et 5ème année sont attentifs aux explications de l'enseignant parce qu'ils veulent acquérir un certain savoir nécessaire à la réussite aux examens. De ce fait, pour l'acquérir, il faut suivre ce que dit le maitre. C'est dans cette optique que certains disent :

« Ce qui m'intéresse c'est suivre les cours, suivre ce que dit le professeur pour réussir » (Enquêté E10).

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«(...) J'aime quand je suis en classe pour écouter ce que dit le maitre pour gagner mon CEP et mon Concours quand je serai en 5ème année»67 (Enquêté E11).

N'ayant pas des outils (les manuels) et des parents outillés pour leur suivi scolaire à la maison, ces élèves sont obligés de mettre tout en oeuvre pour tirer profit de la présence de l'enseignant (du détenteur du savoir savant). Par ailleurs, l'enseignant étant la seule chose dont il dispose, ils sont donc obligés de se concentrer sur le savoir que transmet l'enseignant pour espérer réussir.

Par conséquent, ceux qui adoptent une attitude « contre l'école »68sont en majorité les élèves de la 1ère année. Cette attitude contre l'école s'observe aussi lors des récréations. Pour certains c'est une occasion de pouvoir repartir à la maison pour ne plus revenir le reste de la matinée et d'autres même pour toute la journée.

2.2.2. Attitude en dehors du contexte scolaire

En dehors du milieu scolaire les élèves Babongo sont entre jeu et activité champêtres et faire des exercices scolaires n'est nullement une priorité. Sur les dix élèves inscrits à l'école publique de Nzingui que nous avons observé, une seule élève fait des exercices à la maison en dehors de ce que donne l'enseignant en classe :

«(...) Même quand je n'ai pas d'exercices, papa me donne des devoirs à faire dans les livres à la maison » (Enquêté E12).

« (...) constatez de vous-même j'ai donné des exercices vendredi mais il n'y a à peine que deux dans la classe qui l'ont fait. Les raisons qu'ils donnent sont toujours : on n'a pas eu de temps on était en brousse avec les parents (...) En réalité cette manière de faire nous embête aussi » (maitre de 4ème et 5ème année).

67 « Me tonde va me li tsoh class mu yoga bi mulongchi a lèle mu baga cep na concours a mè »

68 Nous entendons par « attitude contre l'école » le fait qu'un élève soit en situation de cours un perturbateur,

rêveur et le fait de faire toute autre chose en classe. Cela d désigne aussi le fait de décrocher en milieu de journée et qu'un élève ne trouve pas de temps à faire ses exercices durant les week-ends ou les périodes de vacances.

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Les week-ends ou les mercredis après-midi, les élèves sont le plus préoccupés à suivre les parents en brousse à remplir leur devoir domestique ou à faire tout autre chose que le travail scolaire. Le plus surprenant est que ces élèves parlent de manque de temps ou d'oubli lorsqu'il s'agit d'activités intellectuelles. Cependant, nous avons pu remarquer qu'à la demande de piquet pour la fabrication de la clôture du jardin de l'école, les élèves ont manifestés une volonté de le faire au point où ils ont même interpellé leurs parents. Et au sortir du week-end, chaque élève s'est présenté à l'école avec ses piquets.

Au regard de ce qui précède, nous pouvons donc dire que pour nos enquêtés le travail physique est facilement exécutable contrairement au travail cognitif De ce fait, il ne développe donc pas un rapport au travail scolaire suffisant permettant la réussite scolaire, ce qui par la suite explique leur retard scolaire.

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Chapitre V

LES POLITIQUES EDUCATIVES EN MILIEU RURAL

Le présent chapitre aborde la question de l'offre scolaire en milieu rural gabonais en général et en particulier celui du village Nzingui où les enfants Babongo de Matagamatsengue sont pour le grand nombre inscrits. Ainsi pour mieux cerner les politiques éducatives en milieu rural, nous nous appuyons sur la loi n°21/2011 du 14 février 2012 portant organisation générale de l'éducation, de la formation et de la recherche. Celle-ci énonce dans les articles 2, 5 et 6 que l'éducation et la formation au Gabon sont obligatoires. De ce fait, l'accès à l'éducation et la formation est assurée à tous les jeunes gabonais ou étrangers résidant au Gabon, âgés de 3 à 16 ans.

En outre, parmi les missions générales de celle-ci, il y a notamment:

- ancrer les apprenants dans leurs racines multi culturelles tout en les ouvrant au savoir et au savoir-faire moderne,

- de promouvoir les langues locales, véhicule essentiel de la culture et des valeurs de chaque civilisation, ainsi que les technologies de l'information et de la communication,

- les infrastructures et les équipements d'enseignements et de formation doivent, à
cet effet permettre, selon les niveaux, l'appropriation des connaissances et des compétences en matière : la langue locale, (...).

Ce bref retour sur la loi n°21/2011 nous permet de voir que celle-ci fait l'éloge d'une école de qualité au Gabon. Nous entendons par `'école de qualité», une école qui offre à tous jeunes résidant sur le territoire gabonais les mêmes possibilités d'accès à la formation, à l'instruction et à l'éducation.

Cependant, peut-on parler d'une adéquation entre la loi n°21/2011 et les réalités scolaires en milieu rural ? Autrement dit, y a-t-il un équilibre entre la théorie, les pratiques pédagogiques et le comportement du gouvernement en termes d'investissement et de planification dans le cadre de l'éducation et la formation au primaire ?

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Dans l'objectif de cerner la réalité du contexte scolaire rural, nous avons été dans deux villages voisins (Mbelnaltembe et Mbinambi) pour une observation plus large et effectué des entretiens avec les enseignants des écoles de ces différents villages.

Ce chapitre consiste donc à mettre en évidence les réalités scolaires en milieu rural gabonais. Dans un premier temps, il est question d'un regard critique à partir des observations de terrain sur l'offre scolaire. Notre regard a porté sur trois aspects que nous estimons comme fondamental pour un système éducatif qui se veut égalitaire: les pratiques pédagogiques, le rythme scolaire et l'accès à la formation ou l'éducation (section 1). Et dans un second temps, nous exposons les incidences de cette offre scolaire. Il est question de démontrer que les insuffisances des politiques éducatives en milieu rural font de cette école, une école ou l'on apprend pour abandonner demain (section 2).

Section 1 : Pratique pédagogique, rythme scolaire autonome et inégal accès à la formation ou à l'éducation

1.1. Des programmes pédagogique et rythmes scolaire autonome

A l'école publique de Nzingui, il n'y a pas une organisation précise sur la progression pédagogique tout au long de l'année. Pour le cas de la 4ème et 5ème année, les cours sont faits sur la base des « notions qui reviennent le plus souvent aux examens de fin d'année ». Cette autonomie de programme se vérifie par l'absence de manuel au programme. Les enseignants ne disposent pas des manuels ou de tous autres outils au programme, ce qui implique que la préparation des cours et les évaluations se font à l'ancienne : c'est-à-dire que chaque enseignant est totalement libre et responsable de la production des savoirs. Ce qui compterait pour les autorités du secteur éducatif ce sont les résultats ; c'est dans cette perspective que le directeur de l'école de Nzingui nous confit :

« (...) les inspecteurs viennent faire de la comédie, ils connaissent les conditions dans lesquelles nous travaillons. Ce qu'ils réclament ce sont les résultats et les bon résultats peut importe comment on travaille. Mais personne ne fait rien pour que ça marche c'est une vrai comédie. C'est la raison pour laquelle chacun évalue à sa manière.

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Et moi j'estime que les résultats ne sont plus fiables, au moins avant tout était plus ou moins uniforme. Aujourd'hui lorsqu'on fait état des conditions matérielles à notre hiérarchie, ils nous demandent de nous équiper nous-mêmes et que cela fait partir de la formation » (directeur de l'école publique de Nzingui).

De plus les enseignants des trois écoles observées s'accordent sur la non application du programme et du non utilisation des cahiers de situation cible dans le cadre des évaluations, ils font «chacun des devoirs comme ils peuvent et ils notent ». À cet aspect vient s'ajouter celui des infrastructures défectueux le manque d'équipement d'enseignements et de formation de première nécessité :

« Déjà il n'y a pas de programme c'est l'enseignant qui fait lui-même son programme, il n'y a pas de manuel quel programme alors ? On donne les cours en fonction des nations prioritaire donc on fait l'essentiel, il y a une masse de notion et des disciplines (...) Comme difficulté en général les conditions de salles de classe (tables banc et tableaux défectueux et les murs délabrés), absence de latrine, des matériaux essentiel tel que la craie et les manuels... tout ça c'est notre propre argent » (maitresse de la 1ère année de l'école publique de Nzingui)

Ainsi, l'Etat peine toujours à améliorer son offre scolaire par un investissement suffisant en matière d'infrastructures et en équipement en matériaux d'enseignement pouvant garantir l'appropriation des connaissances et des compétences dans des conditions saine et de qualité.

Le constat qui est fait de manière générale, montre, que les réalités scolaires sont différentes d'un village à un autre. C'est donc pour dire, qu'en milieu rural le contexte scolaire est variés et qu'il existe, non seulement une inégalité entre les élèves qui évoluent en ville et ceux des villages, mais il y a aussi une inégalité de chance d'accès et de réussite entre les différent élèves qui apprennent en milieu rural. Cela se manifeste par le fait que d'un village à un autre, les réalités scolaire ne sont pas les mêmes. Tel est le cas des écoles des trois villages dans lesquels nous nous sommes rendus.

Premièrement l'école primaire de Mbenaltembe : elle à un bâtiment de trois classe dans lesquelles sont repartie les cinq niveaux et 3 enseignants.

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Lors de nos différentes visites les trois enseignants étaient toujours à leur poste de travail. De plus pour palier au problème de manuel didactique, le directeur de cette école s'est équipé des outils informatiques (ordinateur portable et imprimante) et le rythme scolaire est plus ou moins régulier au-delà des absences de chaque fin de mois lié à la prise de salaire à la capitale provinciale.

« J'ai été obligé de me procuré ces deux appareils pour mieux travailler et venir en aide au collègue et à nos élèves qui manquent un peu de tout en leur fournissant au moins à chaque foi des documents pour des exercices de maison » (directeur de l'école primaire de Mbenaltembe).

Deuxièmement, l'école primaire de Nzingui quant-à-elle a aussi un bâtiment de 3 salles de classes pour les cinq(5) niveaux et trois enseignants affecté, mais il n'y a que deux enseignants qui ont la gestion des cinq(5) niveaux, car le troisième enseignent après la prise de service n'est plus jamais revenu pour répondre à son devoir. On note en plus une insuffisance de manuel au programme. Les deux enseignants ont chacun un manuel « super en mathématique» qui répond aux normes. Mais la préparation des cours se fait à l'aide de tous d'autre manuel pour atteindre l'objectif qui est demandé par leur hiérarchie : « les résultats peu importe comment on les obtient ».

« Ici, les enseignants sont constamment absent, ils viennent sans leur familles, ils peuvent être la durant un moment et ressortent pour des semaines. C'est le cas de la maitresse de 1ère année qui était sortie pour prendre son salaire et là on est déjà à une semaine elle n'est pas toujours revenu ? Vraiment c'est dure chaque année c'est la même chose » (président de la association des parents d'élève de école de Nzingui).

« Mon absence s'explique par la prise de salaire et j'ai profité à faire des achats car ici il y a un problème de route et le ravitaillent alimentaire (...) en réalité il est impossible de rattraper les jours perdu, mais pour celui qui a l'expérience il peut faire la collection des notions prioritaires » (maitresse de 1ère année, école de Nzingui),

Et troisièmement l'école de Mbinambi, à 1 bâtiment de trois salles de classes pour 5 niveaux et deux enseignants dont il n'y a qu'un présent. L'enseignant titulaire (le directeur) est quant à lui absent depuis près de deux (2) mois et celui qui nous a reçu a été victime d'un

accident de circulation et bien que présent dans le village l'école restera fermée le temps de son rétablissement.

« Mon directeur était là le premier mois mais cela peut faire deux mois déjà presque qu'il est absent pour des raisons qui me sont inconnues, (...) l'école est fermée juste pour le temps de convalescence mais dès que possible tout rentrera dans l'ordre, sauf si mon directeur revient entre temps (...) en réalité les outils de travail c'est nous même » (enseignant à l'école de Mbinambi).

On se rend bien compte, que le rythme scolaire et les conditions de travail sont belle et bien fonction du lieu où l'on se trouve. Le calendrier académique tel que conçu de manière à promouvoir et garantir l'idéal d'une école accessible et de qualité tant prôné par le politique sont en milieu rural l'ombre d'eux-mêmes dû à la confrontation aux conditions géographique qui viennent limités une fois de plus la démocratisation scolaire des familles.

Dans l'optique d'un prolongement de cette réflexion, Orphée Martial SOUMAHO MAVIOGA et Dany Daniel BEKALE69 disent que « la demande scolaire au primaire est caractérisée par une offre publique insuffisante » et poursuivent en disant que « l'offre scolaire divise la société gabonaise en classe et ne garantit pas la mixité sociale. Elle apparait comme une politique publique éducative qui participe à la ségrégation sociale et limite l'accès à certains biens et privilèges sociaux aux enfants issus des quartiers populaires »

Dès lors, plus les contextes scolaires sont variés, plus ils sont différents et inégaux : certains favorisent la réussite scolaire et d'autres le décrochage, l'abandon et donc l'échec scolaire. Cet aspect entraine nécessairement des inégalités de chance de réussite au profit des familles qui vivent en ville et qui usent de stratégie en inscrivant leurs enfants dans les meilleurs contextes que ceux du milieu rural.

Par conséquent, les raisons du décrochage ou de l'abandon des élèves Babongo trouvent une part de leur fondement au sein même de l'établissement (« effet établissement »70) pour rejoindre Marie DURU-BELLAT. Car chaque établissement par son

69 Orphée Martial Soumaho Mavioga et Dany Daniel Békale, (2007), « offre scolaire au Gabon et problématique de l'égalité des chances dans l'enseignement primaire », Romaric Franck Quentin de Mongaryas (dir) Refonder l'école gabonaise : Enjeux et perspectives, Saint-Denis, Publibook, Pp 23-41

70 Marie Duru-Bellat, « les causes sociale des inégalités à l'école », Comprendre, n°4, Octobre 2003

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organisation et son fonctionnement particulier, exerce une influence sur le rendement scolaire des élèves. C'est-à-dire sur leur performance ou leur survie dans le monde scolaire.

1.2. Inégale accès à la formation et l'éducation

L'inégale possibilité d'accès en milieu rural s'explique ici par deux éléments principaux : le manque d'établissement pré-primaire et l'occultation de la langue vernaculaire en milieu scolaire.

1.2.1. L'absence d'établissements pré-primaire

L'égalité d'accès à l'éducation et à la formation dès l'âge de trois(3) ans prôné par l'Etat, est quasi impossible, dans la mesure où il n'y a pas d'établissement préscolaire. Les familles en milieu rural sont donc réduit à patienter jusqu'à l'âge de six (6) ans (voir huit(8) ans chez les familles Babongo) pour espérer inscrire leurs enfants dans les écoles de leur village.

D'autres villages à dominante Babongo tel que Foungui (un village pygmée de la même contré) n'ont ni école pré-primaire, ni école primaire. Ainsi, dans ces zones de désert scolaire, les familles qui tiennent par ailleurs à envoyer leurs enfants à l'école sont obligés soit de changer de village ou de trouver une famille d'accueil à Matagamatsengue.

L'écart qui existe entre l'orientation générale de l'éducation, la formation et l'investissement dans le secteur éducatif au Gabon renforce la thèse de Quentin De MONGARYAS71 sur l'idée d'une « société contre l'école » et des autorités qui font la promotion d'une « école du sous-développement »72 dans les faits, en ce que l'école en milieu rural connait une forte précarité.

71 Romaric Franck Quentin De Mongaryas (2012), l'Ecole gabonaise en question. Quel système de pensée, pour quelle société ? Paris, L'Harmattan.

72 Romaric Franck Quentin De Mongaryas, Charles-Philippe Assembe Ela et Eloge Bibalou (2017), Refonder l'Ecole gabonaise : enjeux et perspectives, Saint-Denis, Publibook, P203.

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1.2.2. L'occultation de la langue vernaculaire

En contexte rural, le non prise en compte de la langue vernaculaire par le système éducatif constitue l'un des facteurs majeur du décrochage scolaire (ou de l'abandon) des élèves en général et en particulier ceux issus du village Matagamatsengue. Ces derniers, ayant un rapport restreint avec la langue que légitime l'école (le français), seront confrontés à des importantes difficultés, notamment, celles liées à la compréhension des cours et d'intégration dans le milieu scolaire. « L'école deviendrait une séance de magie ou les maitres font disparaitre l'origine familiale »et donc sort ces élèves de leur milieu, ce qui rentre totalement en contradiction avec les missions de l'éducation et de la formation que met en avant la loi n°21/2011 qui mentionne en ses articles 5 et 6, que l'une des mission générale est l'adaptation aux réalités locales et à la promotion des langues locales.

La réussite et la survie en milieu scolaire de ces derniers, implique donc de leur part de fournir des efforts supplémentaire : l'apprentissage du français et le développement d'une relation harmonieuse avec le fait d'aller à l'école et d'y apprendre des choses. En d'autres termes il est question de construire du sens au fait d'apprendre nécessaire à un rendement scolaire positif.

En soutenant la thèse selon laquelle l'école primaire divise par l'offre scolaire publique insignifiante (par la précarité que constituent les « conditions matérielles » 73 dans lesquelles la formation et l'éducation s'effectuent. On peut déduire que les populations d'élèves issu des familles Babongo, sont réduit au simple désir d'apprendre à lire et écrire pour solliciter des métiers qui ne nécessitent pas forcement des longues études.

Section2 : L'école en milieu rural : « une école où l'on apprend pour abandonner»

En parlant «d'une école où l'on apprend pour abandonner », nous voulons dans la même perspective que celle de nos devanciers sociologues gabonais (M-N SOUMAHO, G NGUEMA ENDAMNE, R.F QUENTIN DE MONGARYAS), démontrer les limites du système

73 Mesmin-Noël, Soumaho, (1987), Objectif de l'enseignement primaire et contenu des manuels de lecture. Contribution à une étude sociologique du curriculum au Gabon, thèse pour le 3ème cycle en sciences de l'éducation, Université René Descartes- Paris V (Sciences humaines, Sorbonne).

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éducatif gabonais. Il s'agit pour nous de ressortir les carences des politiques éducatives de l'Etat en milieu scolaire rural (les réalités de l'offre scolaire dans les villages au Gabon et à Nzingui en particulier).

Contrairement à l'idée d'une école de qualité qui est véhiculée par la loi n°21/2011 du 14 février 2012 portant organisation générale de l'éducation, de la formation et de la recherche au Gabon, trois (3) éléments fondamentaux nous ont conduit à qualifier l'école en milieu rural gabonais d'une école où l'on apprend pour abandonner, c'est-à-dire, une école ou l'on se rend aujourd'hui pour décrocher demain, ou à la moindre occasion on abandonne toute activité et où l'on est conduit à mettre très peu d'entrain à effectuer une activité proposé (aux élèves) ou demander (aux enseignants).Notamment :

- l'absence de motivation: chez les enseignants, elle est liée aux conditions précaires

de travail et pour les élèves à leur rapport au français,

- un rythme scolaire en dents de scie, caractérisé par : l'absence des enseignants chaque fin du mois et l'absence scolaire liée aux travaux champêtres, les moqueries des camarades et les blâmes des enseignants,

- et la disqualification parentale (liée à leur faible niveau d'études) ou le désinvestissement de l'Etat (manque d'établissements pré-primaires, occultation de la langue vernaculaire, structures vieillissantes, etc.).

2.1. L'absence de motivation

Pour ce qui est des enseignants, celle-ci s'explique par les conditions de vie précaires (logement) auxquelles ils font face d'une part et l'absence d'équipement d'enseignement scolaire (manuels, tableaux défectueux, tables de banc) et structure vieillissantes d'autre part.

« Comment pouvons-nous travailler dans des telles réalités ou même le minimum n'existe pas. Je vis dans une classe de la vieille bâtisse faite en terre battue qui servait d'école avant et l'on attend quel rendement venant de moi ? » (Enseignante de la 1ère année).

Or pour les élèves la démotivation viendrait du rapport conflictuel qu'ils entretiennent avec la langue légitimée par l'école et l'irrégularité des enseignants qui entrainent des lourdeurs, de la passivité face à l'exigence de l'école.

En effet, l'absence de motivation participe donc à la mort de la volonté d'apprendre et donc de l'école, dans la mesure où, la motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui puise ses origines dans la perception qu'ont les différents acteurs (les élèves, enseignants et parents), d'eux même et de leur environnement, qui par la suite va les inciter ou non à s'y engager dans les activités et à persévérer dans l'optique de leur accomplissement afin d'atteindre les différents objectifs.

2.2. Un rythme scolaire en dents de scie

Le rythme scolaire tel que prévu par l'article 8674 de la même loi, n'est non plus de mise. Il se caractérise par l'irrégularité ou la non présence au poste des enseignants. N'ayant pas leur famille avec eux, les enseignants sont amenés à se rendre le plus souvent en ville pour avoir un regard et résoudre les besoins de famille et administratifs.

« (...) cela fait plus de cinq (5) ans que je travaille dans la contré en regardant les réalités de ce type d'école et la précarité des conditions de vie, je ne peux amener mes enfants pour apprendre ici ou permettre que ma famille vienne pour subir ça. C'est donc pourquoi nous sortons constamment » (directeur de l'école de Nzingui).

« (...) nous sortons le plus les périodes de fin de mois et c'est à cette occasion que nous restons un peu avec la famille et profitons aussi à résoudre nos problèmes, ceux de nos familles et administratifs » (maitresse de 1ère année, école de Nzingui).

En plus, au-delà des prises de service, on constate cependant des absences au poste qui explique de ce fait que l'on retrouve dans certains village un (1) ou deux (2) enseignants pour les cinq (5) niveaux et des écoles constamment fermées pour d'autres. Par conséquent,

74 Loi 21/2011 du 14 février 2012; « Article 86- le calendrier et le rythme scolaires et académiques sont conçues de manière à garantir l'idéal d'une école accessible à tous, tout au long de la vie. (...)

2. au primaire et au secondaire général : une année scolaire régie par les mêmes principes que ceux du pré-primaire, une semaine scolaire organisée, du lundi au vendredi, et comprenant chaque jour, en alternant intercours, repas et repos : chaque matin, quatre heures trente minutes de cours fondamentaux ; chaque après-midi une heure de travaux pratiques ou de travaux dirigés, une heure trente minutes de cours fondamentaux, une heure de cours de sport ou d'activités artistiques, (...) ».

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l'incapacité à suivre une classe en plus va limiter le rôle des enseignants à celui de surveillant. Il est question ici de veiller à ce qu'il n'y ait pas de désordre pour que ces élèves qui sont dans les classes sans enseignant, ne perturbent le déroulement des cours dans les classes voisines. C'est le cas non seulement de la classe de 3ème et 2ème année de l'école publique de Nzingui qui a un enseignant affecté mais non présent depuis le début d'année mais aussi de l'école de Mbinambi qui est fermée.

« Pour cette classe-là, je ne peux donner des cours ou évaluer, ce que je peux faire c'est les surveiller pour ne pas perturber » (directeur, école de Nzingui).

« Là c'est le problème du directeur je ne peux rien c'est lui le chef, soit il les renvoie à la maison jusqu'à l'arrivé de l'enseignant ou il les prend en plus » (maitresse, école de Nzingui).

« Au vu de ma situation, les élèves sont obligés d'attendre mon rétablissement, sauf si entre temps le collègue revient » (enseignant de Mbinambi)

2.3. La disqualification parentale et le désinvestissement de l'Etat

2.3.1. La disqualification parentale

Pour les familles, le suivi scolaire des enfants se limite de manière générale à l'inscription et aux conseils, bien que l'on relève quelques-unes qui tentent bien que mal à veiller à demander aux enfants ce qu'ils ont eu à faire à l'école et à faire les exercices quand ils peuvent. Ce qui importe pour ces familles après l'inscription c'est de savoir que chaque matin leur progéniture se lève pour l'école. Cela se justifie par le fait qu'un seul parent se présente au nom de tous les élèves lors d'une convocation à une réunion des parents d'élèves ou à la signature (ou récupération) des bulletins.

Lorsque nous avons posé aux parents la question de savoir s'ils étaient informés sur le fait que leurs enfants inscrit en 3ème et 2ème année n'avaient pas d'enseignants et passaient des journées à ne rien faire, ils nous répondent :

« Chaque matin mon enfant va à l'école et il y a deux (2) enseignants à l'école pourquoi le garder à la maison ? L'année dernière à Mbinambi il n'y avait qu'un seul enseignant pourtant tous les enfants étaient à l'école et ont eu des résultats. Alors pourquoi pas ou il y a deux enseignants ? » (Président de l'A.P.E de Nzingui).

« (...) ce que je sais c'est que mon enfant est à l'école et ce qui se passe là-bas regarde les enseignants »75 (P1).

On se rend bien compte au vu de ce qui précède, que ce qui se passe à l'intérieur de l'institution scolaire n'inquiète nullement les chefs de familles. Cela nous emmène à déduire que nous sommes face à des parents dont le faible niveau d'instruction limite l'intérêt pour l'école parce qu'ils ne parviennent pas à conférer une véritable valeur au tour de cette institution.

2.3.2. Le désinvestissement de l'Etat

Le désinvestissement est perçu ici comme le manque d'intérêt de la part de l'Etat face à l'école en contexte rural. Celui-ci s'observe particulièrement part les réactions des responsables académiques (Ngounié sud), l'absence de traçabilité des résultats des examens de fin d'année (le Certificat d'Etude Primaire et le concours d'entrée en 6ème), structure vieillissantes, absence d'équipement d'enseignement scolaire, etc.

Ainsi, suite aux absences répéter et à la non présence au poste des enseignants observé à Nzingui, nous avons rencontré la responsable Académique du département de la Louétsi-Wano dans l'optique de comprendre l'organisation du suivi des enseignent et des pratiques pédagogiques.

La responsable académique du département de la Louétsi-Wano nous affirme au sujet des absences et la non présence au poste des enseignants de l'école de Mbinambi et Nzingui que : « (...) pour ce qui est de l'absence au poste du directeur de Mbinambi et de l'enseignant de Nzingui, nous ne sommes pas actuellement informé. Mais de manière générale à notre niveau, ce que nous faisons face à de telle situation c'est juste des blâmes,

75 Tso matass même, mèyebi ti muana mè gu lecol ali, mamaviog gona matal ndi balogchi

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des demandes d'explication et en cas de reprise, nous faisons des rapports à notre hiérarchie. Nous n'avons non plus de moyen roulant pour faire constamment la boucle de tous ces villages».Cependant, sur les pratiques pédagogues en tant qu'inspecteur leur pouvoir de control se présente d'avantage limité en ce que les écoles ou encore les enseignants ne disposent pas de manuel didactique au programme. « La faute n'est pas à nous ou aux enseignants, du moment qu'ils ne disposent pas de manuel que peuvent-ils faire ils sont obligé en réalité de faire les cours à l'ancienne. L'Etat n'équipe pas ses écoles et c'est pas aux agents non plus de le faire ».

De plus, en nous rendant à la Direction d'Académie Provinciale de la Ngounié pour avoir les rapports d'examens de fin d'année sur au moins quatre ans du centre d'examens de Nzingui, un seul rapport a été disponible (celui de l'année académique 2017-2018). Mais celui-ci ne contenait pas les données sur le taux de réussite ou d'échec, ou encore l'effectif des garçons présents dans le récapitulatif était supérieure à l'effectif des candidats présenté par ce centre d'examen. En définitive ce rapport ne permettait pas de lire la réalité des résultats.

Face à toute cette réalité, nous pouvons donc affirmer qu'il existe au Gabon une véritable faiblesse des politiques éducatives, qui se traduit par un écart entre l'école en milieu urbain et celle en milieu rural. En d'autre terme, il n'existe pas d'égalité de chance de réussite entre les élèves des milieux urbains et ceux des milieux ruraux. De plus, il serait donc quasi-impossible d'évalué de manière pertinente les performances des élèves qui évolue dans ce contexte scolaire où l'Etat n'accorde aucun intérêt.

En effet, la démocratisation scolaire au Gabon s'est certes traduite par une massification dans l'enseignement primaire, Mais, l'école reste non accessible à tous en fonction des contextes (des régions). L'inégalité scolaire (ou sociale face à l'école) au Gabon reste donc d'actualité dans la mesure où il existe encore dans certaines zones des déserts scolaires et dans d'autre des écoles fermées. De plus, cette inégalité se manifeste par la qualité du rythme scolaire en milieu rural, la non prise en compte de la langue vernaculaire, la précarité dans laquelle se font les cours et au nombre d'enseignant par établissement qui imposent aux élèves de fournir un grand effort pour y parvenir.

Ainsi, l'obligation scolaire au Gabon n'est « qu'un acquis international de l'universalisme des grandes lois scolaires des années 1880 de la IIIème république en France et complété par les conventions de 1989 des droits de l'enfant »76. Les fondements de l'école gabonaise reposent de ce fait sur des repères extérieurs, une école pensée hors du contexte gabonais qui ne tient pas compte des réalités culturelles voir même économique du pays. C'est ce qui fait dire à Gilbert NGUEMA ENDAMNE « on a plutôt assisté à une africanisation scolaire qui consiste encore de nos jours à offrir l'école à tous les enfants d'âge scolarisable sans se poser des questions simples : pourquoi offrir l'école ? Qui voulons nous former et pourquoi ? Quel objectif voulons nous atteindre et avec quels moyens ? »77. Ces différents aspects n'ont pas été vus par l'Etat gabonais dans la formulation de ses politiques éducatives et ont donc limité le Gabon à offrir à sa jeunesse en milieu rural, une éducation de base (lire, écrire et compter) sans réellement faire face aux défis de la démocratisation scolaire. C'est alors ce qui explique toutes les inégalités observable en fonction des contextes, de chaque niveau d'instruction, tel que le manque de structures d'accueils, d'outils pédagogiques, etc. Au-delà de la loi 21/2011 du 14 février 2012, nous pouvons dire que l'école gabonaise échoue dans sa mission de réduire les inégalités, car elle accentue d'avantage la ségrégation sociale.

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76 Mesmin-Noël Soumaho, (2010), « l'obligation scolaire au Gabon : une analyse sociologique des principes fondamentaux des textes officiels », revue Palabres de la fondation Raponda- Walker, n°4, PP.311-325.

77 Gilbert Nguema Endamne, (2011), L'Ecole pour échouer. Une école en danger. Crise du système

d'enseignement gabonais. Paris, Publibook.

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Conclusion de la deuxième partie

En somme, les élèves Babongo n'aspirent pas en réalité à ce qui est très élevé, mais plutôt à ce qui est nécessaire pour eux. Ils désirent simplement s'assurer un emploi qui leur permettrait de changer de statut social par rapport à celui de leurs parents. L'apprentissage ou encore la persévérance scolaire a une valeur sociale et épistémique.

Bien que l'expérience scolaire des parents limite l'aide parentale dans le suivi scolaire, une partie des enquêtés se motive à faire mieux et aspire à un meilleur avenir, ce qui leur permettrait de venir en aide aux familles. C'est dans ce cadre que l'école apparait ainsi pour ces derniers comme le moyen le plus sûr de réussite sociale.

Le sens que donnent ces derniers à l'école, se limite à une valeur sociale et cela s'explique par ailleurs par plusieurs facteurs tels que leur attitude contre l'école (n'accordent pas de véritable valeur à l'école) et l'incapacité des enquêtés à articuler la mobilisation sur l'école et la mobilisation à l'école.

Il est question ici d'un faible investissement dans le travail scolaire et dans le fait scolaire lui-même. Pour certains, le rapport aux études est un rapport professionnel : « on fait ce que nous demande le maitre », «respecter les règles de l'école », et non un rapport à la culture et au cognitif au savoir lui-même, qui implique que celui qui va à l'école attribue un véritable sens au fait d'apprendre des choses à l'école.

En outre, l'accès au métier ici est lié pour eux à la simple fréquentation de l'institution scolaire et à l'obéissance de ses règles en occultant le savoir lui-même.

C'est dans cette perspective que Bernard Charlot stipule que : «l'accès au métier est lié à l'acquisition des savoirs, au fait d'apprendre : c'est grâce au savoir acquit et non à la simple fréquentation qu'on peut avoir un bon métier »78.

Cette réalité nous conduit à déduire que la majeure partie des élèves Babongo ont un rapport aux études non seulement conflictuel mais cette relation aux études n'implique pas le rapport au savoir lui-même. En majorité, la fréquentation de l'institution scolaire s'explique par le désir d'apprendre à lire et à écrire pour solliciter un emploi quelconque. En

78Bernard Charlot, (1992) « rapport au savoir et rapport à l'école dans deux collèges de banlieue. » In société contemporaines, n°11-12.pp119-147

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d'autres termes, la volonté que manifestent ces derniers et leurs parents constitue l'élément fondamental qui justifie leur présence à l'école.

Notons que « l'un des principaux facteurs de la médiocrité du rendement de l'enseignement au primaire en milieu rural, c'est la précarité que constituent les conditions matérielles dans lesquelles cet enseignement s'effectue : manque ou indigence des locaux scolaires et des logements des mobiliers et fournitures scolaires ».

Ainsi, l'obsolescence manifeste de la loi n°21/2011 traduit immédiatement que les priorités de l'Etat sont toute autre que l'éducation et la formation au Gabon. En outre, le principe d'égalité qui exige un même traitement pour toute la jeunesse en âge scolaire n'est en réalité qu'une utopie ; en ce que l'on observe une véritable ségrégation entre les possibilités d'accès et de chance de réussite scolaire qui existent entre ceux qui apprennent en ville et ceux qui sont dans les villages. Les familles urbaines bénéficient de plusieurs possibilités par nombre d'établissements public ou privé ; or les familles rurales sont condamnées à envoyer leurs enfants à l'école à l'âge de six (6) ans, et dans des écoles où il manque le strict minimum pour un enseignement de qualité.

A cette difficulté d'accès à l'école et de qualité des structures se greffent l'obligation de ces élèves à l'apprentissage du français et aux difficultés liées au capital économique qui entraine de manière générale l'abandon, malgré toute leur bonne volonté qui se lit à travers leur persévérance scolaire.

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CONCLUSION GENERALE

L'étude du rapport aux savoirs chez les apprenants est une question sensible et qui nécessite beaucoup de rigueur pour parvenir à comprendre les différences de réussite, l'échec ; et dans notre cas, la persévérance chez les élèves issus d'une même appartenance sociale ou contexte géographique. Pour cerner le rapport aux savoirs des élèves, il est nécessaire de faire un retour sur leur histoire familiale et sociale. Mais que l'on s'intéresse aussi aux pratiques pédagogiques et au contexte scolaire qui participe à la construction de ce dernier. Car le rapport au savoir est un rapport au monde, à soi-même et aux autres.

Dans cette étude, qui a été réalisée en milieu rural Babongo, essentiellement avec les élèves issus du village Matagamatsengue, il est question de cerner le sens que ces derniers donnent au fait d'aller à l'école et d'y apprendre des choses, afin de comprendre pourquoi ils persévèrent au-delà du caractère irrégulier de leur étude. En effet, notre but était de montrer à partir de la théorie sociologique du sujet (la théorie du sujet), comment le rapport au savoir constitue un élément fondamental à la survie ou non de ces élèves en milieu scolaire.

En outre, pour mieux élaborer notre problématique, nous nous somme inscrit dans l'optique des investigations de Bernard CHARLOT.

En nous inspirant de la perspective élaborée par Bernard CHARLOT, nous avons émis deux hypothèses selon lesquelles :

- Les élèves issus de la communauté Babongo accordent véritablement un sens social aux études dans la mesure où ils développent une persévérance scolaire qui se construit autour d'un projet familial essentiellement centré autour d'une relative réussite sociale qui se traduit par un emploi rémunéré, qui permettra à l'enfant plus tard d'aider toute la famille.

- Le contexte scolaire en zone rural étant défavorable, les élèves Babongo du
village Matagamatsengue accordent un sens épistémique et identitaire restreint aux études, non pas dans la perspective de sortir de leur catégorie sociale, tout au plus pour apprendre à lire et à écrire afin de solliciter des tâches subalternes dans la division sociale du travail moderne.

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Le problème que pose notre objet d'étude étant non quantifiable (la persévérance scolaire), nous avons fait une pré-enquête de terrain afin de mieux constater notre phénomène avant de s'y engager dans l'investigation proprement dite. Par ailleurs, lors de notre investigation définitive, nous avons soumis à notre population cible, constituée prioritairement d'élèves Babongo du village Matagamatsengue et de leurs parents, un protocole d'enquête par entretien articulé autour de cinq (5) items. Et pour un complément d'informations nous avons aussi eu des entretiens avec le corps enseignant et la responsable pédagogique du département de la Louétsi-Wano. Le guide d'entretien et le récit de vie étaient construits de manière à ce qu'ils donnaient à voir le type de relation qu'entretient les familles Babongo en général et en particulier les élèves issus de ces familles avec l'institution et le savoir lui-même, afin de comprendre l'incidence de celle-ci sur le devenir de ces derniers en milieu scolaire. Le choix de cette population cible n'a donc pas été anodin car il découle de notre désir de savoir le sens et la valeur que les familles Babongo et leur progéniture attribuent au fait d'apprendre.

A la suite du traitement des données recueillies sur le terrain et de l'analyse qualitative, il ressort en définitive que nos hypothèses ont été confirmées.

Dès lors, les données révèlent que les élèves Babongo entretiennent des relations conflictuelles avec le fait d'apprendre, notamment sur le plans épistémique et identitaire, ce qui par la suite limite leur survie en milieu scolaire. Les relations qu'ils développent face à l'école ne favorisent pas la réussite scolaire. Certes le sens et la valeur qu'ils attribuent au fait d'aller à l'école leur permet de construire des projets et des vocations, mais ils ne parviennent pas à s'intégrer ; c'est pourquoi ces élèves, à la moindre occasion, sortent du système pour ne plus y revenir ou pour faire surface quelque temps plus tard. Ne parvenant pas à s'intégrer dans le milieu scolaire, cela va donc constituer un frein à la construction d'une identité d'élève car malgré la valeur sociale qu'ils donnent à l'école, celle-ci parait insuffisante pour qu'ils parviennent à faire face aux obstacles et aux implications qu'impose l'institution scolaire.

Tous les parents ont des niveaux d'instruction qui ne leur permettent pas de venir en aide de manière efficace aux enfants lorsqu'il est question d'exercices, d'explications et tout ce qui a un lien avec leur apprentissage.

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C'est donc pourquoi leurs stratégies d'encouragements se limitent de manière générale, à prodiguer des conseils.

En effet, les élèves voient en l'école la possibilité d'un lendemain meilleur, c'est-à-dire le moyen d'avoir un emploi et donc de répondre à la demande familiale qui devient un désir personnel d'apprendre dans le but d'aspirer à une meilleure position sociale et par là devenir un « blanc )) comme les enfants des autres communautés voisines. L'école apparait pour eux comme le moyen le plus sûr de « délivrance )) et de « sortie des conditions difficiles ))

L'importance de l'école se limite à la simple fréquentation et de prétendre ipso-facto à un métier quelconque, à une vie meilleure que celle de leurs parents et non au savoir lui-même (à ce qu'ils sont censés faire et y apprendre). L'école n'a en réalité chez la communauté Babongo qu'une valeur sociale, et c'est cette dernière qui explique en définitif leur persévérance scolaire, au-delà du fait qu'ils ont une fréquentation irrégulière et qu'ils soient pour la majorité en situation de retard scolaire.

A la suite de tout ce qui précède, vient se greffer la réalité d'une école précaire où le stricte minimum en terme d'équipement scolaires fait défaut et crée une démotivation chez les enseignants, dans la mesure où le rythme scolaire ne développe pas le goût de l'école. Nous sommes là donc face à un système éducatif qui ne favorise pas l'égal accès à l'éducation, mais plutôt l'inégalité des chances de réussite scolaire et ce malgré le fait que les élèves persévèrent. Ceux qui vivent en milieu rural ont donc plus de difficultés que ceux qui apprennent en ville : ils doivent d'abord, apprendre la langue que légitime l'école avant de si intégré de manière parraine. Afin de dépasser le seuil de métier d'élève auquel ils se limitent et de s'y impliquer dans le travail d'apprenant, des taches et d'exercice qui les conduira à une activité cognitive par laquelle le savoir s'émancipe.

En définitive, le non effort de contextualisation du système éducatif gabonais par la prise en compte des réalités locales et en particulier l'intégration de la langue vernaculaire ne cessera de condamner les élèves Babongo au simple fait d'apprendre à lire et écrire pour solliciter des corps de métier qui ne nécessite pas toujours des longues études. Mais participera à la conservation d'une école primaire qui divise et donc de ségrégation sociale.

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ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GENERAUX

CACOUAULT, M. et. OEUVRARD F, (1995), Sociologie de l'éducation, 4éme éd, Paris, La Découverte (coll. « Repères »).

NGUEMA ENDAMNE Gilbert, (2011), L'Ecole pour échouer. Une école en danger. Crise du système d'enseignement gabonais. Paris, Publibook.

QUENTIN DE MONGARYAS Romaric Franck, Charles-Philippe Assemble Ela et Eloge Bibalou (2017), Refonder l'Ecole gabonaise : enjeux et perspectives, 1ère Edition, Saint-Denis, Publibook, P203.

OUVRAGES SPÉCIALISÉS

BEILLEROT Jacky, (Dir.) (1996), Pour une clinique du rapport au savoir, Paris, L' Harmattan. Bautier. E, J-Y. Rochex. (1998), L'expérience scolaire des nouveaux lycéens, Démocratisation ou massification ? Paris, Armand Colin.

CHARLOT. B. Bautier, E. et ROCHEX, J-Y. (1992), Ecole et savoir dans les banlieues... et ailleurs, Paris, Armand Colin.

CHARLOT Bernard(1997), Du rapport au savoir, Elément pour une théorie, Paris, Anthropos CHARLOT Bernard, (1999), Le rapport au savoir en milieu populaire. Une recherche dans les lycées professionnels de banlieue. Paris : Edition Economica,

CHARLOT Bernard, (2002), Du rapport au savoir. Elément pour une théorie, Paris, Editions Economica.

DUBET François. (2007), L'expérience sociologique (Ed), Paris, La Découverte.

JOLLIF Noël(1992) Les pygmées de la grande forêt. Paris, L'harmattan

VIAU Rolland(1994), La motivation en contexte scolaire, Bruxelles, Paris, De Boeck et Lacier.

92

OUVRAGES METHODOLOGIQUES

PAUGAM Serge, (2010), L'enquête sociologique, Paris, PUF.

QUIVY Raymond et CAMPENHOUDT L.V, (2011).Manuel de recherche en science sociales, 4éme éd, Paris, Dunod,

ARTICLES DE REVUES SCIENTIFIQUES

ABEGA Séverin Cécile, (2006), « Marginaux ou marginalisés? Cas des pygmées BAKA », In ABEGA et alii, la marginalisation des pygmées de l'Afrique centrale, Saints-Geosmes, Afrédit, pp. 23-42.

CHARLOT Bernard, (1982), « Je serai ouvrier comme mon papa, alors à quoi ça me sert d'apprendre ?»Echec scolaire, Démarche pédagogique et rapport social au savoir, In GFEN, Quelles pratiques pour une autre école, Paris, Casterman. pp.207-216

CHARLOT Bernard, (1992) « Rapport au savoir et rapport à l'école dans deux collèges de banlieue. » In société contemporaines, n°11-12.Pp119-147

DUBET François, (1994), « Dimension et figures de l'expérience étudiante dans l'université de masse ». In ; Revue française de sociologie. 35-4. Monde étudiant et monde scolaire. p 511532

DURU-BELLAT Marie. (2003), « Les causes sociales des inégalités à l'école », comprendre, n°4, octobre. pp.53-15

GIROD Roger, (1984), « Inégalité des chances : quelques aspects de l'évolution des théories », Pouvoir, n° 30, pp.9-15

MERLE Pierre. (2004), « Mobilisation et découragement scolaires : l'expérience subjective des élèves », Education et Société, n°13, pp.193-208

QUENTIN DE MONGARYAS Romaric Franck, (2017). « Culture intellectuelle et scientifique dans l'enseignement supérieur gabonais : Analyse du rapport à la lecture des étudiants de sociologie (Licence 3 et Master 1) à Libreville », In REGALISh-Revue Gabonaise de Littératures et Sciences Humaines (Revue électronique), http://www.regalish.net, n°2, Décembre, pp. 517. Consulter le 17 mars 2017.

SOUMAHO MAVIOGA Orphée Martial et BEKALE Dany Daniel, (2007), « offre scolaire au Gabon et problématique de l'égalité des chances dans l'enseignement primaire », Romaric Franck Quentin de Mongaryas (dir) Refonder l'école gabonaise : Enjeux et perspectives, Saint-Denis, Publibook, pp 23-41

SOUMAHO Mesmin-Noël, (2010), « l'obligation scolaire au Gabon : une analyse sociologique des principes fondamentaux des textes officiels », revue Palabre de la fondation Raponda - Walker, n°4, p.311-325.

TRAVAUX UNIVERSITAIRES

AUGE Axel Eric, (1997), Evaluation du paradigme de la reproduction sociale en milieu universitaire au Gabon, pour une lecture de l'école reproductrice, mémoire de maitrise en sociologie, Libreville, FLSH, UOB, Septembre.

DEMBA Jean-Jacque, (2014), Etude exploratoire des cause du redoublement selon le point de vu d'élèves d'un lycée gabonais, programme de maîtrise en didactique, Université Laval. Mai

MATARI, Hermine. (1999), Trajectoire scolaire dans l'enseignement primaire et famille au Gabon. Pour une étude du rendement à partir de l'origine sociale des élèves. Mémoire de maitrise en sociologie, Libreville, FLSH, UOB, Octobre.

SOUMAHO Mesmin-Noël. (1987), Objectifs de l'enseignement primaire et contenu des manuels de lecture. Contribution à une étude sociologique du curriculum au Gabon, 2tomes, thèse de Doctorat 3e cycle en sciences de l'éducation. Paris : université René Descartes-Paris V,

DICTONAIRE

MIALARET Gaston, (1979), Vocabulaire de l'éducation. Education et Sciences de l'Education, Paris, PUF, P. 392.

TEXTE OFFICIEL

93

Banque Mondiale, Gabon :(2015) les objectifs du millénaire pour le développement,

94

WEBOGRAPHIES

DURKHEIM Emile. Les règles de la méthode sociologique. Dans le cadre de la collection : `'les classiques des sciences sociales». Site web : http://www. Uqac.uquebec.ca/zone30/classique des sciences sociales/index.html ; consulter le 3 décembre 2018.

KOULANINGA Abdel, l'éducation chez les pygmées de Centrafrique https://wwwlibrairie; consulter le 3 décembre 2018.

Persévérance scolaire : définition et situation à Montréal. https:/www. reseauréussitemontréal. Ca/ persévérance.../ persévérance.sc... siloelarochesuryon.fr/.../1189656-/-éducation-c... ; consulter le 3 décembre 2018.

FONDAFBIPINDI, (2011) Scolarisation des enfants pygmées Bagyeli au Cameroun. Solidarités. Info/scolarisation : https://parrainages.Org>enfants-cameroun; consulter le 18 mars 2019.

SOENGAS LOPEZ. B (2010) la subsistance des pygmées Bakoya à l'épreuve de l'agriculture : dynamique des savoirs ethnobotaniques et des pratiques (Département de la Zadié, Ogooué-Ivindo, Gabon) : http://halarchives ouvertes.fr/docs/00/48/02/70/PDF/manuscrit thèse Seoengas. PDF ; consulter le 18 mars 2019.

95

Table des matières

Dédicace

Remerciements

Liste des tableaux Sigles et abréviations

Introduction générale 1

PREMIERE PARTIE : PREALABLES EPISTEMOLOGIQUES DE LA RECHERCHE 4

Introduction de la première partie 5

Chapitre premier : Approche théorique de la recherche 6

Section 1 : Construction de l'objet et détermination du champ d'étude 6

1.1. Le rapport au savoir comme objet d'étude 6

1.2. La sociologie de l'école, la famille et du rapport au savoir comme champs scientifique 9

1.2.1. La persévérance scolaire comme problème posé par l'objet 10

1.2.2. Présentation des données de la pré-enquête 12

1.2.3. Les questions de départ de notre recherche 16

Section 2 : Elaboration de la problématique 17

2.1. La revue de la littérature 17

2.1.1. Dans la littérature sociologique 18

2.1.2. Que pensent les universitaires gabonais ? 21

2.2. La perspective sociologique de notre problématique 24

Chapitre II : Approche méthodologique de la recherche 26

Section 1 : Construction du modèle d'analyse 26

96

1.1 . Enonciation des hypothèses 26

1.2 . Définition et construction des concepts 27

1.2.1. Définition 27

1.2.2. Construction des concepts 29

Section 2 : Démarche méthodologique et champ empirique d'enquête 31

2.1. La démarche méthodologique 31

2.1.1.L'entretien et les récits de vie comme techniques de collecte des informations

(données) 31

2.1.2 L'analyse de contenu comme technique de traitement 32

2.2. Champ empirique d'enquête 33

2.2.1. Position géographique de l'univers d'enquête 33

2.2.2. Présentation de la population d'enquête 34

2.3. L'intérêt sociologique de l'étude 37

2.4. Les limites de l'étude 38

Conclusion de la première partie 40

DEUXIEME PARTIE : DE L'EXPERIENCE SCOLAIRE DES PARENTS D'ELEVES ET DU RAPPORT AU SAVOIR CHEZ LES ELEVES BABONGO A L'INADEQUATION ENTRE LA REALITE SCOLAIRE EN MILIEU RURAL ET LES MISSIONS FONDAMENTALE DES POLITIQUES EDUCATIVES AU

GABON 41

Introduction de la deuxième partie 42

Chapitre III : Expérience scolaire des chefs de familles 43

Section 1 : Représentation sociale de l'école et histoire scolaire des chefs de familles 43

1.1 .Représentation sociale de l'école 44

1.2 . Histoire scolaire des chefs de familles 45

97

Section 2 : Stratégies d'encouragement et perspectives professionnelles 48

2.1. Stratégies d'encouragement 48

2.2. Perspectives professionnelles 49

Chapitre IV : Rapport aux savoirs chez les élèves Babongo 50

Section 1 : Caractéristiques et Représentation de l'école chez les élèves 50

1.1 . Caractéristiques des élèves 50

1.2 . L'école comme lieu d'apprentissage 51

1.3.La relation aux études 54

1.3.1. L'intérêt pour l'école 58

1.3.2. Le rapport à la langue utilisée à l'école 59

1.4. Perspective professionnelles et modèles de réussite 64

1.4.1. Perspectives professionnelles 64

1.4.2. Modèle de réussite 65

Section 2 : Stratégies parentales d'encouragement selon les élèves et attitude des élèves en

situation de cours et en dehors 66

2.1. Stratégies parentale d'encouragement selon les l'élèves 66

2.1.1. Le suivi scolaire à la maison 67

2.1.2. L'incitation par des conseils 68

2.1.3. Les biens culturels 69

2.2. Les attitudes des élèves en situation de cours et en dehors 70

2.2.1. Attitudes des élèves en classe 70

2.2.2. Attitudes des élèves en dehors du contexte scolaire 71

98

Chapitre V : Limite des politiques éducatives en milieu rural 73

Section 1 : Les Pratiques pédagogiques, rythmes scolaires et inégal accès à l'éducation et la

formation 74

1.1 . Des pratiques pédagogiques et rythmes scolaire autonome 74

1.2 . Inégal accès à l'éducation et à la formation 78

1.2.1. L'absence d'établissement pré-primaire 78

1.2.2. L'occultation de la langue vernaculaire 79

Section 2 : L'école en milieu rural : « une école où l'on apprend pour abandonner

demain » 80

2.1. L'absence de motivation 80

2.2. Un rythme scolaire en dent de scie 81

2.3. La disqualification parentale et le désinvestissement de l'Etat 82

2.3.1. La disqualification parentale 85

2.3.2. Le désinvestissement de l'Etat 83

Conclusion de la deuxième partie 86

Conclusion générale 88

Eléments de la bibliographie 91

Table des matières 95

Annexes 99

ANNEXES

ANNEXE n°1 : Protocoles d'enquête : guide d'entretien et récit de vie

GUIDE D'ENTRETIEN PORTANT SUR LE RAPPORT AUX SAVOIRS CHEZ LES ENFANTS BABONGUE DU VILLAGE MATAGAMATSEGUE.

IDENTIFICATION :

Age :

Sexe :

Niveau d'études :

Profession de vos parents :

REPRESENTATION SOCIALE DE L'ECOLE :

Qu'est-ce que l'école pour vous ?

Pour quoi étudier vous ?

RAPPORT A L'ECOLE :

Allez-vous tous les jours à l'école ? Pourquoi ?

Qu'est-ce qui vous intéresse à l'école ?

Quelle langue parlez-vous à l'école ?

Quelle langue parlez-vous couramment à la maison ?

Avez-vous des difficultés pour vous exprimer couramment en français en classe ? Si oui

comment faite vous lorsque vous avez une idée à exprimer ? Combien de soeur avez-vous et combien sont-ils scolaire ?

PERSPECTIVES PROFESSIONNELLES :

Quel métier souhaitez-vous faire après vos études et pourquoi le choix de celui-ci ?

Avez-vous un modèle de réussite ? Si oui qui est-il pour vous et quelle est sa profession ?

STRATEGIES PARENTALES D'ENCOURAGEMENT :

Vos parents suivent vos études à la maison ? Comment font-ils pour vous aider ?

Les aînés font-ils le suivi scolaire des cadets ?

Les parents encouragent-ils les aînés à faire le suivi scolaire aux cadets ?

Quel discours utilisent-ils pour vous encourager à poursuivre vos études ?

RECIT DE VIE PORTANT SUR LE RAPPORT AUX SAVOIRS DES ENFANTS DU

VILLAGE MATAGAMATSEGUE. Identification:

Âge :

Sexe : f Q m Q Niveau d'étude

Profession :

Représentation sociale de l'école :

Que représente l'école pour vous ?

Pourquoi envoyez-vous vos enfants à l'école ?

Expérience personnelle:

Avez-vous été à l'école, à quel niveau vous vous êtes arrêté et pourquoi ?

Présentez-vous en ce temps des difficultés à vous exprimer en français en classe ?

Êtes-vous la première personne de votre famille à avoir été à l'école ?

STRATEGIES PARENTALES D'ENCOURAGEMENT :

Comment faites-vous pour mettre vos enfants à l'école ?

Dans quels types d'école inscrivez-vous vos enfants ?

PERSPECTIVES PROFESSIONNELLES :

Quel métier souhaitez-vous pour votre enfant quand il sera grand ? Pourquoi le choix de

celui-ci ?

Avez-vous un modèle de réussite ? Si oui, qui est-il pour vous et quelle est sa profession?

ANNEXE n°2 : Photographies

IMAGE DU VILLAGE MATAGAMATSENGUE

Photo n°1

Photo n°2

Photo n°3

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre 2018

IMAGES DE L'ECOLE ET DES ELEVES EN SITUATION DE COURS

Photo n°4

Photo n°5

Photo n°6

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre 2018

CLASSE DE 4EME/5EME ANNEE EN SITUATION DE COURS

Photo n°7

Photo n°8

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre 2018

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre 2018

CLASSE DE 1ERE ANNEE EN SITUATION DE COURS

(Des élèves qui font tout autre chose pendant que la maitresse explique un cours.)

Photo n°9

Photo n°10

Photo n°11

Photo n°12

IMAGES D'UNE CLASSE SANS ENSEIGNANT

(Classe de 2ème et 3ème année : Des élèves présents chaque jour à l'école pour être puni les longueurs de
journée. Une classe sans enseignant depuis le mois d'octobre)

Photo n°14

Photo n° 13

Photo n°15

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre 2018

IMAGES DU LOGEMENT DE LA MAITRESSE DE 1ERE ANNEE DE L'ECOLE DE NZINGUI

Photo n°16

Photo n°17

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre 2018

MANUELS SCOLAIRE DISPONIBLE

Photo n°18 l'unique manuel officiel utilisé en 1ère année

Photo n°19 cours sur l'apprentissage des expressions permettant de situer une chose ou une personne

Photo n°20 l'unique manuel dont dispose l'enseignant de 4ème/5ème année

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre 2018

Keywords: Relationship to knowledge, academic perseverance, epistemic / social sense, motivation.

Rapport au savoir chez les enfants BABONGO du village MATAGAMATSENGUE
Enquête sociologique en milieu rural au Gabon

Résumé du mémoire

Au Gabon, le contexte scolaire en zone rural est certes défavorable, mais aussi, la fréquentation scolaire des élèves du village Matagamatsengue revêt un caractère irrégulier et des trajectoires scolaires impactées par un retard. Par ailleurs, malgré un contexte scolaire hostile et le caractère irrégulier de leur fréquentation, on observe chez ces élèves une persévérance scolaire. Partant de ces considérations, la présente contribution s'interroge sur Comment les élèves du village Matagamatsengue se représentent-ils le fait d'aller à l'école ? Autrement dit, quel sens donnent-ils à la fréquentation scolaire ? Pourquoi les élèves du village Matagamatsengue persévèrent-ils dans leurs études malgré le caractère irrégulier de leur fréquentation scolaire ? Autrement dit, quelle pertinence sociologique peut-on accorder à la corrélation entre le rapport au savoir des élèves et la fréquentation scolaire ? Les deux hypothèses énoncées postulent que, les élèves issus de la communauté BABONGO accordent véritablement un sens social aux études dans la mesure où ils développent une persévérance scolaire qui se construit autour d'un projet familial. Le contexte scolaire en zone rural étant défavorable, les élèves BABONGO du village Matagamatsengue accordent un sens épistémique restreint aux études, non pas dans la perspective de sortir de leur catégorie sociale, tout au plus pour apprendre à lire et à écrire afin de solliciter des tâches subalternes dans la division sociale du travail. En s'appuyant sur la théorie du rapport au savoir, le propos expose les résultats d'une analyse de contenu d'entretiens recueilli auprès d'élèves BABONGO et les chefs de familles.

Mots-clés: Rapport au savoir, persévérance scolaire, sens épistémique/social, motivation.

Relationship to the knowledge of the BABONGO children of the village
MATAGAMATSENGUE

Sociological survey in rural Gabon

Summary

In Gabon, the school context in rural areas is certainly unfavorable, but also, the school attendance of the students of the village Matagamatsengue is irregular and school trajectories impacted by a delay. Moreover, despite a hostile school context and the irregular nature of their attendance, we observe in these students a perseverance school. On the basis of these considerations, this contribution questions the question: How do the students of the Matagamatsengue village think they are going to school? In other words, what meaning do they give to school attendance? Why do the students of Matagamatsengue village persevere in their studies despite the irregular nature of their school attendance? In other words, what sociological relevance can be given to the correlation between pupils' relation to knowledge and school attendance? The two stated hypotheses postulate that, students from the BABONGO community really give a social meaning to the studies as they develop a perseverance school which is built around a family project. As the rural school context is unfavorable, BABONGO students in Matagamatsengue village give a limited epistemic sense to studies, not in order to leave their social category, at most to learn to read and write in order to solicit tasks. Subordinate in the social division of labor. Based on the knowledge-to-knowledge theory, the talk presents the results of a content analysis of interviews collected from BABONGO students and heads of families.






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry