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Enjeux sociaux, économiques et écologiques de l'utilisation des foyers améliorés dans la ville de Ngaoundéré au Cameroun de 1990 à  2020.


par Moussa DELI
Université de Ngaoundéré - Master 2 2020
  

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CHAPITRE IV : DÉFIS DE L'ADOPTION DES FOYERS AMÉLIORÉS DANS LA VILLE DE NGAOUNDÉRÉ ET PERSPECTIVES

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Malgré les nombreux avantages de l'usage des foyers améliorés sur le plan environnemental et socioéconomique, le taux d'adoption et de l'utilisation des foyers améliorés dans le milieu urbain et rural au Cameroun en général et dans la ville de Ngaoundéré en particulier reste faible250(*). Les initiatives de vulgarisation des foyers améliorés auprès des populations du sahel qui ont été engagées depuis les années 90 n'ont pas permis sa large diffusion dans toutes les régions du Cameroun raison pour laquelle les résultats ont été très en deçà des attentes avec un taux d'adoption de 8,5%251(*). Les ménages continuent à utiliser les foyers traditionnels « trois pierres » pour leur besoins de cuisson252(*) et cela est motivé par plusieurs facteurs(le manque d'instruction, les tabous et les pratiques culinaires.) qui constituent des barrières de l'adoption des foyers améliorés par les ménages aussi bien ruraux qu'urbains au Cameroun en général et dans la ville de Ngaoundéré en particulier. Pour mieux cerner ce chapitre, il sera important pour nous de présenter dans un premier temps les facteurs qui freinent l'adoption des foyers améliorés par la population et en second donner quelques perspectives en faveur de l'usage généralisé dans la ville de Ngaoundéré.

I. FACTEURS LIMITANT L'ADOPTION DES FOYERS AMÉLIORÉS DANS LA VILLE DE NGAOUNDÉRÉ

Plusieurs raisons ont été évoquées par la majorité de la population enquêtée lors de notre descente sur le terrain pour expliquer le faible taux d'adoption des foyers améliorés par les ménages de la ville de Ngaoundéré.

I.1. Facteurs d'ordre culturel

La culture élément qui touche tous les domaines de la vie humaine En effet, il existe une pluralité de culture en Afrique en général et au Cameroun en particulier à l'instar de la diversité linguistique, la diversité religieuse, la diversité des us et coutumes et la diversité artistique dans laquelle se trouve l'art culinaire. Ainsi, les habitudes et les préférences culinaires des populations viennent influencer l'utilisation des foyers améliorés au Cameroun en général et de la ville de Ngaoundéré en particulier.

I.1.1. Habitudes et préférences culinaires

Au Cameroun tout comme en Afrique, les pratiques culinaires et alimentaires ont une histoire253(*). En effet, loin d'être figée par la coutume ou les habitudes du foyer, le choix des produits, les recettes, les tours de main, les savoirs et les savoir-faire de la cuisinière connaissent des évolutions lentes ou accélérées. Ce sont parfois les produits qui se substituent les uns aux autres, les noms qui gardent trace des pratiques abandonnées, des métissages culinaires qui s'opèrent, des techniques ou des recettes qui circulent d'une région à une autre, des préparations dont la signification sociale se transforme, des patrimoines qui s'élaborent en fonction d'enjeux nouveaux254(*).

La cuisine est la partie intégrante de la culture d'un peuple255(*). En effet, la maitrise du feu par Homo erectus il y a environ 400.000 ans a permis à des nombreux aliments toxiques ou indigestes à l'état cru de devenir de combustibles256(*) augmentant ainsi la palette des saveurs tout en inventant la cuisine et à partir de là, l'être humain peut rôtir, cuire à l'étouffée ou bouillir les aliments, les assaisonner avec les herbes aromatiques. À partir du Néolithique, le chasseur-cueilleur peut devenir éleveur ou cultivateur. À partir de la culture des céréales, le cuisinier peut créer une cuisine plus élaborée qui permet la confection de galettes, bouillir, soupes, pain, bière257(*). Par ailleurs, la cuisine est le ventre, la source d'énergie de la maison.

Une cuisine fonctionne comme une centrale thermique qui transforme des ressources naturelles en une énergie indispensable à la vie. Le foyer, cette source principale d'alimentation en énergie dans chaque ménage, produit de la chaleur pour préparer la nourriture. De ce fait, il a besoin d'être alimenté en énergie sous forme de combustible et de travail des femmes. La cuisine est porteuse, plus que toutes les autres pièces, d'un contenu émotionnel : non seulement les normes culturelles et les tabous déterminent souvent la forme du foyer ou le choix de la nourriture mais détermine aussi le travail dans la cuisine elle-même. Chez certaines ethnies, les femmes sont interdites de cuisiner pendant la menstruation ; chez d'autres, les hommes n'ont pas d'accès à la cuisine. Dans certaines cultures le foyer est sacré  et d'autres le cachent dans un coin sombre258(*). Pour chaque peuple, dans chaque zone climatique et géographique, il existe des types des foyers, des cuisines, des habitudes culinaires et alimentaires différentes mais ce sont toujours les femmes (les gardiennes de feu) qui s'y activent259(*). Les femmes ont cependant de tout temps appliqué une technique élémentaire pour réduire la consommation de bois de chauffe par la technique de ralentissement de la combustion en s'abritant du vent derrière un mur ou en utilisant un morceau de poterie (ou de tôle) pour masquer les espaces entre les trois pierres260(*).

Cependant, on peut aussi rapidement réduire l'allure du feu en retirant le bois de chauffe. Le foyer « trois pierres »est largement utilisé et apprécié par certaines femmes en zone rurale à Ngaoundéré en raison de certains avantages (utilisation de grosses marmites, son utilisation simple et pratique)261(*). Conforme aux habitudes de travail des femmes, le foyer traditionnel « trois pierres » n'exige que quelques grosses pierres faciles à se procurer dans la nature sans aucun investissement préalable262(*) ; de surcroit, l'entretien et l'usage du foyer sont simple et pratique263(*). Il permet le travail à ras du sol, en position assise sur les escabeaux de fabrication locale ; en général les femmes rurales n'aimeraient pas cuisiner debout264(*). Ceci se justifie probablement du fait qu'il faut une position très stable pour préparer la pâte de mil nécessitant un effort important265(*). En effet, la disposition triangulaire du bois de chauffe donne une combustion et de temps de cuisson satisfaisant de l'avis des utilisatrices. Grâce à des pierres plates intercalées entre les trois grosses pierres et l'ustensile, ces femmes peuvent poser des canaris en terre cuite ou en aluminium de différentes formes et dimensions266(*).

Aussi, les ustensiles sont en général constitués des marmites d'aluminium coulées par les artisans locaux et des casseroles. La dimension moyenne du ménage étant de 5 à 6 personnes environs et plusieurs ménages menant une vie communautaire dans une même concession ,les quantités de nourriture préparées sont en général destinées à 7 ou 10 personnes comme le veut la tradition d'hospitalité en imposant d'ajouter la part de l'étranger qu'il faut être prêt à l'accueillir et à restaurer à tout moment267(*).

Dans la tradition Africaine en général et de la ville de Ngaoundéré en particulier, il existe un très grand respect pour la nourriture qui ne doit jamais être jetée ni piétinée. La cuisine se fait généralement en plein air ou dans un coin de la case d'habitation. En milieu urbain, un hangar ou une case peut être spécialement aménagés en guise de cuisine, la préparation de repas est une affaire des femmes à Ngaoundéré qui font généralement deux repas par jour dont le premier(plus léger) est pris en début de la matinée et est constituée le plus souvent des restes de la veille ,de bouillie ou de tubercules et le second pris en fin d'après-midi(repas important) constitué de boule et de sauce268(*). Cette sauce comprend toujours du sel et du piment des feuilles ou du gombo souvent des légumes, assez souvent de la viande (boeuf ou gibier), généralement de la pâte d'arachide, de l'huile d'arachide, du beurre ou diverses graines (concombre, gouboudo, foléré)269(*).

Chaque femme a sa cuisine personnelle donc son foyer(en plein air, dans la case commune ou dans une petite case spéciale et ses instruments pour remuer la pâte lorsque la boule est en train de cuire, pilon, mortier, tamis)270(*). Dans les ménages polygames, chaque femme ne fait pas tous les jours la cuisine ; au moment de repas des groupes se constituent et nous pouvons distinguer des groupes des femmes et d'enfants d'une part généralement dans un « saré », groupe des hommes de plusieurs « sarés » d'autre part271(*). Les hommes et les adolescents de chaque « saré » emportent leur part et rejoignent leurs parents ou leurs amis272(*). Cette habitude venue des foulbés initiée par les autochtones fait partie des traditions, d'hospitalité des populations islamisées273(*). Ainsi, le plat de base de la population de la ville de Ngaoundéré est le couscous (boule), pate réalisée à base de la farine de mil, de maïs ; elle est accompagnée de sauce à la viande ou au poisson, auxquels sont ajoutés des légumes comme le gombo, les épinards274(*). Ce type de préparation est la même que celui qu'on rencontre dans la région du Nord et de l'Extrême-Nord et même dans les pays sahéliens de la sous-région (Tchad, Nigeria, Niger, Mali)275(*). Les marmites sont en aluminium, des formes sphériques numérotées en fonction de leur taille276(*). Une famille dispose en général de plusieurs types de marmites277(*). Certaines ne permettant pas l'usage des foyers améliorés.

Figure 4 : Avantages liés à l'utilisation des foyers traditionnels par les ménages à Ngaoundéré

Source : Deli Moussa

La raison de la préférence d'un foyer traditionnel par certains ménages dans la ville de Ngaoundéré est surtout d'utiliser plus des grands plats (52% des utilisateurs du foyer traditionnel le disent). La satisfaction de leur foyer traditionnel réside aussi dans leur plus grande longévité qui est (33%), suivi par leur aspect de cuisson rapide et facile à (15%).

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de dire que les habitudes et les pratiques culinaires ne permettent pas l'usage des foyers améliorés. Aussi, nous avons la résistance au changement de comportement qui freine l'utilisation des foyers améliorés dans la ville de Ngaoundéré.

* 250 Njomaha et al. 2009, « Facteurs d'adoption des foyers améliorés en Zone Soudano-Sahélienne d'Afrique Centrale », atelier « Evaluation des innovations dans les territoires et systèmes agro-pastoraux d'Afrique de l'Ouest », Ouagadougou, p.37.

* 251 Ibid.

* 252 Njomgang, 2002, p.14.

* 253 M. Chastanet, F.X. Fauvelle et D .Juhé-Beaulaton, 2002,  cuisine et société en Afrique, Histoire, saveurs, savoir-faire, Karthala,p. 219.

* 254 Ibid.

* 255 B. Westhoff, et D .Germann ,1995, p.25.

* 256 Ibid.

* 257 www.oldcook.com.histoire-cuisine consulté le 02 Octobre 2020.

* 258 Entretien avec Boukar, Ngaoundéré, le 09 Octobre 2020.

* 259 Entretien avec Boukar, Ngaoundéré, le 09 Octobre 2020.

* 260 C. Solfalne, 2007, « Diagnostic de la situation de diffusion des foyers améliorés dans les villes de Yagoua, Kaelé et Mokolo à l'Extrême-Nord Cameroun », Rapport de consultation dans le cadre du projet de vulgarisation de foyers améliorés dans la province du Nord et de l'Extrême-Nord du Cameroun, p.41.

* 261 Entretien avec Marie, Ngaoundéré, le 20 Septembre 2020.

* 262 Entretien avec Marie, Ngaoundéré, le 20 Septembre 2020.

* 263 Entretien avec Marie, Ngaoundéré, le 20 Septembre 2020.

* 264 Entretien avec Rosaline, Ngaoundéré, le 20 Septembre 2020.

* 265 Entretien avec Rosaline, Ngaoundéré, le 20 Septembre 2020.

* 266 Entretien avec Rosaline, Ngaoundéré, le 20 Septembre 2020.

* 267 Horizon.documentation.ird.fr consulté le 20 Octobre 2020.

* 268 Entretien avec Mama Thérèse, Ngaoundéré, le 15 Octobre 2020.

* 269 Entretien avec Mama Thérèse, Ngaoundéré, le 15 Octobre 2020.

* 270 Entretien avec Mama Thérèse, Ngaoundéré, le 15 Octobre 2020.

* 271 Entretien avec Haida, Ngaoundéré, le 15 Octobre 2020.

* 272 Entretien avec Haida, Ngaoundéré, le 15 Octobre 2020.

* 273 Entretien avec Haida, Ngaoundéré, le 15 Octobre 2020.

* 274 Entretien avec Haida, Ngaoundéré, le 15 Octobre 2020.

* 275 C.Sofalne, 2007, p.32.

* 276 Entretien avec Fadimatou Damdam, Ngaoundéré, le 16 Octobre 2020.

* 277 Entretien avec Fadimatou Damdam, Ngaoundéré, le 16 Octobre 2020.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera