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Approche pour une valorisation culturelle du patrimoine audiovisuel au Bénin: les archives audiovisuelles des chaà®nes nationales publiques

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par Godefroy Macaire CHABI
Université Senghor d'Alexandrie en Egypte - DEA 2005
  

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CHAPITRE III LA MAUVAISE CONSERVATION DES ARCHIVES DE RADIO ET DE TELEVISION : FACTEURS EXPLICATIFS ET CONSEQUENCES

Le patrimoine audiovisuel est mal conservé au Bénin. Une situation qui fait craindre des risques de disparition de la mémoire du peuple. Plusieurs facteurs se mettent ensemble pour expliquer ce tableau peu reluisant.

I- Présentation des facteurs

La conjonction de plusieurs facteurs explique l'état des archives audiovisuelles au Bénin. Ces facteurs les uns aussi marquants que les autres ont jusque là constitué un blocage à l'épanouissement du patrimoine audiovisuel.

1- Les facteurs historiques

Dans la plupart des pays africains le patrimoine documentaire dans son ensemble a connu le chemin du péril parce que pendant longtemps soumis à divers ennemis : dispersion, spoliation, déplacements volontaires ou délibérés de fonds et de collections, exactions à l'occasion de guerre ou de circonstances historiques, obstacles politiques. Au Bénin, tout ceci n'est pas vérifiable. Si les archives des premières années de radio au Bénin ne sont plus identifiables sur place, c'est notamment parce que ces archives allaient enrichir les fonds coloniaux au niveau de la métropole. Après des campagnes de retour menées par des africains, beaucoup de pays ont pu retrouver leurs archives qui ont tôt fait de disparaître en raison de négligences de conservation. Il faudra aussi mentionner que du fait que l'histoire de ces documents correspondait au début de la radiodiffusion au Bénin, aucun véritable travail de radiodiffusion ne se faisait pas. Mieux, les opérations de déménagements des installations de la radio de son local originel vers l'Ancienne Maison ont occasionné des pertes énormes. Nombre de documents ont disparu dans ces conditions15.

Si des contraintes économiques ont expliqué très souvent la réutilisation ou la destruction des supports, il ne faudra pas perdre de vue les mobiles politiques qui sous-tendaient les opérations de

15 La Radio a commencé dans un petit local des postes en 1953. Par la suite elle a déménagé en 1957 pour s'installer dans un nouveau local appelé aujourd'hui l'Ancienne Maison. Cette appellation arrive en comparaison à la Nouvelle Maison de la Radio de construction récente d'où émet actuellement la Radio

destruction de bandes. Ainsi il est rapporté que des documents qui gênaient les régimes furent détruits sans autres formes de procès. Mais sur cette question, aucune espèce d'unanimité n'est pour l'heure établie.

2-Les conditions naturelles

Au Bénin, nombre de documents audiovisuels ont disparu sous l'effet de plusieurs facteurs naturels. Au nombre de ceux-ci les conditions climatiques semblent porter la plus lourde responsabilité. Le Bénin en effet étant situé en zone intertropicale est influencée par le climat qui lui est rattaché. Cela dégage un surplus de chaleur et d'humidité qui produit des effets nocifs sur la vie des matériels audiovisuels.

A défaut de disposer de conditions naturelles favorables, le conditionnement par la climatisation est un succédané dans toutes activités de conservation du patrimoine mobile. Mais au Bénin, la problématique des moyens a engendré un délaissement des archives dans la chaleur. Les supports à défaut de bénéficier des conditions de température et d'hygrométrie favorables sont abandonnés dans des boîtiers en métal qui chauffent dans des locaux non climatisés.

3- La nature des supports

Certains supports, notamment ceux radiophoniques ne garantissent pas une longue conservation. Des bandes fines résistent très peu aux intempéries. Elles ne présentent pas une longévité souhaitée. La bonne conservation des documents audiovisuels tient largement compte de la nature des supports.

4- Un stockage éparpillé et désinvolte

L'état de stockage du patrimoine audiovisuel à l'ORTB révèle un gros malaise. Il est à mentionner la diversification des lieux de stockage des supports. Trois endroits se partagent sans aucune coordination les archives audiovisuelles publiques de l'ORTB : l'ancienne maison de la radio, la nouvelle maison de la radio puis la télévision nationale. Il existe à côté de cela les archives de Radio Parakou qui est le sous embryon régional de la chaîne publique radiophonique nationale. Mais notre étude ne la prend pas en compte. Toutefois, il faut souligner le caractère identique, sinon pire, de l'archivage à celui qui s'observe à Cotonou. La fragilité des supports audiovisuels n'a pas induit à leur égard une attitude conforme et de nature à les préserver. Un document audiovisuel n'a longue vie que si les conditions de son stockage sont réunies. Au Bénin, les éléments de stockage sont inadéquats. Si les matériels audiovisuels stockés à l'ancienne maison de la radio bénéficient d'une organisation qui a besoin d'être relevée par des conditions normales de température et d'hygrométrie, les autres documents se trouvant à la Nouvelle Maison de la radio et les autres supports télévision sont en piteux état pour la grande majorité d'entre eux. Cela peut entraîner que certains documents des débats de l'historique Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation de février 1990 ne soient plus disponibles à l'ORTB sans que l'on sache ce qui explique cette « catastrophe »16.

En général, les bandes pour ce qui concerne la radio parce que ne bénéficiant d'aucun suivi sont très souvent empilées par terre, sans boîtiers de rangement, sans aucune identification préalable. Une situation qui ne favorise guère la reconnaissance du contenu du matériel et pose d'ores et déjà un véritable problème réel de conservation. Les archives de la Nation sont par terre, à moitié déroulées dans la poussière et la chaleur. La rareté des bandes vierges amène les professionnels à puiser en cas de besoin dans cet amas confus de bandes. Du coup, les originaux sont parfois effacés pour une réutilisation du support. Aucun système de consignation des prêts n'existe. D'où l'imbroglio généralisé dans les sorties et les entrées des matériels. Un matériel prêté ne revient que si la partie emprunteuse fait diligence. Autrement, aucune imposition ne lui est faite formellement.

Du côté des supports télé, il n'est nullement question d'amélioration. La mémoire disparaît là aussi à une vitesse effroyable. En dehors de quelques documents récents qui bénéficient encore d'une attention primaire, les plus anciens subissent le coup d'une gestion dévergondée. Contraintes à la cohabitation avec les bus de reportage de la télévision, les archives ont les garages comme magasins de leurs stockages. Ce qui les expose à des moisissures et à des décompositions chimiques, c'est-à-dire au « syndrome de vinaigre »17. Si les précieux documents de la conférence nationale ont presque disparu au niveau de la radio, il en est de même au niveau de la télévision. Même s'il est possible d'en retrouver des traces, c'est souvent à travers des émissions consacrées à l'événement, dans les premières années qui l'ont suivi.

Une analyse restrictive peut conduire à affirmer que le fait que l'on n'ait pas retrouvé ces documents et plusieurs autres ne signifie pas forcément qu'ils aient disparu. Mais le manque de soin et l'absence de catalogage et d'identification au moment de l'entrée du matériel peuvent en être les facteurs

16 La Conférence Nationale des Forces vives de la Nation de Février 1990 a eu un écho retentissant aussi bien en Afrique que dans le reste du monde. Cela a réussi à donner au Bénin un éclat sur la scène internationale. Face à une telle réalité, il est presque inadmissible de constater que les archives de cet événement ne fassent pas l'objet d'une meilleure conservation. Ceci peut s'assimiler à une catastrophe, car c'est toute une mémoire nationale qui disparaît. 17 Décomposition chimique des supports bandes magnétiques et qui a pour résultat de produire une odeur qui s'assimile à du vinaigre

explicatifs.

Il y a une autre forme de stockage du matériel née de la jalousie des producteurs face à leurs productions. Ce qui rend les journalistes propriétaires directs de leurs réalisations. Quoiqu'on puisse en dire, il s'agit d'une forme qui vient pallier un manque en matière de conservation structurée. C'est ainsi que les casiers et placards des journalistes deviennent des « magasins de stockage » dans l'ignorance totale des conditions de conservation. Des productions et émissions à valeur patrimoniale (culture, interviews inédites d'hommes politiques, émissions d'ordre artistique etc) au lieu d'échouer dans un magasin pour une exploitation générale vivotent, comme c'est souvent la règle, dans les débarras des rédactions et bureaux.

Photo 1 : Des boîtes de bandes magnétiques audio stockées à l'ancienne maison de la radio

Photo2 : Les conditions de stockage de bandes audio à l'ancienne Maison de la radio

Photo3 : Les bureaux servent de lieux de stockage de supports télévisuels à défaut d'espace

Photo 4 : Des rayons de bandes visuelles à la vidéothèque de la télévision nationale du Bénin : un mélange des différents types de supports

5- L'inexistence d'une culture de conservation

La conservation n'est pas encore une préoccupation passionnante au Bénin. Seule la prétention constitue l'élément moteur qui pousse des professionnels à s'y intéresser. Conscients que les archives audiovisuelles appartiennent au patrimoine culturel d'un peuple et représente incontestablement la mémoire, ils mènent compte tenu de leurs sensibilités des actions isolées pour sauver le patrimoine audiovisuel. A côté de cela, rien n'est entrepris de façon soutenue. A l'origine de toute action, règne une ambition. L'absence d'ambition et le manque de culture d'archivage expliquent une telle indifférence vis-àvis des documents audiovisuels de la Nation. Faire de l'archivage en général au Bénin relève encore de « vieilleries ». Une telle conception bloque résolument la mise en oeuvre d'initiatives ambitieuses susceptibles d'induire l'épanouissement du secteur de la conservation des archives audiovisuelles.

6-Des archives non documentées

Pour beaucoup d'émissions et de matériels rattachés, il n'existe plus les notices documentaires. La question des fiches est une véritable problématique dans la réflexion autour de l'archivage au Bénin. Beaucoup de documents n'ont plus la chance d'être identifiés physiquement en l'absence de fiches et d'identifications claires. Dans ces conditions, on recourt tout simplement à leur audition pour accéder aux contenus. La conséquence immédiate est la lenteur observée dans leur exploitation. Car si les informations documentaires étaient existantes, elles permettraient un gain formidable de temps et donneraient incontestablement une identité claire à ces documents.

Photo 5 : Etat délabré de conservation des fiches d'émissions

Photo 6 : Archivage désinvolte des fiches documentaires manuelles à l'ancienne Maison de la radio

7- Le manque de professionnalisme et de formation

Pendant longtemps, le volontariat, la passion et l'engagement personnel ont été à la source de la gestion du secteur de l'archivage audiovisuel. Peu de gens sont formés à l'archivistique audiovisuelle. Les rares personnes qui s'y connaissent ne bénéficient pas du recyclage approprié. Les conséquences sur le secteur d'archivage n'ont pas alors tardé et expliquent qu'aujourd'hui le patrimoine audiovisuel végète dans une situation de désespoir incommensurable.

8- L'absence d'une politique nationale en matière de conservation du patrimoine audiovisuel

A l'échelle d'un pays toute action est dictée et soutenue par l'instauration d'une politique publique qui fixe les pratiques et garantit la pérennité des actions. Nous savons ainsi qu'il y a une politique publique en matière d'information, de gestion de l'environnement, des finances publiques, du tourisme etc. La mise en oeuvre d'une ligne directrice donne le fil d'Ariane et permet d'engager en constance des efforts. En matière d'archivage audiovisuel, on a assisté jusque là au Bénin à l'inexistence d'une politique. Il aurait fallu cela pour permettre de sauver plusieurs heures d'archives audiovisuelles. La torpeur enregistrée n'a pas arrangé la situation. A ce jour, le Bénin éprouve du mal à rattraper ses retards et assiste encore avec indolence à la disparition et la dégradation des documents de son passé.

9- La diffusion, premier souci, la conservation en simultané, dernière préoccupation

Dans la plupart des pays, les médias ont une forte propension à la diffusion. Mais la nuance réside dans le fait que beaucoup prévoient un système d'archivage d'actualité qui appuie les productions quotidiennes, comme c'est le cas de Radio Finlande et de Radio France Internationale. Au Bénin, les contraintes évidentes de moyens limitent encore ce type d'archivage. Les émissions diffusées ont tôt fait de passer dans l'oubli total. Rien ou presque n'est entrepris pour immortaliser les journées d'émissions. Il n'existe pas encore des enregistrements simultanés (enregistrement d'une journée entière de programme), parce que coûteux. En définitive, au Bénin, les médias n'ont pas encore acquis la culture et la mentalité de la conservation en simultané.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo