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Le droit à  la justice au cameroun (à  l'origine de l'accélération de la modernisation du code pénal camerounais)

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par Amadou Mbeyap Kutnjem
Chaire Unesco des Droits de la personne et de la démocratie,Université d'ABOMEY-CALAVI - DEA Droits de la personne et de la démocratie 2005
  

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B- « L'endeuillement permanent » de la justice et sa complexité.

La justice camerounaise, comme la plupart des justices en Afrique137(*), est endeuillée par l'accoutrement de ses animateurs. Ce mythe de la toge noire (1) s'ajoute à un langage hermétique (2) bien assis.

1- Le mythe de la toge noire.

Contrairement aux membres de la Cour suprême, vêtus de leurs toges ronges aux couleurs rouges et coiffées de perruques blanches, les magistrats des juridictions inférieures et les avocats se vêtissent des toges noires. Si l'accoutrement des premiers ne suscite généralement pas beaucoup de commentaire, peut être parce qu'ils sont éloignés et peu fréquentés par les justiciables, celui des magistrats et des avocats inspire un certain sentiment de peur ou de crainte à l'égard du juge et de tout ce qui représente l'administration138(*).

Le juge et l'avocat drapés dans leurs toges, rappellent le mauvais souvenir de l'administration coloniale. Georges Ripert a pu qualifier cette toge de « costume maintenu dans sa forme antique »139(*).

En plus, l'accoutrement fait penser aux cérémonies d'enterrement. Un justiciable camerounais révélait lors de nos enquêtes que la tenue des « hommes de loi » lui rappelle, les funérailles bamilékés célébrées chaque week-end140(*). La situation du justiciable se complique davantage par le langage hermétique.

2- Un langage hermétique indélébile.

Comme la plupart des pays dans le monde, La justice camerounaise est stigmatisée à cause du langage hermétique dont elle se sert. C'est un langage réservé aux seuls initiés du droit. Un langage que Georges Ripert a qualifié « d'archaïque »141(*). Il contribue à isoler davantage une grande frange de la population villageoise déjà en majorité analphabète. M Pierre COUVRAT142(*) n'est pas du tout d'accord avec la position de George Ripert ; il pense que « les juristes ont leur langage, difficilement intelligible, mais qui correspond à une exigence de précision et qu'il n'est pas possible de banaliser ce langage. Une simplification poussée aboutirait nécessairement à des imprécisions et à des erreurs »143(*)

Le justiciable est-il donc condamné à rester à l'écart de la justice ? Pour pallier cette difficulté des interprètes ont été mis à la disposition des justiciables dans les tribunaux. Mais le problème est que ces interprètes n'entrent en fonction que lors du procès. Comment le justiciable s'y prendra-t-il pour y arriver ? Et même lorsqu'il réussi à y arriver, la transmission d'information légale est toujours problématique. Le message est parfois déformé, et l'interprète ne trouve pas toujours des mots justes pour traduire144(*).

Des efforts doivent être faits dans le sens de l'amélioration de l'accès à la justice par l'explication correcte des démarches à entreprendre et la simplification du langage judiciaire. On verra dès lors si la renonciation à la justice relève du seul fait des facteurs sociologiques.

B - Les facteurs sociologiques

Le manque de confiance vis-à-vis de la justice moderne (1) entraîne le refus de recourir aux juridictions d'Etat (2).

1 - Le manque de confiance

Par préjugé, à tort ou à raison, les justiciables s'avouent souvent vaincus lorsqu'ils pensent qu'ils auront affaire à la justice. Plusieurs raisons sont avancées. D'abord l'ignorance du droit due à l'absence de publication .Pour Filiga Michel SAWADOGO « la grande majorité des justiciables ne peut pas recourir à la justice étatique en raison de leur méconnaissance du droit étatique, qui ne semble pas répondre à leur attente»145(*). Cependant l'absence de publication ne justifie pas tout. Il existe au moins dans le système juridique camerounais, des lois publiées que les justiciables n'arrivent ni à lire ni à comprendre. Ils se posent un problème d'alphabétisme. Le Cameroun est composé d'une population en grande majorité analphabète. Pourtant, les langues de travail sont le français et l'anglais..

Une autre raison avancée et non des moindres est la corruption qui gangrène les milieux judiciaires. Le Professeur KAMTO relève à ce sujet « qu'on comprend alors le désenchantement et la désaffection des justiciables encore enracinés dans la culture traditionnelle, ou peu fortunés, devant cette justice négociable et monnayable, qui accrédite si souvent cette maxime du fabuliste français, selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de la Cour vous rendront blanc ou noir . Les justiciables se résolvent donc à se faire justice car vis à vis de la justice étatique le doute s'est installé dans l'esprit des justiciables »146(*) Ceux-ci préfèrent ne plus recourir à la justice  moderne. 

* 137 YONABA Salif, Indépendance de la justice et droit de l'homme `' ; Le cas du Burkina - Faso ; Pioom Leiden, 1997, p111.

* 138 YONABA salif, op , cit p111

* 139 RIPERT Georges, `' les forces créatrices du droit, LGJD, Paris, 2e édition, 1955, p.11.

* 140 Les bamilékés sont une tribu de l'Ouest - Cameroun qui célèbre les funérailles chaque week-end. Durant ce temps tout le monde est drapé dans une tenue noire. La somme de plusieurs tenues donne une vue cynique.

* 141RIPERT Georges , op. cit. ; p 11

* 142 COUVRAT Pierre, op. cit., p. 262.

* 143GRIFFITHS (J), `' une le législation efficace, une approche comparative `', la création du droit, in DARBON Dominique et DUBOIS de GAUDUSSION jean, (S la Direction de), op. Cit., pp.41 - 72.

* 144 Par exemple lorsqu'on demande voulez-vous vous constituer partie civile ? Le justiciable pense qu'on lui demande quelle somme d'argent il veut.Il répond donc au juge que ce n'est que lui seul qui est capable de savoir ce qui est bon pour lui.

* 145SAWADOGO Filiga Michel. L'accès à la justice francophone : problèmes et perspectives. Le cas du Burkina Faso `', in l'effectivité des droit fondamentaux dans l'espace francophone, op. cit. , pp 295 - 313.

* 146 KAMTO Maurice, une justice entre tradition et modernisme en A frique subsaharienne contemporaine,la justice en Afrique, in DARBON Dominique et du BOIS de GAUDUSSON Jean, op. Cit. , p.63..

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