C. Similitudes dans les politiques de
Bretton Woods et des USA vis-à-vis du Cameroun.
1- Examen sommaire des
pratiques des institutions de Bretton Woods.
A la genèse des relations entre les institutions de
Bretton Woods et le Cameroun, se trouve l'inadéquation du système
économique de ce dernier avec les objectifs des dites institutions.
L'économie camerounaise de l'époque est engluée dans des
pesanteurs, des comportements patrimoniaux, la dette et la centralisation
étatique. Or les objectifs des IFI sont clairs :
Libéralisation, privatisation et austérité. Dès
1986, le Cameroun est donc mis sous ajustement structurel. C'est-à-dire
de manière caricaturale que les institutions monétaires
internationales se penchent sur le Cameroun afin de l'accompagner sur le chemin
de la modernité économique, par l'imposition des
conditionnalités. En effet, le Cameroun classé le 13e
pays le plus endetté d'Afrique en 1998 avec 9229 Millions de dollars US.
de dette ,113 pour cent du PNB soit 702 dollars/habitant, ne pouvait plus
rembourser. Cependant il avait besoin de fonds pour booster son économie
à la traîne. Il se heurta donc aux incontournables
conditionnalités du FMI. La conditionnalité est « le
lien impératif que le FMI établit entre l'aide fournie et
l'assurance donnée par l'Etat membre demandeur de mener une politique
économique résolvant ses problèmes de paiement
extérieur» (SEROUSSI, 1994 : 16). La conditionnalité
était déjà mal acceptée lorsque les pays riches
négociaient avec le Fonds des accords de stabilisation eu égard
à son caractère très contraignant. L'obtention de l'aide
du FMI était donc conditionnée selon les décisions du
conseil d'administration du 29/09/1968 et 02/03/1979, par :
- L'Etablissement d'un programme de stabilisation
- La précision des objectifs à atteindre
- Les clauses d'échelonnement des tirages.
- La prévision des consultations périodiques des
missions du FMI. C'est ainsi que plusieurs missions furent conduites au
Cameroun notamment par Edouard MACIEJEWSKI le 16 mai 2002 et 19 mars 2003.
Il faut dire que, traditionnellement, la Banque Mondiale est
dirigée par un américain pendant que le FMI est confié aux
européens. De plus, les Etats-Unis sont les seuls à disposer du
droit de veto au FMI. En clair, il se trouve que par l'administration et par
les visées, le FMI et la Banque Mondiale défendent les
intérêts du monde développé à la tête
duquel se trouvent les Etats-Unis. Il n'est dont pas surprenant que, pendant
longtemps ces derniers se soient servis des institutions de Bretton Woods comme
bras séculiers dans l'application de leur politique économique
vis-à-vis de l'Afrique en général et du Cameroun en
particulier.
A la deuxième moitié de la décennie 1990,
une option nouvelle est ajoutée par la BM et le FMI dans la liste
déjà lourde des conditionnalités. En effet, avec
l'apparition du programme PPTE en 1996, il apparaît que la bonne
gouvernance politique est un catalyseur du développement durable. C'est
dire qu'avec un Etat donné, il y a relation très marquée
entre l'économie et la politique. L'on semble avoir trouvé la
solution à la difficulté d'atteindre les performances
économiques escomptées malgré l'imposition des
conditionnalités rigoureuses. L'accent doit être porté
d'une manière particulière sur le lien fait entre l'aide
économique et la nécessité de reformes institutionnelles.
C'est précisément sur cet aspect que la similitude des deux
politiques est mise en exergue. Le virage vers l'établissement d'un
rapport entre l'économique et le politique s'effectue pour les
institutions de Bretton Woods en 1997 c'est-à-dire un an après
la mise en place des PPTE ;forcement, avec la bénédiction de
Washington. L'accession au programme PPTE exigeait entre autre une consultation
entre les Etats et la société Civile pour la mise sur pied des
programmes stratégiques pour la réduction de la pauvreté.
(P.S.R.P). Cela participe de ce que Pierre BIRNBAUM appelle la
«dédifférenciation». Elle consiste en
l'anéantissement de la cloison qui séparait l'Etat et la
société. C'est une condition pour l'efficacité de l'Etat
mais, c'est davantage une attitude démocratique qui participe de la
décompression autoritaire (BIRNBAUM, 1985 : 983). C'est sur cet
aspect particulier qui fait de la démocratie une attitude
méta-societale englobant aussi bien l'économie, la politique et
la sphère culturelle que s'appuie l'orientation américaine pour
le développement durable au Cameroun.
2- L'orientation
américaine pour le développement durable au Cameroun.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001 et le
nécessaire réajustement de leur politique africaine, les
Etats-Unis sont au Cameroun d'une manière plus importante. La relation
bilatérale qui les lie au Cameroun est multi-sectorielle. Sur le plan
économique, il s'agit d'assister le Cameroun dans la consolidation de
son développement économique. Et, cette consolidation disent-ils
passe par l'arrimage de l'économie Camerounaise à
l'économie mondiale c'est-à-dire que l'exigence de la
libéralisation devient très grande, la privatisation et la
recherche de l'efficience des challenges à relever.
Il faut noter avant de se pencher sur l'essence, la
quiddité de ces impératifs, que c'est le credo de la
mondialisation et des institutions de Bretton Woods qui est une fois de plus
chanté.
Le Cameroun des années 2000 est un pays gangrené
par la corruption, le patrimonialisme au sens Weberien du terme. C'est à
dire un pays dans lequel le pouvoir central est fort et concentré entre
les mains de l'exécutif, la distinction entre le bien public et les
biens privés n'existe pas. Ces deux éléments sont apparus
comme des obstacles de taille au décollage économique.
L'ambassadeur Robert Niels MARQUARDT s'adressant à la presse le 19
janvier 2006 disait : « Les actes de corruption sont devenus si
communs et si banals que certains observateurs se demandent si le sens du mot
« corruption » a une connotation différente au
Cameroun. » Ce qui fait un tableau trop sombre pour le Cameroun mais
également une pierre d'achoppement sur le chemin du
développement.
Tableau 1 : Le
Cameroun en chiffres en 1999
Population totale
|
14 859 000
|
Densité (habitant/Km2)
|
31,9
|
Population urbaine
|
49,2 %
|
Espérance de vie
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54,3 ans
|
Taux de croissance
|
2,9 %
|
Taux de mortalité infantile
|
77 %
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Taux alphabétisation adulte
|
59,4%
|
Taux scolarisation
|
72 %
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PIB par tête
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416,1 (millier de F CFA)
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PIB en valeur nominale
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6008 (milliards F CFA)
|
Taux de croissance en PIB
|
5,0%
|
Importations CAF
|
812,7 (milliards F CFA)
|
Exportations FOB
|
991,3 (milliards FCFA)
|
Source: afristat. org /cameroon.2000
Les Etats-Unis d'Amérique proposent donc au Cameroun la
libéralisation comme solution pour le développement durable.
Elle implique plusieurs contraintes même sur le plan politique. Et il
faut noter, ici la similitude avec l'option prise par les institutions de
Bretton-Woods dès 1997. En fait, dans le rapport de la Banque Mondiale
intitulé « Governance and development »
publié en 1992, il était dit que la question de la forme
particulière du régime politique que comprend aussi la notion de
bonne gouvernance se situe clairement hors du mandat de la Banque Mondiale.
Mais en 1997 un autre rapport, intitulé « l'Etat dans un
monde en développement » vient introduire les reformes
institutionnelles parmi les conditionnalités (MAPPA, 2003). Il s'agit
dès l'apparition des PPTE en 1996 de dire que le développement
économique à partie liée avec la bonne gouvernance
politique. Aussi bien les institutions de Bretton Woods que les Etats-Unis
veillent donc à l'application rigoureuse au Cameroun de cette option de
développement.
La libéralisation suppose dans ce contexte pour les
américains, que l'Etat se retire de l'économie pour ne plus en
être que le régulateur. D'autre part, l'initiative privée
doit être encouragée à travers la promotion des petites
entreprises.
Manuel ROSALES, administrateur du Small Business
Administration (SBA) pense que le trait commun entre pays riches et pays
pauvres est que leurs économies fonctionnent grâce aux petites
entreprises. Il poursuit en disant qu'aux USA, les petites entreprises
représentent 55% du PIB et sont les plus grands employeurs et
créateurs d'emplois. (Manuel ROSALES est interrogé par Charles
COREY du « Washington File », dans usinfo.gov visité
le 26-10-06). Par ailleurs, le retrait de l'Etat et la promotion des P.M.E
favorisent la privatisation. Les produits camerounais doivent être
conformes aux normes américaines pour que le commerce entre les deux
pays constitue un facteur de développement.
C'est clairement ce qu'Edward LUTTWAK appelle « une
stratégie de prospérité collective susceptible de
favoriser une libéralisation accrue des échanges commerciaux et
une stratégie de bloc commercial qui
consisterait à « vendre » l'accès
au marché américain par appels d'offres » (NYE,
1992 : 223). Cela participe à élever l'économie
camerounaise à un niveau tel qu'elle puisse constituer un partenaire
pour les Etats-Unis. Et M. HADLEY haut cadre du Département d'Etat
américain déclarait fort à propos le 07 juin 2006 :
« le partenariat et non le paternalisme, voilà ce qui
définit notre stratégie africaine » (usinfo.state.gov.
visité le 26-10-2006).
Cette orientation économique qui consiste à
élever une économie particulière au niveau de
l'économie américaine est génératrice de
développement. Elle a développé notamment la majeure
partie de l'Asie orientale grâce aux exportations. C'est un aspect
positif de la mondialisation. Cependant elle (la mondialisation) creuse
l'écarte entre les pays riches et les pays pauvres.
L'ambition était de démontrer la connivence qui
existe entre les Etats-Unis et les institutions de Betton Woods et dire
ipso facto que dans la promotion de la démocratie au Cameroun
par les Etats-Unis, la BM et le FMI sont des acteurs à leur solde.
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