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La politique américaine de promotion de la démocratie au Cameroun après le 11 septembre 2001

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par Paul Elvic Jerome BATCHOM
Université de YaoundéII / Soa - DEA/Master II 2005
  

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UNIVERSITE DE YAOUNDE II

THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II
 

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUE

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DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE

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FACULTY OF LAW AND POLITICAL SCIENCE

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DEPARTMENT OF POLITICAL SCIENCE

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LA POLITIQUE AMERICAINE DE PROMOTION DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN
APRES LE 11 SEPTEMBRE 2001

Mémoire présenté comme condition partielle en vue de l'obtention
du Masters II en science politique

Par :

Paul Elvic Jérôme BATCHOM

Titulaire d'une maîtrise en science politique

Supervisors:

Pr Paul NTUNGWE NDUE

Associate Professor

 

Dr John W. FORJE

Senior Lecturer

Année académique 2005-2006

DEDICACE

A

Sophie Irène et Alfred Olivier,

Judith, Ulrich, Ariane et Lyne,

Dennis et Anne-brice,

Landry, Linda, Adrien, Emma,

...Vous tous nos vrais amis, vous dont l'amitié nous a aidés à survivre aux affres de la quotidienneté.

REMERCIEMENTS

Notre gratitude profonde va à l'endroit de:

- Nos directeurs Pr. NDUE Paul et Dr FORJE John pour leur disponibilité et leur écoute.

- M. et mme BAYIHA qui nous ont fait goûter aux délices de la famille.

- Tous les enseignants de science politique qui nous ont autorisé à nous jucher sur leurs épaules.

- Sophie Irène DIBONGUE BEDJEDI.

- Nos condisciples de cette promotion de Masters II, particulièrement Serge Christian ALIMA, Paul NUEMBISSI KOM, NGO LIBOCK M. Michou, RABIATOU OUSMANOU, Gaetan OMGBA, MPACKO EKELLE G., BOKALLY E. Sédar...

BAYIHA Dennis qui nous a encouragé à continuer le combat malgré l'adversité.

- M. ATANGANA MBARGA Armand Bienvenu à qui nous sommes tellement redevables qu'il n'existe rien que nous puissions faire pour lui signifier notre estime.

- Mme Flore FERNANDES .

- BANASSOUBECK Marie Angèle.

- Mme KONO Maguy.

- M. MVONDO ESSOLA Sylvestre.

- AKEDE METOUGE Eric.

- Ngo BATCHOM Nicaise.

- HOPP NWAHA Emmanuel.

- Tous ceux qui ont été pour nous un secours dans la détresse ...Ad majorem DEI gloriam.

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Le Cameroun en chiffres en 1999 16

Tableau 2 : Etat des échanges US /Cameroun en millions de dollars U.S 23

Tableau 3 : Evolution illustrative de l'investissement US. au Cameroun 23

Tableau 4 : Exportations américaines (1994-1996) en millions de dollars US. 29

Tableau 5: Importations américaines (1994-1996) en millions de dollars U.S 29

Tableau 6 :Exportations U.S vers le Cameroun et ses voisins 2003-2005 en milliards de dollars. US 30

Tableau 7 : Importations US du Cameroun et de ses voisins 2003-2005 en millions de dollars US. 31

Tableau 8 : Principaux produits camerounais exportés vers les USA (2001-2002) . 32

Tableau 9 : Production pétrolière du Cameroun et ses voisins depuis 2001 (en millions de tonnes). 62

Tableau 10 : Production et exportation du Cameroun et ses voisins en barils/jours 63

Tableau 11 : destinations prioritaires du pétrole camerounais et ses voisins 63

Tableau 12 : Réserves pétrolières du Cameroun et de ses voisins en 2005 en milliards de tonnes). 64

Tableau 13 : Importations US d'Afrique noire en 2004. 65

Tableau 14 : Données générales des pays de la CEMAC en 2002. 75

Tableau 15 : PIB CEMAC en 2003 en millions de dollars US. 76

Tableau 16 : Taux de croissance du PIB au Cameroun (1995-2003) 76

LISTE DES ANNEXES

- Discours de son excellence Robert NIELS MARQUARDT devant la commission des affaires étrangères du Sénat Américain le 15 juin 2004

- Discours de Jendayi E. FRAZER lors de l'inauguration de la nouvelle ambassade américaine à Yaoundé le 16 février 2006

- Propos de NIELS MARQUARDT lors de la conférence de presse du 16 janvier 2006

SIGLES ET ABREVIATIONS

ANIF : Agence Nationale d'Investigation Financière

ADDEC : Association pour la Défense des Droits des Etudiants du Cameroun

AGOA : African Growth Opportunity Act

ACDP : Advisory Committee for Democracy Promotion

AEI : American Enterprise Institute

AOPIG : African Oil Policy Initiative Group

CCA : Corporate Council for Africa

CEA : Commission Economique pour l'Afrique

CFR : Council for Foreign Relations

CIA : Central Intelligence Agency

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale

CNS : Conseil National pour la Sécurité

CRTV: Cameroon Radio and Television

CRAT: Center for Rehabilitation and Torture Abolition

DHRF: Democracy and Human Rights Funds

DSRP : Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté

CONAC : Commission Nationale Anticorruption

EXIMBANK : Export- Import Bank

FAMM : Fondation pour l'Assistance Maladie et Maternité

FEICOM : Fond spécial d'Equipement Inter Communal

FMI : Fonds Monétaire International

IMET : International Military Educationnal Training

IRI : International Republican Institute

IFI : Institutions Financières Internationales

FRPC : Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance

MEDN : Mouvement d'Emancipation du Delta du Niger

MCC : Millenium Challenge Corporation.

MINATD : Ministère de l'Administration Territoriale et la Décentralisation.

NDI : National Democratic Institute

NED : National Endowment for Democracy.

NEC : New Embassy Compound

NIC : National Intelligence Council

NRM : National Resistance Movement

OIG : Organisation Inter Gouvernementale

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies

OPIC : Overseas Private Investment Corporation

OUA : Organisation de l'Unité Africaine

PCA : Président du Conseil d'Administration

PIB : Produit Intérieur Brut

PME : Petites et Moyennes Entreprises

PPTE : Pays Pauvres Très Endettés

PNUD : Programme des Nations Unis pour le Développement

SBA : Small Business Administration

SIC : Société Immobilière du Cameroun

URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques

USA : United State of America

USTDA : United Stated Trade and Development Agency

WCS : Wild life Conservation Society

WWF : World Wild Life Fund.

INTRODUCTION GENERALE

A. Considérations sur l'objet

1. Présentation du sujet.

Dès la fin de la guerre froide symbolisée par la chute du mur de Berlin en 1989 et la balkanisation de l'URSS en 1990 - 1991, les Etats-Unis ont décidé d'étendre leur influence en Afrique noire ; retirant ainsi aux anciennes puissances coloniales le permis de sous-traitance stratégique. L'Afrique dont les afro-pessimistes disaient qu'elle est source de désordre, facteur de nuisance et n'ayant aucun intérêt stratégique trouva grâce aux yeux des Etats-Unis qui entreprirent d'y établir leur civilisation. Dès le début de la décennie 1990, les discours des officiels américains avaient comme leitmotiv la démocratie et le développement de l'Afrique. Le 25 avril 1990 M. Herman COHEN alors secrétaire d'Etat adjoint chargé des affaires africaines déclarait : «Reformes politiques et économiques sont étroitement liées à la croissance et au développement en Afrique » (Afrique Etats-Unis N°9 du 15 juin 1990). Le 27 octobre 1991, Nancy KASSEBAUM ; sénatrice à Washington considérait que l'Administration américaine devrait coopérer avec les Africains pour créer les conditions propices à l'épanouissement de la démocratie. Le 10 octobre 1996, le Secrétaire d'Etat M. WARREN CHRISTOPHER prononçait à ADDIS-ABEBA un discours lors du sommet de l'O.U.A. Il disait en substance que la démocratie est la seule condition pour le développement durable en Afrique. Parallèlement aux discours officiels, la promotion de la démocratie se faisait sur le terrain au travers des relais du NED (New Endowment for Democracy). Les Etats-Unis s'impliquèrent dans la transition démocratique en Afrique de l'Est, dans la révolution Sud-africaine qui permit la libération de Nelson MANDELA ainsi que son accession au pourvoir. Ils agirent également dans les événements qui ont entraîné la chute de MOBUTU (DIAMOND, 1997). Au Cameroun notamment, Frances COOK s'investit beaucoup dans la promotion de la démocratie en s'intéressant aux élections présidentielles d'octobre 1992 ; ce qui lui valut la convocation le 19 octobre 1992 au ministère des relations extérieures (Marc YARED « Frances Cook, ambassadeur tout-terrain » in Jeune Afrique N° 1660 - 1661 du 29 octobre et au 11 novembre 1992. P. 8).

Dès son accession à la magistrature suprême en 2000, le président G.W. BUSH adopta la politique africaine de son prédécesseur (BAGAYOKO-PENONE, 2004). Cependant, compte tenu des priorités de la Maison Blanche qui étaient d'ordre énergétique, le Golfe arabo - persique a fait légèrement ombrage à l'Afrique. En effet, l'Administration U.S qui faisait face à une crise énergétique, préconisa l'exploitation massive des réserves extérieures et la conservation. Or, les intérêts pétroliers américains à cette époque étaient très importants dans le Golfe persique (BONIFACE, 2002).

Le 16 mai 2001, le président BUSH annonce son intention de réunir au mois d'octobre de la même année aux USA les chefs d'Etats de trente cinq (35) pays africains. A ce moment précis, la politique africaine de George BUSH vise à s'appuyer sur des Etats pivots (anchor-states) dans chaque sous région et s'articuler autour de trois points : lutte contre le SIDA, résolution des conflits et démocratisation du continent. (Sylvie Deroche «  les 3 piliers africains de G.W. BUSH » in Jeune Afrique l'Intelligent N° 2106 du 22 au 28 mai 2001. PP. 12-13). La démocratisation s'inscrit alors dans la politique africaine des Etats-Unis dans le but d'exporter la civilisation américaine. Comme le disait Robert STRAUSZ-HUPE: « Given their passion for democracy, Americans are not comfortable when they are forced to contemplate a U.S foreign policy that does not seem to advance democracy (STRAUSZ-HUPE 1995: 126). Dans cette optique donc, la promotion de la démocratie comme objectif de politique étrangère américaine s'explique par le souci de cohérence entre l'opinion interne et la politique étrangère.

Mais, surviennent les attentats du 11 septembre 2001 qui imposent un réaménagement de la stratégie américaine dans le monde. La sécurité nationale passe désormais devant toutes les priorités et elle exige la lutte contre le terrorisme et la recherche de sources pétrolifères alternatives.

La promotion de la démocratie s'inscrit dès lors dans une double logique à savoir : projeter la culture américaine et préserver la sécurité nationale des Etats-Unis. Pour l'Afrique en général et le Cameroun en particulier, la démocratie devient un argument important dans la préservation de l'intérêt national américain. D'où le thème : « la politique américaine de promotion de la démocratie au Cameroun après le 11 septembre 2001 ».

2. Définition des concepts.

Parler de promotion de la démocratie exige un instant que l'on précise qu'il s'agit en réalité d'assistance à la consolidation démocratique. En effet, la démocratie n'est pas une apparition spontanée mais bien plus, le résultat d'un processus appelé démocratisation ; cette dernière commence avec l'ouverture du régime autoritaire qui laisse apparaître quelques fissures. L'on parle alors de libéralisation. Ainsi, comme le font remarquer PRZEWORSKI, ALVAREZ, CHEIBUB et LIMONGI, contrairement à une idée répandue aux Etats-Unis dans les années 1950, « the route to démocracy is not a circuitous one » (PRZEWORSKI et alii, 1996 : 1). Le Cameroun a donc franchi la première étape au cours de la décennie 1990 lors de la quatrième vague de démocratisation portée par le vent d'Est. Il s'agit d'admettre que la libéralisation n'est qu'une ouverture et que la consolidation démocratique ne vient que par la suite (BRATTON et HYDEN, 1992. HUNTINGTON, 1991 : 7). Cependant, la consolidation n'allant pas de soi puisque l'on peut assister au retour vers l'autoritarisme comme le dit Philippe SCHMITTER (retour vers l'identique), les Etats-Unis assistent le Cameroun dans la consolidation des institutions et des habitudes démocratiques. En fait de promotion de la démocratie, il s'agit donc d'assistance à la consolidation démocratique.

Faire une étude portant sur la démocratie exige que l'on s'entende sur le sens à accorder au mot. Les auteurs tels que Joseph SCHUMPETER et Robert DAHL ont retenu de la démocratie une définition simpliste et minimaliste. Dans leur acception de la démocratie ils mettent en relief les mécanismes participatifs réduits au vote. Samuel P. HUNTINGTON semble y souscrire lorsqu'il dit : « Si l'élément fondateur de la démocratie réside dans l'élection des dirigeants par le peuple, alors le moment décisif du processus de démocratisation est celui où un gouvernement choisi selon des critères autres que démocratiques se trouve remplacé par un nouveau gouvernement adopté au cours d'élections libres, ouvertes et honnêtes » (HUNTINGTON, 1991 : 7). L'on ne saurait cependant s'arrêter à cette définition qui fait de la démocratie une « electoral democracy » pour reprendre Hans-Jurgen PUHLE. En effet, ce dernier stigmatise «l'electoral democracy ». Cette dernière d'après lui a le mérite d'intégrer en plus du vote, les principes tels que le « Checks and balances », l'Etat de droit, la garantie des libertés civiles et politiques. L'on aboutit à ce qu'il appelle « democratic rechsstaat» (Etat de droit démocratique) (PUHLE, 2005 : 7). La définition qui semble la plus complète est pourtant celle que donnent DIAMOND (Larry), LIPSET (Martin seymour) et LINZ (juan j.). En effet, ces auteurs pensent que la démocratie est un système de gouvernement qui satisfait à trois conditions essentielles : La compétition pour la conquête du pouvoir, un degré très large de participation politique et un niveau suffisant en matière de libertés civiles et politiques. (DIAMOND, LINZ et LIPSET, 1993).

3. Revue de la littérature

Cette revue s'articule autour de deux mouvements. D'abord la littérature sur la promotion de la démocratie.

Larry DIAMOND a consacré un article à la promotion de la démocratie dans les années 1990(DIAMOND, op. cit.). Il présentait l'activisme américain sur la scène internationale pour étendre son mode de pensée politique. Ce, dans une logique d'expansion de la civilisation américaine. L'Afrique y est évoquée, mais dans un autre contexte international. Cet article est représentatif de ce qui traite de la promotion de la démocratie dans la décennie 1990. Joél D. BARKAN quant à lui s'interroge sur la capacité des démocraties établies à répandre la démocratie dans le monde (BARKAN, 1997). Luc SINDJOUN traitant de la loyauté démocratique démontre qu'à partir de la trilogie proposée par Albert HIRSCHMANN devant la promotion de la démocratie par une puissance à savoir : la loyauté, la défection et la protestation, l'on peut envisager une quatrième posture : la simulation (SINDJOUN, 2001). Robert PINKNEY s'intéresse quant à lui à la consolidation démocratique en Afrique de l'Est en se penchant sur les pressions et contraintes extérieures propre à la décennie 1990 qui imposent la consolidation démocratique (PINKNEY, 1999). Paul NDUE s'intéressait à l'ouverture de l'Afrique au pluralisme : ce, toujours dans le contexte des années 1990. (NDUE, 1994).

Un deuxième mouvement s'est penché sur la démocratie comme élément important dans la politique étrangère des Etats-Unis. Joseph NYE Jr. se penche sur l'extension du leadership américain par le « Soft power ». Il relève le rôle de la démocratie dans la politique étrangère en tant qu'elle est une projection de la puissance (NYE, 1992). Jean Daniel ABA dans une thèse de doctorat présentée à la Sorbonne en 2000-2001, a traité de la démocratie comme une modalité d'élaboration de la politique africaine des Etats-Unis. Dans la même logique, s'inscrit l'ouvrage de l'ex-ambassadeur du Gabon aux Etats-Unis. Paul BUNDUKU-LATHA qui examine la politique africaine de l'Administration CLINTON. Dans cette dernière, la démocratie occupe une place prépondérante (BUNDUKU-LATHA, 1999). Robert STRAUSZ-HUPE observe que la démocratie dans la politique étrangère relève de la nécessité de cohérence entre l'opinion nationale et la politique extérieure américaine (STRAUSZ-HUPE, op.cit.).

Ces ouvrages sont représentatifs de deux types de littératures qui se limitent à présenter la démocratie dans la politique étrangère américaine comme une exigence de projection de puissance. Appliquée en Afrique dans la décennie 1990, elle vise en plus à aider le continent à connaître la paix et le développement.

Pour notre part, nous envisageons d'étudier la démocratie dans la politique africaine des Etats-Unis en général et celle appliquée au Cameroun en particulier au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, comme une exigence de la mondialisation de la pensée politique américaine d'abord, et comme une exigence de l'intérêt national américain.

B. Considérations théoriques

1 - La problématique

La problématique dit Madeleine GRAWITZ « répond à un besoin de cohérence logique, met en oeuvre un ensemble de problèmes qui orientent la recherche et un corps de concepts qui, directement ou indirectement, débouchent sur des hypothèses rendant compte d'un contenu riche de conflits. » (GRAWITZ, 1993 :4). Le 11 septembre 2001 a révélé aux yeux du monde que la sécurité nationale dans un monde de plus en plus globalisé ne relève plus seulement de la capacité d'un Etat à garantir sa souveraineté ; tant il est vrai que la souveraineté est de tout temps et aujourd'hui plus encore une illusion, une fiction (BADIE, 1999 ; KRASNER, 2001). L'ordre intérieur dépend donc désormais de la maîtrise des facteurs de puissance qui se trouvent au-delà des frontières nationales. La «guerre préventive » engagée contre le terrorisme par le président G.W. BUSH au lendemain du 11 septembre 2001 suppose que par l'usage du « hard power » et du «  soft power »(NYE, Op. cit.), les Etats-Unis devront s'assurer le contrôle des pivots stratégiques du globe. Cependant, les Etats-Unis, dans leur entreprise de promotion de la démocratie au Cameroun, font prévaloir que l'absence de démocratie dans ce pays est à l'origine du retard accusé dans le développement économique. Etudier la politique américaine de promotion de la démocratie au Cameroun après le 11 septembre 2001 c'est donc s'interroger sur les fondements de cette politique, c'est s'interroger sur le rôle que le Cameroun peut jouer dans la Nouvelle Stratégie de Sécurité Nationale américaine. C'est enfin se demander si le choix du cadre stato-national camerounais est fortuit.

2 - Hypothèses de la recherche

Vouloir ressortir le lien existant entre la promotion de la démocratie au Cameroun par les USA après le 11 septembre 2001 et l'intérêt national américain c'est penser que la politique africaine des Etats-Unis a été modifiée après les attentats du 11 septembre 2001. C'est également penser que le choix du Cameroun se fonde sur une conjugaison de facteurs exogènes et endogènes. Cependant, la promotion de la démocratie est d'abord une expansion de la civilisation américaine qui se justifie par la mondialisation. Il s'agit de dire que cette entreprise de projection de la culture américaine a pris une coloration stratégique au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Le Cameroun deviendrait ainsi un théâtre d'opération où se jouent des intérêts vitaux relevant de la sécurité nationale américaine, mais où la tactique employée est la promotion de la démocratie. Ainsi, dans une première partie, la promotion de la démocratie au Cameroun par les Etats-Unis sera lue comme une exigence de la mondialisation économique et politique. Ensuite, elle sera perçue comme une entreprise stratégique au regard des intérêts américains à l'intérieur et autour du Cameroun.

3 - Propos théorique sur l'objectif de la recherche

Le postulat du réalisme fait de l'Etat l'acteur prioritaire sinon, l'unique acteur des relations internationales. En cela, il s'appuie sur les thèses souverainistes. Jean BODIN dans les six livres de la République (1576) définissait la souveraineté comme la capacité à contraindre et à commander sans être ni contraint, ni commandé. La souveraineté bodinienne est donc une « puissance perpétuelle » et elle appartient à la République. L'Etat a la souveraineté sur une double dimension .A l'intérieur, il a les pleins pouvoirs sur les populations. WEBER le présentera comme le détenteur du monopole de la violence légitime (WEBER, 1971). A l'extérieur, l'Etat est garant des mouvements à ses frontières et parce que souverain, il ne reçoit d'ordre d'aucun autre Etat. Et, inversement, il n'interfère pas dans les affaires internes des autres.

S'appuyant sur ces traditions bodinienne et hobbesienne, les contemporains à l'instar de Hans MORGENTHAU (1955), Henry KISSINGER, Carl Von CLAUSEWITZ... ont décrit la scène internationale comme un théâtre de quête de puissance. Bien entendu, les confits mondiaux, les conflits de la guerre froide et la logique des blocs ont donné raison à la théorie réaliste. Cependant, la chute du mur de Berlin en 1989 et la balkanisation de l'U.R.S.S conduiront à l'émergence de nouveaux acteurs (ONG, OIG, individus...) sur l'échiquier des relations internationales. L'objet  « scène internationale » étant entré en mutation, le paradigme présentait toutes les raisons de se muter à son tour. D'aucuns parleront de Neo-Réalisme (WALTZ, 1979), d'inter dépendance complexe (NYE, KEOHANE). Désormais, l'Etat n'est plus le seul acteur des relations internationales ; son statut d'acteur se trouve même très concurrencé par d'autres. Et la souveraineté sur laquelle s'appuyaient les théoriciens du réalisme entre en crise à son tour avec la naissance à l'interface de l'externe et de l'interne de plusieurs espaces (APPADURAÏ, 1997). La notion de territoire perd de sa pertinence (BADIE, 1995).

Le reproche que nous faisons à certains critiques du réalisme tels que M. SINDJOUN (2001) et BADIE (1999) est d'avoir focalisé l'attention uniquement sur la souveraineté des Etats. En effet, ces deux auteurs pensent que la souveraineté est entrée en crise (BADIE) ou s'est transformée (SINDJOUN) ; et que ce faisant, le réalisme n'est plus très pertinent. C'est précisément occulter l'essence même du réalisme. Thomas HOBBES a préconisé dans le Léviathan l'assujettissement des libertés individuelles au Léviathan en échange de la sécurité. Cependant, l'absence d'une telle figure à l'échelle mondiale a laissé libre cours à l'anarchie. Autrement dit, l'état de nature s'est transposé à l'échelle mondiale. Dans cette anarchie qui a toujours caractérisé la scène internationale, comme le pense également Stephen D. KRASNER, la souveraineté a toujours été une hypocrisie juridique. (KRASNER, 2001). L'élément permanent et transversal dans la scène mondiale est la recherche des intérêts par les Etats. Cela veut dire que de tout temps, la souveraineté a été un prétexte et une construction fictive relevant de l'hypocrisie des Etats car c'est précisément après le traité de Westphalie en 1648 sanctionnant la fin de la guerre de Trente ans que la conflictualité et les interférences dans les affaires internes des Etats ont été le plus marquées.

Dans cette ère nouvelle, l'irruption de nouveaux acteurs dans le jeu des relations internationales n'épuise pas non plus la théorie réaliste mais au contraire, la dope d'une intensité nouvelle et plus grande. Allons-nous donc parler comme Kenneth WALTZ du néo réalisme ? La politique américaine de promotion de la démocratie au Cameroun après le 11 septembre 2001 s'inscrit pensons-nous dans une mouvance réaliste : le réalisme démocratique.

Pris isolement, ce concept peut ne pas avoir une portée heuristique. Peut être même qu'il serait jugé comme relevant d'une imagination fébrile. Cependant, il faut le relier à notre thématique pour comprendre cette formulation dans un contexte de globalisation où la démocratie est présentée comme la panacée. Il nous semble plutôt que le paradigme du réalisme démocratique nous révèle à quel point elle est un placebo. Elle relève de ce que Joseph NYE appelle le « pouvoir en douceur » c'est à dire la capacité d'une nation à influencer les autres par son idéologie, son système de valeur, sa culture (NYE, op.cit.).

Depuis les années 1990, les Etats-Unis s'emploient à la démocratisation de l'Afrique et ceci pour voler au secours d'un continent qui se meurt. Au-delà du « politiquement correct », il peut apparaître que l'ère de la sous-traitance stratégique étant révolue, les USA veulent désormais étendre leur influence sur l'Afrique. Septembre 2001 marque une date importante dans cette politique car avec les attentats des tours jumelles et du Pentagone, des exigences sécuritaires et énergétiques poussent le pays de l'oncle SAM à intensifier sa présence en Afrique. Nous passons de l'ère de la simple « diplomatie Mère Térésa » (ABA, 2001/2002, P. 622) à une diplomatie de « real politik ». En effet, le golfe de Guinée est à plus d'un titre intéressant pour les américains par son pétrole, sa situation stratégique dans la lutte contre la propagation du terrorisme et les autres menaces transnationales. La promotion de la démocratie au Cameroun s'inscrit dans une politique africaine qui vise des objectifs multiples mais dont la finalité est l'intérêt national des Etats-Unis sur les plans énergétiques et sécuritaires. Par ailleurs, il s'agit d'une imposition de l'idéologie qui participe de la projection de la puissance américaine. Il apparaît donc que dans un contexte de fin des souverainetés, le réalisme s'est métamorphosé. Le réalisme démocratique tend à démontrer que la grille réaliste que nous convoquons ici garde toute sa pertinence.

L'Etat a perdu le monopole du jeu des relations internationales parce qu'il est concurrencé par d'autres acteurs. Le trait caractéristique de la concurrence est de faciliter la naissance des stratagèmes pour l'amélioration des compétences. Si l'on convient avec Diane ETHIER que les constitutions nationales et le droit international reconnaissent l'Etat comme seul acteur de la politique étrangère (ETHIER, 2003 : 126), il faut noter que l'Etat fait de plus en plus des autres acteurs ses bras séculiers. Les institutions financières internationales font souvent la politique étrangère des grandes puissances ; tout comme l'O.N.U. Dans le cadre de notre analyse, nous accordons aussi une place importante à ce que Larry DIAMOND(p.314) appelle «  Quasi Governmental organizations » . Il s'agit des organisations puissantes telles que le NED (New Endowment for Democracy) et des pendants des « german stiftung » que sont le NDI (National Democratic Institute) et l'IRI (International Republican Institute). Celles-ci, agissent en connexion avec d'autres ONG de promotion de la démocratie. La Fondation Carter s'inscrit dans la même dynamique. La population camerounaise (« allié silencieux »), sera mise à contribution pour l'enracinement de la démocratie ; tous ces acteurs a priori non étatiques font finalement la politique de l'Etat américain dans sa quête de puissance et d'intérêts. Cela nous a conduit à préférer l'usage du réalisme au néo-réalisme.

La crise de la souveraineté n'a pas conduit à la crise du réalisme. Cependant, elle a conduit à une mutation (SINDJOUN, 2001), à sa transformation en une forme spécieuse, captieuse, vicieuse car étant comme une nappe d'algues qui cache un lac paisible mais profond. C'est précisément ainsi que se présente le réalisme démocratique des Etats-Unis au Cameroun. Une politique inoffensive qui vient soulager le peuple camerounais du « règne de l'autocratie ». Le choix du réalisme dans cette étude reste motivé par la nécessité de la lucidité dans les relations internationales. Georges WASHINGTON ne disait-il pas qu'aucun Etat ne doit être cru au-delà de ses intérêts ?

Le réalisme n'est donc pas obsolète, il reste tapi dans un fourré appelé « démocratie ». Rien n'interdit au Cameroun l'usage de ce même réalisme pour maximiser les gains dans cette coopération ; comme l'on fait nombre d'Etats en Afrique de l'Ouest.

PARTIE I :
CONSOLIDATION DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN ET LOGIQUES DE L'AMERICANISATION DU MONDE

La promotion de la démocratie au Cameroun par les Etats-Unis d'Amérique relève d'abord d'une logique d'extension de l'"American Way of Life". Ainsi, l'assistance à la consolidation démocratique est une volonté d'étendre au monde entier une vision de la politique. L'américain ordinaire ne comprend pas que des peuples vivent encore d'une manière autre que démocratique. Cette attitude qui relève de l'ethnocentrisme est déterminante dans l'adoption de la politique étrangère du gouvernement américain. En effet, l'exportation de la culture américaine ne relève pas de la seule volonté du politique. Elle émane du peuple et dans la logique du rapport inévitable entre les politiques intérieure et extérieure, le gouvernement s'aligne derrière la volonté du peuple ; Tant il est vrai que «... dans une démocratie les choix appartiennent au peuple » (NYE ,1992 : 235). Et, Robert STRAUSZ-HUPE d'ajouter: « Given their passion for democracy, americans are not comfortable when they are forced to contemplate a U.S foreign policy that does not seem to advance democracy»(STRAUSZ-HUPE, 1995: 126).

Au Cameroun, la promotion de la démocratie qui est un régime des libertés ne se cantonne pas sur la politique. L'idée est prévalente selon laquelle il n'y a de développement économique durable qu'en rapport avec la démocratie ; ou encore, la démocratie ne s'enracine que dans une économie stable, développée. Il y a donc une interdépendance entre les sphères politique et économique dans une démocratie. A la question « What makes Democracies Endure? » PRZEWORSKI, ALVAREZ, CHEIBUB et LIMONGI répondent en citant des conditions nécessaires pour qu'un pays quelconque considéré cette année, puisse devenir une démocratie l'année prochaine. Entre autres conditions, ils relèvent la performance économique et l'affluence. (PRZEWORSKI et alii, 1996). Toutefois, si l'on s'aligne derrière cette pensée, il demeure que l'économie se développe aussi facilement dans un environnement démocratique ; Même si plusieurs dictatures se sont justifiées par la nécessité d'un développement économique ; Certains y parvenant comme la Chine des années 1980, Cuba et l'URSS des années fortes du communisme.

Il s'agit donc d'aborder l'extension de la civilisation américaine au Cameroun à travers la promotion de la démocratie sur deux plans : la promotion de l'économie libérale et la promotion des reformes institutionnelles et comportementales.

CHAPITRE I :
LOGIQUE DE LA MONDIALISATION ECONOMIQUE AU CAMEROUN OU L'AMERICANISATION DE L'ECONOMIE CAMEROUNAISE.

La mondialisation qui est en vigueur n'a pas épargné le Cameroun. Elle est inévitable et comme le remarquait pertinemment Albertine TCHIBILONDI NGOYI, la mondialisation est un horizon pour l'existence humaine (TCHIBILONDI, 2001). Elle divise les spécialistes quant à sa définition. Joseph STIGLITZ ( prix Nobel d'Economie 2001) la définit comme : « l'intégration sans cesse plus étroite des pays et des peuples du monde qu'ont réalisé d'une part la baisse continue des coûts du transport et des communications et d'autre part la réduction des barrières douanières et commerciales » (STIGLITZ, 2003 : 20). Cette définition peut retenir l'attention car, elle dit non seulement ce qu'est la mondialisation, mais elle présente aussi les facteurs qui contribuent à la rendre effective. La mondialisation paraît donc comme l'extension à l'échelle mondiale d'une culture, d'une civilisation. L'épicentre de la mondialisation se situerait en occident et précisément aux Etats-Unis. En effet,après la chute du mur de Berlin et la victoire du capitalisme sur le communisme, les Etats-Unis ont eu le vent en poupe sur l'échiquier mondial. Il ne restait plus qu'à étendre leur influence sur la planète entière. La mondialisation suppose l'uniformisation, c'est-à-dire l'intégration des systèmes périphériques dans le courant prédominant à savoir le capitalisme et la démocratie occidentale. L'intégration est « la création voulue et concertée d'un espace économique et social commun dans lequel prévalent les mêmes normes» (MAPPA, 2003 : Introduction).

La mondialisation est donc en définitive semblable à cette pieuvre qui étend ses tentacules pour couvrir toute la planète. Elle est une entreprise savamment conçue qui, si elle est menée à son terme, présentera le monde comme un grand village selon la conception de Marshall MCLUHAN qui fait apparaître dès 1964 la notion de « village mondial ». Parce que le Cameroun n'est pas extérieur à ce monde, parce qu'il est dans le système périphérique, il nécessite donc aussi que les mécanismes de son intégration dans l'économie monde soient enclenchés. A l'observation de ces mécanismes,il apparaît qu'hier comme aujourd'hui avec les institutions de Bretton -woods et les Etats-Unis d'Amérique, C'est le même modus operandi pour un même opus operatus .Autrement dit, l'observation des pratiques des institutions monétaires internationales que sont le FMI et la Banque Mondiale au Cameroun laisse transparaître une ressemblance avec la politique américaine en matière économique au Cameroun. Il s'agit donc par le « consensus de Washington » (section I) et l'assistance économique américaine au Cameroun (Section II) de montrer que l'impératif économique dans la promotion de la démocratie au Cameroun par les USA relève d'abord d'une volonté de mondialisation économique.

SECTION I : Le « Consensus de Washington » ou les institutions de Bretton Woods au service des Etats-Unis d'Amérique.

Au sortir de la seconde guerre mondiale l'économie mondiale est affaiblie excepté un îlot. En effet,les Etats-Unis qui ont tiré profit de la vente d'armes et matériels de guerre, qui n'ont pas été affectés par une guerre ayant lieu sur le théâtre européen prennent le contrôle de l'économie mondiale. La Banque Mondiale et le FMI voient le jour en juillet 1944 à Bretton-Woods près de Washington. Pour la Banque Mondiale, le but premier est d'aider à la reconstruction du monde. Le FMI quant à lui reçoit la tâche plus difficile d'assurer la stabilité économique tout comme l'ONU assure la stabilité politique. Il devient donc le gendarme économique du monde.

Pour comprendre la collusion entre les institutions de Bretton Woods et la politique américaine au Cameroun en matière économique, il faut remonter aux années 1980. En effet, au début de cette décennie, Margaret TCHATCHER alors Premier Ministre d'Angleterre et le président américain Ronald REAGAN introduisent une nouvelle idéologie libérale dont le FMI et la Banque mondiale se font les missionnaires avec la complicité du trésor américain. C'est le « Consensus de Washington » (STIGLITZ, 2003).Il repose sur trois piliers qui sont : l'austérité, la privatisation et la libéralisation. A l'observation de la politique américaine au Cameroun après le 11 septembre 2001, force est de constater qu'elle obéit à ce même schéma et s'avère un peu plus incisive ; donnant l'impression de la recherche d'une efficacité hic et nunc .

C. Similitudes dans les politiques de Bretton Woods et des USA vis-à-vis du Cameroun.

1- Examen sommaire des pratiques des institutions de Bretton Woods.

A la genèse des relations entre les institutions de Bretton Woods et le Cameroun, se trouve l'inadéquation du système économique de ce dernier avec les objectifs des dites institutions. L'économie camerounaise de l'époque est engluée dans des pesanteurs, des comportements patrimoniaux, la dette et la centralisation étatique. Or les objectifs des IFI sont clairs : Libéralisation, privatisation et austérité. Dès 1986, le Cameroun est donc mis sous ajustement structurel. C'est-à-dire de manière caricaturale que les institutions monétaires internationales se penchent sur le Cameroun afin de l'accompagner sur le chemin de la modernité économique, par l'imposition des conditionnalités. En effet, le Cameroun classé le 13e pays le plus endetté d'Afrique en 1998 avec 9229 Millions de dollars US. de dette ,113 pour cent du PNB soit 702 dollars/habitant, ne pouvait plus rembourser. Cependant il avait besoin de fonds pour booster son économie à la traîne. Il se heurta donc aux incontournables conditionnalités du FMI. La conditionnalité est « le lien impératif que le FMI établit entre l'aide fournie et l'assurance donnée par l'Etat membre demandeur de mener une politique économique résolvant ses problèmes de paiement extérieur» (SEROUSSI, 1994 : 16). La conditionnalité était déjà mal acceptée lorsque les pays riches négociaient avec le Fonds des accords de stabilisation eu égard à son caractère très contraignant. L'obtention de l'aide du FMI était donc conditionnée selon les décisions du conseil d'administration du 29/09/1968 et 02/03/1979, par :

- L'Etablissement d'un programme de stabilisation

- La précision des objectifs à atteindre

- Les clauses d'échelonnement des tirages.

- La prévision des consultations périodiques des missions du FMI. C'est ainsi que plusieurs missions furent conduites au Cameroun notamment par Edouard MACIEJEWSKI le 16 mai 2002 et 19 mars 2003.

Il faut dire que, traditionnellement, la Banque Mondiale est dirigée par un américain pendant que le FMI est confié aux européens. De plus, les Etats-Unis sont les seuls à disposer du droit de veto au FMI. En clair, il se trouve que par l'administration et par les visées, le FMI et la Banque Mondiale défendent les intérêts du monde développé à la tête duquel se trouvent les Etats-Unis. Il n'est dont pas surprenant que, pendant longtemps ces derniers se soient servis des institutions de Bretton Woods comme bras séculiers dans l'application de leur politique économique vis-à-vis de l'Afrique en général et du Cameroun en particulier.

A la deuxième moitié de la décennie 1990, une option nouvelle est ajoutée par la BM et le FMI dans la liste déjà lourde des conditionnalités. En effet, avec l'apparition du programme PPTE en 1996, il apparaît que la bonne gouvernance politique est un catalyseur du développement durable. C'est dire qu'avec un Etat donné, il y a relation très marquée entre l'économie et la politique. L'on semble avoir trouvé la solution à la difficulté d'atteindre les performances économiques escomptées malgré l'imposition des conditionnalités rigoureuses. L'accent doit être porté d'une manière particulière sur le lien fait entre l'aide économique et la nécessité de reformes institutionnelles. C'est précisément sur cet aspect que la similitude des deux politiques est mise en exergue. Le virage vers l'établissement d'un rapport entre l'économique et le politique s'effectue pour les institutions de Bretton Woods en 1997 c'est-à-dire un an après la mise en place des PPTE ;forcement, avec la bénédiction de Washington. L'accession au programme PPTE exigeait entre autre une consultation entre les Etats et la société Civile pour la mise sur pied des programmes stratégiques pour la réduction de la pauvreté. (P.S.R.P). Cela participe de ce que Pierre BIRNBAUM appelle la «dédifférenciation». Elle consiste en l'anéantissement de la cloison qui séparait l'Etat et la société. C'est une condition pour l'efficacité de l'Etat mais, c'est davantage une attitude démocratique qui participe de la décompression autoritaire (BIRNBAUM, 1985 : 983). C'est sur cet aspect particulier qui fait de la démocratie une attitude méta-societale englobant aussi bien l'économie, la politique et la sphère culturelle que s'appuie l'orientation américaine pour le développement durable au Cameroun.

2- L'orientation américaine pour le développement durable au Cameroun.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001 et le nécessaire réajustement de leur politique africaine, les Etats-Unis sont au Cameroun d'une manière plus importante. La relation bilatérale qui les lie au Cameroun est multi-sectorielle. Sur le plan économique, il s'agit d'assister le Cameroun dans la consolidation de son développement économique. Et, cette consolidation disent-ils passe par l'arrimage de l'économie Camerounaise à l'économie mondiale c'est-à-dire que l'exigence de la libéralisation devient très grande, la privatisation et la recherche de l'efficience des challenges à relever.

Il faut noter avant de se pencher sur l'essence, la quiddité de ces impératifs, que c'est le credo de la mondialisation et des institutions de Bretton Woods qui est une fois de plus chanté.

Le Cameroun des années 2000 est un pays gangrené par la corruption, le patrimonialisme au sens Weberien du terme. C'est à dire un pays dans lequel le pouvoir central est fort et concentré entre les mains de l'exécutif, la distinction entre le bien public et les biens privés n'existe pas. Ces deux éléments sont apparus comme des obstacles de taille au décollage économique. L'ambassadeur Robert Niels MARQUARDT s'adressant à la presse le 19 janvier 2006 disait : « Les actes de corruption sont devenus si communs et si banals que certains observateurs se demandent si le sens du mot « corruption » a une connotation différente au Cameroun. » Ce qui fait un tableau trop sombre pour le Cameroun mais également une pierre d'achoppement sur le chemin du développement.

Tableau 1 : Le Cameroun en chiffres en 1999

Population totale

14 859 000

Densité (habitant/Km2)

31,9

Population urbaine

49,2 %

Espérance de vie

54,3 ans

Taux de croissance

2,9 %

Taux de mortalité infantile

77 %

Taux alphabétisation adulte

59,4%

Taux scolarisation

72 %

PIB par tête

416,1 (millier de F CFA)

PIB en valeur nominale

6008 (milliards F CFA)

Taux de croissance en PIB

5,0%

Importations CAF

812,7 (milliards F CFA)

Exportations FOB

991,3 (milliards FCFA)

Source: afristat. org /cameroon.2000

Les Etats-Unis d'Amérique proposent donc au Cameroun la libéralisation comme solution pour le développement durable. Elle implique plusieurs contraintes même sur le plan politique. Et il faut noter, ici la similitude avec l'option prise par les institutions de Bretton-Woods dès 1997. En fait, dans le rapport de la Banque Mondiale intitulé « Governance and development » publié en 1992, il était dit que la question de la forme particulière du régime politique que comprend aussi la notion de bonne gouvernance se situe clairement hors du mandat de la Banque Mondiale. Mais en 1997 un autre rapport, intitulé « l'Etat dans un monde en développement » vient introduire les reformes institutionnelles parmi les conditionnalités (MAPPA, 2003). Il s'agit dès l'apparition des PPTE en 1996 de dire que le développement économique à partie liée avec la bonne gouvernance politique. Aussi bien les institutions de Bretton Woods que les Etats-Unis veillent donc à l'application rigoureuse au Cameroun de cette option de développement.

La libéralisation suppose dans ce contexte pour les américains, que l'Etat se retire de l'économie pour ne plus en être que le régulateur. D'autre part, l'initiative privée doit être encouragée à travers la promotion des petites entreprises.

Manuel ROSALES, administrateur du Small Business Administration (SBA) pense que le trait commun entre pays riches et pays pauvres est que leurs économies fonctionnent grâce aux petites entreprises. Il poursuit en disant qu'aux USA, les petites entreprises représentent 55% du PIB et sont les plus grands employeurs et créateurs d'emplois. (Manuel ROSALES est interrogé par Charles COREY du « Washington File », dans usinfo.gov visité le 26-10-06). Par ailleurs, le retrait de l'Etat et la promotion des P.M.E favorisent la privatisation. Les produits camerounais doivent être conformes aux normes américaines pour que le commerce entre les deux pays constitue un facteur de développement.

C'est clairement ce qu'Edward LUTTWAK appelle « une stratégie de prospérité collective susceptible de favoriser une libéralisation accrue des échanges commerciaux et une stratégie de bloc commercial qui consisterait à « vendre » l'accès au marché américain par appels d'offres » (NYE, 1992 : 223). Cela participe à élever l'économie camerounaise à un niveau tel qu'elle puisse constituer un partenaire pour les Etats-Unis. Et M. HADLEY haut cadre du Département d'Etat américain déclarait fort à propos le 07 juin 2006 : « le partenariat et non le paternalisme, voilà ce qui définit notre stratégie africaine » (usinfo.state.gov. visité le 26-10-2006).

Cette orientation économique qui consiste à élever une économie particulière au niveau de l'économie américaine est génératrice de développement. Elle a développé notamment la majeure partie de l'Asie orientale grâce aux exportations. C'est un aspect positif de la mondialisation. Cependant elle (la mondialisation) creuse l'écarte entre les pays riches et les pays pauvres.

L'ambition était de démontrer la connivence qui existe entre les Etats-Unis et les institutions de Betton Woods et dire ipso facto que dans la promotion de la démocratie au Cameroun par les Etats-Unis, la BM et le FMI sont des acteurs à leur solde.

D. Propos sur l'application conjointe des politiques américaine et "Brettonwoodienne" au Cameroun à l'aune des P.P.T.E.

Dès lors que la congruence des intérêts américains et Brettonwoodiens a été relevée, il s'agit par le cas particulier du programme des PPTE de faire un examen de la promotion de l'économie libérale au Cameroun. Il faut ne pas perdre de vue que le postulat de l'instrumentalisation des institutions de Bretton Woods par Washington a été posé ci-dessus. L'examen dont il sera question ici n'aura pas la rigueur d'un économiste puisqu'il s'agit surtout de dire que les PPTE illustrent mieux l'instrumentalisation des IFI par Washington au Cameroun dans la Promotion démocratique.

En 1996 au Sommet du G8 à Lyon, le programme PPTE est lancé. Il constitue le dernier-né des programmes lancés par les bailleurs de fonds pour permettre aux pays endettés de pouvoir rembourser à leurs créanciers. Pour y être admis, il faut être un pays pauvre très endetté ; c'est à dire avoir une dette insoutenable et des populations qui vivent en dessous du seuil de pauvreté (1dollar/jour). Il faut par ailleurs avoir signé un accord avec le FMI au titre de FRPC (Facilité pour la réduction de la pauvreté et de la croissance)et produire un DSRP (Document stratégique pour la réduction de la pauvreté). Dans la production du DSRP, il y a la nécessité de consultation et constitution d'une société civile. Il s'agit de rassembler les « forces vives » de la Nation pour élaborer, une stratégie de réduction de la pauvreté. Les exigences de bonne gouvernance sont une nouveauté dans ce programme.

A l'origine de l'initiative PPTE, ce sont les institutions de Bretton Woods qui par des missions régulières, viennent vérifier l'application des conditionnalités au rang des quelles la bonne gouvernance. Pendant que le Sénégal, le Mozambique, le Bénin et l'Ouganda n'ont mis que trois ans pour parcourir l'ensemble de la procédure, le Cameroun en a mis six. Et c'est là l'intérêt, le point d'achèvement est atteint par le Cameroun le 28 avril 2006 après les réunions des 26 et 27 avril 2006 à Washington. Ce, après une grande agitation diplomatique entre autre de R. NIELS MARQUARDT, ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun. Il faut rappeler qu'en 2005 le Cameroun n'a pas atteint ce point du fait d'un dérapage budgétaire de 150 milliards. Il apparaissait donc aux yeux des observateurs que le Cameroun peut produire des richesses, et donc peut rembourser à ses créanciers mais doit pour cela adopter une rigueur budgétaire ; D'où la nécessaire démocratisation de la gestion des ressources du pays.

Au rang des points qui ont donné satisfaction aux institutions de Bretton Woods, il y a :

- L'amélioration de la gestion budgétaire

- La limitation des dépenses publiques

- La transparence observée dans le fonctionnement du budget.

- L'avancée de la gouvernance.

- La lutte contre la corruption ... il s'agit notamment de pratiques qui sont propre à la démocratie. Elles relèvent toutes ou presque de ce que Guillermo O'DONNELL appelle «horizontal » et « vertical accountabilities » (O'DONNELL, 1994). La démocratie suppose la participation élevée du peuple à la gestion des affaires de l'Etat. C'est-à-dire que le peuple qui mandate les représentants doit être informé de tout ce qui concerne les affaires de la République tant il est vrai que la « res-publica » est la chose publique ; «  la chose du peuple ». PRZEWORSKI pense que le mandat suppose que les citoyens disent aux gouvernants ce qu'ils doivent faire alors que l' « accountability » suppose que les citoyens jugent si le gouvernement a fait ce qu'il devrait faire (PRZEWORSKI et alii, 1999 : 16). La difficulté dans la gestion au Cameroun provient de ce que l'Etat était coupé en deux ; d'une part une minorité de gens qui décident dans l'unilatéralisme et de l'autre le peuple, la cohue de la misère qui n'était nullement au courant du fonctionnement des institutions. Ce d'autant plus que les medias étaient aussi affiliés à l'un ou l'autre camp. Ainsi, il y a les médias du gouvernement et les médias d'opposition. Le Cameroun présentait donc les traits de l'Etat originel Mastropaolien ; C'est-à-dire l'Etat tel que pensé à ses origines par Alfio MASTROPAOLO (1986).Il s'agit d'un Etat qui émerge suite à la concentration du pouvoir de décision par la caste des détenteurs des capitaux.Ces derniers se distinguant,constituent l'Etat et le reste du peuple formant ipso facto la société.

Depuis son arrivée au Cameroun en 2004 et précisément dans le but poursuivi par le Cameroun en 2006 à savoir celui d'atteindre le point d'achèvement de l'initiative PPTE, l'ambassadeur américain R. NIELS MARQUARDT, défendant la position de Washington s'est beaucoup impliqué dans le combat pour la bonne gouvernance. En cela, il rejoignait les institutions de Bretton Woods. Il est vrai que les buts déclarés étaient différents. Pour les institutions de Bretton Woods,il s'agissait d'amener le Cameroun par une rigueur budgétaire à démontrer sa capacité à créer des richesses. Et, pour Washington, il s'agit d'avoir un partenaire commercial fiable, dans lequel les investissements sont en sécurité ; un partenaire dans lequel le risque pays est peu élevé.

Même si les buts déclarés divergent, dans la pratique, aussi bien Washington que Bretton Woods insistent sur la nécessaire démocratisation de la gestion des ressources publiques pour le développement durable.

La démocratisation de la gestion des ressources publiques suppose que les dépenses sont effectuées de manière transparente et consensuelle. L'opacité observée ces dernières années a conduit à « l'enrichissement scandaleux » de certains Camerounais. Le montant total de la dette du pays est inférieur aux avoirs à l'étranger de quelques individus (avoirs estimés à 8 000 milliards de FCFA). La démocratie suppose aussi l'établissement des normes et règles stables et connues qui rythment les investissements. Il faut qu'un investisseur étranger qui arrive au Cameroun ait l'assurance que le droit protège son investissement par des règles justes et précises.

Avec l'atteinte du point d'achèvement en avril 2006, c'est la victoire non pas seulement de la rigueur budgétaire mais, surtout de la démocratie qui en s'implantant davantage, a changé les règles du jeu.

En définitive, il paraît que l'examen de la politique américaine au Cameroun en matière économique conduit inévitablement à l'exploration des pratiques et exigences que les institutions de Bretton Woods utilisent depuis 1986, ces exigences et pratiques ont connu une évolution depuis 1996 avec la naissance de l'initiative PPTE qui a crée la conditionnalité politique. Une fois que cela a été dit, il convient de relever que c'est à titre global, le cadre qui délimite les relations du Cameroun avec le IFI et Washington. L'attention doit cependant être portée sur le rapport précis et explicite que les Etats-Unis établissent entre l'assistance économique au Cameroun et la consolidation démocratique.

SECTION II : L'assistance économique américaine et la promotion de la démocratie au Cameroun.

Depuis la décennie 1990, l'Administration américaine conditionne son assistance économique par la nécessité de reformes institutionnelles. La politique africaine disait Warren Christopher en Afrique du Sud le 12 octobre 1996 « consiste à promouvoir la démocratie, à éviter les conflits, à stimuler la prospérité et l'intégration économique et à soutenir le développement durable » (extrait cité par Charles COREY dans la revue Afrique/Etats-Unis N°05 d'octobre 1996). Mme Susan RICE quant à elle relevait qu'il faut accélérer l'intégration de l'Afrique dans l'économie mondiale.  Cet objectif implique l'engagement simultané de notamment «  la promotion des reformes économiques ... le soutien à la démocratie, l'encouragement du respect des Droits de l'Homme... ». Lors de ce discours prononcé le 11 septembre 1997 devant la commission sénatoriale des relations extérieures, Susan RICE désignée par Bill CLINTON pour être secrétaire d'Etat adjointe chargée des affaires africaines faisait déjà un rapport entre la démocratie et le développement économique. L'idée de la conditionnalité politique faisait donc son chemin dans la politique africaine des Etats-Unis. C'est dire que 2001 ne constitue pas l'année zéro de la promotion démocratique au Cameroun ; c'est aussi dire que l'assistance économique des USA vis-à-vis du Cameroun relève d'abord du souci des américains de voir l'Afrique se développer. Il s'agit d'un élan d' « humanisme ». L'objectif c'est donc de démontrer que la promotion de la démocratie par les Etats-Unis au Cameroun conditionne le décollage économique par une consolidation démocratique.

E. L'allégorie du Banquier ou la nécessaire construction d'un cadre institutionnel garant des investissements.

Pouvez-vous donner tout le temps de l'argent à quelqu'un qui n'a pas les moyens de le sécuriser contre les voleurs ? La Banque peut-elle vous donner de l'argent sans avoir la garantie que vous pouvez rembourser ? Lors d'une visite à section économique et politique de l'US Embassy à Yaoundé, ces deux interrogations nous ont été adressées. En effet, pour justifier la rigueur avec laquelle les américains traitent le Cameroun, M. J.P.Y nous a rappelé que c'est une vaine entreprise que de mettre de l'argent dans un pays si chaque fois il finit dans les comptes de particuliers. L'argent peut être de l'aide, des investissements, l'appui à des projets. Les Etats-Unis soucieux de faire du Cameroun un partenaire commercial ont besoin des garanties de stabilité politique et économique ; d'un cadre institutionnel propice aux investissements. L'on se trouve dans l'ère diplomatique caractérisée par le «  Trade Not Aid » lancée par Bill CLINTON en 2000.Ce slogan sonne le glas des aides dans le cadre des relations entre les Etats-Unis et l'Afrique. L'inefficacité de l'aide a été prouvée ; celle-ci est nourrie par l'absence des cadres institutionnels qui permettent le respect rigoureux de la chose publique et la primauté de l'intérêt national. Le constat de ces pratiques patrimoniales au Cameroun a poussé l'US Aid à fermer ses locaux de Yaoundé en 1994. Cette institution contestait en plus la légitimité du gouvernement issu des élections du 11 octobre 1992.Dans la même époque, Warren Christopher, secrétaire d'Etat américain suspendait la vente d'appareils et véhicules militaires au Cameroun. Il disait « les USA ne peuvent plus perdre leur temps et leur argent à soutenir des pays qui ne veulent pas se développer » .Tant il est vrai que pour les Etats-Unis, le développement passe par la consolidation démocratique. Il s'en suivra donc la fermeture du service commercial de l'US Embassy.

Rendus dans les années 2000, les leçons du passé exigent une révision de la position américaine. Désormais, l'Amérique devient partenaire du développement et non son instigateur par les aides. Dans « Bush donnant-donnant » article publié dans Libération n° du 05 mars 2002, Barthélemy GOURMONT développe l'idée selon laquelle c'est nocif pour les pays sous-développés de recevoir l'aide car dit-il, ces derniers ne se responsabilisent pas s'ils ont la possibilité de recevoir de l'aide sans aggraver leur endettement. Au-delà du sous-entendu de l'auteur qui pense que l'endettement responsabilise les pays sous-développés, il convient de rappeler qu'il vaut mieux aider à la construction d'un coffre-fort pour sécuriser l'argent que d'en donner tout le temps, sachant qu'il disparaîtra. La politique de Washington est précise sur ce point. Paul O'NEILL, secrétaire au trésor déclarait devant la commission au développement le 21 avril 2002 : « les pays justement gouvernés, qui investissent dans leur peuple et encouragent la liberté économique recevront plus d'assistance de Washington ».A l'ère de l'intensification des échanges commerciaux entre les deux pays, Washington tient à l'établissement d'un cadre institutionnel qui sécurise ses investissements, et promeut l'initiative privée.

Tableau 2 : Etat des échanges US /Cameroun en millions de dollars U.S

 

2003

2004

2005

2006

Importations du Cameroun

214.0

308.2

157.6

217.0

Exportations vers le Cameroun

90.7

99.6

117.1

318.0

source : U.S department of commerce Bureau of census.2006

Tableau 3 : Evolution illustrative de l'investissement US. au Cameroun

 

FY 1998

FY 2005

FY 2006

FY 2007

IMET

125

236

248

295

Peace corps

2,809

2,827

3,00

3,043

Total

2,934

3,063

3,275

3,338

. Source : Africa Policy report (en milliers de dollars US).2006.

Alors qu'avant 2000 les échanges entre les deux pays reposaient sur le pétrole essentiellement (soit 95 %), le reste constitué des pièces de rechange pour les Boeing et l'informatique, aujourd'hui les chiffres de l'échange entre les deux pays se sont envolés. En réalité, d'après la section économique et politique de l'US Embassy, avant 2000 les exportations et importations tournaient sensiblement autour de 50 millions de dollars US et le pétrole constituait la denrée première des échanges. Alors qu'on parle désormais en termes de centaines de millions de dollars US. Cela peut signifier qu'il y a eu évolution dans la construction d'un cadre institutionnel propice. L'on comprendrait alors le sens de l'appel lancé en mai 2006 par M. NIELS MARQUARDT à ses compatriotes entrepreneurs leur signifiant que le Cameroun est désormais un pays propice aux investissements. Dans Mutations n° 1650 du mercredi 10 mai 2006, il dit : «  l'avis partagé est que certains changements dans les structures et les institutions politiques vont booster le Cameroun en terme d'investissements non seulement par les étrangers mais aussi par les camerounais eux-mêmes ».

En fin juin 2005 déjà, s'est tenu à Baltimore un forum afro-américain où était présent son Excellence R. NIELS MARQUARDT pour convaincre les investisseurs américains des opportunités d'affaire qu'offre le Cameroun (Cameroun Tribune N° 8383/4582 du lundi 04 juillet 2005).

C'est qu'en effet, faisant suite aux appels pressant de l'Administration américaine par la voix de son ambassadeur, le gouvernement de la République a entrepris un vaste chantier de reformes institutionnelles. Une loi du 21 avril 2003 crée la chambre de comptes qui vise à l'application de l'article 66 de la constitution du 18 janvier 1996. L'arrestation le 21 février 2006 des directeurs généraux du FEICOM, de la SIC et du Crédit Foncier, la mise à la disposition de la justice du Ministre des Mines, de l'Eau et de l'Energie le 24 février 2006 sont quelques actions d'éclat qui s'inscrivant dans la logique de l'opération « épervier » participent de la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics ; deux maux qui plombent le décollage économique . L'observatoire de lutte contre la corruption est crée en janvier 2000 et remplacé par la CONAC le 11 mars 2006. Dans le même sillage l'Agence Nationale d'Investigation Financière voit le jour. Tout cela est déclenché près d'une semaine seulement après l'inauguration de la New Embassy Compound (NEC) qui a eu lieu le 06 février 2006. Inauguration au cours de laquelle, Mme JENDAYI FRAZER la sous secrétaire d'Etat représentant la secrétaire d'Etat disait : « nous allons coopérer avec votre gouvernement dans la lutte contre la corruption ».

Le Premier ministre M. INONI Ephraim a donné aux américains l'assurance que la reforme judiciaire, un code d'investissement et des taxes attractifs seront réalisés pour faciliter les affaires avec le Cameroun (Cameroun Tribune N° 8397/4596 du vendredi 22 juillet 2005) il dit : « ... Our determination to create a trade investment agency to facilitate the establishment of business structures was applaud by the American business community. » Le Cameroon est l'un des 136 pays, où les investissements sont protégés.

Tout se passe comme si les Etats-Unis se sont impliqués profondément dans la construction du cadre institutionnel qui manquait au Cameroun pour son développement économique. La loyauté du Cameroun vis à vis de la politique américaine lui a rapporté des fruits.

L'ambassadeur américain NIELS MARQUARDT qui s'est déclaré l'allié du Président de la République dans la lutte contre la corruption, est devenu l'avocat du Cameroun auprès des institutions de Bretton Woods et des investisseurs américains. Il s'agit peut-être là, du signe que la consolidation démocratique dans ce qu'elle a d'économique est en bonne voie. D'ailleurs l'Ambassadeur NIELS MARQUARDT l'a signifié à ses compatriotes à Douala le 9 mai 2006. Il disait: « the positive decision by the world Bank and IMF two weeks ago on Cameroon reaching the HIPC completion point are obvious strong indicators that the country is moving in the right direction ... Recent decisions to implement article 66 of the constitution indicate that sea change's under way here ».Dans la promotion de l'économie libérale comme substrat de la démocratie au Cameroun, les Etats-Unis utilisent plusieurs instruments en plus des institutions de Bretton Woods.

F. Les instruments de l'assistance économique au service des USA au Cameroun.

Il faut dire d'emblée que ces instruments ne sont pas exclusivement utilisés pour le Cameroun mais, pour toute l'Afrique subsaharienne. De plus, il a déjà été largement question ci-dessus de la collusion entre les intérêts de Bretton Woods et ceux de Washington. Aussi, il sera question dans cet espace d'autres instruments, mais à propos d'instruments, il s'agit précisément des cadres de l'assistance. Ces cadres aménagés par le USA pour rendre cohérente leur assistance vis-à-vis de l'Afrique ; du Cameroun.

Pour les Etats-Unis d'Amérique, la cohérence dans la politique africaine a une nécessité. En matière économique, tous les acteurs impliqués s'inscrivent dans la lignée tracée par l'Administration. Ainsi, lorsque la Maison-Blanche décide en décembre 2004 du retrait de la Côte-d'Ivoire du programme de l'AGOA, tous les investisseurs américains mettent une croix sur le pays. Il y a en réalité une incessante inter-connection entre les milieux d'affaire et l'Administration aux Etats-Unis. Même si le secteur privé est indépendant, il demeure vrai que ses activités obéissent à la politique gouvernementale et s'en font même les véhicules

L'instrument le plus anciennement utilisé est constitué par les investisseurs du secteur privé et les ONG. Les investisseurs américains ont des moyens colossaux et des lobbies puissants au congrès. Le Corporate Council on Africa (CCA) est un cadre aménagé pour développer les relations d'affaire avec l'Afrique. Créé en 1993, le CCA encourage les PME américaines quant aux opportunités d'affaire qu'offre l'Afrique noire. En 1999, 86 entreprises américaines étaient inscrites au CCA ; ce nombre en 2005 s'est élevé à 200. Et, la logique est claire : «  on ne peut pas vendre si nos partenaires africains ne peuvent pas acheter. Il nous faut donc participer au développement du continent » déclarait Stephen HAYES président du CCA à ZYAD LIMAM dans Jeune Afrique l'intelligent N° 2319 du 19 au 25 juin 2005.

Les investisseurs privés encadrés par la politique étrangère, sont donc des porte- fanions de l'assistance américaine pour le développement du Cameroun.

Les ONG sont un autre instrument ; le plus efficace même peut-on penser. En fait, celles-ci sont des sources d'informations de première main et constituent le moyen le plus sûr pour atteindre les populations. Elles s'intéressent à tous les secteurs de la vie. Des droits de l'homme avec « Human Rights Watch » fondé en 1978 aux affaires sociales avec FAMM Cameroun en passant par l'environnement avec CARPE. De retour des USA le 31 juillet 2006 ; le Ministre de l'environnement et des forêts M. EGBE ACHUO HILLMAN annonçait que les Etats-Unis vont financer à travers l'ONG CARPE établie en RDC la protection de l'environnement au Cameroun en recrutant notamment 600 éco-gardes. Et dans ce domaine, World Wild-life Fund et Wildlife Conservation Society (WCS ET WWF) font figure de géants.

FAMM Cameroun

Fondation pour l'assistance maladie et maternité (FAMM), est une ONG qui s'inscrit dans la droite ligne de la coopération USA-Cameroun. Fondée en février 2002 par Brigett AMBELLA Jeffrey une américaine d'origine camerounaise, elle vise à assurer la sécurité sociale au Cameroun en s'intéressant aux couches défavorisées. Elle s'appuie sur la convention 102 de l'OIT dont le Cameroun est signataire. Travaillant en partenariat avec l'ambassade US à Yaoundé, elle a une clinique à Douala, une à Bamenda et quatre agences à Yaoundé. Elle travaille avec des hôpitaux publics et privés, en collaboration avec le Ministre des affaires sociales. Les fonds viennent majoritairement des USA et des institutions financières internationales.

En plus de ces structures un peu plus globales, l'on peut citer des cadres gouvernementaux tels qu'EXIMBANK, le compte du Millénaire, l'overseas private investment corporation et les Fonds spéciaux de l'Ambassade qui en plus de l'AGOA sont des programmes strictement gouvernementaux d'aide et assistance économique au Cameroun.

Le Millenium Challenge Account est crée en 2004 par le président BUSH pour récompenser les pays en développement qui encouragent la liberté dans le domaine économique et qui investissent dans le social. Il est doté d'un budget de 1,5 milliards de dollars US. Le Cameroun y est admissible.

L'export-import Bank (EXIMBANK) finance les opérations de commerce extérieur avec les Etats-Unis. Avec 71 ans d'existence, elle est l'outil indispensable de l'AGOA pour l'Afrique, elle garantit 85 % des contrats signés entre les USA et l'Afrique Subsaharienne.

En août 2003, elle signe une convention avec Afriland First Bank. Par cette convention, les entreprises camerounaises peuvent obtenir des financements pour développer leurs activités avec le marché américain. EXIMBANK débloque les crédits et Afriland s'occupe du suivi. EXIMBANK a par ailleurs participé pour 200 millions de dollars au financement du pipeline à Kribi.

Il faut également citer l'Overseas Private Investisment Corporation (OPIC) fondé en 1971, elle supporte la politique étrangère des USA dans 150 pays. Sa mission est de mobiliser et de faciliter la participation du capital US et de son ingénierie pour le développement social et économique des pays moins développés, et des pays en transition des économies précaires aux économies de marché. Dans la même logique l'on peut citer l'USTDA (United State Trade and Development Agency).

L'ambassadeur joue un rôle très important dans la promotion de l'économie libérale au Cameroun. En effet,de Frances COOK (1989-1993) à NIELS MARQUARDT (depuis juillet 2004) en passant par HARRIET W . ISOM ( 1992-1996) et Georges MCDADE STAPLES (2001-2004), les ambassadeurs américains au Cameroun sont les têtes de proue de l'application de la politique US. Ils disposent pour cela de fonds spéciaux qui leur permettent de voler au secours de couches défavorisées et des minorités.La section économique de l'Ambassade soutient et encadre les PME Camerounaises. C'est ainsi que cette dernière va conduire en novembre 2006 une délégation d'entrepreneurs camerounais à Chicago pour assister à un forum sur l'emballage et l'agro-industrie. Ces entrepreneurs vont certainement nouer des contacts avec leurs homologues américains et pour certains avoir des financements pour leurs entreprises.

L'instrument le plus utilisé cependant dans ces dernières années est l'AGOA (Africain Growth and Opportunity Act). Les 26 et 27 juin 1994, se tenait à Washington une conférence sur l'Afrique. Lors de cette conférence, le président CLINTON affirmait la volonté des USA de « maintenir leur aide à l'Afrique et de l'accroître ». Les canaux par lesquels devraient être véhiculée cette aide étaient jusque-là des dons et l'administration américaine ayant fait le constat de l'échec des différents plans de Bretton Woods et des partenaires bilatéraux de l'Afrique, étudiait le moyen le plus efficace.

La conclusion fût le « Trade not Aid » mais dans quel cadre ? la formule fut trouvée et matérialisée le 18 mai 2000 par la promulgation par Bill CLINTON de la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (African Growth and Opportunity Act.). Il s'agit pour l'administration américaine d'intensifier les échanges commerciaux avec l'Afrique Subsaharienne.

Tableaux illustrant les échanges commerciaux américains avec le Cameroun et Ses voisins avant l'AGOA.

Tableau 4 : Exportations américaines (1994-1996) en millions de dollars US.

 

1994

1995

1996

Cameroun

53,6

45,7

70,6

Centrafrique

2,5

6,1

3,8

Congo Brazzaville

38,0

54,7

62,4

Gabon

40,2

54,3

56,1

Guinée Equatoriale

1,9

5,3

16,8

Nigeria

509,1

602,2

816,2

Tchad

7,5

10,8

3,4

Source: the corporate council on Africa.1998.

Tableau 5: Importations américaines (1994-1996) en millions de dollars U.S

 

1994

1995

1996

Cameroun

55.2

47.7

64.5

Centrafrique

2

4

3

Congo Brazzaville

403.0

207.0

397.4

Gabon

1,154.6

1,449.4

1,949.1

Nigeria

4,429.8

4,774.7

5,949.1

Tchad

108

3.2

7.1

Source: The corporate council on Africa.1998

Le 11 octobre 1995, Susan RICE devant le Washington International Council présentait l'Afrique comme un marché alléchant en parlant de « the significant potential of Africa as export market ». La même année, les exportations américaines en terme de biens et services en direction de l'Afrique sont chiffrées à 5,4 milliards de dollars. Le 05 février 1996, l'Administration CLINTON soumet au congrès un important rapport sur le développement de la politique commerciale avec les pays africains (BUNDUKU-LATHA, 1999 : 80-81). D'après l'African policy report, en 1996 la part des USA au marché africain était 7,7% alors que l'Union Européenne avait 40 %. La loi promulguée en 2000 est donc une réponse à la question de savoir comment faire pour accroître la part américaine dans le marché africain.

L'AGOA est donc un programme de coopération économique entre les Etats-Unis et l'Afrique subsaharienne qui permet l'entrée en franchise de douanes des produits de 37 pays africains dont le Cameroun. Il permet la diversification des produits objets d'échange entre l'Afrique et les Etats-Unis. Ainsi, le pétrole cesse d'être la seule denrée importée d'Afrique. En 2004, les Etats-Unis d'après les institutions de Bretton Woods constituent déjà le premier exportateur vers le Cameroun avec 39%, 25% pour l'Italie et 15 % pour la France. Dans le cadre de l'AGOA toujours, EXIMBANK prévoit 30 milliards de FCFA par an pour les importations Camerounaises mais, la section économique et politique de l'US Embassy à Yaoundé déplore que seulement un dixième soit utilisé par le Cameroun.

Néanmoins, l'AGOA a démultiplié les chiffres des échanges commerciaux entre les Etas-Unis et l'Afrique comme l'illustrent les chiffres des exportations et des importations entre les USA et quelques pays voisins du Cameroun ; ce dernier inclus.

Tableau 6 :Exportations U.S vers le Cameroun et ses voisins 2003-2005 en milliards de dollars. US

 

2003

2004

2005

Cameroun

90,7

99,6

117,1

Centrafrique

7,4

30,0

14,7

Congo

78,6

65,7

103,8

Gabon

63,0

93,0

98,0

Guinée Equatoriale

335,7

215,4

249,1

Tchad

64,4

41,4

53,8

Nigeria

1,019.0

1,554.3

1,615.0

Sao Tomé et principe

1,4

3,7

10,2

Source: US department of Commerce, Bureau of Census.2006.

Tableau 7 : Importations US du Cameroun et de ses voisins 2003-2005 en millions de dollars US.

 

2003

2004

2005

Cameroun

214,0

308,2

157.6

R.C.A

2.0

8.8

5.7

Tchad

22.5

756.2

1.494.6

Congo

432.8

857.5

1.624.8

Guinée Equatoriale

903.5

11703

15618

Gabon

19695

24667

28156

Nigeria

10,393.6

16,243.5

24,188.3

Sao Tomé et principe

0.1

0.1

0.2

Source: US department of commerce, Bureau of census.2006.

De façon claire, il apparaît qu'à partir de l'AGOA les exportations et les importations américaines vis à vis de l'Afrique se sont envolées.

Le Cameroun est éligible à l'AGOA depuis le 02 octobre 2000. Le cadre juridique qui encadre les activités camerounaises au sein de l'AGOA est fait d'un décret N° 2001/874/PM du 1er octobre 2001 portant création, organisation et fonctionnement du comité technique national de suivi de la loi américaine sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique. En plus, il y a l'arrêté ministériel N° 93/MINDIC/CAB du 31 décembre 2001 donnant composition du « comité technique constitué d'un président, d'un secrétaire général et de 12 membres représentant diverses administrations publiques. Enfin il y a l'arrêté conjoint N° 00024/MINDIC/MINFIB du 18 janvier 2002 portant institution des dispositions réglementaires relatives au contrôle des exportations en matière de textile dans le cadre de l'AGOA.

En collaboration avec l'ambassadeur George M. STAPLES le gouvernement camerounais qui a ainsi posé les jalons de cette coopération économique avec les USA, a oeuvré pour la croissance des exportations en direction des Etats-Unis. Ainsi, en 2002 une trentaine de produits camerounais sont exportés aux USA même si moins d'une dizaine sont significatifs comme l'illustre le tableau ci-dessus.

Tableau 8 : Principaux produits camerounais exportés vers les USA (2001-2002) .

Produits

2001

 

2002

Valeur

Quantité

(en tonnes)

Valeur

Quantité

(en tonnes)

Huiles brutes de pétrole

122 543

10 952

491 228

55 758 333

Carburants et lubrifiants

101 209

8 988

96 902

9 528 589

Pâte de cacao

1 134

990

6 084

8 322 820

Bois sciés

7 855

2 676

7 024

2 485 072

Latex de caoutchouc

1 895

877

106

34 200

Café arabica

588

687

450

535 500

Feuilles de placage

667

145

 
 

Traverses en bois

620

473

40

7 123

Productions art statutaire

39

23

74

3 370

Total exportations aux USA

238 743

26 352

610 088

86 492

Source : direction des douanes.2003.

CHAPITRE II :
Logiques politiques de la mondialisation au Cameroun : The one best way of thinking politics.

La promotion de la démocratie au Cameroun n'est pas une entreprise exclusivement américaine. En tant que phénomène global, elle comporte des aspects socio-culturels qui seront minorés dans cette analyse. Promouvoir la démocratie au Cameroun ou mieux assister le Cameroun dans sa consolidation démocratique est d'abord une entreprise qui relève de la mondialisation de la pensée politique occidentale. Elle allie le développement économique et la démocratie ; autrement dit, elle part du postulat que la démocratie en tant que régime politique est le cadre idéal pour le développement économique. Ainsi, les rigueurs des institutions de Bretton Woods n'ont pu générer du changement que dès lors qu'elles ont intégré les reformes institutionnelles au rang des conditionnalités. Nulle intention de notre part de dire que seul le régime démocratique peut se développer économiquement. Nous partons de l'affinité élective que s'il y a démocratie, il peut y avoir développement. Cependant, les Etats-Unis pensent que la démocratie est la condition Sine qua non pour le développement. C'est pourquoi, l'Administration américaine portée par la volonté d'aider l'Afrique à se développer, a fait de la promotion de la démocratie un objectif important de la politique étrangère. George W. BUSH quant à lui, a fait de la promotion de la démocratie et des Droits de l'Homme le premier objectif de sa politique étrangère. Mais, à l'intérieur même de l'Afrique des voix s'élevaient pour expliquer l'absence de développement économique par la tyrannie et l'arbitraire. En 1989, la Commission Economique pour l'Afrique (CEA) des Nations Unis adressait une critique à la Banque Mondiale en disant : « une structure de rechange pour l'Afrique doit s'enraciner dans la démocratisation du processus de prise de décision au niveau local et national, et, à celui des citoyens afin de générer un consensus nécessaire et le soutien de la population » (HYDEN et BRATTON, 1992 : 85). Après avoir donc présenté l'assistance économique comme un des aspects de la mondialisation qui est aussi politique, il faut dire que notre démarche est fondée sur la conviction avec les Américains que la démocratie et le développement économique ont partie liée. Il convient dès lors de se pencher sur l'assistance américaine auprès du Cameroun pour consolider les trois aspects de la démocratie (Section I) et, faire un voyage au coeur de ce chantier pour se permettre une évaluation précoce (Section II).

SECTION I : Assistance à la consolidation de la compétition,de la participation et du respect des droits.

La consolidation démocratique est un processus qui transforme les habitudes et les structures. En réalité, puisque pour le cas spécifique du Cameroun, il y a volonté de passer de la simple décompression autoritaire à l'institutionnalisation de la démocratie, il s'agit pour les Etats-Unis d'aider le Cameroun à faire chose et corps les règles du jeu démocratique. Il faut cesser de considérer l'autre comme un ennemi dans un pays qui a une mosaïque de peuples, cultures et coutumes. Parce que le politique produit des effets unitaires et d'ordre, comment penser la stabilité, l'unité, l'ordre, au Cameroun et partant, faire décoller l'économie du pays alors que tout divise les Camerounais ? L'une de réponses a été l'autoritarisme pendant l'Etat camerounais de la première et deuxième génération. A cette époque, celui qui ne pensait pas comme le voulait le pouvoir central était un "Ennemi" au sens Schmittien du terme et était stigmatisé (SCHMITT,1992). Aujourd'hui, le peuple et les bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux aspirent à autre chose pour le Cameroun. La consolidation démocratique vise donc à renforcer le statut de "l'Autre" en tant qu'adversaire, statut acquis avec la libéralisation. Les Etats-Unis assistent le Cameroun de diverses façons, pour que la démocratie soit faite chose et corps.

A) Pour l'institutionnalisation des pratiques démocratiques.

La compétition, la participation et le respect des libertés civiles et politiques sont les trois traits caractéristiques de la démocratie que nous retenons d'après DIAMOND, LINZ et LIPSET. Donner corps à la démocratie c'est renforcer ou bien mettre sur pied les structures qui garantissent l'Etat de droit démocratique. Y a-t-il un rapport entre les reformes institutionnelles entreprises au Cameroun après 2001 et la politique américaine de promotion de la démocratie dans le monde ? Manifestement la réponse est affirmative.

La compétition pour la conquête du pouvoir au Cameroun a souvent été un moment important. En octobre 1992 il y eut une élection présidentielle fortement contestée par Frances COOK alors ambassadeur des USA au Cameroun. A la suite du refroidissement des relations avec le Cameroun, plusieurs programmes U.S. furent fermés à Yaoundé et Douala. La pression américaine au travers des institutions de Bretton Woods et dans le cadre bilatéral a permis une évolution en matière électorale. Dès les années 1990 par ailleurs, les USA oeuvrent auprès des partis d'opposition pour leur apprendre l'art de la contestation non-violente. 1997 marque une rupture d'avec l'habitus électoral qui consistait à fabriquer par décret le cadre normatif des élections quelques semaines avant l'élection. Adrian KARATNYCKY stigmatisait l'élection présidentielle d'octobre 1992 du fait de l'opacité des règles du jeu (KARATNYCKY, 2002 : 143). La stabilité et la régularité du cadre normatif qui régit la compétition pour la conquête du pouvoir sont importantes pour que les règles du jeu ne soient ignorées de personne. La manipulation des votes que les observateurs ont souvent reprochée au Cameroun est le signe que les candidats ne sont pas capables d'accepter le verdict des urnes dont Philippe BRAUD dit qu'elles sont le juge suprême. Alors même que la démocratie est d'après PRZEWORSKI ; « a system in which parties lose elections » (1996 : 10). C'est dire qu'en plus de la stabilité du cadre normatif, il faut que les candidats soient "fair play" (ELIAS & DUNNING ; 1994). A l'observation des élections du 30 juin 2002 et de 2004, il apparaît comme une maturation .L'absence de tripatouillage des textes électoraux qu'Alain Didier OLINGA (2003) impute à l'incertitude du calendrier électoral est un signe révélateur de cette maturité. L'on pourrait imputer cette maturation à la présence américaine qui s'intensifie après 2001. Ce, d'autant plus que le Freedom House a qualifié de démocratiques les élections de 2004. M. Donald YAMAMOTO confiait à Christine A. TERRADA du "Washington File" en novembre 2005 que le Cameroun est devenu un pays où l'attitude est essentiellement positive, il y a eu d'assez bonnes élections en 2004 et les autres pays du continent devraient s'en inspirer.

Un travail intense de coopération technique est à la base de cette amélioration de l'image du Cameroun. Parmi les partenaires du Cameroun dans cette action il y a les Etats-Unis.

Les Américains se sont donnés comme objectifs dans la promotion de la démocratie au Cameroun de participer à la mise sur pied d'un processus électoral transparent. Ainsi, l'ambassade U.S. à Yaoundé travaille en partenariat avec le gouvernement camerounais pour la création d'une ONEL réellement indépendante, pour la reforme du processus électoral, l'inscription des votants, l'informatisation du fichier électoral, l'établissement du nouveau code électoral. En vue des municipales et législatives de 2007 et la présidentielle de 2011, l'ambassade américaine travaille avec la Présidence de la République et le gouvernement pour des élections libres et transparentes. La même ambassade supervise un groupe constitué du Canada, du Japon de l'Union Européenne et du PNUD pour la coordination et le soutien aux élections futures au Cameroun.

Le gouvernement a en cette année révolutionnaire 2006, mis en place des structures qui participent de la consolidation démocratique. Le 11 mars 2006, le président de la République créait par décret la Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC) pour constituer le cadre institutionnel de la lutte contre la corruption. La CONAC remplaçait ainsi l'Observatoire de lutte contre la corruption mis sur pied en janvier 2000. Dans la foulée, l'Agence Nationale d'Investigation Financière (ANIF) a vu le jour.

Le 6 avril 2006, fût adoptée et promulguée la loi sur la déclaration des biens et des avoirs. En effet, le projet de loi N° 787 portant sur la déclaration des biens et avoirs a été déposé par le Vice Premier Ministre, ministre de la Justice le 16 mars 2006 et visait à l'application de l'article 66 de la constitution du 18 janvier 1996. Votée par 50 députés sur 180 seulement, cette loi constitue un cadre de taille pour la lutte contre la Kleptomanie

Par ailleurs, le 27 juillet 2005 fût promulguée la loi N° 2005/007 portant sur le nouveau code de procédure pénale. Ce document qui a 747 articles, a pour vocation de limiter les abus de pouvoir pour que nul ne soit au-dessus de la loi ; encore moins les forces de police. La chambre des comptes de la Cour Suprême voit le jour par la loi du 21 avril 2003 fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de cette instance. Dès le 19 décembre 2000, la loi N° 2000-15 relative au financement public des partis politiques et des campagnes électorales fut adoptée par l'Assemblée et promulguée par le Président de la République. Il s'agit de quelques structures mises sur pied dans l'objectif de consolider le cadre démocratique. Nulle intention de dire que ces actions d'éclat sont à l'actif des Etats-unis. Cependant, elles s'inscrivent dans leur logique de consolidation de la démocratie au Cameroun. Heureuse coïncidence ? Toujours est-il que le 19 janvier 2006, R. Niels MARQUARDT disait devant la presse : « J'ai de bonnes raisons de croire que l'article 66 sera mis en application en 2006 » et trois mois plus tard, cela fut fait. Au cours du même discours, il stigmatisait le degré de corruption atteint au Cameroun et deux mois plus tard la CONAC était mise sur pied. Et, bien plus, après ces déclarations près d'un mois après, des hauts cadres de la République ont été appréhendés comme cela sera démontré dans la partie soulignant les efforts faits pour que la démocratie soit faite corps.

Nous pensons que les initiatives entreprises au Cameroun dans le cadre de la consolidation démocratique s'inscrivent dans le souci américain de voir s'établir au Cameroun un régime entièrement démocratique. Le 21 juillet 2005, le Premier Ministre revenait d'une visite de 15 jours des Etats-Unis, « visite effectuée sous haute instruction du chef de l'Etat pour présenter aux autorités américaines ce qui est fait au Cameroun en matière de bonne gouvernance, de respect des Droits de l'Homme, de démocratie et de redressement de l'économie nationale » (Cameroon Tribune N° 8397/4596 du vendredi 22 juillet 2005). Et, le professeur Dieudonné OYONO coordonnateur du programme national de gouvernance avoue de retour de ce voyage que : « cette visite nous a permis notamment de nous rendre compte à quel point les problèmes de gouvernance occupent une place centrale dans les relations entres les USA et les pays africains. Ces questions ont été au centre de tous les entretiens aussi bien au Département d'Etat, qu'au M.C.C. et au Freedom House » (C.T.n° 8397/4596 du 22-07-2005). Tout se passe comme si ce voyage était l'occasion pour le chef du gouvernement et sa suite de recevoir la feuille de route pour la consolidation démocratique au Cameroun.

Les médias, acteurs majeurs dans la « Vertical accountability » sont également sensibilisés et formés pour encadrer le processus électoral. En vue des élections d'octobre 2004, une délégation de six (06) journalistes camerounais a séjourné aux USA du 1er au 12 mars 2004. Ils ont participé à un programme du Bureau des visiteurs internationaux portant sur l'élection présidentielle. Le principe est d'après les USA que, pour assurer la transparence des élections le public doit disposer des informations. C'est ainsi que Thierry NZOUETOM NGOGANG (Mutations), FUL PETER (CRTV), Félix ZOGO (MINCOM), Didier parfait BAPIDI (Radio Reine), georgewill MBAH FOMBE (Cameroon Tribune) et Mary AYOMPE (Magic FM) ont été à l'école américaine de la couverture médiatique des élections. Un programme de bourses appelé KNIGHT FELLOW permet aux journalistes camerounais de se perfectionner aux Etats-unis. Ainsi, les médias camerounais sont acteurs dans la promotion américaine de la démocratie au Cameroun.

La participation est aussi consolidée et faite corps à travers la formation et le soutien accordés à la société civile. Dans une démocratie, il n'y a plus différenciation entre l'Etat et la société. La société civile devient un contre pouvoir car comme le pense MONTESQUIEU, seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir. L'art de la revendication et de la protestation au travers de la société civile nécessite un cadre réglementaire et une éducation. Ainsi, l'ambassade américaine à travers sa section politique prête secours aux organisations de défense des droits des couches défavorisées et des minorités. La population camerounaise est mise à contribution dans la promotion de la démocratie au Cameroun. Dans le cadre de la création d'un environnement propice à la contestation et à l'adversité, les syndicats de travailleurs, les associations d'étudiants bénéficient de l'aide financière et de l'expertise des Etats-unis. Le 26 octobre 2006, l'Association pour la Défense des Droits des Etudiants du Cameroun (ADDEC) a reçu 8.361.500F CFA de l'ambassadeur des Etats-unis. Cette somme représente le financement perçu dans le cadre de l'éligibilité d'un projet de «  formation des leaders estudiantins au plaidoyer et au lobbying » C'est l'occasion de dire que l'ambassade US a un Fonds de Démocratie et des Droits de l'Homme (DHRF) qui finance exclusivement les projets en faveur de la promotion de la démocratie et des Droits de l'Homme. Programme destiné à aider à la création des structures propre à la démocratie, le DHRF a financé en 2005 des projets à hauteur de 80.000 dollars, et la même somme en 2006.

La démocratie étant un régime qui repose sur des structures, il faut en même temps construire celles qui manquent et renforcer celles existantes. Le parlement est le « Vox populi » car l'adaptation dans le contexte du XXIe siècle de la démocratie directe est impossible eu égard à la taille des Etats et au nombre croissant des populations. Aussi, nulle démocratie ne peut se dispenser d'un parlement qui est la figure même du peuple intégré dans la gestion des affaires de la cité. En plus de ce premier niveau de participation que promeuvent les Etats-unis à travers leur ambassade à Yaoundé, il y a l'assistance à la formation d'une société civile mais, plus, la population toute entière est appelée à s'intéresser aux affaires de la cité. Ainsi, les Etats-unis espèrent porter le message de la démocratie jusqu'au niveau du village. Il s'agit de dissiper la fracture entre le village et la ville car la division de la société en deux niveaux plombe les efforts de démocratisation. Il s'agit d'intégrer les minorités et les couches défavorisées dans la vie étatique. Puisque très souvent la priorité des villageois et des citoyens défavorisés est la recherche des moyens de subsistance plutôt que de s'intéresser à la politique, l'Amérique leur offre à travers le programme « Self Help » des ressources pour améliorer leurs conditions de vie. Les Etats-unis ont ainsi dépensé en 2006, 109.000 dollars pour 16 projets communautaires ; 58% pour la construction des salles de classe pour des communautés rurales défavorisées, 29% pour des installations d'eau et de santé. En 2005, 104.000 dollars ont été déboursés par l'ambassade soit 56% destinés à la construction des écoles, 30% pour des installations d'eau et de santé, 14% pour les infrastructures. Cette lutte pour l'amélioration des conditions de vie des couches défavorisées participe du souci d'allier différence, multiculturalisme et démocratie. Comme Charles TAYLOR (1994), il s'agit de penser que la société démocratique doit traiter tous ses membres comme des égaux. C'est pourquoi l'Ambassade des Etats-unis à Yaoundé s'active à institutionnaliser en collaboration avec le gouvernement de la République le soutien aux Droits de l'Homme en privilégiant les droits des minorités et des couches les plus vulnérables. Il s'agit dans la perspective d'une théorie libérale des droits des minorités (KYMLICKA, 2001), de financer des structures telles que le Center for Rehabilitation and Abolition of Torture (CRAT). Plusieurs visites ont été ainsi rendues au cardinal Christian TUMI à l'IMAM de la mosquée centrale de Yaoundé pour faciliter la liberté religieuse et l'encourager. Le Cameroun a 38 religions enregistrées au MINATD avec 20% de musulmans, 40% de chrétiens et 40% de traditionalistes et athées. En 2004, l'Ambassade américaine a octroyé une bourse et des équipements à l'association des étudiants musulmans du Cameroun. Il est déjà une tradition à toutes les fêtes de Ramadan que de voir l'ambassadeur offrir un dîner IFTAAR. Par ailleurs, en 2004 des conférences ont été organisées sur les thèmes « Islam and religions toleration », « contemporany Islam in Africa », « Understanding Islam ».

Ayant fait le constat que 90% des élèves sont battus à l'école et 97% par leurs parents, l'Ambassadeur américaine a supervisé la création en 2005 d'un projet pour l'éducation des parents et enseignants au respect des droits des enfants. Les droits de la femme ne sont pas en reste. En effet, dès 2005, le dîner IFTAAR offert par l'ambassade américaine avait autant de femmes que d'hommes pour promouvoir l' égalité au sein d'une religion dans laquelle la femme est reléguée au second rang. Un séminaire à la même année portant sur « women as political and economic leaders » a été organisé pour relever le rôle de la femme dans une société démocratique.

Il s'agit de penser avec ces éléments essentiellement illustratifs que l'Amérique assiste le Cameroun dans sa consolidation démocratique en l'aidant à construire le cadre de la pratique. Il faut rappeler le danger d'un thème de recherche comme celui-ci, car il est mouvant et l'actualité est son substrat. Il peut y avoir des éléments en faveur ou contre cette supposition au cours des années qui viennent. Au demeurant, la démocratie s'appuie sur les structures mais est vécue et lue à travers les hommes qui font le système.

B) Pour que la démocratie soit faite corps.

La démocratie consolidée suppose le changement des règles du jeu. De l'ennemi à l'adversaire, il y a changement de statut et donc d'attitude envers l'autre. Sous le régime de l'inimitié l'autre était à la merci de l'arbitraire tandis qu'avec la démocratie, en plus du cadre institutionnel qui change, les attitudes aussi sont appelées à être modifiées. Alors apparaît ce que Norbert Elias a appelé la « sportization » c'est-à-dire l'irruption des règles du sport dans la sphère politique (ELIAS et DUNNING, 1994). En effet tout comme le sport, la politique a des règles, des enjeux et des normes. L'établissement des règles et normes par l'institutionnalisation a une incidence sur les habitudes. Le strict respect des normes établies donne lieu à l'Etat de droit qui est le reflet de la bonne marche des institutions démocratiques. Comme le disait Blandine BARRET-KRIEGEL : « Seule la démocratie peut vraiment établir l'Etat de droit » (1994 :30).C'est dire qu'il y a une interrelation ou confusion entre les deux notions. La doctrine de l'Etat de droit ou « Rechsstaat » est une construction de la science juridique allemande. Ses principaux fondateurs à savoir VON MOHL, STAHL et GNEIST disent : « Un Etat de droit est un Etat qui dans ses rapports avec ses sujets et en ce qui concerne la garantie de leur statut individuel doit se soumettre à un régime de droit ce qui signifie que l'autorité administrative ne peut user vis-à-vis de ses administrés que des moyens autorisés par l'ordre juridique et notamment loin qu'il puisse agir contra legem , l'administrateur est tenu d'agir secundum legem  (BARRET-KRIEGEL,op.cit. : 32). Il convient d'ajouter que l'Etat de droit suppose aussi que le peuple puisse sanctionner les autorités qui ont des comportements déviants et, que nul ne soit au dessus de la loi.

Les Etats-Unis d'Amérique assistent le Cameroun dans l'inculcation et l'intégration des habitudes démocratiques. Ainsi, nombre de signes et de faits démontrent que le strict respect des nouvelles règles du jeu démocratique est attendu de tous les citoyens ; du bas comme du haut.

Après la vague géante qui a balayé le paysage politique au Cameroun au lendemain des déclarations de son Excellence Robert NIELS MARQUARDT faisant écho à l'Administration américaine qui veut que la démocratie soit « the only game in town » au Cameroun, le chef de l'Etat a instruit personnellement l'arrestation le 21 février 2006 de MM .E.G ONDO. NDONG directeur général du FEICOM, Gilles R. BELINGA (DG de la SIC) et Joseph EDOU du crédit foncier du Cameroun. Le 24 février, M.SIYAM SIWE ministre des Mines de l'Eau et de l'Energie est mis à la disposition de la justice. Il leur est reproché d'avoir confondu les biens de l'Etat avec leurs biens privés. Dans la même logique, MM. Edouard ETONDE EKOTTO et André BOOTO A NGON vont voir leur immunité parlementaire levée en octobre 2006 pour répondre de leurs passages en tant que PCA du port autonome de Douala et du crédit foncier du Cameroun. Dans toutes les démocraties du monde, les responsables sont des gestionnaires et non des propriétaires. Ce qui a comme conséquence le fait que l'Assemblée Nationale représentant du peuple doit démettre de leurs fonctions les gestionnaires indélicats car comme le disait Adam PRZEWORSKI : « In democracy, people invest government with the power to rule because they can remove them » (1999 : 13). Et ce dernier citant Philippe SCHMITTER dit: « modern political democracy is a system of governance in which rulers are held accountable for their actions in the public realm by citizens» (PRZEWORSKI, op; cit).

Le président Paul BIYA dans son discours du vendredi 12 mai 2006 tenant lieu de félicitations aux camerounais pour l'atteinte du point d'achèvement, martelait qu'il oeuvrera pour la stricte observation des règles de l'intérêt général et la lutte contre la corruption. Ce propos venait confirmer des efforts déployés pour inculquer la pratique des règles démocratiques au peuple camerounais. Car, dans cette logique des élus indélicats avaient vu leurs mandats suspendus. Les maires de Yaoundé VI, de Dibang et d'Eyumdjock ont été suspendus pour trois (03) mois, les deux premiers étant purement et simplement révoqués par décret présidentiel. Le mardi 23 mai 2006, M. Dieudonné ZANG MBA OBELE, maire de Mbalmayo est mis aux arrêts pour la gestion patrimoniale de sa commune.

Puisque nul n'est au-dessus de la loi, le FON DOH de Balikumbat qui a ordonné le meurtre de John KOHNTEM maire de WABANE s'est vu perdre son immunité parlementaire et sera condamné en avril 2006. Le maire d'Ebebda s'est vu poursuivre en justice comme un citoyen ordinaire, ayant perdu son immunité.

Les Etats-Unis travaillent avec l'armée et la police pour réduire les abus sur les citoyens. Ils encouragent les forces de l'ordre camerounaises à l'assimilation du nouveau code de procédure pénale. Certains éléments sont allés en stage aux USA pour apprendre le rôle des forces de police et de défense dans une société démocratique.

En avril 2006 les USA ont conduit 2 semaines de travail autour de 10 maires, 6 ministres et 5 membres de l'Assemblée Nationale pour les mettre à l'école des pratiques de la démocratie. Le Président de l'Assemblée Nationale a saisi l'occasion le 1er juin 2006 de l'ouverture des travaux de la deuxième session de l'année législative 2006 pour faire un vibrant plaidoyer en faveur du respect des valeurs démocratiques.

La nomination le lundi 17 juillet 2006 de trois femmes à la fonction de sous-préfet participe de l'"Empowerment" de la femme. Il s'est agit notamment de Mme ZINGA MBASSI née Catherine OMGBA sous-préfet de MENGANG, Mme MBARGA OWONO née Claudine MBO MEYE sous-préfet de MFOU.

Pour l'effectivité de cette consolidation démocratique dans la coopération, les USA ont activé plusieurs leviers pour rendre possible l'entreprise consistant à bâtir un cadre institutionnel démocratique et des comportements de même nature au Cameroun. De plus, l'examen de cette entreprise quoique précoce pour une politique pensée dans le long terme laisse transparaître en même temps que des fruits mais aussi des résistances.

SECTION II : Voyage au coeur du chantier de la consolidation démocratique au Cameroun

En essayant de faire autre chose qu'une « politologie de la carte postale » (SINDJOUN, 2002 : 7) au Cameroun aujourd'hui ; l'on se rend compte que la démocratie de manière réflexive est le thème qui captive beaucoup d'attention et de réflexion. Cette étude qui porte sur la consolidation démocratique à partir des facteurs externes est consciente de ce que la mondialisation a causé l'enchevêtrement des systèmes politiques. Toutefois, au-delà de cette ère « d'un monde sans souveraineté » que BADIE (1999) pense sempiternel et que d'aucuns estiment l'avènement avec la mondialisation, nous sommes convaincus de ce que pour le chantier que constitue le Cameroun, malgré la coopération à l'allure d'oripeau que mettent en avant les USA, ce sont eux qui mènent la danse. Ce faisant, ils utilisent divers instruments et stratégies ; cependant, la diversité des instruments ne signifie pas la concurrence vis-à-vis du gouvernement central car, tous les acteurs sollicités dans la politique américaine sont dans les Etats et agissent pour un Etat quel qu'il soit. BREWSTER DENNY citant DEAN ACHISON un ancien secrétaire d'Etat américain dit : « La politique étrangère est l'ensemble de la politique nationale considérée à partir des exigences imposées par le vaste monde qui s'étend au-delà de nos frontières. Ce n'est pas une juridiction, c'est un point de vue, un système de valeurs, le plus important peut-être aujourd'hui pour la survie d'une nation » (BREWSTER DENNY, 1985 : introduction). Eu égard à l'importance de la politique étrangère US pour la vie nationale, il y a nécessité d'éviter des télescopages c'est pourquoi le Conseil National de sécurité (CNS) est crée en 1947 pour permettre la coordination de l'ensemble des actions extérieures et intérieures des USA. Ainsi, la diversité des acteurs sollicités par la Maison - Blanche afin de promouvoir la consolidation démocratique au Cameroun ne doit pas distraire de ce que le néo-réalisme est en fait le réalisme classique badigeonné.

Par ailleurs, l'entreprise de promotion de la démocratie au Cameroun par les Etats-Unis est dynamique. Tout entreprise dynamique est sujette au changement et le changement est la ruine de tout paradigme, l'érosion de toute certitude. Aussi, cette étude sera-t-elle un examen à mi-parcours d'une entreprise en cours et, certaines conclusions quant à l'évaluation pourraient s'avérer erronées au fil du temps.

A) Les instruments de l'assistance américaine à la consolidation démocratique au Cameroun

Il est à relever que compte tenu de l'inévitable imbrication des sphères économique et politique dans la promotion de la démocratie, il y aura usage de certains instruments dans les deux sphères. De plus, le mot "instrument" est utilisé à dessein pour signifier que ces acteurs dont il est question sont par volonté ou par destination au service d'un Etat ; il peut s'agir du Cameroun ou comme très souvent des Etats-Unis.

Au sommet de la pyramide se trouve le Département d'Etat qui pense et diffuse la stratégie pour la promotion de la démocratie ; ce, en collaboration avec des conseils et des ONG que Larry DIAMOND appelle « Quasi governmental organizations » (DIAMOND, 1997 : 314). Il s'agit notamment du New Endowment for Democracy (NED) et des fondations rattachées aux deux partis principaux des USA à savoir le National Democratic Institute (NDI) et l'International Republican Institute (IRI). Il faut souligner aussi la naissance le lundi 6 novembre 2006 à WASHINGTON du ADVISORY COMMITTEE for DEMOCRACY PROMOTION (ACDP) sous la houlette de la Secrétaire d'Etat Mme Condolezza RICE. Il s'agit d'un "think thank" en matière de démocratie constitué de grands professeurs d'universités, des représentants du NED, de l'IRI et du Freedom House ; avec la position prépondérante du sous-secrétaire d'Etat pour la démocratie et les affaires globales (Paula J. DOBRIANSKI) et le directeur de la planification politique (Stephen D. KRASNER).

Sur le terrain d'application, des ONG de promotion de la démocratie et des Droits de l'Homme servent de relais pour être en même temps des sources perspicaces d'information pour le gouvernement américain. Il y a notamment au Cameroun le CRAT, FAMM et d'autres ONG qui se font les chantres de la politique américaine.

Les médias constituent les médiateurs entre les gouvernants et les gouvernés : ils sont donc associés à cette entreprise par leur formation à la couverture des challenges, à la responsabilité et au professionnalisme dans l'information de la société.

Les institutions de Bretton Woods reviennent car elles conditionnent de plus en plus l'obtention de leurs financements par la reforme structurelle instaurant la démocratie et le respect des droits. Le PPTE constitue une illustration de la nouvelle orientation de la politique bretton woodienne en faveur de la bonne gouvernance et des Droits de l'Homme.

Les Eglises ont aussi une place importante dans ce chantier. En effet, la solidarité chrétienne transatlantique nourrie à la main du « Dieu unique » qui a crée l'homme pour être heureux, forme les populations à la connaissance de leurs droits et les incite à les revendiquer en même temps, ouvre leur yeux sur les abus et suscite la révolte intérieure. De plus, par la profusion des religions, c'est la liberté de religion et de conscience qui a le vent en poupe avec l'épanouissement des "nouvelles religiosités"

La population camerounaise est mise à contribution car il faut qu'il y ait "dédifférenciation" entre la société et l'Etat comme le souhaite Pierre BIRNBAUM qui s'interroge même sur la « fin de l'Etat » (BIRNBAUM, 1985). En s'interrogeant si la démocratie s'inscrit dans une logique de guerre contre l'Etat, BIRNBAUM constate que nulle démocratie ne peut se construire sans que la société ne soit associée à l'Etat pour gérer les affaires de la Cité. Les Etats -Unis en oeuvrant pour casser la barrière entre l'Etat et la société au Cameroun, emmènent la population à devenir agent et acteur de la démocratisation. La population devient ainsi un acteur de la "rupture instauratrice" De certalien pour que les facteurs internes s'associent aux facteurs externes non pas en terme de mobilisations collectives, mais dans une perspective de la révolution pacifique bayartienne.

L'AGOA une de fois plus est un acteur de la promotion de la démocratie. En effet, dans le titre I de la Section 104 du texte fondateur de l'AGOA, il est écrit : « Le président est autorisé à désigner un pays de l'Afrique subsaharienne comme éligible s'il constate que le dit pays est déterminé à :

- Etablir ou à faire des efforts pour établir.... un gouvernement légal, le pluralisme politique et les droits pour un procès équitable, des règles de droit... un système pour combattre la corruption ... ». Le Cameroun est devenu éligible de ce programme le 02 octobre 2000 parce que l'Administration américaine a constaté des efforts faits dans ce sens. Il s'agit d'une épée de Damoclès qui pend constamment sur la tête du Cameroun car,le sabotage de ces efforts exclut le Cameroun de ce programme comme ce fût le cas pour la Côte d'Ivoire en décembre 2004.

L'Ambassade américaine à Yaoundé joue toutefois le rôle principal puisqu'elle est le prolongement du Département d'Etat américain au Cameroun, elle supervise, finance, forme, informe les différents agents et acteurs pour la réussite de la politique américaine.

Les instruments ci-dessus évoqués ont été survolés rapidement car ils ont déjà été évoqués plus amplement pour la plupart dans le chapitre premier, ceci, du fait de l'impossible séparation des sphères économique et politique dans l'étude de la promotion démocratique.

B) Evaluation à mi-parcours d'un chantier en cours

Evaluer le chantier de la consolidation démocratique au Cameroun selon qu'elle est promue par les Etats-Unis, c'est se pencher sur les fruits de ce que M. SINDJOUN appelle la « loyauté démocratique » ensuite, regarder de près les entraves, réticences et révoltes qui sont autant de stratagèmes que développent ceux qui ont du mal à intégrer les nouvelles règles du jeu.

1 - Les fruits de la "loyauté démocratique"

L'expression "loyauté démocratique" est empruntée à M. Luc SINDJOUN qui, en observant la démocratisation inspirée par des facteurs externes, remarque qu'en tant qu'apport de la mondialisation, la démocratie peut susciter en plus de la loyauté, la protestation et la défection hirschmanniennes, la simulation. (SINDJOUN, 2001). Cependant, notre propos ne scrute pas l'intention du gouvernement Camerounais, il constate tout de même que l'attitude ressemble plus à la loyauté qu'à autre chose jusque-là. Cette loyauté est génératrice de rentes de moult natures : reconnaissance internationale, accentuation de l'aide, démultiplication des investissements ...

Lundi 13 Juin 2005, le président G.W. BUSH qui recevait la visite des présidents TANDJA (NIGER), KUFOUR (GHANA), POHAMBA (NAMIBIE), MOGAE (BOTWANA) et GUEBULA (MOZAMBIQUE) leur a communiqué les conditions à remplir pour être dans les bonnes grâces de WASHINGTON. Tout président africain qui veut être coopté par des USA doit être : un « ami des Etats-Unis », « un vrai patriote », et il doit être un « démocrate ». Le Cameroun qui se comporte donc comme l'un des « meilleurs élèves » de Washington récolte déjà les fruits de sa loyauté. Le 20 mars 2003, le président BIYA est accueilli à grand pompe par son homologue G.W. BUSH et, au cours de ce séjour américain du chef de l'Etat, la guerre est déclarée à l'IRAK. Ce fut un honneur quand on sait que le Cameroun, alors membre non permanent du conseil de sécurité de l'ONU pendant les débats sur la guerre en IRAK était très embarrassé quant à la position entre une France "apôtre de la paix"et les faucons de Washington. Cette réponse silencieuse renforça "l'appeal" des américains pour le Cameroun.

M. Donald YAMAMOTO, sous-secrétaire d'Etat chargé des affaires africaines se confiait à Christine A. TERRADA du "Washington file" le 04 novembre 2005. Il disait du Cameroun : « pays relativement stable, son gouvernement fonctionne bien, d'assez bonnes élections s'y sont tenues et l'attitude y est essentiellement positive. Les USA félicitent le Cameroun pour ses améliorations remarquables dont les autres pays du continent pourraient s'inspirer » (usinfo.gov, visité le 28 octobre 2006). Par ailleurs l'admission du Cameroun à l'AGOA et au M.C.C (millenium challenge corporation) démontre que le Cameroun fait preuve de loyauté démocratique, laquelle est récompensée par l'ouverture du pays aux capitaux américains.

L'atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE en avril 2006 est un autre fruit de la loyauté démocratique. En effet, la décision est consécutive à une réunion des conseils d'administrations du FMI et de la banque mondiale or, les USA sont les seuls à disposer du droit de veto au FMI et, le directeur de la banque mondiale depuis le 1er juin 2005 n'est autre que Paul WOLFOWITZ, ancien numéro deux du pentagone et un proche du président BUSH. L'on pourrait penser que le soutien américain était nécessaire pour que tombe la décision d'atteinte du point d'achèvement. Ce d'autant plus que le Cameroun devait atteindre le dit point en juin plutôt qu'en avril.

La New Embassy Compound (N.E.C.) située à l'Avenue ROSA PARKS est un autre signe que le Cameroun est en grâce devant les USA. En effet, une immense et majestueuse ambassade américaine est installée sur le sol camerounais. Cette ambassade de 54 millions de dollars U.S a l'architecture de celle de BAGDAD, et a nécessité deux ans pour sa construction. Il faut dire que c'est la plus importante ambassade des USA en Afrique noire. Elle est un élément important dans l'application de ce que Mme CONDOLEZZA RICE appelle « transformative diplomacy » et qui s'appuie sur une importante représentation diplomatique. A l'occasion de l'inauguration de la NEC par Dr Jendayi E. FRAZER, un accord a été signé avec le gouvernement camerounais pour l'ouverture d'une ligne aérienne directe reliant Yaoundé à Washington. Dans la même lignée des fruits, le United State Trade and Development Agency ( USTDA) a signé un accord avec SHO Tractafric ( SHO Cameroun) le 22 mars 2006 pour accroître les infrastructures de commerce entre les USA, le Cameroun et les pays voisins. Plusieurs éléments tenant lieu de fruits de la loyauté démocratique peuvent être évoqués. Ils vont de l'accroissement des échanges aux déclarations favorables des officiels américains vis-à-vis du Cameroun, en passant par les appels de M. Robert NIELS MARQUARDT lancés à ses compatriotes pour investir au Cameroun. Le fait est que le Cameroun a accepté d'adhérer au projet américain de consolidation de la démocratie et, les Etats-Unis le lui rendent bien. Cependant, la démocratie en tant que changement des règles du jeu politique n'est pas un système qui fait consensus. Le champ politique, cet espace dans le macrocosme social, est un champ dont l'autonomie repose sur le fait que c'est un domaine réservé aux professionnels c'est aussi comme le définit pierre BOURDIEU, un champ de forces et de luttes visant à transformer les rapports de force (BOURDIEU, 2000 : 14). C'est ainsi que la consolidation de la démocratie, parce qu'elle modifie les enjeux et les règles du jeu, rencontre des obstacles.

2 - Cerbères et écluses : obstacles vers l'Etat de droit démocratique

Comme ces chiens à trois têtes qui gardaient la porte des enfers dans la mythologie, il y a des gens qui constituent des gardiens, des gardes-chiourmes à la porte de la démocratie. Ils n'hésitent pas à user de leur dangerosité pour préserver leurs intérêts que la démocratie dessert. Par ailleurs, il y a des écluses qu'il faut d'abord lever pour que soit effective la démocratie. Ainsi par les cerbères nous examinerons les obstacles par une lecture individualisante tandis que par les écluses seront analysés les obstacles structurels et meta-sociaux.

La consolidation démocratique au Cameroun se faisant par la reforme selon la typologie de Samuel P. HUNTINGTON (1991), le régime demeure en place. Autrement dit, ce sont les mêmes acteurs qui ont tiré tous les avantages du règne de l'état de police et du régime semi autoritaire qui sont appelés à changer leurs habitudes. Cela pose le problème tout d'abord de la résistance culturelle or, il faut envisager le changement de "l'habitus autoritaire". Il est intéressant par exemple d'entendre les forces de police s'exprimer à propos du nouveau code de procédure pénale. Elles estiment que le "pouvoir" leur a été ôté. Il s'agit de la résistance culturelle justifiée par la forte imprégnation des règles autoritaires.

D'autre part, les hommes politiques enrichis par l'ancien régime craignent de perdre les avantages que procurait le système antérieur. Au coeur de la démocratie se trouve ce que BAYLEY appelle les "trophées politiques" qu'il s'agit de perdre ou de conserver. La loi sur la déclaration des biens et avoirs a connu une fortune relativement triste. En effet, elle a été adoptée par 50 députés sur les 180 que comptent l'Assemblée Nationale mieux, il n'y avait que 50 députés présents le jour du vote de cette loi. Ces élus du peuple qui en même temps par le pantouflage se trouvent être des hommes d'affaires, des opérateurs économiques, en plus de craindre pour leur sort propre, ont reflété par ce boycotte, la crainte de lobbies qui les soutiennent dans l'hémicycle car, il s'agit en réalité de la crainte que le droit ne s'intéresse aux revenus douteux des hauts cadres du régime.

Parce que la démocratie représente la fin de l'unilatéralisme et de l'opacité dans la gestion des affaires de l'Etat, elle représente aussi la perte du pouvoir car, il est désormais dispersé. La perte du pouvoir est aussi la perte des rentes du pouvoir. Il s'agit de penser avec Adam PRZEWORSKI que l'on résiste à la démocratie parce qu'on ne sait pas ce qu'on deviendra après. Avec la démocratie, l'épicentre du pouvoir se déplace des hautes sphères vers la rue. Le corollaire est l'exigence de "l'accountability"qui embarrasse des acteurs politiques qui n'ont jamais connu autre chose que la capocratie traditionaliste transposée au sommet de l'Etat.

La démocratie inspire donc aux acteurs politiques des stratagèmes de survie. Ainsi l'on voit des effets « Sister Act » jaillir. Il s'agit d'après M. SINDJOUN de cette attitude qui consiste pour un homme politique soucieux de son devenir politique de porter le masque de démocrate ; selon la tradition des rôles joués et que schématise ERWIN GAUFMANN. C'est dans cette rubrique que pourrait se situer l'attitude de M. CAVAYE YEGUIE DJIBRIL, président de l'Assemblée Nationale Camerounaise qui, le 1er juin 2006 à l'occasion de l'ouverture de la deuxième session de l'année législative 2006, faisait un vibrant plaidoyer en faveur du respect des valeurs démocratiques.

DEUXIEME PARTIE :
PROMOTION DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN ET EXIGENCES SECURITAIRES AMERICAINES
APRES LE 11 SEPTEMBRE 2001

« Le progrès de la liberté est un élément fondamental de la politique étrangère des Etats-Unis depuis la création de ce pays étant donné le caractère du peuple américain, il en sera toujours ainsi. Mais en plus d'un altruisme sincère, notre promotion de la liberté peut avoir un autre objectif en tant qu'élément de la stratégie géopolitique des Etats-Unis » (Henry HYDE ; Président de la commission des affaires étrangères à la chambre des représentants en 2002)

Joseph S. NYE Jr. écrivait de manière prophétique en 1992 : « le terrorisme, le SIDA, le trafic de drogues, le réchauffement de la planète et d'autres problèmes s'imposeront et nécessiteront que les USA participent en tant que leader à leur résolution » (NYE, 1992 : 214). L'une des solutions qu'il préconisait déjà était le « pouvoir en douceur » (soft power). NYE théorisait que la démocratie, mode de pensée politique qui vise le bien-être de l'individu, peut servir des intérêts aussi élevés que la sécurité nationale et la survie de la planète. Le 11 septembre 2001 a permis de tirer les leçons de l'échec d'une politique étrangère et de ressusciter une théorie vieille de neuf ans pour assurer la pérennité du leadership américain. Il s'agit de la naissance d'une ère nouvelle au cours de laquelle la démocratie se met au service des intérêts géopolitiques.

La géopolitique est la doctrine qui établit un rapport entre la politique intérieure d'un Etat, ses préoccupations et l'espace extérieur. Elle s'interroge sur les relations entre l'espace géographique et la politique. Terme forgé en 1899 par Rudolf KJELLEN un suédois, la géopolitique a pour essence d'étudier les relations qui existent entre la politique internationale de puissance et les caractéristiques correspondantes de la géographie. Yves LACOSTE dit : «  la géopolitique prend en compte l'ensemble des préoccupations des acteurs en présence sur la scène internationale ... elle s'intéresse aux objectifs de coopération ou de détente autant qu'à l'usage de la force et au jeu de la ruse » (LACOSTE, 1993 : 6).

Les objectifs géopolitiques poursuivis par les Américains au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre 2001 font appel à la démocratie comme instrument dans la ruse internationale des acteurs. Eu égard à la position géographique de ces objectifs et des enjeux de la sous région du Golfe de Guinée, le Cameroun se trouve être, au coeur de la stratégie et des intérêts américains de manière plus importante depuis septembre 2001. Cadre territorial présentant plusieurs atouts mais à parfaire néanmoins, le Cameroun est présenté pour servir d'épicentre à l'activité américaine dans le Golfe de Guinée. C'est l'explication que nous donnons à ce propos du Dr Jendayi FRAZER du 16 février 2006, inaugurant l'ambassade américaine de l'Avenue Rosa PARKS : « This embassy is a concrete demonstration of the United States commitment to Africa and Cameroon. As many have noted, an embassy like this one in Yaoundé shows that we are indeed here to stay ».Pour parfaire ce cadre stato-national, la démocratie s'est avérée être un instrument de perfectionnement et d'installation. Tant il est vrai que l'argent n'aime pas le bruit. Quels sont donc les éléments qui ont motivé le choix du Cameroun dans la sous région ? Quel rapport existe-t-il entre la démocratie au Cameroun et les intérêts américains à l'intérieur et autour du Cameroun ?

CHAPITRE III :
LA POLITIQUE AMERICAINE DE PROMOTION DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN :
ENJEUX GEOPOLITIQUES.

La démocratie est un régime des libertés. Elle libère l'homme du joug de l'autoritarisme, en lui rendant la pleine jouissance de ses droits. Thème souvent étudié en politique intérieure, la démocratie s'est transposée sur la scène internationale en tant que régime politique à promouvoir. Toutefois, les promoteurs de la démocratie sur la scène mondiale ont souvent mis en avant la défense des Droits de l'Homme. Après les attentats du 11 septembre 2001 perpétrés par Al Qaeda sur le sol américain, le constat a été fait de la nécessité de s'occuper davantage des peuples pauvres. L'idée est que l'extrême pauvreté fait de certains pays de terreaux du terrorisme. Eu égard au lien indissociable que nous avons relevé dans la première partie entre la démocratie et le développement économique, la promotion de la démocratie viserait alors le développement des peuples. Autrement dit, la solution préconisée par l'Administration américaine pour sortir de l'extrême pauvreté les peuples qui ipso facto représentent une menace pour elle, est la démocratie. C'est l'une des fonctions que peut remplir la démocratie dans un Etat, en plus de pouvoir être effectivement source d'épanouissement pour les individus. Mais, la démocratie peut aussi être la meilleure garantie des intérêts occidentaux dans un pays quelconque. C'est cela l'hypothèse qui rythme notre analyse. Dire donc que la démocratie telle qu'elle est promue par les Etats-Unis au Cameroun sert aussi les intérêts américains, c'est penser qu'au-delà des intérêts relativement faibles des américains au Cameroun, la démocratie camerounaise servira aussi les intérêts américains dans les Etats voisins et pourquoi pas dans toute la sous région. Il s'agit donc de s'intéresser aux motifs qui font que la démocratie devienne un argument solide pour la défense des intérêts US, en partant dans une perspective comparative de l'expérience américaine au Golfe Arabo-persique.

SECTION I : Du Golfe Arabo-persique au Golfe de Guinée.

L'intérêt des Etats-Unis pour le Golfe de Guinée est sans cesse croissant. Il ne date pas uniquement de l'après 11 septembre 2001 et ce n'est pas le Golfe de Guinée tout entier qui est intéressant mais, les Etats du Golfe en ce qu'ils ont avec le Cameroun une proximité stratégique pour les USA.

Si nous avons martelé sans cesse dans la première partie que la promotion de la démocratie par les USA au Cameroun ne date pas de 2001, nous disons en revanche que le 11 septembre 2001 a changé les objectifs poursuivis par la promotion de la civilisation américaine, aujourd'hui elle est un instrument de sauvegarde et de poursuite des intérêts nationaux américains. C'est ce virage qui fait la quintessence de cette étude. Une lecture stratégique de la promotion de la démocratie au Cameroun par les Etats-Unis impose l'examen des causes. Les causes se trouvent dans les évènements du 11 septembre 2001.

A) Les leçons du 11 septembre 2001.

Il faut dire d'emblée que ce n'est pas le triste événement du 11 septembre 2001 qui captive l'attention mais au-delà du cynisme largement déploré par le monde entier, il s'agit de voir ce que ce jour a changé car en réalité, nul ne peut comprendre la politique américaine au Cameroun depuis cette triste année sans aller chercher les éléments qui ont rendu incertaine la présence américaine dans le Golfe Arabo-persique. Tout porte effectivement à croire que la présence américaine dans cette région est devenue indésirable.

1- Les Etats-Unis dans le Golfe persique : Les signes de la rupture.

En juillet 2002, les experts du pentagone dans un rapport rendu à M. Donald RUMSFELD qualifiaient RYAD de « noyau du mal », le premier moteur, le principal opposant des USA au Moyen-Orient ». En fait, les experts des agences gouvernementales et des cellules antiterroristes s'étant penchés sur l'Arabie Saoudite ont fait des découvertes froissantes pour un allié de toujours. Des 19 pirates de l'air qui ont attaqué des Etats-Unis le 11 septembre, 15 étaient saoudiens. Le Council for Foreign Relations (CFR) soutient que la dynastie Fahd finance le terrorisme. Et trois princes de la famille Wahhabite sont accusés de soutenir Al QAEDA.. Il s'agit entre autres éléments des signes de l'essoufflement d'une longue amitié entre les USA et l'Arabie Saoudite.

En 1945, Franklin Delano ROOSEVELT alors président des Etats-Unis d'Amérique, a signé avec le roi IBN SEOUD une alliance à bord du QUINCY. En effet, alors qu'il revenait de la conférence de YALTA, le président ROOSEVELT rencontra le souverain Saoudien au large des côtes Egyptiennes, à bord du croiseur QUINCY. Avec lui, il signa une alliance qui assurait au Royaume Saoudien le Parapluie américain car les USA considérait désormais ce pays comme d'un « intérêt vital » pour eux et s'engageaient ainsi à assurer sa stabilité. Il faut dire que cet intérêt vital que signalaient déjà les USA était lié au pétrole abondant sous le sol saoudien ; Riyad s'engageait d'ailleurs par cette alliance à assurer les approvisionnements en pétrole des Etats-Unis. A cette époque, la recherche des alliés énergétiques et stratégiques primait sur la promotion de la démocratie. C'est ainsi que les USA fermèrent les yeux pendant longtemps sur la réalité sociale de cet allié. Il a fallu attendre le constat de l'implication de la dynastie FAHD dans les attentats du 11 septembre pour signifier à l'Arabie Saoudite que la lapidation et l'assujettissement de la femme sont des pratiques contraires aux Droits de l'Homme. L'alliance entre les deux pays montre donc les signes de son essoufflement de manière plus probante lorsqu'au moment d'attaquer l'IRAK de Saddam HUSSEIN en 2003, l'Arabie Saoudite refuse que les USA utilisent ses bases militaires pour l'invasion iraquienne.

Il faut relever que l'une des erreurs commises pendant longtemps par les USA dans le Golfe persique est d'avoir fait le pari de leur pérennité dans la région sur la bonne entente qu'ils auraient avec les leaders. Politique paradoxale pour un Etat défenseur de la démocratie que de ne pas prendre en considération les aspirations du peuple. En effet, comme le dit SHERLE SCHWERNINGER de la New America Fondation : « L'essence même de la politique américaine au cours des trois dernières décennies a été contraire à la démocratie et à l'autodétermination du monde arabe »(ACHCAR 2005 : 35). C'est qu'en effet, l'Administration américaine s'est appuyée sur des tyrans pour assurer son approvisionnement en pétrole moyen oriental. Qu'il s'agisse de l'Arabie Saoudite, de l'IRAK des années 1980, de l'Egypte de HOSNI MOUBARAK ou de la Jordanie de ABDALLAH, ce sont des régimes où les Droits de l'Homme sont bafoués de manière flagrante. C'est peut être parce qu'il l'a compris que le Président Bush, à la veille de l'invasion de l'IRAK, déclarait devant l'American Entreprise Institute (AEI) le 26 février 2003 qu'il avait l'intention de répandre les « valeurs démocratiques » au Moyen-orient. L'objectif d'un tel virage dans la politique moyen orientale de l'Administration américaine serait alors de combler la facture entre les souverains et leurs peuples et partant, exorciser les pauvres arabes des intentions terroristes. Cette ingérence démocratique ne plaît pas à ces souverains qui sont coulés dans le moule de l'autoritarisme au nom d'un Islam mal contextualisé. Ceci pourrait justifier que certains souverains du monde arabe soient des soutiens solides du terrorisme dans le but de bouter hors de la « Terre sainte »  de l'Islam les américains.

De toute façon, quelle que soit la cause, les Etats-Unis ne sont plus les bienvenus dans le Golfe persique. Le bourbier Irakien le prouve à suffisance, les attentats de Hamman et de Ryad sur les intérêts américains en 2005 et 2006 s'ajoutent à la liste très longue des signes de la fin d'une époque.

En même temps, le Golfe de Guinée émerge comme pivot énergétique intéressant, une zone d' « intérêt vital » de substitution.

Il faut dire avant de se pencher sur l'importance du Golfe de Guinée dans la recherche des pivots énergétiques alternatifs que les experts américains sont rendus à l'évidence que continuer de compter sur le seul Moyen-Orient pour les besoins pétroliers des USA c'est aller vers une crise énergétique. Interrogé par KEN SILVERSTEN en avril 2006. M. JIM MUSSELMANN Directeur de TRITON disait: «  What makes Equatorial Guinea specially important today is political turmoil in the Persian Gulf and other regions from which the US imports petroleum... there is plenty of instability in the world and the more diverse supplies of oil we have, the better off things are ». En effet, le sabotage des installations pétrolières, les attaques terroristes contre les intérêts américains, la nécessité d'une présence militaire massive et efficace pour sauvegarder les intérêts américains au Moyen-orient avec comme corrolaire d'énormes budgets militaires, voilà autant d'éléments qui favorisent la croissance de l'intérêt US pour le Golfe de Guinée.

Pour les Etats-Unis, investis dans la recherche des pivots énergétiques alternatifs, nourris par le désir de garder leur leadership sur le monde par le contrôle des pivots stratégiques, le Golfe de Guinée est devenu d'un « intérêt vital » .Dès janvier 2002, the African Oil Policy Initiative Group (AOPIG) a crée une commission du Golfe de Guinée. Cette décision faisait suite aux appels des autorités américaines qui comme WALTER KANSTEINER reconnaissent l'intérêt vital du Golfe de Guinée pour les USA. Il ne s'agit pas pour nous de revenir sur l'importance de cette sous-region sous le seul angle de ses ressources minérales. Comme on le verra plus loin, elle correspond aux objectifs que l'Administration américaine s'est fixés après septembre 2001 pour l'Afrique noire.

L'émergence du Golfe de Guinée comme pivot important dans la géostratégie des USA ne se justifie pas seulement par son importance prouvée en tant que réserve pétrolifère. Pour le comprendre et surtout voir comment il devient vital pour les USA il faut savoir quels sont les objectifs que l'Administration américaine s'est fixés pour l'Afrique noire après septembre 2001.

2- Les objectifs de la politique africaine des Etats-Unis après le 11 septembre.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont modifié aussi bien la politique intérieure que celle étrangère des Etats-Unis. La naissance des nouvelles exigences entraînait la recherche des solutions et l'usage des alliés anciens et nouveaux pour assurer la sécurité nationale U.S. «Se faire battre est pardonnable mais se faire surprendre est inexcusable » avait coutume de dire Napoléon. Les USA se sont laissés surprendre en 2001. Pour éviter que se répète cette expérience douloureuse, le président George Walker BUSH s'est fixé trois (o3) objectifs : Guerre préventive contre les puissances hostiles fabricant des armes de destruction massive, acquisition de nouvelles réserves de pétrole destinées à répondre à la hausse de la demande intérieure américaine pour les 25 prochaines années, lutte contre le terrorisme international (HARBULOT, 2003 : 70).

Ces objectifs que l'Administration américaine affiche, ont des adaptations selon les sous régions ; la matrice demeurant la quête de l'intérêt national, la lutte contre les menaces transnationales et promotion de la démocratie. Même si nous pensons qu'il n'y a pas de différence entre ces trois objectifs puisque la promotion de la démocratie sert les autres objectifs.

Qu'il nous soit permis de relever la ruse qui consiste à définir une politique étrangère pour la poursuite des intérêts américains, politique répondant à l'exigence de l'heure mais de la nuancer quand il s'agit de son orientation africaine afin qu'elle paraisse comme une panacée face aux problèmes africains. Les trois objectifs déclarés du président BUSH plantent le cadre de ce que sera désormais la priorité américaine dans ses relations avec les autres Etats. Pourtant, l'observation des objectifs de la politique africaine laisse penser que le réalisme des Etats a cédé la place à l'humanisme. Cela est d'autant plus spécieux que sur la scène internationale, tous les Etats sont constamment en quête de leurs intérêts. Et les intérêts américains dans la sous-region du Golfe de Guinée dont fait partie le Cameroun sont très importants. C'est pourquoi, nous avons l'impression que la promotion de la démocratie au Cameroun en tant qu'objectif de la politique africaine U.S est au service des intérêts américains. Il convient auparavant, de se pencher sur la nature de ces intérêts.

B) Les intérêts américains à l'intérieur et autour du Cameroun.

Devant la commission sénatoriale en charge des affaires étrangères, son Excellence M. Robert NIELS MARQUARDT soulignait le 15 juin 2004 l'importance des intérêts U.S. dans la sous-region du Golfe de Guinée en général et tout particulièrement au Cameroun et en Guinée Equatoriale. Il disait de ces deux pays: « We have important interest in these two countries, to protect and to advance. These include but are not limited to: promoting democracy, respect for Human Rights and the rule of law; ensuring our energy security, fighting the war on terror, protecting American citizens and their property and investment, advancing American trade and investment interest ...»(usinfostate.gov visité le 14-09-06) . L'on serait tenté de penser que ces intérêts sont exclusifs au Cameroun et à la Guinée Equatoriale dont il est désormais l'ambassadeur après avoir été confirmé suite à ces « hearings ». Mais, lorsque l'on analyse le propos de la sous-secrétaire Jendayi E. FRAZER, l'on réalise que le Cameroun est en fait un « anchor state » (Etat-pivot). En effet, lors de l'inauguration de l'US Embassy à Yaoundé le 16 février 2006, elle disait: « in addition to Our visible commitment to having a presence in Africa, we are evaluating how and where, deploy US diplomats: Cameroon is a central destination ». Dans la recherche du lien qui existerait entre les intérêts américains au Cameroun et dans les Etats voisins et la promotion de la démocratie au Cameroun, il convient tout d'abord de faire une présentation desdits intérêts. Cependant, les intérêts US dans cet espace sont tellement grands, nombreux et croissants que nous ne pouvons pas avoir l'illusion de l'exhaustivité. Ainsi, qu'il ne nous soit pas tenu rigueur pour ne pas avoir mentionné un intérêt, tant il est vrai que plus il y en aura, mieux cela justifiera la promotion de la démocratie au Cameroun pour les sécuriser.

1- Prépondérance des intérêts pétroliers.

M. Mathias OWONA NGUINI (2005 :8) citant Lorenzo BELLAMY, Directeur de chevron Texaco en Angola, rapportait que le pétrole constitue le « moteur premier » des intérêts américains dans le Golfe de Guinée. Il faut comprendre que dans la recherche de pivots pétroliers alternatifs, l'Afrique constitue un espace très alléchant. L'Afrique détient 30% des réserves minérales du monde, elle produit 3,8 millions de barils de pétrole par jour ce qui en 4 ans devrait passer à 6,6 millions par jour (BONIFACE, 2004 : 385) .Ces réserves énormes de l'Afrique noire se concentrent pour la grande majorité dans des Etats situés tout autour du Cameroun. Le Golfe de Guinée, sous-région dans laquelle le Cameroun occupe une place centrale et importante est devenu un eldorado pétrolier. En 2000, le Golfe produisait 48 % du Pétrole africain et en 2003 ce chiffre est monté à 54 % soit 3,8 millions de barils par jour et une estimation de 7 millions de barils par jour en 2008 (LESTRANGE et alii ; 2005) .Cependant, notre intérêt va particulièrement vers les pays du Golfe de Guinée qui ont des frontières communes avec le Cameroun.

Le Nigeria est le premier Producteur du Continent avec 98 millions de tonnes en 2002 soit 3% de la production mondiale. En 2004, les Etats-Unis tirent 6,3 % de leur brut du Nigeria plus qu'en IRAK où les même USA tirent 4,9 %. Onzième producteur mondial en avril 2005, le Nigeria fournissait 9 % des importations US en 2003 (KOUNOU, 2006 : 40-42). Sur les deux dernières décennies dit Michael WATTS, le Nigéria a fourni 11 % du pétrole aux Etats-Unis. (WATTS, 2004 :127)

La Guinée Equatoriale, le « Kuwait of Africa » Comme la qualifient les stratèges américains à l'instar de Ken SILVERSTEIN est un producteur prometteur. « Les Etats-Unis y ont trouvé 500 millions de barils pouvant aller jusqu'à un milliard et voir plus » assure M. JIM MUSSELMANN, Directeur de Triton Energy à SILVERSTEIN. Troisième producteur africain après le Nigeria et l'Angola avec 500 000 barils par jour, la Guinée Equatoriale vend 2/3 de son pétrole aux USA (SILVERSTEIN, 2006).

Le Gabon et le Congo Brazzaville sont également des producteurs intéressants de pétrole avec respectivement 302.000 de barils par jour et 280.000 de barils par jour (KOUNOU, op. cit.  : 44-45).

Le Tchad est le plus récent producteur. En effet, à la faveur du pipe-line qui le relié à la côte atlantique via le Cameroun, le Tchad est producteur et exportateur de pétrole depuis le 15 juillet 2003. Le pipe-line tchadien évacue 225 000 barils par jour soit la totalité de la production journalière (BONIFACE, 2004 : 390, KOUNOU, op. cit. 46-47).

Le Cameroun qui était caractérisé par l'opacité dans la gestion des revenus pétroliers pendant des décennies, est également producteur de pétrole. Il est même le neuvième producteur subsaharien. En 2003 il a produit 36 millions de barils et 32,9 millions en 2004 (KOUNOU, op. cit. 48)

Tableau 9 : Production pétrolière du Cameroun et ses voisins depuis 2001 (en millions de tonnes).

 

2001

2002

2003

2004

2005(millions de barils/jour)

Cameroun

10

3,7

35,6

32,9

0,08

Nigeria

107,8

98,6

104,4

116

1,6

Congo

20

11,8

11,2

11,3

0,26

Tchad

/

/

10

10

0,22

Gabon

50

30

26

22

0,26

Guinée Equatoriale

25

11,5

13,5

17,4

0,42

Source: KOUNOU Michel, 2006.

Tableau 10 : Production et exportation du Cameroun et ses voisins en barils/jours

Etat

Production

Exportation par jour par barils

Cameroun

84.820

69.080

Tchad

225.000

225.000

Congo

280.000

275. 000

Gabon

302.000

283.000

Guinée Equatoriale

350.000

180.000

Nigeria

2240.000

1.900.00

Source: US Energy Information Department.2006.

Toutefois, au-delà des chiffres et des pourcentages, l'ambition est de démontrer que cette production pétrolière qui se concentre autour du Cameroun est un marché important pour les Etats-Unis. D'après le National Intelligence Council, 15% du pétrole américain vient de l'Afrique de l'Ouest (Nigeria, Angola, Congo Brazzaville, Gabon, Cameroun, Guinée Equatoriale). De tous ces Etats, seul l'Angola n'est pas directement lié au Cameroun par des frontières terrestres. Ce pourcentage de 15% est presque le même que celui que représente la production Saoudienne d'après les experts du N.I.C. cette exportation doit passer de 20 % dans 5 ans à 25 % en 2015.

Tableau 11 : destinations prioritaires du pétrole camerounais et ses voisins

Etats producteurs

Etats clients

Nigeria

USA, GB, France ...

Guinée Equatoriale

USA, Malaisie, GB,

Gabon

France, USA,

Congo Brazzaville

USA, France, GB

Tchad

USA, GB

Cameroun

USA, GB, France

Source : KOUNOU Michel, 2006 : 55

D'après le tableau ci-dessus, seul le Gabon exporte son pétrole en priorité vers la France mais les USA sont son deuxième client. De manière précise donc il apparaît que le pétrole des Etats du Golfe de Guinée et Plus précisément du Cameroun et de ses voisins représente un intérêt névralgique pour les Etats-Unis. Ce d'autant plus que les réserves y sont importantes et permettront d'atteindre les 25 % de ravitaillement en pétrole qu'escomptent les Etats-Unis en provenance de l'Afrique.

Tableau 12 : Réserves pétrolières du Cameroun et de ses voisins en 2005 en milliards de tonnes).

Cameroun

0,4

Nigeria

35.2

Tchad

1.0

Congo

1.5

Gabon

2.5

Guinée Equatoriale

0.5

Source : KOUNOU Michel, 2006 : 55

L'intérêt américain pour le pétrole en provenance de ce coin de l'Afrique est démultiplié par un certain nombre d'avantages. En effet, le pétrole de cette zone est en majorité off-Shore et s'exploite donc à l'abri des crises intérieures des Etats. De plus , cette région est située à mi-chemin entre les Etats-Unis et le Moyen-Orient ; cela réduit le coût du transport et la distance. C'est par ailleurs un pétrole de très bonne qualité qui convient aux raffineries américaines. Mais, les intérêts américains ne se résument pas au seul pétrole, il y a aussi d'autres intérêts qui sont d'ordre stratégiques, sécuritaires et commerciaux. D'autre part, il convient de préciser que les intérêts énergétiques américains ne sont pas uniquement pétroliers. Nous avons volontairement minoré les autres sources d'énergie car l'ambition est de montrer tout simplement que les intérêts US sont importants au Cameroun et alentour de celui-ci au point qu'il mérite pour leur préservation que le Cameroun soit démocratique. Autrement dit, tout autre intérêt que nous aurons minoré ne fera que renforcer cette hypothèse.

2- Survol des autres intérêts américains à l'intérieur et autour du Cameroun.

Les intérêts américains autres que les intérêts pétroliers peuvent être de plusieurs natures. Toutefois dans la logique visant à démontrer que la politique américaine de promotion de la démocratie vise aussi la préservation et la maximisation des intérêts américains, nous allons examiner les intérêts stratégico-militaires. Ceci est fondé sur l'examen des intérêts commerciaux opéré dans le cadre de l'AGOA évoqué dans la première partie. Autrement dit, nous ne reviendrons pas profondément sur les intérêts commerciaux pour y avoir largement fait allusion en évoquant l'AGOA. Par ailleurs, le pétrole rentre aussi dans les rapports commerciaux avec les USA. Toutefois, il convient d'observer certains chiffres qui peuvent donner un aperçu de l'intérêt commercial, en terme des échanges et des investissements.

En 2004, les Etats-Unis ont importé d'Afrique noire à hauteur de 35,9 milliards de dollars repartis comme suit :

Tableau 13 : Importations US d'Afrique noire en 2004.

 
 
 

Produits importés d'Afrique en 2004

Afrique du sud

16,6 %

 

Pétrole

72 %

Angola

12,6 %

 

Diamants

2,5 %

Gabon

6,9 %

 

Fer

1,5 %

Guinée Equatorial

3,3 %

 

Platine

5 %

Tchad

2,1 %

 

Textiles

5 %

Nigeria

45,3 %

 

Cacao

1 %

 
 
 

Véhicules

1 %

 
 
 

Autres

12 %

Source : JAI N° 2319 du 19.25 juin 2005.

Il se trouve donc au vue des chiffres qui précèdent que les USA ont importé des pays riverains du Cameroun 59,4 % en 2004. En 2003 ils ont investi 11,5 milliards de dollars en Afrique soit 48 % dans le Golfe de Guinée.

L'importance stratégico-sécuritaire du Cameroun est nourrie par la pensée que « qui tient le Golf de Guinée tient l'Afrique » car qui tient le Cameroun tient le Golfe de Guinée. Le Cameroun est plus que jamais important dans la lutte contre le terrorisme. En tant que « menace transnationale » le terrorisme est combattu désormais là où il germe. C'est pourquoi la mainmise américaine dans la région est nécessaire pour contrôler l'évolution du terrorisme sahélien vers le sud et juguler sa progression. Le Cameroun sera ainsi une base arrière au Sud du Sahel dans le cadre de l'opération « PANSAHEL ». D'autre part le Nigeria qui est une menace de par son environnement favorable au terrorisme et au trafic des drogues doit être surveillé de près. Le 30 avril 2001, un rapport du Département d'Etat américain sur le terrorisme dans le monde donnait l'alarme sur les activités terroristes au Nigeria. Il y apparaît un élément important le 20 avril 2006. En effet, à cette date une première voiture piégée explosait à PORT HARCOURT faisant deux morts et six blessés devant une caserne militaire. Cet attentat revendiqué par le Mouvement d'Emancipation du Delta du Niger (MEDN) révélait l'usage des méthodes terroristes du Moyen-Orient contre les étrangers occidentaux. Ceci fait grandir l'intérêt stratégique du Cameroun pour les Etats-Unis car, le Nigeria abrite d'énormes intérêts américains.

De plus, la construction du pipe-line reliant DOBA à Kribi à rendu le Cameroun plus important stratégiquement. Le Tchad ainsi ouvert à la mer est voisin du Soudan et du Niger qui sont de plus en plus importants de par leurs ressources. La possibilité de relier le Cameroun à d'autres alliés américains tels que le Niger, la RCA, le Soudan et la Libye est de plus en plus évoquée (AWOUMOU, 2005). Le Cameroun deviendrait si l'extension du pipe-line ainsi envisagée est faite, le point de chute du pétrole américain en provenance de plusieurs pays. L'intérêt stratégique du Cameroun dans la politique énergétique des USA serait ainsi décuplé. Il faut préciser que depuis les crises en RCA consécutives au renversement de Ange Félix PATASSE, les Etats-Unis exercent leurs activités diplomatiques dans ce pays depuis le Cameroun ; Par ailleurs, l'ambassadeur US à Yaoundé est également l'ambassadeur US en Guinée Equatoriale avec résidence à Yaoundé.

Le Cameroun par élection naturelle se trouve donc au centre des intérêts multiples pour les USA. Le « soft power » démocratique s'avère être la première stratégie pour préserver les biens et ressortissants américains. Mais si le climat socio-politique vient à se détériorer, le « hard power » militaire devra intervenir. Les visites de hauts cadres militaires au Cameroun depuis septembre 2001 laissent penser qu'il y a un intérêt sécuritaire US au Cameroun. En janvier 2002 se tint au Washington's TONY UNIVERSITY CLUB une réunion sur le pétrole africain et la sécurité. Au cours de ladite réunion, le Lieutenant colonel KAREN KWIATKOWSKI de l'US Air Force attaché au Sécretariat à la défense disait : « The US need to step up military training for African oil producer so that those countries can secure their property, their investment and our investment (thenation.com) ».Paul WITBEY du Washington Institute for Advanced Strategic and Political Studies proposait devant le congrès en 2001 que compte tenu de l'intérêt vital de l'Afrique de l'Ouest pour le USA, il fallait créer une « South Atlantic Military Command » pour permettre à l'US Navy et aux forces armées de défendre les intérêts US et alliés en Afrique.

De toute évidence, le Cameroun joue un rôle important dans les enjeux sécuritaires US en Afrique. Le samedi 21 févier 2004, le P.M Peter MAFANY MUSONGUE a reçu en audience le général James L. JONES, commandant des forces alliées en Europe et commandant des forces américaines en Europe. Il était en tournée dans certains pays africains à la recherche de « nouvelle solidarités en vue de protéger la démocratie, la paix et la liberté » (Cameroun Tribune n° 8039/4328 du lundi 23 février 2004). Lors de cette visite qu'il a qualifié de « visite de courtoisie », il était accompagné d'une demi-douzaine de militaires et de son Excellence George MCDADE STAPLES ambassadeur US au Cameroun. La même année, le Président de la République a reçu en audience le Général Carlton FULFORD JR, Directeur du centre d'études stratégiques de l'Afrique basé à Washington D.C.

Dans la même lignée, le PM Chief INONI Ephrem a reçu en audience le 19 mars 2006 M. JAMES HINOF. Ce dernier est le n° 2 de la commission des forces armées du SENAT. Il était au Cameroun pour la deuxième fois en quelques mois car en octobre 2005 il y était déjà. Ses visites s'inscrivent dans le cadre du projet de création d'une brigade en Afrique centrale dont le siège reste à déterminer. Mais d'après un général des forces armées Camerounaises, le Cameroun devrait abriter une base militaire américaine. S'agit-il de cette brigade ? Ces visites des hauts cadres militaires parmi tant d'autres depuis 2001 au Cameroun illustrent l'intérêt du Cameroun dans la stratégie sécuritaire des USA en Afrique. Faut-il rappeler l'importance stratégique du Golfe de Guinée qui comme la corne de l'Afrique est un point d'entrée important en Afrique.

En minorant les logiques de rivalité entre les pays étrangers pour la conquête des ressources du Golfe de Guinée, il apparaît que le Cameroun est au coeur des intérêts commerciaux, énergétiques et sécuritaires des USA dans le Golfe de Guinée. Eu égard à ces intérêts multiples et importants, il convient de se pencher sur la démocratie en ce qu'elle peut servir ces divers intérêts.

SECTION II : Du réalisme démocratique ou la démocratie locale au service des intérêts étrangers : élection du cadre stato-natinal.

Le Cameroun comme théâtre de déploiement prioritaire de la promotion démocratique n'exclut pas que les pays voisins soient aussi dans le collimateur de l'Administration américaine. Pourquoi le Nigeria qui abrite beaucoup d'intérêts américains et qui était pressenti avant le 11 septembre 2001 pour être un « anchor- state » ne reçoit-il pas autant d'attention démocratique ? Qu'est-ce qui fait du Cameroun un partenaire de rêve de la politique américaine dans le Golfe de Guinée ? Nous allons examiner certains éléments qui permettent de penser que le choix du cadre stato-national Camerounais est en soi stratégique.

A) Les facteurs exogènes du choix du Cameroun.

Au Moyen-Orient, l'Arabie Saoudite sert de base stratégique pour les Etats-Unis depuis 1945 avec le traité du QUINCY. De cette base ils ont pu déployer leur suprématie dans la région en écartant des puissances rivales, en ayant la mainmise sur les ressources, en ayant le contrôle sur un point géopolitique important. A l'heure où le Golfe de Guinée prend une importance multiforme dans la géopolitique des hydrocarbures et de par son importance dans l'échiquier géostratégique, chercher à y implanter sa suprématie exige une présence importante et permanente. L'on se serait attendu à voir le Nigeria ou un autre pays du Golfe constituer la base américaine dans la sous-region. Mais au regard de faits et à en croire les déclarations officielles, c'est le Cameroun qui sera l' « Arabie Saoudite » du Golfe de Guinée de même que la Guinée Equatoriale représente pour les experts américains le «  Koweït de l'Afrique ». Le Nigeria serait-il alors l'IRAK ?

1 - La question nigériane.

« Nation à polarisations variables » (Nicolas, 1987) le Nigeria qui abrite plusieurs intérêts U.S et qui présente l'avantage linguistique de l'anglais le rapprochant davantage des Etats-Unis a malheureusement plusieurs facteurs internes qui le discréditent face aux Etats-Unis. Les plus importants sont ceux qui menacent la stabilité interne de façon permanente et ceux qui constituent une menace pour les intérêts étrangers.

a) Les multiples lignes de fractures internes.

Le Nigeria est une fédération de 30 Etats avec en 2005,123 millions d'habitants ; ce sont plus de 250 groupes ethniques tels que 32 % Haoussa/peul, 21,3 % Yoruba, 13 % Ibo, 5,6 % Ibiobio etc ... 50 % musulmans, 40 % chrétiens, 10 % cultes ancestraux. (BALANCIE et alii, 2005 : 145). C'est un pays qui a pourtant une société civile plus dynamique que le Cameroun, avec une élite bien formée et disposant de grandes ressources énergétiques. Mais, un pays qui constitue une menace pour lui-même. Les menaces de fracture sont aussi bien ethniques, confessionnelles, régionales que politiques.

Depuis 1960 ; le Nigeria a connu 6 constitutions, 6 découpages administratifs, une alternance de régimes civils et militaires. Le Nigeria représente un « paradis de coups d'Etat » en Afrique avec au moins une demi-douzaine depuis l'indépendance. L'armée est omniprésente et omnipotente.

Les menaces régionales se sont concrétisées dans l'histoire par des révoltes sanglantes mettant le pays au bord de l'explosion. Si l'étendue territoriale peut être un facteur du développement, au Nigeria elle représente une menace du fait de l'inégale répartition des ressources pétrolières et des rentes émanant de l'exploitation des richesses du pays. Les Etats du Delta du Niger qui abritent la majorité de la production pétrolière sont les plus pauvres du pays. Ils constituent ipso facto une alliance sud-sud des Etats producteurs de pétrole contre les principaux groupes ethniques du Nigeria. En réalité le pays est dirigé par les « Big-three » (haoussa -Peuls du Nord, les Yoruba du Sud-Ouest et les IBO du Sud-Est). Entre 1960 et 1964 il y eut la révolte des TIV du Middle Belt, en 1966 l'insurrection des IJAW du Delta du Niger et de mars 1967 à janvier 1970 la sécession sanglante du BIAFRA qui fit plus d'un million de victimes. Les tensions régionales ont conduit par ailleurs à la pendaison en novembre 1995 de Ken SARO WIWA et de neuf autres dirigeants OGONI. (WATTS 1998 : 125)

Le Nigeria abrite un prosélytisme panislamique animé par des groupes radicaux financés par les pays du Golfe Arabo-persique. Ceux-ci conscients de ce que les intérêts US sont croissants au Nigeria, ont entrepris de susciter de l'antiaméricanisme local. D'autre part, une vague de «nouvelle évangélisation » monte dans le pays (BALANCIE et alii, 1996 : 309). Ces deux extrémismes de foi entraînent des flambées régulières de violence ; Ce qui perpétue un climat de tensions religieuses et ethniques. Entre 2001 et 2006 ; l'on a vu des assassinats confessionnels au Nigeria en même temps que des actes de vandalisme au nom d'un « dieu » polymorphe.

b) Le Nigeria : abri des menaces transnationales.

En plus du taux élevé de prévalence du VIH/SIDA, soit environ 18 % de la population d'après ONUSIDA, les menaces transnationales qui retiendront notre attention sont : Le terrorisme et le trafic de drogues.

L'économie nigériane est criminalisée à cause du trafic de drogue. Les militaires et dignitaires du régime sont englués dans le trafic de drogue ce qui fait dire à BALANCIE (2005 : 165) que le Nigeria est une «  Narcrocratie ». Il existerait au Nigeria plusieurs cartels puissants en connexion avec les Latino-américains. Le Nigeria serait une plaque tournante vers l'Europe et l'Asie, des drogues en provenance de l'Amérique latine.

Un rapport du Département d'Etat US sur le terrorisme dans le monde, daté du 30 avril 2001 tirait l'alarme sur le développement du terrorisme au Nigeria. Un an avant le 11 septembre 2001, le même Département d'Etat dans son encyclopédie annuelle du « Terrorisme global » identifiait le Delta du Niger comme l'un des terreaux les plus fertiles du terrorisme. La CIA a corroboré cette thèse en parlant du Delta du Niger comme d'une enclave terroriste dans la « pétroviolence » (WATTS, 1998 : 125) .En effet, dans la revendication des rentes pétrolières, des mouvements de revendication ont surgi. Le plus fameux est le Mouvement d'Emancipation du Delta du Niger (MEDN). Il procède par des Kidnappings de travailleurs occidentaux. D'avril à juillet 2000, 300 personnes ont été enlevées soit 54 ressortissants étrangers. Le 31 juillet 2000 des jeunes armés ont attaqué des forages dans la région du Delta du Niger et ont pris en otage 165 personnes dont 7 américains et 5 britanniques. Ceux-ci seront relâchés sains et saufs de 05 août 2000(ABA, 2001 : 622). L'année 2006 à été particulièrement très agitée dans le Delta pour les Compagnies pétrolières. 20 avril ; explosion d'une voiture piégée à port Harcourt, 25 avril EXXON-MOBIL évacue son personnel non essentiel du Delta du Niger, 29 avril seconde voiture piégée à WARI, 11mai trois ressortissants européens pris en otage, début août une dizaine d'occidentaux pris en otage, le 7 octobre une autre prise d'otage, et le 13 novembre vol des bateaux de certaines compagnies. La même année, la production nigériane a baissé d'un quart ceci étant la conséquence de la montée des actes de terrorisme dans le Delta du Niger.

2 - Cartes postales des autres Etats riverains du cameroun.

Le Tchad avec une superficie de 1 .284. 000 km2 et environ 10 millions d'habitants a le malheur de ne pas avoir accès à la mer. Avec le pipe-line qui le relie au Cameroun, il constitue désormais pour les Américains un continuum du Cameroun. Lors de la cérémonie d'inauguration du pipe-line à Kribi en juillet 2003, le Président BIYA disait : « Ce qui est bien pour le Tchad est bon pour le Cameroun  et vice-versa». En effet, le Tchad est lié au Cameroun par des liens historico-sociologiques et par «une complémentarité géographique et économique gérée par un cadre institutionnel multiforme » (NTUDA EBODE, 2005 : 34). Etablir une base au Tchad, c'est se priver de l'ouverture sur la mer or le Cameroun de par son rapport avec le Tchad lui procure cette ouverture. Il s'agit pour nous de penser que par les liens naturels et de diverses autres natures entre les deux pays, il est inutile pour les Américains de s'établir au Tchad alors que les intérêts US dans ce pays seront bien préservés depuis le Cameroun. D'autre part l'instabilité politique du Tchad et les velléités sécessionnistes nourries par l'appétit aiguisé par les gains du pétrole font craindre des problèmes. En effet, après la crise qui a opposé en 2005 le gouvernement tchadien et la Banque Mondiale au sujet de la gestion des revenus pétroliers, crise qui a refroidi les relations entre Washington et N'Djamena, il s'en est suivi une instabilité politique. Le 20 mars 2006, de violents combats ont éclaté entre l'armée régulière et les rebelles du SCUD. Ce, après que quelque mois plutôt M. Idriss DEBY ITNO ait modifié la constitution pour être candidat à sa propre succession. En plus de cette instabilité qui plane au-dessus du pays comme une épée de DAMOCLES, il se trouve que le Tchad est un pays pauvre, sous alphabétisé et très désertique. Avec un PIB de 7 % dans la CEMAC en 2002 et 53,6 % de la population alphabétisée, le Tchad a 0,9 % de sa population seulement diplômée du supérieur d'après l'UNESCO. Même si le pipe-line va booster l'économie tchadienne en y injectant entre 2003 et 2008 80 millions de dollars par an, le Tchad demeure un pays pauvre, très pauvre où il s'avérerait plus difficile pour les Américains d'implanter une démocratie développée économiquement.

La République centrafricaine souffre précisément des mêmes maux que le Tchad, en plus d'être un pays sans pétrole jusque-là, la RCA est lié au Cameroun par la mer. Avec ses 622 984 km, elle est un pays politiquement instable et qui a une certaine tradition de coups d'Etat tout comme le Tchad d'ailleurs. Le plus récent trouble politique date de début novembre 2006 avec l'attaque des rebelles depuis l'Est. Cette attaque a conduit des avions français à intervenir le 31 novembre 2006 en tirant sur les positions des rebelles. Ceux-ci exigent l'organisation d'une conférence nationale souveraine. Elle a une dette extérieure élevée et un PIB de 4% dans la CEMAC en 2002. 53,9 % de la population est alphabétisée,

De la population alphabétisée, seulement 1,9% est diplômée du supérieur. D'après la Banque Mondiale, le PIB de la RCA en 2003 était de 1.198 millions de dollars U.S. Sa survie dépend à près de 40% du Cameroun d'où elle importe beaucoup de produits et celui-ci est son passage obligé vers la mer.

Le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Congo qui sont les voisins méridionaux du Cameroun, même s'ils ont l'accès à la mer, ont un certain nombre de handicaps qui les condamnent à ne pas être la base sous-régionale. Ces trois pays sont un peu en périphérie par rapport aux intérêts américains du nord de la région. De toute évidence, certains facteurs militent en defaveur de l'élection de ces pays pour constituer le centre névralgique des Etas-Unis dans le Golfe de Guinée. Si le Cameroun est pressenti pour abriter une brigade américaine en Afrique centrale, si le Cameroun est une « destination centrale » des diplomates américains, il faudrait examiner les éléments intérieurs au Cameroun qui ont plaidé en sa faveur.

B) Le Cameroun un partenaire de choix dans la préservation des intérêts américains dans le Golfe de Guinée.

De passage au Cameroun en février 2006, la sous-secrétaire JENDAYI E. FRAZER déclarait à la presse: « We See the Cameroon's leadership in this sub-region to make sure that Cameroon continues to be the source of stability for central Africa as a whole ». Elle ajoutait que le Cameroun fait beaucoup pour la démocratisation c'est un pays sur le sentier du progrès. L'on se souvient des propos de M. DONALD YAMAMOTO, en novembre 2005 sur le Cameroun ; lorsqu'il disait en substance que le Cameroun est en bonne voie et devait inspirer les pays voisins. C'est donc dire qu'en plus des facteurs exogènes qui en même temps qu'ils disqualifient les pays voisins remettent le Cameroun en grâce, il y a des facteurs endogènes. Des facteurs qui à l'intérieur même du Cameroun constituent des avantages.

1- La position stratégique du Cameroun.

Cette position que beaucoup de pays de l'hinterland envient au Cameroun, fait de lui la porte d'entrée idéale pour l'Afrique Centrale. Avec le pipe-line qui le lie au Tchad, c'est désormais envisageable de penser à une connexion des intérêts américains en Lybie et au Niger avec le Cameroun. Mais en soi, le pipe-line DOBA-KRIBI fait augmenter l'importance de la position stratégique du Cameroun. Il constitue le projet pétrolier le plus ambitieux d'Afrique subsaharienne depuis 20 ans (LESTRANGE et alii, 2005). Il a coûté 2,2 milliards de dollars US. Le pétrole du gisement de DOBA qui est drainé vers l'atlantique par le pipe-line est exploité par EXXONMOBIL (40%), CHEVRON TEXACO (25%) et PETRONAS (35%) soit 65 % d'intérêts américains. C'est un investissement encore qui nécessite protection et le Cameroun constitue une bonne base arrière pour cela.

Le Cameroun présente un autre atout stratégique. En effet, il partage ses frontières avec six Etats ; ce qui permet à partir de Yaoundé, de contrôler les activités, les ressortissants et les intérêts américains dans ces différents pays. Lorsque l'on sait que l'ambassadeur des USA au Cameroun est aussi l'ambassadeur des USA en Guinée Equatoriale et que les activités diplomatiques américaines en RCA sont supervisées depuis Yaoundé, l'on comprend davantage que le partage de ses frontières avec tous ces pays constitue un atout de taille. L'ouverture à la mer est un autre avantage qui est à prendre en considération.

Le Cameroun présente en plus l'avantage d'être un pays stable dans une Afrique Centrale tourmentée. Cela est bien pour les affaires et pour la sécurité des intérêts US.

2- Le Cameroun dans la CEMAC.

Devant la Commission des affaires étrangères du sénat américain, son Excellence NIELS MARQUARDT disait le 15 juin 2004 : «  Cameroon has been relatively stable. It boasts a large, well-educated population, reasonably developed infrastructures on which both it and its neighbours depend, ample natural resources, a strong agricultural base, and considerable environmental treasure». Cette phrase résume la pensée américaine pour le Cameroun. Pour expliquer ce statut privilégié qui a favorisé le choix du Cameroun, il faut examiner sa place dans la CEMAC.

Avec 475. 442 km2, le Cameroun est une mosaïque ethnique, linguistique, il est tout simplement une « Afrique en miniature ». C'est un géant agricole qui emploie près de 60 % de la population dans l'agriculture. Le Cameroun a d'énormes potentiels qui encouragent et promettent des lendemains qui chantent. Cette importance a été déterminante dans son choix. Du 27 janvier au 9 février 2006, une mission du FMI de passage au Cameroun conclut : « les perspectives économiques du Cameroun restent encourageantes ». Pierre DUQUESNE porte-parole de la mission disait : « nous rentrons convaincus que le Cameroun a un potentiel économique énorme qui ne demande qu'à être bien exploité. Nous avons vu la qualité des hommes et des femmes dans divers domaines. Ce pays peut faire mieux ». 81% de la population camerounaise est alphabétisée avec 5 % qui est diplômée de l'enseignement supérieur. Au sein de la CEMAC donc, le Cameroun est un géant. Sa première marque de puissance est la population. Il a environ 49 % de la population CEMAC pour environ 16 % de la superficie de la même communauté. Son économie est la plus diversifiée. Le PIB agricole du Cameroun en 2002 représente 63 % du PIB agricole CEMAC. De même son PIB industriel hors pétrole représente 71 % du PIB industriel CEMAC à la même année. En 1993 le Cameroun exportait à hauteur de 26.527 millions de F CFA vers les autres pays CEMAC soit 91, 89 pour cent pour l'ensemble des échanges de la zone qui se chiffraient à 28.867 millions de FCFA. (NKOA, 2005 : 22)

Tableau 14 : Données générales des pays de la CEMAC en 2002.

 

Cameroun

Congo

Gabon

G. Equato.

RCA

Tchad

Population (millions)

15,5

3,2

1,3

0,469

3,8

7,9

En % de la population CEMAC

48,18 %

9,94%

4,04 %

1,45%

11,81%

24,55 %

Superficie (km2)

475.442

342.000

267.700

280.050

623.000

1,3 millions

% superficie, total CEMAC

15,66 %

11,26%

8,81%

0,62 %

20,51 %

42, 81 %

PIB (milliards de F CFA

7363,6

2225,2

3353,3

1523,9

709,3

1205,8

En % du PIB CEMAC

44,95 %

13,58 %

20,47 %

9,3 %

4,32 %

4,36 %

PIB agricole (milliards F CFA)

2011,9

132,2

229,7

64,8

364

404,5

En % PIB agricole CEMAC

62,7 %

4,12 %

7,16 %

2,02 %

11, 34%

12,61 %

PIB industriel hors pétrole (milliards F CFA)

1019,3

105,1

250

2,1

39,4

66,2

En pourcentage du PIB industriel de la CEMAC

71,17 %

7,33 %

13,96 %

0,14 %

2,75 %

4,62 %

Source : NKOA F.C, 2005 :22

Même en ne cédant pas a un quelconque chauvinisme, il apparaît que dans la CEMAC le Cameroun est un mastodonte. Si le Nigeria est disqualifié à cause des facteurs qui lui sont internes, dans cette sous région le Cameroun fait figure de favori. Car, il a en plus l'avantage d'un bilinguisme développé, des communautés religieuses qui vivent en bonne intelligence et des ethnies qui sont plus intéressées par leur développement que par les clivages destructeurs de l'Etat. D'autre part, le système politique camerounais est relativement stable et la démocratisation est bien avancée. En dépit des tumultes politiques du début de la décennie 1990, le paysage politique se caractérise par son calme et déjà, pointe à l'horizon l'ère de la rigueur.

En somme, après les événements du 11 septembre 2001 et les leçons qui en découlent le Golfe de Guinée a pris une importance particulière dans la résolution des problèmes auxquels fait face l'Administration américaine .Désormais, la nécessité d'avoir une base d'action sous-régionale a entraîné l'examen des pays potentiellement éligibles. Les faits et les déclarations semblent indiquer que le Cameroun va constituer cette base sous-régionale. Cela nous a amené à rechercher les éléments qui plaident en faveur de cette élection. Il faut dire que le choix du cadre stato-national est motivé par la nécessité de réaction et d'intervention rapide en cas de besoin, mais surtout par la volonté d'avoir un allié fiable dans la sous-region et ne pas répéter l'erreur de la politique Saoudienne de USA. Il faudrait dès lors se pencher sur le lien entre la démocratie camerounaise et les intérêts sous-régionaux des USA en même temps, il faudrait s'interroger sur la stratégie américaine au regard des exemples du passé.

Tableau 15 : PIB CEMAC en 2003 en millions de dollars US.

Cameroun

12.491

Gabon

6057

Congo

3564

RCA

1198

Tchad

2608

Guinée Equatoriale

2.915

Source: Institut national de la statistique.2004.

Tableau 16 : Taux de croissance du PIB au Cameroun (1995-2003)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

3,2%

5%

5,1%

5%

4,5%

4,2%

5,2%

4,1%

4,4%

Source : Institut national de la statistique.2004.

CHAPITRE IV :
DEMOCRATIE AU CAMEROUN ET SECURITE NATIONALE DES ETATS-UNIS ; EXAMEN THEORIQUE ET CRITIQUE.

La sécurité nationale des USA est devenue l'objectif prioritaire de la politique étrangère et intérieure de l'Administration américaine après les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Elle se traduit sous forme de différents modules : la sécurité énergétique, la sécurité du territoire américain et la sécurité des biens et ressortissants américains à l'étranger. Nous sommes ainsi passés de l'intérêt national à la sécurité nationale car pensons-nous, depuis septembre 2001, les deux concepts sont interchangeables aux Etats-Unis. Pour ces modules qui relèvent donc de l'intérêt national U.S, il y a des instruments utilisés pour leur protection. Nous partons de l'hypothèse que l'opposition entre réalisme et idéalisme n'est plus pertinente car, la démocratie qui est une valeur idéaliste, est utilisée au Cameroun pour la poursuite des intérêts supérieurs de l'Etat. Au cours de la conférence WRISTON 2002 présentée au MANHATTAN INSTITUTE de New York le 1er octobre 2002, Mme CONDOLEZZA RICE alors conseillère du président BUSH en matière de sécurité nationale disait : « Pour simplifier à l'excès, disons que les réalistes minimisent l'importance des valeurs et de la structure interne des Etats et mettent au contraire l'accent sur l'équilibre des pouvoirs. Les idéalistes accordent la primauté aux valeurs comme la liberté, la démocratie, les Droits de l'Homme... en tant que responsable politique, je peux vous assurer que ces catégories masquent la réalité. En réalité, pouvoir et valeur sont complètement indissociables ». C'est dire que les valeurs idéalistes ont souvent servi les objectifs réalistes. Ce fut d'ailleurs le cas avec l'URSS. L'usage des valeurs démocratiques comme arme pour la lutte contre le communisme poursuivait les objectifs géopolitiques. Autrement dit, la politique américaine au Cameroun depuis septembre 2001 s'inscrit dans une longue tradition de la manipulation de la soif de liberté des peuples pour l'atteinte des objectifs géopolitiques américains.

SECTION I : Réalisme démocratique : les valeurs démocratiques au service de la sécurité nationale américaine.

«La démocratie libérale en tant que régime sociopolitique appelle-t-elle ou au contraire condamne-t-elle le développement de l'ingérence ? » s'interroge Philippe BRAUD (2000 : 14). C'est qu'en réalité celui qui s'ingère se croit porteur de la vérité mais, l'ingérence démocratique ne peut pas uniquement se justifier par l'exportation de la vérité. La fin justifiant les moyens, la démocratie est devenue un instrument efficace pour la poursuite des intérêts. Depuis le 11 septembre 2001, « la revendication de la suprématie sur les autres puissances a fait place à un discours plus propagandiste sur la défense de la liberté et la démocratie » (HARBULOT, 2003 : 70). C'est qu'en fait, les nouvelles exigences sécuritaires qui sont nées des événements de septembre 2001 attirent l'attention de l'Administration américaine sur les « alliés silencieux » qu'elle a longtemps négligés et qui sont devenus une menace pour elle. La démocratie comme instrument de politique étrangère vise donc à atteindre directement les peuples du monde passant par-dessus les gouvernants. Cette stratégie va préserver les intérêts énergétiques, commerciaux et sécuritaires des Etats-Unis dans le monde entier.

A) Primat des intérêts sur les valeurs démocratiques : analyse à l'aune du commerce du pétrole.

Nous avons choisi de nous appuyer sur le cas spécifique du pétrole pour illustrer le rôle que la démocratie aura à jouer dans la sécurité énergétique des Etats-Unis au Cameroun .Le choix du pétrole comme élément d'illustration du primat des intérêts sur les valeurs est motivé par son importance multiple. En effet, le pétrole est un élément dans les intérêts sécuritaires, les intérêts commerciaux et les intérêts stratégiques. Et par son truchement, l'on peut examiner la prépondérance des intérêts U.S dans les rapports avec les autres peuples.

Le constat de l'échec des stratégies passées en matière énergétique, échec dans l'impact réel des ressources énergétiques des peuples et l'opacité dans la gestion des ressources énergétiques font qu'il y a désormais de la part des Etats-Unis nécessité de créer un minimum de consensus dans la gestion des fonds provenant des ressources énergétiques. Parmi les ressources énergétiques qu'exploitent les USA en Afrique, le pétrole est un cas typique de la matière première qui fait obstacle à la démocratie. ll convient donc de se pencher sur les pratiques qui ont toujours eu cours dans les pays exportateurs de pétrole. Après cela, examiner la solution préconisée dans la nouvelle stratégie américaine de sécurité nationale.

Selon Michael ROSS, le pétrole « rend plus difficile la démocratie » du fait de trois mécanismes. En fait, la où il y a le pétrole pense Ross il y a un effet rentier c'est-à-dire une faible imposition et le clientélisme qui étouffent les revendications démocratiques. Il y a également un effet répressif car l'Etat contrôle directement les revenus pour financer des dépenses militaires excessives et des appareils de sécurité importants. Troisièmement, il y a l'effet modernisant c'est-à-dire le passage à des emplois industriels et de services qui rendent les gens moins revendicatifs en faveur de la démocratie. (ROSS, 2001 : 126). Cette perception de ROSS rejoint le constat des observations des marchés pétroliers en Afrique. En même temps que les pays exportateurs de pétrole en Afrique battent les records de pauvreté, ils brillent par leur aversion pour la démocratie. L'un et l'autre sont cependant liés car la concentration des pouvoirs et des ressources, l'absence de contre pouvoir et la prééminence de la recherche de rentes rendent impossible la bonne gestion des revenus du pétrole. Autrement dit, l'absence des responsabilités horizontales et verticales et la prévalence de la « démocratie délégative » (O'DONNELL, 1994) font le fossé entre les gouvernants et les gouvernés. La particularité des pays producteurs de pétrole est la concentration des pouvoirs politiques et économiques. L'exportation pétrolière génère des capitaux très importants qui aiguisent les appétits. Mais, même si les revenus du pétrole peuvent sortir de la pauvreté plusieurs Etats, il n'en est rien du fait de l'absence de la transparence dans la gestion et l'utilisation des rentes pétrolières pour assurer la pérennité des régimes sans légitimité. Ainsi, la démocratie se révèle être le seul moteur de la croissance pour des Etats qui ont des ressources mais qui semblent ne pas trouver la solution pour leur développement économique. Si « la démocratisation crée un contexte plus favorable à une bonne gestion des affaires publiques et à un développement économique durable » (OULD ABDALLAH, 2000 : 117), son absence favorise au contraire les habitudes et pratiques patrimonialistes. Au Cameroun, jusque très récemment les budgets de l'Etat étaient faits sans prendre en compte les revenus du pétrole. La gestion des rentes pétrolifères était caractérisée par une opacité qui laissait trahir la traduction d'une chasse gardée. Dans une démocratie, l'attribution des brevets d'exploration, de prospection et d'exploitation relève des attributions du Parlement en tant que représentation du peuple. Cependant, pendant longtemps (si ce n'en est plus le cas), les pays africains producteurs de pétrole ont développé des pratiques consistant à gérer le pétrole comme la « chose du prince ». Cela a plusieurs corollaires et le plus grave est la mise en marge des populations qui ne savent rien de la gestion du pétrole. Et, le fait marquant est que quelques fois même les populations dont les terres abritent ce pétrole ne sont nullement associées à la gestion du pétrole. Le cas le plus frappant est celui du delta du Niger. Avec 70 000 km2, le delta du Niger produit deux millions de barils par jour soit 98 % de la valeur des exportations nigérianes, 80 pour cent des revenus de l'Etat et 90% des réserves en devises. Cependant, cette région est l'une des plus pauvres du monde. Devant cette injustice, les peuples du delta se sont organisés pour revendiquer un accès conséquent au pétrole et à ses revenus.

L'on ne saurait cependant déplorer la gestion opaque et anti-démocratique du pétrole africain sans tenir compte de ce que très souvent, elle est encouragée par les grandes puissances et les institutions financières internationales.

« Une compagnie pétrolière aura tout intérêt à négocier dans le plus grand secret et sans transparence avec un gouvernement ou à payer des primes occultes, dont il est impossible de retrouver des traces  » (GARY et alii, 2000 : 20). En occident ont qualifierait cela de corruption et des gouvernements seraient conduits à la démission pour de telles pratiques Mais, en Afrique, pour des intérêts supérieurs des Etats importateurs, leurs gouvernements permettent que des régimes autoritaires élaborent des lois sur mesure pour manipuler les structures légales en leur faveur quand il en existe. « Les gouvernements des pays importateurs, poursuivant des politiques d'intérêts économiques et de sécurité nationale ont forgé de puissantes alliances avec des régimes autoritaires pour la seule raison qu'ils contrôlent d'importants gisements pétroliers et ce malgré leur triste palmarès en matière de violation des droits de l'homme » (GARY et alii, op.cit.). Autrement dit, la politique énergétique des grandes puissances se faisait au détriment de la démocratisation ; la fracture entre les gouvernants et les gouvernés était facilitée par le soutien inconditionnel des grandes puissances aux régimes autoritaires. La notion de stabilité est devenue en soi polysémique. En occident, un Etat stable c'est celui où les élections sont régulières, il y a alternance et le consensus est recherché pour la gestion des affaires publiques. Pendant qu'en Afrique un Etat stable est celui où le prince reste longtemps au pouvoir et fait les affaires des grandes puissances.

La conséquence logique de la collusion entre les intérêts des puissances importatrices de pétrole et les régimes autoritaires est le mécontentement de la masse. Pendant que les Etats importateurs pour permettre l'épanouissement de leurs peuples viennent chercher les ressources nécessaires en Afrique, ils encouragent les régimes en place à penser à leurs intérêts privés. Le scandale de Elf-aquitaine et les confessions de Loïc-le-Floch PRIGENT ont mis à nu les pratiques des dignitaires en Afrique au sujet du pétrole. Lorsqu'il y a d'une part une caste nantie et de l'autre la masse des pauvres alors que le pays à des ressources pétrolières, la rue commence à grogner. L'on aboutit aux actes de violence, aux actes terroristes, à l'animosité vis-à-vis des étrangers. Il s'agit d'un climat qui est défavorable aux affaires. L'argent n'aime pas le bruit des bottes. Il faut peut-être ajouter que les puissances occidentales avaient fondé la longévité de leur mainmise sur le pétrole africain sur la main de fer des dirigeants qui devaient tenir en respect le peuple. Mais la soif de liberté et de vérité est une pathologie qui se répand très vite. La politique paradoxale des Etats-Unis notamment en matière pétrolière a connu son essoufflement avec le 11 septembre 2001.L'Administration américaine a opéré un virage dans sa stratégie de sécurité Nationale. Thomas CAROTHERS du CARNEGIE Endowment for International Peace critiquait le « dédoublement de la personnalité du président BUSH et de son équipe. BUSH le réaliste cultive activement des relations chaleureuses avec des tyrans amis dans plusieurs parties du globe, tandis que BUSH le néo-reaganien prononce des appels retentissants pour une nouvelle et vigoureuse campagne pour la démocratie au Moyen-Orient » (ACHCAR, 2004-2005 : 36). Il semblerait plutôt que ce dédoublement de la personnalité soit un virage difficile à opérer, passant du réalisme pur à un réalisme entaché d'idéalisme.

B) La démocratie dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale.

La Nouvelle Stratégie américaine de la sécurité nationale part du constat de l'anti-américanisme exacerbé qui porte les peuples à menacer les intérêts américains dans le monde. Même si les américains ont beaucoup investi dans la recherche du développement d'autres pays, il apparaît que cela a été insuffisant ou pas du tout efficace. Comme par le passé, il est question d'atteindre les objectifs américains de politique étrangère qui sont d'abord la sécurité nationale. Cependant, puisqu'il est illusoire d'espérer y arriver seuls, les USA doivent pouvoir compter sur leurs alliés mais les vrais alliés cette fois. Dans la logique de la " diplomatie transformatrice" de Mme RICE, il faut transformer le monde pour le rendre plus sûr mais cela évidemment est une entreprise qui nécessite la coopération. Hier l'Administration américaine a coopéré avec les gouvernants en minorant le rôle des gouvernés, aujourd'hui elle tend la main aux peuples du monde entier pour atteindre ses objectifs.

Henry HYDE s'interrogeant sur les raisons qui ont conduit à la croissance de l'image caricaturale et destructrice des Etats-Unis y répond en disant : « Il apparaît de plus en plus clairement qu'une grande partie du problème vient de l'inefficacité et souvent de la vétusté de nos méthodes » (HYDE 2002 :25). Il naît donc la nécessité d'utiliser un peu d'idéalisme dans la poursuite de la sécurité nationale américaine. Il poursuit en disant : « Mon raisonnement est le suivant : En nous concentrant sur nos relations avec les gouvernants étrangers et les organisations internationales, nous en sommes venus à négliger un groupe de puissants alliés : les autres peuples du monde » (HYDE, op.cit : 26). Ces peuples qu'il qualifie d' « alliés silencieux » défendront mieux les intérêts U.S. Il faut tout simplement oeuvrer à se faire connaître par eux, les intégrer dans le plan du développement du monde. Ce, d'autant plus que le terrorisme est l'expression d'une impuissance. Celle d'un peuple au banc de la société et qui n'a plus d'espoir. Porter l'espoir à ces peuples par la liberté, la justice, le développement économique est un objectif de la nouvelle stratégie américaine de sécurité nationale. Mais, « la propagation de ces principes à l'étranger bénéficie non seulement aux populations d'autres pays, mais renforce également la sécurité nationale des Etats-Unis en réduisant les risques de conflits entre les nations » (LIEBER et LIEBER, 2002 : 39).

La dégénérescence du climat sociopolitique en tant que conséquence de la revendication de justice et de liberté, menace les intérêts américains au Cameroun et chez les voisins. D'autre part, si le Cameroun est pressenti pour servir de base d'où partira l'activité de promotion de la démocratie dans la sous-region il doit déjà ne pas souffrir des pratiques anti-démocratiques. Citant ED ROYCE, James FISHER-THOMPSON dit : « En Afrique, les promesses et les débouchés côtoient la guerre, la maladie et le grand dénuement. Cet état de chose porte atteinte à la fois à une valeur fondamentale des Etats-Unis : sauvegarder la dignité humaine, et à leur priorité stratégique : combattre le terrorisme international » (FISHER-THOMPSON, 2002 : 30).

La promotion de la démocratie au Cameroun par les Etats-Unis vise avant toute chose le peuple. Il s'agit de rendre le peuple épanoui étant donné qu'elle favorise le libre marché et les investissements étrangers. En cela, les objectifs de sécurité nationale des Etats-Unis seront atteints puisque la frustration qui a conduit aux évènements du 11septembre 2001 est née au sein des peuples. Ceux-ci, en même temps qu'ils subissent l'injustice en supportant le Joug de l'autoritarisme, voyaient leurs dirigeants être bien traités par les Etats-Unis.

Désormais, un peu d'humanisme devient nécessaire pour l'atteinte des objectifs qui jadis étaient poursuivis par la seule « realpolitik ». Comme le disait Mme Condolezza RICE, « le seul moyen de garantir la sécurité est donc de véritablement faire face à la fois aux terroristes et aux despotes » (2002 :6)

SECTION II : Examen critique de la Nouvelle Stratégie de Sécurité nationale américaine

L'ingérence démocratique devient une variable impérative de la nouvelle stratégie de sécurité nationale. En passant presque outre les gouvernants, il se trouve que les règles de la coopération internationale sont en mutation. Même si HUGO de GROOTE (GROTIUS) pensait déjà que le commerce est un facteur de pacification et de réglementation des relations internationales, il faut dire que les Etats au plus haut niveau étaient les acteurs privilégiés selon qu'ils régulaient les activités commerciales. Diane ETHIER nous rappelle que selon les constitutions internes et le droit international public, la politique étrangère a comme principaux décideurs les détenteurs du pouvoir central (ETHIER, 2003 :127). Ainsi, la nouvelle stratégie de sécurité américaine dans son volet promotion de la démocratie pose un certain nombre de problèmes dont deux retiendrons notre attention.

A) Promotion de la démocratie au Cameroun et érosion de la souveraineté.

Au mois d'octobre 2006, après moult atermoiements, l'immunité parlementaire fut retirée à MM. EDOUARD ETONDE EKOTTO et ANDRE BOOTO A NGON. La présence dans l'hémicycle de NGOA EKELLE en ce jour particulier de son excellence Robert NIELS MARQUARDT n'est pas passée inaperçue. Cette présence silencieuse a joué un rôle capital. Devant les écluses posées par les gouvernants et la nécessité pour les Etats-Unis d'atteindre leurs « alliés silencieux » que sont les populations, il y aura forcément des incursions américaines dans le champ de la souveraineté camerounaise. Le contrat social hobbesien a été étendu à l'échelle supranationale mais, il repose sur la décision unilatérale d'un Etat qui craignant pour sa sécurité, a défini les variables du contrat. Si Thomas Hobbes, n'a pas envisagé le contrat social à l'échelle internationale c'était parce que cela suppose la perte de la souveraineté des Etats qui est leur fondement au profit d'une autorité supranationale pense ETHIER (op.cit. :27). L'autorité supranationale, ce sont les USA pour l'heure et la souveraineté est devenue au sens de KRASNER une fiction juridique (KRASNER, op.cit). L'Etat se fonde sur la maîtrise d'un gouvernement sur sa population. L'une des fonctions régaliennes de l'Etat est la protection du peuple. Un Etat est d'autant plus stable qu'il a le contrôle sur ses populations. Pourtant, la diplomatie transformatrice, tirant les conclusions qui s'imposent eu égard aux leçons du passé, vise en priorité les populations, nonobstant les convictions de l'Etat. Ainsi, en accordant une bourse à l'ADDEC que l'Etat combat, les Etats-Unis d'Amérique passent outre la souveraineté de L'Etat. Les exemples de ces violations de souveraineté sont légion. IL s'agit de toute évidence de contester les pratiques locales mais en ménageant les gouvernants qui sont aussi des alliés importants dans la poursuite des objectifs américains. C'est ce qui fait dire à Philippe BRAUD que : « Là où la référence démocratique fait l'objet d'un consensus à peu près unanime, il est habile en effet d'en faire un argument de combat pour embarrasser un rival, légitimer un programme de réforme, contester les méthodes du gouvernement en place » (BRAUD, 1997 :8).

Il convient certainement de revenir sur les éléments fondamentaux de la souveraineté. Au seizième siècle, Jehan BODIN présentait la souveraineté comme la capacité de contraindre et commander sans être ni contraint ni commandé. Si l'Etat est souverain, il commande la population et n'est soumis à aucune contrainte extérieure. Dans ce cas de figure, la nouvelle stratégie américaine de sécurité nationale est une ingérence qui érode la souveraineté. Cependant, il faut se poser la question suivante : Qui est titulaire de la souveraineté ?

La constitution américaine commence par « we the people of United States of America, in order to form a more perfect union ...» et la première section de l'article I renforce la conviction que le peuple est titulaire de la souveraineté. La consolidation démocratique au Cameroun a comme objectif de rendre au peuple sa souveraineté. Si le peuple reprend donc la « puissance perpétuelle », il apparaît que l'Etat deviendra une entité indifférenciée dans laquelle les gouvernants exercent "pro populi". Cet idéal démocratique qui libère le peuple constitue un défi pour les Etats-Unis qui ont fait de leur sécurité nationale l'objectif premier de la politique étrangère depuis septembre 2001.

L'incursion démocratique américaine au Cameroun vient favoriser la mise en application de la « théorie libérale du droit des minorités » (KYMLICKA, 2001) mais, elle pose aussi le problème de la souveraineté. Cet Etat qui est encore entre un « noyau dur et une case vide » (SINDJOUN, 2002) a besoin de se fortifier avant de pouvoir gérer une forte souveraineté du peuple. Loin de nous aligner derrière les thèses du renforcement de l'Etat qui ont justifié l'autoritarisme de l'Etat camerounais de première et seconde génération, nous pensons que la démocratie américaine a plus de 225 années d'existence mais elle demeure imparfaite. Comme quoi la démocratie est un apprentissage long. Or, les objectifs de la politique américaine visent des résultats "hic et nunc"  ce qui entraîne un activisme dans la promotion démocratique à un rythme effréné.

Le problème que pose la promotion démocratique au Cameroun quant à la souveraineté est qu'elle érode davantage la souveraineté dont on sait déjà qu'elle est fictive désormais avec la mondialisation. Mais c'est un Janus biface. En même temps que l'ingérence démocratique américaine renforce la conviction que la souveraineté des Etats est une fiction juridique, elle met en relief la souveraineté du peuple. « Rien ne doit être décidé sans la consultation et l'accord du peuple. Tel est le postulat de la démocratie » rappelle Philippe MOREAU - DEFARGES (2000 : 81). Il est un devoir, celui de le rappeler aux Etats qui tendent à le négliger. D'où l'importance de l'ingérence démocratique.

Il ne faut pas minorer l'opinion des « alliés silencieux ». Ces derniers, conscients de plus en plus de l'interdépendance ou mieux, de la prépondérance des grandes puissances sur la scène internationale, offrent leur loyauté à celui qui a vis-à-vis d'eux une approche humaniste. Ainsi la démocratie dans la nouvelle stratégie américaine de sécurité nationale, de par la souveraineté qu'elle vise à rendre au peuple camerounais, embarrasse d'autres puissances rivales qui ont fondé leur coopération avec le Cameroun sur les rapports Etat-Etat. Et les chaumières diront la bienveillance de l'Amérique, maudissant au passage quelque puissance qui pendant plus d'un demi-siècle n'a pas considéré le peuple mais a contribué à le paupériser chaque jour un peu plus. La promotion de la démocratie devient alors une stratégie d'écartement des rivaux dans un Cameroun de plus en plus convoité par les puissances affirmées et montantes.

Par ailleurs, la promotion de la démocratie présenterait d'après certains le risque de fragiliser davantage un Etat en construction. Sophia MAPPA affirme : « Dans les pays du Sud l'enjeu n'est pas la modernisation forcée de l'Etat mais sa survie et sa mutation en fonction des stratégies locales » (MAPPA, 2004 : 36). Cette conception a une part de vérité mais, la consolidation démocratique vise à éliminer des pratiques qui empêchent l'individu de s'épanouir. Que la modernisation de l'Etat se fonde donc sur la démocratie et ce sera un gain car le consensus permettra de mieux bâtir l'Etat Camerounais de demain.

B) Un ethnocentrisme aux conséquences sous régionales

La promotion de la démocratie s'appuie sur la pensée que celui qui promeut a le devoir d'enseigner aux autres les règles du jeu démocratique. Il s'agit d'apporter aux sociétés autres la civilisation occidentale. Au-delà de la promotion démocratique, c'est de la transposition d'un idéal type étatique qu'il est question. Un Etat qui, s'il est parfaitement greffé, renforcera le leadership camerounais dans la CEMAC. Par ailleurs, en plus l'érosion de la souveraineté qui en découle, la promotion de la démocratie au Cameroun est nourrie à la source de l'illusion universaliste.

1 - De la nécessité de dépasser l'illusion universaliste de la démocratie

L'exportation du modèle démocratique américain au Cameroun relève d'abord de l'ethnocentrisme. En même temps, elle est un imbroglio qui ne s'explique pas si l'on s'interroge avec Achille MBEMBE (2003 : 1) " is the notion of biopower sufficient to account for the contemporary ways in which the political under the guise of war, of resistance, or the fight against terror, makes murder of the enemy, its primary and absolute objective?». En effet, la démocratie s'appuie sur l'individu. Et, comme il a été signalé ci-dessus, l'incursion démocratique américaine au Cameroun a érodé la souveraineté étatique pour en faire celle des individus ; la souveraineté populaire. L'état qui met ainsi l'individu sur un piédestal, a vu le jour en occident à la suite des révolutions violentes ou pacifiques. La démocratie apparaît donc comme une "égologie" promue par les Etats-Unis au Cameroun. Ainsi, l'individu acquiert des droits nouveaux à la faveur de la démocratie. "Au travers de cette "égologie" généralisée, transparaît la tendance des individus à s'assurer des droits nouveaux et à conquérir des libertés concrètes pour vivre selon leurs désirs sans dépendre de modèles uniformes et stéréotypés imposant des rôles sociaux". (LAURENT, 1993 : 115). Cette phrase de Alain LAURENT révèle une énième difficulté liée à la promotion démocratique. En occident, l'individu est désormais déifié. Va-t-on transposer au Cameroun cette réalité de façon abrupte ? En paraphrasant Jean LECA (1991 :161), l'on peut se demander si un ordre socio-politique fondé sur son acceptation par les individus et continuellement jugé par eux est-il vraiment possible au Cameroun aujourd'hui ? Nul désir de notre part de dire que le Cameroun doit aller à son rythme vers la démocratie, mais la prise en compte des réalités socio-historiques du pays est une condition sine qua non pour la réussite de cette entreprise. Peut-être faut-il examiner un autre problème que pose la démocratie : le dilemme de la théorie démocratique. Comment être citoyen et individu dans un état démocratique ? La citoyenneté suppose l'assujettissement à l'Etat, aux normes et valeurs de l'Etat. N'est-ce pas précisément empiéter sur le terrain de la liberté de l'individu que de le soumettre au Léviathan ? C'est pourtant à cette situation que l'on doit aboutir dans une démocratie. Une situation dans laquelle le souci premier du Leviathan est d'assurer le bien-être des individus sauf en cas de menace pesant sur la sécurité de l'Etat.

D'autre part, la promotion de la démocratie au Cameroun par les Etats-Unis déplace le centre de symétrie de la politique. Hier, le peuple n'était intéressant que pour son soutien et de manière marginale pour des redistributions. La politique est désormais perceptible dans ce que BOURMAUD citant Dénis MARTIN appelle "objets politiques non identifiés". En effet, l'intégration des acteurs du "bas" dans la politique au travers de la démocratie, entraîne que le peuple fera irruption sur la scène politique avec ses "modes populaires d'action politique" (BOURMAUD 1997 :52-57). L'apport de ces originalités bat en brèche l'illusion universaliste du modèle démocratique. En même temps, ces apports qui relèvent de la "vernacularisation" chère à APPADURAI, laissent aussi transparaître des résistances légitimes d'un système qui a fait date. L'option qui nous semble intéressante ici est non pas les résistances inévitables à la consolidation démocratique américaine, mais la nécessaire prise en compte du cadre stato-national dans ce qu'il a d'original. En réalité, il est inévitable que de cette promotion démocratique découle une forme créole de démocratie qui obéirait à la révolution pacifique bayartienne. De même que l'Etat au Cameroun selon BAYART (1985) a intégré les données du passé en les transformant, s'inscrivant ainsi dans le temps long, il faut dire avec Serge CORDELLIER (2000 : 188) que les démocraties française et américaine sont issues des révolutions. Au Cameroun, il faut espérer que la révolution pacifique sera la matrice qui génère le système politique à coloration démocratique qui ne saura cependant minorer les spécificités locales.

2 - Vers une possible réactivation des querelles de leadership au sein de la CEMAC

La promotion de la démocratie au Cameroun par les Etats-Unis d'Amérique depuis septembre 2001, répondant aussi à un souci géopolitique, ne peut qu'avoir des vues sur les pays riverains du Cameroun. Cependant, de même qu'une épouse chérie par l'époux polygame dans une concession suscite la jalousie de ses co-épouses, il faut craindre que l'attention américaine vis-à-vis du Cameroun réactive les querelles de leadership dans la sous-région. En effet, s'il existe une alliance de longue date entre le Cameroun et le Tchad, celle-ci renforcée par le pipeline, l'on ne peut penser que le Cameroun vit avec ses voisins méridionaux une ataraxie. Au-delà de l'accalmie que M. NTUDA EBODE (2006 :41) pense relever entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale depuis la victoire du premier dans le litige qui l'opposait au Nigeria à propos de Bakassi, des indices laissent penser que les querelles peuvent resurgir. Il est vrai que la crise actuelle entre la Guinée Equatoriale et le Gabon à propos de Mbagnie divise deux alliés du passé (NTUDA EBODE, 2004), mais devant la crainte de voir le Cameroun remonter en puissance dans la sous-région, des alliances circonstancielles peuvent se former. Au coeur de ces alliances se trouverait la Guinée Equatoriale.

L'évolution exponentielle de la production pétrolière équato-guinéenne qui va de 5,9 millions de tonnes en 2000 à 17,7 millions de tonnes en 2004 lui a donné des rêves d'hégémonie. Cela fait penser à Martial TCHENZETTE (2006) que la Guinée Equatoriale veut redéfinir la donne géopolitique en Afrique centrale en s'appuyant sur son pétrole. Il faut rappeler que cette dernière est 3ème productrice de pétrole en Afrique noire derrière le Nigeria et l'Angola. Elle est cependant la première productrice dans la CEMAC devant le Gabon et le Congo et elle est propriétaire de près de 50 % des dépôts de la BEAC avec une croissance de 9,2 % en 2005 (TCHENZETTE op. cit.). Ces chiffres révélateurs d'une bonne santé de l'économie équato-guinéenne ont entraîné le Président OBIANG NGUEMA à adopter une posture plus imposante dans la CEMAC ; en réclamant notamment la redistribution des cartes dans les instances de la structure. Ainsi, la Guinée Equatoriale s'est vue confier la présidence d'un comité stratégique chargé de conduire la réforme de la CEMAC avant mars 2008.

Toutefois, l'on ne saurait négliger les facteurs qui militent contre une hégémonie équato-guinéenne dans la CEMAC. En réalité, au-delà des éléments déjà évoqués qui montrent le poids dont pèse le Cameroun dans cette organisation sous-régionale, les indicateurs intrinsèques à la Guinée Equatoriale montrent son handicap. Avec seulement 546 700 habitants environ dans une superficie de 28 000 km², ce pays dépend à 90 % du pétrole pour ses recettes budgétaires alors que le Cameroun n'est pétro-dépendant qu'à hauteur de 39 % (WOMO ELLA, 2006 : 9). Cela révèle que l'économie équato-guinéenne n'est pas diversifiée et s'appuie sur une denrée périssable. D'autre part, "la confiscation des rentes pétrolières par l'élite dirigeante en Guinée Equatoriale est source de tensions internes et sous-régionales" WOMO ELLA, op. cit. : 7).

Par cet exemple de la Guinée Equatoriale, nous avons voulu démontrer que la promotion de la démocratie au Cameroun peut réactiver les velléités d'hégémonie dans la CEMAC surtout venant de la part des autres Etats qui à l'instar de la Guinée Equatoriale, abritent beaucoup d'intérêts américains.

CONCLUSION GENERALE

La politique américaine de promotion de la démocratie au Cameroun après le 11 septembre 2001 est un chantier énorme qui s'appuie sur la quête tous azimuts de la sécurité nationale américaine. Dire cela, c'est ne pas minorer l'aspect mondialisateur de la promotion de la démocratie car, il se trouve que la promotion démocratique est une politique qui fait date. Par ailleurs, il est de la nature des puissants d'étendre leur domination. La marque de la domination c'est l'imposition de sa manière de vivre, de sa culture. Ainsi, nous avons entrepris d'aborder cette étude en deux mouvements. Dans le premier, nous avons appréhendé la promotion américaine de la démocratie au Cameroun depuis septembre 2001 comme une conséquence de la mondialisation. En deux chapitres, nous avons tablé sur deux aspects de la mondialisation à savoir l'aspect économique et l'aspect politique. Nous avons observé que ces deux aspects s'entremêlent dans l'entreprise de la mondialisation et sont ipso facto indissociables. Nous avons donc démontré que par le "Consensus de Washington" les intérêts américains et ceux des institutions de Bretton Woods sont en collusion et exigent que les reformes institutionnelles préparent le développement économique.

Dans un deuxième mouvement, nous avons présenté la promotion de la démocratie au Cameroun comme une entreprise réaliste qui vise à protéger les intérêts américains en préservant ainsi la sécurité nationale U.S. Ce faisant, nous avons d'abord présenté les intérêts ou enjeux américains au Cameroun et alentour ; enjeux qui exigent que le Cameroun de par un certain nombre de facteurs exogènes et endogènes, base pressentie des Etats-Unis dans l'Afrique Centrale, soit un cadre démocratique. Ensuite, nous avons présenté la promotion de la démocratie dans la Nouvelle Stratégie américaine de Sécurité nationale. Dans celle-ci, la population est présentée comme un acteur majeur qui mérite en priorité l'attention des Etats-Unis. Cette nouvelle diplomatie publique, a aussi comme conséquence une mutation dans la théorie.

En politique internationale, les théories se sont souvent opposées en raison des objectifs poursuivis et des modus operandi. Le réalisme s'est souvent vu opposé à l'idéalisme à cause du caractère belliciste de l'un et du caractère colombiste de l'autre. Dans cette étude, nous avons utilisé la théorie réaliste alors même que les acteurs en présence auraient incité  à penser au néo-réalisme. Mais, dans cette étude nous avons écarté l'usage du « Cocktail méthodologique » même si l'évocation de l'idéalisme peut porter à y penser. L'illusion viendrait de ce que dans la nouvelle politique américaine de sécurité nationale, il y a un mariage des oppositions. Le réalisme et l'idéalisme se mettent ensemble pour les intérêts supérieurs des USA. Peut être vaut-il mieux de dire : le réalisme se sert de l'idéalisme et de tous les acteurs possible pour assurer la sécurité nationale des USA.

Au demeurant, l'examen de la politique américaine au Cameroun en matière de promotion démocratique soulève quelques inquiétudes. Les exemples moyen-oriental et ougandais de cette politique ont démontré que tout compte fait les intérêts surpassent les valeurs. De cette triste réalité,doit naître une méfiance et envisager une coopération qui défende autant les intérêts U.S. que ceux du Cameroun, cela exige que les camerounais du "haut" comme du "bas" soient informés de ce que sur la scène internationale, seuls priment les intérêts. Même quand les valeurs sont présentées comme les motivations dans la politique internationale, il faut être prudent, ne pas prendre pour explication ce qui mérite explication.

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v WEBER (M) 1971, Economie et Société, Paris : plon.

SOMMAIRE

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

LISTE DES TABLEAUX iii

LISTE DES ANNEXES iv

SIGLES ET ABREVIATIONS v

A) Considérations sur l'objet 1

1 - Présentation du sujet. 1

2 - Définition des concepts. 3

3 - Revue de la littérature 4

B) Considérations théoriques 5

1 - La problématique 5

2 - Hypothèses de la recherche 6

3 - Propos théorique sur l'objectif de la recherche 6

PARTIE I : CONSOLIDATION DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN ET LOGIQUES DE L'AMERICANISATION DU MONDE 11

CHAPITRE I : LOGIQUE DE LA MONDIALISATION ECONOMIQUE AU CAMEROUN OU L'AMERICANISATION DE L'ECONOMIE CAMEROUNAISE. 12

SECTION I : Le « Consensus de Washington » ou les institutions de Bretton Woods au service des Etats-Unis d'Amérique. 13

A) Similitudes dans les politiques de Bretton Woods et des USA vis-à-vis du Cameroun. 14

1- Examen sommaire des pratiques des institutions de Bretton Woods. 14

2- L'orientation américaine pour le développement durable au Cameroun. 15

B) Propos sur l'application conjointe des politiques américaine et "Brettonwoodienne" au Cameroun à l'aune des P.P.T.E. 18

SECTION II : L'assistance économique américaine et la promotion de la démocratie au Cameroun. 21

A) L'allégorie du Banquier ou la nécessaire construction d'un cadre institutionnel garant des investissements. 22

Les instruments de l'assistance économique au service des USA au Cameroun. 25

CHAPITRE II : Logiques politiques de la mondialisation au Cameroun : The one best way of thinking politics. 33

SECTION I : Assistance à la consolidation de la compétition,de la participation et du respect des droits. 34

A) Pour l'institutionnalisation des pratiques démocratiques. 34

B) Pour que la démocratie soit faite corps. 40

SECTION II : Voyage au coeur du chantier de la consolidation démocratique au Cameroun 43

A) Les instruments de l'assistance américaine à la consolidation démocratique au Cameroun 44

B) Evaluation à mi-parcours d'un chantier en cours 46

1 - Les fruits de la "loyauté démocratique" 46

2 - Cerbères et écluses : obstacles vers l'Etat de droit démocratique 48

DEUXIEME PARTIE : PROMOTION DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN ET EXIGENCES SECURITAIRES AMERICAINES APRES LE 11 SEPTEMBRE 2001 53

CHAPITRE III : LA POLITIQUE AMERICAINE DE PROMOTION DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN : ENJEUX GEOPOLITIQUES. 55

SECTION I : Du Golfe Arabo-persique au Golfe de Guinée. 55

A) Les leçons du 11 septembre 2001. 56

1- Les Etats-Unis dans le Golfe persique : Les signes de la rupture. 56

2- Les objectifs de la politique africaine des Etats-Unis après le 11 septembre. 59

B) Les intérêts américains à l'intérieur et autour du Cameroun. 60

1- Prépondérance des intérêts pétroliers. 61

2- Survol des autres intérêts américains à l'intérieur et autour du Cameroun. 64

SECTION II : Du réalisme démocratique ou la démocratie locale au service des intérêts étrangers : élection du cadre stato-natinal. 68

A) Les facteurs exogènes du choix du Cameroun. 68

1 - La question nigériane. 68

a) Les multiples lignes de fractures internes. 69

b) Le Nigeria : abri des menaces transnationales. 70

2 - Cartes postales des autres Etats riverains du cameroun. 71

B) Le Cameroun un partenaire de choix dans la préservation des intérêts américains dans le Golfe de Guinée. 72

1- La position stratégique du Cameroun. 73

2- Le Cameroun dans la CEMAC. 74

CHAPITRE IV : DEMOCRATIE AU CAMEROUN ET SECURITE NATIONALE DES ETATS-UNIS ; EXAMEN THEORIQUE ET CRITIQUE. 77

SECTION I : Réalisme démocratique : les valeurs démocratiques au service de la sécurité nationale américaine. 77

A) Primat des intérêts sur les valeurs démocratiques : analyse à l'aune du commerce du pétrole. 78

B) La démocratie dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale. 81

SECTION II : Examen critique de la Nouvelle Stratégie de Sécurité nationale américaine 83

A) Promotion de la démocratie au Cameroun et érosion de la souveraineté. 83

B) Un ethnocentrisme aux conséquences sous régionales 86

1 - De la nécessité de dépasser l'illusion universaliste de la démocratie 87

2 - Vers une possible réactivation des querelles de leadership au sein de la CEMAC 88

CONCLUSION GENERALE 90






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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery