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Liberté de la presse et droits fondamentaux en France et en Ecosse: influence de la CEDH

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par Abderrahman BENYAHYA
Université d'Auvergne Clermont I - DU Etudes Juridiques et Politiques Comparées 2007
  

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B- Une reconnaissance insuffisante de la supériorité du débat public

Conformément à la jurisprudence européenne, le droit national admet que le respect dû à la vie privé ne peut être invoqué lorsque l'information entre dans le domaine publique: ainsi la Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans un arrêt Lingens, distingue la liberté de la presse dans un contexte de débat politique en lui donnant une valeur supérieure dans son rapport avec le droit à la vie privée213(*). Mais dans ce cas, l'information révélée doit être en rapport avec les fonctions publiques exercées par l'homme politique en question.214(*) En outre, en ce qui concerne les personnalités n'exerçant pas de fonctions officielles comme la princesse de Monaco, l'impératif de protection de la vie privée doit l'emporter sur la liberté d'expression quelque soit la curiosité du public si aucun débat d'intérêt public n'est en cause et, si la personne en question doit pouvoir bénéficier d'une « espérance légitime » de protection et de respect de sa vie privée.215(*) La frontière entre vie publique et vie privée s'appréciera des lors au regard de la nécessité de l'information divulguée pour le débat publique: soit qu'elle concerne un événement d'actualité soit qu'elle concerne une personnalité publique lorsqu'elle peut avoir une incidence sur la vie publique.

Ainsi, l'exigence d'informer le public passe par la publication de photographies qui peuvent porter atteinte au droit dû à la vie privée: c'est pourquoi, selon la Cour de cassation, la liberté de communication de l'information rend légitime la publication de photographies de personnes impliquées dans un événement d'actualité a condition de respecter la dignité de la personne humaine. La cour de cassation se prononçant sur la publication d'une photographie d'une personne victime de l'attentat à la station Saint-Michel du RER, le 25 juillet 1995 a jugé qu'elle était « dépourvue de recherche du sensationnel et de toute indécence et qu'ainsi, elle ne portait pas atteinte à la dignité de la personne représentée ».216(*) La jurisprudence considère licite la publication de photographies de personnes qui figurent sur les lieux de manière inopinée et accessoire par rapport au sujet, mêlé à l'événement par l'effet d'une coïncidence due à des circonstances tenant exclusivement à leur vie professionnelle.217(*) Par, ailleurs, concernant les personnalités publiques, la jurisprudence redonnait la légitimité de la publication de renseignement d'ordre patrimonial218(*).

Cependant, une divergence de vue est née entre cours nationales et européenne quant à l'appréciation de la frontière entre ce qui relève de la vie strictement privée de la personne et de l'information indispensable dans le débat publique. En effet, dans l'affaire « Le Grand Secret »219(*), la cour de cassation avait jugé que la révélation par l'ancien médecin de F. Mitterrand des affections graves dont souffrait l'ancien chef de l'état constituait outre une violation du secret médical, une atteinte au respect de la vie privée qui justifiaient l'allocation de dommages-intérêts et une interdiction de diffusion du livre en question. Elle a par là même rejeté le moyen selon lequel cette information ressortissait du sujet politique auquel l'article 10 de la Convention Européenne accorde une prééminence sur le respect de la vie privée. Cette analyse a été critiquée par la Cour Européenne des droits de l'Homme dans son arrêt Société Plon c/ France220(*) dont lequel elle énonce que la révélation de ces informations « s'inscrivait dans un débat d'intérêt général (...) portant en particulier sur le droit des citoyens d'être, le cas échéant, informés des affections graves dont souffre le chef de l'état, et sur l'aptitude à la candidature à la magistrature suprême d'une personne qui se sait gravement malade. ». Elle a considéré que si la responsabilité civile pour faute et la condamnation pour dommages-intérêts ne sont pas incompatibles en eux-mêmes avec les exigences de l'article 10 de la Convention Européenne, l'interdiction définitive de l'ouvrage constituait une mesure disproportionnée et ne correspondait plus à un besoin social impérieux du fait du temps écoulé.

Ainsi, cette arrêt a mis en lumière le caractère très liberticide de l'interdiction en référée en tant que méthode préventive : lorsqu'est en jeu un débat d'intérêt public, son détournement peut s'apparenter à de la censure.

* 213 CEDH, Lingens c/ Autriche, 8 Juillet 1986, Série A103, para 42

* 214 CEDH, Schwabe c. Autriche, 28/08/1992, Série A242-B

* 215 Von Hannover c. Allemagne, 24 Juin 2004, para 69-75

* 216 Civ1 20/02/2001 N° de pourvoi : 98-23471, Bulletin 2001 I N° 42 p. 26 Le Dalloz, 12 avril 2001, n° 15 p. 1199, note J.P. GRIDEL. La Semaine juridique, 2001-05-23, n° 21/22 p. 1049, note J. RAVANAS

* 217 Civ1 25/01/2000, N° de pourvoi : 97-15163, bulletin 2000 I N° 27 p. 17
Semaine juridique, 2000-03-01, n° 9, p. 351, conclusions J. SAINTE-ROSE. ; Cass. Civ1. 13 Novembre 2003, Bulletin 2003 I N° 231 p. 183 ; Cass. Civ2. 30 Juin 2004 Bulletin 2004 II N° 341 p. 287

* 218 Cass. civ. 1, 20/11/1990, Bull. civ.1 n° 257 "la fortune des grands industriels", Cass. civ. 1, 28/05/1991, Bull. civ. 1, n° 173 : "le plus riche des Caldoches (qui) ne paye pas d'impôts" et Cass. civ. 1, 20/10/1993, Bull. civ. 1, n° 295 "les français les plus riches"

* 219 Cass. Crim. 14 décembre 1999, N° de pourvoi : 97-15756 Bulletin 1999 I N° 345 p. 224
Le Dalloz, 2000-04-27, n° 17, p. 372, note B. BEIGNIER.

* 220 CEDH, Éditions Plon c/ France 18 Aout 2004 Para 44

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