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Liberté de la presse et droits fondamentaux en France et en Ecosse: influence de la CEDH

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par Abderrahman BENYAHYA
Université d'Auvergne Clermont I - DU Etudes Juridiques et Politiques Comparées 2007
  

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B- L'affaire Colombani et autres c/ France: mise à mort de l'offense envers les chefs d'État étrangers

L'article 36 de la loi de 1881 aujourd'hui abrogée mettait en place un régime dérogatoire de protection en punissant l'offense commise publiquement envers les chefs d'états étrangers, les chefs de gouvernements étrangers et les ministres des affaires étrangères d'un gouvernement étranger. Selon la jurisprudence, l'offense s'entend des injures, diffamations, expressions outrageantes ou de nature à offenser la délicatesse des personnes protégées. La Cour de cassation a précisé que « l'offense envers le chef d'un État (...) est constituée matériellement par toute expression de mépris ou d'invective, ou par toute imputation de nature à l'atteindre dans son honneur ou dans sa dignité à l'occasion de sa vie privée ou de l'exercice de ses fonctions »272(*). Ce régime a été malgré cela libéral: la mauvaise foi contrairement au droit commun en cas de diffamation n'est pas présumée et, la jurisprudence s'est efforcée d'en restreindre l'application aux seuls cas d'abus excessif de la liberté d'expression273(*). Et, les juridictions civiles ont considéré que ce délit ne faisait pas obstacle à la critique de nature politique274(*) et ne peut être invoqué qu'en cas d'attaque personnelle visant la personne même et sa réputation et non la politique mise en oeuvre.275(*) Par ailleurs, dans les circonstances d'une publication satirique, seule une virulence particulière démontrant l'intention de nuire tombe sous le coup de l'article 36.276(*) Toutefois ce libéralisme est compensé par l'exclusion du fait justificatif de l'exception de vérité qui permet d'écarter en cas de diffamation l'application de la peine lorsque les faits allégués sont exacts. De ce fait, la conformité de l'article 36 avec l'article 10 de la Convention Européenne a été remise en cause devant la Cour de cassation.277(*) Car selon ce moyen : « en interdisant que [la] preuve [de la vérité des faits] puisse être rapportée, s'agissant de diffamations et pas seulement d'injures, l'arrêt a consacré une atteinte grave à la liberté d'expression ». Il est ajouté que « l'instauration d'un délit supplémentaire, spécifique aux offenses aux chefs d'état étrangers, dans le cadre d'une loi qui réprime de manière générale et suffisante les diffamations et les injures, constitue une atteinte excessive au principe de la liberté d'expression, que ne justifie pas le souci de préserver les relations internationales de la France ». Mais, la Cour de cassation a rejeté ces arguments en affirmant que l'infraction prévue à l'article 36 entre dans les limites prévues à paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention car il sanctionne « des comportements portant atteinte à l'ordre public, notamment en ce qui concerne les relations diplomatiques, et aux droits et à la réputation des individus».

Ce régime particulier fera l'objet d'un arrêt décisif de la Cour Européenne des droits de l'Homme dans un arrêt Colombani et autres c/ France278(*). Il s'agissait en l'occurrence d'un article du Monde mettant en cause la volonté affichée des autorités marocaines - et en premier lieu du défunt roi - de lutter contre le trafic de haschisch. Condamné pour offense publique au roi du Maroc, les requérants se sont vus rejeter leur pourvoi en cassation279(*) au motif que l'article en question contient une suspicion sur la sincérité du roi de Maroc dans sa lutte contre la drogue et l'imputation de discours pernicieux. Cette appréciation de la Cour de cassation sera censurée par la Cour Européenne des droits de l'homme pour l'impossibilité de rapporter la preuve de la vérité des faits allégués « constitue une mesure excessive pour protéger la réputation et les droits d'une personne, même lorsqu'il s'agit d'un chef d'Etat ou de gouvernement » et rejette l'existence d'un tel privilège qui ne saurait justifier son existence aujourd'hui en tant que besoin social impérieux. Ainsi le législateur a par une loi du 9 Mars 2004280(*) abrogé cette disposition. Mais, étrangement, l'article 26 de la loi de 1881 qui réprime l'offense au Président de la République est resté intact bien qu'inutilisé.

La Cour Européenne a protégé les intérêts supérieurs de l'information et du débat politiques au prise avec les droits au respect de la vie privée et de la réputation d'autrui. Elle a agi de même lorsque est en jeu la protection du droit à un procès équitable: la France comme l'Ecosse ont du assouplir leur législation pour se conformer à la jurisprudence de Strasbourg.

* 272 Cass.crim. 17 juillet 1986 (Gaz.Pal. 1986 II somm. 430)

* 273 CA Paris, 2 octobre 1997

* 274 CA Paris, 13 mars 1998

* 275 CA Paris, 27 juin 1995

* 276 Ibid.

* 277 Cass. Crim. 22 Juin 1999, N° de pourvoi : 97-85707

* 278 CEDH, Colombani et autres c/ France, 25 Juillet 2002

* 279 Cass Crim. 20 Octobre 1998, N° de pourvoi : 97-81893, Bull. crim. 1998 N° 267 p. 772

* 280 Article 52 Loi n°2004-204 du 9 mars 2004

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