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Les moyens de communication traditionnels en zone rurale dans l'espace culturel koongo: cas du département du Pool

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par Jean-Claude MOUSSOKI
Université Marien-N'gouabi de Brazzaville - Diplôme d'Etudes Approfondies 2003
  

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Université Marien N'gouabi de Brazzaville
FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES
FORMATION DOCTORALE
ESPACES LINGUISTIQUES LITTERAIRES ET CULTURELS
(E.L.LI.C.)
OPTION : Identités Culturelles Africaines (I.C.A.)

LES MOYENS DE COMMUNICATION

TRADITIONNELS EN ZONE RURALE

DANS L'ESPACE CULTUREL KOONGO :

CAS DU DEPARTEMENT DU POOL

Mémoire en vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies
(D.E.A.)
Présenté et soutenu publiquement le 23/02/2005 par
Jean-Claude MOUSSOKI
Composition du Jury :

Président : Mukala Kadima NZUJI, Professeur
Examinateur : André-Patient BOKIBA, Professeur
Rapporteur et Directeur de recherche: François LUMWAMU,
Professeur

Année universitaire : 2 003-2004

Le peu que je sache, je veux néanmoins le faire connaître afin qu 'un autre, meilleur que je suis découvre la vérité et que l 'oeuvre qu 'il poursuit sanctionne mon erreur. Je m 'en réjouirai un jour avoir été malgré tout, cause que cette vérité

se fasse jour.

Karl Popper , Des sources de la connaissance et de l'ignorance, Paris, Ed. Unesco, Payot et Rivages, 1998, p.5., Coll. Petite bibliothèque ; n° 241.

DEDICACE

A la mémoire collective de mes parents: Alphonse MOUANDA,

Joseph MOUANDA,

Benjamin M'PONGUI, Jules MOUANDA, Nestor DINZEBI et Francine KIBINDA

A

Adolphine KIDILOU , ma mère pour son amour infaillible

Claude-Dominique-Raïs MOUSSOKI, Merveille-Maureen MOUSSOKISITA et Daniel-Exaucé MOUSSOKI-MOUANDA, mes enfants Mes frères, soeurs, neveux et nièces.

REMERCIEMENTS

Si nous avons pu mener à terme cette étude sur « Les moyens de communication traditionnels, bizonzolo, dans l'espace culturel koongo: cas du département du Pool », c'est pour une large part grâce au Professeur François LUMWAMU qui a su comprendre, orienter et préciser les objectifs de notre ambition.

Notre gratitude va à l'endroit du Professeur Ludovic-Robert MIYOUNA-N'TETANI pour ses sages conseils et sa disponibilité à codiriger cette étude.

Nous tenons aussi à remercier les parents, amis et connaissances qui nous ont apporté toutes sortes d'aides : MM Georges N'TABA, Léopold PINDY-MAMONSONO, Jean-Ferdinand TOUMBOULA, Paul BALEMBOGATA, Pascal MOUHOUELO, Auguste OKESSI et ArmandGénil MAVOUNIA-NDOKO, Mesdames Marie-Paule KABORE, SylviePatricia-Tylline BAZONGUELA-MALONGA, Sylvie-Carine SOUNGA et Madeleine YILA-BOUMPOUTOU, sans l'aide matérielle et financière et le soutien moral desquels nous n'aurions, certainement, pas pu réaliser ce travail.

Aux enseignants du département des sciences et techniques de la communication (stc), et à tous ceux dont les noms n'ont pu être consignés sur cette page, toute notre reconnaissance.

INTRODUCTION JUSTIFIANT L'INTERET DU SUJET 1.1. Présentation du sujet

La communication est au coeur de toute sociabilité. Tout au long de son histoire, l'homme cherche à communiquer ses sentiments, ses idées, ses émotions, ses messages. Il élabore, ainsi, à partir des codes gestuels, une série de moyens non verbaux de transmission de messages : tambours, cornes, sifflets, hochets, cloches, dessins et autres formes de symboles graphiques donnant naissance au pictogramme, puis à l'idéogramme. C'est le développement du langage qui explique la position prééminente de l'homme dans le monde animal et donne à la communication humaine son étendue et sa précision. Ce langage est, selon Montesquieu:

Cet élément constitutif de la personnalité culturelle et partant de l 'identité culturelle (...). Il est l 'unique dénominateur commun, le trait d 'identité

1

culturelle par excellence.

Dans toute société, le processus de communication repose sur le langage qui sert de lien entre les hommes et B.Voyenne le définit en ces termes:

Vivre en société, c 'est communiquer. Un groupe peut, à la rigueur, se passer d 'échanger des biens matériels. Mais s 'il n 'échange pas de renseignements, des idées, des émotions, c 'est le lien social lui-même qui disparaît : il n 'y a

1 Monstesquieu cité par C.A.Diop, Civilisation ou barbarie : anthropologie sans complaisance, Paris, Présence africaine, 1981, p.275.

plus rien de commun entre les membres de ce groupe et, par conséquent, plus

2

de communauté (...). Elle conditionne son existence, sa survie et son action.

Dans cette optique, la nécessité de communiquer est manifeste chez les populations de l'espace culturel koongo, en général et, singulièrement, chez les Koongo, Laadi, Suundi, Haangala du département du Pool.

Mais que sous-tendent les concepts information et communication ?

L'Information : Terme polysémique, il dérive du latin informare, qui veut dire informer, communiquer ; c'est transmettre un message, une nouvelle, communiquer un savoir. Elle signifie tout élément ou système qui peut être transmis par un signal ou une combinaison de signaux. L'information est la communication de connaissances ; c'est aussi la connaissance communiquée. Elle représente donc un accroissement des connaissances ou une réduction de l'incertitude pour celui à qui elle est communiquée.

La liste des définitions du concept « information » est loin d'être close. L'information est la matière sur laquelle travaillent beaucoup de corps des métiers : journalistes, informaticiens, documentalistes, politiciens etc.

Par contre, le terme communication, du latin communicare, veut dire communiquer ; c'est aussi établir une relation avec quelque chose, une

2 B. Voyenne, La Presse dans la société contemporaine, Paris, A.Colin, 1962, p.11., Coll.U; série société politique.

relation dynamique qui intervient dans le fonctionnement, l'échange de signes, de messages entre un émetteur et un récepteur. D'après le dictionnaire Larousse, communiquer signifie faire connaître quelque chose, faire passer une information d'une personne à une autre, être en relation avec, l'ensemble des processus d'échanges signifiants entre le sujet émetteur et le sujet récepteur des messages (verbaux ou non verbaux, gestuels etc...). Ainsi, la communication est inséparable de l'information comme l'atteste cette définition :

Informer, c 'est communiquer. Elle est à la fois un moyen d 'informer et de réduire l 'incertitude. Toute communication a un contenu cognitif, plus ou moins important, qui est l 'information. Cela implique qu 'il n 'y a pas

d 'information sans communication. La communication est un processus dont

l 'information est le contenu; l 'une ne peut être comprise sans l 'autre, l 'étude

de l 'une et de l 'autre ne fait qu 'un3.

Mais, à côté de bien d'autres définitions proposées, ici et là, la communication, écrit Y.R. Baticle:

Est la mise en commun d'idées, des informations ou des connaissances entre deux ou plusieurs personnes, entre deux ou plusieurs groupes humains »4.

3 Larousse cité par E. Sutter, Marketing des systèmes d'information documentaires, Paris, éd. ESF, 1994, p.35., Coll. S.J.

4 Y-R. Baticle, Message, média, communication : de Lescaux à l'ordinateur, Paris, Ed. Magnard, 1973, p. 25., Coll. Information-Communication.

Toute fois l'information peut exister indépendamment du processus de communication d'autant plus que le «message c'est le médium » affirment les sociologues de la communication. Elle peut s'exercer d'un individu à un autre, d'un individu à un groupe et d'un groupe d'individus à un autre. Mais, il s'avère difficile voire impossible de donner une définition qui recouvrirait, d'un seul tenant, tous les domaines de la communication.

Cependant, Massa Makan Diabaté propose une définition sur laquelle nous sommes appuyés pour démontrer le caractère social de la communication. Elle est, écrit-il:

Le vaste champ des échanges, des faits, d 'opinions entre les êtres humains. Ainsi, la communication va de l 'individu au groupe et réciproquement, et comprendrait toutes les acquisitions de l 'homme. Sa fonction est de transmettre ce qui appartient au groupe depuis l 'éducation et la culture

jusqu 'aux outils qui permettent de s 'adapter dans et par le groupe (...)5.

1.2.- Intérêt du sujet.

Le choix de ce thème a été guidé par la diversité culturelle qu'offre l'espace culturel koongo qui comprend les départements de la Bouenza, de la Lékoumou, du Niari et du Pool, cadre de notre étude, d'une part, et d'autre part, par les spécificités linguistiques des langues à classes de la

5 Massa Makan Diakité, « La corrélation entre communication moderne et traditionnelle », La Fonction culturelle de l'information en Afrique, Dakar, NEA, 1985, p.17.

zone H koongo6 des groupes bantu du Congo, que nous aimerions mettre à la disposition de la postérité. Par ailleurs, la planche présentée en 1692 par Girolamo Morella7 et l'étude de Joseph Goga-Messakop8 ont davantage retenu notre attention.

Ainsi, l'homme qui a éprouvé le besoin de communiquer ou de télécommuniquer avec ses semblables, mais aussi avec les forces surnaturelles, a cherché à s'affranchir de la distance le séparant de l'interlocuteur. Il était nécessaire de réduire les distances tout en préservant la confidentialité de l'information. Pour ce faire, il a fabriqué d'innombrables moyens de communication, bizonzolo, préludes aux télécommunications modernes.

L'espace culturel koongo, singulièrement la zone rurale du Pool, est l'un des plus anciens foyers de l'espace culturel négro-africain qui il renferme une panoplie d'objets de communication. Intimement liés aux rites et aux manifestations populaires, ces moyens sont sources de plaisir, de divertissement, de transmission de connaissances, de conservation des valeurs culturelles, voire d'échange (communication) des informations. Ces systèmes de communication traditionnels s'intègrent dans un grand ensemble qui est le savoir traditionnel. Ce savoir génère des formes

6 D'après les travaux de Daniel Barreteau et Yvonne Bastin, la zone H koongo comprend les sous ensembles Beembe 11, Yoombe 12, Vili 12A, Kuunyi 13, Suundi 13B, Nianga 13C, Koongo 16, Laadi 16F, Suundi 16A, Hangala16, Kaamba 17B, Doondo 17A, cités par D. N'Goie-N'Galla, Le retour des ethnies : quel Etat pour l'Afrique ?, Paris, Ed. Bajag-Meri, 2003, p.35.

7 La planche présentée par G.Morella peut-être considérée comme l'ancêtre des moyens de communication traditionnels en usage au royaume kongo citée par H. Moniot, Les civilisations de l'Afrique, Paris, Casterman, 1987, p.49., Coll. Histoire de l'Homme.

8 J.Goga-Messakop, La communication dans les sociétés traditionnelles : cas des Bakouélé, Travail d'Etudes et de Recherches, option Journalisme, Brazzaville, Université Marien-N'gouabi, 1990, 64 p.

d'expression que les générations s'approprient au fur et à mesure. Il s'agit, bel et bien, des pratiques sociales valorisées et valorisantes, liées au territoire spécifique (département du Pool), à une culture spécifique (culture koongo), et cela apparaît déterminant dans la connaissance de l'autre en tant qu'individu, mais aussi en tant qu'élément d'une communauté. Une communauté où l'essentiel de la communication repose sur l' oralité.

Pour se parler à distance, les hommes n'étaient pas à court d'idées. Aussi, avaient-ils inventé les tambours, les cornes, les sifflets, les cloches et les autres moyens tels que les vecteurs artificiels : les signes (bidimbu) et les marques (masuku) pour palier leurs insuffisances.

Suffit-il de disposer d'un émetteur et d'un récepteur pour que la communication s'établisse ou s'instaure ?

L'effet de communication ne peut se comprendre que dans une optique de confiance et de réciprocité. C'est au cours des relations dites «primaires » 9 qu'une personne (émetteur) entre en contact avec une autre personne (récepteur) ou, éventuellement, avec un petit nombre d'entre elles, par l'intermédiaire d'un lien physique et au moyen d'un système symbolique (langage), dont ils possèdent l'un et l'autre la clef. Ce langage a, ainsi, pour première condition l'existence des sociétés dont il est l'instrument indispensable et constamment employé. La communication est immédiate et, si le processus fonctionne normalement, réciproque. En

9 B.Voyenne, op.cité, p.14.

effet, le retour sur la source ou réponse (que les théoriciens de la communication appellent feed-back) est lui-même immédiat, puisque le système peut, dans l'instant, s'inverser, l'émetteur devenant récepteur et vice-versa de telle sorte qu'il s'établit un échange continu et sans intermédiaire : un dialogue ou une conversation.

Ainsi, la recherche sur les moyens de communication traditionnels dans l'espace culturel koongo s'est traduite dans le paradigme de Lasswell selon

lequel << On peut décrire une action de communication en répondant aux questions suivantes :

qui dit quoi, à qui, par quel canal, avec quel effet ? »10

Dans le département du Pool, après que les marins portugais aient observé au XVè siècle, ce que l'on peut considérer comme << le plus vieil instrument de musique : la sanza11 », on a cherché à perfectionner les moyens de communication. De nombreux dispositifs ont été mis en oeuvre soit pour accroître la rapidité de transmission des messages, soit pour diminuer leur nombre à l'aide de moyens rudimentaires sonores ou visuels (tambours, cornes, sifflets, cloches, etc), et surtout d'améliorer la fidélité.

Aussi, limiterons-nous notre enquête à la typologie analytique, aux contextes d'utilisation et aux fonctions de ces moyens de communication ; aux éléments et caractéristiques de la communication traditionnelle en zone rurale dans l'espace culturel koongo, à la corrélation entre les moyens

10 ibid., p.14.

11 La sanza : le nom sous lequel cet instrument est plus connu ; il vient d'une langue de Malawi (sansi)

écrit A. Pandi, La place et le rôle du palmier dans la civilisation de l'ancien royaume kongo du XVè au XIXè siècle,

Mém. de DES d'Histoire, Brazzaville, Université Marien-N'gouabi, 1984, p.58.

de communication traditionnels et modernes dans le paysage rural d'aujourd'hui et à leur impact sur les acteurs et les espaces sociaux dans lesquels s'élaborent ces communications.

2.-PROBLEMATIQUE ET INTERET DE LA PROBLEMATIQUE

2.1. Problématique

La problématique des moyens de communication traditionnels dans l'espace culturel koongo : cas du département du Pool, c'est-à-dire la relation entre la communication appuyée et rythmée par les instruments et les acteurs sociaux, est complexe. Les connaissances se transmettent oralement, d'une personne à une autre et d'une génération à une autre.

Aussi, le processus de communication basé, ici, sur l'oralité prime t-il sur les galaxies <<Gutenberg ,>12 et << Marconi ,>13 dont l'avènement s'est fait peu avant l'accession à la souveraineté internationale de la République du Congo. Cette période consacre t-elle la plénitude et l'utilisation optimale des moyens de communication traditionnels en zone rurale.

La communication est, en fin de compte, un mécanisme permettant aux relations entre les personnes d'exister et de se développer. Elle recouvre

12 Gutenberg (Johnnes de Gensfleich dit): est celui à qui la tradition attribue l'invention, à partir de 1438, de l'imprimerie, Dictionnaire des biographies t.2, Paris, PUF, 1958, p.658.

13 Marconi : Célèbre technicien italien a été le premier à réaliser des liaisons par radio sur de grandes distances et à démontrer ainsi l'intérêt de ce moyen de communication, Dictionnaire des biographies t.1, Paris, PUF, 1958, p.968.

différents types (unilatéral ou avec retour), différents niveaux (à deux, en groupe ou dans la société), différentes profondeurs (discussions, échanges, dialogues). Il s'agit donc de participer à une multitude d'échanges quotidiens au sein d'une même communauté culturelle. Elle inclut les symboles de l'esprit (oral, visuel, audio, sonore ...) avec les moyens nécessaires pour les transmettre dans l'espace et dans le temps et selon les circonstances déterminées.

Par conséquent, notre raisonnement s'est construit autour de la question centrale suivante : A l'heure de la mondialisation14 des grands ensembles, les contextes voire les occasions d'utilisation des moyens de communication, demeurent-ils constants ? D'autres questions ont, également, été récurrentes, comme celles de savoir quels sont les moyens de communication ou instruments de musique qui appuient et rythment la communication en zone rurale dans l'espace culturel koongo? Comment s'effectue cette communication? Quelles influences ces moyens exercentils sur les acteurs et les espaces sociaux de la communication ? Quels instruments remplissent la fonction de communication? Quels types de contenus ces moyens de communication traditionnels véhiculent-ils? Quelle est leur place dans le nouvel espace culturel d'aujourd'hui ?

2.2. Intérêt de la problématique

14 Y.Brunsvick et A.Danzin, Naissance d'une civilisation : le choc de la mondialisation, Paris, Ed. Unesco, 1998, Coll. Défis, p.15.

Les moyens de communication traditionnels dans l'espace culturel koongo, singulièrement dans le département du Pool, n'ont jamais fait l'objet d'une quelconque étude. Or, les télécommunications actuelles sont le prolongement des moyens de communication traditionnels. On a souvent tendance à oublier que l'Afrique, en général, et le Pool, en particulier, ont un riche patrimoine médiatique. Les systèmes de communication traditionnels ont touj ours existé pour dialoguer, informer, éduquer, résoudre les conflits sociaux. C'est ce qu'explique Emmanuel Ngwainbi quand il écrit:

Les populations rurales qui constituent la majorité de la population du continent, utilisent des moyens traditionnels de diffusion de l 'information : un crieur marche dans le village durant la nuit, faisant sonner son gong pour appeler les habitants à se joindre aux activités du village, un tambour communique la mort, une invasion imminente, ou une épidémie qui se répand. Et les paroles de chansons chantées en public sont là pour apaiser et encourager les travailleurs. Sans aucun doute, les systèmes de communication

traditionnels sont riches en idées et en compétences15.

C'est autant dire que dans la zone rurale les percussions sont des outils de communication qui interviennent dans tous les événements importants (deuil, funérailles, mariage, activités productives...). Elles prennent parfois la place de la parole du fait de la virtuosité des acteurs sociaux de la communication.

15 E. Ngwainbi cité par Akin Fatoyinbo « Les médias en Afrique », Lettre d'information, vol.11, n°2, [ http://www.adeanet.org./newsletter/vol11N°2,fr_6.html], (27/07/2004), p.3.

Mais, notre ambition, pour l'heure, est d'étudier la manière dont s'effectue cette communication qui suppose une série :

Des relations entre les hommes qui sont de trois sortes ou si on préfère se déroulent sur trois plans. A deux dans un lit, à 10 autour d 'une table, à 100 dans une salle de réunion ou à 1.000 sur une place publique, c 'est pareil : il y a les choses qu 'ils vendent, qu 'ils cherchent à avoir; il y a qui décide qui peut

vouloir quoi ; et il y a les signes, les messages qu 'ils envoient (...)16 , écrit

Robert Georges.

Les situations de communication mettent en présence un émetteur et un récepteur qui s'échangent des informations au moyen d'un canal et, la communication n'est possible que lorsqu'il y a réaction (retroaction ou feed-back) du récepteur qui devient à son tour émetteur. Pour cette raison, il est opportun de mener la présente étude afin d'apporter des éléments de réponse aux questions ci-après: Comment s'effectue la communication en zone rurale ? Quel est son impact sur les acteurs et les espaces sociaux ? Quelles sont les évolutions présentes de ces moyens à l'ère du téléphone portable et des stations de radios numériques ? Ces moyens (les tambours, les cornes, les sifflets, les symboliques etc.) n'ont-ils pas engendré ceux que nous connaissons aujourd'hui ?

2.3.-Choix du corpus

16 R.Georges, Hétérogénéité culturelle et communication : visages nouveaux de l'aliénation, Paris, Anthropos, 1978, p.275.

Pour cette recherche, nous nous sommes basés sur une importante collecte de vingt trois (23) moyens de communication traditionnels. Il s'est agi d'un inventaire de divers instruments qui rythment et appuient la communication dans l'espace culturel koongo. N'avons-nous pas été en présence de la « préhistoire des télécommunications ? »17

Les populations du département du Pool ont touj ours communiqué, soit directement, soit indirectement à l'aide des instruments que sont les tambours, les cloches et les cornes qui se sont, cumulativement, révélés être d'excellents moyens de communication et instruments de musique18.

Avant d'aborder cette étude, précisions que ces instruments constituent un mode privilégié de communication dans ce département. Ils jouent des rôles similaires allant de la musique à la communication : berceurs, musique de divertissement, chants de guerres, musique religieuse, transmission des messages.

Sur la base des études qualitatives (entretiens semi directifs) et quantitatives (un échantillon de 200 Kongo), nous avons, d'une part, répertorié, quatre (04) membranophones (tambours...), sept (07) idiophones ou instruments à lames (sanza), quatre (04) aérophones ou instruments à vent et à air (sifflets, cornes) et un (01) cordophone ou instrument à cordes (nsambi) et d'autre part, sept (07) autres moyens de

17 P.Kersale, « Préhistoire des télécommunications », [ http://www.abm.fr/abm/récit//récitkersal.html], (24/04/2004), 5 p.

18 F.Bebey, Musique de l'Afrique : expressions, Paris, Ed. Horizons de France, 1969, p.14.

communication traditionnels (vecteurs artificiels) relevant des symbolismes animaliers, végétaux et minéraux.

On ne prétend pas faire l'exhaustivité des moyens de communication traditionnels utilisés dans le Pool, mais d'inventorier, d'abord, ceux utilisés pour la communication et la transmission des messages chez les populations de langue koongo, et de dégager, ensuite, les contextes d'utilisation et les fonctions que remplissent ces moyens de communication.

Ce qui nous permettra de jauger les éléments et les caractéristiques de la communication dans les autres départements de l'espace culturel koongo : Bouenza, Lékoumou et Niari, la corrélation entre les moyens de communication traditionnels et modernes et l'impact de ces moyens sur les acteurs et les espaces sociaux : fêtes ou malaki, , et d'analyser, en dernier ressort,.

3.- METHODOLOGIE D'ENQUETE ET D'ANALYSE

Dans une communication à l'occasion du cinquantième anniversaire de la commission française pour l'Unesco, Yves Quéré déclarait :

Dans le jardin d 'Eden, Yahvé ordonne à Adam de nommer tous les oiseaux du ciel et toutes les bêtes de la Terre ce qui désigne en Adam, symboliquement ou poétiquement, comme vous voudrez, le premier homme de science. En effet, nommer est l 'acte élémentaire par lequel nous inaugurons ce grand dialogue avec la nature que nous appelons maintenant la science, car notre façon de mettre l 'ordre dans l 'apparent chaos qui nous entoure. Nommer la terre et

parler avec elle dans sa propre langue qui est, selon le mot de Galilée la géométrie, c 'est instaurer cette science-dialogue, ou cette science discours que nous appelons maintenant science fondamentale. Dans le même temps, Yahvé ordonne à Adam de dominer la Terre, désignant là symboliquement ou poétiquement, Adam comme le premier ingénieur. Nous voyons ici apparaître le second volet de la science, cette science appliquée. Et nous voici donc installés dès les premières pages de la Genèse, ces deux pôles entre lesquels tout homme de science évolue et, peu ou prou, oscille19.

Pour mener, cette étude nous avons réalisé qu'il n'existe pas, dans le domaine des sciences sociales, de méthode qui fasse l'unanimité. C'est dans ce contexte que W.I. Thomas avait formulé un théorème essentiel selon lequel:

Quand les hommes considèrent certaines situations comme réelles, elles sont réelles dans leurs conséquences. Les hommes réagissent non seulement aux caractères objectifs d'une situation, mais aussi et parfois surtout, à la signification qu 'ils donnent à cette situation. Et cette signification, une fois donnée, détermine le comportement qui en résulte avec ses conséquences20.

A cet effet, pour analyser les moyens de communication traditionnels, la recherche a été menée sur la base d'une méthode qui nous a permis de catégoriser les différents moyens de communication et de comprendre les interactions de ces moyens sur les acteurs, d'une part, et les espaces sociaux de la communication traditionnelle, d'autre part.

19 Y.Quéré, « La responsabilité des nouvelles technologies de l'information et de la communication » cité par Y. Brunsvick et A. Danzin, Naissance d'une civilisation : le choc de la mondialisation, Paris, Ed. Unesco, 1998, pp.25-26.

20 W.I.Thomas cité par Robert King Merton, Eléments de méthode sociologique, Paris, Plon, 1953, p.167, Coll. Recherche en sciences humaines

C'est la méthode inductive21. Disons avec P.Watzlawick que:

Un phénomène demeure incompréhensible tant que le champ de l 'observation n 'est pas suffisamment large pour qu 'y soit inclus le contexte dans lequel ledit phénomène se produit. Ne pas pouvoir saisir la complexité des relations entre un fait et le cadre dans lequel il s 'insère, entre un organisme et son milieu, fait que

l 'observateur bute sur quelque chose de ''mystérieux'' et se trouve conduit à attribuer à l 'objet de son étude des propriétés que peut-être il ne possède pas22.

Faute de sources écrites, pouvions-nous mener à terme cette étude ?

L 'ethnologue, dit Claude Levi-Strauss, s 'intéresse surtout à ce qui n 'est

pas écrit, non pas parce que les peuples qu 'il étudie sont incapables d 'écrire, que parce que ce à quoi il s 'intéresse est différent de tout ce que les hommes songent habituellement à fixer sur la pierre ou sur le papier23.

Cette pensée de Claude Levis-Strauss révèle le type de démarche que nous avons adoptée. Une démarche axée sur des interviews orales et sur des entretiens et questionnaires oraux que nous esquissions avant de nous rendre sur le terrain. Mais, de quelles particularités disposent ces moyens de communication ? En parlant de ces moyens ou des systèmes de communication traditionnels, le sociologue de la communication André Akoun souligne que:

21 L'induction est une généralisation, opération par laquelle on étend à une classe d'objets ce que l'on a observé sur un individu ou quelques cas particuliers. La philosophie classique distingue l'induction rigoureuse, dite aristotélicienne, qui reconnaît certaines caractéristiques aux phénomènes observés (en principes la totalité des cas), les généralise ou les résume dans une loi, M. Grawith, Méthode des sciences sociales, 9è éd., Paris, Dalloz, 1993, p.15., Coll. Précis Dalloz.

22 P.Watzlawick cité par L.Quéré, Des miroirs équivoques : aux origines de la communication, Paris, Aubier Montaigne, 1982, p.15.

23 C.Lévi-Strauss, Anthropologie structurelle, Paris, Plon, 1958, p.33. cité par A.Tine, « Tradition orale comme modèle de communication », Annales de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Dakar, n°14, 1984, p.175.

Tout système de communication, pour être compris, doit être référé à la symbolique sociale dans laquelle il se déploie. Ainsi, le système actuel des moyens de communication traditionnels exige, pour être compris, qu 'il soit

rapporté aux structures (...)24.

La méthode inductive que nous avons utilisée nous a permis de comprendre les particularités et les spécificités des moyens de communication utilisés dans le département du Pool.

L'étude sur les moyens de communication traditionnels, bizonzolo, que nous nous sommes proposée de mener exige que celle-ci repose sur un certain nombre d'axes de travail à savoir :

1.- Typologie analytique, contextes d'utilisation et fonctions des moyens de communication traditionnels en zone rurale dans l'espace culturel koongo : cas du département du Pool.

2.- Eléments et caractéristiques de la communication traditionnelle en zone rurale.

3.-Interaction ou corrélation entre les moyens traditionnels et modernes de la communication.

4.- Impact des moyens de communication traditionnels sur les acteurs et les espaces sociaux de la communication : fêtes, période de communication participative.

24A.Akoun cité par P.Ansart, « Les utopies de la communication », Cahiers internationaux de sociologie, janvier-juin 2002, vol.CXII, p.43.

4.-PRINCIPAUX AXES DE TRAVAIL ET REDACTION D'UN AXE

Les vingt trois (23) instruments de musique ou moyens de communication traditionnels recensés ont beaucoup de fonctions et de significations. Ils interviennent au cours de diverses circonstances de la vie communautaire. Certains d'entre eux servent à la musique et d'autres, à la communication. Il y a un lien étroit entre les instruments et l'art y compris la communication. L'auteur Bertil Soderber, remarquant ce lien, écrit :

J'explorerai la nature de cette association (...). La musique elle-même était et est pensée pour permettre la communication avec les morts, induisant souvent la possession d 'esprit entraînant l 'esprit à descendre. La présence de l 'esprit est identifiée quand tout le monde est emporté (...). Le seul instrument qui, autant que je puisse dire, n 'a aucune connotation rituelle celui qui soit dit, le piano de puces25.

La musique fait étroitement partie de la vie des Kongo et intervient dans leurs manifestations populaires et rituelles. Dans ce département, c'est le musicien lui-même qui fabrique son instrument ; il le personnalise. Aussi, les Kongo ont-ils fabriqué des instruments de musique à base des éléments d'origine animale (cornes, os, coquillages...) et végétale (la sanza) à partir du palmier26. N'ont-ils pas fabriqué les moyens de communication traditionnels? Pour André Pandi, l'auteur Cavazzi, en 1637, serait le plus précis en ce qui concerne la typologie des instruments

25 B. Soderberg, Les instruments de musique du Bas-Congo et dans les régions avoisinantes, 1958, cité par Wyatt Mac Gaffey (2000), « Notes d'ethnographie sur les instruments musicaux de kongo : arts africains », [ http://www.findarticles.com/cf_dls/m0438/....], (24/04/2004), p .1.

26 A. Pandi, op., cit. p.57.

de musique au koongo. Il les regroupa en quatre grandes familles : les membranophones, les idiophones, les aérophones et les cordophones. Cette typologie s'apparente à celle présentée par M. Auguste Miabéto27.

En nous inspirant de la typologie de Cavazzi que nous voudrions analytique, les moyens de communication traditionnels sont inséparables de la musique et de la danse. Ceux-ci animent les activités essentielles de l'homme. De la naissance à la mort, toute la vie de l'africain, en général et, en particulier, de celle des habitants du Pool, est animée par la musique, le chant et la danse. On peut dire, selon l'expression familière, que :

Les trois éléments lui collent à la peau (...). Soustraire le chant des activités de société, c 'est freiner et même arrêter l 'élan vital qui régénère continuellement les hommes28.

La musique, d'une part, et la danse, de l'autre, adressent le même message au représentant du monde extra-humain qu'il s'agit de toucher et que le langage ordinaire ne pourrait atteindre. Le message est identique. Pour l'exprimer, la musique et la danse utilisent chacune un langage qui lui est propre. Le rythme est le domaine privilégié, commun aux deux modes d'expression, au sein duquel leur rencontre est possible. Le même type de musique peut donc jouer deux rôles identiques par rapport aux génies : les chasser ou les évoquer29. Ne peut-on pas assimiler cette pensée à celle de Stanley qui, en parlant des fonctions de la danse, de la musique et du chant,

27 A.Miabéto (65 ans), Entretiens sur la typologie des instruments de musique et moyens de communication traditionnels au Congo, Brazzaville, 2/04/2004. (sources orales n°1).

28 O.Kaboré, Les Oiseaux s'ébattent : chansons enfantines au Burkina-Faso, Paris, L'harmattan, 1993, p.99.

29 M.I.Pareira De Queiro, « L'Amérique Latine : unité ou diversité », Le musique dans la vie t.1 : l'Afrique, ses prolongements, ses voisins, Paris, Office de Coopération Radiophonique, 1967, p.51.

écrit : <<la nuit, toute l'Afrique danse >30. Il convient de relever que dans l'espace culturel koongo:

On accorde une place de choix à la danse, au chant et à la musique réunis par intrication pour rythmer la vie quotidienne en s 'imbriquant dans l 'ensemble des actes sociaux multiformes. Les grandes occasions d 'extériorisation festive

permettent de forger «le moi » collectif comme le montre Marcel Mauss31.

Dans ces conditions, les instruments de musique sont susceptibles de remplir plus d'une fonction surtout lorsqu'ils sont << habités >32, chargés et associés aux fétiches. La musique est censée faire descendre ou rendre présente la force spirituelle. Les fétiches ont pour rôle de permettre au musicien de réaliser des exploits inédits.

Ainsi, quels sont, en tout état de cause, les moyens ou instruments de musique qui jouent le rôle de communication dans l'espace culturel koongo et particulièrement département du Pool ?

Quelles sont les contextes ou les occasions d'utilisation et les fonctions de ces moyens de communication ?

I.-TYPOLOGIE ANALYTIQUE, CONTEXTES D'UTILISATION ET FONCTIONS DES MOYENS DE COMMUNICATION TRADITIONNELS

30 Stanley cité par S.Bemba, « Variations sur l'éducation sentimentale de deux peuples ou la naissance du discours amoureux dans la vie quotidienne chanté au Congo-Zaïre », Itinéraires et contacts des cultures, vol.8, Paris, L'harmattan, 1988, p.41.

31 M.Mauss cité par Sylvain Bemba ibid., p.42.

32 R. Bouesso-Samba (37 ans), Entretiens sur les fonctions des instruments de musique et de communication dans le département du Pool, village Mababa, 5/06/2004 (sources orales n°3).

L'essentiel des moyens de communication ou instruments de musique recensés sont regroupés en quatre familles (les membranophones, les idiophones, les aérophones et les cordophones). A celles-ci, nous avons ajouté une cinquième, basée sur les symbolismes << spécifiques > à l'espace culturel koongo et sur les organes biologiques des acteurs Kongo.

A°).-TYPOLOGIE ANALYTIQUE DES MOYENS DE COMMUNICATION TRADITIONNELS

1.- Les membranophones ou tambours ou lithophones

Dans son célèbre roman intitulé << Batouala > René Maran, écrivait :

Parmi tous les modes ancestraux de la communication, le tam-tam est celui

qui préfigure le mieux la presse, parce que les messages qu 'il transmet se propagent directement dans plusieurs directions. Il informe sur tous les événements, petits ou grands, dans la communauté, exprime ses joies et ses peines, rompt la monotonie de la vie quotidienne 33.

Les membranophones ou tambours sont probablement les outils de télécommunication les plus célèbres dans le Pool, mais moins connus quant à la contextualité de leur langage et aux fonctions de communication qu'ils remplissent. Nous avons remarqué qu'il existe deux types de tambours : les tambours à membranes et les tambours à fentes ou tambours de bois. Ils sont, soit portatifs, soit fixes. Et, en fonction de la puissance sonore de ces membranophones, nous les classons en cinq catégories: le

33 R. Maran, Batouala, 1921, cité par B . Voyenne, ibid., p.38.

grand tambour (nguri ngoma), le tambour mâle, le tambour femelle et les deux petits tambours (bala ba ngoma). Ce département dispose d'une variété de tambours aux formes et dimensions variables. Il existe plusieurs types de tambours qui sont fabriqués, pour la plupart, à base du ricinodendron africanum, chlorophora exelsa34 ou mungo ngoma troué:

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