Débat autour du concept de journalisme de paix( Télécharger le fichier original )par Charline Burton Université Libre de Bruxelles - Licence en information et communication 2006 |
2.1.2. Paysage radiophonique burundaisLes médias publics Aujourd'hui, le paysage radiophonique burundais est composé de neuf radios privées, deux radios publiques et trois studios de production privés. La radio nationale (Radio Burundi) est créée en 1961, la télévision en 1984. Sous le régime de parti unique, les médias privés servent exclusivement à faire la publicité du gouvernement et de ses activités. Caractérisée par une approche hyper verticale, les médias publics servent alors de moyen de communication de l'élite gouvernante vers le peuple gouverné. Chaque jour, le journal parlé et télévisé s'ouvre sur un éditorial à la gloire du Président. C'est une information partisane, 1 L'ABP compte 100 abonnés, dont sept médias burundais. Par contre, aucun média ne souscrit aux dépêches d'Aginfo (80 abonnés, 26$/mois), de Zoom.net (50 abonnés, 45$/mois) ou de Net Press (350 abonnés, 30$/mois). 2 Voir rapports d'activités de 2004 du CNC (centre national de la communication). 3 Chiffre de Reporter sans frontière, 2002. Voir : http://www.rsf.org/ subjective et incomplète qui est diffusée au travers les organes de la RTNB (Radio Télévision Nationale du Burundi, qui regroupe les médias publics). Lors des différents massacres que connaît le Burundi à l'époque, radio comme télévision nationales couvrent abondamment les méfaits commis par les auteurs des rebellions, mais passent sous silence la violence disproportionnée des ripostes de l'armée. Les journalistes ont alors extrêmement peu de liberté d'expression, en dehors de celle autorisée par les objectifs gouvernementaux. Dès son arrivée au pouvoir en 1993, le Frodebu adopte la même attitude de propagande que l'Uprona. Du jour au lendemain, les journalises qui avaient été nommés par l'ex parti unique se voient contraints de travailler pour son ennemi politique, sous peine d'être limogés. Pourtant, cette machine journalistique louant autrefois la gloire de l'Uprona ne se plie pas du jour au lendemain au nouveau gouvernement. Journalistes comme auditeurs ne savent plus trop sur quel pied danser. Les éditoriaux sont vacillants : tantôt en faveur du Président, tantôt critiques, en fonction des affinités du journaliste avec le pouvoir en place. Les journalistes tutsis se plaignent de la censure du ministre hutu, et lors de la prise du pouvoir par Buyoya en 1996, c'est au tour des journalistes hutus de décrier les pressions subies. L'information diffusée est aléatoire, mais certainement toujours partisane. Pour exemple, jusqu'aux pourparlers de paix d'Arusha, les rebelles du CNDDFDD sont qualifiés par les journalistes de tribalo terroristes génocidaires. Aujourd'hui, ces mêmes journalistes interviewent régulièrement les membres du CNDD-FDD en commençant leurs questions par Monsieur le Président, ou Madame la Ministre... 1 Des accords de paix et une transition politique de trois ans influencent cependant le comportement des médias publics. Progressivement, la censure s'allège, et des voix divergentes peuvent être entendues. Avec timidité au début, les journalistes tendent le micro à d'autres tendances politiques, laissant passer des critiques. Avec l'apparition des radios privées, il devient en effet inutile de tenter de leurrer la population. Innocent Muhozi, ancien directeur général de la RTNB, explique qu' <<avec ces nouvelles radios, la liberté d'expression s 'est davantage élargie et c 'est grâce à ces radios privées que la marge de la RTNB s 'est aussi élargie. Car à partir du moment où il n 'y avait plus de mystère pour ces radios, le pouvoir n 'avait plus grand chose à interdire à la RTNB>>2. L'apparition de nouvelles radios privées influence positivement les médias publics, puisqu'elles tirent littéralement la radio privée vers le haut en matière de qualité des programmes, et de diversité des points de vue. 1 Ce paragraphe s'inspire de l'entretien de Jean-François Bastin, le 24 janvier 2006. 2 MUHOZI I., << La radio au Burundi et la liberté d'expression >> dans : « Rapport de la table-ronde du 28 mars 2005 sur les radios burundaises, vecteurs de sortie de crise et de démocratisation >>, ABR, p.4. Cependant, vu le faible nombre de production originales, l'abondance d'émissions concédées1 à des organismes extérieurs, et marquées par leur passé de médias officiels, les radios et télévisions publiques n'avaient pas réussi à s'imposer comme médias nationaux dans le coeur des Burundais. En 2002, la coopération belge au développement décide d'intervenir en faveur de la RTNB, espérant la transformer en un outil de démocratisation et de réconciliation, ce qui permettrait dès lors aux Burundais de se réapproprier les médias publics. Ce projet, implémenté au travers de l'asbl Kabondo2, travaille aussi bien sur le plan technique (passage numérique, réhabilitation des locaux, ...) que qualitatif (sensibilisation au traitement médiatique de certains sujets sensibles, augmentation du professionnalisme des journalistes...). Et les résultats s'entendent. Certes elles ne sont pas encore parfaites, mais les radios et télévision publiques avancent à grands pas et les Burundais commencent à se les réapproprier, à en avoir confiance, et à les apprécier. Aujourd'hui, l'information diffusée sur la RTNB a gagné en qualité, les éditoriaux ont disparu et les médias publics ont su récupérer la confiance de leurs auditeurs. Subsiste malgré tout une certaine autocensure : << Tout est en place à la RTNB pour faire de l 'information impartiale et fouillée », explique Jean-François Bastin, responsable de l'ASBL Kabondo. « Mais il faut avouer que parfois les journalistes se laissent faire et n 'osent pas lutter contre les pressions, bien qu 'ils aient tous les outils en main pour le faire (associations professionnelles, textes légaux, ...) Ils se cachent un peu derrière cette soi-disant impuissance du petit journaliste face à l 'homme politique tout-puissant »3. La radiotélévision nationale du Burundi (RTNB) constitue, avec 400 journalistes, techniciens et administratifs, le principal établissement audiovisuel au Burundi. La RTNB est régie par un décret datant du 11 avril 1989, lequel la définit comme un << établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l 'autonomie de gestion >> (art. 1). Situées sur un même site, télévision et radios publiques sont dirigées par un directeur général et un conseil d'administration. À la tête de cette structure, Léonidas Hakizimana, l'actuel directeur général, a été nommé par décret présidentiel sur proposition du Ministre de l'information pour une durée de quatre ans (art. 14). Il est assisté dans sa tâche par quatre directeurs des départements (radio, télévision, technique, administratif et financier). Les cinq postes de la direction sont répartis 1 Une émission concédée est une émission :
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