1.3.3. La question de la pérennité des
projets mettant en oeuvre le journalisme proactif
Si l'appui de coopérations étrangères est
souvent profondément utile à la création d'un média
de la paix, une question se pose alors : que se passe-t-il une fois que le
financement extérieur disparaît ? Ces médias, dont le
niveau de fonctionnement est généralement en totale discordance
avec l'économie locale, se retrouvent dès lors dans
l'incapacité d'assurer leur pérennité.
C'est là qu'apparaît dans toute sa lumière
la différence entre les projets d'action humanitaire et les projets de
coopération au développement : d'une part, il s'agit d'offrir une
solution rapide à un problème ponctuel; d'autre part, de jeter
les bases qui permettront aux locaux de fonctionner de manière
indépendante dans l'avenir. Dans le domaine du journalisme de paix, les
deux perspectives existent : certaines ONG utilisent les médias comme
moyens d'intervention d'urgence, afin d'éviter ou de résorber des
conflits (ex : Fondation Hirondelle1). Puis, une fois la menace
passée, elles s'en vont, emportant avec elles leurs antennes et leurs
budgets. D'autres associations visent la promotion à long terme de
certains principes journalistiques, via la création d'écoles de
journalisme, des formations en déontologie du journalisme, des
séminaires permettant à des journalistes de communautés
différentes de travailler ensemble etc. (ex : Institut Panos Paris). Si
les deux approches sont louables, il est indéniable que celle visant la
formation et la prise de conscience par les journalistes de leur pouvoir en
matière de résolution des conflits, est l'exemple même
d'une pérennité assurée.
Pourtant, il existe des cas où une intervention
d'urgence est indispensable, nécessitant de sérieux
investissements à court terme. Toute la question est alors d'arriver
à transformer cet apport extérieur en un développement
durable : en engageant des journalistes et des techniciens
inexpérimentés, qui sortiront compétents de quelques
années passées au service du média proactif, en dispensant
des formations régulières à ces journalistes, en leur
apprenant des réflexes simples, peu coûteux, mais efficaces,
qu'ils pourront reproduire une fois le bailleur disparu. Car le journalisme de
paix peut se créer localement, sans nécessiter de lourds
investissements, puisqu'il s'agit avant tout de respecter une certaine rigueur
professionnelle. Le bailleur extérieur doit donc réfléchir
à deux fois avant de lancer un nouveau média dans le paysage
médiatique d'un pays : ne peut-il pas plutôt travailler à
partir de structures déjà existantes en renforçant ses
capacités, en s'y implantant, plutôt que de créer un
nouveau journal, une nouvelle station de radio, qui laissera un vide
après son retrait du pays ?
1 Pour plus de détails sur ces ONG, se
référer au chapitre 1.4.1.
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