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Assurer un accès à l'eau et à l'assainissement par la coopération décentralisée, le cas de Villa El Salvador et Rezé

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par Claire Gaillardou
Sciences Po Bordeaux - DESS Coopération Internationale et Développement 2005
  

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1.3. Le cas particulier de Villa El Salvador : une idéologie d'autogestion

Pour de nombreux analystes comme Thierry BRUN10(*), l'histoire de Villa el Salvador se confond avec celle d'un professeur d'histoire et de géographie, Miguel Azcueta, qui, il y a trente ans, se lance dans une aventure peu banale avec une quinzaine d'autres enseignants de l'Université Catholique de Lima.

Miguel a en effet participé à son émergence en plein désert, au sud de Lima. " On a profité que c'était le désert pour planifier une ville différente, avec surtout la participation de tous les habitants de cette ville, explique-t-il. Dans les années 70, après le tremblement de terre, en un mois, ont afflué dans le désert pas moins de 90 000 personnes de toutes les provinces du Pérou "11(*).

L'organisation du bidonville est vite devenue une nécessité pour attribuer des lots à toutes les familles, planifier l'utilisation des terrains destinés aux écoles, postes, commerces et micro-entreprises. " L'idée principale, c'est que nous voulions que dans les premiers jours de l'histoire de Villa el Salvador, cette ville ne devienne pas une ville mouroir. Nous voulions montrer aussi que valoriser le travail productif des hommes, des femmes et des jeunes était la meilleure manière de sortir de la pauvreté extrême et de commencer à progresser "12(*).

L'aventure commence en 1971, quand Miguel Azcueta achève ses études à l'Université Catholique de Lima et décide, avec un groupe de professeurs, de rejoindre le bidonville naissant de Villa el Salvador. Leur objectif est de faire de cette ville une expérience pédagogique s'appuyant sur la participation active de la population. Ces bénévoles se lancent donc dans une grande réforme de l'éducation, avec notamment les parents et les étudiants, et débattent du développement d'une ville nouvelle.

" Moi-même je suis devenu le premier maire de Villa el Salvador et j'ai fondé 25 écoles qui accueillent des milliers d'élèves et étudiants, la population étant très jeune "13(*). Si aujourd'hui quelque 2 500 professeurs dispensent leurs cours aux 100 000 élèves et étudiants du primaire et du secondaire, l'ancien professeur d'histoire et géographie a connu des hauts et des bas. Ainsi, dans les années 90, Miguel Azcueta est la cible de trois attentats du « Sentier lumineux »14(*). " Le dernier était terrible parce qu'il a eu lieu à l'école lorsque j'enseignais en même temps que j'exerçais mon mandat de maire "15(*).

L'expérience de Villa el Salvador, apprentissage démocratique et populaire, se veut en effet " différente de celle de l'Etat, de l'armée, de Fujimori, du « Sentier lumineux ». Le « Sentier lumineux » ne pouvait pas permettre le développement de Villa el Salvador, alors que la lutte politique dans les années 90 était à Villa el Salvador, contre les militaires, contre le Sentier". Etre élu fait partie de cette expérience "un peu bizarre de Villa el Salvador "16(*), ironise Miguel.

Dans les années 80 commence une nouvelle étape démocratique au Pérou avec les premières élections municipales. En 1983, Villa el Salvador devient une municipalité du district de Lima. Miguel, un des dirigeants de la communauté jusqu'à la formation du district municipal, se présente aux élections. Elu, il a depuis exercé la fonction de maire durant trois mandats (un maire est aujourd'hui élu pour quatre ans).

« Nous avons donc continué l'expérience communautaire. C'est une chose très rare en Amérique latine. Généralement, les municipalités dirigent la communauté. A Villa el Salvador, au contraire, c'est la communauté qui a créé la municipalité. On a suivi les expériences d'autogestion avec seulement 120 personnes, employés et ouvriers compris. Tous les objectifs de développement sont organisés avec les groupes sociaux. Si nous voulons un centre industriel, cela sera décidé avec les petits entrepreneurs. S'il y a des travaux des femmes, c'est la fédération des femmes de Villa el Salvador qui dirigent le tout "17(*). Il existe des commissions mixtes et municipales qui associent élus et dirigeants de la communauté. Les commissions mixtes sont des groupes de travail qui fonctionnent avec des budgets propres.

A Villa el Salvador, on l'a compris, la communauté est autogérée. La gestion participative commence au niveau des " blocs " qui regroupent 24 familles, lesquels sont au nombre de 16 par quartier. La ville est ainsi construite avec plus de 200 blocs parfaitement alignés18(*). " Il existe des organisations au niveau des blocs, des quartiers et au niveau communautaire. Ce que nous avons appris depuis les années 70, c'est que l'on pouvait approuver différents plans de développement avec la participation de tous. Il y a des objectifs de travail pour toute la communauté, des programmes pour le service de l'eau, de l'électricité, les méthodes d'éducation, les marchés coopératifs, etc. Une famille peut intervenir, donner son avis. Chaque quartier à ses services et participe directement à la gestion de ces services mais aussi dans l'approbation des objectifs de développement de l'ensemble de la ville "19(*). Comment cela est-il perçu par le pouvoir ? " Ces dix dernières années, nous avons connu des moments très difficiles, surtout politiques avec le gouvernement central, des militaires, Fujimori ".

Et des crises économiques profondes pendant lesquelles Villa el Salvador s'est organisée pour aider des milliers de personnes sans travail et sous-alimentés. 700 cantines populaires ont été mises en place, y compris dans les écoles. Quant aux problèmes de chômage, Villa a créé sa propre économie avec 3 000 petites entreprises industrielles, 10 000 commerces, 1 000 entreprises de service. Cela signifie que 70 % de la population adulte travaille à Villa el Salvador. Surtout, " Le niveau de scolarisation est le plus élevé du Pérou ", dit fièrement Miguel20(*).

Aujourd'hui, Villa el Salvador est une ville urbanisée de 400 000 habitants, avec une zone industrielle de 2 000 micro-entreprises, une zone agricole aménagée en plein désert qui utilise les eaux usées traitées (Cf. deuxième partie) et une zone touristique au bord du Pacifique. Là où il n'y avait que du sable, des objectifs de développement durable ont été fixés. " Nous avons lancé le défi de transformer le désert qui est aussi la propriété de l'Etat. Il s'agit pourtant du cinquième plus grand désert du monde ".

Mais la ville autogérée à un autre défi à relever. Comme nous venons de le voir précédemment, chaque année, près de 200 000 personnes arrivent à Lima. " C'est une nouvelle ville chaque année. Il y a presque 8 millions d'habitants à Lima pour 25 millions d'habitants au Pérou 21(*)". La dure réalité péruvienne est qu'on naît plus souvent dans la misère, dans de vastes zones insalubres. Les quartiers urbanisés et bien desservis des villes occidentales ne sont que des clichés de cartes postales. Mais Villa el Salvador sort de tous les clichés. Sous le sable du désert, il y a sa démocratie participative.

En 1973 naît la Communauté urbaine autogérée de Villa El Salvador 22(*)(CUAVES), organisation qui, à travers un système de représentation territoriale et sectorielle, a mobilisé la population autour des grands enjeux de développement de base. Il y avait tout à faire, car tout manquait : l'eau, l'électricité, la collecte des ordures, les moyens de transport, etc. La CUAVES devint l'âme du développement et l'expression de la société civile. On comptait sur la CUAVES pour le droit de parole, la mobilisation collective et la planification urbaine : une véritable expérience d'organisation populaire.

En juin 1983, un décret fait de Villa El Salvador un district et des élections municipales sont organisées. Le professeur devint le premier maire de Villa El Salvador de 1983 à 1989.

Durant cette période la tension sociale a monté d'un cran au pays. La violence politique, faite de terrorisme et de répression, a marqué l'histoire péruvienne. Les familles et les jeunes ont été marqués. Villa El Salvador n'y a pas échappé Miguel Acquêta a lui-même été la cible de trois attentats23(*). Pourtant la communauté a toujours su résister.

L'expérience de Villa El Salvador fait ainsi la démonstration que « la valorisation du travail productif des hommes, des femmes et des jeunes est la meilleure manière de sortir de la pauvreté et de progresser ».24(*)

* 10 BRUN Thierry (Politis), 12/10/2001, Villa El Salvador, autogestion à tous les quartiers, article publié sur le site de Mediasol.

* 11 D'après l'interview tirée de : BRUN Thierry (Politis), 12/10/2001, Villa El Salvador, autogestion à tous les quartiers, article publié sur le site de Mediasol.

* 12 Idem.

* 13 Idem.

* 14 Le « Sentier Lumineux », Sendero Luminoso en péruvien, appartient aux groupes terroristes les plus meurtriers du globe. Mouvement essentiellement rural, il s'est acquis un soutien relativement large, en conservant un langage simple et des symboles traditionnels péruviens.

* 15 D'après l'interview tirée de : BRUN Thierry (Politis), 12/10/2001, Villa El Salvador, autogestion à tous les quartiers, article publié sur le site de Mediasol.

* 16 Idem.

* 17 Idem.

* 18 Cf. Carte de Villa el Salvador en annexe.

* 19 D'après l'interview tirée de : BRUN Thierry (Politis), 12/10/2001, Villa El Salvador, autogestion à tous les quartiers, article publié sur le site de Mediasol.

* 20 D'après l'interview tirée de : BRUN Thierry (Politis), 12/10/2001, Villa El Salvador, autogestion à tous les quartiers, article publié sur le site de Mediasol.

* 21 Idem.

* 22 Communauté urbaine autogérée de Villa El Salvador

* 23 D'après : SOLON David, 1998, Villa El Salvador : la vile née du désert, Paris : Editions de l'Atelier, collections les Acteurs du Développement, 157 pages.

* 24 D'après : FRECHETTE Lucie, 2001, Quand la jeunesse est conviée à venir bâtir la cité, entrevue avec Michel Azcueta, NPS volume 14, numéro 2.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault