WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Bis Repetita Placent : la collection comme mode de construction de la cinéphile

( Télécharger le fichier original )
par Stéphanie POURQUIER
Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse - Master Sciences de l'Information et de la Communication 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2- Une démarche individuelle

Si la collection fait partie intégrante de la construction de la culture de la cinéphile, nous pouvons supposer alors que cette même construction qui se précise temporellement selon les goûts, les traits de caractères. La collection cinématographique pourrait avoir pour enjeu la « spécialisation » dans tel ou tel genre de film. A l'instar de Valérie, 35 ans ; après avoir regardé maintes fois Breakfast at Tiffany's124 , elle avoue un penchant particulier pour les films de cette époque :

Oui... En ce moment... En ce moment j'essaye, et c'est tout bête... Comme j'adore les
vieux films... Tu vois, j'adore les voitures... Alors, j'ai acheté plein de vieux films... Des

124 Breakfast at Tiffany's ( USA, 1961) Film de Blake Edwards, avec Audrey Hepburn et George Peppard.

films qui étaient anciens... Je suis même jusqu'à allé les commander... C'est surtout des films avec Audrey Hepburn !

La cinéphilie domestique est certes alimentée par les dispositifs modernes (téléchargement, streaming, location) mais aussi par la connaissance que l'on a des objets cinématographiques. De plus la cinéphilie domestique offre le sentiment d'intimité à l'individu qui regarde un film chez soi. C'est une manière différente d'éprouver l'aura de l'oeuvre puisqu'en étant seul confronté au film, les spectatrices vont également construire son expérience esthétique. En étant seule, que ce soit devant sa télévision ou devant un film, la spectatrice décide de la manière dont elle va regarder le film.

« Après, c'est plus intimes, quand tu es chez toi, tu le regardes comme tu veux ! Tu l'arrêtes quand tu as envie de l'arrêter, tu ne te fais pas chier avec les autres, autour ! Tu vois... Tu es chez toi quoi. »

Valérie, 35 ans « En général, les scènes que je regarde à nouveau sont des scènes tristes... Je pense que ce sont des scènes clés du film. Par exemple, pour parler de Dirty dancing, si je devais le regarder ne serait-ce que 15 minutes, tu piques les scènes les plus marquantes, donc c'est forcément celle où ils sont déjà ensembles »

Delphine, 24 ans De scène de Dirty Dancing... Ben déjà, il la scène du porté final, quand ils dansent... Ça je m'en rappelle par ce que à chaque fois je faisais retour rapide et je me la repassais en boucle... Pour pouvoir encore la regarder... Juste pour revoir cette scène je le faisais plusieurs fois ça...

Juliette, 24 ans

Le domicile offre une dimension de tranquillité, à la fois dans la réception du film mais aussi dans la dimension active de la spectatrice : si elle fait le choix, à l'instar de Juliette et Delphine de se repasser telle ou telle scène, tel ou tel moment. La spectatrice a sa « propre manière » d'alimenter son imaginaire, d'une part, mais aussi ses goûts cinématographiques.

Il est de plus, tout à fait éclairant que l'offre technique alimente une demande de qualité et quantité actuelle. En effet, les industries technologiques proposent des

produits (téléviseur écran LCD, écran plasma, Home Cinéma) de plus en plus financièrement accessibles qui permettent aux téléspectateurs de bénéficier, au sein de leur foyer, d'une qualité d'images et de son très appréciables. De plus, les tarifs des DVD sont particulièrement abordables sur Internet125, ce qui contribue à la mise en contexte de la réception du cinéma chez soi. Aujourd'hui, les nouvelles technologies offrent le moyen de regarder beaucoup126de films et dans de bonnes conditions de visionnage, ce qui contribue à faire du cinéma une pratique de plus en plus domestiquée. Nous pouvons donc supposer que la cinéphilie domestique symptomatique de l'évolution des pratiques culturelles ; mêmes si les pratiques de sorties sont courantes, elle offre une alternative à la réception d'un film en mettant en avant la sphère privée.

De la même manière, l'espace domestique apparaît comme le lieu de transmission : si Stéphanie, 32 ans, a d'elle même montré Dirty Dancing à sa fille de 8 ans, Valérie partage également ses gout avec son fils de 6 ans. C'est également dans sa « fonction éducative » que la cinéphilie joue un rôle important et apparaît comme une illustration des valeurs transmises indirectement et plus ou moins consciemment.

Et tu ne vas pas au cinéma avec des proches...

Si ! Avec mon fils... Avec mon fils, on va voir des trucs géniaux ! En plus, il adore Marilyn Monroe ! Au cinéma, on est allé voir beaucoup de films d'art et essai, des films d'animation japonais ! Par compte, je ne veux plus voir de Walt Disney... Parce que c'est trop triste... Il y a toujours le père, où la mère qui meurt ! Je trouve que Walt Disney, c'est une usine à larmes c'est bien simple, on te met un môme... Tu as une situation où tu as le héros... Son père est mort... Ou c'est sa mère généralement, c'est

125 Les sites www.cdiscount.fr, www.ebay.fr proposent des DVD à partir de 0,50 €, ce qui permet au consommateur de passer des commandes assez conséquentes, et par la même occasion, de se former une DVDthèque à moindre coût.

126 Par beaucoup, nous entendons désigner l'offre DVD proposé à la vente et à la location (à la fois en vidéoclub et par le biais des chaînes câblées), mais nous incluons également le téléchargement, le streaming, et de fait, le comportement humain qui en découle, l'achat, l'échange, l'emprunt, le prêt, le vol : c'est à dire la collection.

toujours la maman qui meurt ! Et c'est le père qui récupère tous les honneurs... Alors ça, c'est systématique...Bambi ! Tous ! Je les ai tous regardés, et c'est toujours pareil ! Bambi 2 c'était pareil, c'était le père qui avait récupéré le môme ! Et tu as des gosses qui sont terrorisés comme ça... Parce que tu as des scènes qui sont vachement violentes... Les 101 dalmatiens, tu as Cruella qui arrive ! Dans Bambi, tu as des chiens qui arrivent... On dirait des loups... Et je veux dire... Ça sert à quoi ?

Valérie, qui ne va au cinéma qu'avec son fils, envisage le visionnage d'un film comme moment intime, un moment qu'elle fait coïncider avec les évènements de son existence :

Mais j'ai besoin de voir ce film-là127... Ça dépend de la période, où j'en suis personnellement... Automatiquement, soit c'est dans la déchirure... Des trucs un peu déchirants... J'ai besoin, alors de voir tel film... Comme ça je m'enfonce encore plus à la limite... Je sais pas... J'ai besoin que l'autre, dans le film, il souffre et je me dis « bon ben voilà...il souffre » On souffre ensemble... Disons que ça amplifie ma douleur à moi ! Mes films... Je les regarde quand je vais pas bien, quand je connais un moment sentimental qui est difficile... Ou heureux, euphorique...

Valérie, 35 ans

Le cinéma à domicile apparaît alors comme un des prolongements de soi technophysiologique, une manière de s'évader certes, mais aussi de transférer ces émotions. C'est aussi pourquoi Valérie, la spectatrice rencontrée dit ne pas aimer aller au cinéma. Elle n'accepte pas de devoir présenter aux autres cette « façade » et veut exprimer ses émotions en toute tranquillité.

C'est dans le cadre domestique que se développe la « critique », mais également la découverte et l'information à propos d'un film, ou de cinéma en général. Parmi les quinze entretiens retranscris, les quinze spectatrices se tiennent au courant des sorties des films par Internet, notamment par le biais du site Allociné. Les spectatrices disent elles mêmes se tenir en courant tout en faisant une sélection de l'information : elles se renseignent sur ce qu'elles ont envie de voir au cinéma. Elles sont sensibles aux

127 Valérie fait ici référence à Breakfast at Tiffany 's.

émissions de télévisions dans lesquelles le cinéma est abordé et toutes parlent de cinéma avec leurs amis, la famille ou des collègues.

En définitive, le 7e Art, en quelques années, est passé de pratique socialisante pratique domestique. Ces deux modes cohabitent, se complètent et se soutiennent mutuellement. De fait, nous considérerons la cinéphilie domestique comme un aspect contemporain de l'implication des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Au reste nous pouvons supposer que cet aspect de la cinéphilie moderne soit tributaire du système économique contemporain. Le film-fétiche de salon apparaît alors comme un exergue de cette pratique domestique et le lien transitoire entre la pratique de groupe et la pratique individuelle.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon