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Enjeux politiques et sociaux d'un changement spatial

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par Audrey LELONG
Université de Rouen - Master 2001
  

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5 Remettre en valeur un quartier ancien

La reconquête du centre-ville et notamment du quartier historique, a pour but de le rendre plus dynamique, plus attrayant et de valoriser son image. La ville de Rouen a choisi de reconquérir le centre-ville par la réalisation de projets urbains qui devront être des lieux qui attire une population qui délaisse le centre de Rouen au profit de la périphérie.

Remettre en valeur un quartier ancien et lui redonner sa valeur centrale, c'est agir sur tout le centre et toute la ville44(*).

Les projets urbains destinés au centre-ville se manifestent par la préservation et la restauration du patrimoine. Il s'agit également de veiller à ce que les nouveaux édifices qui seront construits respectent l'environnement historique, ce qui constitue le débat de la construction de l'espace Monet Cathédrale car il est difficile de concilier protection et renouvellement du patrimoine urbain. Il faut en effet construire dans ce qui est déjà existant et par conséquent respecter l'histoire du lieu.

Cet espace Monet Cathédrale est plus moderne et a plus de fonctionnalité que les bâtiments du centre-ville ; il apparaît comme un atout majeur pour rendre plus dynamique le centre-ville. Ce dynamisme recherché n'est pas nouveau dans les objectifs des municipalités. Déjà en 1972, il y eut l'opération de piétonisation de la rue du Gros Horloge qui fut la première opération de piétonisation de France. Elle avait bien évidemment pour but de rejeter les automobiles hors du centre-ville mais aussi de lutter contre l'émergence des nouveaux centres commerciaux qui sont dans des villes proches (Barentin et Tourville). Il fallait revitaliser l'espace central en le valorisant le plus possible. Notons que l'espace commerciale Saint-Sever avait la même portée, c'est-à-dire, conserver la population Rouennaise et attirer les habitants des villes extérieures.

Le rôle de la piétonisation du centre-ville de Rouen qui se poursuit encore à ce jour est faite dans le but d'attirer les habitants qui préfèrent aller faire leurs achats en centre-ville. Le commerce est une attraction principale pour les secteurs piétonniers. D'ailleurs, plus le secteur piétonnier est grand, plus son attractivité est importante45(*). Pour le commerce, la piétonisation est un point positif car il y a 50% de fréquentation de la clientèle de plus lors de la création d'une rue piétonne46(*).

Aujourd'hui, bien que le projet de piétonisation soit toujours d'actualité, d'autres projets voient le jour pour favoriser l'attractivité vers le centre, et notamment l'hyper centre de Rouen.

En ce qui concerne l'espace Monet Cathédrale, il s'agit de mêler la tradition au moderne : tradition parce que les monuments historiques classés sont conservés et modernité parce que se greffe à ce patrimoine historique un contenu moderne, orienté notamment vers des activités de commerces et de loisirs.

Seulement, le changement n'est pas simple à mettre en place car les professionnels de l'urbain, les politiques et les habitants qui ont eu à donner leurs avis ne sont pas tous d'accord sur le principe de concilier architecture moderne et patrimoine historique.

Par exemple, M. Goutal, Inspecteur Général des Monuments historiques a émis un « avis favorable au troisième permis de construire qui ne comprend plus la dépose-repose de la façade Rômé mais sa conservation en place ». Mais Mme Leprince, conservatrice des monuments historiques n'est pas du même avis. Pour elle, « le dossier présenté pour l'Hôtel Romé reprend l'étude préliminaire d'octobre 2005, en la précisant par quelques documents graphiques complémentaires. Mes réserves sont donc les mêmes que celles déjà exprimées dans mon avis du 8 décembre 2005 ».

A travers les avis divergents, nous sentons bien qu'il y a une envie de conserver l'âme de la ville.

L'architecte retenu pour monter le projet Monet Cathédrale a une devise qui est celle de « vivre avec son temps ». Loin de la nostalgie, il y a du plaisir à construire du moderne, même si l'architecture moderne contraste avec les alentours ce qui est le cas pour l'architecte de l'espace Monet Cathédrale :

« Certains exigent du pastiche, c'est-à-dire la reproduction de formes anciennes avec des éléments contemporains. Même si cela appartient à l'architecture, je ne l'ai jamais fait : c'est inconcevable pour moi. Le pastiche est un contresens, une énormité. Selon moi, la modernité est supérieure », (J.P Viguier, architecte du projet, extrait du Paris-Normandie du 02/10/2006).

Pourtant cela a déjà été fait sur la place de la Cathédrale pour le bâtiment où se trouve actuellement l'enseigne Etam.

Bâtiment qui accueillera l'enseigne Etam après des travaux de rénovation (1998)

Le bâtiment de l'enseigne Etam rénové (1999)

La ville de Rouen recherche à valoriser son centre-ville. Il s'agit désormais de faire évoluer l'espace urbain tout en conciliant les formes anciennes avec la modernisation du centre-ville. Dans cette partie, nous verrons que cette tâche est difficile à effectuer et nous allons comprendre pourquoi.

1- Patrimoine et représentation

Nous avons divisé les habitants en deux catégories : soit ceux qui ont un fort attachement aux monuments anciens et ceux qui veulent que leur ville se modernise.

1-1 Représentation du patrimoine par les habitants

Les habitants accordent beaucoup d'importance au patrimoine Rouennais et ont conscience du caractère unique de leur ville, seulement il demeure très mal connu.

Certains habitants se distinguent par leur détachement, voir leur désintérêt face aux questions patrimoniales.

Mes entretiens étant effectués avec des personnes intéressées par le sujet, je n'ai pas pu m'en rendre compte rapidement. Ce n'est qu'avec les questionnaires, qui ont été distribués à un échantillon large de la population Rouennaise que j'ai pu relever qu'il y avait une méconnaissance du patrimoine.

En effet, à la question Quels sont vos monuments préférés ? la plupart des interrogés ont répondu la Cathédrale et le Gros Horloge. Leurs réponses ne m'ont pas interpellé car donner les symboles de la ville comme favoris va de soi. Habiter la ville aux cent clochers est très valorisant du fait du patrimoine très important et connu.

Les Rouennais s'identifient aux symboles de la ville (Cathédrale, Gros Horloge) qui les valorisent. La quasi-totalité ont répondu positivement à la question : « Le patrimoine Rouennais est-il connu mondialement ? ».

Les Rouennais ont une image très positive de leur ville grâce aux monuments qu'elle abrite. Le rayonnement de Rouen leur paraît être très important et l'image de Rouen comme étant une ville historique leur semble être connu partout dans le monde.

En revanche, j'ai pu voir que les monuments symboliques étaient cités car les autres monuments étaient peu connus.

A la question Etes-vous d'accord avec la destruction du Palais des Congrès ? presque la moitié des interrogés disent ne pas savoir où il se trouve et quelle est sa nature. Par conséquent ces mêmes personnes ne sont pas non plus au courant des débats autour de ce projet. La méconnaissance du débat se ressent pour presque tous les sondés.

Parmi ceux qui connaissent le bâtiment, ils en ont une opinion négative et veulent le voir disparaître. Ils citent en premier le Palais des Congrès pour la question « quel monument voudriez-vous voir disparaître ? », car il n'a plus aucune fonction et il nuit à la place de la Cathédrale. Il y a une volonté de la part des Rouennais d'embellir le centre-ville et donc de faire disparaître ce qui nuit à son esthétisme, ce qui permettrait de mettre en valeur les monuments historiques.

L'espace du Palais est cependant bien apprécié et sa conservation est tout à fait admise. Du fait de sa fonction commerciale, il a une importance particulière et son architecture s'insère bien dans le paysage.

Ensuite, on trouve l'Eglise Jeanne d'Arc, qui a une fonction symbolique et emblématique; par conséquent, elle a une importance particulière aux yeux des Rouennais.

Enfin, l'Aître St Maclou, symbole de l'époque Romaine est un vestige que les Rouennais veulent absolument conserver.

Le Palais des Congrès apparaît comme un espace ignoré des Rouennais car il est vu comme un bâtiment mort depuis de nombreuses années qui gâche la place de la cathédrale. Seules de rares personnes me disent avoir le souvenir d'avoir vu le Palais des Congrès « vivant ». Cet abandon l'a cruellement marqué de tags, de palissades accablant les fonctions commerciales, animatrices des rez-de-chaussée, et produisant, de l'avis général comme de celui des experts, un aspect désastreux pour la place de la Cathédrale.

Même s'il est fermé depuis 1996, il fait partie de la ville et lorsque les guides touristiques font visiter la place de la cathédrale, le Palais des Congrès est aussi présenté mais le seul sentiment que les touristes gardent est la laideur du bâtiment.

La destruction de l'édifice participera alors à la production de l'espace : le Palais des Congrès n'étant plus valorisé, ne mérite pas d'être conservé ou réorganisé et sera donc remplacé par une construction jugée plus utile et plus adaptée aux nécessités du moment.

La méconnaissance du patrimoine et des débats urbanistiques s'accentuent lorsque les personnes sont éloignées du centre ville et qu'elles sont jeunes. Les personnes âgées du centre-ville sont les plus au courant des évolutions et des débats du projet, notamment parce qu'elles lisent davantage les journaux locaux et bien sûr parce qu'elles vivent à Rouen depuis de nombreuses années et qu'elles sont intéressées par « leur » environnement.

Mais au niveau de la population globale, il y a une forte valorisation du patrimoine symbolique de la ville mais une méconnaissance du patrimoine de façon plus précise.

Les monuments sont connus et acceptés à partir du moment où on les a toujours connu, et qu'ils sont des emblèmes de la ville.

La modernisation du patrimoine n'est pas ce qui dérange les habitants mais c'est la nouveauté qui dérange : « J'exagère en disant que l'espace Monet Cathédrale est vraiment hideux à cause de sa modernité. L'Eglise Jeanne d'Arc l'est aussi, et pourtant, comme je l'ai toujours connue, je ne trouve pas qu'elle dénature la paysage.» (François, ingénieur dans le bâtiment, entretien n°5).

Tout tend donc à devenir patrimoine. En 1963, André Malraux a décidé de protéger au titre des monuments historiques quelques édifices représentatifs de l'architecture moderne. Si la tour Eiffel est reconnue digne d'être protégée, c'est parce qu'elle met en oeuvre des matériaux de l'ère industrielle et qu'elle représente l'emblème de la France. Cependant, une part importante de la production architecturale du XIXème siècle reste à l'écart du classement et de l'inscription.

Il faut aussi prendre en compte que les lieux dont la construction relève d'une architecture contemporaine ont des fonctions tout à fait différentes des lieux avec une architecture ancienne qui humanise le cadre bâti contrairement aux constructions modernes qui sont froides, rectilignes en verre ou en béton.

L'ancienneté des espaces est perçue comme une valorisation symbolique. Ces espaces sont connus, les personnes s'y attachent car ils font partie de leur quotidien. S'ils sont valorisés symboliquement, c'est qu'ils sont appréciés et que leur disparition déposséderait les habitants de leurs repères au détriment d'espaces nouveaux dans lesquels personne ne se reconnaîtrait.

* 44 Bourdin A., Le patrimoine réinventé, PUF, Espace et Liberté, 1984, p.52.

* 45 Desse R.P., Le nouveau commerce urbain, Presses Universitaires de Rennes, Espace et Territoires, 2001, p.129.

* 46 Dresse R.P., op. cit., 2001.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry