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Ethnicité et Management des Staffs locaux dans les ONG internationales au Burundi

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par Christian Munezero
Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) - Master en Développement et Management des Projets 2007
  

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    Université Catholique d'Afrique Centrale
    Institut Catholique de Yaoundé
    Faculté de Sciences Sociales et de Gestion

    Catholic University of Central Africa
    Catholic Institute of Yaoundé
    Faculty of Social Sciences and Management

    ETHNICITE ET MANAGEMENT DES STAFFS LOCAUX DANS LES
    ONG INTERNATIONALES AU BURUNDI
    Mémoire

    présenté et soutenu en vue de l''obtention du diplôme de Master de
    Développement et Management des Projets

    Par Monsieur Christian MUNEZERO
    Licencié en Sciences Sociales
    Sous la direction de Professeur Marie-Thérèse MENGUE
    Sociologue
    Yaoundé 2008

    Dédicace

    A ma grande soeur Madame Philévie Delphine NDUWAYO-HEDDEBAUT

    A la mémoire de mes défunts parents Monsieur Philippe KANZINYA, Madame Léocadie TOYI

    A la mémoire de mon défunt frère Monsieur Jean-Patrick NDUWAYO

    Remerciements

    Mes remerciements sont particulièrement adressés au Père Bob ALBERTIJN s.j. pour son appui tout au long de mon cursus académique, au Père Pierre OLRY s.j. Directeur National de l'organisation internationale Jesuit Refugee Service-Burundi au moment de ma descente sur le terrain à Bujumbura pour son soutien technique, ainsi qu'à mon Directeur de mémoire le Professeur Marie-Thérèse MENGUE qui a bien voulu me guider pour la réalisation de ce travail.

    Ma gratitude va également vers ceux qui m'ont fait partager leurs expériences et prodigué des conseils pour la finalisation de cette recherche, notamment les responsables des ONG internationales regroupées au sein du RESO au Burundi, mes collègues du Cabinet DCBC-Sarl et ceux de l'ONG CANADEL au Cameroun.

    Je n'oublie pas de remercier tous mes amis camerounais et étrangers de l'UCAC. Leur hospitalité et leur amitié sincère m'ont aidé à traverser dignement les moments difficiles, et à apprécier à leur juste valeur les moments de joie de ma vie d'étudiant au Cameroun.

    Sommaire

    DEDICACES 1

    REMERCIEMENTS 2

    SOMMAIRE 3

    SIGLES ET ABREVIATIONS 5

    INTRODUCTION GENERALE 6

    CONTEXTE 7

    CHAMP D'ETUDE 11

    DEFINITION DES CONCEPTS 12

    REVUE DE LITTERATURE 15

    PROBLEMATIQUE 25

    HYPOTHESES 25

    PRESENTATION DU CHAMP D'ENQUETE 26

    METHODOLOGIE DE RECHERCHE 27

    PRESENTATION DE L'ECHANTILLON 29

    MODELES THEORIQUES D'ANALYSE 30

    CHAPITRE I : LA VARIABLE ETHNIQUE DANS LE TEAM BUILDING AU SEIN DES ONG INTERNATIONALES AU BURUNDI 31

    I- 1- LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES INTERNATIONALES AU BURUNDI 32

    I- 2- LES TENDANCES LOURDES POUR LE TEAM BUILDING DANS LES ONG INTERNATIONALES 35

    CHAPITRE II : LES APPROCHES MANAGERIALES DES RESPONSABLES DES ONG INTERNATIONALES FACE A LA QUESTION ETHNIQUE 41

    II-1- L'APPROCHE DO NO HARM ET LE MODELE DE MANAGEMENT CROSS-CULTUREL 42

    II-2- LE PRINCIPE DE NON-INGERENCE 50

    CHAPITRE III : INCIDENCE DES MODELES MANAGERIAUX SUR LES RELATIONS
    PROFESSIONNELLES DANS LES ONG INTERNATIONALES 54

    III-1- DE L'ACCEPTATION AFFICHEE DE L'ALTERITE DANS LES RELATIONS PROFESSIONNELLES 55
    III-2- QUAND DES ONG INTERNATIONALES DEFENDENT LE PRINCIPE DE NON INGERENCE... 65

    CHAPITRE IV : LE DESARROI DU MANAGER EXPATRIE FACE A LA COMPLEXITE DES
    LOGIQUES DES EMPLOYES LOCAUX 70

    IV-1- LA DIFFICILE COMPREHENSION DES ELEMENTS DU CONTEXTE LOCAL PAR LES MANAGERS DES ONG INTERNATIONALES 71 IV- 2- LA « SOCIALISATION ETHNIQUE » DES CADRES EXPATRIES DES ONG INTERNATIONALES 77 IV-3- LES PERSPECTIVES DE LA QUESTION ETHNIQUE DANS LE MANAGEMENT DES STAFFS LOCAUX

    81

    CONCLUSION 84

    ANNEXES 88

    ANNEXE 1 : TABLEAU 2 : LISTE DES ONG MEMBRES DU RESO 89

    ANNEXE 2 : TABLEAU 3 : ONG INTERNATIONALES PAR PROVINCE ET PAR SECTEUR

    D'INTERVENTION 90

    ANNEXE 3 : GUIDE D'ENTRETIEN 92

    BIBLIOGRAPHIE 95

    Sigles et abréviations

    CDA: The Collaborative for Development Action

    CNDD-FDD : Conseil National pour la Défense de la Démocratie - Front pour la

    Défense de la Démocratie

    FNL-PALIPEHUTU : Front National de Libération - Parti pour la Libération du Peuple

    Hutu

    JRS : Jesuit Refugee Service

    ONG: Organisation Non Gouvernementale

    RESO: Rassemblement Echange et Solutions entre ONG UCAC: Université Catholique d'Afrique Centrale

    Introduction générale

    Contexte

    Au Burundi, treize ans de conflit armé ont vu la diminution de la dimension de l'Etat et la réduction de son efficacité dans plusieurs secteurs. Aussi, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales ont-elles pris le relais pour palier à la fin de « l'Etat providence ». Actuellement, la richesse économique est devenue extrêmement rare, le secteur privé anémié et la création des emplois par celui-ci réduite presque à néant. Parallèlement, le système éducatif continue à déverser, chaque année, des centaines de diplômés sur le marché du travail.

    La voie la plus accessible à tous pour acquérir les moyens de consommation semble alors résider dans l'économie populaire, mais l'emploi y est précaire et les revenus faibles. Une autre voie est celle de postuler aux postes de responsabilité dans les institutions républicaines via des réseaux politiques. Mais, devant le nombre limité de ces postes et les risques élevés d'élimination physique liés à l'activité politique au Burundi, la meilleure option qui s'offre au chercheur d'emploi est de se faire embaucher par une ONG internationale.

    Le secteur des organisations non gouvernementales au Burundi est régit par la loi du 23 juin 1999 sur les ONG. Aux termes de l'article 27 de ladite loi, les zones et les domaines d'intervention des ONG sont déterminés de commun accord par ces organisations et les départements ministériels concernés, en tenant compte des priorités du Gouvernement. En principe, les ressources des ONG sont orientées vers des programmes dont l'objectif est l'amélioration du niveau de vie des populations. Il s'agit notamment de programmes d'adduction d'eau et d'assainissement, de santé, d'éducation, d'agriculture et d'élevage, des droits de l'homme, de réconciliation des communautés ethniques, etc.

    Tel que stipulé dans l'Ordonnance Ministérielle n°660/086/92 du 17 février 1992 relative au personnel des organisations de droit étranger, la main d'oeuvre étrangère ne doit pas dépasser 1/5 des salariés de l'entreprise par catégorie professionnelle. Cette loi s'applique également aux ONG étrangères. Par ailleurs, le secteur associatif et des organisations étrangères se révèle être un des domaines qui créent le plus d'emplois, à court terme. En effet, suite à la signature des Accords d'Arusha et à

    l'élection présidentielle de juin 2005, on assiste à la multiplication des projets de développement et des programmes humanitaires financés par les organismes internationaux. De plus, les montants des salaires octroyés aux agents de ces organisations sont largement supérieurs à la moyenne générale des salaires payés dans les entreprises burundaises.

    Il s'avère alors que ces organisations constituent des partis de premier choix pour les chercheurs d'emploi. La fonction employeur y occupe ainsi une place importante. Elles contribuent à répondre au problème de l'emploi et servent pour beaucoup, de source privilégiée de revenus financiers, sous forme de rémunération du travail. En effet, une étude menée en 2004 portant sur 33 organisations internationales réunies au sein d'un réseau appelé RESO (Rassemblement, Échanges et Solutions entre ONG) montre que celles-ci ont utilisé un budget de plus de 51 millions de dollars américains au cours de la même année. Sur l'année 2005, les prévisions faisaient état de 60 millions de dollars américains. Ces fonds ont notamment permis la création de 2748 emplois locaux. Le résultat de cet état de choses est que, d'une part, la majeure partie de l'offre de travail (diplômés à la recherche du premier emploi, chômeurs, employés de la fonction publique, salariés des entreprises privées) s'oriente vers ces organisations. D'autre part, ceux qui y ont déjà un emploi élaborent des stratégies de positionnement pour le conserver. Il s'agit alors pour ces derniers, dans la mesure du possible, de limiter les nouvelles entrées dans le secteur afin de ne pas perdre les privilèges acquis.

    Dès lors que le travail dans le secteur des ONG internationales devient l'objet de toutes les convoitises, il y a un risque de déplacement ou de reproduction des scénarii conflictuels à caractère identitaire dominant dans la société globale burundaise.

    Il est d'usage d'opposer les fonctionnaires de l'Etat aux « gens des ONG »1 pour
    qualifier deux mondes radicalement différents, avec comme distinctif principal la
    qualité des ressources allouées sous forme de salaires et d'autres avantages. Cela

    1 Traduction littérale de l'expression en kirundi : abo mu ma ONG. Elle exprime une impression de distance voire de fossé entre les conditions de vie des salariés des ONG internationales et celles de ceux qui ne le sont pas.

    est de nature à rendre particulières les relations professionnelles au sein de ces organisations.

    Dans l'imagerie populaire, il est courant de lier promptement les présomptions identitaires fondées sur l'ethnie aux entreprises privées et surtout, à l'administration publique burundaise. Ces allégations ne sont pas dénuées de tout fondement. Effectivement, dans le souci principal de préserver les équilibres et la paix sociale, un nombre important de postes sont attribués, dans l'administration publique, en fonction de l'ascendance ethnique, de l'appartenance aux partis politiques ou alors en fonctions de régions géographiques, du genre et des religions. Mais est-ce pour autant que les ONG internationales constituent un secteur vierge de toute pratique à caractère ethniciste ?

    A ce stade, la question qui se pose à nous est celle de savoir si un environnement ethnicisé a une incidence réelle sur la nature des relations professionnelles au sein des staffs locaux des ONG internationales opérant au Burundi ?

    Des pistes de réponses peuvent être recherchées dans l'histoire du pays. Au regard de la guerre civile qu'a connu le Burundi depuis 1993, il apparaît avec clarté que le conflit a une coloration identitaire indéniable. En fait, le contexte socio-politique actuel du pays est fortement marqué par le poids de l'histoire. Nous rejoignons ici Maurice KAMTO2, dans son analyse sur l'ethnicité en Afrique. Pour lui, même si la situation actuelle dans beaucoup de pays africains ne peut se réduire à une simple opposition entre des ethnies ou aux seuls effets déstructurants de la colonisation ou de la gestion post-coloniale, elle est assurément le produit d'une trop forte division au sein de la société. C'est le cas de la société burundaise actuelle. Cette division trouve ses fondements sociaux et idéologiques dans la colonisation et son renforcement dès l'indépendance. En d'autres termes, le repliement principalement ethnique constaté en cas de crise trouve ses origines tant dans la construction d'une identité ethnique et sa manipulation que dans l'entretien de ce repliement par l'élite politique et par les communautés.

    2 KAMTO Maurice, L'urgence de la pensée, Mandara, Yaoundé, 1993

    Pourtant, comme l'écrit André GUICHAOUA3, ce serait une erreur simplificatrice que de prétendre que le Burundi précolonial connaissait une totale unité nationale qui aurait été détruite progressivement à partir de l'arrivée des Européens. « De nombreuses identités traversaient la société burundaise, mettant en oeuvre de nombreux clivages (claniques, régionales et ethniques). Mais en aucun cas ils ne constituaient un facteur déstructurant dans cette société et, pour la plupart, ne concernaient que les seules élites ». Cependant, selon cet auteur, il semble y avoir à cette époque un potentiel de conflit apte à se transformer en un conflit réel « dès lors qu'une nouvelle règle se substituerait à celle de la société coutumière et qu'en même temps se pétrifieraient les rapports entre les ethnies »4. Cette propension va être exploitée par le colonisateur à des fins politiques et économiques, sous couvert d'une volonté de « civiliser » le pays. La politique coloniale va alors structurer la société en fonction de l'appartenance ethnique.

    Cette action va cristalliser dans la conscience populaire la différenciation essentiellement sur base ethnique. En conséquence, cette division fondée sur des critères idéologiques va se lester d'une charge sociale, puisque l'appartenance ethnique va, pendant longtemps, déterminer le statut des individus dans la société ainsi que leur accès au pouvoir. Ainsi, dès l'indépendance du pays en 1962, « il s'est créé un mécanisme de rétroaction entre les stratégies sociales autochtones sous- jacentes à la colonisation et l'édification de l'appareil étatique »5. Cela a alors contribué à asseoir une conscience ethnique aiguë dans les deux principales communautés ethniques du Burundi (les Hutu et les Tutsi). Les élections présidentielle et législative de juin 1993 n'ont fait que confirmer le phénomène. L'avortement du processus démocratique déboucha depuis le 21 octobre 1993 sur une guerre civile qui fit, jusqu'en 2000, entre 250 000 et 400 000 victimes, 800 000 exilés et 180 000 déplacés à l'intérieur du pays6.

    Au moment où nous avons mené cette étude, les acteurs politiques étaient en pleine
    application de l' « Accord d'Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi »

    3 GUICHAOUA André, Les crises politiques au Burundi et au Rwanda, Karthala, Lille, 1995

    4 LEMARCHAND R., Génocide sélectif au Burundi, Minority Rights Group, Rapport num 20, novembre 1974, p.6, cité par GUICHAOUA André.

    5 KAMTO Maurice, Idem.

    6 Chiffres officiels publiés en 2000

    conclu le 28 août 2000 entre les différentes parties au conflit burundais à Arusha7. Cet accord a aboutit à un cessez le feu signé par le principal mouvement rebelle hutu, alors nommé CNDD-FDD, après plus de dix ans de lutte politique et militaire. Cela a permis l'adoption d'une nouvelle Constitution par référendum le 1er mars 2005 et la tenue peu après des élections législative et présidentielle remportées par l'ancienne rébellion muée quelques temps avant en parti politique. Parmi les chantiers déjà achevés ou en cours de réalisation, il y a la réforme de l'armée et des forces de sécurité, en tenant compte des identités ethniques. Il s'agit de mettre en place une armée composée de 40% de Tutsi en majorité issus de l'ancienne armée régulière, et 60% de Hutu essentiellement issus des rangs de l'ancienne rébellion CNDD-FDD. Le contrôle de l'armée constituait l'un des facteurs les plus importants de la lutte militaire. Toutefois au moment de notre descente sur le terrain, il y avait encore un mouvement rebelle, le FNL-PALIPEHUTU, qui était encore en activité, ce qui signifie que le conflit armé n'était pas entièrement terminé. Par ailleurs la pacification du pays ne signifie nullement la fin du conflit qui peut revêtir plusieurs formes.

    Le contexte global reste donc un contexte de conflit latent, parfois ouvert, mettant en scène divers acteurs. Par ailleurs, on constate que la mobilisation de l'identité ethnique est régulière et systématique, dans l'organisation des différents secteurs de la vie du pays. L'identité ethnique semble alors être au centre de la régulation sociale. C'est dans ce contexte que sont amenés à travailler les ONG internationales opérant au Burundi.

    Champ d'étude

    Notre champ d'étude est le secteur des organisations internationales au Burundi. Ce choix a été motivé par plusieurs raisons. En effet, le Burundi vient tout juste de sortir d'une période de guerre civile particulièrement meurtrière et dévastatrice. L'heure est alors à la reconstruction et à la réconciliation. Or, l'Etat seul ne peut pas faire face à une situation où tout sinon presque est à reconstruire. C'est en quelques sortes un nouveau départ qu'opère actuellement le pays. C'est ainsi que l'on trouve sur le terrain une multitude d'ONG nationales et internationales qui appuient l'action de

    7 Arusha est une ville de Tanzanie où se sont déroulées les négociations de paix pour le Burundi.

    l'Etat en matière de développement ou qui interviennent dans des domaines où l'Etat n'agit pas encore efficacement.

    L'efficacité de l'action de ces organisations dépend en partie du climat de travail et des pratiques en matières de gestion des ressources humaines en vigueur en leur sein. L'emploi étant une denrée rare dans le pays et les emplois dans les ONG étant constamment menacés par le changement ou le terme des projets, les manoeuvres et l'agrégation des stratégies individuelles des acteurs visant à conforter leur situation dans l'organisation, risquent de peser sur l'action de ces structures et de compromettre ainsi la réalisation de leurs objectifs. En effet, dans la société burundaise, l'élément ethnique est une réalité dans les rapports entre les individus. Cette étude nous permettra alors d'évaluer l'influence qu'une telle tendance lourde peut avoir sur les approches managériales des ONG internationales, ainsi que sur l'efficacité et l'efficience des interventions sur le terrain.

    Définition des concepts

    Nous identifions l'ethnicité, l'ONG internationale, et le management comme des concepts clés de cette étude.

    Organisation non gouvernementale internationale

    Suivant les termes de la loi du 23 juin 1999 sur les ONG, le concept d'organisation non gouvernementale internationale renvoie à une institution sans but lucratif créée par une initiative privée à l'exclusion de tout accord intergouvernemental, regroupant des personnes physiques ou morales, privées ou publiques, de droit étranger et ayant son siège principal à l'étranger, pouvant être de nationalités diverses et dont les finalités poursuivies couvrent des domaines aussi vastes que variés.

    Les ONG ont différents modes d'actions, ce qui conduit à les classer dans au moins deux types :

    certaines, souvent dénommées ONG militantes, sont avant tout des groupes de
    pression politique. Parmi celles-ci, un groupe non négligeable d'ONG n'a pas de

    but humanitaire mais des ambitions idéologiques. On y trouve des lobbys de toute nature, en particulier des lobbys économiques et patronaux.

     

    d'autres, souvent dénommées ONG humanitaires, mettent en place des programmes d'aides, éducatives ou caritatives par exemple. Les ONG de ce dernier type se regroupent parfois en collectif humanitaire suivant leur domaine d'intervention ou leurs particularités. Les ONG intervenant dans le domaine du développement sont également logées dans cette catégorie.

    Au Burundi, parmi les ONG internationales, c'est la deuxième catégorie qui est la plus représentée. Toutefois, on trouve aussi des ONG appartenant à la première catégorie parmi les organisations de droit burundais.

    Ethnicité

    Eric HOBSBAWN8 avance l'idée qu'on ne peut pas définir le concept d'ethnicité « en soi ». En effet, « l'ethnicité ne caractérise pas des groupes humains, mais la façon dont les groupes humains sont séparés, ou se démarquent les uns des autres ». Selon cet auteur, le sens le plus attesté pour cerner l'ethnicité (la présomption d'une ascendance commune et des liens de sang entre les membres du groupe) est pour le moins arbitraire quand ce n'est pas une pure fiction.

    Maurice KAMTO quant à lui l'identifie, de même que la tribalité, « au sentiment légitime d'une irréductible appartenance à une communauté socio-culturelle historiquement constituée »9. On parle souvent à ce sujet de « tribalisme primaire ou primitif », entendant par-là un phénomène de solidarité autour d'un certain nombre de valeurs caractéristiques du terroir dont on est issu.

    Mais il ne faut pas confondre l'ethnicité et l'ethnisme. Pour KAMTO, l'ethnisme ou le tribalisme naîtrait, soit d'une volonté d'affirmation conquérante par la négation des autres, soit d'une volonté de se sauver de l'anéantissement par une réaction de défense qui elle-même peut se muer en une volonté de conquête. Il est une

    8 HOBSBAWN, « Qu'est ce qu'un conflit ethnique ? », in Actes de la Recherche en Sciences Sociales, décembre 1993.

    9 KAMTO, op. cit.

    conscience aiguë d'une identité exaltée ou d'une existence contestée. Comme le montre cet auteur, l'ethnisme se manifeste généralement, à l'échelle des pays africains, comme « la réaction d'une communauté socio-culturelle contre l'hostilité affichée d'une autre communauté ethnique, contre une volonté exprimée ou une tentative manifeste d'anéantissement par un pouvoir d'obédience ethnique ».

    En réalité, avant de parler de l'ethnicité, il aurait fallu partir de la définition de l'ethnie. J.- W. LAPIERRE10 (1977) définit l'ethnie à partir des concepts d'identité et de différence : « Nous entendons ici une population qui reconnaît avoir le même système culturel (moeurs, coutumes, croyances, connaissances, les mêmes « codes ») et considère comme différents du sien les systèmes culturels des populations voisines ». Emmanuel KAMDEM énumère les critères dominants à la base de l'identification d'une communauté ethnique. Il cite, parmi ceux que l'on rencontre le plus fréquemment selon lui, l'origine historique, l'occupation territoriale, la tradition et les moeurs, la langue, la religion, la morphologie, etc.

    Mais dans le contexte burundais, il est difficile de déterminer sur quelles bases se fondent les individus pour s'identifier ethniquement car le concept d'ethnie est manipulé et dilué selon les enjeux du moment. Les individus se créent des liens plus ou moins artificiels qui ne sont pas forcement parentaux mais qui sont porteurs de sens, et sont vecteurs de logiques parfois meurtrières.

    Le Management

    Le management est une expression utilisée pour décrire les techniques et les compétences visant à optimiser l'organisation, la planification, la direction et le contrôle des structures et des activités d'une société. « Dans la théorie du management, l'organisation revêt deux grands aspects. Le premier se rapporte à la mise en place d'une hiérarchie ou de niveaux de responsabilité, concrétisée par un organigramme qui désigne le rôle de chacun dans la structure, du président au chef de service, et qui précise les fonctions assumées. L'autre grand aspect est relatif à la

    10 KAMDEM Emmanuel, Management et interculturalité en Afrique : expérience camerounaise, L'Harmattan, Paris, 2002

    constitution d'un personnel de cadres qualifiés (notamment le recrutement et la formation continue) »11.

    L'étymologie du terme « management » est riche d'enseignements. En effet, si ce mot nous est venu tout droit des Etats-Unis, sa racine latine nous permet d'en trouver les sources en Europe. Ainsi, dans l'Italie du XVIème siècle, le terme désigne « celui qui dresse les chevaux » tandis qu'en France, le « Ménager » désigne au XVIIIème siècle « celui qui nourrit la maisonnée ». Le terme anglais « to manage » est synonyme de « to handle » et signifie « Tenir en main, manipuler ». Il implique l'action de gérer à travers et à l'aide des autres. Il est d'ailleurs très générique en Grande Bretagne comme aux Etats-Unis puisqu'il permet de désigner aussi bien un dirigeant qu'un gérant d'épicerie ou un concierge.

    En Afrique, l'unanimité n'est pas toujours faite autour de la signification, du contenu et des limites du Management. Certains le considèrent plus comme un mythe à détruire qu'un concept à développer, du fait de sa forte charge culturaliste. D'autres en revanche, trouvent dans cette approche une possibilité de développement d'une vision managériale susceptible de favoriser l'enracinement des pratiques de management des sociétés africaines. La difficulté réside surtout dans le sens et les limites exactes que chacun trouve dans le qualificatif africain associé au Management.

    Mais l'acception de ce terme qui nous semble se rapprocher le plus de l'entendement que nous en avons dans le cadre de ce mémoire est celle d'Emmanuel KAMDEM. Pour lui, le Management à l'africaine peut se définir comme « les manières de concevoir et de pratiquer l'organisation des personnes et des biens et qui soient authentiques, c'est-à-dire, adaptées au contexte (écologique, historique, politique, technologique, économique et social) des sociétés africaines. »12

    Revue de littérature

    Le concept d'ethnicité né de la déconstruction et de la reconceptualisation de la
    notion d'ethnie a pris son véritable sens après la seconde guerre mondiale. Ce

    11 "Management." Microsoft® Encarta® 2007 [DVD]. Microsoft Corporation, 2006.

    concept ne cesse de susciter une diversité d'interprétations à telle enseigne qu'il semble être utilisé, à tort ou à raison, comme explication à une multiplicité de pratiques. C'est dans ce sens que WEBER13 n'a pas hésité à le qualifier de concept « fourre tout ». L'ethnicité, thème d'un grand intérêt chez les Anglo-saxons, est considérée comme réalité sociale dans les milieux des chercheurs européens et surtout français seulement au début des années quatre vingt. Ce thème apparaît en Afrique à la faveur de l'intensification du débat politique sur la démocratie des années quatre-vingt-dix.

    Aborder le thème de l'ethnicité en Afrique revêt beaucoup de difficultés et nécessite, de la part du chercheur, une attitude « d'engagement et de distanciation »14 . Pour KAMDEM, « l'une des principales difficultés d'approche de ce sujet réside dans la perspective suivant laquelle il a souvent été abordé dans les différents milieux (politique, économique, scientifique, etc.) ; une perspective partisane et manifestement polémique qui a malheureusement beaucoup retardé l'engagement d'un débat utile et constructif. [... ] »15. Il faudrait donc aborder ce sujet « en évitant autant que possible une double tentation : narcissique (la glorification d'une ethnie quelconque) et négativiste (la dévalorisation des autres) ». Il importe alors d'analyser l'ethnicité comme un fait social au sens de DURKHEIM16.

    L'ethnicité n'a pas une appréhension unique. Sa compréhension et son usage reposent sur les dimensions qui sont privilégiées dans la pratique ou l'analyse. « Le débat sur l'ethnicité a longtemps opposé d'une part, les tenants de la conception « primordialiste » et d'autres part, ceux privilégiant la conception « constructiviste »»17.

    De l'avis d'Aundu MATSANZA18, la conception primordialiste repose sur des critères
    objectivistes et circonscrit l'ethnicité comme un fait naturel qui s'impose à l'individu

    12 KAMDEM Emmanuel, Idem.

    13 WEBER, Economie et société, Agora, tome 2, Paris, 1995

    14 NORBERT ELIAS, Engagement et distanciation, Fayard, Paris, 1993

    15 KAMDEM Emmanuel, Management et interculturalité en Afrique : expérience camerounaise, L'Harmattan, Paris, 2002

    16DURKHEIM Emile, Les règles de la méthode sociologique, PUF, 10ème édition, Paris, 1999

    17 KAMDEM Emmanuel, FOUDA ONGODO, « Faits et méfaits de l'ethnicité dans les pratiques managériales au Cameroun », Colloque du Réseau de Recherche en Sciences de Gestion de l'Agence Universitaire Francophone, Beyrouth, 28 et29 octobre 2004.

    sans qu'il soit en mesure d'y échapper, car lui étant antérieur. Cette approche privilégie le lien de base au sein des organisations fondé sur la parenté, les modèles de comportements des individus en groupe, les institutions représentant l'ascendance, etc. La conception constructiviste quant à elle, repose sur les aspects subjectivistes tissés pendant les relations sociales. Cette dimension s'intéresse donc aux identités, aux modes de domination, aux attitudes, aux valeurs et aux préjugés dans le processus de l'agir communicationnel.

    A ce propos, POUTIGNAT et STREIFF-FENART19 passent en revue les différentes théories de l'ethnicité produites dans les sciences sociales. Ce concept y est analysé à travers différents paradigmes renvoyant à des formes variées de structuration et de fonctionnement du lien social. L'ethnicité est tour à tour comprise comme une donnée primordiale, une extension de la parenté, une revendication d'intérêts communs, un reflet des antagonismes économiques, un système culturel et un système d'interaction sociale.

    L'ethnicité comme donné primordiale est une approche développée par SHILS (1957) qui met l'accent sur la prédominance de l'héritage culturel issu des ancêtres d'une communauté et transmis aux différentes générations successives. L'ethnicité est vécue comme une forme d'héritage collectif à différentes personnes se reconnaissant des liens fondamentaux visant à préserver l'unité et la stabilité de la communauté d'origine.

    Le paradigme qui considère l'ethnicité comme une extension de la parenté l'analyse comme le prolongement de la parenté biologique et de la consanguinité. Ici, on considère la réalité ethnique comme un mécanisme dominant de sélection et de reproduction sociales (VAN DEN BERGHE, 1981).

    L'approche de l'ethnicité en tant que revendication d'intérêts communs relève l'instrumentalisation de l'ethnicité comme une ressource stratégique à mobiliser dans une compétition pour l'accès aux ressources économiques et la participation au pouvoir. Elle est ici utilisée comme un moyen parmi tant d'autres d'expression d'une

    18 AUNDU MATSANZA, « Taxinomie critique des paradigmes de l'ethnicité », Université Libre de Bruxelles, p. 1

    19 POUTIGNAT, STREIFF-FENART, Théorie de l'ethnicité, Paris, 1995

    revendication dans le sens de la défense des intérêts particuliers. Les principaux tenants de cette approche sont N. GLAZER et D.P. MOYNIHAN.

    La conception de l'ethnicité comme reflet des antagonismes économiques se focalise, quant à elle, sur le problème de la compétition économique entre des groupes ethniques organisés en catégories rivales dans un champ de compétition. D'inspiration marxiste, elle reconnaît au groupe ethnique, à l'inverse de la précédente, la même fonction sociale que celle attribuée aux classes sociales dans un système capitaliste (E. BALIBAR et I. WALLRSTEIN, 1988).

    Le courant qui conçoit l'ethnicité comme un système culturel entend « restituer l'ethnicité dans un champ culturel, tout en évitant de tomber dans le piège et les dérives du « lien primordial » et du « culturalisme ». Pour ses tenants, l'ethnicité est la traduction vivante d'une dynamique culturelle dont le symbolisme s'oppose radicalement à l'orientation utilitariste et instrumentale (L. DRUMMOND, 1980).

    Une dernière approche est celle qui conçoit l'ethnicité comme un système d'interaction sociale. Prônée notamment par F. BARTH (1969), cette approche souligne la mobilité des frontières des groupes ethniques considérés comme des « supports de culture » ou des types d'organisation dont il faut identifier les frontières sociales, les zones de distinction et d'interaction.

    Beaucoup d'auteurs semblent s'accorder sur le fait qu'il y aurait un lien direct entre la décomposition de l'Etat en Afrique et la résurgence de l'ethnicité. A ce propos, HUGON note que « dans les sociétés où l'Etat-Nation demeure en voie de constitution et où les réseaux personnels et les solidarités ethniques l'emportent sur l'institutionnalisation de l'Etat, la crise économique a renforcé la décomposition de l'Etat »20 . C'est cette situation d'affaiblissement de l'Etat qui fut pour certains, avec l'instauration du multipartisme, à l'origine du développement du secteur associatif et des ONG internationales au Burundi.

    Dans les années quatre-vingt, le néo-libéralisme imposé par les institutions de
    Bretton Woods dans le cadre des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) dicte la

    20 HUGON Philippe, L'Économie de l'Afrique, Éditions La Découverte, Paris, 1993.

    réduction de l'intervention de l'Etat dans l'économie, l'Etat étant « l'ennemi » du néolibéralisme. Dans ces circonstances où, comme le dit ELA, prévaut désormais « la mise sous tutelle de l'Etat africain »21, on va assister à l'accroissement et au renforcement des inégalités, à la marginalisation des groupes sociaux et à la dégradation des conditions de vie. Le rétrécissement du champ étatique entraîne donc d'énormes conséquences sur le plan social et humain. Dès lors, note ELA, «mécontentement, grèves, humiliation marquent la vie de beaucoup d'agents du secteur public en état de délabrement»22. C'est ainsi que, comme va le relever DIA, «le relâchement des liens entre l'individu et l'Etat a renforcé les liens entre l'individu, la famille et son ethnie».

    Au début des années quatre-vingt-dix, certains chercheurs pensaient que le vent de la démocratisation et la libéralisation économique allait endiguer, sinon réduire le phénomène ethnique et tribal en Afrique. Mais ELA soutient que, « suite au désengagement trop prononcé de l'Etat dans la vie économique, le processus démocratique pourrait connaître un coup d'arrêt »23 . Dans cette perspective et s'agissant de l'Afrique Centrale, BOUKONGOU note que les transitions démocratiques «ont été marquées par les clivages ethno-identitaires »24 . En conséquence, l'ethnicité semble aujourd'hui, plus que jamais, être au centre de la structuration de la réalité sociale, que ce soit au niveau de la société considérée globalement, qu'au niveau restreint des entreprises et des autres organisations.

    Selon DIA, « l'identité ethnique continue de jouer un rôle grandissant dans la formulation des décisions économiques au niveau des individus et des instances gouvernementales »25 . On note avec KAMDEM26 que la culture ethno-tribale est une dimension importante dans la gestion des organisations et semble même constituer un des fondements de la logique du manager africain. On peut ainsi remarquer qu'en

    21 ELA Jean-Marc., «Les sciences sociales à l'épreuve de l'Afrique : les enjeux épistémologiques de la mondialisation», Communication Assemblée Générale du CODESRIA, Dakar.

    22 Idem

    23BOUKONGOU Jean Didier, «Préface», «Ethnicité et Citoyenneté en Afrique Centrale», in Cahier Africain des Droits de l'homme, Presses de l'UCAC, Yaoundé, 2002.

    24 Idem.

    25 DIA, «Pratiques indigènes de gestion et développement en Afrique subsaharienne : Leçons pour les années 90» in SERAGELDIN et TABOROFF, Culture et développement en Afrique, BM, Washington, 1994, pp. 189-216.

    26 KAMDEM Emmanuel, «Nouveau regard sur les pratiques du management au Cameroun», in LALEYE, PAWHUYS, VERSHELST, et ZAOUAL, (dir), Organisation économique et cultures africaines : de l'homo oeconomicus à l'homo situs, Paris, l'Harmattan, 1996, Chapitre 13, pp. 249-271.

    Afrique plus qu'ailleurs, la loyauté vis-à-vis de la tribu et de la famille élargie influence encore la plupart des décisions concernant le personnel (DIA), les pratiques managériales, ainsi que les relations professionnelles au sein des organisations.

    Lors des travaux menés dans les entreprises ivoiriennes, HERNANDEZ va examiner l'influence des facteurs socioculturels, surtout ethniques, dans la gestion des ressources humaines notamment sur les variables relatives à la gestion du personnel (procédure de recrutement, augmentation, préférence d'un collègue, rapport avec le supérieur, favoriser un parent, rapport avec les subordonnés, rôles des facteurs ethniques et familiaux). Il arrive à la conclusion selon laquelle «les facteurs ethniques et familiaux constituent une réalité au niveau des entreprises étudiées, de leur gestion du personnel en particulier et des relations professionnelles»27. Mais il relativise son propos en disant que ces facteurs jouent un rôle qui doit être ramené à une juste mesure. Ils ne constituent pas, selon lui, une barrière infranchissable à une bonne gestion des entités économiques et sociales et politiques.

    Concernant l'influence de l'ethnicité sur les pratiques de gestion des ressources humaines, les travaux de Emmanuel KAMDEM sont d'une richesse particulière. Son travail28 sur les entreprises camerounaises relève que l'observation attentive des pratiques du terrain révèle l'influence considérable du critère ethno-tribal, en particulier dans le recrutement et la promotion. D'après ses observations, il va identifier trois modes de « gestion ethno-tribale » :

    Il y a d'abord le mode de gestion fondé sur le développement de la « coalition ethno-tribale ». Il s'agit ici de chercher à reconstituer une sorte de « village ethnique » dans l'entreprise en donnant la priorité dans le recrutement ou dans la promotion aux personnes originaires de la même ethnie que le promoteur ou le dirigeant. Ce mode de gestion peut être soit, un facteur d'échec (l'auteur cite le cas de la compagnie FROMACAM) soit un facteur de réussite (l'auteur cite ici le cas de la PROLAL).

    Ensuite, il y a le mode de gestion fondé sur la recherche « des habiletés ethno-
    tribales ». Ce mode, nous dit Kamdem, consiste pour l'entrepreneur, « à établir

    27 HERNANDEZ, Le management des entreprises africaines, les Éditions l'Harmattan, Paris, 1997.

    une certaine corrélation entre l'origine ethnique d'un employé et sa performance au poste de travail »29. Il s'agit par exemple de l'attribution de certaines qualités managériales aux membres de telle ou telle autre ethnie.

     

    Enfin, le mode de gestion fondé sur « la réduction de la coalition ethno-tribale ». Ce mode consiste, selon les termes de l'auteur, à « faire abstraction, autant que possible, de l'origine ethnique de l'individu et de ne privilégier que sa capacité manifeste à répondre à la demande de l'entreprise. Le prototype du dirigeant ou de l'employé qui incarne ce mode est celui qui, tout en reconnaissant l'existence de la dynamique ethno-tribale dans les organisations, ne cherche pas du tout à s'en servir comme outil de gestion. C'est bien cela qui distingue ce dernier mode des deux précédents. Ici, la tendance dominante n'est pas de favoriser un regroupement ethnique des individus, mais bien au contraire de le limiter en privilégiant la compétence technique et l'expertise professionnelle »30.

    Mais si l'ethnicité apparaît, aux yeux des chercheurs, comme étant une réalité qu'il faut prendre en compte car pouvant influencer négativement ou positivement les performances des entreprises en Afrique, la recherche sociologique sur le secteur associatif semble esquiver la question de l'ethnicité en tant qu'élément interne à l'organisation non gouvernementale pouvant agir sur les résultats des activités et sur les objectifs spécifiques des projets mis en oeuvre par ce type d'organisation.

    Depuis une vingtaine d'année, les ONG internationales se professionnalisent de plus
    en plus et recrutent un personnel de plus en plus spécialisé. La professionnalisation,
    comme le dit Jean FREYSS31, signifie que l'ONG mobilise, dans chaque domaine

    28 KAMDEM Emmanuel, op. cit.

    29 Voici quelques propos d'un promoteur relevés à ce sujet par KAMDEM Emmanuel: « Je prends par exemple le cas des Bassa, ce sont des gars impulsifs et connaissant leur caractère impulsif, on peut bien les utiliser. Si on les met sur une chaîne, ils sont assez rapides quand même et cela est très utile pour la production. Mais il y a d'autres qui sont très passifs, qui viennent de certains coins... Si donc j'ai besoin d'un caissier, il est plus intéressant pour moi de mettre quelqu'un de tel ou tel coin car je pourrai avoir moins de chance de me faire voler. Si par exemple, je mets une personne d'une certaine ethnie commerciale, ce serait... parce qu'il y a des ethnies qui ont un caractère impulsif. Or dans le commercial, il faut amadouer le client, le caresser dans le sens du poil, être cool, plus calme. Donc, je ne peux pas prendre de risques de le faire ». Il conclut en riant « dans tous les cas, je me sers un peu de cela pour attribuer telle ou telle responsabilité ... J'ai des Béti, j'ai des Bassa et j'ai des gars de l'Ouest », p.267

    30 KAMDEM Emmanuel, op. cit.

    31 LE NAËLOU Anne et FREYSS Jean, « ONG : les pièges de la professionnalisation », in Revue du Tiers Monde, n°180 Tome XLV, PUF, Paris, octobre - décembre 2004, p. 759.

    utile pour son activité, des personnes disposant des compétences reconnues comme constitutives d'un métier nommément désigné. « Cette professionnalisation consiste donc à incorporer dans l'ONG des compétences diverses, reconnues sur le marché du travail global comme portant tous les attributs du métier correspondant ». De l'avis de cet auteur, « la professionnalisation des ONG implique la mobilisation dans l'organisation les compétences techniques nécessaires à l'efficacité de l'action». L'idée qui sous-tend cette vision est que l'action doit être concrète, réaliste, au plus près des personnes, rapidement efficace et visible. Cette vision stratégique privilégie un mode de faire qui est celui de la réalisation des « projets concrets ».

    Pour FREYSS, l'un des facteurs principaux qui contribuent à façonner le paysage professionnel des ONG, c'est la croissance rapide des fonctions de gestion. Cela est d'abord rendu nécessaire par l'accroissement des exigences contractuelles imposées par les bailleurs de fonds. D'autre part, les actions conduites sur le terrain par les ONG ont souvent pour objectifs des réalisations concrètes, dignes d'une entreprise : construction de bâtiments, de routes ou d'hydraulique, travaux agricoles, distributions alimentaires, etc. Ainsi, remarque l'auteur, « à côté des métiers directement liés à la nature des actions menées (les techniciens), les administrateurs, logisticiens, comptables et financiers, agents enquêteurs, gestionnaires de ressources humaines deviennent, sous la houlette des chefs de projets, les rouages de plus en plus indispensables au fonctionnement de beaucoup d'ONG». L'ONG n'est alors qu'un lieu, parmi tant d'autres, combinant une gamme de métiers concourant à l'efficacité de son action.

    En conséquence, on retrouve quelques similarités dans les pratiques managériales dans les entreprises et dans les ONG. Ces similitudes font référence, entre autres éléments, à « une gestion administrative performante, des stratégies financières, une salarisation croissante et une rotation importante de personnel, une politique de recrutement sur définition de postes et de profils, un développement de liens avec les médias et avec les réseaux de marketing, une technicité pointue »32, etc. On retrouve alors logiquement dans les deux entités des enjeux et des problèmes proches liés à la gestion des ressources humaines.

    32 LE NAËLOU Anne et FREYSS Jean, op. cit.

    La nature des relations professionnelles dans les ONG internationales opérant au Burundi est ainsi, en partie, tributaire de la professionnalisation croissante de celles- ci et en leur sein. En effet, cette professionnalisation effective implique l'embauche par ces organisations d'employés compétents, qui ne partagent pas forcément les mêmes idéaux d'impératif humanitaire, de droits de l'homme ou autres considérations philosophiques. Ceux-ci sont dans l'ONG en tant que salariés faisant le travail pour lequel ils sont payés. A ce titre, il est inévitable que certains employés locaux ne mobilisent ou non l'élément identitaire dans les relations professionnelles car baignant dans un environnement profondément ethnicisé comme nous l'avons montré plus haut. Cela est d'autant vrai qu'au moment où nous faisions la collecte des donnés sur le terrain, il ne se passait pas un mois sans que l'on parle, dans les différents médias privés et publics, de meurtres à forte connotation ethnique. C'est ce type d'incidents qui ravivent les passions collectives et installent un climat de tension se répercutant dans touts les secteurs de la société.

    Un employé d'une grande ONG internationale nous a confirmé cette présence de l'ethnicité dans les relations professionnelles :

    « L'ethnicité est présente dans la vie professionnelle comme elle est présente dans la vie quotidienne au Burundi. C'est une réalité qui s'observe partout tant au niveau social qu'au niveau professionnel [...]. Il y a eu des moments de tension au niveau national qui ont été provoqués par certaines circonstances politiques où on a vu des collègues se lancer des injures, ici au bureau, en disant que voilà, votre ethnie est foncièrement mauvaise, c'est elle qui tue, etc. Il y a une crise qui est née ; pour te dire que s'il y a quelqu'un qui te dit que ce n'est pas une réalité qui se vit dans le milieu du travail dans les ONG, c'est que c'est un menteur invétéré ».

    Les ONG internationales opérant au Burundi sont, dans leur grande majorité, dirigées par des cadres internationaux. Ces derniers sont amenés à gérer ces structures dans un contexte conflictuel dont ils ne maîtrisent pas toujours tous les contours ou alors dont ils ne cernent que quelques éléments diffus alimentés par des prénotions et des jugements de valeurs. En effet, le conflit burundais a cela de particulier qu'il rentre difficilement dans la typologie classique en termes de critères d'identification des acteurs sociaux. Il s'agit de deux communautés qualifiées d'ethniques qui ont en commun l'histoire, la langue, la culture, le territoire, la religion,

    le système social et politique, etc. De ce fait, elles répondent difficilement aux critères ethnologiquement et anthropologiquement admis pour définir une ethnie. Le seul critère sur lequel on se base habituellement pour différencier les deux communautés est la référence à la morphologie. Là encore, ce critère de différenciation peut être faussé car, de par les mélanges qui se sont produits tout au long de l'histoire, depuis la période monarchique précoloniale jusqu'à nos jours, il est très difficile de déterminer avec assurance l'appartenance ethnique d'un individu. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'un conflit opposant deux communautés dans leur intégralité, mais des divisions entre des individus appartenants à ces deux communautés. Mais il ne faut nullement banaliser l'intensité de ces divisions car elles sont suffisamment profondes pour avoir occasionné des centaines de milliers de morts.

    Aussi complexe que cela puisse paraître pour un observateur extérieur, les Burundais savent parfaitement faire la distinction entre un Hutu et un Tutsi. L'enjeu pour nous ici n'est pas de savoir si les Hutu et les Tutsi constituent des ethnies ou non. À partir du moment ou les individus s'identifient comme tels et fondent leur action et leurs comportements en fonction de cette variable, nous en prenons acte et nous nous limitons à l'explication de la réalité sociale telle qu'elle se présente. Il s'agit ainsi d'analyser le phénomène des identités ethniques dans les relations professionnelles comme une « manière d'agir, de penser et de sentir, extérieure à l'individu, et qui est douée d'un pouvoir de coercition en vertu duquel elle s'impose aux acteurs »33 (au sens de DURKHEIM). A ce propos les dires d'un employé d'une ONG internationale nous ont édifiés :

    « Au Burundi être Hutu ou Tutsi, c'est comme être Blanc ou Noir. C'est quelque chose qui est limpide, au bureau tu sais qui est qui, tu sais que ton collègue est ceci ou cela ; Hutu et Tutsi, tout le monde sait qui est quoi ».

    Ce type de déclarations souvent entendues au cours de notre travail de terrain montre que, bien que l'ethnicité soit loin de constituer le seul facteur de régulation du comportement, il y a sans nul doute une forte présence de cette catégorie dans l'imaginaire collectif des Burundais. Il est donc clair dans notre esprit que la convocation de l'identité ethnique est une réalité observable dans les relations

    33 DURKHEIM Emile, Les règles de la méthode sociologique, PUF, 10ème édition, Paris, 1999

    professionnelles au sein des ONG internationales opérant au Burundi, tout comme dans d'autres secteurs d'activités.

    La présence de l'identité ethnique dans l'imaginaire des employés locaux est telle que les managers des ONG internationales se trouvent dans l'obligation d'adopter une posture managériale s'y rapportant dans la gestion quotidienne des ressources humaines. En effet, qu'ils le veuillent ou non, cette variable identitaire influe directement ou indirectement sur l'efficacité et l'efficience de l'action des ONG sur le terrain.

    Dans le cadre de cette étude, nous entendons par manager, au premier degré, les coordinateurs des ONG internationales et, au second degré, les personnes occupant les postes stratégiques de décision au sein de ces organisations, à savoir les hauts cadres.

    Problématique

    Une interrogation est au centre de cette étude : comment les managers des ONG internationales intègrent-ils la variable ethnique dans leurs politiques de gestion des ressources humaines ? En d'autres termes, comment intervient la variable identitaire basée sur l'ethnie dans le management des ONG internationales opérant au Burundi ? Globalement, il est question d'identifier les différentes approches des managers de ces organisations face à la question des identités ethniques dans les pratiques de gestion du staff local, les logiques sous-jacentes à ces approches ainsi que leur incidence sur les relations professionnelles.

    Hypothèses

    Hypothèse générale

    Face à la question des identités ethniques, les managers des ONG internationales opérant au Burundi adoptent deux approches opposées mais ayant toutes un objectif affiché de neutralité. D'une part, on observe une prise en compte tacite des identités ethniques se traduisant par l'absence délibérée de toute allusion à cette variable identitaire dans la gestion du staff local et ; d'autre part, on affiche la prise en compte

    explicite des identités ethniques se traduisant par la volonté d'opérer la mixité ethnique du staff local par un système de quotas à l'embauche.

    Hypothèses secondaires

    1) Le modèle organisationnel des ONG internationales opérant au Burundi estompe légèrement, dans le staff local, la convocation systématique de l'identité ethnique dans les relations professionnelles. Néanmoins, si le travail au sein de ces organisations favorise un début d'émergence d'une culture organisationnelle au sens de la culture d'entreprise, il ne parvient pas à annihiler la conscience ethnique des employés locaux.

    2) Les cadres expatriés et locaux des ONG internationales ne sont pas préparés au maniement de la donne ethnique d'où la difficulté pour beaucoup à définir une politique claire de management cross-culturel.

    Présentation du champ d'enquête

    L'enquête de terrain qui a servi de base à l'élaboration de ce travail s'est effectuée à Bujumbura. Ce choix a été motivé par une raison majeure. En effet, Bujumbura est la capitale politique et économique du Burundi. A ce titre, elle constitue le lieu d'établissement des sièges des différentes ONG internationales opérant au Burundi. Bien que leurs activités couvrent l'ensemble du territoire national, c'est dans la capitale que se trouve concentrée l'intégralité des responsables et la majeure partie des employés des ONG internationales, comparativement aux autres villes. Nous avons ainsi pu facilement rencontrer les enquêtés en les trouvant directement sur leurs lieux de travail.

    Par ailleurs, on rencontre à Bujumbura les ressortissants de toutes les provinces du pays et de toutes les ethnies. Cette dimension nous a permis de nous faire une idée sur l'impact des représentations ethniques dominant dans le milieu de vie sur les comportements individuels des employés des ONG internationales, notamment en matière de relations de travail.

    Notre enquête s'est déroulée en grande partie dans la commune urbaine de Rohero et dans la partie Nord de la commune urbaine de Kinindo, lieux où sont situés la plupart des sièges des ONG et autres organismes internationaux. Cette partie de la ville de Bujumbura constituait, au moment de l'enquête, la zone située à l'intérieur de la « ceinture de sécurité ». Il s'agissait d'une zone à l'intérieur de laquelle les forces de sécurité de l'ONU alors installées à Bujumbura dans le cadre de l'ONUB34 avaient mandat d'intervenir pour protéger les ressortissants étrangers travaillant pour les organisations et organismes internationaux. Toutefois, nous avons pu élargir notre investigation à d'autres communes ou quartiers en fonction des besoins.

    Méthodologie de recherche

    Cette étude s'est effectuée sur la base d'une enquête de terrain à Bujumbura et d'une recherche documentaire. La descente sur le terrain s'est faite durant la période allant de juillet à octobre 2006. Elle a été réalisée dans le cadre d'un stage de recherche que nous avons effectué au sein de l'ONG JRS-Burundi. Lors de ce stage, il ne s'agissait pas pour nous d'effectuer uniquement les tâches pour l'organisation. Au moment de la négociation du stage, nous nous étions convenus des conditions de notre séjour au sein de l'ONG. JRS-Burundi était en réalité notre porte d'entrée dans le milieu des ONG et des organismes internationaux. Le directeur national de cette organisation s'était proposé de nous faciliter le contact avec les autres responsables d'ONG internationales et avait mis à notre disposition une liste détaillée des adresses et contacts de ceux d'entre eux que nous voulions rencontrer. Au sein de JRS-Burundi, vu la sensibilité de notre sujet de recherche, nous étions, avec le Directeur, les seuls à savoir les réelles raisons de notre séjour dans l'organisation.

    Pour rencontrer nos enquêtés, nous avons utilisé la méthode du phoning. Cela consistait à contacter les sujets par téléphone pour négocier un rendez-vous en vue d'une interview, sous couvert du Directeur National de JRS-Burundi. Cette méthode nous a permis d'entrer directement en contact avec les personnes ressources et de « briser la glace », ce qui a rendu les entretiens moins formels. Les interviews se déroulaient généralement dans les bureaux des enquêtés, les portes closes, à l'abri des oreilles indiscrètes. Les enquêtés parlaient à voix basse comme s'ils craignaient

    34 Opération des Nations Unies pour le Burundi

    d'être entendus. Nous avons utilisé un guide d'entretien et nous enregistrions les conversations à l'aide d'un magnétophone lorsque les sujets étaient consentants. Les entretiens étaient semi-directifs.

    Nous avons opté pour le guide d'entretien parce que nous recherchions une information qualitative auprès de ceux qui sont chargés de la définition et de l'application des politiques de ressources humaines au quotidien dans les ONG internationales opérant au Burundi. Par ailleurs, le nombre limité de notre population cible nous permettait de faire l'usage d'un guide d'entretien tout en respectant le critère de représentativité de l'échantillon. Il nous était également extrêmement important d'avoir un contact direct avec nos interlocuteurs. En effet, vu la nature sensible du thème traité, nous avions remarqué au début de notre enquête que, plus le climat était détendu, plus les enquêtés s'exprimaient avec aisance, sans crispation. Ainsi, ils nous donnaient par là des réponses moins formalisées et avaient moins recours à la langue de bois.

    Comme nous avions été recommandés par le directeur d'une ONG internationale qui était de nationalité française, il nous était relativement facile d'entrer en contact avec ses collègues cadres internationaux. Par contre, il était beaucoup moins aisé de nous entretenir avec les sujets de nationalité burundaise sur la question des identités ethniques. Plusieurs raisons expliquent cette difficulté. Au moment de l'enquête, le climat politique était particulièrement lourd. Les services de renseignement venaient d'annoncer avoir déjoué une tentative de coup d'Etat. C'est ainsi qu'un certain nombre d'individus avaient été arrêtés dont un ancien président de la République et un ancien vice-président. Certaines des personnes emprisonnées avaient été arrêtées par des agents des services secrets se faisant passer pour des journalistes. Il y avait alors une psychose au sein de la population qui faisait que toute personne posant des questions inhabituelles pouvait être assimilée à un agent des services de renseignement. C'est dans de pareilles circonstances qu'un journaliste d'une radio privée locale avait été roué de coups dans un bistrot par des populations, l'accusant de vouloir les « vendre »35 aux services de la Documentation Nationale36. Il était donc impératif pour nous d'établir préalablement un climat de confiance entre nous et

    35 Traduction littérale du verbe en kirundi kugurisha qui signifie littéralement « vendre » mais qui est aussi couramment utilisé pour exprimer le fait de trahir, à l'instar de Juda trahissant Jésus.

    36 Agence nationale de renseignement du Burundi

    les sujets. Nous élaborions alors des stratégies pour nous rapprocher d'eux au maximum. Parfois nous allions jusqu'à les inviter au snack bar après le travail et nous en profitions pour lancer un débat sur la question qui nous intéressait sans leur mettre la puce à l'oreille.

    La recherche documentaire a consisté en une lecture d'ouvrages, d'articles, de rapports, de déclarations et autres documents concernant le sujet d'étude. Cette recherche s'est faite principalement dans les bibliothèques de l'UCAC37 et dans les archives du Ministère de l'Intérieur et de la Sécurité Publique de la République du Burundi à Bujumbura. Nous avons également utilisé nos propres documents ainsi que des documents empruntés à des amis et des collègues. L'outil Internet nous a par ailleurs été d'une grande utilité.

    Présentation de l'échantillon

    Notre échantillon est constitué de 43 personnes. Cet échantillon est composé de responsables et de hauts cadres d'ONG internationales repartis selon le tableau suivant.

    Tableau 1 : distribution selon la fonction et la nationalité

    Fonctions

    Personnel
    local

    %

    Personnel
    expatrié

    %

    Total

    %

    Coordonnateurs

    5

    23%

    17

    77%

    22

    51%

    Cadres

    11

    69%

    5

    31%

    16

    37%

    Employés

    5

    100%

    0

    0%

    5

    12%

    Total

    21

    49%

    22

    51%

    43

    100%

    Source : MUNEZERO, 2006

    Parmi les 43 personnes interviewées se trouvaient 21 Burundais dont 5

    directeurs/coordonnateurs, 11 cadres, et 5 salariés, ainsi que 22 expatriés dont 17 directeurs et 5 cadres. Tous les enquêtés appartenaient aux 33 ONG observateurs et membres du RESO. Le RESO (Rassemblement Echanges et Solutions entre ONG) est un réseau associatif regroupant une trentaine d'ONG internationales opérant au Burundi. Ces organisations y ont soit un statut de membres soit celui d'observateurs. Le choix de sélectionner nos enquêtés au sein de ces organisations allait de soi pour

    nous. En effet, l'ONG dans laquelle nous avons effectué le stage de recherche était membre du RESO, il nous était techniquement possible de pouvoir accéder aux enquêtés à travers ce réseau bien constitué en tant que collègue. Par ailleurs, la diversité de la taille de ces organisations et de leurs domaines d'interventions a été un facteur déterminant pour nous dans le choix opéré.

    Modèles théoriques d'analyse

    Cette étude a pour ambition de mettre en évidence la manière dont les responsables des organisations non gouvernementales internationales opérant au Burundi manipulent rationnellement la variable ethnique pour annihiler ou minimiser les externalités négatives qui lui sont liées au sein de l'organisation. Elle vise également à mettre en exergue les stratégies de « digestion » des différentes approches de gestion des ressources humaines par le personnel local. Nous avons ainsi fait intervenir la théorie de l'acteur stratégique élaborée par Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG qui nous a permis de cerner la façon dont les différents acteurs des ONG internationales utilisent la marge de manoeuvre que leur confèrent les positions et les ressources dont ils disposent.

    Par ailleurs, les relations professionnelles se passent entre acteurs interdépendants dont les actions et réactions se fondent en fonction d'autres acteurs en présence. Aussi avons-nous eu recours à l'interactionnisme symbolique qui nous a permis d'aborder la réalité sociale en tant que « comportement significatif orienté vers l'autre » (Erving GOFFMAN).

    37 Université Catholique d'Afrique Centrale

    Chapitre I
    La variable ethnique dans le Team Building au sein
    des ONG internationales au Burundi

    Au Burundi, la variable ethnique constitue indéniablement une des tendances lourdes influant sur la gestion des ressources humaines dans les ONG internationales, au même titre que dans les autres organisations. Du fait du contexte fortement marqué par l'ethnicité, la construction des équipes se révèle souvent être une gageure pour les managers ; les logiques et les rationalités qui guident les comportements du personnel local sont généralement un mélange complexe de calculs, de jeux et parfois d'extrémisme ethnique.

    Mais avant de nous engager plus loin dans l'analyse du phénomène ethnique au sein des staffs locaux des ONG internationales au Burundi, il est nécessaire que nous fassions au préalable une brève présentation d'ensemble de ces entités.

    I- 1- Les organisations non gouvernementales internationales au Burundi

    Le nombre des ONG internationales menant leurs activités au Burundi est régulièrement fluctuant du fait du début et de la clôture des programmes et projets des unes et des autres. Globalement, au moment de la réalisation de cette étude, on dénombrait une quarantaine d'ONG internationales oeuvrant dans les 16 provinces du pays. Encouragées par le gouvernement, une trentaine d'entre elles se sont associées au sein d'une association appelée RESO38, (Rassemblement, Echanges et Solutions entre ONG). Le reste des ONG y ont un statut d'observateurs.

    Depuis la promulgation, le 23 juin 1999, de la loi n°1/011 qui définit le cadre de coopération avec les ONG étrangères, le gouvernement a mené une campagne d'explication dans deux directions. A l'intention des services gouvernementaux d'abord afin de leur préciser les rôles et les obligations des uns et des autres dans leurs relations avec les ONG étrangères. A l'intention de ces dernières, ensuite, pour leur indiquer les principes directeurs, les obligations et les engagements qui lient aussi bien les ONG que le gouvernement dans la pratique quotidienne de leur coopération.

    C'est donc, à l'issu de cette campagne d'explication de ladite loi portant cadre
    général de coopération que fut créé le RESO. Il se veut être un forum neutre et
    apolitique d'organisations non gouvernementales oeuvrant au Burundi dans tous les

    domaines de l'aide humanitaire et du développement. Cette association joue le rôle d'interlocuteur des ONG étrangères face au gouvernement. Ce dialogue se passe à travers le Ministère des Relations Extérieures et de la Coopération, par l'action concertée de son Bureau National de Coordination des activités des ONG étrangères. C'est dans ce cadre que, depuis la fin de l'année 1999, des rencontres d'échanges et de concertations formelles et informelles sont organisées entre le Bureau National de Coordination des activités des ONG étrangères et les ONG membres et observateurs du RESO.

    Le RESO est administré par un Comité Exécutif élu rotativement au sein des organisations membres pour une durée de six mois renouvelables une fois. Il dispose d'un bureau avec une secrétaire permanente qui assure la liaison entre la structure, ses membres et ses observateurs. Le Comité Exécutif se réunit tous les premiers lundi du mois.

    Les objectifs initiaux du RESO tels que décrits dans ses statuts de 1999 sont les suivantes :

    promouvoir les relations entre les ONG internationales et les autres partenaires ; donner aux membres un espace d'expression libre et transparent de partage, de débat, d'analyse et de réponse aux problèmes communs ;

    offrir aux partenaires un interlocuteurs cohérent à travers une structure connue et représentative.

    Ces ONG internationales interviennent sur toute l'étendue du pays39. Une grande concentration d'organisations internationales se trouve dans les provinces de Bujumbura-Mairie (15), Gitega (13), Muyinga (13), et Kirundo (12). Par contre, on remarque une déconcentration dans les provinces de Bururi (2), Muramvya (3) et Kayanza (5). Les autres provinces comptent entre 6 et 12 ONG internationales qui interviennent dans différents secteurs. On peut également noter que seules 10 organisations sur les 33 concernées, étendent certaines de leurs activités sur toutes les provinces du pays.

    38 Voir Annexe tableau 2 : Liste des ONG membre du RESO

    Carte du Burundi

    Ces organisations sont très actives sur le terrain ; leurs activités sont menées par des équipes constituées d'employés expatriés et locaux. Le nombre d'employés varie selon plusieurs facteurs, notamment la taille de l'organisation, le volume des activités et les domaines d'intervention. Mais dans tous les cas, la gestion du personnel local reste complexe du fait de l'omniprésence de l'ethnicité dans l'inconscient collectif des Burundais. La variable ethnique est ainsi un élément important que les managers doivent savoir manier pour qu'elle n'entrave pas l'atteinte des objectifs globaux et spécifiques des projets.

    39 Voir Annexe Tableau 3 : ONG internationales par province et par secteur d'intervention

    I- 2- Les tendances lourdes pour le Team Building dans les
    ONG internationales

    On peut énumérer un certain nombre de tendances lourdes qui entravent le bon

    déroulement du Team Building dans ces organisations ; il s'agit notamment de : l'offre limitée du personnel local qualifié dans les métiers du développement et de l'humanitaire,

    l'interventionnisme de certains responsables des administrations locales dans le recrutement du personnel,

    le caractère urgent inhérent à l'action humanitaire et

    l'ethnicité.

    Mais d'abord, quel contenu donner à cet anglicisme ? Le Team Building, c'est « la construction des équipes gagnantes »40, performantes ; c'est-à-dire « un ensemble d'activités formalisées et destinées à encourager les employées d'une organisation à travailler en coopération »41 pour atteindre un/des objectif(s). « Une équipe gagnante est celle :

    qui a un objectif commun, que tous connaissent, partagent et se sont engagés à atteindre,

    qui a une communication ouverte et transparente,

    qui a un climat de confiance et d'ouverture,

    qui a un sentiment d'appartenance,

    où la diversité est encouragée,

    où la créativité et la prise de risque sont encouragées,

    qui possède la capacité de s'auto-évaluer et de se corriger,

    où les membres sont interdépendants,

    où les décisions sont prises par consensus,

    où le leadership est participatif.»42

    Mais la construction des équipes (staffs) pe rformantes suppose qu'il y ait eu d'abord un recrutement dans les règles de l'art. Un bon recrutement se fait en principe en huit étapes :

    40 Cabinet DCBC-Sarl, « Consultation et Gestion du Changement », Module de formation MBA, CESAC, Dakar, 2004

    41 "Team building ", Microsoft® Encarta® 2007 [DVD]. Microsoft Corporation, 2006

    42 Cabinet DCBC-Sarl, Idem.

     

    « la définition de poste,

    la définition du profil du titulaire,

    l'identification des sources de recrutement,

    la mise en place des moyens de recrutement, la campagne de recrutement,

    la sélection des candidatures,

    la décision d'embauche et

    l'intégration. »43

    De toutes les tendances lourdes énumérées au début de cette section, l'ethnicité semble dominant en termes d'impact sur le rendement du personnel local. Cela a de quoi désarçonner car, on aurait plutôt tendance à penser que l'offre limitée du personnel qualifié vient en première position. Ce dernier facteur est en effet directement lié à la qualité des prestations des employés ; cela s'observe directement sans difficulté, quelque soit la zone d'intervention. Mais il n'en demeure pas moins vrai que dans le cas particulier du Burundi, l'ethnicité est un élément prégnant dans l'atteinte ou non de certains objectifs des projets mis en oeuvre par les organisations humanitaires ou de développement.

    Il est presque indécent d'établir un quelconque rapport entre le terme ethnicité et les
    ONG internationales. En effet au Burundi, il est politiquement incorrect d'associer

    l' ethnie à ces organisations de droit étranger car elles sont sensées être un haut lieu de démocratie et de « bonne gouvernance ». Il est vrai que dans la société globale, la question de l'identité ethnique a été pendant longtemps un tabou. Comme le remarque Melchior MBONIMPA, « il y a quelques années au Burundi, désigner une personne par son ethnie était comme une obscénité. Les mots « hutu » et « tutsi » devaient être chuchotés entre intimes, les portes closes, à la faveur de l'ombre, un peu à la manière des adolescents lorsqu'ils parlent des choses du sexe. On feignait de ne jamais en parler. Pourtant, irrésistiblement, c'était le sujet qui occupait les conversations les plus passionnées44 ».

    43 Cabinet DCBC-Sarl, « Les huit étapes de recrutement », Module de formation

    44 MBONIMPA Melchior, Ethnicité et démocratie en Afrique : l'homme tribal contre l'homme citoyen ? , Harmattan, Paris, 1994.

    En conséquence, les ONG internationales étant constituées par des individus vivant dans la société, ne subissent-elles pas une influence directe et indirecte de la part de cette dernière ? L'organisation est vue ici comme « le royaume des relations de pouvoir, de l'influence, du marchandage et du calcul » et comme « un construit humain qui n'a pas de sens en dehors des rapports de ses membres »45. Dans un environnement où « l'illusion identitaire »46 est profondément ancrée dans les mentalités, ne serait-ce pas nier la réalité sociale que de faire fi de la variable ethnique dans les pratiques de gestion des relations professionnelles dans les organisations internationales y opérant ?

    En effet, ces organisations n'évoluent pas en vase clos ; elles sont dans un environnement fortement marqué par une identification par soi et par autrui de type ethnique très prononcée. Ici, l'enjeu ne serait plus forcément la lutte pour le pouvoir politique, mais la « lutte » pour l'emploi et surtout, la maîtrise et le contrôle des mécanismes et des circuits de recrutement et d'évolution de carrière au sein de ces organisations. Dans tous les cas, le travail dans les ONG internationales au Burundi, au même titre que la détention du pouvoir politique, apparaît comme étant synonyme d'accumulation de richesses matérielles et symboliques. L'enjeu est d'autant plus important que le travail dans ces organisations confère un statut social particulier.

    Nous reviendrons plus longuement sur les manifestations de l'ethnicité au sein du personnel local de ces organisations dans d'autres chapitres. Pour l'insta nt in téressons nous au lien qui existe entre l'ethnicité et les trois autres facteurs identifiés comme étant des tendances lourdes à savoir : l'offre limitée du personnel local qualifié, l'interventionnisme de certains responsables des administrations locales et l'urgence de l'action humanitaire. De prime abord, le sentiment qui se dégage de la lecture de ces trois facteurs alignés dans l'ordre, c'est la difficulté d'établir un lien entre eux et l'ethnicité. Pourtant il y'en a un. En mettant en exergue ce lien, nous montrerons également en quoi ces éléments constituent des tendances lourdes pour le Team Building.

    45 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhrad, L'Acteur et le système. Les contraintes de l'action collective, Seuil, Paris, 1977, p.50

    BAYART Jean-François, L'Etat en Afrique : la politique du ventre, Fayard, Paris, 1990

    46

    Comment l'offre limitée du personnel local qualifié constitue-t-elle une tendance lourde pour le Team Building dans les ONG internationales ? La rareté d'employés locaux expérimentés et qualifiés dans les métiers du développement et de l'humanitaire a un effet direct sur les performances des staffs. Cette situation est due en grande partie à la nature du système éducatif universitaire national qui est plutôt axé sur les formations généralistes plutôt que spécialisantes ou professionnelles. Par conséquent, lorsque les étudiants sortent des universités, ils ne sont pas opérationnels en ce qui concerne les métiers du développement et de l'humanitaire.

    Cela implique que lorsqu'ils sont embauchés malgré leur non opérationnalité, il leur faut du temps pour suivre des formations et s'imprégner des outils, des processus, des approches et des méthodes en vigueur dans le secteur des ONG internationales. Dans ces conditions, le Team Building devient un travail de longue haleine, ce qui ne concorde pas généralement avec le caractère à court terme et urgent des projets humanitaires. Dans tous les cas il est extrêmement difficile de construire des équipes performantes avec des employés qui ont presque tout à apprendre du savoir faire, même s'ils disposent de capacités exceptionnelles en matière de savoirs et de savoir être.

    Ainsi, l'expérience des candidats devient un critère hautement déterminant dans le recrute ment des ressources humaines pour le Team Building. C'est à ce niveau que s'invite le facteur ethnique. En effet, les différentes ethnies du Burundi n'ayant pas toutes bénéficié des mêmes avantages du système éducatif à certains moments de l'histoire tourmentée de ce pays, les personnes les plus expérimentées se retrouvent naturellement issues des ethnies qui ont été privilégiées à une époque ou une autre par le système éducatif national. Cela nous a été confirmé par un responsable expatrié d'une ONG internationale :

    « Actuellement on trouve que le personnel qualifié et expérimenté est majoritairement homogène sur le plan ethnique du fait que, à un certain moment l'université du Burundi était ethniquement et m ême régionalement orienté [...] »

    Cette situation crée inévitablement des frustrations de la part de ceux qui sont tenus à l'éca rt ou en minorité par les critères impératifs de recrutement.

    Concernant l'interventionnisme de certains responsables des administrations locales, elle se manifeste sous forme de tentatives d'influence sur le recrutement par les ONG internationales opérant dans une localité donnée en faveur des ressortissants de cette dernière. Pour avoir la possibilité de mener leurs activités, les managers se trouvent parfois contraints de faire des compromis. Les personnes engagées dans ces conditions occupent généralement des postes de chauffeurs, d'agents d'entretien, de gardien, de guide, d'interprète, etc.

    Cette manière de faire pose un réel problème à la construction des équipes gagnantes. En effet, dans la logique du Team Building, tous les membres de l'équipe sont aussi importants les uns que les autres car le travail des uns conditionne celui des autres (interdépendance). Il n'y a donc pas d'employés « bouche trou » ou figurants. Or, si un manager accepte un individu imposé par l'autorité locale, cela veut dire qu'il n'a pas eu le luxe de suivre les huit étapes du recrutement évoquées plus haut. Cela signifie également que l'employé recruté ne partage pas forcement l'objectif du groupe ni sa vision, ce qui a des répercutions directes sur les variables comme le climat de confiance, le sentiment d'appartenance ou encore, la cohésion du groupe.

    Par ailleurs, les élus locaux ne sont pas réputés comme étant des chantres du pluralisme ethnique car beaucoup d'entre eux ont été élus sur des critères essentiellement ethniques. Ainsi, il est probable que dans leurs tentatives d'imposition du personnel à recruter, le facteur ethnique soit des plus prédominants.

    De manière générale, les managers des ONG internationales qui refusent de se subordonner à ces directives se voient faire l'objet de rapports hostiles destinés au Ministère de l'Intérieur et de la Sécurité Publique. Lors de nos recherches dans les archives de ce ministère, le constat que nous avons fait était plutôt constant : dans tous les rapports produits par des maires des collectivités territoriales décentralisées sur les activités des ONG internationales opérant dans leurs localités, rares étaient ceux qui déclaraient travailler en bonne collaboration avec ces organisations. Au contraire, ces dernières faisaient l'objet de critiques des plus virulentes.

    L'autre tendance lourde que nous avons relevé, c'est l'urgence de l'action humanitaire. En période de crise humanitaire, certaines ONG sont contraint d'intervenir en urgence pour subvenir aux besoins de base des personnes sinistrées. Les interventions humanitaires d'urgence nécessitent parfois la disponibilité immédiate de professionnels (souvent pour une période de courte durée) expérimentés pour travailler dans des zones à haut risque sécuritaire. Les organisations qui travaillent généralement dans ces conditions n'ont pas le temps matériel de procéder à un recrutement en bonne et due forme. Elles sont obligées de recruter par cooptation. La cooptation est une pratique courante dans la mise en place des équipes ; mais dans des contextes sensibles comme celui du Burundi, elle peut constituer un terreau fertile pour le tissage de réseaux mafieux d'accès à l'emploi.

    En effet, en faisant fi des procédures et étapes « normales » d'un recrutement, le manager ouvre la voie au clientélisme ethnique et aux marchandages de toutes sortes (pour ne pas parler de corruption) de la part des collaborateurs locaux et même expatriés.

    Mais le respect des huit étapes de recrutement évoquées plus haut n'est pas aisé comme nous veno ns de le voir. Par ailleurs, la mise en oeuvres de ces différentes phases nécessite des moyens logistiques et financiers qui ne sont pas toujours prévus dans les lignes budgétaires des projets qui sont financés par les partenaires financiers, ces derniers ne finançant que la réalisation des activités.

    Mais comment minimiser les nuisances du facteur ethnique dans la gestion des staffs locaux ?

    Chapitre II
    Les approches managériales des responsables des
    ONG internationales face à la question ethnique

    La gestion d'un staff multi-ethnique dans un contexte de conflit ou de post conflit ethnique s'avère être un exercice extrêmement délicat pour les responsables des ONG internationales. Du fait de la particularité du contexte burundais, les responsables de ces organisations élaborent des stratégies afin de ne pas rester prisonniers du climat socio-politique ambiant. Nous relevons deux postures managériales les plus couramment utilisées dans la gestion des ressources humaines locales : d'une part, le recours à l'approche « Do No Harm » et au modèle du management cross-culturel (ou management interculturel) et d'autre part, l'observation du principe de « non-ingérence ».

    II-1- L'approche Do no Harm et le Modèle de Management cross-culturel

    II-1-1- L'approche Do no Harm ou l'action humanitaire pragmatique

    L'approche Do no Harm est un outil développé par la CDA47 (The Collaborative for Development Action) pour maximiser l'efficience et l'efficacité de l'action humanitaire dans les zones de conflit et de post conflit. Littéralement, Do no Harm est un mot anglais qui signifie « ne pas faire du mal ».

    Cette approche consiste à évaluer et modéliser la manière dont l'assistance humanitaire ou de développement donnée dans un contexte de conflit ou de post conflit peut être allouée sans toutefois exacerber, empirer ou relancer le conflit. La méthode a également pour but d'aider les populations en conflit à se désengager des combats et à développer des mécanismes de résolution des problèmes à l'origine des conflits qui minent leurs sociétés.

    L'approche Do no Harm part d'un constat : les pays n'entrent pas en guerre par hasard. Les gens ne prennent pas les armes pour se battre contre leurs voisins gratuitement. Dans la plupart des cas, ce sont les leaders politiques qui incitent les gens à se battre contre leurs compatriotes et réussissent à le faire. Dans un monde où on assiste si fréquemment à des guerres civiles, il est important d'avoir à l'esprit tous ces faits lorsque l'on démarre un projet d'assistance humanitaire ou de développement dans une zone de conflit ou de post conflit.

    47 site web : www.cdainc.com

    A cet égard, il est nécessaire d'examiner au préalable les liens qui existent entre l'assistance (locale et internationale) donnée dans de tels contextes et les conflits qui ont incité à cette assistance. En effet, l'expérience du passé a montré que, même lorsque l'assistance est effective en ce qui concerne la sauvegarde des vies humaines et l'allégement des souffrances, très souvent, par inadvertance, elle nourrit, prolonge et/ou exacerbe les conflits qui avaient suscité une réponse humanitaire. C'est pour cette raison que cette approche préconise de lire et d'étudier attentivement les éléments du contexte de la zone d'intervention afin de s'assurer de l'impact positif de l'action humanitaire ou de développement engagée.

    En réalité, lorsque les programmes d'assistance sont menés dans un contexte de conflit, l'assistance en elle-même devient également une composante à part entière du conflit. Bien qu'il soit clair que l'assistance ne cause ni ne résout le conflit, et même si les ressources qu'elle mobilise sont peu importantes, l'impact de la présence de l'assistance est significatif. L'assistance peut avoir des effets importants sur les relations intercommunautaires ou intergroupes ainsi que sur le déroulement des conflits intergroupes en mettant à leur disposition des ressources nécessaires pour la survie.

    La méthode met l'accent sur les défis posés à l'assistance humanitaire par les conflits armés internes. De tels conflits trouvent généralement leur origine dans des tensions à caractère fondamentalement social ou économique, ethnique ou tribal, religieux ou idéologique. Ils sont souvent exacerbés par le manque de représentation dans des structures politiques, grâce à laquelle l'agitation populaire pourrait trouver une autre forme d'expression. Ces conflits constituent cette sorte de fragmentation politique et de démembrement interne que l'ancien Secrétaire Général des Nations Unies Koffi Anan appelle «micro-nationalisme».

    A vrai dire, dans un contexte socio-politique que nous qualifierions de « normal », l'approche Do No Harm n'est pas révolutionnaire. Les règles les plus élémentaires du management des projets préconisent la prise en compte des éléments du contexte global avant la mise en place de tout projet, qu'il soit humanitaire ou de développement. Il s'agit de maîtriser autant que possible, l'incidence positive ou négative, à court et à long terme, que peut avoir le projet sur l'environnement

    ambiant et vice versa, l'environnement étant ici pris dans son sens le plus large, c'est-à-dire, l'environnement sociologique, institutionnel, culturel, économique, politique, etc.

    Dès lors que le contexte est conflictuel avec une coloration ethnique très prononcée, il va de soi que l'on doive envisager l'impact du projet sur le conflit. L'idéal serait que l'action humanitaire puisse contribuer à annihiler les germes du conflit ; pour autant, il n'est pas exclu qu'elle devienne un motif même d'affrontement. C'est ce cas extrême qu'il ne faut pas ignorer sous peine de subir les conséquences d'une telle légèreté dans la prise de décisions stratégiques.

    L'étude d'impact se fait avant la mise en oeuvre de l'action humanitaire ou du projet de développement. Dans le cas spécifique du contexte burundais de l'après guerre civile, il est par exemple question pour les responsables des ONG internationales qui appliquent la méthode Do No Harm, de maîtriser les tenants et les aboutissants de la question ethnique au Burundi.

    Lorsqu'on applique la méthode sur le management des ressources humaines, la maîtrise totale du contexte est un facteur déterminant dans la définition des politiques de gestion du personnel local. Tout part de la décision d'implanter les activités de l'ONG au Burundi. Plusieurs phases sont nécessaires pour aboutir à la décision du démarrage des activités.

    La première phase consiste à rentrer dans l'histoire du pays. L'objectif de cette étude historique est de cerner les racines du conflit, son déclenchement sporadique au cours des décennies, son évolution et son apparente dénouement. Cette phase renseigne le manager sur la psychologie de masse en cours dans la société ainsi que sur l'origine des représentations sociales.

    La deuxième phase est celle de l'analyse du contexte présent. Elle vise à décortiquer les éléments du contexte d'alors et à aller au-delà du discours des différents acteurs du conflit. Est-ce que le conflit est essentiellement politico-ethnique ou alors, existe-t- il d'autres ingrédients qui l'aggravent ? Quelles sont les forces en présence ? Quels sont les protagonistes et de quels soutiens disposent-t-ils à l'intérieur et à l'extérieurs

    du pays? Quels sont les éléments culturels sensibles susceptibles de provoquer des dissensions au sein du personnel local ? Voilà autant de questions que l'on doit se poser avant d'entreprendre tout projet dans une société comme celle du Burundi. En d'autres termes, il s'agit de faire l'analyse des acteurs et des facteurs, ainsi que des relations existantes entre eux.

    Toutefois, en dehors des données socio-culturelles déstructurantes, il convient d'avoir une bonne connaissance des facteurs socio-culturels pouvant favoriser la cohésion sociale (facteurs liants). Cela est d'autant plus important que le manager de l'ONG trouve là des catalyseurs autour desquels il pourrait construire l'organisation. Il est alors question d'aller fouiller dans la culture locale, les symboles, les mots, les proverbes, les expressions artistiques, les figures, etc., autour desquels toutes les catégories sociales et ethniques du pays s'identifient et qu'elles considèrent comme étant des éléments d'un héritage commun, partagé.

    La troisième étape consiste à faire une projection de l'action humanitaire ou des activités du projet dans le futur. Cette projection vise à prévoir, en plus des résultats et des incidences prévisibles, les externalités positives et surtout négatives que peut induire l'opération. Cette phase est la plus cruciale dans le processus décisionnel, car c'est de ses conclusions que le responsable de l'organisation prend la décision de mettre ou non en oeuvre le projet préconisé. Concrètement, il s'agit d'établir la balance entre les conséquences négatives et celles positives. La décision de mettre en oeuvre le projet est effective lorsque les effets positifs prennent le pas sur ceux négatifs.

    Mais que faire lorsque, à l'issue de l'étude d'impact, il ressort que la mise en oeuvre du projet pourrait empirer la situation sur le plan humanitaire ou sécuritaire ? C'est là toute la question que pose la méthode Do No Harm. En théorie, les responsables d'une ONG opérant dans une zone sensible, lorsqu'ils se rendent comptent que les effets pervers de leur action sont de nature à causer plus de torts qu'elle n'en résout, la décision qui s'impose à eux est celle de ne pas engager l'action. Lorsque la situation humanitaire est critique et exige à tout prix une intervention d'urgence, ils peuvent mettre en oeuvre le projet, tout en essayant de minimiser autant que possible ses incidences négatives.

    Dans les faits, l'exercice s'avère plus compliqué qu'on ne l'aurait cru. En effet, les réalités du terrain exigent de la part du manager, un oeil averti et des capacités organisationnelles et d'adaptation exceptionnelles. L'action humanitaire dans les zones sensibles est avant tout caractérisée par la prise de risque, l'engagement et la capacité à surmonter des situations incongrues. Prenons le cas d'une ONG qui aurait pour projet, la réinsertion socio-professionnelle des sinistrés de guerre dans une province du Burundi. L'aspect qui nous intéresse particulièrement ici est celui de la formation des équipes locales devant mettre en exécution la programmation des activités du projet. Le manager averti sait que le conflit ethnique qui a secoué le pays s'est déroulé sur fond de lutte pour le contrôle des ressources économiques. Dès lors il sait que s'il faut recruter des employés locaux, comme la législation sur les ONG internationales le préconise, pour éviter de doter les membres d'une seule ethnie du pouvoir économique par le biais des salaires, la meilleure manière est celle de recruter un personnel multi-ethnique. Ainsi, il réduit la probabilité de la domination économique d'une ethnie sur l'autre, ce qui aurait pu contribuer, même de manière minime, à relancer le conflit.

    Si le manager prend la décision d'ignorer le caractère ethnique du conflit et sa portée sociale, il va recruter sans se soucier de l'équilibre ethnique des équipes. En cas de déséquilibre prononcée en faveur d'une ethnie, il court alors le risque de voir les membres des staffs sur le terrain privilégier les personnes de leur ethnie dans l'identification des groupes cibles bénéficiaires du projet. Ce fut le cas d'une grande ONG internationale qui, aux premières heures de la crise de 1993, s'est retrouvée grâce au concours de plusieurs circonstances, avec un staff local exclusivement constitué de membres d'une seule ethnie. Après quelques mois d'activités, le responsable expatrié de l'organisation s'est rendu compte que les équipes sur le terrain ne donnaient l'assistance humanitaire qu'aux personnes sinistrées d'une seule ethnie. Ce type de situation peut être de nature à renforcer le sentiment d'injustice sociale et nourrir ainsi les germes du conflit.

    L'adoption de l'approche Do No Harm appliquée au management des ressources humaines dans les zones ethniquement sensibles nécessite la convocation du modèle de management cross-culturel. En effet, si l'approche Do No Harm permet au manager d'élaborer des stratégies, le management cross-culturel lui donne les

    moyens et les outils de mettre les en oeuvre dans un environnement multiculturel ou multiethnique.

    II-1-2- Le modèle de management cross-culturel ou interculturel

    La nécessité d'intégrer la notion de culture dans le management s'est imposée avec la mondialisation économique qui a vu la multiplication des multinationales développant des filiales régionales, les fusions-acquisitions d'entreprises de pays différents et l'expatriation des cadres dans des régions aux cultures autres que les leurs. C'est ainsi que des chercheurs en management des organisations commencèrent à s'y intéresser.

    La discipline du management interculturel s'est développée aux États-Unis à la fin des années 1970 sur la base du management international et du management comparé48. L'étude empirique menée par G. Hofstede49 sur la culture nationale et la culture d'entreprise a fortement contribué à sa diffusion dans le domaine des sciences de gestion. À la différence du management international (qui prend en compte toutes les activités fonctionnelles de l'entreprise) et du management comparé (qui compare les spécificités du management dans des systèmes différents), le management interculturel est centré sur le comportement organisationnel et les ressources humaines50.

    Le management interculturel s'intéresse plus précisément à l'influence de la culture (nationale et organisationnelle) sur les perceptions, les interprétations et les actions des acteurs. La culture est considérée comme un système de significations et d'orientations, propres à un groupe, basées sur des valeurs spécifiques qui se traduisent en comportements. Ce système a été appris durant le processus de socialisation. Comme cette socialisation a lieu dans un contexte spécifique, la culture qui reflète les valeurs, les pensées et les comportements d'une société, joue un rôle primordial. En matière de management, ce système culturel procure aux individus des capacités cognitives et des méthodes spécifiques pour résoudre des problèmes.

    48 HARRIS et MORAN, Managing cultural difference, Gulf Publishing, Houston, 1993

    49 HOFSTEDE, Culture's Consequences: Comparing Values, Behaviors, Institutions and Organizations A cross Nations, Sage Publications, London, 2001

    50 ADLER, International Dimensions of Organizational Behavior, PWS-Kent, Boston, 1991

    Par conséquent, des collaborateurs issus de groupes culturels différents sont susceptibles de trouver des solutions différentes face à un même problème.

    La recherche en management interculturel s'attache à étudier les interactions d'acteurs venant de systèmes différents. Elle s'intéresse aux « incidents critiques »51 qui sont dus aux différences culturelles. Les incidents critiques se produisent souvent dans des situations de communication et de coopération où les attentes et comportements des acteurs divergent et conduisent à des conflits interculturels.

    Les problématiques du management cross-culturel s'appuient sur des constats simples : selon sa culture d'appartenance, on ne dit pas la même chose des mêmes choses. Les versions, les explications du réel, c'est-à-dire, des situations, des comportements, des histoires, varient selon que l'on écoute des ressortissants d'une culture ou de l'autre. Il paraît clair que seul un simulacre de vérité peut exister en la matière, celui que le plus écouté impose à tort ou à raison. En effet, en matière de cultures, les évidences se diluent et il ne reste que des attitudes, des représentations et parfois des sympathies.

    Le manager de l'interculturel peut être exposé quotidiennement ou presque à l'expression de ce besoin. Dans une autre culture que la leur, les acteurs de la vie économique se trouvent démunis. Il y a bien sûr le facteur de la langue. Mais il y a également les valeurs et les non-valeurs sociales, les usages, la relation au temps, à l'espace, la communication non verbale, les modes d'intégration, affectifs, les logiques guidant les conflits et les alliances : tout semble suivre un autre cheminement, trouver d'autres expressions, recevoir une autre signification et un autre sens. Cela rend la vie difficile aux responsables d'agence ou de filiale expatriés. La négociation avec les partenaires sociaux suit d'autres routes que celles, plus facilement prévisibles, des négociations avec une centrale syndicale d'un pays occidental. Même la gestion des salaires et des promotions internes est rendue ardue pour l'expatrié.

    51 BARMEYER, et MAYRHOFER, « Le management interculturel : facteur de réussite des fusions- acquisitions internationales ? », C.E. S. A. G. (Centre d'Etude des Sciences Appliquées à la Gestion), I. E. C. S. Strasbourg, Université Robert Schuman.

    Le secteur de la coopération internationale et de l'humanitaire étant un espace de mobilité internationale par excellence, les cadres expatriés des organisations non gouvernementales internationales sont encore plus confrontés à ce décalage des perceptions culturelles que leurs collègues du secteur marchand, car moins préparés que ces derniers.

    En effet, si nombre des responsables des multinationales ont déjà pris la mesure des problèmes qu'implique la cohabitation des équipes multiculturelles au sein d'une même organisation, les organisations non gouvernementales internationales sont encore loin de cerner les implications d'un tel scénario. Pourtant elles vivent des expériences et des incidents liés à la multiculturalité des équipes au quotidien.

    De manière générale, les approches utilisées par le management cross-culturel sont basées, au plan pratique, sur « la connaissance la plus précise possible des cultures nationales concernées et, au plan conceptuel, sur des différences culturelles et leur mise en évidence par des méthodes intuitives ou quantifiées »52 . Ainsi, pour les ONG qui ont choisi l'option du management cross-culturel, la préparation à l'expatriation des cadres, la gestion des rapports humains en milieu pluriculturel, l'animation des équipes mixtes, et les programmes de formation qui peuvent y être associés sont autant de préoccupations pour atteindre au mieux les objectifs des différents projets initiés.

    Dans le contexte burundais, l'application du management interculturel n'est pas aisée. La notion de culture en tant qu'ensemble des manières d'être, de penser et d'agir des peuples, transmises de génération en génération (ou alors, l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels caractérisant un peuple) perd de son sens originelle lorsqu'il s'agit de qualifier les systèmes de valeurs des deux ethnies (Hutu et Tutsi) qui cohabitent dans les organisations. En effet, comme nous l'avons évoqué plus haut, ces deux groupes ethniques ont en commun l'histoire, la langue, l'art, les coutumes, le territoire, la religion, le système social et politique, etc. En d'autres termes, nous sommes en présence de deux ethnies ayant la même culture. De ce fait, dans les modes de vie et de représentations sociales des uns et des autres, pris séparément, on ne descelle aucune différence majeure. Toutefois, lorsque l'on

    52 BOSCHE, « Management interculturel », Cours en ligne

    observe une équipe composée d'individus issus des deux ethnies, on remarque automatiquement qu'ils s'identifient les uns par rapport aux autres suivant le critère ethnique et adoptent des comportements en conséquence. Cela signifie par exemple que les individus ont tendance à faire plus confiance aux collègues appartenant au même groupe ethnique qu'eux dans les relations de travail.

    Conscients de cette situation, les managers des ONG internationales qui emploient un personnel multi-ethnique et désireux d'appliquer le management interculturel à la gestion des équipes, considèrent les deux entités ethniques comme deux « cultures distinctes », le seul contenu du mot culture étant le critère ethnique. Le management interculturel devient en quelques sortes un « management interethnique ». L'application de ce modèle ne se fait pas sans résistances. Nous allons développer cet aspect dans les chapitres qui vont suivre.

    II-2- Le principe de non-ingérence

    Le principe de non-ingérence découle d'une certaine lecture d'une notion propre au droit internationale humanitaire : le droit d'ingérence. Ici, les managers des organisations internationales s'abstiennent d'avoir recours à ce droit dans la définition des profils pour la formation et le développement des staffs locaux. Mais qu'est-ce que le droit d'ingérence ?

    Impulsé (du moins dans l'esprit) au lendemain de la fin de la Deuxième Guerre mondiale au moment de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, le droit d'ingérence consiste à consacrer un droit de regard de la communauté internationale, dans les Etats, sur les conditions de vie de leurs propres citoyens et une prohibition des comportements considérés comme étant contraires à certains principes démocratiques de base.

    Mais dans les milieux de l'humanitaire, l'expression de «droit» ou de «devoir d'ingérence» (à laquelle on a rapidement accolé le qualificatif d'«humanitaire») est apparue à la fin des années 1980 sous la plume de Mario Bettati, professeur de droit international public à l'Université Paris II, et de Bernard Kouchner, homme politique français qui fut l'un des fondateurs de Médecins sans frontières. Ils voulaient s'opposer, selon l'expression du second, à « la théorie archaïque de la souveraineté

    des Etats, sacralisée en protection des massacres ». La formule a vite fait recette, particulièrement avec l'avènement d'un nouvel ordre mondial sensé replacer au premier rang des priorités des valeurs comme la démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits de la personne humaine. La nécessité de secourir les populations en détresse imposerait en effet à chacun un «devoir d'assistance au peuple en danger», qui transcenderait les règles juridiques traditionnelles.

    C'est en grande partie le choc immense causé par les atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale qui inspira à la communauté internationale l'idée de rendre plus intolérable, à travers le monde, le sacro-saint principe de la non- ingérence. Il devint désormais possible de pouvoir demander des comptes aux gouvernements sur leur manière de traiter leurs citoyens. La principale conséquence de cet état de chose fut que « le rempart de la souveraineté ne permit plus aux gouvernements, comme autrefois, de faire n'importe quoi sans avoir à répondre, au moins politiquement ou diplomatiquement, de leurs actes.»53

    En effet, le droit international humanitaire classique était depuis toujours porté à privilégier la neutralité et la souveraineté des Etats pour sauvegarder la collaboration avec les pires comme avec les meilleurs des régimes. La consécration du droit d'ingérence vint remettre en question cette situation pour ne privilégier que le sort des populations quelques soient les Etats. Il s'agit alors, pour les organisation humanitaires, de porter remède, de façon unilatérale, par quelque moyen physique que ce soit, au mauvais sort réservé aux victimes de toutes les sortes imaginables de calamités sans attendre l'aval des autorités des Etats où se passe l'intervention.

    Le droit d'ingérence s'oppose au principe de neutralité jadis prôné dans les organisations internationales humanitaires. Principe directeur par excellence du droit international classique, la neutralité fut, dès les premières véritables balbutiements de l'action humanitaire, une des règles de conduite fondamentales des organisations vouées à cette cause. Supposant autant une abstention dans des situations de conflit qu'une renonciation à toute prise de position sur la politique des gouvernements, ce principe comporte deux aspects essentiels selon Mario Bettati : « premièrement, il assimile neutralité et impartialité. Deuxièmement, il comporte un

    53 BETTATI Mario, Le Droit d'ingérence : mutation de l'ordre international, Odile Jacob, Paris, 1996.

    volet souvent très contesté découlant d'une certaine réciprocité souvent exigée par les États en conflit : la neutralité politique ou idéologique. »54

    Cette « neutralité », ou absence de prise de position sur les politiques des régimes des Etats, qu'ils soient jugés fréquentables ou non, a pendant longtemps contraint les travailleurs de l'humanitaire à adopter une attitude inerte, résignée, docile et même parfois fataliste au gré des circonstances (guerres civiles, abus des droits de l'homme, génocides, etc.).

    Le principe de non-ingérence pose la question des risques moraux et humains : comment observer une obligation de garder, en toutes circonstances, une totale réserve dans les controverses idéologiques ou ethniques, peu importe le comportement barbare ou criminel des belligérants ?

    Au Burundi, les responsables des ONG internationales qui observent cette forme de neutralité avancent l'argument suivant : l'État étant le seul maître du bonheur comme du malheur des siens, en plus d'être autant l'auteur que le sujet principal du droit international classique, les organisations internationales travaillant au sein de cet Etat n'ont pas à bouleverser les pratiques en vigueur en matière de gestion des ressources humaines. Elles s'en tiennent à réaliser les activités qui entrent dans le cadre de leurs planifications stratégiques et opérationnelles, sans plus.

    En d'autres termes, si le gouvernement ne leur spécifie pas, en termes clairs, d'introduire dans leurs politiques de gestion des ressources humaines locales le principe d'équilibre ethnique, les organisations internationales n'ont pas à le faire sous prétexte de vouloir donner les mêmes chances à toutes les composantes ethniques du pays.

    Dans ces ONG, la prise en compte explicite du facteur ethnique dans la gestion du personnel local est complètement évacuée. Les responsables se veulent les chantres de la neutralité. Même si la donne ethnique constitue un phénomène transversal à tous les domaines de la société burundaise, ils choisissent délibérément de ne pas voir l'impact qu'elle peut avoir sur la réalisation des objectifs des organisations. Ils sont convaincus que l'instauration d'un système de recrutement du personnel transparent et axé sur la compétence, et de la mise en place de grilles d'évaluation pour opérer les avancements, constituent des gages de justice sociale.

    54 BETTATI Mario, Idem.

    Mais quelle est l'incidence de ces deux approches sur les relations professionnelles au sein des ONG internationales opérant au Burundi ?

    Chapitre III
    Incidence des modèles managériaux sur les relations
    professionnelles dans les ONG internationales

    Les différentes approches de management des équipes locales en vigueur dans les ONG internationales, qu'elles soient explicites ou tacites, ont forcément une incidence sur les relations professionnelles. Dans les faits, il n'est pas aisé de percevoir de prime abord, l'effet de tel ou tel autre style managérial sur le climat social des différentes ONG en raison de la complexité des comportements humains dans un contexte de conflit ethnique latent. Toutefois, deux tendances semblent se dégager globalement. Elles épousent les approches managériales que nous avons identifié dans le chapitre précédent : l'acceptation affichée de l'altérité conséquence de l'approche Do no Harm combinée au modèle de management interculturel, et la négation du problème ethnique produit du principe de non ingérence.

    En réalité, les deux types de comportement ne sont pas si tranchés, en dépit des apparences. Elles s'imbriquent et s'interpénètrent en fonction des contextes et des événements. Ce sont des comportements de situation.

    III-1- De l'acceptation affichée de l'altérité dans les relations professionnelles

    Dans les organisations non gouvernementales qui ont pris l'option de s'inspirer de la l'approche Do no Harm dans la définition de leurs politiques de gestion des ressources humaines locales, la mobilisation par les employés de l'ethnicité dans les relations professionnelles semble s'atténuer, comparativement aux autres ONG. Cela tient en grande partie à la démystification du fait ethnique qui est prônée au sein de ces organisations.

    La mixité ethnique est un principe institutionnel dans ces ONG. Toutefois, la compétence reste déterminante dans le recrutement, tout en ayant comme soucis d'assurer l'égalité des chances à tout le monde. Les responsables des ces organisations affirment que ce principe de mixité ethnique ne s'apparente pas à de la discrimination positive (affirmative action) car le mot « discrimination » a une connotation péjorative ; c'est une recherche des équilibres ethniques autant que possible au sein du personnel local. Ainsi, s'il s'agit de recruter une équipe de cadres pour piloter un projet, la commission de recrutement veille à ce qu'il y ait des Hutu et des Tutsi dans l'équipe, en plus des tests relatifs aux compétences. Outre l'équilibre lié à l'ethnie, il y a aussi l'équilibre du genre.

    Ce principe de mixité ethnique prôné est la conséquence logique de l'adoption combinée de l'approche Do no Harm et du management interculturel. Dans les faits, il se traduit par l'institutionnalisation du système des quotas ethnique et de genre. La question du genre n'étant pas au centre des préoccupations du présent travail, nous nous limiterons à ne traiter que les aspects du système des quotas relatifs à l'ethnicité.

    Ici, les managers partent d'un constat que nous avons déjà évoqué plus haut : la société burundaise a créé un déséquilibre qui est l'une des sources du conflit. Pendant longtemps, une certaine frange de la population avait des difficultés à accéder à certaines filières de formation à l'Université National du Burundi (Économie, Droit, Médecine), du fait de la discrimination ethnique qui était de rigueur dans l'administration publique, l'enseignement supérieure, l'armée, etc. Le résultat de ce déséquilibre est que, pour certains types de responsabilités, lorsqu'on fait un recrutement, même en étant le plus objectif possible, la majorité des candidats correspondant au profil voulu en termes de formation et d'expérience seront d'une seule ethnie. Dès lors, le système des quotas n'est peut être pas juste ou parfait, mais il est nécessaire. « Pour intervenir dans le processus de réconciliation au Burundi, il faut garantir une égalité des chances si non on risque de se mettre dans l'impossibilité de réaliser nos objectifs », nous a confié un responsable d'une ONG internationale.

    Effectivement, le lien entre la composition ethnique des équipes et la réalisation des objectifs sur le terrain n'est pas un construit de l'esprit. Dans un environnement conflictuel, quelque soit le secteur d'intervention de l'ONG, qu'elle soit humanitaire ou de développement, lorsque ses équipes de terrain sont monoéthniques, elle se met dans une situation où le déséquilibre de l'aide est important au niveau des populations cibles. Il y a ainsi un risque élevé de favoritisme opéré par les équipes sur le terrain en faveur des sinistrés d'une seule ethnie. Ce type de scénario n'est pas rare au Burundi. Un entretien que nous avons eu avec un consultant qui a travaillé au Burundi pendant une période de 3 mois au sein d'une ONG internationale nous a édifié à ce sujet :

    « Dans tout le staff local, tous les employés sont d'une même ethnie, à l'exception
    d'une seule personne qui a des liens particuliers avec le coordinateur général. Sur le
    56

    terrain, cela se répercute de manière évidente. C'est ainsi que la majorité des projets initiés par l'ONG sont orientés vers une population cible de la même ethnie que les membres du personnel. Les projets en faveur des gens des autres groupes ne sont réalisés que pour des besoins de convenance afin d'éviter d'éveiller les soupçons des partenaires financiers au moment de l'évaluation ».

    Si on se réfère à la logique de l'approche Do no Harm, un tel comportement constitue un cas typique des facteurs qui contribuent à dégrader les relations interethniques et à relancer le conflit. En effet, en prodiguant l'assistance humanitaire aux personnes sinistrées d'une seule ethnie alors que toutes les ethnies comptent en leur sein des personnes nécessitant un soutien humanitaire, les équipes sur le terrain renforcent directement un « camp » et donnent par la même occasion des raisons de plus à l'autre « camp » de s'en prendre au premier. Tout cela n'est pas de nature à créer les conditions idoines pour une réconciliation nationale. Par ailleurs, une telle attitude peut être une raison majeure de la non atteinte des objectifs des ONG du fait du « clientélisme humanitaire » et du manque de rigueur qui en est le corollaire.

    La neutralité de l'ONG dans le conflit ethnique que subit l'environnement de travail ne consiste pas à ignorer toute référence à l'ethnie ou à la tribu. Agir ainsi serait se voiler la face car l'action humanitaire a forcément des effets non désirés en plus de ceux désirés ; et la consolidation des déséquilibres ethniques en fait partie. Assurer l'équilibre ethnique dans les équipes de travail permet ainsi au managers de ne pas favoriser l'accès aux ressources à une seule ethnie. Autrement, ils participent indirectement à l'exacerbation du conflit.

    C'est pour éviter cette situation que certains responsables d'ONG ont opté pour l'instauration d'un système de quotas à l'embauche. Il faut noter ici que l'établissement de quotas ethniques ne s'inscrit pas dans une logique d'opérer une égalité numérique. Il s'agit plutôt d'essayer de respecter un équilibre ethnique au sein des équipes et ce dans la mesure du possible. Mais comment y parvenir ?

    Pour mener à bien la politique de gestion des ressources humaines qui se base sur l'approche Do no Harm et le management interculturel, les managers cherchent, à l'embauche, des gens qui sont motivés et convaincus par la mission de l'ONG, et qui ont un idéal de paix par rapport à la société burundaise. Pour assurer la clarté de la

    politique de recrutement, celui-ci est fait par une commission de recrutement ethniquement mixte, constituée de personnes travaillant pour l'organisation.

    De l'avis de ces managers, cette transparence sur le critère ethnique à l'embauche a pour résultat, à long terme, d'assainir les relations professionnelles à telle enseigne que, en ce qui concerne la promotion et la valorisation des postes, l'équilibre se fait automatiquement sans qu'ils aient à intervenir. Ils considèrent alors des critères seulement basés sur la compétence des uns et des autres.

    La composition des équipes ethniquement mixtes est sensée permettre aux individus des différentes communautés de travailler ensemble sur des projets. Cela les amènerait à collaborer, à oser se parler, à découvrir ce qui est positif chez l'autre et petit à petit, il naîtrait une confiance entre eux. Mais un tel résultat nécessite une profonde remise en question et un travail d'introspection de longue haleine car les représentations collectives sur l'ethnie sont suffisamment figées. Cela veut dire que la notion volonté de changement est primordiale.

    Au moment de l'embauche, les candidats sont tenus d'assister à un entretien avec le responsable. Au cours de cet entretien à coeur ouvert, tous les thèmes sensibles sont abordés, que ce soient les questions de genre ou celles relatives à l'ethnicité. A titre d'exemple, il leur demandé de parler de leur appartenance ethnique. Dans un autre contexte que celui du Burundi d'après conflit, une telle question serait anodine. Mais dans ce pays, parler des « choses de l'ethnie » est une abomination.

    De toute apparence, les Burundais préfèrent l'agir au parler. Ceci n'est pas un cliché. Sinon comment expliquer les massacres interethniques qui ont sporadiquement endeuillés le pays depuis son indépendance ? Si s'exprimer sur l'ethnie est un interdit, pourquoi continue-t-on à l'exhiber systématiquement dans les interactions interindividuelles, et à la mettre au premier plan en politique ?

    Cette duplicité apparente explique pourquoi la politique de la mixité ethnique dans les ONG est loin d'être du goût de tout le monde au sein même des ONG qui l'appliquent. Ainsi, il n'est pas rare d'observer dans ce type d'organisation des comportements individuels qui vont en contresens des valeurs de tolérance et de

    pluralisme. Des accrocs au modèle établi sont parfois orchestrés par certains cadres locaux qui sont déjà positionnés à des postes stratégiques. De manière générale, ces cadres burundais qui occupent des postes clés cooptent des personnes de leur ethnie en y incorporant quelques individus d'autres groupes afin de ne pas altérer visiblement l'image de bonne gouvernance dont se targuent ces organisations. Mais la réalité sur le terrain est toute autre.

    Le non respect du principe de pluralisme ethnique par des cadres burundais qui ont évolué et ont été moulés des années durant (parfois malgré eux) dans le format de la culture organisationnelle prônée au sein de ces ONG montre bien certaines des limites du système des quotas. Dès lors une question se pose : la culture du vivre ensemble érigée en modèle de gestion des relations professionnelles par certains managers a-t-elle une quelconque incidence positive sur le comportement et les attitudes des employés locaux vis-à-vis de la question ethnique ? Il est difficile de répondre à cette question avec précision. Toutefois, un adage français nous aident à y voir clair : « les habitudes ont la peau dure ».

    Une analyse du discours combinée à une observation attentive en immersion, durant trois mois, des employés locaux du secteur des ONG internationales au Burundi nous a permis d'esquisser une typologie de ceux-ci. En considérant une ONG appliquant l'approche Do no Harm et le modèle du management interculturel, on distingue l'existence de trois types d'employés locaux :

     

    Ceux qui adhèrent entièrement à la philosophie du pluralisme ethnique (les coopératifs) ;

    Ceux qui jouent le double jeu : afficher une adhésion de façade aux valeurs de l'ONG mais vivre dans le refus de la différence (les joueurs) ;

    Ceux qui sont radicaux (les irréductibles).

    Nous partons de la supposition (uniquement pour des besoins d'analyse) que, à l'embauche dans l'ONG, tous les employés locaux sont ethnicistes (au sens tribaliste du terme) car ayant baigné, depuis leur naissance, dans un environnement totalement gangrené par l'ethnisme (holisme). Intégrés, ils vivent une socialisation organisationnelle de type professionnelle. C'est ainsi qu'ils sont amenés à « subir »

    la présence d'autres identités et à collaborer avec elles grâce à l'apprentissage et à l'intériorisation de nouvelles valeurs. L'ONG est ainsi érigée en une école de la tolérance, de la cohabitation et de la réconciliation. C'est du moins l'idée que s'en font leurs dirigeants expatriés.

    Pourtant, la digestion de ces nouvelles valeurs ne se fait pas de la même manière chez tous les employés locaux. Il est d'ailleurs excessif, voire inapproprié de parler de « nouvelles valeurs » car elles sont très bien connues des employés. Leurs oreilles en sont rabâchées tous les dimanches dans les différentes églises et mosquées qu'ils fréquentent assidûment. Paradoxalement, dans ce pays ravagé par des tueries interethniques, les églises sont pleines à craquer tous les dimanches ; 90% des Burundais sont des chrétiens pratiquants. Elles font même partie des valeurs inhérentes à la culture burundaise.

    Dès lors, par quel miracle divin des valeurs que ces employés semblent avoir sciemment ignorées jusque là deviendraient-elles subitement leurs Maximes de vie ? Tout simplement par la nécessité de trouver du travail et de se réaliser au sein d'une organisation qui a propulsé les dites valeurs au rang de Valeurs que tout employé doit observer et vivre s'il veut cheminer en son sein. Au final, les employés, en tant que « produits » de cette mini socialisation professionnelle, se déclinent en trois types comme relevé plus haut : les coopératifs, les joueurs et les irréductibles.

    Les coopératifs correspondent à l'image que les responsables occidentaux des ONG considérées veulent donner de l'employé local modèle : compétent et acquis à l'idéal du pluralisme ethnique. Le concept de pluralisme s'entend ici comme le « principe acceptant la diversité des opinions et des conduites politiques, religieuses, économiques et sociales »55 quelles qu'elles soient. Il consacre la libre confrontation des idées.

    Les coopératifs ont donc intégré parfaitement les valeurs de l'organisation. Ils ne font plus l'identification des « autres » (les « autres » étant ceux qui ne sont pas de la même ethnie que soi) en fonction du facteur ethnique mais plutôt selon des critères liés à la compétence, l'amitié, l'humanité, etc. Ils ont réussi à dépasser les clivages et

    55 "pluralisme." Microsoft® Encarta® 2007 [DVD]. Microsoft Corporation, 2006.

    les clichés ethniques propres à la rationalité populaire, pour fonder leur appréciation de l'altérité sur des bases plus objectives, cela grâce au modèle de management organisationnel en vigueur dans l'ONG.

    A force de travailler et de vivre des expériences positives avec des collègues d'autres ethnies, les coopératifs « découvrent » par eux-mêmes qu'il est possible de vivre et de travailler ensemble sans toutefois être de la même ethnie. Les émotions, les peines, les joies, les épreuves, les réussites et les échecs connus ensemble en tant que membres d'une même équipe leur ont fait voir l'Humain qui est chez les « autres ».

    Un détail les différencie sensiblement des autres types d'employés : le nouveau comportement qu'ils adoptent envers les « autres » ne s'estompe pas dès l'instant où ils mettent les pieds en dehors de l'ONG. Les valeurs de l'organisation font déjà partie intégrante de leur culture personnelle. Ils ont acquis un nouveau style de vie, une nouvelle manière de voir le monde qui les entoure. Même avec leurs voisins de palier, les attitudes et les comportements ne sont plus les mêmes qu'avant l'entrée dans l'organisation. Investies de la force que leur confère l'organisation qui les promeut, les normes sociales, les règles, les valeurs, les sanctions et les croyances transmises font désormais corps avec les consciences individuelles des employés coopératifs.

    Les joueurs quant à eux ont une personnalité très complexe. Conscients que leur maintien et leur développement au sein de l'organisation dépendent du respect qu'ils ont des règles et de leur niveau d'adhésion aux valeurs prônées, ils procèdent habilement à une mise en scène de leur vécu sur le lieu de travail. En apparence, peu de choses les différencient des coopératifs. L'image qu'ils projètent aux yeux des managers expatriés est celle d'employés qui ont pris l'option de jouer la carte de l'acceptation des « autres » dans les relations de travail. Mais cela n'est qu'une image de surface.

    En réalité, les joueurs développent en underground, dans l'ONG et dans le réseau
    d'ONG, tout un maillage de solidarités ethniques de type mécanique. Leur
    conception du travail dans l'organisation est particulière : c'est juste un moyen

    comme un autre d'accéder aux ressources financières et aux avantages matérielles et symboliques. Ils n'adhèrent pas forcément à la vision et à la mission de l'organisation. Dans une société où de plus en plus l'argent est un gage sûr d'ascension et de considération sociale, avoir la main mise sur toutes les sources de richesse financière, matérielle et symbolique est un enjeu majeur et un facteur dominant de déclenchement des conflits. La richesse étant une denrée rare, il devient très difficile de partager avec les « autres ».

    Ainsi, les employés joueurs développent tout un ensemble de stratégies pour consolider leur assise ethnique dans le secteur des ONG sans que cela ne soit perceptible. De par leurs qualités professionnelles et leur expérience reconnues, ils ont pu accéder à des postes de décision ; parfois ils sont même à la tête des ONG, les partenaires financiers considérant que le personnel local coûte moins cher. S'installe alors un système de cooptation du personnel sur des bases essentiellement ethnique. Selon l'ethnie « qui a le pouvoir de décision » (comprendre par là l'ethnie à laquelle appartient la majeure partie des cadres décisionnaires locaux) dans l'ONG, ou le réseau d'ONGs, la cooptation va se faire en faveur des individus de l'une ou l'autre ethnie. Et le facteur expérience étant un élément très important dans ce type d'organisations, on se retrouve à long terme avec une presque homogénéisation ethnique du secteur suite à la pratique courante de transfert de personnel d'une organisation à l'autre selon le début ou la clôture des projets.

    Il est très important de souligner ici que cette cooptation, quoique basée sur le critère ethnique, ne se fait pas au mépris des compétences professionnelles. En effet, c'est la solidité et la richesse du curriculum vitae des candidats retenus qui constituent l'assurance pour le cadre local joueur de disposer de moyens pour justifier auprès des bailleurs de fonds et des autres partenaires (nationaux ou internationaux) la pertinence du choix de recrutement opéré.

    Les joueurs sont également soucieux d'atteindre les objectifs des projets de l'ONG. Ils ont toujours à l'esprit la réalisation des résultats car, de ceux-ci dépend la confiance à eux accordée par les responsables ou les partenaires occidentaux. Ainsi, dans des cas particuliers, s'ils ont le pouvoir de décision en matière des ressources

    humaines, ils n'hésiteront pas à favoriser le recrutement ou l'avancement d'un collègue d'une autre ethnie que la leur, s'il a les compétences requises, dans l'optique de l'atteinte des objectifs. Quoique n'ayant pas entièrement intériorisé les règles et les valeurs prônées par l'organisation, ils ne sont pas aveuglés par les effluves tribalistes de leurs consciences individuelles. À l'intérieur de l'ONG, seuls comptent l'accès aux ressources et la réalisation de soi, même si pour y parvenir, il faut passer par la collaboration avec les « autres » et la réalisation des projets de développement ou humanitaires en faveurs de groupes cibles n'étant pas de leur ethnie.

    Contrairement aux employés locaux coopératifs, hors de l'organisation, les joueurs rentrent dans leur réseau ethnique (c'est-à-dire l'ensemble des liens qui les rattachent aux individus de leur ethnie). Ils ne ressentent pas spécialement le besoin d'élargir leur réseau social aux individus d'autres ethnies sauf s'ils y voient un intérêt financier ou matériel particulier. En dehors des relations intra-ethniques, leur conception des rapports interethniques est essentiellement utilitariste : la valeur suprême est placée dans l'utilité.

    Le troisième type d'employés locaux est celui des irréductibles. Ils limitent les rapports interethniques aux strict minimum, aussi bien au travail que dans leur milieu de vie. Complètement en phase avec les clichés ethniques de la conscience collective de leur groupe d'appartenance, leurs consciences individuelles sont imperméables aux valeurs de pluralisme que promeut l'ONG. S'ils dissimulent leur hostilité aux « autres » en présence de la hiérarchie, ils ne se privent pas de faire l'étalage de leurs opinions auprès de leurs collaborateurs.

    Les moments de crise dans l'ONG et dans son environnement sont pour eux des occasions privilégiées de diaboliser ceux qui ne sont pas de leur ethnie. Des comportements de cette nature nous ont été rapportés lors de nos entretiens par des employés burundais. A titre d'exemple, lorsque des massacres avaient été perpétrées contre les habitants d'un camp de réfugiés d'un pays voisin par des miliciens d'une ethnie que nous appellerons « X », quelques employés d'une ethnie « Z » appartenant à une grande ONG internationale (qui est très active dans le secteur de la paix et la réconciliation) s'en étaient pris à leurs collaborateurs de

    l'ethnie « X » à coup d'insultes tribalistes et de qualifications outrageuses. Parmi ces derniers, certains avaient répliqué et la situation avait failli dégénérer. Il a fallu l'intervention d'autres collègues pour calmer les esprits et réconcilier les deux groupes.

    Ce type d'incidents, quoique très rares, constitue un des instants durant lesquels les employés irréductibles peuvent enfin laisser exploser leur haine trop longtemps contenue. En effet, leurs lieux d'expression sont des plus réduites dans l'organisation, les employés coopératifs et joueurs ne trouvant aucun intérêt dans la confrontation. Ils sont ainsi obligés malgré eux de tolérer la présence des individus appartenant à d'autres groupes dans l'organisation. Ils vivent avec dépit le recrutement ou la promotion interne d'une personne qui leur est différente sur le plan identitaire.

    Les irréductibles sont généralement des employés aux qualifications limitées, occupant des postes subalternes et ayant un salaire modeste. Leur position non privilégiée dans l'ONG exacerbe leur ethnisme car supportant mal d'avoir comme supérieurs hiérarchiques des individus appartenant à une ethnie qu'ils abhorrent. Ce n'est donc pas les idéaux de vivre ensemble, de réconciliation et de pluralisme que mettent en avant les dirigeants de l'organisation qui vont modifier le moins du monde leur vision particulière de la vie en société. La modestie des salaires de certains irréductibles implique que leurs conditions de vie ne sont pas aussi bonnes que celles de leurs collègues cadres. Les « autres » deviennent alors des boucs émissaires, la cause de leur inconfort matériel, car occupant des postes qui leur reviendraient de droit.

    Ceci tendrait à confirmer l'hypothèse avancée par certains analystes de la crise burundaise selon laquelle plus la position sociale des individus est élevée, ou alors, plus les individus sont matériellement à l'aise, plus leur conscience ethnique s'atténue. Ils développeraient ainsi d'autres modes d'identification basés essentiellement sur la classe sociale, l'appartenance à une même sphère d'activité, ou à un même club professionnel, la fréquentation des mêmes endroits de loisir, etc. C'est ainsi que, même pendant les moments les plus tendus de la guerre civile, les quartiers dits résidentiels habités par les individus aux revenus assez confortables

    n'ont pas connus les troubles et la balkanisation ethnique qu'on observait alors dans les quartiers populaires. Pour les habitants de ces quartiers résidentiels, la nécessité de sauvegarder les conditions qui constituent l'essence de leur style de vie passait avant l'envie d'en découdre avec le voisin appartenant à l' « autre ethnie ».

    III-2- Quand des ONG internationales défendent le principe de non ingérence...

    L'apologie du principe de non-ingérence dans les affaires internes de l'Etat par les responsables de certaines ONG internationales au Burundi a de quoi désarçonner l'observateur de l'action humanitaire internationale. Ce principe est généralement invoqué par les Etats dans les relations internationales lorsqu'ils estiment que leur souveraineté est menacée par des intentions interventionnistes d'autres Etats ou de la communauté internationale.

    Mais de façon régulière et systématique depuis la fin des années 1980, les organisations humanitaires ont plutôt recours à la notion de droit ou de devoir d'ingérence pour justifier des interventions visant notamment la protection des droits fondamentaux d'une population opprimée par un Etat. Le cas du Burundi où des ONG internationales brandissent le principe de non ingérence pour expliquer leur position réservée sur une question sensible est un cas inédit.

    Les responsables de ces ONG estiment que la gestion des rapports interethniques relève de la responsabilité de l'Etat et que, de ce fait, il est inopportun de s'en mêler. Ce qui importe pour eux c'est l'atteinte des objectifs. Ils fustigent le système des quotas ethniques institutionnalisé dans certaines organisations humanitaires. Interprétant le principe de non-discrimination contenu dans la plupart des chartes des ONG, ils considèrent que faire un recrutement en incorporant dans les profils des critères ethniques, c'est ni plus ni moins de la discrimination et une violation des chartes.

    La politique de gestion des ressources humaines appliquée est celle qui met en avant la compétence exclusivement de toute autre considération. Elle se décline sous trois axes :

    Le recrutement ;

    La formation ;

     

    La promotion.

    Concernant le recrutement, il s'agit de lancer une offre d'emploi publique à laquelle toutes les personnes qui répondent aux critères spécifiés peuvent postuler. La sélection se fait en fonction de critères tels que le niveau d'études, les qualifications et l'expérience. Les candidats qui correspondent le mieux au profil sont présélectionnés indépendamment de leur religion, de leur sexe, de leur appartenance ethnique et de tout autre considération. À l'issu de la présélection, la short-list des gens qui sont invités à participer à des entrevues et à des tests techniques est affichée. Les entrevues et les tests passés, les candidats ayant les meilleures notes sont ainsi retenus et sont intégrés dans leurs postes.

    Pour ce qui est de la formation, deux étapes sont à observer :

    L'identification des besoins en formation : c'est le recueil des besoins en formations. Les besoins sont collectés sur différentes bases et sont priorisés selon l'urgence de la formation, du poste qui requiert cette formation, etc. ;

    La réalisation des formations : il y a des formations internes que les experts de l'ONG font eux-mêmes, et des formations externes réalisées par des Cabinets spécialisés.

    Concernant la promotion, lorsqu'il y a un poste disponible à un degré quelconque, même quand une offre d'emploi externe a été lancée, les salariés de l'ONG peuvent y postuler. Par ailleurs, en cas d'ouverture d'un poste supérieur et qu'il y a un salarié qui présente des aptitudes, qui a accumulé assez d'expérience, il peut l'occuper selon les résultats de son évaluation. C'est en fonction des évaluations internes qui sont faites annuellement que les responsables déterminent et jaugent les performances individuelles des employés.

    En fait, ces organisations disposent juste d'un système de gestion du personnel. Mais un système de gestion du personnel n'est pas une politique de gestion des ressources humaines. Contrairement au premier type d'ONG évoqué, ici, les responsables se limitent aux aspects purement techniques liés à la gestion des ressources humaines (recrutement, formation, promotion, salaires, etc.) ; mais

    ignorent volontairement tout ce qui a trait au « symbolisme organisationnel56 » en rapport avec les interactions qui se font jours entre efficience, climat social, intériorisation des valeurs organisationnelles, conflits, staff motivation et sentiment d'adhésion ou de loyauté. C'est ainsi que la dimension identitaire des relations professionnelles est complètement évacuée.

    Dès lors, créer ou modeler les comportements, les attitudes et les systèmes de valeurs, ou alors, développer des mécanismes pour déjouer les résistances issues des traditions locales (notamment les pesanteurs ethniques) sont des aspects qui sont loin d'être au centre des préoccupations des managers de ces ONG. Il en est de même de la connaissance des enjeux politiques et économiques, des rapports de forces entre les différentes composantes de l'espace public local, etc. Le management interculturel semble être un concept abstrait que personne ne veut comprendre. Pourtant, tous ces éléments, au-delà même de la compréhension du fait ethnique, sont de nature à permettre aux responsables des ONG de cerner les catégories mentales du personnel local et d'anticiper sur d'éventuels blocages dans le fonctionnement de la structure.

    La mobilisation même du principe de non-ingérence pose problème. En effet, s'il faut parler d'ingérence dans un domaine donné, cela implique que l'Etat ait fait de ce domaine une chasse gardée. En d'autres termes, il faudrait que cela touche au libre exercice des compétences reconnues à l'Etat par le droit international, c'est-à-dire, qu'il a sur son territoire l'exclusivité et la plénitude de compétences seulement limitées par ses engagements internationaux. Or, en matière de pluralisme ethnique, l'Etat Burundais est assez avant-gardiste : suite aux accords de paix d'Arusha, le système des quotas ethniques et de parité dans les institutions nationales (Parlement, gouvernement, armée, police nationale, sénat) est inscrit explicitement dans la loi organique.

    A titre d'exemple, la composition du Sénat telle que prévue dans l'article 163 de la loi organique est établie comme suit : « 1) deux délégués de chaque province, élus par un collège électoral composé de membres des conseils communaux de la province intéressée, provenant de communautés ethniques et de familles politiques

    56 STANKIEWICZ François, Economie des ressources humaines, La Découverte, Paris, 1999.

    différentes et élus par des scrutins distincts ; 2) trois personnes issues de l'ethnie Twa ; 3) les anciens chefs d'Etat. En tout état de cause, le nombre de sénateurs, paritaire ethniquement et politiquement, ne peut être supérieur à cinquante quatre. »57 Dans un pays où les équilibres ne se font pas automatiquement, il a fallu forcer la main aux protagonistes politiques pour que tous les citoyens qui en sont capables puissent avoir la possibilité d'accéder à des postes de responsabilité dans les institutions étatiques et les entreprises publiques ou parapubliques. A la lecture de l'article précédente, on se rend ainsi compte que les pygmées Twa bénéficient d'une affirmative action.

    De quelle non ingérence parlent alors les responsables de ces ONG internationales ? Leur compréhension de ce principe semble être diluée. Dans tous les cas, les incidences de cette politique de négation du fait ethnique sont palpables. Concrètement, il s'est opéré une sorte d'homogénéisation ethnique des personnels locaux de ces organisations. Malgré toutes les précautions prises pour opérer un team building basé sur des critères objectifs, le risque de mono polarisation des équipes locales est très élevé. Cela tient de la méconnaissance des éléments contextuels locaux par certains managers expatriés.

    L'erreur fondamentale que font ces derniers, c'est de croire que leurs homologues ou collègues Burundais obéissent à une même rationalité que la leur. Dans un contexte local aussi diffus, avec des catégories mentales et systèmes de valeurs aussi hermétiques sur la question ethnique, les théories rationnelles et classiques de management des ressources humaines qu'ils ont apprises dans les universités deviennent inopérantes face à la complexité des logiques qui animent les employés Burundais.

    Plus grave, ces managers n'ayant pas pris la peine d'étudier en profondeur les acteurs et les facteurs de leur milieu d'intervention pour déterminer les menaces et les opportunités, ils ont une vue caractérisée par des clichés et des étiquetages de toutes sortes sur telle ou telle autre ethnie du Burundi. Leurs opinions sont fondées sur les informations soigneusement sélectionnées par leurs collaborateurs

    57 Constitution de la République du Burundi

    Burundais. Ils deviennent ainsi dépendants de leurs interprétations et analyses parfois partisanes du réel.

    Dans les staffs locaux de ces ONG, l'homogénéisation ethnique semble s'opérer naturellement. Les managers expatriés n'intervenant pas sur la variable ethnique, elle devient l'apanage des cadres locaux. La politique officielle de ces organisations leur convient parfaitement : « les ethnies n'existent pas au sein des organisations, il n'y a que des Burundais ». Une telle déclaration, dans un autre contexte, serait peut- être le signe de la volonté des managers de rassembler les personnes des différentes ethnies, de les inviter à dépasser les clivages ethniques, etc. Mais dans le contexte burundais, elle peut être sujette à une multitude d'interprétations.

    C'est ainsi que dans certaines ONG dans lesquelles, du planton jusqu'au plus haut cadre des employés Burundais, tous étaient d'une même ethnie, les cadres locaux rencontrés lors de nos enquêtes affichaient un air des plus outrés lorsque nous envisagions le fait qu'ils puissent privilégier les personnes de leur ethnie. « Nous ne regardons pas l'ethnie des gens, nous sommes tous des Burundais... », nous déclaraient-ils d'un air offusqué. Pourtant l'existant parlait de lui-même.

    Face à une telle situation où les symptômes de l'ethnicité au sein du personnel local se développent tout en finesse tel un cancer, les managers expatriés sont quelque peu dans le désarroi.

    Chapitre IV

    Le désarroi du manager expatrié face à la complexité

    des logiques des employés locaux

    Les difficultés qu'éprouvent les responsables expatriés des ONG internationales à définir des politiques appropriées de gestion du personnel local sont directement liées à la complexité du contexte d'après guerre civile qui prévaut au Burundi dont la composante ethnique échappe à leur lecture souvent réductrice de la réalité locale.

    IV-1- La difficile compréhension des éléments du contexte local par
    les managers des ONG internationales

    Loin des luttes interétatiques plus ou moins bien encadrées par le droit des conflits armés, la guerre civile au Burundi a été particulièrement brutale. Par nature, la guerre civile a pour moteur la haine de l'autre et exige son anéantissement. Pour y parvenir, tous les moyens seront utilisés, le but des combattants étant de terroriser les populations civiles afin qu'elles s'exilent d'elles-mêmes. La guerre civile implique en effet la défaite absolue et totale d'un des camps car dans un tel conflit interne on assiste à « un processus de séparation de populations dressées les unes contre les autres, dans lesquelles les intérêts des protagonistes sont à l'aggravation continuelle de la situation et non à l'apaisement ; l'objectif final étant la disparition de « l'autre » »58 . C'est dans ce contexte où la haine ethnique est instrumentalisée de part et d'autre que les ONG internationales sont amenées à évoluer avec, en leur sein, un personnel local quotidiennement confronté aux problèmes d'ethnicité, voire d'ethnisme.

    Une des difficultés majeures pour les responsables de ces organisations réside alors dans leur lecture erronée des comportements tribalistes des employés locaux ; tellement les stratégies des uns et des autres sont bien élaborées. A partir de ces données de départ la facilité voudrait qu'on se désintéresse complètement de la variable ethnique dans la gestion des ressources humaines, comme le font certaines ONG. Mais peut-on s'en désintéresser alors qu'elle fait partie des Problèmes à résoudre pour arriver à une paix durable ?

    En effet, la fin des hostilités que connaît le pays actuellement ne signifie en rien que
    la paix soit acquise. Bien au contraire, l'expérience a montré qu'il existe en général
    une chance sur deux pour qu'un conflit reprenne. Pour comprendre ce paradoxe il

    58 http://www.solidarité-international.com/ POMES Eric J., « Les opérations de maintien de la paix : des relations ONG / Nations-Unis / Etats à approfondir » in Géoéconomie, 16 mars 2006

    faut s'attacher à la définition de ce qu'est un conflit. Un conflit peut être défini comme « la poursuite de buts incompatibles par différents groupes » ; ou alors, comme la « présence simultanée de motivations inconciliables ou contradictoires »59. Ainsi, un conflit n'est résolu définitivement qu'autant que les causes profondes de celui-ci ont été comprises et désamorcées.

    Le retour de la volonté de vivre ensemble nécessite par ailleurs une réelle réconciliation qui passe notamment par le dialogue et la justice. Cette phase critique, pour un retour de la paix, est la phase de reconstruction. Il s'agit en fait pour les ONG internationales d'aider l'Etat à réussir sa transition de la guerre à la paix sans qu'aucune partie ne se sente lésée. Cette reconstruction est d'autant plus importante qu'il existe un lien fort entre le développement et la fin de la violence. Mais ces organisations peuvent-elles remplir cette mission si elles n'arrivent pas à cerner, en leur sein même, les logiques et les dynamiques ayant conduit à la guerre civile ?

    Le levé de bouclier que nous avons observé dans certaines de ces organisations dès que nous abordions le sujet de l'ethnicité dans les relations professionnelles montre bien combien leurs responsables semblent être déconnectés de la réalité. Une omerta sur le sujet paraît régner dans beaucoup d'ONG internationales. Mais si une bonne partie des managers expatriés paraissent être unanimes quant à la posture de retrait à prendre à l'égard de la variable ethnique, les employés Burundais, quant à eux, n'entrent pas dans cette logique.

    Certes, ces derniers ne crient pas sur les toits leurs opinions en la matière. Mais au- delà de cette réserve affichée, des postures parfois tranchées sont discernables. Le champ de l'ethnique ayant été laissé libre par la hiérarchie, il devient une zone d'ombre dans laquelle se déploient les stratégies des employés locaux pour la maîtrise des circuits décisionnaires de l'organisation. Contrairement au managers expatriés, pour les locaux, l'ethnicité représente un enjeu réel. En filigrane, c'est le contrôle des sources de richesse qui se joue, l'ONG étant perçue comme « une source intarissable d'argent à laquelle il faut obligatoirement venir puiser »60.

    59 "conflit." Microsoft® Encarta® 2007 [DVD]. Microsoft Corporation, 2006.

    60 Propos d'un enquêté

    Dans ces conditions, les responsables expatriés des ONG sont bien partis pour « ne pas comprendre grande chose » à la mentalité des Burundais, comme nous l'a avoué un avec dépit : « [...] les Burundais sont très compliqués, personne ne dit ce qu'il pense réellement. »

    En réalité, la majorité des employés locaux de ces organisations sont loin d'avoir un comportement tribalistes de manière permanente. Toutefois, ils sont parfois contraints de prendre position en réaction aux attitudes hostiles de certains de leurs collègues. Même ceux que nous avons appelé les « irréductibles » dans le chapitre précédent, nous avons vu qu'ils attendent les moments de crises pour exprimer ouvertement leur inimitié envers les « autres ». Nous sommes, selon toute vraisemblance, face un à ethnisme situationnel s'exprimant à l'occasion de pics émotionnels individuels ou collectifs liés à l'ethnie.

    Mais tout cela n'empêche pas que, de manière continuelle, l'ethnicité61 reste prégnante dans les manières de faire des uns et des autres, cela de façon à peine perceptible. Cet état de choses est en partie dû au conditionnement social. Le groupe d'origine s'impose à l'employé local et lui imprime des comportements considérés comme normaux. Les individus qui vont outre ces « règles » communautaires non écrites et non dites s'exposent au risque d'être marginalisés par le groupe. C'est ainsi qu'on observera avec suspicion une amitié ouvertement affichée entre deux individus issus de deux ethnies différentes. En conséquence, ils n'auront plus accès aux informations jugées sensibles de la part des collègues de leurs groupes ethniques respectifs, de peur qu'ils n'en soient des vecteurs vers l'autre « camp ».

    On voit ainsi que la pression du groupe d'origine sur l'employé est très forte, de telle façon que, même s'il est de type coopératif, il s'oblige à ménager les susceptibilités de ceux qu'il considère comme étant ses « semblables » sur le plan identitaire. Mais cette pression ne s'exprime pas de manière ouverte. Elle est d'autant plus contraignante pour les individus qu'elle se déploie de manière sous-entendue car, dans la conscience collective des Burundais, le sous-entendu est largement plus parlant que l'entendu.

    61 L'ethnicité est à différencier de l'ethnisme. Cf. définitions des termes

    Cependant, cette attitude est moins marquée chez les employés des ONG pratiquant déjà le management interculturel. La zone d'ombre que constitue le champ de l'ethnique y est moins étendue car déjà investie par la hiérarchie. Pratiquement contraints à collaborer avec les « autres », les systèmes de valeurs des employés locaux subissent des modifications, ne serait-ce que de manière superficielle, et les consciences individuelles intériorisent des éléments de la culture organisationnelle. Mais, même dans ces ONG, des pans entiers des catégories mentales des locaux échappent à la compréhension des managers expatriés.

    En toute état de cause, les employés locaux ont la parfaite maîtrise de la variable ethnique et savent en user avec dextérité dans les relations professionnelles. Beaucoup d'enquêtés nous ont confirmé l'existence d'un tel phénomène, comme nous l'a dit un cadre burundais :

    « Il y a un climat de concurrence teinté d'ethnicité pour l'accès aux postes de responsabilité car ce sont des postes pour lesquels, quand tu y accèdes, tu as des avantages ; la concurrence elle est là, c'est clair. Les Burundais nous avons un caractère..., les uns disent que c'est un peuple ironique... C'est un peuple qui très rarement manifeste dans la rue, mais il y a des crises profondes que les gens vivent au fond d'eux mêmes et qui souvent, éclatent profondément ou bien quand ça éclate, officiellement ou extérieurement ça n'apparaît pas forcément. La preuve en est que, quand ça a éclaté vraiment, les gens se sont entrecoupé les têtes [...] .ça se vit comme ça au boulot ; tu vas voir une personne venir appeler l'autre parce qu'elle sait qu'elles ont cette affinité ethnique, et elles vont aller à côté et vont parler entre les oreilles, et puis après ils vont revenir, personne ne te dira ce dont ils ont parlé, tu vois ? C'est comme ça qu'au boulot ça se fait. Il y a eu des postes qui étaient donnés à certains mais qui n'étaient pas donnés aux autres, ça se faisait comment ? Est-ce que ça se faisait officiellement en disant on ne donnera pas ceci à celui là ? La présélection s'est toujours faite dans la clandestinité, ça a été un apartheid clandestin et ça se vit dans les coeurs des gens. »

    Les différentes postures des managers expatriés n'arrivent pas à endiguer le phénomène. Cela paraît logique car, de par les blessures et les stigmates profonds (physiques et symboliques) laissés par plusieurs années de conflit, il est normal que beaucoup de Burundais agissent encore suivant un sentimentalisme ethnique, sans que cela ne soit forcément un déterminisme social.

    Il faut en effet nuancer le propos car la pression du groupe est loin d'être un facteur explicatif dominant. Si l'on peut admettre que le sentimentalisme ethnique puisse être mobilisé dans les relations interindividuelles par les masses populaires, il n'en est pas de même pour ceux qui comptent parmi les plus instruits des Burundais. Les ONG et les autres organismes internationaux, en raison de leurs salaires attrayants et de leurs critères de recrutement axés sur la compétence, emploient une bonne partie de l'élite locale. Il est ainsi difficile d'imaginer que ceux-ci convoquent systématiquement l'ethnicité par pure sentimentalisme ou atavisme.

    Le problème est plutôt à analyser sous un angle utilitariste. L'ethnicité n'est en fait qu'une ressource, parmi tant d'autres, au service des employés locaux pour accéder à la richesse matérielle et symbolique. L'observation des comportements de la catégorie d'employés que nous avons appelé les « joueurs » nous conforte dans cette idée. Pour ceux-ci, avoir un poste de responsabilité dans une organisation internationale, autant que dans une institution étatique, relève du domaine du prestige, en tant que « considération plus ou moins forte dont bénéficient des personnes ou groupes de personnes en fonction de leur pouvoir, de leur richesse ou de leur statut social »62.

    Il découle de ce qui précède que le travail dans les ONG internationales est porteur de pouvoir pour ses détenteurs. L'exercice du pouvoir, quel qu'il soit, étant par nature limitée selon les circonstances à un groupe restreint de personnes, il ne saurait être ouvert à la multitude. C'est ainsi que des modes de sélection souterraines sont élaborés pour y accéder. Dans une société marquée par l'omniprésence de l'ethnicité dans la constitution des réseaux sociaux, il n'est nullement irrationnel que les plus rationnels des acteurs instrumentalisent l'ethnicité en tant qu'outil, au sens le plus vulgaire du terme, pour restreindre l'accès au pouvoir. Tout autant que l'ethnie, si la religion était un élément dominant dans la société burundaise, il n'en aurait pas été autrement.

    En principe, les managers qui auraient compris ce qui précède devraient à leur tour,
    pouvoir élaborer sereinement des stratégies pour que le facteur ethnique n'entrave

    62 FERREOL Gilles et alii, Dictionnaire de sociologie, Armand Collin, Paris, 2004, 242 p.

    pas le fonctionnement de leurs organisations. Mais dans les faits, beaucoup d'entre eux ont une peur viscérale de tout ce qui a trait à l'ethnie. Suite à des expériences traumatisantes vécues lors du génocide au Rwanda en 1994, on estime, dans certaines organisations, qu'aborder la question de l'ethnicité dans les relations professionnelles créerait un malaise profond et de la suspicion au sein du personnel local. Pour d'autres organisations, par contre, c'est en parler qui constituerait la clé pour démystifier le sujet et l'extirper, une fois pour toutes, des relations professionnelles dans le milieu des ONG.

    Ce qui apparaît au final, c'est l'existence d'une certaine cacophonie en matière de gestion des ressources humaines, notamment sur la question ethnique, dans le secteur des ONG au Burundi. Pourtant, la quasi totalité de ces ONG sont membres ou observateurs du RESO comme nous l'avons relevé au chapitre premier. Les ONG réunies au sein de ce réseau se réunissent tous les premiers lundi de chaque mois pour harmoniser leurs interventions sur le terrain. Dans le cadre de ces séances de travail, il leur arrive d'aborder des thèmes liés à la gestion des ressources humaines locales. Mais suite à l'omerta qui semble régner dans le milieu, la question ethnique dans les relations professionnelles n'est jamais abordée. On se limite à la définition des « meilleurs procédures et processus » pour amener les équipes locales déployées sur le terrain à orienter leurs activités vers l'atteinte des résultats, etc.

    En conséquence, c'est chaque ONG en cavalier solitaire, qui gère en interne les externalités (pour autant que ses responsables se soient rendus compte de leur existence) liées à la mobilisation de l'ethnicité dans les rapports humains au travail par les employés locaux. Mais tant qu'il n'y a pas de politique concertée entre organisations non gouvernementales pour aplanir cette problématique, les employés locaux surfent paisiblement sur la vague ethnique en codifiant progressivement les circuits de l'emploi dans ces organisations. En effet, l'absence de normes acceptées par tous en la matière laisse la place à une « normalisation informelle » parfois imbibée de logiques ethnicistes non explicites.

    Si la mobilisation de l'ethnicité est avérée au sein des staffs locaux des ONG internationales, la responsabilité des cadres expatriés dans sa consolidation en underground n'est pas aussi clairement établie.

    IV- 2- La « socialisation ethnique » des cadres expatriés des ONG
    internationales

    Lorsque nous analysons le discours des différents cadres expatriés des ONG que nous avons rencontrés, on constate qu'ils se drapent sous une neutralité et une objectivité, par rapport à la question ethnique, qui seraient à toute épreuve. Etant des étrangers, ils se considèrent également comme étant étrangers au conflit. Interrogés sur leurs motivations à s'engager dans l'humanitaire au Burundi, 2/5ème d'entre eux avancent des raisons philanthropiques et humanistes. Seulement quelques uns reconnaissent avoir été intéressés par les opportunités professionnelles et d'aventure que leur offre l'action humanitaire au sein des ONG internationales.

    Les cadres expatriés des ONG internationales seraient ainsi des chantres de l'objectivité. Mais au delà de ce discours, on ne peut s'empêcher de se poser une question : comment, dans une société où l'objectivité sur la question ethnique est la chose la moins partagée, les expatriés vivant en son sein réussiraient-ils à conserver la virginité de leur neutralité pudique en matière d'ethnicité ? Une définition de l'objectivité nous fournit un éclairage la dessus. L'objectivité est une « attitude, disposition d'esprit de celui qui « voit les choses telles qu'elles sont », sans préjugés ni parti pris ». C'est la « valorisation des idéaux de désintéressement, de mise en commun et d'universalité. Une rupture avec le sens commun, les apparences, le monde du vécu, ... »63

    Ainsi, un idéal que les sociologues, depuis Durkheim, ont toujours cherché à approcher sans réussir véritablement à l'atteindre, les cadres expatriés des ONG internationales au Burundi le vivraient pleinement. L'on serait donc tenté de dire que ces derniers sont les premiers des sociologues, tous sans exception. Mais le réel ne saurait souffrir d'une lecture aussi simpliste.

    Loin de nous l'idée de mettre en doute leur bonne volonté, nous remarquons juste que dans l'histoire du Burundi, rare sont les étrangers (occidentaux) qui sont entrés en contact avec la société burundaise et en sont partis sans que leurs consciences individuelles ne soient profondément marquées et imprégnées par les tendances

    dominantes en matière de représentations collectives sur l'ethnie. Depuis la période coloniale, nombreux sont les ethnologues et autres pseudo scientifiques qui ont cru déceler des caractéristiques physiques et culturelles spécifiques dans les deux principales ethnies du Burundi, véhiculant plus les idéologies raciales (voire racistes) alors en vogue en Occident vis à vis des peuples d'Afrique. Il suffit de lire les théories fallacieuses sur les peuples du Burundi et du Rwanda des plus célèbres d'entre eux, à l'instar de Mgr. J. GORJU64, le Père Bernard ZUURE65, Hans MAYER66, Pierre RYKMANS67 , ou encore E. SIMONS68 pour s'en convaincre définitivement. Défendant une approche dite évolutionniste dans leurs « analyses » des faits ethniques, ils avancent notamment que les clivages ethniques observés au Burundi et au Rwanda seraient un phénomène naturel et atavique, le fait de populations encore « sauvages », poursuivant leur évolution vers les sociétés civilisés...

    Les spéculations mentales de ces missionnaires et coloniaux convertis en ethnologues ayant été élevées au rang de théories scientifiques contribuèrent à cristalliser et à consolider les divisions ethniques qui déchirent la région des Grands Lacs aujourd'hui. Pourtant, c'est de ces mêmes lectures qu'est nourri le simple citoyen occidental lorsqu'il daigne s'intéresser à l'histoire et aux cultures des peuples des Grands Lacs.

    Il est ainsi clair que, à l'arrivée au Burundi, les cadres expatriés se font déjà une certaine idée du Burundi et de son peuple, de par les recherches documentaires qu'ils font obligatoirement avant de regagner leurs postes d'affectation, et les récits des collègues ayant déjà effectué des séjours plus ou moins prolongés dans ce pays. Une fois sur place, ils chercheront tout simplement à infirmer ou à confirmer leur « connaissances » sur le pays auprès de leur collègues Burundais. On comprend par là combien il est important pour les cadres Burundais d'être parmi les hommes de confiance du coordinateur expatrié car, de la peinture qu'ils lui feront de

    63 FERREOL Gilles et alii, Dictionnaire de sociologie, Armand Collin, Paris, 2004, 242 p.

    64 GORJU J., En zigzag à travers l'Urundi, Mission d'Afrique, Anvers, 1927 ; et Face au royaume hamite du Rwanda. Le royaume frère de l'Urundi, Vramart, Bruxelles, 1938

    65 ZUURE B, L'âme du Murundi, Gabriel Beauchesne et ses fils, Paris, MCMXXXII

    66 MAYER H., Les Barundi : Une étude ethnologique en Afrique orientale, (trad. de l'Allemand par Françoise Willmann : éd. Critique présentée et annotée par Jean Pierre CHRETIEN), Société française d'Histoire d'Outre-mer, Paris, 1984

    67 RYCKMANS P., Une page de l'histoire coloniale. L'occupation allemande dans l'Urundi, Bruxelles, 1953 ; et Dominer pour servir, Bruxelles, 1931

    la réalité locale dépendra la lecture qu'il en aura. Cela peut être déterminant dans l'orientation qu'il donnera à la gestion des ressources humaines.

    Plus concrètement, si cette peinture de la réalité locale est faite sur un fond ethnique en défaveur de telle ou telle autre ethnie, il faudrait qu'il soit solidement préparé, notamment sur le plan académique et de l'expérience du terrain, pour ne pas céder aux sentiments d'antipathie, de sympathie ou de compassion. Et si d'aventure, il lui arrivait de vivre des expériences malheureuses répétées, impliquant des personnes d'une certaine ethnie, cela ne pourrait que sceller définitivement le sens de son jugement.

    « [...] Au bout de trois ans ici, je n'arrive pas encore à distinguer qui est de telle ethnie ou de telle autre ». Cette déclaration constitue l'une des phrases que nous avons le plus entendues lors de nos entretiens avec les managers expatriés. En s'exprimant ainsi, nos interlocuteurs tentaient de nous démontrer à quel point ils ne veulent pas s'ingérer dans des problèmes exclusivement burundais. Pour eux, aller jusqu'à ignorer l'identité de leurs collaborateurs directs serait un gage de neutralité.

    Mais à travers cette déclaration, on perçoit distinctivement un refus de s'exprimer sur un sujet qu'ils disent pourtant considérer comme étant un non problème. Parfois, nous étions même confrontés à des résiliations de rendez-vous d'entretien, sous prétexte de manque de temps, dès que nos interlocuteurs prenaient connaissance du thème de notre recherche. Cette attitude que nous observions, jusque là, chez nos enquêtés Burundais, nous donnait de précieux indicateurs quant à la réelle perception que certains managers expatriés ont de la question ethnique dans la gestion des ressources humaines locales.

    Forts de toutes ces observations, nous pouvons avancer que les managers expatriés des ONG internationales opérant au Burundi, aussi bien ceux adoptant l'approche interculturelle que ceux invoquant le principe de non ingérence, jouent un rôle de premier plan dans le jeu de dupes qui met en scène, dans ces organisations, les différents groupes ethniques engagés dans la « lutte » pour la maîtrise des sources de richesse. Ils ont le beau rôle qui est celui d'arbitres, les uns en usant

    68 SIMONS E., « Coutumes et institutions des Barundi », in Bulletin des juridictions indigènes et du

    d'interventionnisme, pendant que les autres se mettent en retrait en faisant fi de ne pas voir les enjeux qui se jouent. Les premiers veulent imposer les équilibres tandis que les seconds favorisent (peut-être inconsciemment) le maintien des déséquilibres, préférant la sécurité du statu quo à l'imprévisibilité du changement.

    Dans le discours des deux catégories de managers, on perçoit un soupçon de paternalisme à l'égard de l'employé Burundais. Il est décrit comme étant très renfermé sur lui-même, caractérisé par la duplicité dans les relations interindividuelles. Il serait alors question que les responsables expatriés des ONG, auréolés de leur objectivité et de leur bon sens, amènent les employés locaux qui sont sous leur leadership, à plus d'ouverture sur le monde, à plus de tolérance, etc. Il ne semble pas leur venir à l'idée que parfois la mobilisation de l'ethnie par les locaux dans les relations professionnelles comme dans la vie de tous les jours, loin d'être un atavisme culturel, n'est qu'un instrument comme tant d'autres, de positionnement sur les différents échiquiers de la vie en société.

    En réalité, les expatriés sont parfois pris en otage par les cadres locaux. Pensant être au dessus de la mêlée, ils ne se rendent pas compte qu'ils constituent la pièce maîtresse dans le jeu auquel se livrent ces derniers. En effet, ayant réussi à s'ériger en « collaborateurs de confiance », les cadres locaux sont ceux qui manoeuvrent dans l'ombre, toujours prêt à donner des conseils avisés à la hiérarchie étant donné qu'ils maîtrisent mieux les éléments du contexte local. Ainsi, selon qu'ils sont « coopératifs », « joueurs » ou « irréductibles », en matière de gestion des ressources humaines, ils peuvent faire pencher la balance en influant sur les décisions de recrutement. Ils ne sont pas ceux qui décident, mais leur avis compte dans la décision finale. En fin de compte, qu'importe l'objectivité du choix opéré, à partir du moment où la décision finale est endossée par le responsable expatrié de l'ONG, elle jouit d'une neutralité indiscutable auprès de l'opinion et des bailleurs de fonds.

    On voit ainsi que, bon gré mal gré, les managers expatriés, de par les choix de
    gestion des ressources humaines opérés, contribuent à raffermir ou à réduire les
    conditions de relance du conflit en renforçant ou non, indirectement, le pouvoir

    droit coutumier congolais, Elisabethville, N° 7-12, 1943-1944

    économique de certains groupes plus que d'autres. Il faut cependant relativiser l'impact du phénomène qui ne s'observe peut-être qu'à un niveau microscopique d'un secteur parmi tant d'autres de la vie socio-économique du Burundi : le secteur des ONG internationales.

    IV-3- Les perspectives de la question ethnique dans le management des
    staffs locaux

    Pour endiguer les manifestations négatives de l'ethnicité, est-il possible de trouver une approche idéale de management des ressources humaines locales ? C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. En effet, nous avons vu que les comportements et les attitudes des employés locaux en la matière sont fluctuants en fonction des données du contexte ; c'est ainsi que nous avons parlé de comportements de situation.

    En réalité, il n'y a pas d'approche idéale ; confrontés aux problèmes d'ethnicité au sein du personnel, les managers qui réussissent le mieux sont ceux qui savent adapter leur politique aux exigences de l'environnement. Ils se doivent ainsi d'avoir à l'esprit deux éléments essentiels :

    Atteindre les objectifs des projets mis en oeuvre par les ONG ;

    Ne pas créer ou contribuer à créer les conditions de déclenchement ou de relance du conflit ethnique dans la société globale. Il peut sembler exagéré d'avancer que les politiques de gestion des ressources humaines appliquées dans quelques ONG internationales puisse avoir un quelconque impact sur le contexte socio-politique et économique d'un pays. Mais lors de la présentation des différentes approches, surtout celle du « Do No Harm », nous avons vu dans quelle mesure un tel scénario est envisageable.

    Il est alors question d'élaborer ponctuellement des stratégies flexibles aux moments les plus sensibles de la gestion du personnel. Dans le cas concrets des ONG internationales au Burundi, quelque soit l'approche préconisée, nous identifions les moments suivants comme étant sensibles lorsqu'ils sont mis en rapport avec la question de l'ethnicité :

    Le recrutement (dans toutes ses huit phases69)

    L'évaluation : c'est une étape d'une sensibilité extrême car d'elle dépendra l'évolution de la carrière de l'employé au sein de l'organisation ; des manoeuvres subjectives peuvent ainsi voir le jour en faveur ou en défaveur de certaines personnes.

    L'avancement (promotion)

    Les moments de conflit (cas des employés de type irréductibles évoqués dans le chapitre III)

    Etant donné que les employés locaux dans leur majorité accordent une certaine attention au facteur ethnique dans leurs relations interindividuelles, le manager de l'ONG ne peut pas complètement ignorer cette donne car elle est de nature à influer sur le rendement au travail. Tout en gardant sa supposée neutralité, il est possible qu'il définisse les processus et les procédures devant garantir l'équité en matière d'ethnicité dans la prise de décisions lors des moments sensibles que nous venons d'identifier ci-haut. Mais dans les faits, c'est la capacité du manager à faire une appréciation juste du contexte ou de l'environnement qui est déterminante dans la prise en compte ou non du facteur ethnique en matière de gestion des staffs locaux.

    Toutefois, si les ONG internationales inscrivent leurs projets humanitaires et de développement dans la dynamique et la logique de la construction d'une société multiethnique réconciliée avec son histoire, il semble inévitable de mettre un accent particulier sur le caractère multiethnique qui doit être inhérent à chaque équipe sur le terrain.

    Néanmoins, il ne suffit pas de construire une équipe multiethnique pour prétendre régler le problème ; encore faut-il savoir en gérer les soubresauts et les zones de turbulence. En effet, lorsque les membres d'une même équipe sont issus de plusieurs ethnies supposées être en situation de belligérance sur le plan politique, il est inévitable que des conflits interindividuels ou intergroupes naissent. Mais cela n'est pas une fatalité ; une équipe, aussi homogène soit-elle est forcement confrontée à des moments de crise et de conflits relationnels.

    69 Cf. Chapitre I, pages 35 et 36

    S'il est avéré que le conflit entraîne un certain nombre de désagréments pour les individus comme pour l'organisation, il est aussi de plus en plus admis que le conflit n'est pas forcement porteur d'éléments négatifs. Au contraire, il offre une lecture du changement ; il permet au manager de connaître les problèmes qui minent le staff et de les résoudre de la meilleure manière qui soit. Il met également en lumière les rapports de forces entre les acteurs (membres de l'équipe), les enjeux et les stratégies que les uns et les autres mettent en oeuvre.

    Les situations conflictuelles sont toujours instructives pour le manager. En effet, les stratégies déployées par les membres du staff donnent une idée du pouvoir réel dont ils disposent. A partir de ces données de base, il peut ainsi connaître les racines probables des dynamiques négatives ainsi que leur degré de nuisance.

    Ainsi, dès lors que le manager identifie le facteur ethnique comme étant l'une des clés du conflit, il lui appartient de savoir le comportement adéquat à adopter pour maintenir les membres de l'équipe orientés vers l'atteinte des objectifs. Il est vrai que cela est sensiblement plus facile à dire qu'à mettre en application. C'est alors en ce moment que le manager doit véritablement jouer l'un de ses rôles : effectuer des choix, « manipuler » les hommes dans le but des les amener à atteindre les objectifs désirés. C'est une gymnastique qui relève presque de l'art.

    Au-delà des ONG internationales, il est tout de même impératif que la réflexion sur la question ethnique dans le management des ressources humaines locales soit menée au niveau des instances étatiques compétentes. Si les managers de ces organisations ont tant de mal à définir des politiques qui conviennent au contexte particulier de l'après conflit ethnique, c'est également parce qu'il y a un vide juridique sur la question pour ce qui concerne les ONG internationales. Mais lorsque l'on sait à quel point l'ethnisme caractérise les acteurs politiques au Burundi, on se demande s'il serait pertinent, voire opportun d'attirer leur attention sur cette question. En effet, aux vues des antécédents, il est permis d'émettre de solides réserves quant à leur capacité à traiter ce genre de thématique de manière lucide, dépassionnée et avec recul.

    Conclusion

    Le management des ressources humaines locales des ONG internationales s'avère être un exercice extrêmement délicat dans le contexte du Burundi d'après-guerre civile. Les rapports entre les individus, dans la société globale, étant profondément marqués par l'ethnicité, ce scénario se reproduit au niveau restreint des ONG internationales, comme des autres types d'organisations. Le vécu des employés locaux dans leurs milieux de vie et dans leurs réseaux socio-ethniques transparaît dans les relations professionnelles sur leurs lieux de travail, ce qui constitue parfois une menace de taille pour l'atteinte des objectifs de ces organisations. Les managers de ces ONG, expatriés pour la plupart d'entre eux, adoptent alors différents modèles et approches dans la gestion des ressources humaines pour essayer de minimiser l'impact de l'ethnicité et des phénomènes induits sur le fonctionnement des organisations. Ces différentes approches peuvent être résumées en deux tendances.

    La première tendance est celle qui privilégie le pluralisme ethnique du personnel local comme une condition sine qua non pour garantir l'atteinte des objectifs des différents projets des ONG, et contribuer par là au processus de réconciliation nationale à travers l'acceptation mutuelle. Cette tendance se base sur le Do no Harm et le modèle de management interculturel. La deuxième tendance est celle qui met en avant le principe de non ingérence. Ici, le contenu donné à l'expression de « non ingérence » est celui de neutralité, comprise au sens d'abstention absolue de recourir à la notion d'ethnie dans la définition des politiques de gestion du personnel local ; la manipulation de cette variable est laissée à la seule responsabilité de l'Etat.

    Les deux tendances ont probablement leurs avantages selon le point de vue d'où l'on se place ; mais elles ont également leurs limites. Si la première a le mérite de démystifier l'ethnie, de garantir l'accès plus ou moins équitable au travail à toutes les composantes ethniques du pays et de diminuer le niveau de prégnance de cette variable dans les rapports de travail des employés locaux, il ne reste pas moins vrai que l'ethnicité s'y redéploie sous d'autres formes. Certains des membres des staffs locaux la manipulent de manière pragmatique à des fins purement utilitaires. C'est le cas de ceux des employés que nous avons appelé les joueurs. Par ailleurs, cette approche fait courir aux managers le risque d'être pris à partie par ceux qui sont déboutés par les mécanismes du système des quotas ethniques, un amalgame étant facilement fait entre ce système et une forme de discrimination.

    L'un des objectifs de cette approche est de changer le comportement ethnicisé de l'employé local de l'ONG international en un comportement universalisé. Mais celui-ci s'avère être un acteur libre, opportuniste, au comportement rationnel, même si cette rationalité est limitée comme le dit Crozier70. Son comportement est difficilement déterminé et déterminable. L'ethnicité se manifestant à l'occasion des situations d'interactions, c'est dans ces mêmes situations que s'exprime le pouvoir. Elle devient un outils à la disposition des employés locaux dans la détermination des relations de pouvoir, le but des uns et des autres n'étant pas nécessairement l'écrasement de l' « autre » en tant qu'individu, mais plutôt d'obtenir de lui un comportement dont dépend leur capacité d'agir.

    La deuxième tendance quant elle fait l'apologie d'une certaine neutralité dans l'appréhension du phénomène ethnique au sein des staffs locaux des ONG internationales. Elle ne s'occupe aucunement de modeler le comportement des employés locaux par rapport à l'ethnicité. Elle vise plus à protéger les responsables de ces organisations contre les aléas du contexte local au cas où la situation viendrait à se gripper sur le plan politico-ethnique. Ils sont alors assurés que leurs responsabilités ne seront pas mises en cause d'aucune façon que ce soit si par malheur les passions ethniques venaient à se déchaîner comme par le passé, étant donné qu'ils sont « neutres ».

    Leur gestion des ressources humaines locales ne met pas l'employé au centre comme acteur, mais plutôt comme facteur contribuant à l'atteinte des objectifs des projets initiés par l'ONG. Ainsi, ils ne se préoccupent pas du vécu historique des employés locaux, encore moins de leurs états d'âmes ou de leurs opinions partisanes. Cette approche s'inscrit dans la logique, aujourd'hui ancienne, de management des projets qui considère les activités des projets initiés dans un environnement donné comme étant indépendantes de celui-ci. Ici, la rubrique des hypothèses, c'est-à-dire les éléments du contexte pouvant agir de près ou de loin sur l'atteinte des résultat du projet est tout simplement inexistante dans la définition du cadre logique. Mais paradoxalement, en préconisant d'ignorer la variable ethnique comme étant la meilleure manière de ne pas bouleverser le fragile équilibre du contexte local, les ONG ayant adopté pour cette deuxième tendance sont celles qui sont les plus susceptibles d'agir sur ledit contexte. La non action des managers sur le phénomène ethnique qui se déploie, comme nous

    70 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhrad, L'Acteur et le système. Les contraintes de l'action collective, Paris, Seuil, 1977.

    l'avons vu, de manière souterraine dans les relations professionnelles, induit un activisme que nous qualifierions de « transparent » (car s'exprimant de manière invisible) de certains employés locaux, qui disposent alors d'un espace d'anomie où peuvent s'affronter librement leurs rationalités divergentes.

    De ce qui précède, on voit que les ONG internationales opérant au Burundi, comme toute autre organisation, ne sont nullement des entités entièrement réglées ou contrôlées. Quelque soit l'approche managériale adoptée, elles sont soumises en permanence aux aléas de l'imprévu découlant de la nature fondamentalement dynamique et mouvante des logiques et des personnalités des individus qui les composent. En fait, le seul point statique dans ces organisations, c'est la permanence de l'imprévu, surtout en matière de comportements humains. Les tentatives des managers pour cerner la complexité du contexte local dans sa dimension ethnique souffrent de leur grille de lecture réductrice de la réalité socio-politique du Burundi. En considérant l'ethnicité comme un donné fixe qu'on peut apprivoiser à l'aide de modèles et de méthodes qui se veulent indifféremment neutres, pragmatiques ou interculturels, ils semblent ignorer le caractère hautement aléatoire qui est, par nature, inhérent aux logiques des employés locaux, acteurs et vecteurs de ce donné. Il ne peut en effet exister de modèle ou de méthode généralisable car la nature même du phénomène ethnique est réfractaire à toute approche prescriptive. La variable ethnique est de l'ordre du mouvant ; de par cette propriété, elle se prête difficilement à la modélisation et aux préceptes.

    En fin de compte, le phénomène ethnique dans les ONG internationales opérant au Burundi s'avère être une réalité que les responsables de ces organisation doivent analyser attentivement dans la définition de leurs politiques de gestion des ressources humaines. L'impact que ce phénomène peut avoir sur la réalisation des activités des ONG et sur le contexte local semble être nié par beaucoup de managers qui le considèrent encore comme un phénomène marginal. Dans tous les cas, s'il y a une certitude qui se dégage de cette étude, c'est que pour la majorité des employés locaux, l'ethnicité n'est pas la Ressource absolue mais juste une ressource, parmi une multitude d'autres, au service des acteurs dans leur lutte pour le positionnement sur les échiquiers de la sphère sociale. La particularité de cette ressource par rapport aux autres réside uniquement dans le fait qu'elle se trouve à la portée de tous les acteurs qui peuvent la mobiliser ou non, selon que le besoin se présente, pour sauvegarder leurs intérêts ou en conquérir d'autres.

    Annexes

    Annexe 1 : Tableau 2 : Liste des ONG membres du RESO

    ONG

    Sigles

    1

    Agro Action Allemande

    AAA

    2

    Actionaid International Burundi

    AAI

    3

    Action Contre la Faim

    ACF

    4

    Africare

     

    5

    Association pour la Coopération et la Recherche pour le Développement

    ACORD

    6

    Association Française des Volontaires du Progrès

    AFVP

    7

    Association des Volontaires pour le Service International

    AVSI

    8

    Austrian Relief Program

    ARP

    9

    Avocats Sans Frontière

    ASF

    10

    Care Internationale

    CARE

    11

    Catholic Organisation for Relief and Development Aids

    CORDAID

    12

    Catholic Relief Services

    CRS

    13

    Christian Aid

     

    14

    Communita Impegno Servizio Volontariato

    CISV

    15

    Conseil Norvégien pour les Réfugiés

    CNR

    16

    Fondation Terre des Hommes

    Tdh

    17

    Global Rights-Burundi

    GR-Burundi

    18

    Groupe de Volontariat Civil

    GVC

    19

    Handicap International Belgique

    HIB

    20

    Handicap International France

    HI-F

    21

    Health-Net Transcultural Psychosocial Organisation

    HNI-TPO

    22

    International Medical Corps

    IMC

    23

    International Rescue Committee

    IRC

    24

    Institut Syndical pour la Coopération au Développement

    ISCOS

    25

    Lay Volunteers International Association

    LVIA

    26

    Oxfam-Québec

     

    27

    RCN Justice & Démocratie

    RCN

    28

    Search For Common Ground

    SFCG

    29

    Jesuit Refugees Service

    JRS

    30

    Solidarités

     

    31

    Tearfund

     

    32

    Volontari Italiani per la Solidarieta ai Paesi Emergenti

    VISPE

    33

    World Vision International-Burundi

    WVI

    Source: Le guide des organisations internationales membres et observateurs du RESO, 2005

    Annexe 2 : Tableau 3 : ONG internationales par province et par secteur

    d ' i ntervention71

    Province

    ONG présentes

    Secteurs d'activité

    1

    Bubanza

    ACF, AFVP, ARP, CARE, CORDAID, CRS, ISCOS, Tearfund, HNI-TPO

    Sécurité alimentaire

    Eau et assainissement

    Santé

    Protection et aide d'urgence

    Renforcement des capacité et micro-crédit

    2

    Bujumbura-Mairie

    ACORD, AVSI, ARP, CARE, Christian Aid, CNR, Tdh, GR- Burundi, GVC, HIB, HI-F, ISCOS, JRS, VISPE, HNI-TPO

    Sécurité alimentaire Assistance juridique Eau et assainissement

    Habitat/Réhabilitation des infrastructures Handicapés physiques

    Paix, Réconciliation et bonne gouvernance Plaidoyer et développement communautaire Renforcement des capacités et micro-crédit Santé

    Protection et aide d'urgence

    3

    Bujumbura-Rural

    GVC, ISCOS, IRC, JRS, Solidarités, WVI, HNI-TPO

    Eau et assainissement

    Renforcement des capacités et micro-crédit Santé

    4

    Bururi

    CORDAID, Solidarités

    Santé

    Renforcement des capacités et micro-crédit

    5

    Cankuzo

    ACORD, AFVP, CORDAID, CRS, ISCOS, Solidarités, WVI

    Sécurité alimentaire

    Eau et assainissement

    Renforcement des capacités et micro-crédits Santé

    6

    Cibitoke

    ACORD, ARP, CARE, CISV, LVIA, HNI-TPO

    Sécurité alimentaire

    Eau et assainissement

    Santé

    Plaidoyer et développement communautaire Protection et aide d'urgence

    Renforcement des capacités et micro-crédit

    7

    Gitega

    Africare, ACORD, ASF, CARE, Christian Aid, Tdh, HIB, HI-F, ISCOS, IMC, Solidarités, HNI- TPO, VISPE

    Santé

    Assistance juridique Eau et assainissement Handicapés physiques

    Paix, réconciliation et bonne gouvernance Plaidoyer et développement local

    Protection et aide d'urgence

    Renforcement des capacités et micro-crédit

    8

    Karuzi

    AAI, Africare, ACORD, AFVP, CISV, VISPE, WVI, HNI-TPO

    Plaidoyer et développement communautaire Paix, réconciliation et bonne gouvernance Habitat/réhabilitation des infrastructures Sécurité alimentaire

    Santé

    Renforcement des capacités et micro-crédit

    9

    Kayanza

    ACF, ACORD, AVSI, ISCOS, Tearfund

    Sécurité alimentaire et santé

    Renforcement des capacités et micro-crédit Protection et aide d'urgence

    Plaidoyer et développement communautaire Paix, réconciliation et bonne gouvernance Habitat/réhabilitation des infrastructures

    71 Une ONG peut intervenir dans une ou plusieurs provinces, tout comme elle peut intervenir dans plusieurs secteurs d'activités.

    10

    Kirundo

    AAA, AFVP, ARP, CARE, CRS, Christian Aid, Tdh, GVC, ISCOS, IMC, HNI-TPO, Tearfund

    Sécurité alimentaire

    Renforcement des capacités et micro-crédit Santé

    Protection et aide d'urgence

    Paix, réconciliation et bonne gouvernance Habitat/réhabilitation des infrastructures

    11

    Makamba

    CORDAID, CISV, CNR, HIB, ISCOS, IRC, Tearfund

    Sécurité alimentaire

    Renforcement des capacités et micro-crédit Santé

    Handicapés physiques Protection et aide d'urgence Environnement

    Eau et assainissement Habitat/réhabilitation des infrastructures

    12

    Muramvya

    ISCOS, Solidarités, IMC

    Sécurité alimentaire

    Renforcement des capacités et micro-crédit Santé

    Environnement

    Eau et assainissement

    13

    Muyinga

    AAA, ARP, CARE, CNR, Tdh, HIB, ISCOS, IMC, IRC, Oxfam- Québec, JRS, WVI, HNI-TPO

    Sécurité alimentaire

    Renforcement des capacités et micro-crédit Santé

    Handicapés physiques

    Protection et aide d'urgence

    Plaidoyer et développement communautaire Paix, réconciliation et bonne gouvernance Habitat/réhabilitation des infrastructures

    14

    Mwaro

    AFVP, CNR, HIB, ISCOS, IRC, Tearfund

    Sécurité alimentaire

    Renforcement des capacités et micro-crédit Santé

    Protection et aide d'urgence

    15

    Ngozi

    ACF, ASF, CARE, CISV, Tdh, GR-Burundi, HI-F, ISCOS

    Sécurité alimentaire

    Assistance juridique

    Renforcement des capacités et micro-crédit Santé

    Protection et aide d'urgence

    Environnement

    Habitat/réhabilitation des infrastructures

    16

    Rutana

    AAI, CNR, ISCOS, IMC, LVIA, IRC

    Eau et assainissement

    Renforcement des capacités et micro-crédit Santé

    Protection et aide d'urgence

    Plaidoyer et développement communautaire Paix, réconciliation et bonne gouvernance Habitat/réhabilitation des infrastructures

    17

    Ruyigi

    ACF, AAI, AFVP, CRS, ISCOS, IRC, LVIA

    Sécurité alimentaire

    Renforcement des capacités et micro-crédit Santé

    Eau et assainissement

    Protection et aide d'urgence

    Plaidoyer et développement communautaire Paix, réconciliation et bonne gouvernance Habitat/réhabilitation des infrastructures

    Source : Le guide des organisations internationales membres et observateurs du RESO, 2005

    Annexe 3 : GUIDE D'ENTRETIEN

    A. GUIDE D'ENTRETIEN DESTINE AUX SALARIES Identification

    Nom* : Prénom* :

    Année d'entrée dans l'ONG :

    Fonction : * facultatif

     

    Questions

    1. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à postuler à un poste au sein de l'ONG ?

    2. Comment jugez-vous vos relations avec vos collègues ? Conflictuelles ? Impersonnelles ? Amicales ? Quelle en est la cause ?

    3. Entretenez-vous spontanément des rapports amicaux avec des collègues qui ne sont pas de la même ascendance ethnique que vous ? Pourquoi ?

    4. Apprécieriez-vous de travailler en équipe avec des collègues qui ne sont pas de la même ethnie que vous ? Pourquoi ?

    5. Avez-vous l'impression que votre emploi est menacé ? Ou y a-t-il un climat de concurrence au sein du personnel salarié ?

    6. Avez-vous déjà eu un conflit avec un collègue ? Si oui, comment vous en êtes-vous pris pour le résoudre ?

    7. En cas de conflit avec un collègue, est-ce que les mécanismes de résolution seraient différents selon qu'il est de votre ethnie ou non ? Pourquoi ?

    8. Comment jugez-vous vos relations avec votre hiérarchie ? Quelle en est la cause ?

    9. Etes-vous satisfait de la conduite du dialogue social ? Si non comment l'améliorer ?

    10. Avez-vous déjà eu un conflit avec votre hiérarchie ? Si oui, quelle en était la cause ?

    11. Auriez vous une appréhension à avoir un supérieur hiérarchique qui n'est pas de votre ethnie ? Pourquoi ?

    12. Comment trouvez-vous le climat social ?

    13. Quelles rapports entretenez-vous avec ceux qui vous représentent (délégués du personnel et délégués syndicaux) ? Conflictuels ? Impersonnels ? Amicaux ? concurrentiels ?

    14. L'appartenance ethnique des représentants a-t-elle une influence sur la nature de ces rapports ?

    15. Avez-vous participé à l'élection des délégués du personnel ? Pourquoi ?

    16. Quels sont les critères qui ont présidé à votre choix pendant l'élection des délégués du personnel ?

    B. GUIDE D'ENTRETIEN DESTINE AUX REPRESENTANTS DU PERSONNEL Identification

    Nom *: Prénom *:

    Année d'entrée dans l'ONG :

    Fonction :

     

    Questions

    1. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à postuler à un poste au sein de l'ONG ?

    2. Comment jugez-vous vos relations avec le staff dirigeant ? Quelle en est la cause ?

    3. Etes-vous satisfait de la conduite du dialogue social ? Si non comment l'améliorer ?

    4. Lorsqu'un membre du personnel vous soumet un problème, estimez-vous son importance indépendamment de la personne ?

    5. Y a-t-il déjà eu un conflit à coloration ethnique dans l'ONG ? Si oui, comment a-t-il été résolu ?

    6. En cas de conflit de personnes, y a-t-il une dichotomie d'opinion au sein du personnel selon l'appartenance ethnique des protagonistes ?

    7. De manière générale êtes-vous satisfaits de la manière dont les conflits sont résolus au sein de votre service ? Au sein de l'ONG ? Pourquoi ? Si non, comment y remédier ?

    8. Comment trouvez-vous le climat social ?

    9. Votre hiérarchie est-elle à votre écoute si vous lui soumettez un problème ? En êtes- vous satisfait ? Pourquoi ?

    10. Êtes-vous satisfaits de la manière dont se déroule le recrutement, la promotion et l'accès aux formations et aux autres avantages? Pourquoi ?

    11. A votre avis l'employeur respecte-t-il globalement ses engagements consignés dans le pacte social ?

    C. GUIDE D'ENTRETIEN DESTINE AUX CADRES LOCAUX

    Identification

    Nom* : Prénom* :

    Année d'entrée dans l'ONG :

    Fonction :

    Questions

    1. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à postuler à un poste au sein de l'ONG ?

    2. Comment trouvez-vous le climat social au sein de l'ONG?

    3. Avez-vous l'impression que votre poste correspond à vos qualifications ? Pourquoi ?

    4. Etes-vous satisfaits de votre position dans l'ONG ?

    5. Quelles sont vos ambitions en matière d'évolution de carrière.

    6. Quelles sont les stratégies personnelles que vous développez en vue d'une bonne évolution de votre carrière ?

    7. Comment jugez-vous les relations avec vos collègues ? Conflictuelles ? Concurrentielles ? Impersonnelles ? Amicales ? Quelle en est la cause ?

    8. Pensez-vous que l'ONG internationale, au même titre que les entreprise publiques doit, en plus des compétences professionnelles, tenir compte des identités ethno-régionales au niveau des ressources humaines locales? Pourquoi ?

    9. Pensez-vous que le contexte socio-politique marqué par l'ethnicité a une influence sur la nature des rapports que vous entretenez avec vos collègues ?

    10. Avez-vous déjà eu un conflit avec un collègue ? Si oui, comment vous en êtes-vous pris pour le résoudre ?

    11. En cas de conflit avec un collègue, est-ce que les mécanismes de résolution diffèrent selon qu'il est de votre ethnie ou non ? Pourquoi ?

    D. GUIDE D'ENTRETIEN DESTINE AUX COORDONNATEURS

    Identification

    Nom* : Prénom* :

    Année d'entrée dans l'ONG :

    Fonction :

     

    Questions

    1. Quels sont les critères de sélection des candidats lors du recrutement ?

    2. Considérez-vous qu'il y ait des qualités professionnelles particulières liées à telle ou telle autre ethnie ? Pourquoi ?

    3. Comment se passe la mobilité interne pour les cadres administratifs ? pour les autres salariés ?

    4. A compétences égales entre deux candidats d'ethnies différentes, quel devient le critère déterminant pour le recrutement ? pour la promotion ? pour l'accès aux formations ?

    5. Compte tenue du contexte socio-politique dans lequel s'inscrit l'action de votre ONG, sentez vous une nécessité de respecter les équilibres ethnique et régionale du Burundi, lors du recrutement, de la promotion des salariés, de l'envoie en formation ou de l'octroie d'autres avantages ?

    6. Subissez-vous des pressions à caractère ethnique de la part de l'environnement interne et externe de nature à influencer votre choix lors du recrutement ou de la promotion de poste ?

    7. Avez-vous l'impression qu'il y a une instrumentalisation de l'ethnie de la part des salariés ordinaires et des cadres administratifs locaux dans leurs relations professionnelles ? Si oui comment ?

    Bibliographie

    Ouvrages

    Ouvrages généraux

    DURKHEIM, E., Les règles de la méthode sociologique, PUF, 10ème édition, Paris, 1999 ELIAS, N., Engagement et distanciation, Fayard, Paris, 1993

    FERREOL, G., et alii, Dictionnaire de sociologie, Armand Colin, 3ème édition, Paris, 2004

    OLI VER de SARDAN, J.-P., Anthropologie et développement : essai en socioanthropologie du changement social, Karthala et APAD, Paris - Marseille, 1995.

    ROCHER, G., Introduction à la sociologie générale T.3 : le changement social, Éditions HMH, 1972

    WEBER, M., Économie et société, Agora, T.2, Paris, 1995

    Ouvrages spécialisés

    ADLER, International Dimensions of Organizational Behavior, PWS-Kent, Boston, 1991

    BARREAU, J., Quelle démocratie sociale dans le monde du travail ? Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2003

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    CROZIER, M. et E. FRIEDBERG, L'Acteur et le Système, Seuil, Paris, 1977

    DU BAR, C., La socialisation : Construction des identités sociales et professionnelles, Armand Colin, Paris, 1998.

    GORJU, J., En zigzag à travers l'Urundi, Mission d'Afrique, Anvers, 1927

    GORJU, J., Face au royaume hamite du Rwanda. Le royaume frère de l'Urundi, Vramart, Bruxelles, 1938

    GUICHAOUA, A., Les crises politiques au Burundi et au Rwanda, Karthala, Lille, 1995 HARRIS et MORAN, Managing cultural difference, Gulf Publishing, Houston, 1993

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    HOFSTEDE, Culture's Consequences: Comparing Values, Behaviors, Institutions and Organizations Across Nations, Sage Publications, London, 2001

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    KAMTO, M., L'urgence de la pensée, Mandara, Yaoundé, 1993

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    Mémoires et travaux universitaires

    AUNDU MATSANZA, Taxinomie critique des paradigmes de l'ethnicité, Université Libre de Bruxelles

    NDJIP D., O., Insertion en emploi de diplômés universitaires : représentations du travail et stratégies préconisées de finissantes et finissants. Mémoire de maîtrise présenté à la faculté d'éducation, Université de Sherbrooke, Canada, 2001

    NKAKLEU, R., Le mélange des ethnies dans le PME camerounaise : émergence d'un modèle d'organisation du travail, Strasbourg I, travail de recherche, 2001.

    KAMDEM, E. et FOUDA ONGODO, M., Faits et méfaits de l'ethnicité dans les pratiques managériales au Cameroun, Colloque du Réseau de Recherche en Sciences de Gestion de l'Agence Universitaire Francophone, Beyrouth, 28 et 29 octobre 2004.

    ELA, J-M., Les sciences sociales à l'épreuve de l'Afrique : les enjeux épistémologiques de la mondialisation, Communication Assemblée Générale du CODESRIA, Dakar.

    Autres documents

    Ministère des relations extérieures et de la coopération, « Guide des ONG internationales au Burundi », Bujumbura, 2000

    UNESCO, « Cameroun : Études sur l'enseignement et la formation », vol. 2, Paris, 1985

    Cabinet DCBC-Sarl, « Consultation et Gestion du Changement », Module de formation MBA, CESAC, Dakar, 2004

    Cabinet DCBC-Sarl, « Les huit étapes du recrutement », Module de formation






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle