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L'identité de la démocratie américaine

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par Catherine MARAS
UPMF Grenoble - Master 1 philosophie 2005
  

Disponible en mode multipage

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Catherine Maras

L'IDENTITÉ

DE LA

DÉMOCRATIE

AMÉRICAINE

Sous la direction de M. Thierry Ménissier

Soutenu en présence de M. Jean Yves Goffi

Département de philosophie

UFR de science humaine. Université Pierre Mendès France II

Catherine Maras

L'IDENTITÉ

DE LA

DÉMOCRATIE

AMÉRICAINE

Sous la direction de M. Thierry Ménissier

Soutenu en présence de M. Jean Yves Goffi

Département de philosophie

UFR de science humaine. Université Pierre Mendès France II

I- MOTIVATION

Pourquoi avoir choisi d'intituler mon projet de recherche, l'identité de la démocratie américaine ?

Si j'ai choisi d'étudier la démocratie des Etats-Unis et pas d'un autre pays, ce que j'aurais très bien pu faire puisque la notion de démocratie pose déjà en soi un problème philosophique, c'est parce j'ai voulu comprendre pourquoi cette démocratie est sujette à tant de controverses, notamment depuis la fin du siècle dernier. La démocratie américaine est un sujet qui est beaucoup discuté, soumise à de nombreuses critiques, négatives comme positives, émanant de professionnels comme des journalistes, des politiciens, des historiens, des chercheurs, des philosophes ou encore des non- professionnels, comme des citoyens américains, européens, arabes, etc. En bref, la démocratie américaine est un sujet traité, discuté, jugé, par tous ceux qui sont touchés de près ou de loin par la politique américaine, l'économie américaine, le modèle américain ; autrement dit presque toute la planète puisque avec la mondialisation, l'ouverture des marchés, la libéralisation des échanges, presque tous les pays ont été touchés par l'American Way of Life, c'est-à-dire par le mode de vie américain (MC Donald's, Coca Cola, CNN, etc.)

Mais tous ont une vision différente de la démocratie américaine. Il y a me semble t-il, ceux qui contestent radicalement le modèle américain, et ceux qui l'admirent aveuglement. Autrement dit, il y a ceux pour qui, l'Amérique n'est pas une démocratie et d'autres au contraire qui pensent que c'est la plus grande démocratie du monde. Ces deux positions renvoient respectivement à l'antiaméricanisme et au proaméricanisme. Les arguments de chacun sont a posteriori insuffisants, trop partisans pour pouvoir dégager la vérité, recelant une absence de fondement objective. Commençons par l'argument critique d'un philosophe américain, Noam Chomsky, à travers son entretien, Pouvoir et terreur, il est l'un des rares intellectuels américains portant un regard critique sur sa société, les pouvoirs qui la régissent et l'arrière-plan culturel dont ils tirent leur légitimité. Dans cet entretien, Chomsky replace l'attaque terroriste dans le contexte des interventions américaines depuis 1945 au Vietnam, en Amérique centrale, au Moyen Orient, et ailleurs. Le terrorisme, c'est l'exercice dit-il, de la violence contre les populations civiles, qu'elle vienne des organisations extrémistes islamiques ou de l'Etat le plus puissant du monde comme les Etats-Unis. Chomsky est assez convainquant parce qu'il semble maîtriser l'histoire des Etats-Unis, convainquant surtout parce que c'est l'avis d'un intellectuel américain, il semble mieux placé qu'un français pour parler de son régime démocratique ! Pourtant, son analyse est « arrêtée dans le temps » dira Todd, dans son ouvrage intitulé : Après l'Empire, parce que Chomsky compare les Etats-Unis d'aujourd'hui avec la guerre en Irak, aux Etats-Unis des années 60, avec la guerre du Vietnam. Pour Chomsky, l'Amérique a depuis la guerre du Vietnam été mauvaise et toute puissante ; or pour Todd, il faut prendre en compte que les choses ont évolué, que l'Amérique est certes mauvaise mais elle n'est plus toute puissante comme elle l'a été autrefois après la Seconde Guerre Mondiale. Pour Todd, on surestimerait la puissance des Etats-Unis. Depuis quelques années, il soutient l'idée d'un déclin irréversible de « l'empire américain ». Pour lui, la crise irakienne s'inscrit dans ce mouvement. Les Etats-Unis, affirme Emmanuel Todd, n'auraient pas les moyens, notamment financiers, de leurs ambitions, ils seraient même totalement dépendant économiquement. 

« Le pouvoir de contrainte militaire et économique [des Etats-Unis], écrit Todd, est insuffisante pour maintenir le niveau actif d'exploitation de la planète, son universalisme idéologique est en déclin et ne lui permet pas de traiter les hommes et les peuples de façon égalitaire, pour leur assurer la paix et la prospérité autant que pour les exploiter »1(*).

Autrement dit, de protecteur du «Monde libre», les Etats-Unis seraient devenus un « prédateur ». L'objectif des Etats-Unis, ne serait plus effectivement de défendre la démocratie libérale, mais de contrôler politiquement les ressources mondiales. Ce qui constitue un objectif inaccessible parce que démesuré : la Russie, l'Europe et le Japon sans compter la Chine et l'Asie sont des obstacles insurmontables avec lesquels il faut désormais négocier et le plus souvent plier. D'après Todd, les Etats-Unis ne peuvent rester qu'un centre symbolique du monde. « L'empire américain », s'achemine donc vers une décomposition inévitable. Ce n'est pas l'avis d'André Kaspi ou encore de Jean-François Revel. Ainsi dans l'Obsession anti-américaine, Revel y dénonce une tendance répandue de dénigrement gratuit des Etats-Unis, en particulier de la part des Européens et des Français, tout en tentant une explication du phénomène. Ce livre est donc en quelque sorte un argumentaire très complet contre les mille mauvaises raisons de détester les Etats-Unis, leur politique, leur façon de vivre, leur richesse et leur unilatéralisme. Selon Revel, l'Amérique, contrairement à Todd, est toute puissante, tant au niveau économique, technologique, militaire que culturel ; « "l'hyperpuissance" américaine actuelle, écrit-il, n'est que la conséquence directe de l'impuissance européenne ancienne contemporaine »2(*). Cette puissance est souvent contestée par les Européens, Revel constatera que les Français parlent des Etats-Unis rarement avec sérénité. Tout de suite la passion s'en mêle : on schématise, on caricature, on tombe dans le manichéisme. La description qu'Emmanuel Todd fait par exemple de l'après-11 septembre, n'apporterait pour Revel rien de nouveau, elle ne fait que prolonger une vieille attitude européenne selon laquelle ce sont toujours des Etats-Unis que vient le danger. Certes, écrit Revel, la société américaine, comme beaucoup de sociétés démocratiques, a beaucoup de défauts et elle mérite de nombreuses critiques. Mais pourvu que « ces critiques fussent justifiées et que ces défauts fussent les vrais défauts ». Pour André Kaspi, s'il y a tant de critiques injustifiées, c'est parce que l'hégémonie américaine suscite « la jalousie, l'hostilité même si bien des Etats en tirent parti »3(*), mais c'est aussi parce que ceux qui critiquent sont ignorants. Leurs critiques reposent en règle générale sur des clichés, celui en particulier de l'Américain obèse, infantile, impérialiste et dépourvu de culture, étant entendu que les Français sont les seuls à être vraiment cultivés, comme en témoigne sa télévision, ses loft story et ses star academy !

Cette polémique au sujet du modèle américain, et plus particulièrement sur la politique américaine actuelle, suffit pour s'apercevoir déjà qu'il existe de grandes divergences d'opinions, qu'il n'y a pas une opinion occidentale ou américaine unique et unilatérale sur la question de la démocratie américaine. Ces différentes positions concernant les Etats-Unis sont intéressantes, parce que chacune d'elles reflète un aspect différent, notamment en ce qui concerne la politique américaine. Mais aucune d'elles n'est réellement satisfaisante prise isolément, les analyses ne sont pas toujours convaincantes, l'opinion subjective est parfois trop omniprésente. Revel par exemple utilise les mêmes armes que les antiaméricains, au détriment de la quête d'objectivité et de la solidité du propos. Pire, si pour les antiaméricains tout ce qui vise les Etats-Unis est forcément négatif, pour Revel toute critique des Etats-Unis est nécessairement antiaméricaine, autrement dit l'analyse avant même qu'elle se déploie en est empêchée. L'analyse de Todd par exemple, soulève quelques contradictions comme par exemple lorsqu'il écrit « l'Amérique se refuse à régler la question israélo-palestinienne, alors qu'elle en a le pouvoir absolu »4(*), il reproche en quelque sorte à l'Amérique son inaction, son isolationnisme, il blâme autrement dit l'Amérique d'être égocentrique, de ne se préoccuper que de ses propres intérêts nationaux, mais de l'autre côté il blâme l'Amérique pour ce qu'elle fait, son interventionnisme en Irak. Ou encore, il écrit que l'économie américaine est en déclin, alors que les chiffres de l'OCDE indiquent que l'économie américaine a augmenté de plus d'un tiers (34,2 %) en moins d'une décennie, de 1992 à 2001 (presque le double de la croissance de l'Union européenne et plus du triple de celle du Japon pendant la même période). La liste d'erreur qui jalonne l'ouvrage de Todd est longue.

Les clichés sur l'Amérique, qu'ils soient positifs ou négatifs, appauvrissent notre compréhension de la démocratie américaine. Mon objectif est donc de sortir de ces clichés, afin d'offrir une analyse lucide sur la question de l'identité de la démocratie américaine.

II- ETAT DE LA QUESTION

L'analyse entreprise par Ackerman, professeur de droit et de science politique à Yale, sur le système politique des Etats-Unis, est intéressante pour comprendre les fondements de la démocratie américaine.

Ainsi selon Ackerman, il y a dans les institutions américaines quelques particularités par rapport aux institutions des autres pays démocratiques. Par exemple, le fait que le peuple américain ait pu traverser deux siècles en conservant la même Constitution, tandis que le peuple français en usait dans le même temps quinze ; ou encore le fait que cette Constitution divise les pouvoirs et institutionnalise un mécanisme de check and balances5(*), grâce auquel le peuple est représenté par le Président, par le Sénat, par la Chambre des représentants, et par la Cour suprême ; le fait que la Cour suprême ait un poids important dans les affaires du peuple, alors que les juges de la Cour suprême ne sont pas élus par le peuple ; le fait enfin que le peuple américain se réserve la possibilité d'intervenir par lui-même et en dehors de ses représentants, à l'occasion de certains épisodes majeurs, pour « dicter sa loi délibérée et son jugement bien pesé en matière de droit et de définition du contenu du pacte social ». Si les fondements de la démocratie américaine sont donc si particuliers, c'est parce que les institutions américaines ont développé une voie originale : celle du dualisme.

Le modèle dualiste ne correspond ni à la conception moniste, propre aux pays britanniques par exemple, ni à la conception fondationnaliste que prône l'Allemagne par exemple. En effet, ces deux conceptions ne correspondent pas à la réalité de l'histoire constitutionnelle américaine.

La conception moniste est celle qui  attribue aux élus du peuple le pouvoir absolu de le représenter, de pouvoir faire la loi et de la défaire. Or contrairement à cette conception, le système constitutionnel américain permet de conserver le principe d'une suprématie absolue de la volonté populaire étant donné que « le Président, le Sénat, et la Chambre ne sont que des tenant-lieu d'un peuple absent ; aucune de ces instances ne devrait pouvoir prétendre qu'elle parle et agit au nom du peuple lui-même »6(*). Autrement dit, les représentants ne peuvent selon Ackerman, être le peuple lui-même, ni agir et parler en son nom, alors qu'en France, nous avons l'habitude de dire que la Souveraineté nationale s'exprime dans la loi votée par le Parlement parce que les représentants du Peuple sont le Peuple lui-même. Par ce geste, écrit Ackerman, nous effaçons l'idée même de représentation. Au contraire, les Américains pensent que la place du peuple est inassignable dans telle ou telle institution, car il est dans le Président, dans le Sénat, dans la Chambre des représentants, dans la Cour suprême. Ce n'est pas parce que certains hommes politiques ont été élus, qu'ils sont le peuple (We the People...) et que la souveraineté qu'ils détiennent pour parler en son nom est illimitée. Certes, de nombreux citoyens américains préfèrent leur existence privée à leur vertu de citoyens politiques. Il y aurait aux Etats-Unis des périodes de politique ordinaire, où le peuple peu mobilisé par les affaires publiques laisse les élus et les forces politiques aux prises avec eux-mêmes et avec les intérêts privés ou publics. Mais même pendant ces moments de politique ordinaire, aucun organe seul ne peut représenter ou parler au nom du peuple. Le pouvoir de faire la loi nécessite en effet la coopération de trois instances élues selon des modes différents. Ainsi,  « la Chambre représente le peuple d'une certaine manière, par le biais du suffrage direct de l'ensemble des citoyens ; le Sénat représente le peuple d'une autre manière, en donnant aux législatures des Etats le pouvoir d'en choisir les membres, la présidence représente le peuple d'une autre manière encore par le biais du collège électoral »7(*). Mais même quand ces instances parviennent à un accord, la Cour suprême vérifie la conformité de la loi votée avec la lettre de la Constitution, elle est alors auxiliaire du peuple dans la préservation de ses droits, contre toute atteinte à ses prérogatives par les élus et la loi qu'ils votent. Aussi, si la Cour juge que « ces politiciens/homme d'Etat ont outrepassé leur manda, loin de desservir la cause de la démocratie, elle la sert tout au contraire en montrant que nos représentants sont de simples tenant-lieu du peuple, et que leur parole ne doit pas être confondue avec le jugement collectif du peuple lui-même »8(*). Autrement dit, la Cour Suprême des Etats-Unis a autant de légitimité que le Sénat ou la Chambre des représentants car elle exerce une fonction conservatrice des principes constitutionnels acquis ; sans la Cour Suprême la volonté populaire s'éroderait, écrit Spitz, entre les mains des gouvernants.

Quant à la conception fondationnaliste, elle défend à l'opposé une limitation du pouvoir des représentants du peuple; elle considère qu'il est nécessaire de protéger, contre toute atteinte par le pouvoir politique, un certain nombre de droits fondamentaux, le plus souvent inscrits dans la Constitution ou dans la déclaration des droits qui leur sont annexés. Certes, les partisans de cette conception ont sans doute raison, écrit Ackerman, de souligner que le gouvernement doit protéger les droits fondamentaux contre les changements politiques au jour le jour, mais il y a certaines circonstances majeures, où l'intervention directe du peuple s'impose dans le débat politique de façon réfléchie. Ackerman en discerne trois aux Etats-Unis : le moment de la Fondation entre 1776 et 1787, par lequel le peuple américain a codifié la défaite infligée par la génération républicaine à la monarchie, au nom de l'auto-gouvernement; le moment de la Reconstruction républicaine autour des années 1860 par lequel le peuple a codifié, à la suite de la guerre civile, les amendements qui ont aboli l'esclavage et ouvert un nouvel âge de l'égalité; et enfin le moment du New Deal entre 1933 et 1937 par lequel le peuple a ouvert de nouvelles voies au big government, notamment en matière économique et sociale. Ainsi, le peuple peut abroger des lois permettant l'adoption d'amendements constitutionnelles, parce qu'« en Amérique contrairement à l'Allemagne, c'est le peuple qui est la source du droit »9(*) d'où le fait que les représentants élus doivent respecter les droits des individus.

Bien que cette analyse, faite par Ackerman, sur la politique américaine nous fait comprendre l'originalité des fondements de la démocratie américaine, cette analyse du système politique américain demeurera toutefois incomplète car elle se limite à une investigation profonde et détaillée des institutions ; or pour comprendre l'identité de la démocratie américaine, il faut certes analyser les institutions américaines, mais aussi la vie politique et culturelle qu'elles encadrent.

III- PROBLEME

Du grec demockratia, de demos (« le peuple ») et kratein (« commander »), on désigne littéralement par démocratie : le gouvernement du peuple. La démocratie est donc d'abord une forme de gouvernement. En ce qui concerne les Etats-Unis, il s'agit d'un gouvernement représentatif, où la volonté des citoyens s'exprime par la médiation de représentants élus par le peuple ; contrairement à Athènes, où les citoyens décidaient eux-mêmes des lois et prenaient les décisions au sein de l'Assemblée en votant à la majorité. Mais la représentativité, n'est-elle pas contraire à la démocratie ? Pour Rousseau, elle l'est assurément. La volonté des citoyens ne peut être représentée, car selon les termes de Rousseau, la souveraineté (c'est-à-dire la volonté générale) est « inaliénable », elle ne peut autrement dit se déléguer. Déléguer sa souveraineté serait, aliéner sa liberté. Ainsi, même si je peux donner mandat à quelqu'un pour exécuter une action, je ne peux lui donner mandat pour vouloir à ma place ; c'est pourquoi selon Rousseau le gouvernement ne peut qu'agir et exécuter les lois votées par la puissance législative qui émane du peuple rassemblé, il ne peut être supérieur au peuple en corps. «  Par la même raison que la souveraineté est inaliénable, elle est indivisible. Car la volonté est générale, ou elle ne l'est pas ; elle est celle du corps du peuple, ou seulement d'une partie »10(*). Autrement dit en donnant tout le pouvoir au peuple, Rousseau rejette la séparation des pouvoirs, le pouvoir souverain ne peut être exercé que par le peuple assemblé. Mais un tel gouvernement peut-il exister ? Le peuple, est-il capable de se gouverner lui-même ? Rousseau reconnaît qu'il n'a jamais existé de véritable démocratie, et il n'en existera jamais. Il est contre l'ordre naturel que le grand nombre gouverne, dit-il, et que le petit soit gouverné. On ne peut imaginer que le peuple reste incessamment assemblé pour vaquer aux affaires publiques (...) »11(*). Dès lors, si les hommes aiment vaquer à leur occupation privée, ne faudrait-il pas confier la gestion des affaires aux représentants ? La représentativité selon Montesquieu, contrairement à Rousseau et à la politique antique, est nécessaire car « comme, dans un Etat libre tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même, il faudrait que le peuple en corps eût la puissance législative : mais comme cela est impossible dans les grands Etats, et est sujet à beaucoup d'inconvénients dans les petits, il faut que le peuple fasse, par ses représentants tout ce qu'il ne peut faire par lui-même »12(*). En effet, plus un Etat est grand et plus les avis ont des chances d'être divergents, le peuple ne peut être assemblé physiquement dans son ensemble ; c'est pourquoi, non seulement la représentation politique devient nécessaire, mais elle est aussi indissociable d'une séparation des pouvoirs et d'un partage de la souveraineté. Aussi, si la division des trois grandes puissances de l'Etat (législatif, exécutif et judicaire) est primordiale selon Montesquieu, c'est parce que la concentration de tous les pouvoirs entre les mêmes mains ne peut conduire qu'au despotisme. Chaque type de gouvernement selon Montesquieu, a sa propre nature et ses propres principes. Ainsi le gouvernement démocratique, a une nature différente du gouvernement monarchique. Dans la monarchie, le monarque est le seul souverain, alors que dans la démocratie, le souverain, c'est l'ensemble des citoyens. La corruption peut apparaître selon Montesquieu dans chacun de ces gouvernements ; la corruption d'un gouvernement, c'est le processus par lequel le gouvernement perd son principe (le principe de la démocratie par exemple étant la vertu) et transforme par conséquent sa « nature ». La situation la plus catastrophique selon Montesquieu serait qu'un gouvernement modéré, aristocratique par exemple, bascule en gouvernement despotique. Dans un tel gouvernement, contrairement à la république ou à la monarchie, il n'y a ni loi ni règle, le gouvernement despotique repose sur un pouvoir arbitraire et donc dangereux pour la liberté des individus. Pour éviter qu'une telle corruption se produise, la solution serait de diviser les pouvoirs. Ce principe de division des pouvoirs, que théorise Montesquieu dans l'Eprit des lois, a énormément influencé le droit constitutionnel américain. Aujourd'hui ce principe constituerait selon Ackerman, l'un des fondements de la démocratie américaine. Mais pour se prémunir d'une éventuelle corruption, la démocratie américaine, prévoit aussi comme dans toutes démocraties représentatives, des élections à échéances régulières afin de limiter l'autonomie des élus. En effet, si dans un régime démocratique, les représentants n'héritent pas de leur charge, mais sont élus au terme d'une procédure élective par le peuple ; ce n'est pas pour autant qu'ils détiennent définitivement leur fonction13(*). En d'autres termes, dans une démocratie représentative il est nécessaire de mettre en place un système de contrepoids : la limitation du mandat, la séparation des pouvoir en sont des exemples14(*).

Par ailleurs, comme toutes les démocraties modernes, la démocratie américaine suppose la liberté et l'égalité des citoyens. Mais de quel type de liberté et d'égalité se prévalent les Américains ? Il existe une pluralité d'acceptations pour les mots «  liberté » et « égalité », mais quel type de liberté garantit l'Etat démocratique américain à ses citoyens ? Si l'on observe l'ensemble des amendements, Bill of Rights, qui est l'un des textes les plus sacrés de la nation américaine ( le premier amendement interdit explicitement au Congrès de faire des lois en matière de liberté religieuse, de parole, de presse, de réunion ; le deuxième amendement reconnaît aux citoyens le droit de détenir et de porter des armes ; le quatrième garantit les citoyens « dans leur personne, leur domicile, leurs papiers et effets contre toutes perquisitions et saisies déraisonnables », etc. ), on s'aperçoit que l'ensemble de ces amendements forme une sorte de charte, garantissant un certain nombre de libertés civiles et politiques aux citoyens américains. Mais ces libertés permettent-elles aux citoyens américains de faire ce qu'ils veulent ? Leur liberté peut-elle être totale, absolue ? La  liberté politique, écrit Montesquieu, « ne consiste pas à faire ce que l'on veut. Dans un Etat, c'est-à-dire dans une société, où il a des lois, la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit pas vouloir »15(*). Autrement dit, être libre « politiquement » ne signifie pas être indépendant, n'avoir aucune contrainte, pouvoir suivre son bon plaisir sans être gêné par autrui, car dans toutes sociétés il y a des lois auxquelles nous devons obéir et la liberté est indissociable de l'obéissance aux lois, ce sont en effet les lois qui protègent les libertés, en maintenant l'ordre dans la société ; sans loi, les plus faibles se verraient privés de leurs libertés par les plus forts. Obéir aux lois, dit Kant dans son opuscule : « Qu'est ce que les lumières ? », n'est pas incompatible avec une liberté de penser. Selon Kant, tous les citoyens doivent faire ce que les institutions, dont ils sont les membres, leurs imposent ; ils font alors ce que Kant appelle un usage privé de leur raison, c'est-à-dire un usage de leur raison dans le cadre de fonctions définies par des règles qu'ils ne peuvent contester. Mais obéir aux lois, dit Kant n'interdit pas à l'homme de penser, tous citoyens est libre d'user de sa raison, de juger par lui-même du vrai et du faux, de faire autrement dit un usage public de sa raison selon les termes de Kant.

Mais les lois étasuniennes protégent-elles l'ensemble des Américains ? Garantissent-elles les mêmes libertés civiles et politiques pour tous les Américains ? Si l'on se réfère à la fin du 19ème siècle, tous les Américains n'avaient pas le même statut, tous n'étaient pas citoyens, les Noirs par exemple comptaient pour trois cinquième d'un être humain, ils durent attendre la ratification du treizième amendement (1865) pour ne plus être considérés comme des esclaves, le quatorzième amendement (1868) pour qu'ils puissent avoir le droit de vote, le Civil rights act ( 1964), qui est une loi sur les droits civiques, pour qu'il n'y ait plus de ségrégation dans les lieux publics. Ainsi, depuis la fondation de la démocratie américaine, il y a eu de nombreuses améliorations juridiques, afin de garantir l'égalité des droits, c'est-à-dire une égalité civique et politique, une égalité devant la loi, traitant ainsi les hommes de la même façon. Mais d'après les observations de Tocqueville, qui séjourna près de neuf mois aux Etats-Unis, l'égalité démocratique américaine admettrait également un autre type d'égalité. Ainsi, dès le début de son ouvrage, De la démocratie en Amérique, Tocqueville précisait :

«  ce n'est pas qu'aux Etats- Unis comme ailleurs il n'y ait des riches ; je ne connais même pas de pays où l'amour de l'argent tienne une plus large place dans le coeur de l'homme, et où l'on professe un mépris plus profond pour la théorie de l'égalité permanente des biens ».

«  Dans les démocraties, les serviteurs ne sont pas seulement égaux entre eux ; on peut dire qu'ils sont, en quelques sorte, les égaux de leurs maîtres [...]. A chaque instant, le serviteur peut devenir maître et aspire à le devenir ; le serviteur n'est donc pas un autre homme que le maître » 16(*).

Autrement dit, l'égalité dont parle Tocqueville et qui anime la démocratie américaine serait l'égalité des conditions. Cette égalité des conditions implique une réelle mobilité sociale, de sorte que, s'il y a des distinctions qui s'établissent, elles sont flexibles et passagères, on peut ainsi accéder à une position sociale supérieure et inversement. Mais l'égalisation des droits ou même une égalisation des conditions, serait-elle suffisante pour faire disparaître les différences qui existent entre les hommes ? Dire que tous les hommes sont égaux en droit, c'est dire qu'il y a entre eux une égalité « arithmétique », au sens où ils ont tous rigoureusement les mêmes droits et les mêmes devoirs. Autrement dit, deux individus égaux, ne sont pas forcément identiques, c'est-à-dire indiscernables l'un de l'autre, car un être humain peut être égal à un autre être humain sur la base d'un critère déterminé, jamais dans l'absolu. La différence désigne donc le ou les caractères qui distinguent une chose d'une autre, un individu humain d'un autre : les hommes sont différents par la force, le talent, l'état (femme, homme, enfant) etc. Le peuple américain serait donc considéré comme un tout dans lequel vient se fondre leurs différents statuts ; un melting-pot, dans lequel toutes les cultures fusionneraient.

La démocratie américaine est devenue, après la Seconde Guerre Mondiale, un modèle dominant les représentations politiques, idéologiques et culturelles du monde occidental notamment grâce à la victoire militaire qui a validé son efficacité et sa légitimité, mais aussi grâce aux implantations planétaires des multinationales (telles que Coca Cola, Mcdonald's, etc.), ou encore grâce à la culture de masse qui domine le marché mondial avec une énorme production cinématographique et télévisuelle17(*) . La démocratie américaine et même toutes les démocraties en générale, sont souvent présentées comme étant le meilleur régime politique. Or, le modèle démocratique américain présente des insuffisances. Le problème sera donc de savoir où sont ces insuffisances et si celles-ci peuvent avoir une incidence sur son identité démocratique.

IV- PISTES PRINCIPALES DU DEVELOPPEMENT

Depuis toujours, l'Amérique s'est donnée comme principe d'assurer la promotion de certaines valeurs, dont la démocratie et la liberté, demandant à l'ensemble des Etats de respecter de tels principes, mais respecte t-elle, elle-même ces principes ? Ce problème fera l'objet d'une première piste de notre développement. Si l'Amérique pense pouvoir exporter ses valeurs démocratiques, c'est parce qu'elle se sent investie d'une mission religieuse, c'est pourquoi nous aborderons la question de la religion et de ses effets sur la société américaine comme deuxième piste du développement.

POLITIQUE AMERICAINE, POLITIQUE DE LA CONTRADICTION

« Rien n'est plus important que l'Amérique reste séparée des systèmes européens, et en établisse un original. Notre situation, nos objectifs, nos intérêts sont différents. Il doit en être de même pour les principes de notre politique. Tout engagement avec cette région du monde doit être évitée si nous voulons que la paix et la justice soient les (objectifs caractéristiques) de la société américaine.18(*)»

Dès le départ, le souci de créer un état nouveau poussa les fondateurs des Etats-Unis, tel Jefferson ici dans son discours prononcé en 1820, à limiter les contacts avec les Etats européens considérés comme décadents. Or l'histoire des relations internationales, nous prouve que cette promesse de ne pas s'engager dans les affaires européennes, n'a pas été tenue. Ainsi, en 1917, les Etats-Unis aux côtés de la France et de la Grande Bretagne entrent en guerre. Certes, la guerre terminée, les Etats-Unis se replièrent à nouveau sur leurs propres intérêts, mais la destruction par l'aviation japonaise, en novembre 1941, de la flotte américaine du Pacifique ( Pearl Harbor) permit à Franklin D. Roosevelt de mettre toute l'Amérique derrière lui pour une nouvelle guerre, une guerre perçue comme la lutte entre les forces du Bien ( les démocraties alliées) et celles du Mal (les fascismes de l'Axe). Après la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis menèrent de nombreuses guerres : la guerre de Corée en 1950, la guerre de Cuba en 1959, la guerre du Vietnam en 1961, etc. Finalement en matière de politique étrangère, les Etats-Unis sont passées d'une position dite « isolationniste » à une position dite « interventionniste ». Autrement dit, au lieu de s'isoler du monde, d'éviter tout engagement dans les affaires mondiales, la politique américaine s'est engagée de manière permanente dans les affaires du monde, contredisant ainsi la politique de « non engagement » (Non-entanglement) que prônait George Washington, Jefferson ou encore Monroe. Mais parmi ces interventions, il y a deux attitudes, pourrait-on dire, diamétralement opposées : l'attitude dite « réaliste » et celle dite « idéaliste ». Les grands spécialistes de la politique étrangère des Etats-Unis, ont représenté par exemple, les actions du Président Théodore Roosevelt comme « réalistes », et celles de Woodrow Wilson comme étant « idéalistes ». Mais quelle est la différence entre ces deux attitudes? Tous deux sont intervenus dans le monde, ont mené une guerre, mais aucun des deux n'avait le même objectif. Ainsi, pour le réaliste Théodore Roosevelt, que les interventions soient d'ordre économique, politique ou militaire, le but était de pratiquer une politique de puissance, afin de défendre les intérêts du pays par tous les moyens, par la force si besoin ; on pouvait qualifier son attitude comme étant égoïste puisqu'elle ne servait que l'intérêt particulier des Américains. Alors que pour l'idéaliste, Woodrow Wilson, l'objectif était de mener une politique extérieure morale, afin d'apporter la sécurité et la paix dans le monde, de propager le modèle américain, perçu comme étant le meilleur modèle démocratique du monde. Ces deux attitudes sont devenues avec le temps, deux courants de pensée en matière de politique étrangère américaine. Aujourd'hui les présidents n'appliquent plus l'isolationnisme, il en va de la position même des Etats-Unis comme première puissance économique et militaire ; ils adoptent donc soit une position idéaliste, soit une position réaliste. Mais pour les antiaméricains, quelque soit la position adoptée, la politique étrangère américaine est impériale, motivée uniquement par l'économie, le commerce, autrement dit l'argent ; fondée sur un pouvoir illégitime et abusif, dont l'intention est d'exploiter ou de dominer le monde.

Or, peut-on dire de la politique américaine qu'elle soit impériale ? L'impérialisme désignerait, selon Thierry Ménissier, « la tendance à constituer un empire, c'est-à-dire à conquérir des territoires et à les priver d'autonomie au profit du pouvoir central »20(*). Au regard de cette définition, on pourrait dire que les Etats-Unis ont connu une phase d'impérialisme, au tournant du 20ème siècle, avec l'annexion pendant plusieurs années de quelques îles aux dépens de l'Espagne (notamment les Philippines), mais cette phase d'impérialisme n'a durée que très peu de temps et est complètement désuète de nos jours. Néanmoins, la position idéaliste de certains présidents américains, comme celle de Wilson, celle de John F. Kennedy ou encore celle de George W. Bush de nos jours, n'est-elle pas impériale ? En effet vouloir étendre son pouvoir, son modèle sur des territoires d'autres Etats et ceux parfois malgré eux, n'est-ce pas une volonté impérialiste ? Selon Justin Vaïsse :

« C'est dans sa quête de maintien de l'ordre mondial que l'Amérique se manifeste le plus comme "empire informel", lorsqu'elle garantit l'environnement de sécurité de l'espace-monde, défend - par des stationnements de troupe permanents et acceptés - des pays menacés (Corée du Sud, Taiwan...), assure la sécurité des lignes de communication et des échanges, etc. Ceci implique d'intervenir de temps à autres, voire d'occuper de manière temporaire des territoires à pacifier (Somalie, Kosovo, Iraq...). Mais à l'inverse des empires du passé, l'Amérique ne conquiert pas de territoires de manière permanente et s'efforce généralement d'apporter la démocratie et la prospérité aux pays qu'elle occupe ou qu'elle libère : Japon, Allemagne, Corée, Iraq, etc. »21(*).

Autrement dit, selon Vaïsse, la politique étrangère des Etats-Unis peut être considérée comme impériale, mais c'est un impérialisme qui n'est pas de type colonial, car l'objectif des Etats-Unis n'est pas de contrôler les Etats dans lesquels ils interviennent, leur objectif n'est pas de confisquer la souveraineté d'un Etat ; leur expansionnisme qu'il soit économique, militaire voire culturel ne repose pas sur la fondation de colonies. Dès lors, on pourrait considérer les Etats-Unis comme un « empire démocratique », c'est-à-dire une grande puissance qui intervient dans le monde non pas dans un but colonial, mais afin d'apporter la démocratie et la prospérité comme ce fut le cas pour le Japon ou encore l'Allemagne, sans qu'elle vise pour autant à l'édification d'un empire, c'est-à-dire d'un Royaume ou d'une nation.

Néanmoins n'est-il pas paradoxale que l'Amérique recourt à la guerre, comme ce fut le cas au Vietnam ou encore en Irak,  afin d'exporter les valeurs démocratiques?

Pour un iréniste, utiliser le mal telle que la force par exemple au service du bien n'a pas de sens. Pour un iréniste, seuls les moyens bons doivent servir les bonnes fins. Autrement dit, si l'objectif d'un état démocratique est d'apporter la paix ou la liberté elle devra le faire sans recourir à la force. A contrario, un belliciste considèrera que la violence et la guerre, peuvent être au service de la paix. Autrement dit pour un esprit belliciste, il ne serait pas paradoxale que la démocratie américaine face la guerre contre une dictature. Ainsi ce ne n'est pas la non-violence, ni les vertus du dialogue qui ont triomphé du nazisme, mais bien la guerre comme force au service du droit. Mais si cette force utilisée par les Américains devenait une menace pour les droits de l'homme, devra t-on considérer cette guerre comme étant « juste » parce qu'elle a pour but d'aider une population soumise à la dictature ? Pour un conséquentialiste, tout repose sur les conséquences de l'accomplissement de l'action et non pas sur la nature de l'action elle-même. Autrement dit, si violer les droits de quelques hommes pouvait permettre de protéger et de garantir les droits d'un plus grand nombre, alors il agirait en conséquence : il préféra par exemple tuer un homme et sauver dix, plutôt que de ne pas tuer cet homme aux risques d'en perdre dix. Alors que le déontologiste, ne se préoccupera pas des conséquences, la nature de l'acte sera suffisante pour pouvoir dire si l'action est juste ou non, car certaines actions sont blâmables ou condamnables par leur nature elle-même. Pour un déontologiste, à partir du moment où cette guerre met en péril des vies humaines, elle ne peut être juste. Finalement, si l'on ne recourt qu'au raisonnement moral pour résoudre ce problème, on ne pourra pas y répondre à moins d'y prendre parti. En revanche du point de vue de la légalité, c'est-à-dire des lois non morales mais juridiques, on ne pourra pas blâmer le pouvoir politique d'avoir user de la force pour avoir fait respecter les lois par exemple ou pour avoir fait maintenir l'ordre dans la société. Donc, d'un point de vue strictement juridique le gouvernement a le pouvoir d'utiliser la violence : la violence de la loi par exemple, pour incarcérer un individu ayant transgressé les lois ; ou encore la violence de l'armée, afin de protéger la Nation d'une éventuelle attaque. Mais cette violence du pouvoir est-elle légale si elle porte atteinte au droit de l'homme? Bien que la Déclaration universelle des droits de l'homme, texte contenant une liste de droits reconnus au profit des individus en général (le droit à la vie, l'interdiction de la torture, l'égalité devant la loi, le droit à la sûreté de la personne, l'interdiction de l'esclavage et d'autres droits et libertés), ne soit qu'une résolution adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies et qu'elle n'ait aucune valeur normative, autrement dit qu'elle n'ait qu'une valeur symbolique, n'engageant pas juridiquement les Etats qui ne la respectent pas ; ces différents droits proclamés par cette Déclaration font partis souvent d'autre instrument telle que la Déclaration des droits aux Etats-Unis, qui est obligatoire parce que faisant partie de la Constitution des Etats-Unis. En d'autres termes, le gouvernement américain ne peut violer les droits de l'homme parce qu'il porterait atteinte aux droits fondamentaux de l'individu que la Constitution américaine reconnaît et protège. Or dans le cadre de « la guerre contre le terrorisme » par exemple, le gouvernement américain a bafoué les droits de l'homme notamment pour avoir autorisé la détention de prisonniers dans des conditions épouvantables22(*) : tout contact avec le monde extérieur, ainsi que quelque statut légal que ce soit leurs étaient refusés, des traitements cruels, inhumains et dégradants leurs ont été infligés (ce qui est contraire au traitement des prisonniers de guerre prévu par la Convention de Genève). Par conséquent, même si cette guerre peut sembler juste pour les bellicistes, on ne peut considérer les actions accomplies durant cette guerre comme étant légales. En effet, un acte ou une organisation sont dit légaux quand ils obéissent à une loi instituée et reconnue ; or certains actes durant cette guerre23(*), comme ceux dont nous venons de citer, n'obéissent pas aux règles internationales. D'après Amnesty International dans son rapport intitulé : le paradoxe Américain, les atteintes aux droits de l'homme seraient également observables au sein de la société américaine. Des policiers, des gardiens, et des fonctionnaires des services de l'immigration, transgresseraient régulièrement les directives et les lois nationales ainsi que les normes internationales. En effet, des policiers assènent et blessent par balles des individus qui ne représentent aucune menace, parfois même de simples passants. « De nombreux suspects sont morts après avoir été maîtrisés, brutalisés et contraints de se mettre à plat ventre. La plupart sont décédés après avoir eu les chevilles et les poignés ligotés derrière le dos ». Et, poursuit Amnesty, « la grande majorité des victimes appartiennent aux minorités ethniques, alors que la plupart des policiers sont de race blanche ». On maltraite, on torture aussi dans les postes de police. Le manque de données fiables et de contrôles, la « loi du silence » fait que la plupart des coupables ne sont pas sanctionnés. Tous ces actes sont accomplis bien que les traités internationaux, ainsi que la législation civile et pénale américaine, tant au niveau fédéral qu'étatique, énoncent clairement des garanties visant à préserver le bien être physique et psychologique des personnes privées de libertés24(*). La peine de mort peut être aussi considérée comme une pratique antidémocratique, surtout lorsque l'on sait qu'aux Etats-Unis jusqu'à tout récemment ( mars 2005), des mineurs se faisaient exécuter25(*).Certes les Etats-Unis, avec cette restriction du champ d'application de la peine de mort pour les mineurs, ont fait une avancée par rapport aux droits humains, mais de l'autre côté ils refusent toujours de ratifier la Convention Internationale des droits de l'enfant, sachant que 192 pays l'ont ratifiée26(*). Finalement ces quelques exemples, permettent de tirer la conclusion que beaucoup de normes visant les droits de l'homme ont été bafouées par le pouvoir politique américain : soit à cause de sa négligence dans les affaires internes, soit à cause d'un usage illégitime du droit dans les affaires externes. Il semble donc paradoxal, que les Etats-Unis, puissent vouloir exporter les valeurs démocratiques, alors qu'ils ne les respectent pas eux-mêmes.

Certes depuis la fondation des Etats-Unis jusqu'à nos jours, les comportements ont évolué : il y a à peine deux cent cinquante ans27(*), presque tous les Afro-américains étaient des esclaves ; il y a à peine cinquante ans la ségrégation raciale dans les écoles publiques était la norme dans la majorité du pays, elle était autorisée ou exigée par la loi dans vingt quatre États28(*). Aujourd'hui, l'Amérique garantit à tous, c'est-à-dire autant aux Amérindiens, aux Hispaniques, aux Asiatiques ou encore aux Noirs29(*), les mêmes droits et les mêmes devoirs civils et politiques30(*). Le gouvernement Bush, malgré les critiques que nous pouvons faire en ce qui concerne sa politique étrangère, est le plus ouvert aux minorités ethniques, que n'a jamais été jusque là un gouvernement américain. En effet parmi les membres du gouvernement ont compte plusieurs individus d'appartenances ethniques différentes, dont Colin Powell, premier Afro-américain à occuper le poste de secrétaire d'Etat aux affaires étrangères durant le premier mandat du Président ; Condolezza Rice première femme noire Conseillère à la sécurité nationale ; Ealine Chao, première femme asiatique membre du gouvernement américain, etc. Certes, malgré l'évolution des moeurs, les inégalités socio-économiques existent toujours, mais ces inégalités n'existent pas qu'aux Etats-Unis, elles existent dans toutes les sociétés démocratiques, et elles ne sont pas forcément antinomiques avec la démocratie.  D'après Tocqueville, la suppression de l'inégalité de richesse est impossible, il existera toujours des riches et des pauvres, une égalité absolue selon Tocqueville ne serait même pas souhaitable. En effet, bien que l'égalité soit considérée comme une valeur essentielle, trop d'égalité nuirait à la société, parce qu'elle effacerait toute diversité de sentiment et toute disposition à l'action. Aussi, selon Tocqueville, chaque pas vers l'égalité rapprocherait les citoyens vers le despotisme, car lorsqu'il y a égalité entre les individus, tous les pouvoirs publics sont entre les mains du souverain, le pouvoir central s'accroît, l'existence individuelle s'affaiblit et devient subordonnée ; les individus s'en remettent au pouvoir collectif et naît alors une servitude consentie où s'ouvre la voie à un despotisme prévoyant et doux31(*). Rawls ira jusqu'à dire, dans sa théorie de justice, que les inégalités sont justes, tant qu'elles suscitent un surcroît de richesses et qu'elles améliorent le sort des plus démunis : « l'enrichissement des plus riches permet de maintenir le pouvoir d'achat des plus pauvres ». Cela ne signifie pas pour autant, que les individus pauvres sont condamnés à rester pauvres ; selon Rawls les inégalités sociales et économiques doivent être organisées dans des conditions d'égalité des chances, ce qui donc autorise la discrimination positive en faveur de certaines personnes. En effet, pour qu'il y ait une égalité des chances, il faut atténuer au maximum les éventuelles différences pour le plus grand profit des plus désavantagés, car la société écrit Rawls doit être une entreprise de coopération et non de compétition. C'est pourquoi, pour répondre aux effets des discriminations raciales et de la grande pauvreté, le gouvernement américain a développé une politique de compensation, sous le nom d''affirmative action permettant aux minorités Noirs de bénéficier d'un certain nombre de droits (non contractuels) leur permettant d'intégrer par exemple les universités, l'administration, ou encore la politique32(*). Ainsi, à la discrimination négative succéda la discrimination positive ; aux inégalités, une juste inégalité permettant en quelque sorte, à des groupes économiquement et culturellement désavantagés de bénéficier d'une véritable égalité des chances où personne n'est désavantagé en raison de sa condition sociale. Néanmoins cette théorie de justice sociale, que nous propose Rawls, satisfait-elle réellement à l'exigence de justice de la démocratie ? Selon Kymilcka, la théorie de justice de Rawls est satisfaisante dans la mesure où elle vise à compenser les inégalités non méritées, c'est-à-dire celles qui n'ont pas de pertinence morale dans la mesure où elles sont le fruit de circonstances qui échappent au contrôle des individus, comme par exemple les origines sociales ou ethniques. Toutefois, sa théorie n'est pas suffisante, car Rawls ne prévoit pas, écrit Kymlicka, de compenser les handicaps naturels et ne distingue pas clairement «  les inégalités qui découlent de choix différents, de celles qui découlent de circonstances différentes »33(*). De plus, concernant la discrimination positive, bien qu'elle ait diminué progressivement la discrimination raciale, cette mesure est de plus en plus contestée de nos jours ; parce que non seulement elle a accentué les rivalités interethniques (jalousie, ressentiment)34(*), mais elle n'a pas éliminé les inégalités, elle n'a fait que dissimuler la gravité de l'état. En effet la discrimination raciale, ethnique existe toujours car derrière l'affrontement entre les riches et les pauvres, il y a d'abord un affrontement entre les Blancs et les Noirs, entre la culture dominante Wasp (White Anglo-Saxon protestant)  et les cultures minoritaires35(*) . Aussi, la démocratie américaine ne peut durablement s'accommoder d'une discrimination positive, car cette mesure revient à accorder des privilèges, ce qui est contraire à l'idée même d'égalité des droits. La solution selon Kymlicka, serait que les Etats-Unis acceptent la conception multiculturaliste, qui propose de mettre en oeuvre un processus de reconnaissance institutionnel des différences pour qu'elles puissent être politiquement représentées.

«  la diversité des conditions de vie et des expériences ; des hommes et des femmes, des anglophones et des hispanophones, des Blancs et des Noirs, des immigrants et des peuples indigènes, des personnes handicapées et des personnes qui ne le sont pas, des riches et des pauvres ; débouche sur des intérêts différents et parfois opposés, et les intérêts des groupes moins nombreux et plus pauvres pourraient ne pas être représentés dans le cadre du système majoritaire. Aussi, pourquoi ne pas mettre en place des structures représentatives permettant l'expression adéquate des intérêts de ces minorités36(*). »

Kymlicka défend ici une nouvelle conception du statut et des droits des minorités culturelles, visant à garantir pour chaque citoyen que justice lui soit rendue. Mais, en exaltant plus le pluribus  que le unum , ce multiculturalisme met à mal le modèle américain d'intégration, autrement dit l'image du melting-pot, du creuset dans lequel tout se mêle et tout se fond37(*). Néanmoins, selon Kymilcka, « il est désormais plus possible (pour peu que cela le fût jamais) d'éliminer ce sentiment d'identité distincte qui est la base du désir exprimé par ces groupes de former leurs propres sociétés nationales38(*). »

Finalement, le rêve de Martin Luther King, celui qu'il a prononcé le 28 août 1963, celui où il dit «  J'ai fait un rêve. (...) Je rêve qu'un jour mes quatre gosses vivront dans une nation où ils seront jugés non d'après la couleur de leur peau, mais d'après la réalité de leur caractère », n'est pas pour autant devenu réalité. Certes un an après son discours, les Etats-Unis ont adopté le Civil Rights Act, mais cette loi malheureusement n'a pas suffi à mettre fin aux inégalités socioculturelles.

Par conséquent, et nous terminerons cette partie sur ce constat, l'Amérique est bien démocratique dans ses principes, mais pas toujours dans ses pratiques. La politique américaine, autant sur le plan interne qu'externe, autrement dit autant au sein de la société américaine qu'en dehors de sa nation, contredit par ses actions, ses pratiques, l'idée d'égalité et de liberté qui est pourtant inscrite et garantit par la Constitution des Etats-Unis.

* * *

De même qu'il y a aux Etats-Unis une pluralité de cultures, il y a une pluralité de religions. Ainsi il n'y a pas un seul vrai dogme, une seule vraie religion, mais une pluralité de religions qui se valent. En effet par le biais de l'immigration,  des gens du monde entier ont afflué aux États-Unis afin d'acquérir la nationalité américaine. Aussi, ils ont apporté avec eux les traditions religieuses du monde entier : islamiques, hindoues, bouddhistes, sikhs, africaines et afro caraïbes, etc.39(*)Mais quelle place la religion tient-elle aux Etats-Unis ?

LA PLACE DE LA RELIGION AUX ETATS-UNIS

En principe les Etats-Unis sont neutres en matière de religion, la séparation de l'Eglise et de l'Etat existe bien aux Etats-Unis, c'est une tradition politique affirmée par la Constitution40(*)et sanctionnée par la Cour Suprême et les tribunaux fédéraux. C'est pourquoi aucune confession n'a jamais été choisie comme religion officielle. Tocqueville disait d'ailleurs, que pour qu'un mariage harmonieux puisse se réaliser entre démocratie et religion, il est souhaitable, en effet, que la religion obéisse à un certain nombre de conditions telles que reconnaître sa spécificité et bien savoir définir son domaine de façon à ne pas empiéter sur le domaine des institutions laïques. Ainsi, si la religion s'attache à un gouvernement donné dans l'espace et dans le temps, elle en vient à servir les intérêts d'un groupe humain spécifique et perd alors sa dimension de généralité. En revanche, quand la religion renonce à l'exercice d'une puissance de type temporelle, elle peut acquérir par des moyens indirects, une influence considérable et bénéfique pour la société. Néanmoins, force est de constater que l'équilibre n'est pas facile à trouver ; par exemple, nous savons que la prière en classe aux Etats-Unis est depuis plusieurs années interdite, mais il est arrivé que la Cour Suprême reconnaisse aux élèves le droit d'y tenir après les cours des réunions de nature spirituelle. Autrement dit, la sécularisation aux Etats-Unis n'a pas mis fin à la religiosité ; depuis l'arrivée des colons puritains en Amérique, jusqu'à aujourd'hui encore les Etats-Unis sont fortement emprunts de religiosité. En effet la religion est loin d'être absente de la politique américaine, bien qu'en principe il est supposé y avoir une séparation de l'Eglise et de l'Etat ; la société américaine est parsemée de référence religieuse. Pour ne cité que quelques exemples : la devise nationale «  In God We Trust » ( « En Dieu nous mettons notre confiance »), que l'on retrouve sur les billets et les pièces de monnaie, dans l'hymne national et gravée sur les murs du Congrès ; le serment de fidélité au drapeau, qui contient la formule «  One Nation Under God » ( « Une seule nation sous le regard de Dieu ») ; le serment prêté sur la Bible par tout nouveau président, qui se termine par « So Help Me God » ( « Avec l'aide de Dieu »), ou encore le Mémorial Day (Journée du souvenir), qui est un jour de congé officiel aux Etats-Unis, instauré au lendemain de la guerre en l'honneur des femmes et des hommes qui perdirent leur vie durant la guerre de sécession. Après la Seconde Guerre Mondiale, cette journée est devenue une cérémonie religieuse durant lequel sont lus les noms des soldats morts en service. Pour décrire cette dimension religieuse publique qui s'exprime dans un ensemble de croyances et de symboles, Robert N. Bellah, spécialiste d'histoire et de sociologie comparées des religions, utilise la notion de « religion civile ». Dieu dit-il, est le symbole de la religion civile :

«  Derrière chaque aspect de la religion civile se profilent des archétypes bibliques : l'Exode, le Peuple Elu, la Terre Promise, la Nouvelle Jérusalem, le Sacrifice de la mort et de la renaissance. Elle compte ses propres prophètes et martyrs, ses lieux sacrés et ses histoires saintes, ses rites solennels et ses symboles. Elle entend que l'Amérique soit une société aussi conforme que possible à la volonté de Dieu, et soit une lumière pour toutes les nations »41(*).

Autrement dit, selon Bellah, la religion est enracinée dans l'idéologie de la nation américaine, elle est même essentielle semble t-il à son identité nationale. Alors que la plupart des pays effectivement tirent leur l'identité nationale de leur histoire culturelle, les Etats-Unis fondent leur identité sur une longue tradition religieuse. C'est pourquoi « Dieu » est mentionné ou évoqué dans tous les discours présidentiels. Ainsi, à l'issue de la Première Guerre Mondiale, le président Wilson affirme : «  Je crois que Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisies pour montrer la voies aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la liberté»42(*) ; lors des débuts de l'engagement des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam, le président Johnson déclare en 1965 : « l'histoire et nos propres oeuvres nous ont donné la responsabilité principale de protéger la liberté sur la terre » ; le président Clinton, le 1er janvier 2000, termine son discours à la nation en confirmant sa mission universelle : « Si l'Amérique respecte ses idéaux et ses responsabilités, nous pouvons faire de ce siècle nouveau une époque de paix sans pareille, de liberté et de prospérité pour notre peuple comme pour tous les citoyens du monde. » ; ou enfin après le drame du 11 septembre 2001, George W. Bush, dans un climat d'extrême religiosité, fait appel à l'esprit de croisade contre « l'Axe du Mal »43(*). Autrement dit, les invocations religieuses ont toujours marqué le langage politique aux Etats-Unis comme nous pouvons le constater. Mais pourquoi les Américains ont ce sentiment d'être un peuple élu ? Pourquoi ont-ils ce sentiment d'avoir une mission à accomplir ?

Selon le sociologue allemand, Max Weber, le protestantisme puritain (calvinisme) des premiers colons aurait imprégné durablement les moeurs de la société américaine, d'après son ouvrage : l'Ethique Protestante et l'Esprit du Capitalisme, le modèle américain aurait hérité du calvinisme. Pour les calvinistes, Dieu aurait crée le monde pour sa gloire et aurait prédestiné l'homme, à son insu, au salut ou à la damnation. Bien qu'il soit prédestiné, il faut cependant que sa conduite ne soit pas immorale. Aussi, le puritain doit rechercher les signes de son excellence dans le succès temporel, interpréter sa réussite séculière, en particulier le développement de son entreprise, comme un signe de bénédiction divine, comme une preuve attestant qu'il fait parti des élus. Il doit autrement dit travailler régulièrement et méthodiquement pour développer des richesses. Néanmoins, il ne s'agit pas d'accumuler des richesses pour en jouir et se reposer dans la luxure, mais de mener une vie ascétique, consacrée au travail. Conduire sa vie rationnellement et systématiquement, c'est apparemment pour le calvinisme bien savoir utiliser son temps et savoir faire des efforts à bon escient ; en réalité et plus profondément, c'est soumettre sa vie à l'éthique du travail. Le travail devient donc une forme d'ascèse qui permet de se rapprocher de Dieu, d'éviter de trop s'adonner au plaisir et de ne pas gaspiller son temps. Cette étude sur l'éthique protestante, a finalement permit à Weber de montrer l'influence que pouvait avoir la religion (l'ascétisme protestant) sur l'économie. Quant à notre problème, cette étude nous permet de mieux comprendre, grâce à l'idée de prédestination des Calvinistes, qui se voyaient comme le peuple élu par Dieu, pourquoi les dirigeants américains se donnent pour mission de sauver le monde. Mais une telle emprunte de la religion dans la société, n'est-elle pas un danger pour la démocratie ? Bien que pour Tocqueville la religion serait un moyen d'améliorer la vie d'ici-bas, un instrument pour résoudre les problèmes de la société ou de l'individu, le grand danger toutefois dans un pays aussi religieux que les Etats-Unis, est qu'un dirigeant politique n'agisse de façon messianique et ne diabolise à l'excès un adversaire politique, au nom du grand combat du Bien et du Mal. La guerre annoncée par George W. Bush contre l'Irak, comme une « croisade pour délivrer le monde des malfaisants »44(*), ne rentrerait-elle pas dans ce cas de figure ? Les avis sur la question sont partagés, pour certains Bush n'est pas un fondamentaliste religieux, sa doctrine de la guerre préventive serait fondamentalement areligieuse ; le dieu de Bush serait coupé de ses bases confessionnelles et institutionnelles, c'est un dieu rhétorique pleinement instrumentalisé par le pouvoir politique et la stratégie. Mais d'autres personnes pensent au contraire que beaucoup de guerres menées par les Américains, comme cette guerre en Irak ou encore la guerre du Vietnam, sont des guerres religieuses. L'Amérique agirait par pure conviction, convaincue d'être le peuple élu de Dieu, ces guerres sont enfin de compte comme une mission, celle d'appliquer partout les institutions, les moeurs, les principes américains pour effacer entre les hommes où qu'ils soient toutes différences. Mais une telle conviction, ne serait-elle pas plus dangereuse que le mensonge ? Le menteur sait la vérité qu'il travestit, mais le convaincu l'ignore. Toute conviction est conservatrice, rebelle à toute nouveauté ; aucune conviction ne peut tolérer la concurrence d'une autre vision des choses, élevant ainsi une prétention totalitaire, hégémonique et oppressive. Certes, il y a des convictions qui ne sont pas dangereuses, à condition qu'elles soient lucides et pas seulement superstitieuses et délirantes, à condition qu'elles soient conscientes d'elles-mêmes, qu'elles ne soient pas une vérité qui s'impose partout. Or, les convictions religieuses de Bush sont-elles lucides ? Pour le public européen et français sa vision manichéenne du monde, opposant les bons et les mauvais, les «  purs » et les « impurs », n'a rien de lucide, elle fait même plutôt penser aux discours que prônent les fanatiques, auxquels Bush s'oppose lui-même. Néanmoins, ces invocations religieuses que l'on retrouve dans le discours de Bush, avec les termes de « croisade », « d'axe du mal », de « destinée manifeste » par exemple, ne sont pas des créations de l'administration Bush, ce type de discours comme nous l'avons vu, fait parti des fondements de la politique étrangère de Etats-Unis. Par conséquent en quoi la conviction de George W. Bush, ne serait-elle pas lucide ?

Selon Max Weber, la passion, la conviction c'est-à-dire le dévouement est une qualité essentielle de l'homme politique ; mais pour diriger la conviction ne lui est pas suffisante, il lui faut le sentiment de responsabilité. La différence entre l'éthique de la responsabilité et l'éthique de la conviction est fondamentale. Etre responsable, c'est répondre de ses actes, c'est aussi envisager les conséquences prévisibles de son agir. Alors que être convaincu, c'est agir selon ses sentiments sans référence explicite ou implicite aux conséquences. Bien que ces deux éthiques se différencient, toutes les deux sont nécessaires ; c'est en effet un « pêché mortel en politique, écrit Weber, que de ne défendre aucune cause ou de n'avoir aucun sentiment de responsabilité ». Autrement dit, non seulement la croyance et la foi sont nécessaires en politique, mais la responsabilité l'est aussi ; un politique sans conviction ni responsabilité est « le produit d'un esprit blasé, souverainement superficiel et médiocre, fermé à toute signification de l'activité humaine [...] »45(*). Ainsi, avoir des convictions religieuses en politique ne semblerait pas être un défaut mais une qualité, à condition néanmoins que l'on soit aussi responsable. En effet Weber nous met en garde contre l'idée d'une séparation absolue. Pour lui dans l'action du politique, l'éthique de la conviction et l'éthique de la responsabilité ne peuvent pas être disjointes l'une de l'autre. La première, considérée en elle-même, conduite à ses extrêmes conséquences, est propre au fanatique. En effet, la conviction est telle qu'elle le rendrait incapable de juger par lui-même, ni d'envisager ou de tolérer toute autre opinion que la sienne. La seconde quant à elle, considérée en elle-même, conduite à ses extrêmes conséquences, est propre au cynique qui est tournée uniquement vers le succès, sans croire à aucune valeur.

Si l'on admet l'hypothèse selon laquelle George W. Bush aurait agit par conviction, qu'il aurait fait autrement dit la guerre en Irak dans le but d'apporter la paix, la prospérité, les valeurs démocratiques ; peut-on dire qu'il a eu le sentiment de responsabilité dont parle Weber ?

Non seulement, il n'y a toujours pas la paix en Irak, le bilan humanitaire de la guerre s'élève à des milliers de morts dans les rangs de l'armée américaine, irakienne et des civils irakiens46(*), mais cette violence a aussi amplifié l'antiaméricanisme chez les Irakiens, parce que la démocratie politique, même minimale est un processus et ne peut ni se décréter, ni s'exporter sans transformation profonde et lente, des mentalités, des modes de vie et du fonctionnement des organisations47(*). Outre ce renforcement de l'anti-américanisation, l'invasion en Irak a dynamisé le recrutement terroriste. Chomsky écrit à ce propos, que le meilleur moyen de stopper le terrorisme, c'est de ne pas y participer. Certes on pourrait rétorquer à Chomsky que quelques fois ne rien faire, c'est mal faire, c'est refuser de regarder le mal en face, mais dans cette situation, il aurait sans doute été préférable de ne rien faire, l'intervention militaire n'a effectivement pas diminué ce terrorisme au contraire, elle l'a alimenté et renforcé le sentiment de haine contre les «infidèles ». Avec les conséquences qu'a eu cette guerre, beaucoup de personnes soupçonnent les raisons mêmes pour lesquelles les Etats-Unis l'ont faite. Si certains pensent que l'Amérique a vraiment voulu protéger la sécurité des américains, d'autres pensent qu'elle a agit juste par vengeance, l'humiliation étant intenable. D'autres encore comme Todd, pensent que la guerre paraissait pour les Etats-Unis comme une solution logique pour affirmer de nouveau leur hégémonie, leur superpuissance. D'après une étude intéressante sur la capacité des Etats-Unis à renverser un régime et à installer une démocratie, sur les seize régimes que les Etats-Unis ont tenté de renverser, seulement quatre étaient encore des démocraties dix ans après le départ des troupes américaines. Les deux premières datent de la Seconde Guerre Mondiale (Japon et Allemagne) et les deux autres sont des petits Etats (Grenade et Panama)48(*). Autrement dit d'après cette étude, la préoccupation exprimée par l'Amérique concernant les droits humains du peuple irakien et le manque de démocratie dans le pays ne seraient pas non plus les véritables raisons des interventions américaines.

Finalement si l'on doute sur le fait que George W. Bush ait agi par conviction, il y a nul doute sur le fait qu'il ait agi sans tenir compte des conséquences de ses actes. Autrement dit le danger pour la démocratie américaine, ce n'est pas d'avoir des dirigeants aux convictions religieuses, mais des dirigeants n'ayant que des convictions, sans avoir le sens des responsabilités. Aucun régime politique, semble t-il ne peut fonctionner correctement sans que celui ou ceux qui sont au pouvoir ne fassent preuve d'une grande conscience de leurs responsabilités. La religion en politique n'est donc pas un danger pour la démocratie américaine, souvenons nous que Martin Luther King était pasteur, et que son mouvement : la Southern Christian Leadership a servi la cause des Noirs, un problème d'ordre politique à l'époque. En Amérique, écrit Tocqueville, il y a « chez l'être humain un désir d'infini que les choses finies n'épuisent jamais et que l'espace d'une vie ne permet pas de contenter _ et ceci encore plus vrai, rappelons-le, pour l'homme démocratique dont les désirs matériels sont insatiables »49(*). La religion, selon Tocqueville, serait la réponse à cet appétit. En effet, la religion permettrait à qui souhaite ardemment l'immortalité de se tourner vers un autre monde et comblerait ses aspirations profondes ; l'homme matérialiste sortirait de sa matérialité grâce à la religion, qui est immatérielle, plutôt que de rester dans la matérialité, qui fait que les croyances religieuses sont oubliées. Par conséquent l'empreinte de la religion même forte dans la société américaine n'exclurait pas le fonctionnement de la démocratie, au contraire la religion semblerait même être, comme nous l'avons déjà dit lorsque nous avions évoqué l'étude de Bellah, encastrer dans les fondements de la démocratie américaine.

* * *

Finalement, bien que l'Amérique fût longtemps considérée comme un pays de rêve, un pays d'intégration, bien qu'elle ait fasciné le monde à travers le cinéma hollywoodien et ses « happy end », etc. ; la fascination exercée par le modèle américain n'est pas exempte d'une certaine méfiance. En effet comme nous avons pu le constater au cours des pistes principales du développement, certaines actions du gouvernement américain sont inquiétantes parce qu'elles n'obéissent pas aux normes nationales et internationales, parce qu'elles ne servent pas le bien commun et enfin parce qu'elles portent atteintes aux droits fondamentaux de l'individu. Il y aurait d'autres raisons, que nous n'avons pas évoquées dans les pistes du développement et qui expliqueraient pourquoi ce modèle est contesté comme par exemple sa domination sur le plan économique. Pour les antimondialistes, l'Amérique serait un problème pour l'économie des autres pays. Ainsi, à travers la mondialisation, les antimondialistes, en lutte contre la liberté de circulation des personnes et des marchandises visent directement l'Amérique, le capitalisme démocratique, c'est-à-dire le modèle économique américain. Selon les antimondialistes, la mondialisation favoriserait des inégalités entre les riches et les pauvres et profiterait aux entreprises, notamment américaines, au détriment des salariés, des consommateurs et de l'environnement. Or la mondialisation, comme le fait remarquer Revel à juste titre, a été positive parce que l'ensemble des pays pauvres aujourd'hui est moins pauvre qu'il y a un demi siècle parce que l'ouverture des marchés ne profite pas uniquement aux entreprises américaines : les Etats-Unis représentent un marché très attractif pour les entreprises étrangères étant donné qu'ils consomment énormément. On aurait pu citer de nombreux exemples encore comme ceux-là, où l'on critique les Etats-Unis par manque d'information comme l'écrit Revel, ou pire par désinformation. Depuis la guerre en Irak par exemple, les journalistes n'hésitent pas à alimenter l'antiaméricanisme, modifiant l'opinion publique; toute critique du gouvernement, se confondant avec une critique ouverte visant l'ensemble des Etats-Unis. Les médias ont ce pouvoir de nous informer et de nous désinformer : pour servir leur intérêt particulier, les médias peuvent choisir par exemple ce qu'il faut mentionner et ce dont il faut passer sous silence. Or le postulat démocratique présuppose bien sûr que les médias se consacrent à la recherche de la vérité avant d'en informer le public. Mais, il suffirait que les médias soient autocensurés par des groupes de pression par exemple pour que l'on manque d'information, ou qu'ils manipulent l'information pour que l'on en soit désinformé50(*). Les médias ont ceci de particulier, c'est qu'ils peuvent influencer, contrôler l'opinion publique. Aussi d'après Revel si les arguments des antiaméricains sont contradictoires, c'est justement parce qu'ils manquent d'informations. C'est pourquoi, dans les pistes principales du développement il m'a semblé inutile de rappeler l'ensemble des raisons pour lesquelles les Etats-Unis sont un modèle contesté. S'il y a un argument qui permet de soulever les insuffisances du modèle démocratique américain, c'est celui que nous avons étudié dans la première piste du développement. Cet argument souligne les contradictions de la politique américaine et à lui seul est suffisant pour remettre en question le modèle démocratique américain. Mais cet argument est-il suffisant pour dire de la démocratie américaine qu'elle est en déclin vers un despotisme ? Je pense que la réponse à cette question est clairement négative. En effet si l'on considère la démocratie américaine en déclin à cause des actions de la politique américaine, alors on devrait considérer la France de la même manière ; n'a-t-elle pas en effet pratiqué la torture en Algérie ? Or la torture est un acte prohibé par les textes internationaux de la proclamation des droits de l'homme, et pourtant la France est toujours, jusqu'à preuve du contraire, démocratique.

Pour que l'Amérique devienne en effet un jour despotique, il faudrait que la population américaine consente à sa propre servitude. Selon La Boétie, l'homme semble être, sinon la victime constante, du moins l'auteur de son propre asservissement. Par nature, nous ne sommes «  serfs de personne », écrit La Boétie : « c'est le peuple qui s'asservit, qui se coupe la gorge, qui ayant le choix ou d'être serf ou d'être libre, quitte la franchise et prend le joug, qui consent à son mal, ou plutôt le pourchasse ». Autrement dit, si despotisme il y a, c'est parce que la population aura consenti volontairement et non sous la contrainte, à restreindre sa liberté, à se plier, à se rallier à la volonté d'un autre51(*). Est-ce par servitude que la plupart des Américains ont suivi leur président dans la guerre en Irak, alors que vue de la France, et un bon nombre d'autres pays, cette guerre est décrite comme précipitée, disproportionnée, injustement cruelle pour les populations civiles? Comment en effet expliquer le fait que les Américains ont réélu Bush pour un second mandat, alors qu'il a trompé son peuple et menti au Congrès pour obtenir l'autorisation de conduire « une guerre préventive » et envahir l'Irak52(*) ; alors qu'il a encouragé un usage disproportionné de la force et provoqué la mort de civils irakiens innocents, alors qu'il a violé la convention de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre permettant la pratique de la torture dans la prison de Guantanamo ? Autrement dit, comment encore soutenir ce président, à moins d'être asservi ? Pour Pierre Hassner ou encore Denis Lacorne, si les Américains ont été imperméables aux objections extérieures, c'est parce qu'ils sont unis dans la lutte contre l'ennemi terroriste, d'où cet étonnant élan patriotique, ce sentiment de fierté qui les poussent à se battre pour leur pays. La population Américaine ne serait donc pas asservie, elle serait unie. Le patriotisme américain est comme un devoir sacré, il fait parti des valeurs américaines, et donc de l'identité du pays. En effet l'identité de la démocratie américaine ne se résume pas à ses institutions ou encore à sa politique. L'identité de la démocratie américaine s'inscrit dans le temps, parce qu'elle est fondée sur des bases stables telles que la Constitutions des Etats-Unis, mais ce n'est pas pour autant qu'elle ne change pas, elle tire sa richesse aussi des moeurs et des valeurs qui évoluent avec le temps. Pour revenir à notre problème, on ne peut pas dire que la population américaine soit asservie, car bien que la majorité de la population ait été favorable pour mener cette guerre, cela ne signifie pas pour autant que le président Bush soit apprécié. En effet, les manifestations contre la politique de Bush et son administration sont nombreuses ; Michael Moore par exemple qui est un réalisateur américain de documentaires engagés, n'hésite pas à exprimer librement ses opinions et à dénoncer au travers de ces films ou ses livres, tels que Bowling for Columbine, Fahrenheit 9/11, Mike contre-attaque ! : Bienvenue aux Etats Stupides d'Amérique, à coup d'anathèmes l'administration Bush53(*). Autrement dit, le droit de critique et la liberté d'expression des individus, sont assurés aux Etats-Unis, c'est une raison suffisante pour prouver que la démocratie n'a pas tourné au despotisme, malgré les abus dans l'usage politique de la force.

Par ailleurs pour que l'Amérique devienne despotique, il faudrait qu'il y ait un despote, or bien que George W. Bush occupe la fonction la plus déterminante du système politique, celle qui offre le plus de possibilité d'action puisqu'il est à la fois le chef de l'état, le chef du gouvernement, et le chef des armées ; il n'a pas le droit de tout faire, il ne peut être tout puissant. En effet, le président des Etats-Unis dispose d'un pouvoir très étendu mais dans les limites tracées par la Constitution. Aussi s'il peut conduire avec une certaine liberté la politique étrangère, pour déclarer une guerre il a toutefois besoin de l'approbation du Sénat. Outre ce contrôle du Congrès sur le président et son administration, il y a aussi le contrôle du pouvoir judiciaire. Aux Etats-Unis, le pouvoir judiciaire joue le rôle d'un contre-pouvoir extrêmement puissant, mais complexe54(*). Ce pouvoir est en effet complexe parce que les Etats-Unis d'Amérique sont une fédération constituée de cinquante Etats. Ainsi chaque Etat a son propre système judiciaire. Le pouvoir judiciaire est donc composé en réalité d'une multitude de systèmes autonomes : il existe un système judiciaire fédéral et les systèmes judiciaires individuels des États. Ces systèmes fédéraux et fédérés sont structurés comme des pyramides. Au sommet de chaque pyramide se trouve une instance de dernier ressort (au niveau fédéral, la Cour suprême des États-Unis ; au niveau de chaque État, la cour suprême de l'État) qui a le pouvoir d'interpréter le droit de cette juridiction. Il existe également un niveau intermédiaire : une cour d'appel dans la plupart des États, comme dans le système fédéral. Aux Etats-Unis n'importe quel tribunal a le droit de déclarer qu'une loi ou une action du pouvoir exécutif est inconstitutionnelle, sous réserve d'examen ultérieur par une cour de niveau supérieur. Ainsi grâce à cette pratique du fédéralisme, les pouvoirs sont partagés entre les Etats ce qui permet d'éviter, comme au niveau gouvernemental (exécutif et législatif sont séparés), qu'une seule personne ne détienne le pouvoir. Il y a toujours un contrôle qui s'effectue afin d'éviter tout abus du pouvoir. Par conséquence, malgré les actions illégales du gouvernement américain, on ne peut pas dire des Etats-Unis qu'ils soient en déclin progressif vers un despotisme, en revanche ne peut-on pas parler de crise d'identité démocratique américaine ? L'identité de la démocratie américaine s'adapte, nous l'avons vu, à l'évolution des moeurs, elle n'est pas un produit fini mais un processus en perpétuel évolution. Si l'on observe comme nous l'avons fait au cours des pistes principales du développement, l'univers social et politique dans lequel la démocratie évolue actuellement, il est possible de dire qu'elle soit en crise d'identité. Cette crise s'apparenterait à la crise d'identité d'un individu, qui change tout en restant le même. La différence donc entre une Amérique qui est en crise d'identité et une Amérique qui serait despotique, c'est que dans un premier cas on affirme qu'elle est toujours démocratique, bien que quelques aspects aient changés, alors que dans le second elle perd complètement son identité pour devenir un autre régime.

V- CORPUS PRIMAIRE

Pour réaliser ce projet sur l'identité de la démocratie américaine, j'ai dû lire plusieurs articles de presse francophone (Le Monde, l'Humanité, Courrier International, etc.) et anglophone (CNN, BBC, etc.) et parcourir plusieurs pages Web (Réseau Voltaire, géostratégique, etc.) afin de me tenir au courant de l'actualité. Bien que la démocratie américaine soit un thème toujours d'actualité, c'est aussi un thème qui remonte à plus de deux siècles. C'est pourquoi je me suis intéressée également à des ouvrages tels que : De la démocratie en Amérique, réalisé par Tocqueville, qui nous offre une étude du système politique et des moeurs américaines, se présentant à la fois comme une enquête historique et comme une réflexion sur la nature de la démocratie ; ou encore le livre de Marie-France Toinet, qui est également un excellent instrument de travail sur le système politique des Etats-Unis, son analyse précise et détaillée, non seulement des institutions, de la vie politique, mais aussi des pratiques quotidiennes contemporaines, nous permet de comprendre les évolutions historiques depuis la naissance des Etats-Unis.

Concernant la partie sur l'état de la question, j'ai fait référence essentiellement à l'analyse d'Ackermann, à son ouvrage intitulé : Au nom du peuple. Cette analyse est en effet nécessaire pour comprendre l'originalité et la particularité de la tradition constitutionnelle américaine. Pour parvenir au travail d'analyse et de comparaison entre les principes et les pratiques de la démocratie américaine, j'ai lu un certain nombre de spécialistes des Etats-Unis, tels que Denis Lacorne, André Kaspi, Jean François Revel, Pierre Hassner ou encore Emmanuelle Todd. Tous sont français, mais tous n'ont pas la même vision des Etats-Unis. Chacune de ces thèses m'a été néanmoins utile au cours de mon développement, bien qu'aucune d'elles prise isolément soit la solution à mon problème. Le livre de Kaspi par exemple, sur la civilisation américaine, qu'il a coécrit avec d'autres historiens spécialistes des Etats-Unis, est un ouvrage intéressant pour comprendre les valeurs de la démocratie américaine, la politique, les institutions, etc. c'est autrement dit un outil d'information pour ceux qui manquent d'informations ou sont complètement désinformés. Ainsi, bien que ce manuel ne permette pas de répondre directement à mon problème parce que ce n'est pas l'objectif de ce livre, il est indispensable pour éviter la posture de l'antiaméricanisme. Cet antiaméricanisme, plusieurs ouvrages en analysent les symptômes, notamment celui, magistral, de Jean-François Revel dans l'Obsession antiaméricaine, où il y fait une analyse de la psychologie de l'antiaméricanisme, de ses manifestations et de ses fonctions. Ainsi, si grâce à Revel on comprend mieux l'antiaméricanisme, grâce aux connaissances que Kaspi nous apporte sur les Etats-Unis, on peut plus aisément rétorquer les arguments antiaméricains. Par exemple, Emmanuelle Todd, dans son ouvrage Après l'Empire, dit de la superpuissance économique américaine qu'elle est dépendante, il va même jusqu'à dire qu'économiquement les Etats-Unis sont inutiles pour le monde. Or il suffirait de lire les chapitres consacrés à l'économie dans le manuel sur la civilisation américaine55(*), pour se rendre compte du contraire. Ainsi, lorsque l'on s'engage dans une critique des Etats-Unis comme le fait Todd, il est primordial de fonder ses arguments sur des preuves concrètes. Les ouvrages spécialisés sur les Etats-Unis peuvent nous apporter de telles preuves, bien qu'ils ne soient pas les seuls. Effectivement, des travaux comme ceux de Max Weber, notamment celui sur l'éthique protestante et l'éthique du capitalisme, n'est pas une étude spécialisée sur les Etats-Unis et pourtant cet ouvrage est essentiel pour comprendre par exemple l'éthique du travail aux Etats-Unis qui fait partie aujourd'hui des valeurs démocratiques américaines, ce livre peut donc servir comme preuve que le puritanisme a imprégné les moeurs aux Etats-Unis.

VI- BIBLIOGRAPHIE

· corpus primaire

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· corpus secondaire

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TABLE DES MATIÈRES

I- MOTIVATION P 2

II- ÉTAT DE LA QUESTION P 6

III- PROBLÈME P 9

IV- PISTES PRINCIPALES DU DÉVELOPPEMENT P 14

V- CORPUS PRIMAIRE P 34

VI- BIBLIOGRAPHIE P 36

ANNEXE P 41

Annexe :

L'organisation judiciaire

Aux Etats-Unis.

Tableau : L'organisation judiciaire aux Etats-Unis

COUR SUPRÊME FÉDÉRALE

COUR SUPRÊME D'ÉTAT

TRIBUNAUX DE COMTÉ

COURS D'APPEL

COURS D'APPEL

Circuit courts 12

COURS DE DISTRICT

District courts 93

Circuit fédéral

JUGES DE PAIX

TRIBUNAUX MUNICIPAUX

TRIBUNAUX SPÉCIALISÉS

Circuit fédéré

Source : DUHAMEL, O., Les Démocraties : régimes, histoires, exigences, Paris, Seuil, 1993, p.50

* 1 TODD, E., Après l'empire : essai sur la décomposition du système américain, Paris, Gallimard, 2002, p.96.

* 2 REVEL, J.-F., L'obsession anti-américaine : son fonctionnement, ses causes, ses inconséquences, Paris, Plon, 2002, p.42.

* 3 KASPI, A., Les Etats-Unis d'aujourd'hui : mal connus, mal compris, mal aimés, Paris, Perrin, 2004.

* 4 TODD, E., Après l'empire : essai sur la décomposition du système américain, Paris, Gallimard, 2002, p.11.

* 5 « check and balances », signifie en français « contrôle et équilibre » des trois pouvoirs.

* 6 ACKERMAN, B., Au nom du peuple : les fondements de la démocratie américaine, trad. de l'anglais par J.-F. Spitz, Paris, Calmann-Lévy, 1998, p.325-326.

* 7 ACKERMAN, B, ibid., p.238.

* 8 ACKERMAN, B, ibid., p. 328.

* 9 ACKERMAN, B, ibid., p.45.

* 10 ROUSSEAU, J.-J., Du contrat social, GF Flammarion, 1992, II, chap.2, p.52.

* 11 ROUSSEAU, J.-J., ibid., III, chap.4, p.95.

* 12 MONTESQUIEU, De l'esprit des loi, t.1, Paris, GF Flammarion, 1979, XI, chap.6. «  C'est moi qui souligne »

* 13 « Nul ne sera élu plus de deux fois aux fonctions de président - et nul, s'il a occupé ou exercé les fonctions de président pendant plus de deux années pour lesquelles un autre que lui avait été élu, ne sera élu aux fonctions de président plus de deux fois ». 22ème amendement, ratifié en 1951.

* 14 Nous parlerons des autres systèmes de contrepoids qu'utilise la démocratie américaine pp. 32-33.

* 15 MONTESQUIEU, ibid., livre XI, p.291-293.

* 16 A. TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, Paris, Garnier- Flammarion, I, partie I, chap. III.

* 17 « On appelle « culture de masse » un divertissement séduisant le plus grand nombre et produit dans un circuit économique. Elle s'oppose à une culture élitiste ou contre culture qui se développa aux Etats-Unis dans les années 60 (hippies, « beat generation »,...). Elle a constitué aux Etats-Unis un foyer de valeurs et de stéréotypes, propice au développement du fameux rêve américain ». JAMET, F., Les Etats-Unis : bilan et perspectives, Paris, L'Etudiant, 1999, p. 118.

* 18 Le discours en langue originale, "Nothing is so important as that America shall separate herself from the systems of Europe, and establish one of her own. Our circumstances, our pursuits, our interests, are distinct. The principles of our policy should be so also. All entanglements with that quarter of the globe should be avoided if we mean that peace and justice shall be the polar stars of the American societies.19" -Thomas Jefferson to J. Correa de Serra, 1820.

* 20 MENISSIER, T., «  Empire et Impérialisme », Eléments de philosophie politique, Paris, Ellipses-Marketing, 2005.

* 21 Contribution à L'empire américain?, sous la direction de Michel Wieviorka, Balland, 2004 (intervention de Justin Vaïsse aux Entretiens d'Auxerre, samedi 22 novembre 2003).

* 22 Cf. Rapport publié par Amnesty International le 13 mai 2005, intitulé Guantánamo and beyond : The continuing pursuit of unchecked executive power.

* 23 La guerre en Irak relève un certain nombre de contradictions que nous évoquerons à la page 28 de ce projet.

* 24 Aux termes du PIDCP ( pacte international des droits civils et politiques) et de la convention contre la torture, le gouvernement est tenu de veiller à ce que nul soit victime d'actes de torture, notamment de viol, ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ( art 7 du PIDCP). Il doit également faire en sorte que les personnes privées de libertés soient traitées avec humanité et respect pour la dignité de la personne humaine ( art 10 du PIDCP).

* 25 LESER, E., « la Cour suprême des Etats-Unis abolit la peine de mort pour les mineurs », Le Monde, 3 mars 2005.

* 26 On peut retrouver la listes des pays signataires de cette convention sur : www.droitsenfants.com

* 27 1865 : abolition de l'esclavage.

* 28 Arrêt Brown : En mai 1954, par sa décision historique dans l'affaire Brown contre la Commission scolaire de Topeka, petite ville du Kansas, la Cour suprême des États-Unis a décrété que la ségrégation dans les établissements d'enseignement public était anticonstitutionnelle. L'affaire doit son nom à Oliver Brown, un Afro-américain, qui s'est pourvu devant les tribunaux lorsque sa fille Linda, âgée de sept ans, s'est vu refuser l'admission dans une école élémentaire fréquentée exclusivement par des Blancs.

* 29 Chacun de ces grands ensembles d'ethnies regroupe plusieurs sous-groupes.

* 30 Cf. Civil rights act (la loi sur les droits civiques).

* 31 « Je vois, écrit Tocqueville, une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme [...]. Au-dessus de ceux-la s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. II est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. [...] il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation a n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. » 

TOCQUEVILLE, A., De la Démocratie en Amérique, Paris, Garnier Flammarion, 1981, II, 4ème partie, chap.VI.

* 32 Aux Etats-Unis, on est passé du principe de color Blindness (indifférence à la couleur de peau) au principe de color consciouness (prise en compte de la couleur de peau) qui justifie l'utilisation des mesures telles que les quotas pour corriger des discriminations avérées.

* 33 KYMLICKA, W., Les théories de la justice : une introduction, Paris, la Découverte, 2003, p.101.

* 34 Les étudiants blancs mécontents des statuts privilégiés des minorités (qui ont parfois un diplôme inférieur et ont néanmoins plus de droits) se réunissent en comités pour revendiquer une certaine parité. Le CCRI

( California Cvil Rights Acts Initiative) désire supprimer les critères ethniques dans l'administration et à l'université.

* 35 Selon Kymlicka, La citoyenneté multiculturelle : une théorie libérale du droit des minorités, il y aurait aux Etats-Unis deux grands modèles de minorités culturelles : les « minorités nationales », qui souhaitent se maintenir comme sociétés distinctes, parallèles à la culture majoritaire, et exigeant leur autonomie sous une forme ou sous une autre afin d'assurer leur survie en tant que société distincte (tels que les Amérindiens, les Portoricains, les Polynésiens d'Hawaï, etc.) ; et les « groupes ethniques » qui souhaitent s'intégrer à la société dans son ensemble et être accepté comme membres à part entière. Ces groupes ne constituent pas des «  nations » et ne résident pas sur leur terre d'origine.

* 36 KYMLICKA, W., La citoyenneté multiculturelle, une théorie libérale du droit des minorités, traduit par P. Savidan, Paris, La découverte, 2001, p.198.

* 37 De nos jours l'image qui qualifierait le mieux la société américaine, serait le salad bowl, image possible du multiculturalisme où les minorités ethniques seraient des feuilles de salades juxtaposées, cohabitant avec plus ou moins de concorde.

* 38 KYMLICKA, W., ibid., p.261

* 39 Lors du recensement national de 1990, on comptait respectivement : 140 millions de Protestants, 62 millions de Catholiques, 5 millions de Juifs.

* 40 Premier amendement (1791) «  le Congrès ne pourra faire aucune loi ayant pour objet l'établissement d'une religion ou interdisant son libre exercice, de limiter la liberté de parole ou de presse, ou le droit des citoyens de s'assembler pacifiquement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour qu'il mette fin aux abus ». TOINET, M.-F., Le système des Etats-Unis, PUF, Paris, 1987, p.609.

* 41 BELLAT, N., «  La religion civile aux Etats-Unis », 1967, Le débat, n°30, mai 1984, p.111. « C'est moi qui souligne ».

* 42 Ronald Steel, «Mr Fix-it», in New York Review of Books, 5 octobre 2001, pp.19-21.

* 43 «States like these, and their terrorist allies, constitute an axis of evil, arming to threaten the peace of the world» (« De tels Etats constituent, avec leurs alliés terroristes, un axe maléfique et s'arment pour menacer la paix mondiale), Discours prononcé par le président Bush le 29 janvier 2002.

* 44 Selon les termes de George W. Bush du 16 septembre 2001 : «  crusade » to «  rid the world of evil-doers ».

* 45 WEBER, M., Le savant et le politique, trad. de l'allemand par J. Freund, Paris, Le Monde en 10-18, 1963, p.64.

* 46 On peut retrouver le nombre de civils morts en Irak par les interventions militaires américaines, sur : http://www.iraqbodycount.net.

* 47 La conception des droits de l'homme, par exemple ne correspondrait pas à image et à la culture des Etats musulmans, c'est pourquoi d'ailleurs ils ont adopté en 1981, la Déclaration islamique universelle des droits de l'homme, car pour les musulmans les droits de Dieu priment sur les droits de l'homme, leur conception des droits de l'homme se fondent autrement dit sur la volonté divine.

* 48 Etude réalisée par Carnagie Endowment.

* 49 TOCQUEVILLE, W., De la Démocratie en Amérique, I, 2ème partie, chap. IX.

* 50 « Les tentatives gouvernementales pour « influencer » la pesse sont fréquentes. Elles vont parfois jusqu'à manipuler les informations (...), voire à poursuivre et ruiner la carrière de certains journalistes comme ce fut le cas pendant la période maccarthyste ». TOINET, M.-F., Le système politique des Etats-Unis, Paris, PUF, 1987, p.572-573.

* 51 S'il y a corruption et trahison, c'est parce que, écrit Spitz : «  les citoyens cèdent aux charmes de l'intérêt privé et qu'ils ont cessé d'être réellement des citoyens pour ne plus être que des sujets confiants à des politiciens professionnels, le soin de leurs affaires collectives ». SPITZ, J.-F., « Bruce Ackerman, théoricien de la démocratie dualiste », Critique, Décembre 1998, N°619, p.860.

* 52 Dans une interview diffusée en avril par la radio BBC, le chef des inspecteurs en désarmement, Hans Blix, a dénoncé la falsification de ce document pour justifier la guerre en Irak.

* 53 « We like nonfiction and we live in fictitious times. We live in the time where we have fictitious election results that elects a fictitious president. We live in a time where we have a man sending us to war for fictitious reasons. Whether it's the fiction of duct tape or fiction of orange alerts we are against this war, Mr. Bush. Shame on you, Mr. Bush, shame on you. » (« Nous aimons ce qui n'est pas fictif et nous vivons dans des temps fictifs. Nous vivons à une époque où nous avons les résultats d'une élection fictive qui élisent un président fictif. Nous vivons une époque où un homme nous envoie à la guerre pour des raisons fictives. Qu'il s'agisse de la fiction du ruban adhésif ou de la fiction des alertes orange nous sommes contre cette guerre, M. Bush. Honte sur vous, M. Bush, honte sur vous. » ). Discours prononcé lors des Oscars par Michael Moore, le lundi 24 mars 2003.

* 54 Cf. Annexe : l'organisation judiciaire aux Etats-Unis.

* 55 KASPI, A., DURPAIRE, F., HARTER, H., [et al.], La civilisation américaine, Paris, PUF, 2004, chap. 15 et 17.






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