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Pauvreté, Insecurité spirituelle et Dynamique religieuse: Cas de Lome, exemple du quartier Be

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par Yao HOUKPATI
Universite de Lome/ Togo - Maitrise es Lettres en Sociologie Urbaine 2008
  

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CONCLUSION

Au départ de cette étude était la question de savoir les motivations qui poussent les individus à s'affilier de plus en plus aux nouvelles formes de croyances dans la ville en Afrique sub-saharienne. Remarquant les conditions socio-économiques délétères dans lesquelles vie aujourd'hui une proportion croissante de citadins, et la permanente référence faite aussi bien dans les milieux profanes que religieux, à l'action des forces invisibles dans l'explication des malaises due à la crise urbaine, nous avons estimé que cette question soulève une problématique plus large des rapports entre la pauvreté, l'insécurité spirituelle et la dynamique religieuse en cours dans les milieux urbains. Pour y répondre, nous avons émis une hypothèse globale selon laquelle l'insécurité spirituelle que ressentent les individus les pousse à s'affilier à de nouvelles formes de croyance. Cette insécurité spirituelle qui est une condition de danger, de doute et de peur liée à l'action des forces invisibles, est déterminée par d'autres facteurs. Ce qui justifie la formulation des hypothèses spécifiques. La première hypothèse spécifique a trait au lien entre la pauvreté et l'insécurité spirituelle et s'exprime en termes de la prédominance de l'insécurité matérielle qui pousse les individus à penser à des sources de dangers invisibles. La deuxième hypothèse spécifique estime que l'ambiguïté des signes de manifestation de l'action des forces invisibles contribue au sentiment d'insécurité spirituelle. La troisième stipule que l'intensité de l'insécurité spirituelle s'accroît avec l'absence d'une autorité dominante pour interpréter les manifestations des infortunes. Et enfin une dernière est formulée selon laquelle le sentiment d'insécurité spirituelle a des incidences sur les individus et les communautés.

Pour donner forme à toutes ces hypothèses, quatre modèles d'analyses ont été construites. Le premier s'attache à la pauvreté monétaire, le second à l'insécurité spirituelle et les deux derniers s'intéressent à deux aspects de la dynamique religieuse plus précisément l'affiliation et la pratique religieuses.

En nous inspirant d'une analyse statistique des principaux résultats obtenus, nous avons estimé chaque modèle et identifier les variables qui l'influencent.

L'étude dans sa démarche s'est voulue composite en intégrant les interprétations idéalistes et matérielles, les approches qualitatives et quantitatives. Elle s'est étendue à 48 enquêtés dont 45 fidèles et 3 autorités religieuses, sélectionnés dans 3 églises de confession théologique différente, localisées dans 3 sous-quartiers de Bè.

Soumis à l'épreuve des faits, les modèles se sont avérés performants.

Des caractéristiques de notre échantillon, il apparaît que nous avons une incidence de la pauvreté de 73,3%, ce chiffre largement supérieur à celui de la moyenne nationale en zone urbaine (36,8%), n'est pas au contraire loin de la moyenne nationale en zone rurale (74,3%). Ce qui atteste du statut de notre site d'enquête en tant que zone rurale en pleine ville.

L'insécurité spirituelle si elle est réelle, son intensité est largement décuplée par la prédominance de l'insécurité matérielle (pauvreté et les malheurs s'y afférant), l'ambiguïté des signes de manifestation de l'action des forces invisibles, et l'absence d'une autorité dominante pour interpréter les manifestations des infortunes.

Elle provoque chez les individus un état d'anxiété découlant d'une psychose vis-à-vis de l'action de ces forces. Alors les liens sociaux dans les familles, les communautés s'en ressentent énormément. L'insécurité spirituelle participe à la rupture des liens primaires en faveur de liens secondaires basés le plus souvent sur la fraternité religieuse.

L'affiliation et la pratique religieuse sont aussi, tributaires dans une large mesure de la recherche des solutions contre l'insécurité spirituelle que ressentent les individus.

En somme, toutes nos hypothèses sont vérifiées et nos objectifs atteints. Mieux, le double rôle de carburant de l'insécurité spirituelle dans les restructurations des liens sociaux et dans l'affiliation religieuse, est révélé. Ce n'est pas tant la pauvreté qui détermine l'affiliation religieuse - même s'il existe de fortes corrélations - mais l'interprétation que les individus se font de leur état de pauvreté. Tant qu'ils conçoivent la prévalence de la pauvreté comme relevant de l'action néfaste des forces invisibles, ils y cherchent des solutions en s'affiliant aux églises et à de nouvelles formes de croyance.

La lutte contre la pauvreté doit donc retrouver toutes ses prérogatives car la pauvreté en plus de ses méfaits matériels sur les individus, les plonge dans un état diffus de psychose et tension psychologique.

Il s'avère aussi important de revoir les cadres institutionnels et juridiques qui gouvernent la création des églises afin de limiter et de prévenir les dérives qui peuvent découler de ce foisonnement effréné de structures religieuses.

Notre étude cependant ne porte que sur la ville de Lomé, ce qui ne nous permet pas d'extrapoler les résultats obtenus sur l'ensemble du pays. En outre, puisqu'il n'existe aucune source fiable donnant la répartition proportionnelle exacte de chaque religion dans la ville de Lomé, il est difficile d'affirmer que les proportions que nous avons utilisées dans cette étude sont représentatives de la constitution proportionnelle exacte des religions dans la ville.

Ces résultats appellent donc des études supplémentaires sur l'ensemble du pays pour d'une part, estimer les proportions religieuses exactes par répartition géographique et, d'autre part confirmer le rôle de l'insécurité spirituelle dans l'affiliation religieuse à l'échelle du pays. Enfin, il nous semble aussi important de souligner la nécessité de mener des études permettant de voir dans quel sens nos pratiques traditionnelles peuvent participer au développement de notre pays car il est aussi posé en filigrane à travers cette étude, la question du devenir de nos traditions qui sont de plus en plus reniées parce que considérées comme les vecteurs de l'insécurité spirituelle. « On peut regretter l'existence de ces forces, mais elles sont si étroitement liées à toute forme de pouvoir qu'elles sont essentielles au fonctionnement de la société. » rappelait C. Menning (2000)

La question du devenir de la ville trouve aussi un écho implicitement dans l'étude, dans la mesure où la religion en se voulant sociale, se donne « pour objectif de résoudre les problèmes inhérents aux conditions du développement de la ville et de ses contradictions, tant spatiales que sociales, en voilant ou déplaçant subrepticement le lieu même de l'explication du mal urbain » (J.J Wunenburger, 1979).

Doit-on donc transformer l'espace pour changer le contenu de la vie sociale, de la ville pour changer la vie, ou, à l'inverse, transformer la société pour changer le contenu de l'espace, changer la vie pour changer la ville ?

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