I.2 Approche méthodologique d'une philosophie
politique moderne et contemporaine.
Revenant aux fondements même de la
réalité politique, il est se révèle, que la valeur
de toute action politique a souvent constitué l'objet central de la
philosophie politique. Aujourd'hui la philosophie politique s'oriente
inévitablement vers une étude systématique de la vie
commune entre personnes physiques qui régissent leurs rapports sur des
concessions de type naturalistes, ou juridiques. Cela signifie que parler de
philosophie politique équivaudrait notamment à
réfléchir méthodiquement sur le vécu quotidien, ou
mieux, opter pour une compréhension du phénomène politique
à partir des catégories anthropologiques, philosophiques,
historiques et juridiques dudit phénomène. C'est aussi, tel que
nous l'avons souligné plus haut, l'instance d'une orientation des
recherches, de manière critique et rationnelle, sur les institutions et
pratiques sociales existantes. C'est un processus de compréhension
relatif au comportement interpersonnel, lequel crée la
possibilité d'une coexistence entre les hommes, sans pour autant
renoncer à l'exigence de la rigueur de la raison.
Une telle orientation de la philosophie politique voudrait
mettre en évidence la nature complexe du phénomène
politique puisqu'il comprend non seulement une composante rationnelle de
l'homme mais aussi le poids des intérêts matériels, des
pulsions instinctives, des passions, des convictions morales et religieuses qui
s'expriment à travers des idées, des comportements rituels, des
symboles, des métaphores et des mythes. Nous arrivons ainsi à
affirmer que toute compréhension critique du phénomène
politique nécessite une connexion de cette réalité
à d'autres aspects de l'expérience humaine. C'est pourquoi les
exposants d'une philosophie politique contemporaine se retrouvent face à
une pluralité de méthodes, visant toutefois le même
objectif. Ils tendent notamment à décrire l'ensemble des
procédés réflexifs qui, au cours des âges ont
conduit les penseurs à l'élaboration d'une telle discipline.
Parlant précisément de ces méthodes, Luc
Ferry et A. Renaut, affirment par exemple que l'actuation de la philosophie
politique devrait procéder par la formulation de l'Idéal
régulateur de toute action et dessiner le cadre d'une ontologie pratique
qui s'appuie sur une critique de la métaphysique9(*). Cette tendance cherche à
éviter la conception historique et philosophique
hégélienne qui légitime le triomphe de la raison au risque
d'étayer des illusions totalitaristes; aussi, elle rejette l'idée
heideggérienne qui se donne au mystère de l'histoire de
l'être, risquant ainsi de susciter tout genre d'irrationalisme. Et, la
conception kantienne fidèle, à une vision morale du monde n'est
pas du tout acceptée par le point de vue de Ferry et Renaut puisqu'elle
court le risque de justifier dans la terreur, un volontarisme
révolutionnaire. Bien d'autres auteurs contemporains se
réfèrent souvent aux droits de l'homme et à la confiance
dans la réalisation d'une conception procédurale de la
démocratie, laquelle s'applique à réinventer les
conditions du concept politique, des prises de décision collectives et
de la délibération publique10(*).
Toutes ces visions traversent de notamment la pensée de
Hannah Arendt, laquelle semble pourtant se détacher des théories
contemporaines et ne se fixer qu'aux évènements. Sa
réflexion ne prend son relief qu'au regard de l'histoire qui se fait, et
même lorsque ses idéaux semblent en offrir une image
inversée. C'est pourquoi elle affirme que le caractère
transitoire de la vie peut être partiellement dépassé
à travers la construction d'un monde durable et stable qui permette
l'exercice du souvenir et de l'anticipation de la mémoire et de la
confiance vis-à-vis du future : "Un monde durable et permanant est
ce dont l'homme, en tant qu'être mortel, a besoin : puisqu'il est la
créature la plus éphémère et la plus vaine que l'on
connaisse."11(*) Disons
plutôt que Arendt tend à redécouvrir la philosophie pour
son propre compte en la trahissant parfois. Ce faisant, elle puise aux sources
d'une véritable archéologie conceptuelle ; c'est bien ce qui
confère préciosité et efficacité à sa
méthode de recherche.
Observée dans sa dynamique contemporaine, la
philosophie politique impose une réelle structure inter communicative et
disciplinaire, seule garante de l'exorde d'une société politique
au sein de laquelle l'homme pourrait désormais s'engager et se
révéler pleinement dans toute forme d'action. Certes, nous ne
prétendons pas avoir décrit de manière absolue, la
description d'une méthodologie telle que la philosophie politique nous
la présente aujourd'hui, toutefois il nous semble évident que la
philosophie politique, actuelle s'affirme comme objet d'un exercice
situé à plusieurs dimensions qui offrent à chacun de se
bâtir un cadre de référence personnel. C'est notamment
à ce niveau que cette discipline révèle son
caractère polysémique. Pour cette raison elle nécessite
une étude particulièrement approfondie et
détaillée. Il reste cependant important de noter que la
pureté de toute méthode en philosophie politique telle que le
voudrait Hannah Arendt, consiste non seulement à ne point user des
moyens moralement inacceptables en soi mais aussi à ne pas à
rejeter de manière pharisaïque tout contact extérieur avec
la fondamentale amertume de l'expérience humaine.
Et pour obtenir une véritable compréhension de
ce qu'est la philosophie politique, il s'impose l'urgence comme nous l'avons
déjà souligné plus haut, de la lier à d'autres
secteurs de l'expérience humaine, afin de rentrer au creuset même
de sa propre nature. L`aspect pratique que nous affronterons dans la suite de
cet exposé consiste à révéler le statut, la
vocation pluridimensionnelle de la philosophie politique. Quels sont les
différents horizons qui ouvrent un champ d'action à cette
question devenue plus que jamais centrale dans les sociétés
actuelles? Il s'agit notamment d'affronter l'équivocité de la
philosophie politique dont l'interprétation laisse place à plus
d'une approche.
* 9 L. Ferry et A. Renaut ont
élaboré plusieurs travaux qui argumentent cette conception d'une
philosophie politique orientée par l'idéal d'un humanisme non
métaphysique. Parmi ces travaux, nous pouvons citer : L. Ferry,
Philosophie du droit I :
-Le droit. La nouvelle querelle des anciens et des modernes,
PUF, Paris 1984 ; Philosophie politique II : Le
système des philosophie de l'histoire, PUF, Paris 1984.
-L. Ferry et A. Renaut, Philosophie politique III : Des
droits de l'homme à l'idée républicaine, PUF, Paris
1985 ; la pensée 68. Essai sur l'antihumanisme contemporain,
Gallimard, Paris 1985 ; 68-86. Itinéraire de
l'individu, Gallimard, Paris , 1987; Heidegger et les modernes,
Grasset, Paris 1988.
- A. Renaut, Le système du droit. Philosophie et droit
dans la pensée de Fichte, PUF, Paris 1986 ; L'Etre de
l'individu. Contribution à une histoire de la subjectivité,
Gallimard, Paris 1989 ; Philosophie du droit (en
collaboration avec Lukas Sosoe), PUF, Paris 1991.
* 10 Parmi ces auteurs nous
pouvons citer Tocqueville qui a grandement oeuvré en vue de la
reconstruction de la sphère de la société civile ;
aussi, Habermas et Appel avec respectivement leur éthique
communicationnelle et éthique de la discussion.
* 11 H. Arendt, Between
past and future, Viking Press, New York 1968, p.95.
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