II.3 l'enjeu du Bien commun : une
nécessité politique
Cette partie de notre travail voudrait
démontrer l'importance du bien commun au sein d'un projet de
réalisation d'une société politique. C'est notamment dans
cette perspective que Arendt s'attellera à orienter sa philosophie
politique. C'est la manifestation d'une nécessité à penser
la société politique à partir du bien commun. Ce concept
est tellement complexe qu'il présente une certaine multiplication de
repères possibles, lesquels offrent à chaque individu la
possibilité de se bâtir son propre milieu de
référence. C'est une forme de célébration d'une
crise d'identité qui se manifeste par une perte de repères
anciens et de prolifération de repères nouveaux. Une telle
situation nous amène bien évidemment à nous poser des
questions sur la possibilité du bien commun, en tant que projet
réunissant ses différents aspects, le quel est évidemment
supérieur à leur somme.
Si aujourd'hui le bien commun se voit parfois nié et
même relativisé, c'est à cause du développement de
la notion d'incertitude et celui de la mécanique quantique, lesquels
soutiennent l'impossibilité d'atteindre une quelconque notion de vrai.
Ces notions confessent notamment l'impossibilité humaine de faire acte
de raison parfaite. En ce sens, toute vérité, le bien commun
compris, sont alors tenus pour aliénation. C'est une culture qui
soutient l'idée selon laquelle : chacun a droit à sa
vérité. L'on assiste ainsi à la montée de
l'autorité impersonnelle, laquelle s'affirme par un certain effet
corrosif des valeurs morales, alimenté par une disposition permanente de
l'homme à faire le mal. Par ce fait même, l'autorité perd
sa capacité à gérer la tutelle des conditions de
possibilité de l'ordre social.
Le bien commun se révèle alors comme
débat incontournable dans la mesure où il constitue l'histoire
même de l'humanité. C'est une histoire en perpétuel
mouvement, une réalité vivante qui n'offre aucune condition de
destruction à la société politique, une
vérité qui transcende les intérêts particuliers,
laquelle n'est définie ni au sens d'une loi ou encore moins d'une norme
à appliquer simplement. Mais le bien commun suppose un débat,
dans la perspective de ce qui semble juste, bien et fondamental au sein d'une
communauté. Il pourrait cependant s'opposer à la vertu et
à certaines valeurs conventionnelles. Parler du bien commun en tant
qu'exigence d'une réalité politique suppose que l'on identifie un
point de référence permettant aux points de vue particuliers, une
possibilité de confrontation et de conciliation à la
lumière des valeurs communes et éternelles.
Une telle conception du bien commun nous permet d'affirmer que
ce bien est une véritable condition de la liberté individuelle.
En ce sens, le rapport entre bien commun, loi, et exercice de
l'autorité, s'accentue avec plus de vigueur. De même la
légitimité de la loi ne se justifie que si son exercice favorise
la liberté de l'homme ; si cet exercice poursuit notamment la
recherche du bien de la communauté. C'est pourquoi Hannah Arendt pense
que l'autorité devrait nécessairement exclure l'usage des moyens
coercitifs ; car là où la force s'impose de manière
agressive, l'autorité proprement dite a échoué. Il est
clair que c'est le bien commun qui procure un sens à tout corps social
et à l'homme en tant que acteur social. L'ordre politique se voit ainsi
soumis à l'exigence du bien commun. A cet effet l'autorité
politique devrait éviter de confondre les exigences du bien commun
à ceux du droit positif, au risque de parvenir à des
déviances politiques et sociales telles qu'elles se sont produites au
coeur même des régimes totalitaires du XX° siècles. En
effets les aberrations du totalitarisme nous enseignent que la reconnaissance
de l'existence du bien commun ne consiste pas nécessairement à
soumettre les volontés individuelles à un certain ordre moral
arbitraire ; il est plutôt question d'une délibération
prônée au nom de la tolérance des valeurs de l'autre. Un
tel esprit se manifeste à travers une confrontation conduisant à
un compromis sur le sens que l'on entend donner à sa condition de
vie.
Toutefois l'idée qui nous reste fondamentale est
précisément liée au fait que le bien commun est
caractérisé par une prise de décision complexe, toujours
confronté à de nouvelles conditions de la croissance social. La
nécessité de préserver la cohérence de notre
société qui aujourd'hui, bascule dans un océan
d'incertitude et d'insécurité s'impose. A travers une
étude interprétative de la pensée arendtienne, nous
tenterons d'apporter plus d'éclaircissements aux multiples questions et
dilemmes qui ont surgit au long de notre exposé. Nous exposerons la
manière par laquelle Hannah Arent affronte la question du politique.
Nous essayerons de mettre en évidence les réalités qui ont
conduit Hannah Arendt à repenser le politique, en tentant de le refonder
à sa base. Cette réflexion critique nous permettra de
réévaluer la nécessité d'une philosophie politique
dans le cadre des possibilités politiques actuelles.
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