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L'effectivité des droits politiques de la femme sous la Ve République au Niger

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par Hassane Hamadou Namary
Université de Nantes - Diplôme d'Université de 3e cycle en Droits Fondamentaux 2006
  

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Chapitre 2 : La traduction des droits politiques de la femme à travers la loi sous la Ve République

C'est notamment à travers la transposition des engagements internationaux dans le droit interne et les lois d'application des principes et objectifs constitutionnels supérieurs qu'un Etat peut le mieux garantir le respect et la jouissance des droits de l'homme. Il ne suffit pas de ratifier les conventions internationales et d'adopter les principes de droits de l'homme comme normes constitutionnelles ; encore faudrait-il créer un cadre propice à la mise en oeuvre des droits reconnus. Les droits politiques sont nécessaires au fonctionnement de toute démocratie. C'est certainement ce qui explique l'évolution de l'encadrement législatif des droits politiques de la femme sous la Ve République, le plus long et stable régime démocratique du Niger moderne. Cette évolution est certes importante mais elle est loin d'être suffisante. Néanmoins, à ce niveau de la réflexion, nous allons nous contenter de mettre en lumière les textes majeurs relatifs aux droits politiques à savoir le code électoral d'une part (section 1) et la loi dite sur le quota d'autre part (section 2).

Section 1 - Le code électoral : des principes égalitaires pour une compétition inéquitable

L'Ordonnance n°99-37 du 04 septembre 1999 portant code électoral modifiée par la loi n°2003-32 du 17 juillet 2003 organise les modalités de préparation, de déroulement et de détermination des résultats des élections politiques et les règles applicables au référendum sous la Ve République au Niger.

L'ordonnance précitée précise à son article 6 que « sont électeurs, les nigériens des deux sexes de dix-huit (18) ans accomplis au jour du scrutin ou mineurs émancipés, jouissant de leurs droits civiques et politiques et n'étant dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi. » Conformément à la Constitution, le droit d'être électeur est reconnu aux femmes dans des conditions d'égalité avec les hommes. Par rapport aux conditions d'éligibilité et à la composition des listes électorales, cette loi énonce des dispositions générales applicables indistinctement du sexe.

Autrement dit cette ordonnance, qui est pourtant postérieure à l'Ordonnance n°99-30 du 13 août 1999 par laquelle le Niger faisait acte d'adhésion à la CEDEF, n'a pas voulu modifier le statu quo dans les rapports déséquilibrés entre les genres. Aucune disposition de cette ordonnance n'envisage un traitement spécifique propre à prendre en compte la situation particulière des femmes qui « sont les plus vulnérables parce qu'elles sont les moins instruites et les moins capables de mobiliser les moyens leur permettant d'utiliser toutes leurs

potentialités »44. Dans les conditions que connaissent les femmes nigériennes, poser des principes généraux insensibles aux genres ne permet pas d'assurer l'équité ni dans les compétions électorales et encore moins dans la représentation nationale.

L'article 57 par exemple qui interdit les tracts et déclarations diffamatoires et injurieux ne mentionne nullement le harcèlement et les multiples formes d'agressions dont les femmes candidates peuvent être l'objet en raison uniquement de leur sexe. Une telle disposition aurait dû attirer l'attention des candidats adversaires ainsi que leurs sympathisants sur l'importance de la protection spécifique à laquelle les femmes ont droit particulièrement en période électorale.

La loi n°2003-32 du 17 juillet 2003, modifiant et complétant l'ordonnance du 04 septembre 1999 portant code électoral a amélioré la représentation des femmes au sein de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Cette loi intervenue après l'adoption de la loi sur le quota dans un contexte où les organisations féminines revendiquent activement leur place dans la conduite des affaires nationales, réserve le poste de Deuxième Vice- Président de la CENI à une représentante des collectifs des associations féminines. Elle prévoit également une place de membre de la CENI à une représentante des associations féminines et une place à une représentante la Direction de la Promotion de la Femme. La loi ne définit toutefois pas comment assurer la pérennité de cette dernière place face aux multiples réorganisations dont font l'objet les ministères et les services centraux.

La loi du 17 juillet 2003 a aussi ramené de cinq (5) à deux (2) kilomètres la distance maximale entre le lieu de résidence et le lieu d'implantation du bureau de vote. Ce qui est susceptible d'encourager le vote des femmes en particulier en milieu rural où elles sont accablées par une charge de travail journalière importante.

Mais cela ne va pas résoudre le problème des femmes vivant sous le régime de la claustration qui est une forme de réclusion imposée par le mari. Interdites de sortir, ces femmes sont représentées au bureau de vote par leur mari qui vote à leur place grâce au mécanisme du vote par procuration. Ce choix est-il véritablement libre au sens de l'article 63 du code électoral qui dispose que « le choix de l'électeur est libre. Nul ne peut être influencé dans son choix par la contrainte » ? L'analyse faite dans une étude de l'Unicef sur la situation des femmes au Niger à ce sujet en 1994 conserve toute sa pertinence et sa vigueur dans le contexte de la Ve République. Le droit de vote, « bien que reconnu explicitement aux femmes (...) n'est pas exercé par celles soumises à la claustration. Celles-ci se retrouvent

44 Cabinet du Premier Ministre de la République du Niger, Stratégie de réduction de la pauvreté, Niamey, janvier 2002, p 45

littéralement privées de leur droit de vote du fait d'un recours abusif au vote par procuration bénéficiant très largement à leurs conjoints. Malheureusement avec le vote par procuration, les femmes soumises à la claustration, et même de très nombreuses autres qui ne le sont pourtant pas, demeurent d'éternelles muettes, car force sociale recluse, sans voix ni opinion politiquement efficiente.»45 Cette situation ignorée par le code électoral représente, à n'en point douter, un véritable défi aux libertés et à la démocratie.

En élevant de dix (10) millions à quinze (15) millions de francs CFA la participation aux frais électoraux pour les élections présidentielles, la loi modifiant le code électoral est susceptible de retarder encore l'émergence d'une candidature féminine à la fonction suprême. Si par cette nouvelle disposition, le législateur a voulu limiter les risques de candidatures pléthoriques voire fantaisistes pour l'élection du Président de la République, l'on ne peut objectivement ignorer que dans la société nigérienne, les femmes ont plus de difficulté à remplir cette condition que les hommes.

En effet selon le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), « la pauvreté au Niger a un visage féminin ».46 Et le DRSP explique que les discriminations dont sont victimes les femmes « sont relevées aussi bien dans les secteurs formels que dans les secteurs informels et se rapportent aux taux d'occupation des femmes par rapport à ceux des hommes, aux écarts entre les deux genres en ce qui concerne les revenus, à la surcharge de travail des femmes, à leur statut juridique inadéquat, à la persistance des pesanteurs socioculturelles qui influencent d'une façon ou d'une autre tous les domaines de la vie économique et sociale des femmes ; elles sont marginalisées dans le partage des moyens et des bénéfices du développement. »47 On ne peut être plus clair que le Cabinet du Premier Ministre lui-même ! La conséquence logique de cette analyse pertinente publiée en 2002, c'est-à-dire un an avant la révision du code électoral, aurait été le réaménagement des conditions financières de la participation des femmes à toutes les élections ; qu'elles se présentent sous la bannière d'un parti politique ou comme candidates indépendantes.

Même la loi n°2002-0 12 du 11 juin 2002 portant principes fondamentaux de la libre administration des régions, des départements et des communes et leurs ressources, adoptée trois (3) ans après l'adhésion du Niger à la CEDEF, n'a rien prévu pour donner aux femmes un rôle accru dans la conduite des affaires locales. A côté des membres élus des conseils dont la désignation par voix d'élection obéit à la loi sur le quota, il y a les membres de droit qui ont

45 UNICEF, Analyse de la situation des femmes et des enfants au Niger, Gubler SA, Lengnau (Suisse), 1994, p 58

46 Cabinet du Premier Ministre de la République du Niger, Op. cit., p 42

47 Ibid. p43

une voix consultative. Elle fait des députés et des chefs traditionnels des membres de droit des conseils mais ne prévoie aucune place pour les structures féminines. Quand on sait que tous les chefs traditionnels sont des hommes, il y a manifestement une rupture dans l'équité de la représentation des genres au niveau des institutions traditionnelles. Le législateur a-t-il pensé que la loi sur le quota était suffisante pour résoudre le problème de la représentation des genres et de la participation de la femme ?

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon