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L'effectivité des droits politiques de la femme sous la Ve République au Niger

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par Hassane Hamadou Namary
Université de Nantes - Diplôme d'Université de 3e cycle en Droits Fondamentaux 2006
  

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Section 2 - Défi et perspectives

Un faisceau de facteurs intimement imbriqués bloque le plein exercice des droits politique de la femme au Niger. Toutefois, à la faveur du processus démocratique et surtout de l'évolution du contexte international depuis quelques décennies, ces obstacles ne sont plus insurmontables. Quels sont les obstacles à l'effectivité des droits politiques de la femme nigérienne ? Quelles sont alors les possibilités d'améliorer la situation actuelle ? Voilà deux (2) questions auxquelles cette dernière section de l'étude tentera de répondre.

A- les défis à relever :

Selon Abdou Hamani, « La sous-représentation des femmes dans les sphères du pouvoir politique est un problème mondial. »73 Au Niger, les facteurs qui freinent la participation politique des femmes sont de plusieurs ordres et se situent dans certains cas en dehors du champ politique ou du moins en amont des manifestions du politique. L'on distingue des facteurs sociaux, culturels, économiques et juridiques qui se conjuguent et influent sur l'exercice des droits politiques des femmes au Niger.


· Au plan culturel, le faible taux de scolarisation et donc l'accès limité des femmes à l'instruction constitue un handicap majeur à la jouissance effective des droits politiques des femmes. En effet le taux de scolarisation au Niger est l'un des plus faibles de la

72 Diaw C. Aminata, Op. Cit. p 20

73 Hamani Abdou, Op. Cit., p 171

Sous région ouest africaine. Mais il a connu une évolution sensible au cours des dernières années. Le tableau ci-dessous nous renseigne sur le taux brut de scolarisation.

Taux brut de scolarisation au Niger (les chiffres dans le corps tableau sont des pourcentages)

 

1999-2000

2000-2001

2001-2002

2002-2003

2003-2004

2004-2005

ENSEMBLE

34

37

42

45

50

52

FILLES

27

30

33

37

40

43

GARCONS

39

45

50

54

60

63

Sources : Ministère de l'Education de Base et de l'Alphabétisation (MEBA), annuaire statistique 2004 - 2005

L'évolution du taux de scolarisation est beaucoup plus marquée chez les garçons que chez les filles où ce taux est de 43 % en 2005 alors que la moyenne nationale est de 52%. Cette disparité dans l'égalité des chances dans l'accès à l'école se traduit à long terme par une inégalité dans l'accès aux emplois publics et bien d'autres opportunités. L'analphabétisme qui frappe plus les femmes que les hommes, leur empêche d'exploiter toutes leurs potentialités dans la vie. Le Niger est loin de réaliser l'objectif de « garantir à tous une éducation primaire » et de la cible d'«éliminer la disparité entre les sexes dans les enseignements primaires et secondaires d'ici 2005 si possible et, à tous les niveaux de l'enseignement en 2015 au plus tard ».74

Le volume des tâches ménagères a une influence négative à la fois sur le taux de scolarisation et à la survie scolaire des jeunes filles gardées auprès de leurs mères qu'elles aident dans les travaux domestiques. Selon le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), « le faible niveau d'éducation de la jeune fille et d'alphabétisation de la femme s'explique également par la persistance des pesanteurs socioculturelles (notamment les mariages forcés, la claustration, etc.) l'interprétation erronée des préceptes de l'islam qui régissent la vie de la société et la méconnaissance de leurs droits par les femmes. »75


· Sur le plan social, les modèles et stéréotypes basés sur l'infériorité de la femme conduisent à la masculinisation de certaines responsabilités et activités auxquelles les femmes ont plus de peine à accéder (postes de cadres de commandement par exemple). Certaines pratiques sociales fondées sur la religion ou les coutumes (la claustration par exemple) font échec aux principes égalitaires dont sont porteurs les textes consacrant les droits politiques de la femme, y compris la constitution. Ce que confirme le RNDH 2004 qui souligne que « les

74 Voir Objectifs du Millénaire pour le développement.

75 Cabinet du Premier Ministre de la République du Niger, Op. cit., p 44

résistances socio-culturelles à l'égalité des hommes et femmes et à l'autonomisation des femmes constituent l'un des principaux obstacles à surmonter pour introduire des réformes en faveur des femmes. Les mariages précoces, la division sexuelle du travail, les mariages forcés et la persistance de pratiques néfastes comme les mutilations génitales des femmes dans certaines zones, constituent autant d'obstacles à la promotion des femmes. »76

· Du point de vue économique, la pauvreté généralisée du pays, qui frappe les femmes en particulier, est un handicap sérieux à leur plein épanouissement. Le DSRP du Niger révèle que 63 % des nigériens (soit deux nigériens sur trois) vivent en dessous du seuil de la pauvreté et 34 % (une personne sur trois) vivent en dessous du seuil de l'extrême pauvreté. Selon le RNDH Niger 2004, «beaucoup plus marquée en milieu rural, la pauvreté affecte moins les hommes que les femmes, notamment les femmes au foyer et les inactifs à hauteur de 75%. »77

Victimes de discriminations dans l'accès aux emplois les plus rémunérateurs, elles ont un accès très limité aux moyens de production. Dans ces conditions le combat quotidien des femmes pour la satisfaction des besoins pratiques (trouver de l'eau, se nourrir, soigner ses enfants, se vêtir, etc.) a tendance à prendre le pas sur la défense de leurs intérêts stratégiques. Le contexte socio-économique actuel du Niger ne permettra pas, à court et moyen terme, d'éliminer l'inégalité des sexes ainsi que les disparités entre les sexes.

· Sur le plan juridique et institutionnel, il se pose un problème de garantie des droits affirmés par les conventions internationales et les normes nationales. L'exemple le plus récent se rapporte aux dispositions de la loi sur le quota qui ont permis une amélioration de la représentation des femmes dans les fonctions électives mais peinent à s'imposer dans les mesures nominatives. La garantie du recours à la Chambre administrative est difficile à mettre en oeuvre comme nous l'avons vu plus haut. Ce qui fait dire à la Direction de la Promotion de la femme que « dans les faits, la loi sur le quota n'est pas aisée à mettre en oeuvre. »78

Par ailleurs, avec le poids des traditions et de l'influence de la religion, l'écrasante majorité des femmes nigériennes ignorent jusqu'à l'existence des lois et conventions qui leur accordent des droits égalitaires. Les réserves du Niger à la CEDEF, qui selon certains Etats parties à la convention, «vident l'engagement de la République du Niger de tout contenu »79, s'expliquent en grande partie par la reconnaissance de cette réalité sociologique.

76 Système des Nations Unies au Niger, Op. Cit. p 78

77 Ibid. p 32

78 MDS/P/PF/PE, Op. Cit. p 22

79 Voir RJDH, recueils des instruments juridiques internationaux et régionaux africains relatifs aux droits humains ratifiés par le Niger, Niamey, NIN, 2003, p 75

Il faut souligner la cohabitation entre les normes coutumières et le droit moderne qui lui- même a ses propres contradictions internes. Certaines dispositions de la loi sont par exemple contraires aux principes généraux énoncés par la constitution. Le cas typique est celui de l'article 223 du code civil qui reconnaît à l'époux un droit d'opposition au travail de la femme en violation de l'article 25 de la Constitution qui reconnaît « à tous les citoyens le droit au travail» ainsi que des conventions internationales relatives aux droits de l'homme ratifiées par le Niger.

Le statu quo qui correspond à la sous représentation des femmes dans les institutions devient difficile à réformer car les principales personnes concernées, les femmes, ne sont pas toujours suffisamment associées aux réflexions et à l'élaboration des politiques. Cela est d'autant plus vrai que le niveau d'organisation et de coordination des organisations de promotion des droits de la femme n'est pas de nature à ébranler le rapport de forces ou à jouer un rôle de persuasion et de dissuasion en faveur des droits politiques de la femme auprès des décideurs.

B - Perspectives d'amélioration des conditions d'exercices des droits politiques de la femme

Au Niger, pas plus qu'ailleurs, la réforme des questions liées aux habitudes, aux comportements sociaux n'est jamais aisée. La vision égalitaire du droit issue des conventions internationales et de la constitution se heurte aux résistances socioculturelles et religieuses. Mais aujourd'hui la réforme s'impose car le Niger a souscrit à des engagements et il est de plus en plus évident pour tout le monde qu'un Etat démocratique ne peut se construire sur la base de la discrimination entre les citoyens. En effet «l'inégalité entre les sexes est un gaspillages de ressources et de potentialités précieuses et ne s'accorde pas aux valeurs déclarées d'une démocratie pluraliste. »80

L'élimination des disparités entre les sexes en matière de droits est un impératif de développement auquel le Niger ne saurait se soustraire. Pour améliorer l'exercice effectif des droits politiques de la femme, quelques pistes de réflexion et peut-être d'action peuvent être judicieusement envisagées. Il s'agira avant tout de moderniser le droit en la matière, d'apporter plus de garantie aux droits politiques de la femme et de faire en sorte que le Niger puisse respecter ses engagements internationaux.

80 Hamani Abdou, Op. Cit. p183


· Réformer les normes coutumières et modernes en ce qu'elles ont de discriminatoire : La Constitution et les conventions internationales régulièrement ratifiées par le Niger se trouvent au sommet de la hiérarchie des normes. Il est donc impératif d'engager un travail d'harmonisation des normes inférieures (lois, règlements et coutumes). Il s'agira là d'un travail qui doit s'inscrire dans le moyen et long terme avec une forte implication des parties prenantes dans un processus de négociation et d'information. Il faudrait informer les citoyens et leur donner déjà l'occasion de mettre en oeuvre l'article 113 de la Constitution selon lequel « toute personne partie à un procès peut soulever l'inconstitutionnalité d'une loi devant toute juridiction par voie d'exception. » Un Observatoire national de la promotion de la femme opérationnel travaillant en collaboration avec la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales pourrait apporter cet éclairage soit directement soit à travers les organisations de la société civile.

· Lever les réserves du Niger à la CEDEF : La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, est considérer comme une véritable charte des droits de la femmes. La levée des réserves émises par la république du Niger permettra de faire bénéficier aux femmes nigériennes de l'ensemble des droits affirmés par la convention. Cela permettra surtout d'ôter toute base juridique aux nombreuses discriminations dont les femmes sont victimes.

· Améliorer l'accès des femmes à l'éducation : Une meilleure jouissance des droits

politiques de la femme passe nécessairement par l'amélioration de leur accès à l'instruction. Les efforts de l'Etat pour améliorer le taux de scolarisation et celui de la jeune fille en particulier doivent se poursuivre à tous les niveaux de l'enseignement. Mais l'amélioration du taux de scolarisation ne suffit pas. Encore faudrait-il mettre l'accent sur la qualité même des programmes et du cadre de l'école pour augmenter les chances de réussite des élèves et étudiants. L'école doit surtout contribuer à éliminer toutes les formes de discriminations dont sont victimes les femmes et combattre les stéréotypes fondés sur l'infériorité de la femme. L'école doit former tous les enfants du pays et en faire des citoyens égaux.

· Ratifier le protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatifs aux droits des femmes, sans réserve : ce protocole régional vise à assurer la promotion, la réalisation et la protection des droits de la femme afin de lui permettre de jouir pleinement de tous les doits humains comme le précise bien son préambule. Les Etats parties se déclarent « préoccupés par le fait qu'en dépit de la ratification par la majorité des États Parties à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de tous les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, et de l'engagement solennel pris par ces États d'éliminer toutes les formes de discrimination et de pratiques néfastes à l'égard des femmes, la femme en Afrique continue d'être l'objet de discriminations et de pratiques

néfastes ». Aux termes de l'article 2 du protocole, ils s'engagent par conséquent à combattre « la discrimination à l'égard des femmes, sous toutes ses formes, en adoptant les mesures appropriées aux plans législatif, institutionnel et autre. »

La ratification de ce protocole permettra de combler les lacunes nées des réserves du Niger à la CEDEF. Les organisations féminines ont fait de la ratification intégrale de ce texte leur cheval de bataille. L'incorporation de ce protocole dans le droit nigérien rendra hors la loi plusieurs pratiques discriminatoires à l'égard des femmes.

· Réviser la loi sur le quota : Initiative louable pour améliorer la participation des femmes à l'Assemblée, dans les conseils locaux, au Gouvernement et dans les emplois supérieurs de l'Etat, la loi sur le quota a permis l'entrée d'un nombre plus élevé de femmes au parlement et dans les conseils municipaux. Mais comme l'affirme si bien Jacqueline de Groote « il ne suffit pas que quelques femmes accèdent à de hautes fonctions. Isolées des autres femmes, elles y deviennent rapidement des otages du pouvoir en place. Il faut un nombre suffisant de femmes au pouvoir pour apporter une vision nouvelle des relations entre les hommes et les femmes dans la société et faire évoluer les institutions. »81

Avec 12 % de femmes à l'Assemblée Nationale, la loi sur le quota n'a toutefois pas permis au Niger de réaliser la moyenne africaine de représentation des femmes au parlement qui est de 14 % alors que la moyenne mondiale est de16 % selon le rapport 2005 des Nations Unies sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Une révision plus ambitieuse de ce quota à la hausse s'impose pour permettre au Niger de s'inscrire parmi les nations qui cherchent à établir la plus grande équité entre les genres au sein de la représentation nationale.

Par ailleurs les effets attendus de la loi sur le quota tardent à se produire au niveau des nominations au niveau du Gouvernement et des emplois supérieurs de l'Etat et la garantie de recours offerte par son décret d'application s'avèrent difficile à mettre en oeuvre. Pour avoir plus d'impact, il faut étendre le système de quota à toutes les institutions de la République en réservant des places aux femmes. La révision du code électoral dans le sens d'introduire la discrimination positive au regard de la caution à verser et de la répression du harcèlement basé sur le sexe paraît salutaire pour donner plus de chance à celles qui en ont le moins dans la préparation et le déroulement des compétions électorales.

· Offrir plus de garanties aux droits politiques de la femme : L'Observatoire Nationale de la Promotion de la femme créé par le Décret n°99-545/PCRN/MDS/P/PF/PE du

81 De Groote J., « pourquoi, partout, la question de la place de la femme dans le processus de décision et de la responsabilité publique se pose-t-elle ? », La place de la femme dans la vie publique et dans la prise de décision, Paris, L'Harmattan, 1997, p 24

21 décembre 1999 doit être redynamisé pour lui permettre de jouer un rôle actif dans la promotion et la protection des droits politiques de la femme. Sa composition doit être revue pour faire plus de place aux organisations de la société civile (associations et ONG). Le nombre de fonctionnaires et la présidence confiée à un ministre ne permettent pas à l'Observatoire d'avoir l'indépendance ou du moins l'autonomie nécessaire à la bonne exécution d'une telle mission. Les membres de l'Observatoire doivent élire leur président et les autres membres du bureau. Ce mécanisme est plus conforme à l'esprit de la démocratie et plus approprié à la recherche de l'efficacité. Cet Observatoire peut travailler étroitement avec la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (CNDHLF) dont nous avons examiné la mission plus haut, pour assurer une meilleure protection des droits politiques de la femme. En effet le pouvoir de recevoir des plaintes, de s'auto-saisir, de mener des enquêtes et les compétences de médiation reconnus à la CNDHLF sont autant de mécanismes qui, mis au service de l'exercice des droits politiques de la femme, permettent de mieux en garantir la protection. Il suffit finalement de quelques ajustements législatifs et institutionnels pour garantir une plus grande effectivité des droits politiques de la femme au Niger.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery