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Crises financières : Cas de la crise des subprimes 2007

( Télécharger le fichier original )
par Tayeb BENDJEDI et Mohammed GHILES
Université de Toulouse 1 - Master 1 Finance 2009
  

Disponible en mode multipage

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Tables des matières

Introduction 3

Chapitre 1: Crises financières : Théorie et Typologie 4

Section 1. Definition: Friedman-Schwartz vs. Keynes- Minsky-Kindleberger 5

Section 2. Théorie des crises financières 9

1. Le modèle de l'investissement euphorique et des crises financières de Minsky (1982) 9

2. Le modèle de ruées bancaires d'Allen et Gale (2007) 12

Section 3. Typologies de crises financières 22

1. Les crises bancaires : 23

2. Les crises de change 25

3. Les crises jumelles 26

Chapitre 2 : Les crises financières dans l'histoire économique 30

Section 1 : Les crises dans l'histoire récente 30

1. La crise scandinave, 199 0-1992 30

2. La crise asiatique, 1997-19 98 32

3. La crise argentine, 2001 35

Section 2. Les crises dans l'histoire longue 38

1. La Tulipmanie, 1636 38

2. La crise de la compagnie des mers du sud, 1720 40

3. La grande dépression de 1929-33 41

Chapitre 3 : Les dysfonctionnements financiers au coeur de la crise des Subprimes 44

Section 1. La titrisation : une pratique confuse au vu de la sophistication et de la complexité des produits

financiers 44

1. Les principaux caractéristiques de la titrisation 44

2. La titrisation des crédit subprimes 46

3. Le rôle de la titrisation dans la crise des crédits de subprimes 48

Section 2. Le rôle suspicieux des agences de notation 51

1. Principe des agences de notations (Rating Agencies) 51

2. Les acteurs de notations 51

3. Méthodologies et interprétation des notations 52

4. Les dérives des agences de notation dans la crise des subprimes 53

Section 3. Le dilemme des paradis fiscaux. 54

Chapitre 4 : Le contexte macro-économique instable a, lui aussi, contribué au déclenchement de la crise des sub primes 58

Section 1 : La stabilité monétaire vs. L'instabilité financière 58

Section 2 : La détérioration des fondamentaux d'aversion pour le risque et de taux d'intérêt 62

Section 3 : L'excès de la liquidité et le boom du crédit 67

Conclusion 74

Bibliographie : 78

3

Introduction

Qu'est-ce qui s'est passé en Asie en 1997 ? des pays comme la Corée du Sud, la Thaïlande, l'Indonésie, le Singapour et Hong Kong qui étaient par le passé un grand espace de croissance et de développement, ont subi des crises financières : les banques et les autres intermédiaires financiers étaient mis sous pression et beaucoup d'entre eux se sont effondrés. Pour un grand nombre de nous, ces crises étaient peut être un nouveau phénomène. Cependant, il y avait des crises dans d'autres pays comme le Mexique et le Brésil. Mais, encore faut-il constater ces deux dernières année qu'il y a pire que celles-là; George Soros a noté dans l'introduction de son ouvrage intitulé « The New Paradigm for Financial Markets » que nous sommes à présent au milieu de la plus grave crise financière depuis 1930. Certes, elle ressemble en quelque sorte aux autres crises que certaines économies ont connues ces 25 dernières années, mais il existe en l'occurrence une différence profonde : la crise actuelle marque la fin de l'ère de l'expansion du crédit basé sur le dollar comme la devise internationale. Les crises périodiques faisaient partie d'un large processus d'expansion-contraction (boom-bust); la crise actuelle est l'apogée d'un super-boom qui a duré plus de 25 ans.

En effet, la crise financière à laquelle nous assistant actuellement, connue sous le terme de crise de crédits de subprimes américains, est le nom d'un tournant historique dans notre économie et notre culture. Elle est le résultat de la démesure d'une bulle immobilière qui a débuté aux Etats-Unis en 2006 et qui, maintenant, s'est propagée à d'autres pays sous forme de faillites financières et d'un crash global du crédit. Ceci dit, le besoin de comprendre la logique des crises financières est plus grand que jamais.

A partir de là, notre travail est conçu dans le but d'essayer de projeter sur notre thème toutes les lumières qui lui conviendrait en faisant situer la crise actuelle dans sa perspective théorique et historique en commençant dans le chapitre 1 par une démarche théorique qui consiste à donner les analyses faites par les économistes au sujet des crises financières pour mieux les comprendre. Le deuxième chapitre nous plonge dans l'histoire à travers les crises les plus tumultueuses qui ont marqué ces quatre derniers siècles. Et ce n'est qu'en chapitre 3 que nous discuteront de la crise des subprimes en évoquant les dysfonctionnements financiers qui y ont contribué. Le Chapitre 4 vient enfin en effet compléter le chapitre précédent pour dire que l'instabilité macroéconomique a été, elle aussi, favorable à l'éclatement de la crise.

Chapitre 1: Crises financières : Théorie et Typologie

La crise financière actuelle retient une attention particulière de tous les économistes et en particulier des théoriciens des crises financières. Pourtant, le contraste est très remarquable entre d'une part l'approche majoritaire à propos des facteurs déclenchant les crises financières dans les années trente et la vision de beaucoup d'économistes aujourd'hui, d'autres parts. Dans la crise de 1929, le marché constituait un problème et l'intervention des gouvernements était la solution; aujourd'hui un grand nombre d'économistes admettent que les politiques macroéconomiques incohérentes et inappropriées des gouvernements ou l'aléa moral dans le système financier causé par les garanties gouvernementales sont à l'origine des crises récentes, d'où les gouvernements sont une cause des crises financières et non pas une solution : les forces du marché sont une solution.

En effet, l'étude des crises financières était historiquement un domaine important dans les sciences économiques. Or, avec la disparition des crises bancaires dans la période d'après-guerre, l'intérêt pour elles s'est de moins en moins réduit, d'autant plus que les historiens s'en sont de plus en plus accaparés. Maintenant que les crises1 sont réapparues avec des conséquences plus ou moins ravageuses, beaucoup de travail et de recherche reste à faire.

Dans ce chapitre, on voudrait exposer quelques perspectives sur ce débat en donnant une introduction brève de la théorie des crises financières pour comprendre l'analyse faite de ces dernières. L'objectif, dans la première section, est d'explorer les définitions qui apparaissent les mieux appropriées aux crises financières et d'en tirer les controverses. Dans la section 2, on présente la théorie des crises financière basée sur la panique bancaire : on présente en particulier le modèle de Minsky qui montre que les crises financières se préparent quand tout va bien et qu'elles ne sont que le résultat de la panique bancaire suite aux runs bancaires. Enfin, on proposera dans la dernière section une présentation typologique assez détaillée des crises financières.

1 Caprio et Klingebiel (2003) recensent 117 crises systémiques depuis la fin des années 1970.

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Section 1. Definition: Friedman-Schwartz vs. Keynes- Minsky-Kindleberger

« Le changement radical qui est arrivé dans la théorie économique n'a pas été le résultat d'une guerre idéologique; Il n'a pas été non plus le résultat des croyances politiques divergentes ou des buts. Il a répondu presque entièrement à la force d'événements : l'expérience brutale s'avère beaucoup plus puissante que le plus fort de préférences politiques ou idéologiques. » (Friedman, 1977, p. 470)

Les crises financières ont fasciné et fascinent encore plus d'un économiste, monétariste qu'il soit ou issue du courant keynésien. Cependant, il est difficile en effet jusqu'à présent de donner une définition précise de la crise financière, car les économistes et théoriciens qui les étudient s'accordent peu à ce sujet. Mais ce qui nous importe le plus dans cette partie est simplement de spécifier leurs symptômes et surtout leurs causes.

Les économistes monétaristes définissent une crise financière comme étant associé de toute évidence à une crise bancaire, et lorsque la stabilité du système bancaire s'avère menacée, tout le système financier pourrait s'effondrer si la banque centrale n'intervient pas. Ainsi, plus concrètement, l'effondrement d'une institution financière importante provoque des runs bancaires (ruée vers les banques) : les clients, incapable de distinguer les banques solvables des banques insolvables, s'affolent et retirent leurs dépôts. D'autant plus que s'il n'y pas une action urgente de la part de la banque centrale (qui fournit la liquidité aux banques solvables n'étant surtout pas illiquides), les banques solvables, qui cherchent d'avoir plus de liquidité se trouvent, sous le coup de la baisse de leurs valeurs d'actifs, elles aussi menacées.

Dans leur fameux livre de l'Histoire Monétaire des Etats-Unis, 1867-1960, Friedman et Schwartz ont constaté que, alors que les réserves monétaires avaient eu tendance à monter tant pendant les périodes d'expansions cycliques que pendant celles des contractions, le taux de croissance de l'offre de monnaie avait été plus lent pendant les contractions que pendant les expansions. Dans la période examinée, les six périodes de contraction économique majeure identifiée par Friedman et Schwartz étant: 1873-9, 1893-4, 1907-8, 1920-21, 1929-33 et 1937-8, étaient aussi les seules périodes où il y avait une baisse absolue considérable dans les réserves de monnaie. Friedman et Schwartz, en étudiant les circonstances historiques étant à la base des changements qui sont arrivés dans l'offre de monnaie durant ces

récessions majeures, ont montré que les facteurs provoquant la contraction monétaire étaient principalement indépendants des changements antérieurs des revenus monétaires et des prix. Autrement dit, les changements monétaires ont été considérés comme une cause des crises majeures, plutôt qu'une conséquence. La chute absolue dans les réserves monétaires qui a eu lieu pendant les deux périodes : 1920-21 et 1937-38, était une conséquence des actions politiques restrictives fortes entreprises par la réserve fédérale américaine qui ont consisté à doubler le taux de réserves obligatoires en 1936 et au début de 1937, note-t-ils. Il s'en est suivi donc une baisse brutale dans les réserves de monnaie, qui, à son tour a entrainé vers une période de contraction économique sévère.

Ainsi que dans la grande dépression (1929-30), Friedman et Schwartz ont montré aussi qu'une baisse initiale lente des réserves monétaires s'est transformée en une baisse forte par suite d'une vague de faillites bancaires qui ont commencé à la fin de 1930 (The Great Contraction 1929-1933, p.100). Ils pensent que ce déclin dans les réserves monétaires était davantage intensifié par l'action restrictive de la réserve fédérale, action qui visait à augmenter le taux de réserves obligatoires en octobre 1931, une situation qui a dégénéré vers de nouvelles faillites bancaires. Friedman a conclu en disant que la Grande Dépression, comme la plupart des autres périodes de chômage sévère, a été produite par une mauvaise gestion gouvernementale plutôt que par n'importe quelle instabilité inhérente à l'économie privée.

Leur vue est justifié par ce que les changements dans les réserves monétaires jouent un rôle largement indépendant dans les fluctuations cycliques, puisque les mouvements cycliques de la monnaie ont une relation plus ou moins identique que les mouvements cycliques dans l'activité industrielle et commerciale. Pour Schwartz, la solution d'une crise financière est d'assurer qu'un système financier sûr et fiable soit mis en place afin que les banques centrales puissent fournir la liquidité aux seules banques solvables.

Or, la distinction entre les banques insolvables et les banques illiquides peut en effet s'avérer délicate. Kindleberger (1978) rejette la distinction (qu'a faite Schwartz) entre les crises réelles, qui impliquent des changements dans la base monétaire et les autres crises dites crises pseudo. Pour expliquer la crise financière, Kindleberger se réfère à Minsky dont il interprète le modèle en disant que n'importe quelle crise financière doit faire partie endogène du cycle économique : le système financier subit un choc exogène, qui est assez significatif pour augmenter les opportunités de profit dans un secteur nouveau ou existant de l'économie tout en les empirant dans d'autres.

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Ce choc original inclut des événements aussi divers que : le début ou la fin d'une guerre, une nouvelle technologie qui devient très populaire, un événement financier important (la dérégulation financière, par exemple), ou un changement inattendu dans la politique monétaire.

Dès lors, les investisseurs se dirigent vers ces nouveaux marchés (actifs, marchandises ou services), de façon à ce qu'il y ait une relance de la croissance économique. Une augmentation des crédits stimule ainsi ce boom économique et élargit l'offre de monnaie. Si le gouvernement n'intervienne pas pour empêcher la crise, les agents prennent des investissements plus risqués créant par conséquent une euphorie2 . Selon le terme de Minsky (1977), le système financier devient croissant fragile, se caractérisant par un certain nombre de particularités:

· Les banques se couvrent insuffisamment contre le risque, parce qu'ils pensent probablement avoir une vue optimiste de la valeur des biens offerts en garantie, ce qui permet aux investisseurs de s'engager dans des activités même si elles sont plus spéculative.

· A un moment donné, la demande d'investissement excède l'offre dans ces nouveaux secteurs, ce qui fait augmenter les prix, créant ainsi de nouvelles opportunités de profit et encore plus d'investissement, ce qu'augmentent les revenus et incitent les agents à s'engager dans de nouveaux investissements.

· Un comportement moutonnier est observé, impliquant les agents inexpérimentés qui n'entreprennent pas normalement d'investissement.

D'autres définitions et/ou explications de crises financières sont apparues dans la littérature économique. Nous mettons d'abord l'accent sur le secteur bancaire qui en est le déclencheur et est souvent identifié comme la source du problème. De par leur fonction d'intermédiation, les banques prennent en effet beaucoup de risques : elles prêtent aux sociétés et aux ménages qui, elles, utilisent ces prêts pour financer des achats d'actifs comme l'immobilier, les actions, etc. De plus en plus d'achats sont faits pour des buts spéculatifs. Plus la proportion de financement des dettes à court terme, s'accroit, plus le risque est grand. Ainsi suffit-il un événement qui déclenche une chute dans la valeur de ces actifs et tous les emprunteurs s'aperçoivent qu'ils sont de plus en plus incapables de rembourser les banques. Ceci dit qu'avec des perspectives de faibles bénéfices, les cours des actions chutent, épuisant le capital de la banque. Par conséquent, Les déposants deviennent préoccupés et, en l'absence d'une

2 Kindleberger, p.27, op.cit.

assurance-dépôt adéquate, ils préfèrent mettre leurs argents ailleurs, là où ils se sentent en sécurité. Si ce comportement se répand suffisamment à une grande échelle, les banques pourraient s'effondre.

Lamfalussy (2000), en se référant aux économies en voie de développement, a défini la crise comme une situation où une banque centrale ne dispose pas (ou de moins en moins) de réserves suffisantes, ou ne peut pas rembourser ses dettes obligataires étrangères, libellé en monnaie étrangère. Une fois que ces nouvelles inattendues sont rendues publiques, ceci engendre une fuite rapide des capitaux étrangers3 , un effondrement des marchés obligataires intérieurs et une baisse forte dans la valeur de la monnaie nationale.

Haldane et al. (2004) notent qu'une troisième génération de modèles de crises financières est apparue. Ces modèles identifient le compte de capital comme la source du problème. Le Mexique, l'Asie du Sud- est, la Russie, le Brésil et l'Argentine ont tous récemment fait l'expérience amère d'une crise financière, où le compte de capital était un facteur majeur.

La plupart des experts élargissent la définition de la crise financière pour inclure les caractéristiques de la fragilité financière, des paniques bancaires et de la contagion. Bordo et al. (2001), par exemple, définissent une crise comme un épisode de volatilité financière du marché marquée par les problèmes significatifs d'illiquidité et d'insolvabilité dont souffrent les institutions financières. Les crises précédentes ont été en grande partie limitées au secteur bancaire, beaucoup d'entre elles ont concerné la monnaie, le secteur bancaire et d'autres marchés financiers. Leur taux de fréquence semble avoir augmenté.

Enfin, la meilleure définition de la crise financière est peut-être celle offerte par Goldsmith 4 en commentant Minsky. Il définit une crise financière comme une "forte, brève et ultra-cyclique détérioration de la totalité ou de la plupart des indicateurs financiers à court terme : taux d'intérêt, prix des actifs (actions, immobilier)...

3 Lamfalussy reconnaît que les résidents peuvent s'enfuir avec leurs capitaux bien avant que des informations portant sur les problèmes de la banque centrale soient apprises. Un tel comportement peut accélérer le développement d'une crise.

4 Kindleberger et Laffargue, 1982

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Section 2. Théorie des crises financières

Allen et Gale (2007) ont distingué deux versions traditionnelles qui ont été développées pour comprendre les crises financières. La première développée par Kindleberger s'inspirant des travaux de Friedman et Schwartz, consiste à dire que ces crises sont le résultat de la panique bancaire. La deuxième vue alternative, qui a été développé par Bryant (1980), Diamond et Dybvig (1983) est celle qui stipule que les crises financière résultent des causes fondamentales qui font partie du cycle économique; elles surviennent lorsque les déposants pensent que des principes économiques de base semblent mauvais dans un avenir proche. Dans ce cas, les déposants, prévoyant que des défauts de remboursement des prêt futurs rendront impossible pour la banque de rembourser leurs dépôts, décident de retirer leur argent. Les déposants dans ce cas prévoient l'insolvabilité plutôt que l`illiquidité.

Dans la première partie de cette section, nous commençons par développer la deuxième approche des crises financières à la lumière des analyses présentées par Minsky; et ce n'est qu'en deuxième partie qu'on illustrera la première approche par le modèle des paniques bancaires développé par Allen et Gale

1. Le modèle de l'investissement euphorique et des crises financières de Minsky (1982)

En s'appuyant sur Keynes5, Minsky (1982)6 a développé une théorie d'investissement du cycle économique, mais il s'est concentré davantage sur le rôle de la monnaie et du financement endogène qui propulsent les bulles et les crises. En adoptant l'idée de Keynes sur les différentes interdépendances entre les différents marchés, Minsky affirme qu'il existe un écart qui amplifie les complémentarités de l'économie et qui dominent au cours des phases d'expansion et plante les graines de la crise financière. L'investissement est le moteur de l'économie et est un facteur déterminant de profits. Minsky définit trois sources de financement qui caractérisent le comportement des agents:

1. Financement sans risque (Hedge finance): Quand une entreprise gage son emprunt sur un cash- flow assuré car les flux de trésorerie lui permet de couvrir ses dépenses ;

2. Financement spéculative: Quant une entreprise renouvelle d'anciennes dettes ou en contracte de nouvelles, sans assurance de recettes car, à court terme, les flux de trésorerie dépasse le coût des intérêts de la dette et les flux futurs de trésorerie espérés dépasse les engagements ;

5 Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie

6 Inflation, Recession and Economic Policy

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3. financement à la Ponzi : qui lie le remboursement de la dette à la réalisation de plus-value sur la vente d'un actif.

Minsky affirme qu'il existe un élément de financement à la Ponzi dans de nombreux projets d'investissement de long terme. Dans les périodes de tranquillité, la baisse de la valeur de la monnaie et des prix d'actifs immobilisés augmente la demande d'investissement, ce qui permet de créer un portefeuille de passage aux unités spéculatives et aux unités à la Ponzi. Le système bancaire endogène assistera à ce financement. En conséquence, on voit naitre une phase de bulle spéculative. Mais, étant donné que la proportion des unités spéculatives et des unités à la Ponzi est grande, l'économie devient de plus en plus sensible aux variations des taux d'intérêt. En plus, la demande d'investissement fait croitre la demande de financement et les taux d'intérêt auront tendance à augmenter à mesure que l'offre de financement et la demande de financement deviennent de plus en plus élastiques. Cela conduit à la hausse de plus en plus rapide des taux à court terme, qui à son tour conduit à une augmentation à long terme des taux d'intérêt. Lorsque les taux d'intérêt à court terme augmentent, la spéculation se transforme en unités à la Ponzi. La hausse des taux à long terme signifie que la valeur actuelle des profits futurs (qui justifie les régimes de financement à la Ponzi dans la première période euphorique) baisse. De la même façon, les frais s'accumulent sur les unités à la Ponzi et sur le court terme, des déficits de trésorerie seront transformés en déficits de trésorerie permanents. La hausse des taux d'intérêt entraînera une baisse des investissements, et sachant que les bénéfices sont dictés par l'investissement, les profits diminueront. Dès lors, La baisse des profits, elle, va conduire à une diminution des prix des immobilisations et à l'impossibilité de tenir les engagements financiers. Quand le renversement de la valeur actuelle prend place (valeur actuelle des profits bonanzas7 futurs espérés baisse) les unités à la Ponzi doit alors vendre leurs actifs pour tenir les engagements de paiement. Ainsi, les prix des actifs tombent au-dessous de leur coût de production et la crise financière se mette à surgir.

Selon Minsky (John Maynard Keynes by Minsky, 2008), au cours du premier quart de siècle après la Seconde Guerre mondiale, les économies capitalistes développées ont réussi à éviter une grande dépression. Dans les années 1960, ceux qui se proclamaient keynésiens étaient des conseillers et des fonctionnaires importants du gouvernement des États-Unis. Ils ont affirmé que par l'utilisation appropriée de la politique monétaire et budgétaire, l'économie peut être réglée afin que les récessions et dépressions ne puissent pas avoir lieu. Ils ont utilisé ce modèle pour analyser l'économie et l'ont pris comme base pour déterminer les politiques de réglage appropriées. Minsky voit en cela une violation

7 Selon le terme de Minsky

non seulement de l'esprit et de la substance de la théorie générale de Keynes, mais aussi de l'économie dont ils ont affaire. En effet, le modèle qu'ils utilisaient a ignoré pratiquement les aspects de la finance et de l'incertitude et, par conséquent, n'a pas été en mesure d'introduire la spéculation comme un sentiment de proximité qui détermine le comportement du système. En raison de cette sous- spécification, leurs conseils politiques étaient fondés sur un modèle qui implique que les processus dynamiques de l'économie conduisent à une croissance plutôt que les cycles d'activités.

Le comportement du système au cours de la première moitié des années 60, lorsque l'économie a cessé de se développer, semble, à ses yeux, valider les conclusions de ces conseillers. La stratégie de base de la politique de cette période visait à accroître l'investissement privé, afin d'inciter un plus rapide le taux de croissance. Ce que signifie que la stratégie de la politique de proximité avait pour objectif d'augmenter rapidement les bénéfices. L'expansion constante du début des années 1960 et les dispositions fiscales et de subventions destinées à inciter l'investissement, combiné à l'absence d'une grave dépression dans la période d'après-guerre, a déclenché une explosion des investissements importants dans le milieu des années 1960. Ce boom des investissements a été rendue possible par une augmentation de la spéculation par les deux structures financières et non financières des entreprises; la spéculation a financé l'expansion de la demande totale et plus particulièrement l'investissement privé. Suite au financement extérieur des investissements, le ratio remboursement de la dette privée/les revenus privés a augmenté, ce qui signifie que les remboursements dus sur les dettes sont devenu de plus en plus étroitement liés aux fonds provenant de diverses sources. En outre, la gestion du passif par les institutions financières, les ménages et les entreprises ordinaires signifie qu'une proportion toujours croissante des unités est devenue dépendante du fonctionnement «normal» des marchés financiers. Un système financier solide a été transformé enfin en un système fragile au cours de longue expansion des années 1960. En raison de la fragilité, les chocs qui aurait pu être absorbée sans répercussions graves dans une structure financière plus solide, a déclenché un début de crise financière aux Etats-Unis en 1966 et en 1969-70.

Dans l'analyse de Minsky8 , la bulle spéculative est une simple phase irrationnelle et euphorique qui précipite nécessairement la crise financière. Les traumatismes financiers sont le résultat inévitable du système capitaliste : les germes de la crise sont plantés dans le début de la phase d'euphorie et les bulles spéculatives ne sont que les catalyseurs d'inévitables crises financières. Les implications politiques sont profondes: Minsky, en soutenant Keynes, affirme que la politique monétaire classique n'est pas

8 Inflation, Recession and Economic Policy, op.cit.

12

couronnée de succès dans l'amélioration de la crise. Au cours des phases de crise et de déflation, les processus endogènes de marché sont inefficaces et pervers et les économies capitalistes ont besoin d'une structure financière solide et des politiques fortes pour orienter l'évolution de la finance et stabiliser l'économie9 . Les grands déficits publics signifient que l'investissement n'est pas aussi sensible à l'investissement du secteur privé. La prise de décisions financières non réglementée propulse les hausses insoutenables des prix des actifs et la banque centrale doit être prête à agir en tant que prêteur en dernier ressort et de remettre à flot des structures insoutenables de dette lorsque les crises financières surgissent.

Nous pouvons conclure que Minsky estime que l'économie est naturellement instable. Son hypothèse de l'instabilité financière est pessimiste. L'instabilité de l'économie est principalement provoquée par les fluctuations des dépenses. Chaque succès dans la prévention d'une crise financière conduit à la prise de risque et donc à une économie plus fragile.

2. Le modèle de ruées bancaires d'Allen et Gale (2007)

En effet, Minsky n'en dis pas beaucoup sur les paniques bancaires, parce qu'il pense tout simplement que les causes des crises sont endogène. Or, de nombreuses crises bancaires résulte de paniques bancaires injustifiée et que la plupart des banques qui ont été obligées de fermer à de tels épisodes sont illiquides, plutôt qu'insolvable. L'approche adoptée ici est dans le but d'expliquer les crises qui peuvent résulter des paniques bancaires, cette approche est inspirée des travaux de Diamond et Dybvig sur la théorie de la banque ou plus généralement de l'intermédiation qui consiste à modéliser les intermédiaires financiers comme étant des fournisseurs de liquidités pour les consommateurs10 .

A. La ruée bancaire

Une ruée bancaire ou panique bancaire est un phénomène, souvent auto-réalisateur, dans lequel un grand nombre de clients d'une banque craignent qu'elle ne devienne insolvable et en retirent leurs dépôts le plus vite possible. Ne pouvant faire face à ces multiples demandes de retrait (le nombre de personnes s'accroît d'heure en heure par mimétisme) et en l'absence de soutien, la banque court le

9 Mi ns ky insiste sur l'importance pour les gouvernements de créer des institutions adéquates contraignantes telle que Grand Gouvernement et Grandes Banques, pour stabiliser l'économie qui, selon lui, est instable.

10 Voire Micro economics of Banking, Freixas, Rochet

risque de devenir effectivement insolvable. Ceci met en jeu le mécanisme cardinal en finance d'une prophétie auto-réalisatrice.

Dans cette partie, Allen et Gale nous ont développé un modèle des runs bancaires suite à cette panique ou ces prophéties auto-réalisatrices. Ils supposent que (C1, C2) est le contrat de dépôt optimal et (x, y) est le portefeuille optimal pour la banque. En l'absence de l'incertitude globale, le portefeuille (x, y) donne seulement la bonne quantité de liquidité à chaque date en supposant que les premiers consommateurs (qu'on appelle par facilité de langage de type 1) sont les seuls à retirer à la date 1 et les derniers consommateurs (les épargnant qu'on appelle de type 2) font tous des retraits à la date 2. Il s'agit d'un équilibre dans le sens où la banque maximise son objectif, ainsi que le bien-être du déposant typique. Les premiers et derniers consommateurs, eux, planifient leurs retraits afin de maximiser leur consommation (d'où leur utilité espérée)

Le modèle suppose qu'il existe une liquidation de la technologie qui permet à l'investissement de long terme d'être cassé prématurément à la date 1. Plus précisément :


· Si l'actif long est liquidé prématurément à la date 1, une unité de l'actif long rapporte r = 1 unité du bien.

Dans l'hypothèse que l'actif long peut être prématurément mis en liquidation, avec une perte de R-r par unité, il existe un autre équilibre si la banque se doit de liquider tout ce qu'elle a comme actifs afin de répondre à la demande des consommateurs qui retirent à la date 1. Plus concrètement, le modèle suppose que tous les déposants, qu'ils soient de type 1 ou 2, décident de retirer à la date 1; La valeur liquidée des actifs de la banque à la date 1 est ainsi :

De telle façon qu'à la date 1, la banque ne puisse pas rembourser tous ses déposants plus d'une unité. Dans le cas où c1> rx + y, la banque est insolvable, et sera en mesure de verser seulement une fraction du montant promis. De plus, afin de répondre à la demande des consommateurs, tous les actifs de la banque seront utilisés à la date 1. Celui qui attend la seconde période n'aura rien. Ainsi, lorsque l'épargnant pense que tout le monde va retirer à la date 1, il est optimal pour lui de retirer à la date 1 et mettre le produit jusqu'à la date 2. La ruée bancaire se transforme par conséquent en un équilibre phénomène. La matrice des gains suivante illustre les deux équilibres de ce jeu de coordination. Les lignes correspondent à la décision de seul le premier consommateur seulement et les colonnes

14

correspondent à la décision de tous les autres consommateurs11. Les couples sont des remboursements obtenus pour le dernier consommateur distingué (le premier élément) et le dernier consommateur typique (le deuxième élément).

 

Run

Pas de Run

Run

(rx + y, rx + y)

(c1, c2)

Pas de run

(0, rx + y)

(c2, c2)

 

Il est clair que si : 0 <rx + y < c1 < c2

Donc Run, Run est un équilibre et pas de run, pas de run est aussi un équilibre.

L'analyse précédente est fondée sur l'hypothèse que la banque liquide la totalité de ses actifs afin de répondre à la demande de liquidité à la date 1. Cela peut être le résultat de restrictions légales. Par exemple, le droit de la faillite ou la réglementation imposée par l'autorité bancaire peut exiger que, si une demande n'est pas satisfaite, la banque doit liquider ses actifs et distribuer la valeur liquidée à ses créanciers. Certaines critiques du modèle de Diamond-Dybvig montrent que le run bancaire peut être évitée par la suspension de la convertibilité. Si les banques s'engagent à suspendre la convertibilité (c'est-à-dire qu'ils refusent de permettre aux déposants de retirer), une fois la proportion des retraits soit égale à la proportion des consommateurs, les épargnants n'auront donc pas une incitation à retirer. Ces derniers savent que la banque n'aura pas à liquider ses actifs longs et a suffisamment de fonds pour leur payer le montant promis le plus élevé dans la seconde période. Si un tel agent doit se rejoindre à la ruée, au milieu de la période, il serait strictement dans une situation pire que s'il aurait attendu de retirer à la seconde date. Pour répondre à la critique selon laquelle la suspension de la convertibilité résout le problème de ruée, Diamond et Dybvig (1983) ont proposé un sequential service constraint. Dans cette hypothèse, les déposants atteignent les guichets de la banque l'un après l'autre et retirent c1 jusqu'à ce que la banque ne soit pas en mesure de satisfaire toute la demande. Le sequential service constraint a deux effets : Il oblige la banque à épuiser ses ressources, et il donne aux déposants une incitation à courir au guichet dans l'espoir d'être au début de la file d'attente. La banque ne peut pas

11 Ce n'est pas un jeu de 2 × 2, le choix des colonnes représente les actions de tous, sauf seul le premier consommateur

utiliser la suspension de la convertibilité pour prévenir, car elle ne se rend pas compte que la ruée est en cours, jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour l'arrêter.

B. L'équilibre de run bancaire

L'analyse offerte par Diamond et Dybvig indique la fragilité des transactions bancaires basées sur des passifs liquides et des actifs illiquides, mais elle ne prend pas en considération l'équilibre dans le secteur bancaire. Cependant, elle suppose que le portefeuille de la Banque (x, y) et le contrat de dépôt (c1, c2) sont choisis à la date 0, dans l'attente que la première répartition optimale sera atteinte. En d'autres termes, la ruée à la date 1, s'elle se produit, est totalement inattendu à la date 0. En prenant les décisions à la date 0 comme donnée, l'équilibre à la date 1 dans lequel la ruée survient est facile à définir, mais ce n'est pas pareil que de montrer qu'il existe un équilibre qui commence à la date 0 où une ruée est prévue de se produire. Si les banques anticipent la possibilité d'une ruée, leurs décisions à la date 0 seraient différentes et cela, à son tour, pourrait avoir une incidence sur la probabilité ou la possibilité d'une ruée à la date 1. Ce dont on a besoin est de considérer un équilibre qui décrit les décisions cohérentes à toutes les trois dates. Dans ce sens, le modèle nous fournit une justification cohérente de la ruée bancaire comme faisant partie d'un équilibre qui inclut les décisions prises à la date 0. Il procède en établissant un certain nombre de faits ou de propriétés de l'équilibre de ruée bancaire avant de décrire la situation globale.

a. L'impossibilité de prévoir la ruée bancaire

Notant d'abord au sujet de la construction d'un équilibre de ruée bancaire que ce dernier ne peut pas se produire avec probabilité 1. Si une ruée bancaire est certaine à la date 0, la banque sait que chaque unité du bien investi dans l'actif long sera r unités à la date 1. Si r <1, l'actif long est dominé par l'actif court et la banque ne peut pas du tout investir dans des actifs long. Si r = 1, les deux actifs sont identiques. Dans les deux cas, le contrat de dépôt est optimal (c1, c2) = (1, 1) et il n'y a pas de motif pour une ruée bancaire: les épargnants auront la même consommation, qu'ils rejoignent le ruée ou pas. Donc, le mieux que nous pouvons espérer est qu'une ruée bancaire se produise avec probabilité positive.

b.

16

Le rôle des taches solaires (Sun spots)

L'incertitude sur la ruée bancaire introduit un nouvel élément dans la théorie. Dans le modèle actuel, il n'y a aucune incertitude sur les agrégats fondamentaux, tels que les rendements des actifs, la proportion de consommateurs de type 1, et ainsi de suite. Le type d'incertitude que Allen et Galle considère ici est endogène, dans le sens où elle n'est pas expliquée par les chocs sur les fondamentaux du modèle. Pour expliquer une telle incertitude, les justifications de ruée bancaire vont souvent être appelées psychologie de foule. Les justifications modernes l'expliquent comme le résultat de la coordination entre les personnes, qui sont facilitées par des variables extérieures appelé taches solaires, il suffit pour le moment de constater que l'incertitude n'est pas expliquée par des chocs exogènes, mais qu'elle est complètement compatible avec les exigences de l'équilibre, à savoir que chaque individu ait la maximisation de son utilité espérée et que les marchés s'éclaircissent.

Le modèle commence par l'hypothèse que la ruée bancaire apparait à la date 1 avec la probabilité 0 <ð <1. Pour être plus concret, le modèle présume qu'il existe une variable aléatoire (taches solaires) qui prend deux valeurs, disons, élevé et faible, avec des probabilités ð et 1 - ð, respectivement. Lorsque la réalisation de la variable aléatoire est élevée, les déposants courent à la banque et inversement. Notez que la variable aléatoire n'a pas d'effet direct sur les préférences ou bien sur les rendements d'actifs. Il s'agit simplement d'un dispositif pour coordonner les décisions des épargnants. Il est rationnel pour les déposants de modifier leur comportement en fonction de la valeur de la tache solaire simplement parce qu'ils s'attendent à ce que tout le monde fasse pareil.

c. Le comportement de la banque en présence d'une ruée bancaire

L'attente d'une ruée bancaire à la date 1 change le comportement de la banque à la date 0. La banque doit choisir habituellement un portefeuille (x, y) et proposer un contrat de dépôt (c1, c2), mais elle le fait dans l'espoir que les flux de consommation (c1, c2) ne seront atteints que si elle est solvable. Dans le cas d'une ruée bancaire, d'autre part, le déposant typique recevra la valeur du portefeuille liquidé rx + y à la date 1. Cela signifie que

? avec une probabilité ð il y a une ruée et la consommation du déposant est, rx + y quel que soit son type;

? avec une probabilité (1-ð) ë il n'existe pas de ruée : le déposant est un consommateur de type 1, et sa consommation à la date 1 est c1;

y' et avec une probabilité (1 - ð) (1 - ë), il n'y a pas de ruée: le déposant est un consommateur de type 2, et sa consommation à la date 2 c2.

Les résultats des décisions de la banque lorsque les ruées sont anticipées sont illustrés dans la Figure 1
Figure 1. Résultats de l'équilibre lorsque les ruées sont anticipées avec probabilité

Source : Allen et Gale (2008)

d. Le portefeuille optimal

Si c1 représente le paiement aux consommateurs de type 1 lorsque la banque est solvable et (x, y) désigne le portefeuille. L'utilité espérée du déposant représentatif est donc :

ðU(y + rx) + (1 - ð) {ëU(c1) + (1 - ë)U (c2)} .

Le modèle suppose maintenant que nous augmentons y par un petit montant å> 0 et nous baissons x par ce même montant. Nous augmentons ëc1 par å et réduisions (1 - ë) c2 par Rå. Cela garantit que les contraintes de faisabilité sont satisfaites à chaque date. Le changement d'utilité espérée est donc le suivant :

ð U (1) (1 ð 0) ë U ( c ) (1 ë ) U ( c 2 ) ë U (1) (1 ë ) U ( R )

0 { }

+ - + - = + -

* *

1

Le portefeuille optimal doit donc satisfaire la condition de premier ordre suivante :

18

ð U y rx 1 r 1 U c1 1 U c2 R

' ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )

+ - + - ð = - ð

' '

Si ð = 0, cela réduit alors à la condition courante U (c1) = U (c2) R. Ces relations sont représentées dans le graphique de la figure 2. Cette dernière condition tient à y* tandis que la première tient à y** . Ainsi, la possibilité d'une ruée augmente la valeur marginale y (court actif a un rendement plus élevé qu'un actif long en état de faillite, si r <1) et, par conséquent, augmente le montant de l'actif court tenue dans le portefeuille.

Figure 2. La détermination du portefeuille optimal lorsque la ruée est
possible

Source : Allen et Gale (2008)

e. Le contrat de dépôt optimal

Il est ici question de montrer que la ruée bancaire est possible lorsque le contrat de dépôt est choisi pour résoudre le problème de décision de la banque. Pour maximiser l'utilité espérée, la banque doit choisir le contrat de dépôt (c1*, c2*) satisfaisant la condition de premier ordre suivante :

U' (c1 *) = RU' (c2 *)

Cette condition joue un rôle crucial pour déterminer si la banque manquera de liquidité ou pas. Et si l'aversion relative pour le risque est supérieure à 1, la solution de la condition de premier ordre doit vérifier :

c1 >1

Cette condition implique qu'il existe la possibilité d'une ruée. Si tous les déposants essaient de retirer à la date 1, la demande totale de la consommation est c1* > 1. Or, le maximum qui peut être fournie par la liquidation de tous les actifs longs est de 1. Toutefois, il ne restera plus rien à la date 2, les déposants vont se rejoindre à la ruée au lieu d'attendre jusqu'à la date 2 pour retirer. Dans ce qui suit, le modèle suppose que les préférences de l'agent doivent satisfait la condition que

· aversion relative pour le risque est supérieure à 1, qui est,

> ? >

1, c 0

U»( c ) c

-

U' (c)

Afin de simplifier la caractérisation de l'équilibre, le modèle ne considère que le cas particulier dans lequel les actifs longs, une fois liquidés prématurément, rapportent beaucoup plus que les actifs courts. En d'autres termes :

· la valeur de liquidation de l'actif long est r = 1.

Cela implique que l'actif long domine l'actif court; le modèle suppose ainsi dans ce qui suit que l'ensemble du portefeuille bancaire est investi dans l'actif long.

Dans le cas d'une ruée bancaire, la valeur liquidée du portefeuille de la banque est 1 unité du bien, de telle manière que chaque consommation du déposant est aussi 1 unité de bien. Si la banque est solvable, les déposants reçoivent le profil de consommation promise (c1, c2). Ces quantités choisies pour maximiser l'utilité espérée du consommateur typique dans le cas où la banque est solvable. Le contrat de dépôt doit résoudre le problème de décision suivant :

max ëU (c1) + (1 - ë) U(c2)

Rëc1 + (1 - ë) c2 = R

Pour comprendre la raison pour laquelle la contrainte budgétaire prend cette forme, il faut noter que la banque a promis un total de ëc1 unités aux consommateurs de type 1 qu'elle doit liquider à la date 1. Le montant de l'actif long à gauche est de (1 - ëc1) et cela rapporte R (1 - ëc1) d'unités de consommation à la date 2. Ainsi, le montant maximum qui peut être engagé aux épargnants (qui est de (1 - ë) c2) doit

20

être inférieur ou égal à R (1 - ëc1). En effet, une unité de consommation à la date 1 est la valeur R d'unités de consommation à la date 2.

f. Equilibre sans ruée

La banque peut éviter une ruée par le choix d'un contrat sûr12 . En effet, les arguments en faveur de l'existence d'un équilibre d'une ruée à la date 1 ont été fondés sur l'hypothèse que c1> 1. Ainsi, si tous les consommateurs rejoignent la ruée bancaire à la date 1, il n'est pas possible que la banque puisse offrir à chacun c1. En fait, la banque va procéder à la liquidation de tous ses actifs. En outre, vu que les actifs de la banque sont épuisés à la date 1, les personnes en attente jusqu'à la date 2 pour retirer ne recevront rien. Afin de supprimer cette incitation à rejoindre la ruée, la banque doit choisir un contrat de dépôt qui satisfait la contrainte supplémentaire c1 = 1. Si on résout le problème

max ëU(c1) + (1 - ë)U(c2) s.t. Rëc1 + (1 - ë)c2 = R c1 = 1

Le modèle trouve la solution (c1**, c2**) = (1, R). Dans ce cas, la banque sera en mesure de donner à chacun le remboursement promis c1 à la date 1. Plus précisément, si 1 - å des déposants retire nt à la date 1, la banque doit liquider 1 - å unités des actifs longs, laissant å unit és de ces actifs à pour les autres consommateurs. Ensuite, chaque consommateur qui retire à la date 2 recevra åR / å = R> 1.

g. Caractérisation des régimes avec et sans ruée

Si la banque s'attend à une ruée avec une probabilité ð, la consommation du déposant est alors 1, quel que soit son type. Avec une probabilité 1 - ð il n'y a pas de ruée et avec une probabilité ë le déposant est de type 1 et sa consommation est c1* et avec une probabilité 1-ë, il est de type 2 et sa consommation c2*. Les résultats possibles sont illustrés à la figure 3. L'utilité espérée du déposant typique sera :

ð U 1 1 ð ë U c 1 ë Uc 2 ,

( ) ( ) { ( 1 ) ( ) }

+ - + -

* *

12 Jusqu'à présent, le modèle a supposé que la ruée se produit avec une probabilité ð et que la banque prend cette possibilité comme étant donné dans le choix d'un contrat de dépôt optimal

Le modèle nous a montré que le choix de portefeuille de la banque (x, y) = (1, 0) et le contrat de dépôt (c1*,2*) optimisera cet objectif, en prenant la ð probabilité d'un e ruée comme donnée. Par ailleurs, si la banque choisit un contrat de dépôt qui permet d'éviter tous les ruées, l'utilité espérée du déposant typique est

ëU c 1 ë U c 1 ë U 1 1 ë UR

( 1 ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )

** + - = + -
**

Le fait qu'il est préférable pour la banque d'éviter la ruée ou d'accepter le risque d'une ruée avec une probabilité ð dépend d'une comparaison entre les services publics prévu dans chaque cas. Précisément, il sera préférable d'éviter les runs si :

Maintenant, l'utilité espérée de la stratégie de sécurité ëU (1) + (1 - ë) U (R) se situe entre ces deux valeurs:

U (1) <ëU (1) + (1 - ë) U(R)

< + -

ë U c 1 ë U(c 2 )

( 1 ) ( )

* *

Figure 3. La détermination des zones qui supportent les ruées

Source : Allen et Gale (2008)

Ainsi, il existe une valeur unique 0 <ð0 <1 tels que :

22

ð U (1) (1 ð 0) ë U ( c ) (1 ë ) U ( c 2 ) ë U (1) (1 ë ) U ( R )

0 { }

+ - + - = + -

* *

1

Si ð = ð0, la banque va être indifférente entre les deux stratégies. Evidemment, si ð <ð0 la banque va préférer la ruée et ne préfère pas de ruée si ð> ð0. Ces deux régions sont illustrées dans la Figure 3. Le modèle nous avez montré que, tant que la probabilité de ruée bancaire est suffisamment faible, il existe un équilibre dans lequel la banque est prête à courir le risque d'une ruée, parce que le coût d'éviter le ruée est supérieur aux profits de la banque.

Section 3. Typologies de crises financières

Les crises financières sont très diverses selon qu'elle touche les marchés financiers ou les institutions financières. Cette dernière section de présentation empirique ne traite pas de toutes les crises financières. Elle fournit une analyse typologique succincte des crises financières, en l'occurrence: les crises de change, les crises bancaires et les crises jumelles.

Sachant que seules les crises bancaires, les crises de change (figure 4) et les crises jumelles ont fait l'objet de recensement systématique et d'analyses statistiques et économétriques macro-financières nombreuses (Bordo et al. 2001), Les crises boursières, depuis le déclenchement de la crise actuelle, commencent seulement à être étudiées avec ces méthodes quantitatives. Mais ces trois types de crises apportent déjà beaucoup d'informations sur les faits stylisés des crises récentes13 . Elles sont en outre les plus fréquentes.

Paul Krugman 14, en proposant une typologie des crises financières internationales note qu'une connaissance typologique rudimentaire qui distingue un type de crise d'un autre est nécessaire pour deux raisons principales : tout d'abord, la manière dont une crise dépend joue sur les acteurs du marché, et ces acteurs sont très différents lorsque l'accent est mis sur les marchés de change ou sur la balance des paiements ou sur les marchés boursiers. Deuxièmement, les effets réels d'une crise financière dépend de son type, une crise qui commence par un run bancaire sur le dollar américain n'aura pas les mêmes effets que celle qui commence avec un run bancaire sur le marché boursier japonais.

13 Par ailleurs, les autres crises qui ne sont pas prises en compte en tant que telles dans cette section peuvent leur être facilement rattachées (par exemple les crises immobilières et les crises bancaires ; les crises de la dette souveraine et les crises de change, puis les crises bancaires ; les crises industrielles et les crises boursières)

14 The Ri sk of Fi nancial Crisis, 1984

1. Les crises bancaires :

En identifiant les quatre périodes de comparaison internationale des crises financières, Bordo et al. (2000, 2001), définissent une crise bancaire comme étant une détresse financière qui est suffisamment grave pour entraîner l'érosion de la plupart ou de la totalité du capital dans le système bancaire15. Leur importance se manifeste dans la détérioration souvent latente de la structure de bilan ou encore la concentration des risques. Une brutale prise de conscience des risques encourus se traduit tant par la montée des crédits impayés bien au-delà des provisionnements antérieurs que par la révision des procédures d'octroi des nouveaux prêts (Boyer et al. 2004).

Les crises bancaires étaient peu fréquentes sur la période 1880-1913 (figure 4), elles se sont multipliées pendant l'entre deux guerres et après une éclipse totale.

Figure 4. Fréquence des crises
(Probabilité annuelle en %)

Source : Bordo et al. (2001)

15 C'est aussi le critère utilisé par Caprio et Klingebiel (1996, 1999) pour identifier les risques bancaires systémiques

24

Figure 5. La proportion des pays en crises bancaires, 1900-2008
Pondérée par leur part de revenu

Source : Bordo et al. (2001)

Pendant la période de Brettons Woods, elles ont réapparu au début des années soixante dix et, depuis, leur fréquence n'a cessé de s'élever16 . (Figure 4 et 5)

Caprio et Klingebiel (2003), en montrant l'ampleur du phénomène de crise bancaire et son universalité, recensent 117 crises bancaires depuis 1970 dites à caractère systémique qu'ils définissent empiriquement comme une crise ayant exigé une recapitalisation quasi générale des banques. Ces crises ont frappé 93 pays. On peut ajouter à ces crises de grande ampleur des crises bancaires moins profondes que Bordo et al. appellent border line and smaller ou non systémiques, et dont le nombre s'élève sur la même période à 51 et qui ont frappé 45 pays. En Asie, toutes les crises des pays dits émergents ayant subi la crise de 1997-1998 sont comptées dans la catégorie des grandes crises;

Cinq pays ont subi une crise profonde (Finlande, Suède, Norvège, Espagne et Japon depuis 1991), onze pays, parmi lesquels la France (1994-1995), les États-Unis (1984-1991), ont subi une crise de plus faible intensité. Cette mise en perspective historique soulève évidemment la question du lien entre crise bancaire et libéralisation. Elle suggère que cette longue pandémie de crises bancaires, parallèle à la libéralisation financière, en est, partiellement au moins, la conséquence. 17 L'analyse statistique des crises bancaires apporte un élément d'appréciation supplémentaire très important : toutes les crises bancaires ne sont pas identiques, car les banques sont des institutions qui varient selon les pays et qui

16 Bordo et al. (2000), ont découvert dans un échantillon de 21 pays que la fréquence des crises bancaires a doublé depuis 1973, alors qu'elle a augmenté de 50 pour cent dans 56 pays.

17 Boyer et al. Ibid.

sont placées dans des contextes réglementaires et prudentiels différents. Les crises bancaires ont de ce fait une importante composante idiosyncrasique. Elle montre aussi que les crises bancaires diffèrent fortement les unes des autres, à cause du rôle que peut y jouer la spéculation. Les banques qui sont les premières touchées par une crise sont celles dont, paradoxalement, la rentabilité avant la crise était la plus élevée parce que le niveau de risque des prêts qu'elles consentaient était très élevé, leurs capitaux propres plus faibles, et que leur profit était davantage tiré des activités de marché.

2. Les crises de change

Les crises de change se produisent lorsque les investisseurs perdent confiance dans la monnaie d'un pays particulier, et cherchent à échapper à la fois des actifs libellés dans cette monnaie et d'autres actifs dont les revenus pourraient être affectés par le contrôle des changes. Il y a eu quelques crises de change entre les pays avancés dans période l'après-guerre. L'attaque contre le dollar qui a détruit le système de smithsonien en 1973, est admissible, de même que l'attaque de la livre sterling, en 1975, et l'attaque contre le franc en 1982. Les crises de change ont été fréquentes dans les pays en développement depuis 1982, la plupart des pays d'Amérique latine et un certain nombre d'autres pays ont souffert aussi de ce que peut être décrite comme une crise monétaire coordonnée. Les crises de change ont été l'objet d'un enseignement théorique et une analyse empirique, parce que l'interaction entre les banques centrales et les investisseurs privés, constitue une facilité de jeu pour que le modèle type de l'irrationalité amorphe qui sous-tend la description des autres types de crises financières (Krugman)18 Il est donc utile de revoir les concepts de cette littérature brièvement.

Krugman note qu'il est nécessaire de distinguer au minimum entre deux types de crise financière internationale. Le premier type implique une perte de confiance par les spéculateurs en devises du pays, provoquant la fuite des capitaux. Ainsi, les crises de change conduisent souvent à imposer des contrôles de capitaux qui interfèrent avec le service de la dette en devises, une perte de confiance dans la monnaie d'un pays est ainsi souvent accompagnée par un effondrement des devises libellées en prêt. C'est le type de crise qui a frappé l'Amérique latine en 1982. L'autre type de crise ne concerne pas la perte de confiance dans une monnaie, mais une perte de confiance dans les actifs. Krugman montre aussi que le processus par lequel les chocs nationaux deviennent mondiaux porte le nom de contagion. La contagion des crises ne touche pas seulement par définition un ou plusieurs pays.

18 O p.c i t.

26

Il existe d'importantes différences entre l'étude de la monnaie et de la contagion des crises. Les crises de change implique inévitablement la banque centrale du pays en crise, la contagion des crises, quant à elle, implique habituellement des actes de la commission ou au moins une omission de la part des banques centrales; mais le rôle de celle-ci n'est pas essentiel dans cette contagion

Enfin, la macroéconomie des crises monétaires et de la contagion des crises sont très différentes, alors que les deux peuvent mener à la récession, les crises de change sont habituellement associées à l'inflation qui en est la victime, alors que la contagion des crises dans le monde est liée à la déflation.

Dans une approche strictement empirique, Dehove (2004), définit trois types d'indicateurs utilisés pour les crises de change (et les crises bancaires) qui peuvent être regroupé dans deux grandes catégories à savoir les indicateurs de « crise effective » et les indicateurs de « pression spéculative »

Trois conclusions principales peuvent être tirées de l'analyse statistique détaillée de la fréquence des crises au cours des trente dernières années. D'abord, on remarque que globalement, crises de change et crises bancaires confondues, les crises financières ne sont pas massivement plus fréquentes depuis le début des années 1990. Sur l'ensemble des 49 pays étudiés par Stone et Weeks, le nombre de crises financières bancaires et de change ne s'est pas notablement élevé depuis l'éclatement du système de Bretton Woods. Une économie avait, sur la période 92-99, une probabilité de connaître une année une crise financière de 11,5 %, dix ans plus tôt, cette probabilité était de 12 %.

3. Les crises jumelles

L'aspect jumelle des crises est nouveau des crises financières récentes et un facteur majeur de leur gravité (Boyer et al. 2004). En se combinant aux crises bancaires renaissantes, les crises ont engendré un type de crise financière nouvelle pour la période d'après-guerre : les crises jumelles. Ces crises jumelles se manifestent par la combinaison d'une spéculation intense contre la monnaie nationale et une vague de défaillances bancaires. Elles associent une méfiance à l'égard de la stabilité du taux de change, et une méfiance à l'égard de la liquidité ou de la solvabilité des intermédiaires bancaires, qui rétroagissent l'une sur l'autre en se renforçant mutuellement.

Ces crises jumelles qui étaient quasi inexistantes sur la période de Bretton Woods, ont désormais une fréquence supérieure à celle enregistrée pendant la période précédant la Première Guerre mondiale, même si cette fréquence demeure inférieure à celle de l'entre-deux-guerres. Dans l'étude qu'elles leur consacrent, Reinhart et al. (2008) 19 en comptent dix-huit sur la période 1980-1995, antérieure à la crise asiatique, sur un total de soixante treize

Ces crises repérées sur un échantillon de vingt pays. Au cours de la période précédente, 1970-1979, elles n'en recensent qu'une seule sur un total de vingt-neuf crises. Pour leur part, Stone et Weeks (2001) en recensent six sur la période 1992-1999 sur un échantillon de quarante-neuf pays. Effet, pendant l'épisode 1977-1998 : Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande, Corée, ont eu à affronter simultanément une crise de change et une crise bancaire. A priori, en avenir certain, il est possible selon Boyer de développer trois hypothèses alternatives simples concernant cette simultanéité :

· selon une première conception, les crises de change et les crises bancaires ont les mêmes causes. Cette approche a été particulièrement utilisée dans le cadre de l'analyse des échecs répétés dans les pays en développement des plans de stabilisation de l'inflation par l'appréciation du change. Ces plans, parce qu'ils suscitent un boom lié à l'afflux de capitaux étrangers et une appréciation cumulative du change réel liée au délai de convergence de l'inflation domestique sur l'inflation mondiale, créent un déficit courant croissant qui jette un doute sur la soutenabilité de la politique économique et déclenche une attaque spéculative. Celle-ci, alimentant une fuite brutale des capitaux et une dépréciation des actifs, déclenche une crise bancaire

· dans un deuxième modèle, la crise bancaire entraîne la crise de change (voir Velasco, 1987)20 par l'intermédiaire de l'émission de monnaie domestique excessive provoquée par le secours exceptionnel en liquidité que la Banque centrale apporte au système bancaire pour le stabiliser;

· dans un troisième modèle, Les crises de change entraînent les crises bancaires, un déséquilibre du change (en change fixe) à la suite par exemple d'un choc extérieur entraîne une perte de réserves. Non stérilisée, elle entraîne une contraction du crédit bancaire et des faillites des entreprises qui se répercutent sur la solvabilité du système bancaire (voir Stoker, 1994) 21 . Si le déséquilibre de change se traduit par une dévaluation, celle-ci peut entraîner dans un secteur

19 Voir tableau 1

20 Figure 6

21 Figure 7

bancaire exposé au risque de change, des pertes de change assez considérables pour provoquer des faillites bancaires.

Figure 6. Le mole de Valesco (1987) : les crises bancaires entrainant les crises de

Figure 7 Le modèe de Valesco (1987) : les crises bancaires entranent les crises de change

28

Source : Boyer et al. (2004)

Figure 7. Le modèle de Stoker (1994) : les crises de change entraînent les crises
bancaires

Source : Boyer et al. (2004)

Tableau 1. Les crises jumelles

Source : Dehove (2003)

Chapitre 2 : Les crises financières dans l'histoire économique

30

L'histoire économique a été marquée par de nombreuses périodes de crises financières. Ces crises sont souvent provoquées par la défaillance d'une ou plusieurs banques, des politiques macroéconomiques inappropriées (qui porte sur le régime de taux de change et la dette étrangère élevée, par exemple) ou par des flux massifs de capitaux étrangers. Le but de ce chapitre est de discerner les crises survenues dans l'histoire courte et longue, afin d'appréhender leurs causes et conséquences, ainsi que les stratégies adoptées par les gouvernements pour les résoudre ou, au moins, limiter leur ampleur. Bien qu'il existe certaines similitudes dans les facteurs ayant conduits à ces crises, les stratégies adoptées pour défaire ces crises ont été très différentes et parfois complexes et coûteuses.

Section 1 : Les crises dans l'histoire récente

Au cours de la dernière décennie, l'économie mondiale a connu des crises financières qui ont affecté ses mécanismes et perturbé sa stabilité financière. On trouve parmi ces crises la crise scandinave (1990- 92), la crise Mexicaine (1994-95) surnommée Tequila, la crise financière asiatique (1997-98), la crise du marché obligataire russe (1998), et la crise financière argentine (2002). Les degrés d'effets de celles-ci sur ces pays étaient plus ou moins élevés et ont eu des conséquences si dommageables. Bien que la plupart de ces crises soient pertinentes à explorer, notre choix dans cette section va être limité à un certain nombre d'elles; celles-ci présentent un intérêt particulier pour nous.

1. La crise scandinave, 1990-1992

La Norvège, la Finlande et la Suède ont connu au début des années 80 une phase d'expansioncontraction de l'activité économique qui a conduit à des crises bancaires à la fin de 1980 et au début de l'année 1990. Avant le début de la crise, les taux de croissance réels du PIB de ces pays étaient constants, entre 4% et 6% en moyenne pour chaque pays, et les taux d'intérêt y étaient faibles voire négatifs sur certaines années. L'expansion du crédit a été réglementée par les gouvernements puis déréglementée vers la première moitié de l'année 1980. Cette levée de restrictions qui portait sur le rationnement de crédit et de contrôle des prises de risque a permis aux banques de prêter davantage déclenchant ainsi un boom du crédit qui a favorisé une montée en flèche des prix de l'immobilier (Sandal, 2004) d'où la formation d'une bulle spéculative.

32

En conséquence, l'économie s'est ralentie, ce qui a provoqué une série de faillites et des pertes colossales ont été enregistrées pour 75% des banques norvégiennes et suédoises entrainées en grande partie par les prêts consentis aux entreprises ayant auparavant fais faillites (Pesola, 2001). Les situations financières et économiques de ces pays variaient de l'un à l'autre. Afin de comprendre ce qui leur est passé, nous passons en revue dans ce qui suit les facteurs et les évènements qui ont marqué cette crise.

En Norvège, entre 1985 et 1986, les crédits bancaires y ont augmenté de 40%, les prix d'actifs ont flambé, l'investissement et la consommation ont également augmenté de manière significative. Or, les problèmes n'ont commencé à surgir réellement qu'en automne de 1988, lorsque les crédits ont causé des pertes estimés à 25 % des capitaux propres. De plus, deux caisses régionales d'épargne ont perdu tous leurs capitaux propres. A cette époque, La Norvège n'avait pas un régime d'assurance-dépôt; il y avait cependant deux fonds privés qui jouaient son rôle appelés, respectivement, le Fonds de Garantie des Banques Commerciales et le Fonds de Garantie de la Caisse d'Epargne. Ces deux fonds intervenaient par des injections de capitaux qui étaient suivis par des opérations de fusion.

Au cours de 1989-90, le fonds de garantie de la caisse d'épargne a apporté son soutien à 11 banques, qui ont été fusionnés avec des banques solvables. Et vu que le nombre de banques en difficulté n'a cessé de grimper, il était impossible que ces fonds privés parviennent à fournir tout le soutien nécessaire. En Janvier 1991, un Government Bank Insurance Fund (GBIF) a été créé. Il a été destiné initialement pour fournir des prêts aux deux fonds privés. Or, compte tenu du fait que ces fonds étaient fragilisés par le poids de la dette, le GBIF commença à fournir directement son soutien aux banques. A l'automne 1991, la crise est devenue systémique, lorsque les trois plus grandes banques commerciales, la Den Norske, la Christiania banque et la Fokus Banque, ont fait état d'importantes pertes sur les prêts; les deux dernières ont perdu tous leurs capitaux et ont été nationalisées par la suite, tandis que la Den Norske a perdu une proportion importante de ses capitaux, subissant ainsi à la fin de 1992 le même sort que les deux autres banques. En conséquence, le gouvernement annonça que tous les déposants et les créanciers allaient être protégés et les banques devaient être progressivement privatisées. En ce faisant, La Christiania fait maintenant partie du groupe de Nordea et ce depuis l'année 2000. En 1995, les parts de la Fokus banque ont été privatisées et racheté par la banque Danoise la Den Danske. L'Etat détenait moins de 50 % du capital de Den Norske, en 2002.

En Finlande, l'effet excédentaire de son budget de 1987 a abouti à une expansion massive du crédit et à une augmentation des prix de l'immobilier de 68 % entre 1987-88. En 1989, afin de modérer cette expansion du crédit, la banque centrale de Finlande a réagit en augmentant les taux d'intérêt et les

réserves obligatoires. Or, entre 1990 et 1991, avec la baisse des échanges avec l'Union Soviétique, la situation économique s'est aggravée, ce qui a provoqué une chute brutale des prix des actifs, et une diminution du PIB de 7 %. La première banque à avoir de grandes difficultés de liquidité était la Skop Banque que le groupe de caisses d'épargne l'a soutenue en lui injectant des capitaux en octobre 1990. Dans l'objectif de sauver et maintenir la confiance dans le système bancaire, La Banque de Finlande a pris en charge, par le biais d'une importante injection de capitaux, qui a débouché sur la création de deux nouvelles sociétés de gestion détenues et gérées par elle. Dès lors, en mars 1992, plusieurs banques ont été soutenues par le gouvernement qui leur a fourni des capitaux à hauteur de 8 milliards de mark finlandais afin d'éviter tout resserrement brutal des crédits. Or, le début de la crise systémique commença à se faire sentir en juin 1992, lorsqu'il s'est avéré que 41 caisses d'épargne étaient en difficultés. Et pour remédier à ce risque, ces caisses ont été regroupées dans la Caisse d'épargne de la Finlande, et encore une fois, les actifs à risques ont été transférés à la propriété de l'État, tandis que le contrôle des banques en difficulté représentait 97% des actifs de la banque de Finlande. En août 1992, le gouvernement annonça la protection de tous les créanciers et cette garantie s'est transformée en loi.

La Suède a aussi assisté à une expansion persistante du crédit vers la fin des années 80 qui a conduit à un boom immobilier. Cependant, à l'automne de 1990, la situation a changé avec le resserrement du crédit bancaire : les taux d'intérêts ont enregistré une hausse excessive, dans ce qui se situé dans une tentative des autorités monétaires d'éviter la dévaluation du taux de change. Dans ce contexte macroéconomique instable, un certain nombre de banques ont eu de graves difficultés en raison de prêts basés sur une surévaluation de la valeur des actifs. La banque d'épargne, Forsta Sparbanken, a enregistré de lourdes pertes sur les prêts, ce qui a nécessité de lui injecter de l'argent; elle est suivie par la Nordbanken, la troisième plus grande banque dont l'Etat détenait 71% des capitaux propres. Pour les sauver, Le gouvernement leur a fourni des garanties qui se sont transformées par la suite en prêts. La Gota Banque, la quatrième plus grande banque commerciale a également signalé des problèmes en avril 1992. En conséquence, l'économie suédoise a connu un effondrement des prix des actifs immobiliers, une dévaluation du taux de change, et un endettement des banques en devise étrangère. Enfin, rien n'allais pour le système financier suédois.

2. La crise asiatique, 199 7-1998

« Le 2 juillet 1997, quand le baht thaïlandais s'effondra, nulle ne savait qu'il s'agissait du coût d'envoi de la crise économique la plus gigantesque depuis la grande dépression : partie d'Asie, elle allait s'étendre en Russie, en Amérique latine, et menacer le Monde entier » (Stiglitz, 2002, P. 153)

Cette phrase de Joseph Stiglitz montre bien l'ampleur de cette crise qui au départ était considérée comme crise passagère. En effet, c'était une crise structurelle qui sera aggravée par les politiques économiques appliquées et inspirées des institutions de Bretton Woods.

Qu'est ce qui s'est vraiment passé alors? Quelles étaient les principales causes de cette crise ? Les causes de la crise asiatique qui partie de Thaïlande en juillet 1997, touchant successivement la plupart des pays de la région (Philippines, Malaisie, Indonésie, Corée), et dans une moindre mesure, Taiwan, Hong Kong et Singapour sont encore sujettes à débat. Pour certains auteurs l'origine de la crise réside avant tout dans les déséquilibres macroéconomiques et financiers et les déficiences des politiques économiques de ce pays, même si la propagation de la crise et ses conséquences économiques ont été amplifiées par des comportements de panique. D'autres auteurs, tout en reconnaissant les faiblesses de ces économies, insistent avant tout sur le changement de comportement des investisseurs, et sur les politiques fastidieuses menées au début de la crise, tant par le FMI que par les autorités nationales (D. Cohen et R. Portes, 2003).

Ici, ces deux approches seront intégrées simultanément, donc des indicateurs macroéconomiques et microéconomiques relevant des comportements des acteurs. Ces pays touchés par la crise ont connu pendant plus de deux décennies des performances économiques notables. Ils avaient généralement des budgets équilibrés, des taux d'intérêt modérés et des situations macroéconomiques enviables. En revanche, des déséquilibres de nature microéconomique s'étaient accumulés dans les portefeuilles des créanciers des banques, dans la gestion de risque de change, dans l'endettement de cours terme et dans le comportement des investisseurs. L'arrivée de vagues de capitaux privés dans un environnement financier libéralisé s'était traduite par des bulles boursières et immobilières, notamment en Thaïlande, ce changement intervient au milieu de 1997 et déclenche un engrenage de perte de confiance des investisseurs, sorties de capitaux, dépréciation monétaire, difficulté des entreprises et endettés. Il s'en est suivi une généralisation de la crise financière.

A partir du moment où ces enchaînements sont déclenchés, il est difficile de les enrayer. Les difficultés commencent en Thaïlande : la situation macroéconomique a commencé à se dégrader à la mi-juillet 1997, une situation qui se caractérisait par un ralentissement des exportations dû à la récession japonaise, à l'appréciation relative du Baht et à la concurrence des productions chinoises. Des pressions à la baisse s'exercent sur le Baht thaïlandais, notamment en raison des opérations des résidents souhaitant couvrir leurs dettes étrangères en devise. Pour les contenir, la banque centrale de Thaïlande

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engage une grande partie de ses réserves dans la vente à terme de dollars, augmentant encore ainsi son exposition au risque en cas de dévaluation. Finalement, après l'annonce des pertes à venir de la finance One, l'une des principales institutions financières thaïlandaises, le gouvernement laisse le bath flotter et se dévaluer rapidement. La banque thaïlandaise a donc abandonné l'ancrage du Bath au dollar. Ces difficultés se propagent rapidement à d'autres pays voisins et de développement similaire (Corée du Sud et Indonésie) par un phénomène dit de « contagion ». Ces nouvelles dimensions donnent aux crises un caractère de troisième génération (Cartapanis, 2003).

Ainsi, le Baht descend aux enfers en quelques semaines, plongeant de 25 THB/Dollar à 51 THB/Dollar au pire de la crise. Très vite, les éléments imprévus ou troublants se sont toutefois multipliés. Le plus frappant est le dynamisme de la contagion régionale : la Malaisie a abandonné son ancrage le 8 juillet, suivie par les Philippines le 11, tandis que le même jour l'Indonésie élargissait ses marges de fluctuation de 8% à 12%. Jusqu'à la fin de l'année, ces monnaies subiront une dépréciation comprise entre 35% et plus de 80%, dans un contexte de reflux massif des capitaux internationaux hors la région (tableau 2). En octobre, une attaque spéculative massive a eu lieu sur le Hong-Kong dollars, mais elle est contenue par des mesures draconiennes (élévation du taux d'intérêt interbancaire au jour le jour à 300% au plus fort de la semaine noire de mi-octobre 1997).

L'effet à court terme de la dépréciation aussi profonde du Dollar de Hong-Kong et du Won sud-coréen (qui flotte autour de ce dernier) est double. D'abord, toutes les dettes en dollars et surtout les dettes privées, deviennent insolvables, d'autant plus que leur structure est en générale à très court terme, la moitié d'entre elles ont une maturité d'environ un an seulement. (Gravereau et Trauman, 2001)

Ces dettes privées sont gigantesques : 100 milliards de dollars en Corée, 70 en Thaïlande, 56 en Indonésie, 25 dollar en Malaisie. La plupart de ces crédits bancaires privés se trouvent en situation de créances douteuses, à commencer par les banques locales dont on connaît la fragilité. Le management du risque de crédit est partout pris en défaut.

Le second effet est de restaurer la confiance des marchés financiers pour enrayer la chute. Ce qui relève de la compétence des autorités politique. Le tableau 7 montre que ces dépréciations sont à l'origine des fuites de capitaux massifs dans ces pays

Tableau 2. Flux de capitaux privés dans cinq pays asiatiques (Corée, Indonésie,
Malaisie, Philippines, Thaïlande, en milliards de dollars)

 
 

1994

1995

1996

1997

> Titres et investisseurs directs dont :

12, 2

15,5

19,1

-4,5


·

Investissements directs

4,7

4,9

7

7,2


·

Portefeuille

7,5

10,6

12,1

-11,7

>

Créances bilatérales dont :

28,2

61,9

73,9

-7,6


·

Banques commerciales

24

49,5

55,5

- 21,3


·

Non-banques

4,2

12,4

18,4

13,7

>

Total flux nets de capitaux

40,4

77,4

93

-12,1

 

Source : Radelet et Sachs (1998)

On remarque clairement dans ce tableau l'augmentation rapide des entrées de capitaux entre 1994 et 1996, ainsi que la violence extrême du retournement en 1997. L'intensité du retournement, mesurée par les variations des flux dans la balance des capitaux avant et après la crise est de 105 milliards de dollars dont 77 milliards pour les seules banques commerciales.

Dans cette crise, les facteurs du risque systémique caractérisés par : l'afflux massif de capitaux étrangers, systèmes financiers inaptes à la libéralisation précipitée, ancrage des monnaies sur le dollar sont tout réuni (Aglietta, 2001, P.29). Cette crise n'a pas tardé à affecter d'autres économies émergentes, en particulier la Russie Août 1998.

3. La crise argentine, 2001

Le cas de ce pays est très révélateur, car il réuni tous les facteurs déclencheurs d'une crise de troisième génération. Tout comme dans les autres pays, se trouvent au centre du déclenchement de la crise un taux de change fixe devenu progressivement irréaliste et un endettement extérieur insoutenable qu'il s'agisse des emprunts obligatoires du gouvernement, des lignes de crédits interbancaires ou des dettes contractées par les entreprises. La particularité de l'Argentine est le Currency Board, un système monétaire gageant chaque Peso sur un dollar américain. Dans un tel système, la monnaie locale est

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aussi bonne que la devise étrangère puisque chaque Peso émis par la Banque centrale correspond à un dollar qu'elle détient en réserve.

Examinons alors la genèse et le manifeste de la crise. Afin de sortir du marasme économique et de l'hyperinflation, l'Argentine avait opté dès 1991, pour un régime de Currency Board couplé à une libéralisation financière totale afin de voir les capitaux étrangers revenir alimenter l'activité économique. Le système de Currency Board permet de contrôler l'inflation et d'attirer des capitaux étrangers en offrant une garantie contre le risque de change. En outre, ce système retire toute latitude à la politique monétaire; ainsi toute entrée de capitaux entraîne une expansion de la masse monétaire et inversement.

Ces mesures, accompagnées d'un programme de privatisation apportent des recettes supplémentaires à l'Etat, connurent un vrai succès jusqu'en 1996. Malheureusement, les évènements qui suivent infligent au système politique argentin des pressions insoutenables.

Quatre choses externes surviennent successivement : les prix des produits primaires exportés par l'Argentine cessent de monter, la croissance américaine fait que le dollar américain s'apprécie par rapport à l'ensemble des monnaies, le coût du capital emprunté par les économies émergentes s'élève à la suite la crise des pays asiatiques. En plus, le Brésil, le premier partenaire commercial de l'Argentine dévalue le Real en 1999.

Ayant été élu par un second mandat présidentiel en 1996, M.CARLOS MENEM qui s'est séparé de M.CAVALHO cherche à obtenir les soutiens politiques nécessaires pour un troisième mandat, pourtant proscrit par la constitution. Or, le système de Currency Board ne lui permet pas de faire tourner la planche à billets face à un déficit publique insoutenable (6% du PIB en 1996), et la hausse rapide des finances publiques s'explique par la progression du service de la dette, la montée du chômage, la reforme ambitieuse du système des retraites mais aussi par l'augmentation des effectifs des fonctionnaires provinciaux et par la corruption. Dans le même temps, les recettes de l'Etat stagnent. Carlos Menem ne réussit pas à faire modifier les règles constitutionnelles en sa faveur, et à la fin 1999, il laisse la place à Fernand de la Rua, le candidat non péroniste de l'alliance qui ne bénéficie pas de la majorité parlementaire au Congrès. Mr. De la Rua promet de réduire le déficit budgétaire, pour avoir le soutien du FMI alors que le pays est en récession.

Le 12 janvier 2001, le FMI annonce qu'il accepte d'augmenter la ligne de crédit de l'Argentine de 6,7milliards de dollars à 14milliards de dollars. Mais, le rejet du congrès à majorité péroniste du

programme budgétaire présenté par le Ministre de l'Economie, M. Lopez va faire disparaître la dernière chance de sauvetage de la crise d'émission.

Mr. De la Rua, fait appel alors à Domingo Cavalho, l'artisan du miracle des années 1990. Il va prendre des mesures hétérodoxes pour relancer la croissance. Ainsi en dépit des règles de Mercosur, il augmente les tarifs douaniers pour protéger l'économie argentine, de son voisin brésilien. Plus grave encore, il annonce le 19 juin 2001 que le Peso est désormais fixé par rapport à deux monnaies, le dollar et l'Euro, ce qui revient à détacher le Peso du dollar. Les investisseurs demandent ainsi une prime de risque élevée pour détenir des obligations argentines, ce qui fait monter les taux argentins à plus de 10%. Ce n'est que le début de l'envolée des Spreads de taux, au-dessus des taux américains correspondant, ce qui aggrave encore la récession.

Les mesures dangereuses de D. Cavalho ne s'arrêtent pas là. Après l'éviction de Pedro Pou, le Gouverneur de la banque centrale a pris des mesures draconiennes. Ainsi, les banques sont désormais contraintes d'échanger les obligations d'Etat qu'elles détiennent et qui rapportent en théorie des taux d'intérêt élevé contre de nouvelles obligations dont le taux est fixé à niveau beaucoup plus faible. Les caisses de retraites étaient également obligées d'acheter prioritairement les obligations d'Etat dont ne veulent plus les banques d'investissements étrangers.

Le FMI a décidé d'accroître le crédit stand-by de l'Argentine de 21,5 milliards de dollars et autorise un tirage immédiat de 6,3milliards de dollars. En décembre 2001, la convertibilité est suspendue, l'Argentine suspend le remboursement de sa dette et le gouvernement doit démissionner. La monnaie est dévaluée quelques semaines plus tard. Comme le suggère Rogoff K., l'économiste en chef de FMI, dans le cas de l'Argentine, le mixage de politique budgétaire, endettement et régime de change ne sont pas soutenable. En maintenant obstinément le système du Currency Board durant ces années de récession tout en voulant faire face à ses contraintes de remboursement, le gouvernement fut finalement contraint de contingenter les retraits des dépôts bancaires des particuliers en décembre 2001, provoquant une crise sociale et politique qui n'est pas encore résolue22 .

22 Portes et Cohen, op.cit.

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Section 2. Les crises dans l'histoire longue

Avant le 11ème siècle, le terme de panique bancaire n'était pas méconnu à l'histoire de la finance car de nombreuses crises bancaires se sont produites, de manière fréquente, à cette époque. Kindleberger (1978) souligne que les crises financières ont eu lieu à environ 10 années d'intervalle au cours des 400 dernières années. Les paniques étaient généralement considérées comme un mauvais signe parce qu'ils sont souvent associés à une baisse importante de l'activité économique. Au fil du temps, les deux principaux objectifs des banques centrales étaient d'éliminer les paniques et d'assurer la stabilité financière. C'était un processus long complexé. L'année 1668, a connu la création de la première banque centrale, la Banque de Suède, suivi de la Banque d'Angleterre. Tous les deux ont joué un rôle dans l'élaboration de politiques de stabilisation dans les 18ème et 19ème siècles. Cependant, il y avait quand même des crises dont on se rappellera toujours. Voici une sélection des crises financières les plus tumultueuses dans l'histoire longue.

1. La Tulipmanie, 1636

La Tulipmanie, qui affecta les Pays-Bas au milieu du 17ème siècle est le nom de la première bulle spéculative de l'histoire. La spéculation était fondée sur le commerce de la tulipe dont les prix atteignirent des sommets, avant de s'effondrer. La tulipe, introduite en Europe au milieu du 16ème siècle grâce à l'empire Ottomane, a connu une forte popularité dans les Pays-Bas, stimulé par la concurrence entre les membres des classes supérieures en possession des plus rares tulipes. Aussitôt, la tulipe hollandaise a eu une grande fascination jusqu'à envahir les oeuvres d'art de l'époque devenant ainsi un article de luxe convoité et un signe de richesse. La demande des bulbes de tulipes a atteint le sommet à un point que des prix pharamineux ont été accusés pour un seul bulbe, c'est ce qui sera à l'origine de la première bulle spéculative de l'histoire de la finance et souvent citée comme un exemple de spéculation financière d'où le nom de Tulipmanie23 (Tulipm ania).

La frénésie de la spéculation des bulbes de tulipes a commencé sérieusement après septembre 1636, quand les tulipes commençaient à se négocier sur les bourses de nombreuses villes néerlandaises. Cela a encouragé le commerce des tulipes de tous les membres de la société, dont la plupart ont vendu leurs biens dans le but de spéculer dans le marché des tulipes. En septembre 1936, les bulbes étaient

23 Garber, 1990

indisponibles. Car, elles étaient dans leur cycle normal, c'est-à-dire qu'elles avaient été plantées pour fleurir le printemps suivant. Ces bulbes, rares et précieux, produisent des fleurs aux pétales marbrées de couleurs vives, ce qui a renchérit leur valeur. De ce fait, certains commerçants vendaient leurs bulbes de tulipes qui venaient juste d'être plantées ou ceux qu'ils avaient l'intention de planter et les acheteurs de bulbes s'engageaient à payer des bulbes qu'ils ne pouvaient pas voir au moment de l'achat. A ce stade- là, la spéculation de novembre et décembre 1636 et janvier 1637 a été réalisée en l'absence de spécimens en éléments de preuve entraînant ainsi une flambée des prix des tulipes. Mais, le retournement de la situation a très vite débuté vers novembre 1636 suite à une baisse de la valeur des bulbes qui aboutira par la suite à l'effondrement du marché de la tulipe au début février 1637, accompagné par une chute brutale des prix à des niveaux insignifiants et par des défauts sur la plupart des contrats, faisant ainsi ruiner de nombreuses personnes. De nombreux économistes se sont exprimés sur cette crise, parmi eux on trouve l'économiste Peter Garber (1990), considéré comme l'expert moderne de la tulipmanie, qui pense que la tulipmanie n'est pas toujours une manie, elle s'explique cependant par les fondamentaux du marché : L'explosion des prix des bulbes de tulipes, d'après lui, peut s'expliquer par le facteur de l'offre et de la demande. Les bulbes rares étaient difficiles à se reproduire et très demandées. Ainsi, les rares bulbes avaient tendance à augmenter davantage leur prix. Garber admet que l'augmentation et l'effondrement des prix relatifs des bulbes est la caractéristique remarquable de cette phase de spéculation. En plus de ses arguments fondamentaux, Garber pointe le virus bubonique comme une cause possible de tulipmanie. Le point de vue de Kindleberger24 est que la manie des tulipes de 1634 est si isolée et manque de caractéristiques monétaires qui sont arrivées avec l'expansion du secteur bancaire après le début du 18ème siècle. Il est fort probable que, la vision de Kindleberger sur le fait que l'offre de monnaie en 1630 aux Pays-Bas n'a pas subi une augmentation soudaine, était nécessaire pour créer une bulle spéculative. Or, Doug French (The Truth About Tulipmania, 2006) a démontré que l'offre de monnaie a augmenté de manière spectaculaire en 1630 en Hollande, engendrant ainsi l'épisode de tulipmanie.

L'histoire de la Tulipmanie ne concerne pas seulement les tulipes et les mouvements de prix, certainement, l'étude des fondamentaux du marché de la tulipe n'explique pas l'existence de cette bulle spéculative. Le prix des tulipes a servi uniquement comme une manifestation de l'aboutissement d'une politique gouvernementale, qui a augmenté la quantité de la monnaie et donc a favorisé un environnement propice à la spéculation. Ce scénario a été joué à plusieurs reprises tout au long de l'histoire. Or, la question de savoir si la baisse des prix des bulbes de tulipes a conduit ou pas à une

24 Op.cit.

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2. La crise de la compagnie des mers du sud, 1720

L'histoire de la bulle de la compagnie des mers du sud de 1720 a été considérée, par certains économistes, comme étant la première crise majeure qu'a connue la finance mondiale26 , parce qu'elle a touché à la fois les investisseurs d'Angleterre, de France, des Pays-Bas et d'autres pays de l'Europe. Les évènements commencèrent en 1711, lorsque la compagnie the Sword Blade a racheté une partie de la dette publique contractée durant la guerre des successions espagnoles.

L'histoire de la compagnie des mers du sud, elle, commença en effet en 1698 avec son fondateur Robert Harley qui se voit confier le monopole du commerce avec les colonies espagnoles de l'Amérique. Ce monopole prévoyait des concessions commerciales favorables à la Grande-Bretagne. En contrepartie, la compagnie doit procéder à la privatisation par la conversion des dettes nationales, illiquides et difficilement négociables, contractée pendant la guerre, en actions propres à la compagnie, beaucoup plus liquides et négociables sur le marché financier. Malgré que ces actions soient bien rémunérées par le trésor public, La compagnie des mers du sud les a vendues pour augmenter son capital et financer ce qu'elle espérait être un commerce lucratif avec les colonies espagnoles du sud de l'Amérique. En outre, étant donné la période des hostilités qui a perduré jusqu'à 1718, les investisseurs étaient optimistes pour l'avenir et pour les perspectives attractives du commerce, qui seraient compromises une fois la guerre est finie. La compagnie des mers du Sud a voulu imiter le succès de la Compagnie du Mississippi basée à Paris qui avait obtenu le monopole du commerce français avec l'Amérique du Nord et a racheté l'ensemble de la dette française provoquant une ruée des investisseurs. Cette compagnie appartenait à l'Ecossais, John Law, qui a utilisé sa banque pour émettre des titres et augmenter son capital. En Mai 1719, la compagnie a été submergée par les investisseurs : en plus des investisseurs français, il y avait des investisseurs étrangers, y compris certains investisseurs anglais et ceux des grandes villes du continent (Paris, Amsterdam et Genève). Ces investisseurs réclamèrent par la suite l'achat des actions de la compagnie des Mers du Sud, ce qui a fait envoler le prix de l'action de 175 livres sterling en février 1720 pour culminer à plus de 1000 livres sterling en juin 1720. La spéculation s'est propagée ainsi à

25 Ibid.

26 Kindleberger, Op.cit.

d'autres actions sur le continent. Cependant, il y avait certains malaises à l'échelle de la spéculation, puisque certains investisseurs y compris quelques dirigeants de la compagnie ont vendu leurs actions. Il n'y avait pas d'éclatement brutal de la bulle, mais juste une baisse lente et régulière de la valeur de l'action. Finalement, elle s'effondre à la fin du mois de septembre 1720, lorsqu'elle chute à 135 livres sterling. Cet effondrement a fait perdre des fortunes colossales, ce qui a poussé le parlement à mettre en place une commission d'enquête afin de détecter les failles et les principaux responsables. Mais, un bon nombre des principaux acteurs ont échappé vers d'autres pays, ce qui a rendu difficile d'engager des poursuites contre eux. La Banque d'Angleterre a sauvé la compagnie des mers du Sud, mais elle a refusé d'aider la Sword Blade qui, elle, s'est effondrée.

3. La grande dépression de 1929-33

La grande dépression de 1929 à 1933 a été de loin la plus sévère contraction du cycle économique dans l'histoire des Etats-Unis. Bien que nettement plus prolongé aux États-Unis que dans la plupart des d'autres pays, elle a été portée dans le monde entier et se classe comme une contraction internationale la plus grave et la plus largement diffusés des temps modernes27 .

Cette contraction (figure 8), incomparable dans l'histoire des crises financières, a été précédée par une longue période au cours de laquelle la masse monétaire n'a pas augmenté. Le comportement monétaire au cours de la contraction lui-même est encore plus frappant. À partir du pic cyclique en août 1929 jusqu'au creux cyclique en mars 1933, le stock de monnaie a chuté de plus d'un tiers 28 . Plus d'un tiers des banques commerciales des États-Unis détenant près d'un dixième du volume des dépôts au début de la contraction ont suspendu leurs opérations en raison de difficultés financières29 .

27 Friedman, Schwartz

28 C'est plus du triple de la baisse précédente la plus importante enregistrée dans la série de Friedman et Schwartz, la baisse de 9% de 1875 à 1879 et de 1920 à 1921

29 Ibid. Friedman, Schwartz

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Figure 8. Prices, Personnel Income, and Industrial Production, Monthly, 1929-March 1933

En 1922, à la suite de la première guerre mondiale, les Etats-Unis connurent une remarquable prospérité économique. Cette prospérité s'appuyait sur une productivité croissante qui alimentait une hausse de salaires et du pouvoir d'achat qui, elle, renforçait la consommation des ménages américains qui ont retrouvé une impression de bien-être qui semblait être permanant. Toutefois, l'arrivée d'une simple journée à Wall Street a bouleversé l'économie américaine et a provoqué la plus grave crise économique de l'histoire.

Les cours des actions ont enregistré une montée en puissance suite à la formation d'une bulle spéculative, qui s'est amplifiée par le nouveau système d'achat à crédit d'actions, qui depuis 1926 est autorisé à Wall Street. Les investisseurs pouvaient ainsi acheter des titres avec une couverture de seulement 10 %. Le taux d'emprunt dépendait du taux d'intérêt à court terme et la pérennité du système a été celée à la différence entre le taux d'appréciation des actions et le taux d'emprunt.

En septembre 1929, les cours des actions atteignaient leur plus haut niveau historique qui ne pourrait pas être justifiées par des anticipations raisonnables de revenus futurs. Par conséquent, la hausse des

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taux d'intérêt et la stagnation des cours des actions ont conduit progressivement à la baisse des cours en octobre 1929, qui ont rendu le remboursement des intérêts supérieur aux gains boursiers, ceci a contraint certains investisseurs à liquider leurs actions, ce qui a déclenché une réaction en chaîne traduite par une amplification de vente de titres qui a débuté le jeudi noir du 24 Octobre, 1929, ce jour- là, 13 millions d'actions ont été rapidement vendues par des investisseurs qui ont perdu confiance dans l'économie américaine en succombant à la panique.

Ce climat général d'incertitude a entraîné une baisse drastique de la production, une hausse chômage, une déflation aiguë dans presque tous les pays du globe ce qui a conduit a des crises bancaires et économiques sans précédant.

Novembre 1930 a marqué le début de la première crise bancaire américaine, lorsque 256 banques s'effondrèrent; la contagion s'est propagée à toute l'Amérique, avec plus de 352 faillites de banques en décembre.

Du "jeudi noir" à la seconde guerre mondiale, la débâcle s'est propagée dans le monde. Au cours d'une récession de dix longues années, les pays les plus concernés connaîtront d'importants bouleversements sociaux et politiques. Friedman et Schwartz ont fait valoir qu'une mauvaise qualité de prêts et d'autres mauvais investissements ont été la principale cause de faillite bancaire en octobre 1930, mais plus tard, les faillites sont dues en grande partie aux ruées bancaires, ce qui a obligé les banques à céder leurs actifs avec une large réduction.

Après avoir traversé difficilement la période de 1931 à 1932, le système financier américain toucha le fond en mars 1933. Cette situation économique déplorable depuis le krach de 1929, le chômage et les faillites, a suscité l'intervention de l'Etat sous la présidence de Franklin D. Roosevelt, nouvellement élu, qui mettra, aussitôt, en place un plan de relance appelé le New Deal (la nouvelle donne), qui désigna toutes les mesures économiques et sociales prises aux États-Unis entre 1933 et 1939, pour remédier aux effets dévastateurs de cette crise avec des mesures telles que la réforme du système bancaire, l'abandon de l'étalon d'or, la dévaluation du dollar, la limitation volontaire de la production agricole et le lancement de grands travaux. Ca plan marqua non seulement le début de la reprise économique et financière, mais aussi l'introduction d'une intervention gouvernementale massive dans tous les domaines du système financier.

Chapitre 3 : Les dysfonctionnements financiers au coeur de la crise des Subprimes

Le marché hypothécaire résidentiel aux États-Unis a très bien marché au cours des deux derniers siècles, des millions de personnes permettant de réaliser le rêve d'accession à la propriété. En effet, le taux d'accession à la propriété a atteint un niveau record de 69,2 pour cent en 2004 avant de baisser à 68,2 pour cent à la fin du troisième trimestre de 2007. L'épisode le plus récent est survenu à l'été 2007 et est communément appelé l'effondrement du marché hypothécaire subprime. La baisse récente des prix de l'immobilier, la hausse des saisies, et le renforcement des normes de crédit par les prêteurs entraine par cause à effet un ralentissement de la croissance économique, en créant la possibilité d'une récession.

Pour comprendre certains évènements qui sont arrivés avant et pendant la crise des subprimes, il est important de savoir que la croissance du marché des crédits subprimes et son explosion reflète en effet une combinaison de facteurs que nous proposerons d'aborder dans ces deux chapitres.

Section 1. La titrisation : une pratique confuse au vu de la sophistication et de la complexité des produits financiers

1. Les principaux caractéristiques de la titrisation

La titrisation30 est une technique qui consiste à transformer des actifs peu liquides en valeurs mobilières facilement négociables. Pour une banque, titriser un crédit revient à le faire transformer en un actif financier qu'elle peut revendre à des investisseurs (voir schéma ci-dessous). Le plus souvent, la banque à l'origine des prêts les cède à une banque d'investissement (Special Purpose Vehicule, SPV) qui forme un pool de crédit structurés (Asset backed Securities, ABS), homogènes ou hétérogènes (MBS Mortgage-Backed Securities31, C DO Collateralized Debt Obligation s32 ). Les titres sont émis en tranches

30 L'AMF (l'autorité des marchés financiers) distingue en effet deux types de titrisation : titrisation du bilan et du hors-bilan. Ici, on ne considère que la titrisation hors-bilan (off-balance sheet) qui est la question emblématique de cette crise des subpri mes

31 Les MBS eux-mêmes se subdivisent entre les CMBS (Commercial Mortgage-Backed Securities) et les RMBS (Residential Mortgage- Backed Securities).

hiérarchisées selon leur niveau de risque. A partir d'un pool de MBS noté BBB par exemple, le véhicule parvient à proposer aux investisseurs des tranches de titres présentant des niveaux de risque et de rendement différentes : tranches « super senior » notées AAA33 , « senior » notées AA et A, « mezzanine » notées BBB et BB, jusqu'aux tranches « equity » non notées.

La tranche dite "equity" vient absorber l'essentiel du risque attaché au portefeuille d'actifs titrisés. En cas de réalisation d'un événement de crédit, ce sont les détenteurs de cette tranche qui assumeront les premiers les pertes éventuelles en découlant (pertes en principal, rupture des versements d'intérêts). La tranche mezzanine (ou différentes tranches plus ou moins junior) qui présente une exposition au risque intermédiaire. Enfin, le dernier étage est constitué de la dette senior, qui présente une très faible exposition au risque de crédit. La dette mezzanine et la dette senior bénéficient d'une appréciation par une agence de notation.

En fonction de leur aversion au risque ou tout simplement des contraintes réglementaires auxquelles ils doivent faire face, un investisseur choisira d'investir dans l'une ou l'autre de ces tranches.

Les conduits sont des entités qui acquièrent des actifs auprès de différents cédants et se refinancent parfois par l'émission de titres à long terme, le plus souvent par l'émission de titres à court terme, comme le commercial paper. Les actifs titrisés à travers les conduits sont le plus souvent des actifs à court terme mais il peut arriver que les conduits soient utilisés pour des actifs à long terme. L'utilisation du conduit permet le financement d'actifs d'un montant individuel trop faible pour justifier la mise en place d'une structure ad hoc pour chacun d'entre eux ou d'adapter la durée du financement à la maturité des actifs. La particularité de ces opérations a justifié une analyse statistique séparée. Il existe également des ABCP dits d'arbitrage qui permettent de tirer profit du différentiel entre la rémunération des titres détenus à l'actif et le coût de refinancement du véhicule. Dans ce cas, le conduit peut acquérir tout type d'actifs (obligations, etc.) un seul conduit, mis en place par une banque française, entre dans cette catégorie.

32 Les actifs concernés par une opération de CDO sont des prêts (on parle alors de CLO ou Collateralised Loans Obligations), des titres obligataires (on parle de CBO ou Collateralised Bonds Obligations) ou plus récemment des dérivés de crédit sur un risque d'entreprise ou corporate

45

33 Cf. section 2

Schéma de titrisation

2. La titrisation des crédit subprimes

Jusqu'à très récemment, l'origination des crédits subprimes et l'émission des titres adossés à des crédits hypothécaires (MBS)34 ont été dominé par les prêts aux emprunteurs Primes (figure 10) conformément aux standards de souscription établie par le Government Sponsored Agencies (GSE). En

34 Figure 9

47

plus de ces crédits dits conformes (aux standards), il existe des crédits dits non-agency (qui échappent aux standards des agences gouvernementales) qui incluent les classes d'actifs Jumbo, Alt-A et subprime. La classe d'actifs Jumbo comprend des crédits à des emprunteurs avec un premier solde initial supérieur aux celui dicté par les standards imposées par le Congrès sur les agences de notation. La classe d'actifs Alt-A comprend des prêts destinés à des emprunteurs qui ont avec un bon historique de crédit dont la souscription est plus agressive que pour les crédits conformes ou classes Jumbo (les crédits qui se caractérisent par l'absence de documentation sur le revenu et un fort effet de levier). La classe d'actifs subprime contient des emprunteurs avec un mauvais historique de crédit.

En effet, la forte augmentation des originations et des émissions dans toutes les classes d'actifs a été renforcé par la réduction des taux d'intérêt à long terme jusqu'à la fin de l'année 2003. Alors que les marchés des crédits conformes ont culminé en 2003, les marchés des crédits non-agency se sont accrus rapidement en 2005, éclipsant finalement l'activité des marchés des crédits conformes. En 2006, la production de crédits non-agency de 1,480 billions de dollars était 45% plus grande que la production (des crédits) agency, et les émissions de non-agency de 1,033 billions de dollar ont été plus grandes que les émissions agency qui représentait 905 milliards de dollars. L'augmentation des subpri mes et de l'origination de l'Alt-A se sont associés à une importante augmentation du ratio émission /origination : 75 % pour les subprimes 87 % pour les prêts primes (figure 10)

Figure 9. Marché des MBS

Figure 10. Part des crédits hypothécaires primes et subprimes titrisés

Source : Boyer et al. (2004)

3. Le rôle de la titrisation dans la crise des crédits de subprimes

Sachant que le risque pouvait être transféré grâce à la titrisation, les banques ont prêté une moindre attention à la solvabilité de leurs clients. La titrisation a entraîné une plus faible transparence des risques car les crédits subprimes ont été achetés et vendus à des investisseurs nationaux et internationaux sans qu'ils connaissent réellement la qualité des titres possédés. La diminution de la valeur des titres a été provoquée par la crise immobilière qui a entraîné une crise de confiance.

En effet, la crise a révélé trois faiblesses majeures dans ce processus :

49


· le lien entre les CDO, les ABS, et leurs sous-jacents est devenu tellement complexe qu'il est extraordinairement difficile de simuler l'impact sur une tranche de CDO d'un scénario affectant les sous-jacents (combien de propriétaires de maisons en Floride vont-ils faire défaut, et quelle sera la perte sur la valeur originelle du crédit qu'il faudra constater quand tout aura été réglé? comment ceci impactera-t-il les différentes tranches de risque que comprend le CDO ?) ;

· l'approche statistique suppose de tenir compte, au delà de la qualité des crédits sous-jacents, un par un de l'environnement économique : impact d'une éventuelle chute des prix de l'immobilier, par exemple les agences de notation n'ont pas su intégrer convenablement cette dimension dans leur raisonnement. C'est ce qui explique, en bout de chaîne, leurs erreurs majeures dans la notation des "rehausseurs de crédits", des entreprises qui se faisaient une spécialité d'assurer des produits titrisés pour améliorer leur notation, et qui étaient donc totalement exposées à un retournement conjoncturel que les agences n'ont pas pris en compte, tant il est loin de leurs méthodes habituelles de valorisation, tournée vers la microéconomie et non la macroéconomie ;

· enfin et surtout, ces ABS, CDO et autres produits similaires, sont présumés être des "produits de marché", que leurs propriétaires valorisent sur la base d'une "juste valeur" de marché. Manque de chance : le marché, très peu liquide au départ pour les plus sophistiqués de ces produits, a purement et simplement disparu lorsque la crise a éclaté. Plus personne n'en voulait, à n'importe quel prix, aussi bas soit-il. Et ceci sans qu'il y ait nécessairement dégradation constatée - simplement présumée ou anticipée - des sous-jacents.

Du coup, ces produits ont mérité, amplement, le sobriquet sous lequel on les désigne désormais : "toxiques". Ce qui les a conduit à avoir ce statut, c'est une erreur d'analyse fondamentale des investisseurs (ce sont des produits de marché, dont la valeur, en normes internationales ou américaines, doit être pensée en fonction du comportement du marché, et non des sous-jacents ; ceux qui les ont achetés sur la base des risques sous-jacents se sont gravement trompés) ; c'est aussi une erreur des agences de notation, qui n'ont pas assez précisé qu'elles notaient la capacité des sous-jacents à être remboursés (et non une espérance de valeur de marché), et qui ont mal estimé les risques macroéconomiques pouvant affecter ces sous-jacents ; c'est enfin, une politique de développement très rapide de ces produits, à l'instigation des banques d'affaires, qui y ont vu la possibilité de très bien gagner leur vie en structurant ces produits, sans avoir à les porter sur leurs bilans - politique qui leur a permis d'éviter les contraintes de fonds propres que requiert le fait de porter un titre à son bilan. Pourquoi les effets de la crise de la titrisation ont-ils été si dévastateurs?

Parce que la plupart des banques doivent, depuis des années, emprunter auprès du marché les ressources qu'elles prêtent, les dépôts de leurs clients n'y suffisant plus. Pour emprunter les énormes volumes dont elles ont besoin pour prêter, elles ont eu largement recours à la titrisation de leurs actifs ; l'investisseur qui achète un paquet titrisé de crédits hypothécaires à une banque le débarrasse (en tout ou partie de cet actif), et lui fournit la matière première pour consentir un nouveau prêt. Autrement dit, la titrisation a été au coeur du fonctionnement global de la liquidité des banques, leur capacité à accéder aux ressources dont elles ont besoin pour faire leur métier de prêteur. Et les risques qu'elle entraîne pour ceux qui y ont recours ont été sous-estimés, comme tous les risques de marché - même lorsque les sous-jacents sont de bons vieux crédits tout ce qu'il y d'ordinaire (maisons, voitures, consommation) une fois la titrisation réputée toxique, les banques ont couru le risque de ne pas trouver la liquidité dont elles avaient besoin : c'est ce qui a condamné la Northern Rock, dont le modèle économique reposait massivement sur cette technique, mais ce risque a existé, à des degrés divers, pour la plupart des banques. C'est pourquoi les plans de sauvetage adoptés dans la dernière période ont tous compris un volet « liquidité ». Et les produits titrisés que les banques détenaient à leur bilan ont vu leur valeur s'effondrer - créant un trou dans leur bilan, les obligeant à se recapitaliser. D'où le volet "fonds propres" des plans gouvernementaux. Le recours débridé et mal maîtrisé aux techniques de titrisation a donc bien été un élément central dans la crise. Mais l'impact macro-financier de ces produits toxiques n'a été ce qu'il a été qu'à cause d'erreurs fondamentales dans l'appréciation des risques qu'ils faisaient courir, et de la fermeture complète ou presque du marché mondial de la liquidité bancaire, qui dépendait elle- même crucialement de la titrisation.

Le processus de titrisation est soumis d'après Ashcraft et Schuermann (2008)35 à sept frictions qui sont les suivantes :

1. Frictions entre le mortgagor (débiteur hypothécaire) et l'originateur : le prêt prédateur.

2. Frictions entre l'originateur et l'arrangeur : l'emprunt et le prêt prédateurs

3. Frictions entre l'arrangeur et les tierces parties : la sélection adverse

4. Frictions entre le prestataire et le mortgagor : Le risque moral

5. Frictions entre le prestataire et les tierces parties: Le risque moral

6. Frictions entre gestionnaire d'actifs et l'investisseur : Agent-principal

7. Frictions entre l'investisseur et les agences de notation : erreur du modèle

35 Voir «Understanding the Securitization of Subprime Mortgage Credit»

51

Section 2. Le rôle suspicieux des agences de notation

La transparence et l'indépendance des organismes qui produisent de l'information constituent un enjeu crucial pour les marchés financiers. Les précédentes crises financières, la bulle Internet et l'affaire Enron avaient posé le problème des analystes financiers et des cabinets d'audit comptable. Dans la crise des subprimes, c'est maintenant celui des agences de notation qui est critiqué. La question se pose aujourd'hui avec une acuité particulière, d'une part parce que les agences ont un rôle essentiel dans la mécanique des crédits « titrisés » et d'autre part parce qu'elles jouent maintenant un rôle dans le dispositif de contrôle prudentiel des banques.

1. Principe des agences de notations (Rating Agencies)

Les agences de notations évaluent le risque de solvabilité de l'emprunteur, précisément le risque de non-remboursement de ses dettes, ou la qualité de la signature36 . La notation financière externe ne constitue qu'une partie de l'activité de notation financière. En effet, les établissements bancaires et financiers ont également des équipes de notation financière pour évaluer le risque de leurs débiteurs ou conseiller leurs clients sur le marché des obligations. L'objectif de la notation financière vise donc à caractériser le risque associé à un émetteur. Les agences de notation ont deux rôles : traiter l'information et la certifier. Le traitement de l'information concerne le marché. La certification est rendue nécessaire par la réglementation. Les agences sont au service des investisseurs, qui peuvent ainsi prendre des décisions sur la base d'informations pertinentes.

2. Les acteurs de notations : A ce jour, trois acteurs dominent le marché mondial de la notation financière externe :

y' Standard & Poor's, filiale du groupe McGraw & Hill depuis 1966 (USA), spécialisé dans la notation des sociétés industrielles ;

36 La qualité de la signature est la capacité d'un emprunteur à faire face aux échéances de remboursement (en intérêt et capital) de la dette qu'il a contractée. Les emprunteurs peuvent autant être des entreprises (privées ou publiques) que des Etats ou des collectivités locales.

y' Moody's Investors Service, principale filiale de Moody's Corporation, société indépendante

depuis 2000 (USA), bien positionnée dans la notation des opérations de titrisation ;

y' Fitch Investors Service, dit Fitch (IBCA), filiale à 97% du groupe français Fimalac, leader dans la

notation des établissements bancaires.

Depuis peu, Duff & Phelps Credit Rating Company se développe fortement, devenant un quatrième acteur à ne pas négliger. Certaines agences sont très spécialisées, telle AM Best Company qui note la capacité d'une société d'assurances à faire face à ses engagements (claims-paying ability).

3. Méthodologies et interprétation des notations

Au moment du lancement d'une émission, les agences de notation attribuent une note, qui pourra être modifiée jusqu'au remboursement. La note se fonde sur des informations officielles (relatives à l'émission, l'entreprise et le contexte), mais aussi sur des informations plus confidentielles (sur les performances et les projets de l'émetteur) résultant d'entretiens avec les principaux dirigeants. Chaque agence de notation financière possède son propre système de notation (tableau 2). Schématiquement les notes s'établissent de A à D avec des échelons intermédiaires. Une harmonisation des notes est régulièrement évoquée. La note est bien plus qu'une simple indication du risque de défaillance d'une émission obligataire.

Tableau 3. Système de notation des agences

 

Standard & Poor's

Moody's *

Fitch-IBCA

1

AAA

Aaa

AAA

2

AA

Aa

AA

3

A

A

A

4

BBB

Baa

BBB

5

BB

Ba

BB

6

CCC

B

B

7

CC

Caa

CCC

8

C

Ca

C

9

D

C

D

 

Chaque note peut être
accompagnée du signe + ou -

Chaque note peut être
accompagnée des chiffres 1, 2 ou 3

Chaque note peut être
accompagnée d'un signe + ou -

53

L'interprétation des notations de long-terme par ligne se fait comme suit :

1. Le risque est quasi nul, la qualité de la signature est la meilleure possible.

2. L'émetteur noté est très fiable.

3. Le risque peut être présent dans certaines circonstances économiques.

4. La solvabilité est jugée moyenne.

5. A partir de cette note, l'affaire commence à être spéculative. Le risque de non remboursement est plus important sur le long terme.

6. La probabilité de remboursement est incertaine, le risque est assez fort.

7. On présume un risque très important de non remboursement sur le long terme.

8. L'émetteur est très proche de la faillite, l'emprunt est très spéculatif.

9. Faillite de l'emprunteur.

Ces différentes notations peuvent être scindées en deux grandes familles : la catégorie Investissement (High Grade) contenant les notes comprises de AAA à BBB (lignes 1 à 4) et la catégorie dite Spéculative pour les notes inférieures (lignes 5 à 9). Une société qui passe en moins d'un an de la catégorie Investissement à la catégorie Spéculative est qualifiée de Fallen Angel (ange déchu).

4. Les dérives des agences de notation dans la crise des subprimes:

La principale critique est la relation particulière qui existe entre les agences de notation et les émetteurs (clients) qui débouche parfois sur des conflits d'intérêt. Si l'agence est rémunérée par l'entreprise émettrice, ce qui est plus souvent le cas, nous pouvons douter de l'indépendance de son jugement. En effet, les agences sont payées par ceux qu'elles notent. Ces dernières années les notations dans ces opérations (appelées notations de produits structurés) ont représenté jusqu'à 50 % de leur chiffre d'affaires. En outre, le nombre de clients étant assez limité, les agences se sont sans doute retrouvées en situation de dépendance par rapport à leurs clients. De plus, pour ces produits, l'agence n'intervient pas seulement comme évaluateur d'une entreprise qui existe déjà mais comme conseillère d'une opération en cours de montage. Elle fait partie du processus qui constitue le produit. Elle mélange activité de conseil et notation. Cela veut dire que l'agence est à la fenêtre et qu'en même temps elle se

comment les agences de notation ont pu donner des meilleures notes à des paquets de crédits contenant des crédits « subpri mes » ?

Cela peut s'expliquer par le fait que les agences ne sont finalement pas très expertes dans l'évaluation du risque de crédit et du risque de liquidité, qui auraient dû être au coeur de leur analyse. Traditionnellement, en effet, elles évaluent le risque des entreprises ou des Etats et ce sont les banques qui évaluent les risques de crédit, de liquidité et d'une manière générale l'environnement économique. Les agences de notation jouent donc un rôle essentiel dans ce processus : les investisseurs se fient à leurs notations pour se conformer à leurs orientations ou à leurs restrictions d'investissement ; elles aident les sociétés émettrices de CDO à structurer leurs engagements et notent ensuite les produits. Le processus de notation des produits structurés implique de déterminer le rehaussement du crédit, qui correspond au montant des pertes 38 sur les garanties sous-jacentes qui peut être absorbé avant qu'une tranche donnée ne subisse à son tour une perte.

Ce que l'on attend désormais d'agences de notation performantes selon (Barry Eichengreen 2008) est de mettre, sous forme de notes accessibles au public, leurs informations spécialisées à la disposition des investisseurs qui cherchent à déterminer le prix de titres à la valorisation malaisée. La crise des prêts subprimes laisse à penser que la qualité de la prestation des agences de notation a été sous-optimale. Ces dernières n'ont pas opéré de distinction pertinente entre le niveau de risque des différents titres. Elles ont accordé des notes AAA trop facilement. Elles n'ont pas dégradé les titres de créances hypothécaires lorsque le marché de l'immobilier résidentiel, et donc la valeur des obligations hypothécaires (Mortgage Obligations) sous-jacentes, s'est détérioré. Elles ont ensuite aggravé la crise en ne réagissant par des dégradations de grande ampleur qu'après que le marché s'est effondré.

Section 3. Le dilemme des paradis fiscaux

La crise financière commencée aux États-Unis résulte tout à la fois d'un manque de transparence dans les produits financiers mis sur le marché, de l'absence d'une quelconque régulation efficace de la

37 Michel Aglietta - Colloque "Agences de notation" Paris 12 décembre 2007)

54

38 À propos des pertes, Ca lomi ris (2008) observe que les agences de notation ont formulé des hypothèses excessivement basses concernant les pertes attendues sur les titres adossés à des créances hypothécaires subprimes (MBS) avant la crise surviennent.

55

finance internationale, et de l'existence de masses financières énormes qui ont pu jouer de cette situation au travers d'instruments financiers complexes.

Au sens strict, la notion de paradis fiscal se différencie à la fois des zones offshore et des paradis bancaires ou judiciaires. Dans le langage courant, toutefois, on désigne sous cette appellation tous les « territoires non coopératifs » sur les plans fiscaux, prudentiels ou du blanchiment.

Les paradis fiscaux sont donc des Etats souverains ou des dépendances autonomes d'autres pays (Jersey, îles Caïman...) offrant un abri à des non résidents souhaitant échapper à l'impôt. Ces territoires de taille réduite, en imposant très faiblement de nombreuses grosses fortunes, en tirent des ressources très élevées relativement à leur taille. Ils sont à distinguer des zones offshores, qui hébergent des banques, compagnies d'assurance et gestionnaires de fonds, mais ne disposent pas d'une véritable régulation. Ce régime administratif de faveur s'applique à l'activité économique produite depuis ce territoire. Il peut suffire à l'entreprise de disposer d'une adresse sur le territoire. Les centres financiers offshores sont la plupart du temps aussi des paradis fiscaux mais la réciproque n'est pas forcément vraie. Ils ne doivent pas être confondus, même s'il peut exister des recoupements. Les pays caractérisés par un fort secret bancaire sont appelés paradis bancaires (ou financiers).

Malgré leur hétérogénéité, les paradis fiscaux et bancaires, ou territoires non coopératifs, répondent à ces caractéristiques définies par l'OCDE :

· le secret bancaire y est strictement appliqué ;

· les taxes sur les revenus, les bénéfices ou les patrimoines, sont faibles ou nulles, particulièrement pour les non-résidents ;

· les conditions d'installation de sociétés et d'ouverture de comptes sont peu contraignantes ;

· la coopération judiciaire et fiscale avec les autres Etats est faible ou inexistante.

Par ailleurs ces pays doivent être stables sur les plans économiques et politiques, pour rassurer les investisseurs. Le secteur financier y est surdéveloppé par rapport à la taille du pays et à la dimension de son économie. Environ 50 territoires répondent à ces critères, dont la moitié en Europe.

Les paradis fiscaux et judiciaires (PFJ) sont un instrument déterminant dans l'opacité des systèmes financiers internationaux, laquelle a joué et continue de jouer, un rôle déterminant dans l'extension des doutes et des incertitudes des acteurs bancaires et financiers et de nombre d'investisseurs ou de

détenteurs de capitaux. Leur législation commerciale permet très souvent la création de sociétés dont les donneurs d'ordre véritables comme les bénéficiaires resteront dissimulés (trusts, fiducies, etc.). Ce n'est pas un hasard si 80 % des fonds d'investissements spéculatifs (Hedge funds) sont localisés dans les PFJ, dont un grand nombre aux îles Caïmans ; ils ont été très souvent acheteurs des titres émis par les organismes de crédits hypothécaires américains.

Le secret bancaire pratiqué par les paradis fiscaux de façon plus ou moins absolue, en rendant très difficile, voire impossible, une enquête judiciaire, se surajoute pour mettre de l'opacité dans les transactions faisant intervenir des contractants localisés dans des paradis fiscaux.

En outre, les paradis fiscaux, pour être attractifs à l'égard des capitaux mobiles, leur offrent également une réglementation particulièrement laxiste et non contraignante. L'existence de tels territoires « sans lois » vient peser sur l'ensemble des réglementations qui pourraient être prises par les autres États. Dès lors que les PFJ voient transiter plus de 50 % des transactions financières internationales, il est évident que la moindre réglementation ou régulation qui pourrait être prise par un État ou par un groupe d'États à l'égard des secteurs bancaires et financiers serait de fait rapidement rendue en grande partie, Ainsi, par exemple, depuis les accords de Bâle (1996, puis Bâle II, 2004), les banques sont soumises à une réglementation prudentielle qui les contraint à réserver un volume minimal de capitaux propres égal à 8 % du total de leurs actifs risqués (portefeuilles de titres et encours de crédits).

Et avec la primauté de la totale liberté de circulation des capitaux par-delà des frontières étatiques, les PFJ provoquent une concurrence à la baisse entre les différents systèmes de régulation nationaux. En effet, en voulant attirer sur leur territoire une partie des capitaux mobiles, les États sont amenés à réduire eux-mêmes certaines de leurs réglementations prudentielles. La dérégulation de certains secteurs plus particuliers est engagée par certains gouvernements qui arguent de l'existence des territoires qui échappent à toute réglementation.

Par ailleurs, le partage inégalitaire des richesses est largement antérieur à l'existence des paradis fiscaux, mais la prolifération, depuis une trentaine d'années, de tels territoires « sans lois », a bien un lien avec l'accroissement énorme des inégalités constaté à l'intérieur des États, au Nord comme au Sud, et entre les États.

L'existence des PFJ rend encore plus facile la fraude fiscale de grande ampleur pour les multinationales et les particuliers riches qui vont pouvoir échapper à tout ou partie des impôts établis par les États dont

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ils sont originaires ou dont ils ont la nationalité. En facilitant le développement de la fraude fiscale de haut niveau, en étant des havres de tranquillité pour les profits qui résultent des trafics en tous genres et de la corruption de haut vol, les PFJ sont bien un outil qui favorise l'accentuation des inégalités et la concentration de masses financières énormes, de toutes origines (légales parfois, très souvent illégales et criminelles).

L'existence de masses financières énormes provenant des profits accumulés par une toute petite minorité de la population, et conséquence d'un partage toujours plus inégalitaire des richesses, devient une véritable machine à fabriquer « des bulles », d'autant plus que ces capitaux « sans lois », grâce aux PFJ, peuvent prendre plus de risques : le trop-plein de disponibilités financières ne se fixe pas dans les investissements directement productifs mais peut aller vers des marchés très divers (oeuvres d'art, immobilier, activités de l'internet, etc.), en y faisant naître pendant un certain temps une forte demande qui tire ces marchés à la hausse, invitant d'autres capitaux à venir participer à la spéculation en s'engouffrant dans le « filon », jusqu'au moment où tout ceci éclate.

En ajoutant beaucoup d'opacité dans les relations financières, en offrant aux capitaux des réglementations a minima, en concourant à une baisse générale des législations et des réglementations, en participant à la création et à la concentration de masses financières énormes et de toutes origines, en donnant à ces capitaux un environnement ouvert vers la spéculation, les paradis fiscaux et judiciaires sont certainement le coeur de ce qui conduit à l'instabilité financière actuelle.

Chapitre 4 : Le contexte macro-économique instable a, lui aussi, contribué au déclenchement de la crise des subprimes

Dans ce chapitre nous montrons les autres facteurs, en particulier macro-économiques qui sont à l'origine de la crise des subprimes et qui ont mènent à l'instabilité que connait aujourd'hui le système financier mondial. En effet, la crise financière que nous connaissons actuellement est due aussi en grande partie à une situation macroéconomique de plus en plus fragile et instable. Une fragilité aggravée par la forte libéralisation financière, la déréglementation et le décloisement des activités bancaires, ainsi que par la concentration des banques centrales sur le seul objectif de lutter contre l'inflation, au détriment de la supervision du crédit et des prix des actifs. Cette situation a été qualifiée dans les années soixante-dix par Hyman Minsky 39 de paradoxe de la tranquillité, qui se double par le paradoxe de la crédibilité (Borio et Shim, 2007) : en effet, la lutte contre l'inflation, qui s'est soldé par des résultats très favorables, était au coeur des objectifs des politiques monétaires, ce qui leur a renforcé leur crédibilité.

Boyer (1988) note que le modèle de base, pour comprendre les enchainements (linkages) 40 de la crise est celui de la théorie du surendettement inspiré des travaux d'Irving Fisher en 1933. Cette théorie stipule que le choc de productivité a une incidence positive sur la croissance; cette dernière nourrit les anticipations de profits et se traduit par une augmentation des investissements et donc du crédit.

Section 1 : La stabilité monétaire vs. L'instabilité financière

Le développement rapide de marchés financiers et la montée de l'instabilité financière ne peuvent laisser indifférents les banquiers centraux, ne serait-ce qu'en raison de leurs effets sur l'efficacité et les mécanismes de transmission de la politique monétaire. La configuration originale engendrée par la globalisation financière appelle ainsi un renouvellement des objectifs et des instruments de la politique monétaire (Boyer et al. 2004). Après des années d'inflation élevée, le monde industrialisé et les pays en développement sont entrés au cours des années 90 dans une période de stabilité des prix. Les banques centrales ont contribué à cette tendance favorable en choisissant de plus en plus d'annoncer

39 Cf. Chapitre 1

40 Voire figure 11

59

l'orientation à venir de variables nominales clés afin d'influer sur les anticipations inflationnistes. Ces objectifs intermédiaires (ou règles) annoncés aident à renforcer la crédibilité de la politique en empêchant les chocs endogènes ou exogènes d'entraîner une hausse permanente de l'inflation et concrétiser la volonté de stabilité des prix à long terme. Ils jouent en fait le rôle de points d'ancrage nominaux, tenant les banques centrales à l'application de politiques cohérentes tout en donnant un repère qui permet au public d'en suivre la mise en oeuvre. Dans les années soixante, le banquier central keynésien avait pour objectif de réaliser le meilleur arbitrage entre inflation et plein emploi, favorisant souvent le second au détriment du premier. Les années quatre-vingt ont vu apparaître les banquiers centraux conservateurs, presque exclusivement dédiés à l'objectif de lutte contre l'inflation et de préservation de la stabilité monétaire. Ce qui impliquerait, en particulier, que les banques centrales ne restent pas inactives face à l'évolution des prix d'actifs.

Or, l'histoire économique des dix dernières années a amplement démontré que la stabilisation des prix des biens et services n'a pas permis de réduire l'occurrence des crises bancaires et des crises des marchés financiers. On peut même considérer que la victoire remportée sur l'inflation des prix des biens et services, qui a amené une forte baisse des taux d'intérêt, a contribué indirectement à l'emballement des cours boursiers, du crédit bancaire et souvent des prix de l'immobilier, tant résidentiel que commercial aggravant ainsi l'instabilité financière.

Le contexte macroéconomique de la crise actuelle est qualifié de grande modération: l'inflation globale a baissé et s'est stabilisée ainsi que la croissance du PIB réel mondiale. En effet, cette modération est plus apparente du coté de l'inflation que du PIB. Les figures 12 et 13 montrent la baisse spectaculaire et la stabilité récente de l'inflation mondiale. Par l'observation de ces figures, on remarque que la part globale de l'investissement dans le PIB en 2006 n'a été que légèrement au-dessus de son précédent pic atteint en 1994.

Figure 12. Inflation globale et investissement

Source : FMI (2007)

Figure 13. Volatilité du PIB

La volatilité de l'inflation a aussi fortement chuté. Cette baisse a été plus régulière pour les pays de l'OCDE au cours des dernières années (figure 14 et 15)

61

Figure 14. Inflation (GA en %)

Figure 15. Inflation OCDE et sa volatilité

Le rattrapage des pays émergents dont le développement a exercé une pression à la baisse sur le prix des biens manufacturiers, même si dans le même temps leur croissance pèse sur le prix des matières premières, doit être aussi pris en considération pour expliquer la baisse généralisée de l'inflation (CAE,

2008). Ce qui a permis à ces pays d'améliorer leurs situations macroéconomiques et de moderniser leurs structures financières des pays émergents. La confiance s'est ainsi restaurée (voir figure 11)

Section 2 : La détérioration des fondamentaux d'aversion pour le risque et de taux d'intérêt

Les fluctuations de l'aversion pour le risque41 des investisseurs peuvent aussi expliquer les crises sur les marchés financiers. L'alternance entre des phases d'optimisme, poussant les investisseurs vers les placements risqués, et des phases de pessimisme, où ceux-ci se replient vers les placements les plus sûrs, pourrait être à l'origine de fortes fluctuations des prix d'actifs. Un problème dans l'évaluation de ces différentes phases est de bien séparer le risque perçu par les agents de l'aversion pour le risque elle- même. (Coudert, Gex, 2006)

Les crises financières devraient être précédées de périodes de montée de l'aversion pour le risque. 42 En principe, une hausse de l'aversion pour le risque devrait se traduire par une augmentation des primes de risque sur tous les marchés mais l'augmentation devrait être plus forte sur les marchés les plus risqués. C'est sur cette idée qu'est fondé le GRAI (global risk aversion index) introduit par Persaud (1996).

Des études récentes montrent que le modèle de financement des subpri mes a entraîné une diminution de l'aversion au risque 43 (figure 16) des prêteurs et une sous-évaluation du risque à l'origine des crédits. La dissémination du risque, qui est la raison d'être de la titrisation, s'est accompagnée d'une déperdition d'information sur le risque des crédits tout au long de la chaîne qui va de l'emprunteur initial aux acheteurs des tranches de crédit titrisées. Ce modèle de financement est devenu une machine à engendrer des pertes. Du côté des prêteurs, la réduction de l'aversion pour le risque se révèle de deux manières. Le nombre de prêts hypothécaires acceptés a été multiplié par deux de 1996 à 2005 ; le spread des crédits Subpri mes à 30 ans sur les obligations d'état de même durée a baissé de 225 à 175 points de base entre 2001 et 2005.

41 La notion d'aversion pour le risque a l'avantage d'être intuitive, dans la mesure où elle peut être aisément interprétée comme un sentiment de défiance des investisseurs vis-à-vis des placements risqués (Coudert, 2006)

42 Il est possible toutefois aussi que certaines crises financières soient précédées au contraire de périodes de fort « appétit pour le risque » durant lesquelles les investisseurs sont exagérément optimistes, ce qui crée une « bulle spéculative » sur les prix des actifs risqués.

43 C'est du, entre autres, au fait que les AMR étaient destinés aux ménages ayant de faibles niveaux d'aversion au risque et qui refusent ainsi de payer la prime pour une hypothèque à taux fixe.

63

En revanche, depuis août 2007, l'aversion au risque est bien sûr remontée brusquement pour atteindre un niveau supérieur à celui atteint en septembre 2001 ou lors du scandale Enron. Plus précisément, si l'on retient les seuls marchés obligataires (figure 17), les rémunérations sont de l'ordre de 300 points de base (pb) dans les années 2000 pour les notes BAA et de 800 pb pour les pays émergents (Emerging Markets Bond Index +), soit un spread de l'ordre de 500 pb. Ce dernier diminue alors régulièrement pour atteindre 300 pb à partir de 2005, puis s'annule pratiquement début 2007. La causalité est donc claire : l'ample liquidité conduit les acteurs à chercher des actifs plus risqués pour leurs placements, en quête de rendement. (CAE 2008)

La relative faiblesse de papier fait alors baisser les rendements, autrement dit le prix du risque. Plus le temps passe, plus de risques sont ainsi pris sans être correctement rémunérés, en même temps que la volatilité de l'inflation baisse et que la liquidité globale demeure importante. Les conditions d'un retournement brutal se mettent en place, mais les acteurs financiers rechignent à le prendre en compte, retenant l'idée que les banques centrales continuent de veiller à la stabilité de l'ensemble.

Figure 16. Baisse de l'aversion au risque 2003-2006

Figure 17. Spreads sur obligations risquées

Une autre caractéristique frappante de l'environnement macro-économique mondial a été la baisse du niveau des taux d'intérêt réels depuis 2001, et en particulier le déclin marqué depuis l'éclatement de la bulle technologique à la fin de 2000. Ceci est clairement démontré par la figure 18, qui est pris de Desroches et Francis (2007). Les taux sont relativement faibles dans la première partie de la décennie. Cette faiblesse des taux d'intérêt a stimulé l'augmentation du financement hypothécaire et des augmentations substantielles des prix de l'immobilier. Les taux d'intérêt bas créent un environnement économique propice à l'emprunt, tandis que le laxisme des normes de prêt a mis en place un cadre institutionnel accueillant (Bardhan, 2008). De tels déséquilibres macro-économiques sont plus susceptibles de précipiter une crise lorsque le système financier est faible, car les autorités seront moins en mesure de relever les taux d'intérêt afin d'éviter l'hémorragie de capitaux de l'économie, ce qui reflète la crainte que la faiblesse des banques à ne pas faire face aux taux d'intérêt plus élevés (Eichengreen, 2004)

En effet, la plupart des prêts hypothécaires subprime sont des prêts à taux ajustables (ARM), avec la variation d'une structure hybride connu sous l'appellation de 2/28 ou 3/27. Les ARM de 2/28 et de 3/27 ARM portent généralement sur des prêts 30 ans d'amortissement. La principale différence entre ces deux types d'ARM est la longueur du temps. Dans un ARM de 2/28, le chiffre 2 représente le nombre des premières années au cours desquelles le taux hypothécaire reste fixe, tandis que le 28 représente le

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nombre d'années où les taux d'intérêt payé sur l'hypothèque sera flottant. De même, le taux d'intérêt sur un ARM de 3/27 est fixé pour trois ans, après quoi il flotte pour le reste de l'amortissement qui est de 27 ans. La marge qui est en charge sur le taux de référence dépend de l'emprunteur, du risque de crédit ainsi que des marges du marché pour les autres emprunteurs. Ce taux flotte, il change donc si le taux LIBOR change. Le taux d'intérêt est mis à jour tous les six mois, sous réserve de limites appelé plafond d'ajustement. Il y a un plafond sur chaque ajustement appelé plafond périodique et un plafond pour le taux d'intérêt sur la durée du prêt appelé le plafond de durée de vie.

Figure 18. Prix de l'immobilier et taux d'intérêt aux Etats-Unis

Au point de départ de la crise, il y a la distribution de crédits immobiliers à des ménages américains, dont le taux de défaut a considérablement augmenté (figure 19), à des taux d'intérêt ne reflétant absolument pas ce risque de défaut (figures 19 et 20).

Figure 19. Taux de défaut sur les crédits et d'intérêt aux
Etats-Unis

Figure 20. L'épargne globale, Investissement et taux d'intérêt

67

Section 3 : L'excès de la liquidité et le boom du crédit

Les flux de capitaux contribuent à la fragilisation et sont capable de déclencher une crise. D'abord, une phase euphorique : un optimisme démesuré du côté des créanciers internationaux, des banques en particulier, conduisant à des situations de sur-financement, au-delà en tout cas des besoins liés aux déficits courants et aux écarts entre épargne et investissement domestiques, provoquant tout à la fois un boom du crédit, avec sélections adverses et risque moral, une profitabilité bancaire élevée mais précaire, un choc d'investissement et un boom d'activité, des augmentations de réserves jouant un rôle de collatéral implicite, des sur-réactions, voire des bulles sur les marchés d'actifs, en particulier sur le taux de change. Puis une phase neurasthénique qui provoque une inversion de toutes ces séquences : détérioration de la situation financière des entreprises, dégradation des bilans bancaires, pessimisme excessif, sous-investissement, ralentissement de l'activité, pertes massives de réserves, chute des cours boursiers, faillites bancaires, étranglement du crédit et crise réelle, diffusion de la panique, attaque spéculative, sorties de capitaux, crise de change...

La création excessive de liquidités par les deux principales banques centrales, la Fed et (dans une moindre mesure) la BCE, renforcée par le souhait de beaucoup de nouvelles et d'industrialisation de pétrole et de gaz des pays exportateurs, de limiter l'appréciation de leur monnaie vis-à-vis le dollar américains. Le comportement de ces banques centrales peut être rationalisé en partie comme une réponse aux faiblesses de la demande effective keynésienne que beaucoup craignaient être le résultat du 18 Septembre. La Fed a abaissé le taux des fonds fédéraux de 50 points de base. Dans les deux cas, le taux d'escompte a été réduit du même montant que le taux cible des fonds fédéraux. Elle a également injecté des liquidités sur les marchés à l'échéance immédiate pour 3 mois. Les montants ont été injectés quelque part entre celles de la Banque d'Angleterre (avec des différences dans la taille des économies des États-Unis et le Royaume-Uni) et ceux de la BCE. La Banque centrale européenne a injecté des liquidités et à la fois au lendemain des échéances plus longues sur une très grande échelle certes, mais

44 Desroches et Francis, op.cit

68

avec un succès limité. Elle n'a pas réduit le taux d'escompte, mais elle s'est abstenue de relever ses taux comme elle l'avait prévu de faire.

La surliquidité qui a conduit à la consommation ou à titriser le moindre crédit immobilier résulte de déséquilibres structurels. Le premier déséquilibre est démographique. Aglietta et Berrebi, tout comme Artus et Virard, soulignent que, compte tenu des populations vieillissantes des vieux pays industrialisés, on pourrait s'attendre à ce que l'épargne y soit abondante et qu'elle se place dans le Sud. Le deuxième déséquilibre structurel, lui clairement évoqué par les ouvrages d'Artus et Virard et celui dirigé par J. H. Lorenzi, est celui d'une réorientation radicale de l'accumulation vers un mode de développement soutenable à l'échelle de la planète, ailleurs et autrement que dans la politique de communication des grands groupes... pétroliers. En effet, tous ces ingrédients de la crise ont été rassemblés pour faire surgir la crise des subprimes. La situation actuelle est particulièrement surprenante. Début 2007, les marchés de capitaux disposaient d'une liquidité45 abondante (figure 21) et les investisseurs n'exigeaient qu'une prime de risque faible. Ce qui est essentiellement dû à l'accumulation de réserves de change dans les pays émergents et exportateurs de matières premières (figure 21 et 22). Les banques étaient liquides (abondance en liquidité bancaire) et correctement capitalisées (abondance en liquidité de marché)46 , avec un volant de sécurité important par rapport à leurs exigences en fonds propres réglementaires. Des constatations similaires auraient pu s'appliquer à l'ensemble des principales composantes du système financier. Même en mai 2007, il aurait été difficile de prévoir que les pertes sur les investissements hypothécaires subprimes pouvaient entraîner une crise de l'ampleur de celle que nous observons actuellement.

45 Il est plus facile d'identifier la liquidité que de la définir précisément. Fondamentalement, la liquidité peut être décrite comme étant la facilité avec laquelle il est possible d'extraire de la valeur à partir d'actifs. Cette extraction de valeur peut être réalisée, soit en utilisant sa solvabilité pour obtenir des financements externes, soit en vendant son papier sur le marché (Andrew Crockett, 2008)

46 Pour saisir le concept de liquidité bancaire et liquidité de marché, voire Praet et Valérie Herzberg.

Figure 21. Réserves de change (Mds de
dollars)

Figure 22. Réserves de change et base monétaire mondiale
(variation sur un an, en Mds de dollars)

Cette liquidité mondiale très abondante circule internationalement : si une banque centrale achète des titres en devises pour accroître ses réserves de change, elle fournit de la liquidité au vendeur de ces

70

titres. La présence d'un excès de liquidité qui alimente initialement la liquidité des banques (figure 23) conduit à la possibilité d'un excès de crédit (figure 24), d'un excès d'achat de titres, donc de bulles sur le prix des actifs. D'où vient cet excès de liquidité ? De l'absence de coordination internationale des politiques monétaires, essentiellement entre : les États-Unis, où la politique monétaire n'est pas utilisée pour faire remonter le taux d'épargne des ménages et réduire le déficit extérieur; les pays émergents (surtout d'Asie) et exportateurs de pétrole où l'accumulation de réserves de change qui est mise en place pour éviter l'appréciation des devises par rapport au dollar, impose le maintien d'une politique monétaire extrêmement expansionniste.

Figure 23. Réserves des banques commerciales
auprès des banques centrales et crédits (GA en %)
dans le monde

Figure 24. Base monétaire mondiale (en
% du PIB en valeur) dans le monde

Les facteurs d'augmentation de la liquidité sont aussi bien exogènes qu'endogènes. Parmi les facteurs exogènes on peut citer, au moins pour la période récente, la progression très rapide des réserves de change des banques centrales des pays émergents (la Chine en particulier) et des pays exportateurs de matières premières; or cette augmentation des réserves n'est que partiellement stérilisée. L'augmentation des réserves est due à d'importants excédents commerciaux et à un fort taux d'épargne dans ces pays qui connaissent des taux de croissance élevés depuis plusieurs années (ce rattrapage a par ailleurs contribué à limiter le ralentissement de la croissance dans les pays de l'OCDE depuis 2000). Parmi les facteurs endogènes, on trouve l'expansion du crédit (dont les causes sont à rechercher dans la croissance, la baisse des taux d'intérêts réels, les innovations financières...) qui a nourri également la liquidité mondiale. Quelles qu'en soient les raisons, cette liquidité abondante aurait pu susciter des risques inflationnistes, mais ils apparaissent sous contrôle en raison de la crédibilité acquise par les banques centrales (CAE, 2008).

La forte croissance du crédit bancaire au secteur privé reflète souvent une amélioration des fondamentaux économiques accompagnants le processus d'approfondissement financier mais elle est parfois apparue comme le signe avant-coureur d'une crise bancaire et financière dans les pays émergents au cours de la dernière décennie. De nombreux travaux empiriques sur les booms du crédit visent à définir des techniques quantitatives afin de distinguer un boom du crédit d'une période de forte croissance du crédit. Le premier phénomène est défini comme une expansion exceptionnellement marquée du crédit qui finit par retomber d'elle-même parce qu'elle devient intenable sur le court et sur le moyen terme tandis que le second est lié à la bancarisation dans les pays en développement et émergents et peut donc stimuler la croissance économique à long terme (FMI, 2004). Les entrées de capitaux étrangers et la libéralisation financière jouent un rôle majeur dans les booms du crédit. Reinhart et al. (2008) trouvent que les politiques de libéralisation financière interne et externe menées par les pays stimulent les entrées de capitaux étrangers qui se traduisent par un excès de liquidité et peuvent ainsi conduire à un accroissement des crédits bancaires et de la masse monétaire. Lorsque ces entrées massives de capitaux dans l'économie sont intermédiées par un système bancaire sous capitalisé et peu réglementé, elles entraînent une hausse de la consommation et, par conséquent, des importations tandis que l'investissement reste faible ; l'économie devient alors plus vulnérable aux chocs exogènes.

Les booms du crédit sont parfois associés à une augmentation rapide des prix des actifs en particulier dans l'immobilier ou sur les marchés boursiers conduisant éventuellement à la formation de bulles spéculatives dont l'éclatement risque de provoquer un effondrement de l'activité économique47 .

Le dynamisme du crédit qui accompagne l'activité économique accroît les opportunités de prise de risque par les banques. Le manque de diversification de ces prises de risque peut parfois conduire à des défaillances bancaires. Ainsi, si la croissance très rapide du crédit bancaire se traduit par une détérioration de la qualité des actifs bancaires et une insuffisance de fonds propres alors elle risque de compromettre la solvabilité des banques. La prise de risque excessive des banques peut également être favorisée par la présence de l'État au capital des banques apportant une garantie implicite ou explicite qui crée un « aléa moral » (Hilbers et al. 2005).

La baisse des taux d'intérêt et des primes de risque alimente ainsi un crédit abondant et bon marché. Mais cette abondante liquidité ne se retrouve pas dans les hausses de prix des biens (figure). En effet,

47 L'expérience des pays asiatiques dans les années quatre-vingt-dix a notamment illustré les implications pour l'économie de taux élevés d'investissement et de la flambée des prix dans le secteur de l'immobilier.

72

les facteurs de production ne sont pas pleinement utilisés, suite à la récession de 2001 et à la croissance molle de 2003 dans les pays développés qui fait sentir ses effets jusqu'en 2005. Par ailleurs, la concurrence des pays émergents à coûts salariaux faibles continue d'agir sur les prix. La croissance non inflationniste se poursuit, même quand les prix des matières premières se mettent à croître (pétrole, métaux, produits alimentaires de base), suite notamment à la demande des pays émergents, Chine en premier lieu. Et quand l'idée se répand que la phase de désinflation mondiale est en train de s'achever, la perception demeure que la flexibilité de l'offre joue dans ce processus un rôle désinflationniste dominant, même s'il est en passe de s'arrêter.

La baisse des taux d'intérêt et des primes de risque favorise aussi les opérations à fort effet de levier. Et cette augmentation du levier d'endettement n'est pas seulement le fait des banques commerciales. Le levier des hedge funds et des fonds de private equity a en effet beaucoup augmenté depuis 2002, tout comme celui des entreprises : en Europe, il y a hausse du levier des entreprises surtout par la hausse de l'endettement (figure 25), aux États-Unis surtout par les rachats d'actions.

Figure 25. L'augmentation de l'effet de levier

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Conclusion

Voila que notre travail nous emmène à dire que quoi qu'on parle des causes et facteurs qui ont déclenché la crise des subprimes, le plus important, c'est d'essayer d'en tirer les leçons qui nous évitera peut-être à l'avenir une autre crise a l'ampleur de cette crise. En effet, cette crise a eu des conséquences douloureuses pour l'économie mondiale toute entière en particulier les économies développées.

La densité de l'interdépendance des institutions financières internationales fait que le risque, qu'on avait pensé minime parce que bien distribué, était en fait, pour cette raison même, maximalisé. Le montant total des pertes a désormais dépassé les 635 milliards de dollars ; le FMI estime que ce chiffre va atteindre 1.400 milliards, et d'autres économistes vont jusqu'à 3.000 milliards.

Les interventions des gouvernements n'ont pas réussi à éviter la crise, pour une simple raison : les institutions financières, sous-capitalisées et en proie à cet effet de deleveraging, offrent du crédit uniquement à des taux de plus en plus élevés, et menacent de fermer le robinet entièrement. La décision de la Fed et du Trésor d'ouvrir, et d'agrandir progressivement, la fenêtre de réescompte (ce qui donne des prêts à court terme à certaines institutions, avec pour contrepartie, entre autres choses, ces mêmes obligations titrisées), ainsi que de jouer le rôle de courtier dans la vente de Bear Stearns, et de mettre sous tutelle ou de nationaliser Fannie, Freddie et AIG, n'ont pas pu ré inspirer la confiance au marché interbancaire.

Les 17 et 18 septembre, en réponse à la faillite de Lehman, les transactions interbancaires ont été temporairement complètement stoppées, un phénomène dont la menace plane toujours. Cette situation d'apnée financière ne pouvait pas durer plus de quelques jours sans que le système ne s'effondre totalement. Mercredi 17, Paul Donovan, économiste chez UBS, a souligné, dans un entretien sur CNBC que «le système financier est en train d'arrêter de fonctionner ; il nous faut une intervention gouvernementale. Si on ne l'obtient pas, c'est fini le capitalisme».

Certains économistes estiment que les liquidités nécessaires à «racheter» la confiance interbancaire s'élèvent plutôt à 5 000 milliards de dollars. Chaque jour de la dernière semaine de septembre, les banques ont emprunté en moyenne la somme record de 368 milliards à la Fed, et ce uniquement pour pouvoir continuer leur activité ; des montants analogues sont sortis de la BCE. 700 milliards de dollars ne sont donc qu'une goutte d'eau en comparaison du montant total des difficultés que connaissent les institutions en perte de confiance.

Dans l'Euro zone, les principes abstraits annoncé par le G7 se sont concrétisés dimanche soir lors de la réunion à l'Elysée des ministres de finance des 15. Les montants colossaux (1 700 milliards d'euros jusqu'au moment présent, annoncés par Paris, Berlin, Madrid, La Haye, Vienne et Lisbonne) seront essentiellement affectés à la garantie des prêts interbancaires pendant un an, et dans un moindre dégré, à la recapitalisation des banques. En France, 40 milliards d'euros ont été accordés pour injecter directement dans des banques, avec exigence qu'elles «rendent des comptes» au gouvernement ; et 320 milliards sont destinés à faciliter les prêts interbancaires.

Dans ce sens, les interventions des Etats peuvent être classées en trois catégories :

1. Venir en aide aux ménages pour limiter l'augmentation des défauts de paiement ; ex. plan Paulson aux Etats-Unis (le gel pendant cinq ans des taux d'intérêt sur les prêts sub primes à taux variables, améliorer l'accès au crédit pour les emprunteurs qui vont faire face au réalignement de leur taux d'intérêt ; problème : les clauses de prêts qui ont été titrisés ne peuvent pas être modifiées par les banques ou les institutions qui ont octroyé les prêts)

2. Assouplir la politique monétaire en injectant des liquidités et en jouant sur les taux d'intérêt (cf. les baisses récentes des taux directeurs de la banque centrale américaine, anglaise et de la Banque Centrale Européenne)

3. Intervenir en tant que prêteur en dernier ressort, voire en tant qu'acheteur en dernier ressort (cf. les plans de garantie des systèmes bancaires et financiers aux Etats-Unis et en Europe, les nationalisations (AIG aux Etats-Unis, Northern Rock en Angleterre, Fortis en Belgique/Pays-Bas, Dexia), les recapitalisations (Bear Streans, Freddie Mac et Fannie Mae (les deux principales agences de refinancement de l'immobilier aux Etats-Unis) les grandes banques dans de nombreux pays européens)). En France, le gouvernement a créé deux institutions publiques pour soutenir les banques françaises : l'une est chargée de les aider dans leur recapitalisation ; l'autre a pour objectif d'assurer les besoins de refinancement.

La plupart des économistes et des experts s'accordent à ce que les actions préconisées qui permette d'atténuer ou même d'éviter une crise pareille doivent découler dans ce sens :

1.

76

Limiter l'octroi des crédits « spéculatifs » en imposant des coûts supplémentaire aux banques quand leur crédits prennent des proportions excessives d'un secteur, un pays, à l'égard d'acteurs financiers (Hedge funds) ou lors d'opérations à fort effet de levier (LBO);

2. Développer des instruments de contrôle interne des risques dans les banques qui devraient pouvoir disposer de système d'information capable de leur fournir rapidement l'état de leur exposition total aux risques pris ;

3. En matière du renforcement de la réglementation prudentielle internationale des banques. Il faut augmenter les pondérations des «lignes de liquidité » par lesquelles les banques s'engagent à racheter des crédits qu'elles auraient titrisés, obliger les banques à conserver une partie de leurs risques, renforcement de la coopération entre autorités internationales de surveillance afin de responsabiliser davantage les banques dans l'octroi de crédits ;

4. Encadrer les marchés de produits dérivés en favorisant les marchés organisés plutôt que les marchés de gré à gré qui soufrent d'opacité. Cela pourrait passer par une chambre de compensation où les acteurs en position débitrice seraient obligés de laisser une garantie ;

5. Révision des rémunérations en supprimant les parachutes dorés, et par l'imposition des primes de départ, des compléments de retraite, des stocks options des dirigeants, et récupération des rémunérations antérieures en cas de lourdes pertes et limitation de la partie variable (bonus) des rémunérations des traders ;

6. Réformer les agences de notation : en les rendant plus transparente dans leurs pratiques de notation, en imposant que les agences de notation intègrent dans leurs évaluations le risque de liquidité et les risques opérationnels, à coté des risques de crédit, en créant plus de concurrence entre agences de notation, par la création d'agences de notation publiques ;

7. Réformer les normes comptables : par l'abandon partiel (lisser les plus ou moins values jusqu'à l'échéance) ou total du principe de juste valeur ;

8.

Réguler les fonds spéculatifs en interdisant la revente à découvert en cas de crise et renforçant les obligations d'information ;

9. Lever le voile sur les paradis fiscaux. Cela nécessite une coopération internationale renforcée pour ne pas se retrouver dans quelques années face à une nouvelle bulle spéculative et à une nouvelle crise financière, et pour freiner rapidement et très concrètement la prolifération de la crise actuelle vers de multiples secteurs de l'économie et vers de larges couches de la population dans la plupart des continents, Attac développe une série de propositions.

Pour faire disparaître progressivement les PFJ de la planète, il faut certainement agir dans deux directions : d'une part, fixer des normes internationales, qui devraient être admises par les États qui déclarent vouloir agir contre la crise financière, et qui seraient soumises à la signature des actuels PFJ, réglementant la circulation financière, permettant de supprimer l'anonymat et le secret, obligeant à une coopération administrative et judiciaire, etc. D'autre part, ces mêmes États devraient déclarer nulles les transactions financières réalisées par des opérateurs domiciliés sur leurs territoires avec des organismes domiciliés dans des territoires qui refuseraient ces nouvelles normes. Bien entendu, un organisme international serait mis en place pour s'assurer sur place de la bonne application des normes et des réglementations.

Pour devenir effectif et efficace, un tel accord ne nécessite pas la signature de tous les États représentés à l'ONU : un accord des seuls vingt chefs autoproclamés du G20 serait suffisant pour entraîner une application planétaire ; et serait suffisant un accord régional des États membres de l'Union européenne s'appliquant entre ces États, et fixant le cadre des relations de l'Union européenne avec le reste du monde. Et chaque pays peut aussi, à son niveau, prendre des mesures concrètes. Ainsi la France devrait déjà interdire aux banques et aux entreprises qui reçoivent des fonds publics d'avoir des relations avec les PFJ, et elle pourrait peser sur « ses » paradis fiscaux « proches » (Monaco, Andorre, îles des Caraïbes ou du Pacifique).

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon