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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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2.1.3. Horreur chez les exploitants

Dans cette position, c'est le distributeur, qui, par les négociations avec les exploitants, définit le nombre de copies à livrer à ceux-ci. Il se dégage alors nettement deux types de films : ceux bénéficiant d'un nombre de copies supérieur à 100 et ceux qui ne les atteignent pas, alors que la moyenne pour un film inédit se situe aux environs de 135 copies. D'un côté, il s'agit de Wolf Creek de Greg Mc Lean, de Cloverfield de J.J. Abrams ou encore de Diary of the Dead de George A. Romero ; de l'autre de The Mist de Franck Darabont, des Ruines de Carter Smith ou encore des Proies de Gonzalo LopezGallego. Un premier filtrage semble s'effectuer par les mécanismes de l'offre et de la demande, géré par les distributeurs, qui tendent à maximiser les dépenses en louant le plus de copies, et les exploitants qui assurent un turn-over rapide afin de satisfaire l'exigence de renouveau permanente du public. En effet, les films restent en moyenne deux semaines à l'affiche et le nombre de copies exploitées la deuxième semaine baisse sensiblement, sauf exceptions, comme [Rec] qui est resté 5 semaines à l'affiche.

2.1.3.1. Du rififi dans les circuits...

L'épisode de Saw III a particulièrement contribué à faire apparaître au grand jour les réticences des principaux circuits d'exploitation vis-à-vis des films d'horreur. La perspective de défoulement et le flot de violence déversé sur les écrans sont perçus comme les caractéristiques essentielles de ce genre de cinéma, notamment depuis la vague des torture-flick, qui ont cependant été programmés dans tous les circuits, de salles indépendantes aux multiplexes. Mais les projections du troisième volet de la saga ont donné lieu à des incidents, qui non seulement ont contribué à ternir encore plus l'image négative du film d'horreur, mais ont entraîné des réactions immédiates de la part de certains exploitants. En effet Guy Verecchia, PDG d'UGC, a annoncé qu'à la suite de l'exploitation de Saw III, il décidait de bannir de sa programmation tous les films interdits aux moins de 18 ans1. Lors de la projection de ce film relevant de la catégorie IV, il y avait eu quelques incidents dans des salles de banlieue ; des groupes d'individus avaient dégradé des équipements hors et à l'intérieur des salles à l'occasion de ces séances, programmées en deuxième partie de soirée. D'autre part, le contrôle des identités, renforcé pour ce type de séances, s'était avéré difficile et les vigiles se sont vite retrouvés débordés. Cependant, pour éviter ce genre d'incidents, le déploiement d'une force de sécurité supplémentaire semble être une pratique fréquente, comme l'atteste Eric

1 « Quand ces films risquent de poser des problèmes avec une clientèle un peu abrasive, on les évite. D'autant que nous avons déjà eu des incidents dans certaines salles », Le Monde du 8 février 2008, annexe n°12, p.31

Meyniel, directeur de programmation chez Kinépolis : « Evidemment, dès qu'une restriction de censure intervient, la sécurité est un point important. Nous renforçons les contrôles d'âge, nous portons une attention particulière au sentiment de sécurité, d'autant que les séances les plus fortes se trouvent être à 22h001 ». Si ces accrochages ont probablement encouragé les exploitants à se méfier davantage de ce genre de films depuis l'an dernier, surtout s'ils sont interdits aux moins de 16 ou 18 ans, cette réticence existe depuis longtemps, comme l'affirme Philippe Lux : « Les films d'horreur ont toujours eu mauvaise presse auprès des exploitants, à cause du genre en lui-même mais aussi du public qu'ils attirent, dont le comportement exubérant (voire violent) n'est pas toujours du goût de ceux-ci. (...) Les programmateurs n'aiment pas trop ce genre de films en général2. » En effet, même avant la tenue de ces incidents, il s'avérait difficile de négocier l'exploitation de films interdits aux moins de 16 ans, le refus était catégorique, comme au sein du réseau Ciné-Alpes, très conservateur, qui regroupe 160 salles principalement dans les stations de ski. Il en était de même pour UGC, la distribution de Dead or Alive de Takashi Miike négociée avec Wild Side Films faisant figure d'exception. Or les exploitants ont compris que ce créneau pouvait être rentable malgré le public quelque peu turbulent. Aussi de nombreux films ont-ils été soutenus par des circuits à travers l'attribution de labels : L'Orphelinat de Juan Antonio Bayona a à ce titre reçu le label « découverte UGC » et a été ainsi exploité dans une grande partie des salles de son réseau. Un dilemme s'impose dès lors à ces exploitants peu enclins à favoriser le cinéma d'horreur frappé d'interdictions à l'occasion de la sortie de Martyrs de Pascal Laugier : concourir à sa moindre diffusion ou soutenir un film de genre français ? 3

Néanmoins tous les exploitants de salles ne partagent pas cette méfiance et développent même un certain volontarisme à cet égard. C'est par exemple le cas de Kinépolis, dont Eric Meyniel nous explique la démarche : « Il se trouve que parfois nous avons la possibilité de faire se rencontrer public et auteurs de films de genre. Cela a été effectivement le cas pour Frontières [en présence de Xavier Gens] et pour La colline a des yeux avec Alexandre Aja. Ces rencontres entre passionnés et public sont passionnantes4. » La promotion de la diversité du cinéma est invoquée en tant que fondement de cette démarche, sans volonté particulière de contribuer à la mise en lumière d'un genre particulier : « Il faut que chaque genre soit représenté. Kinépolis intègre les films de genre dans un schéma normal de programmation avec un souci de

1 Questionnaire adressé à Eric Meyniel, annexe n°28, p.75

2 Voir entretien mené le 24/07/08, annexe n°27, p.70

3 Malgré le nombre restreint de copies (environ 60), le film a été distribué dans les principaux circuits et notamment UGC et Gaumont

4 Questionnaire adressé à Eric Meyniel, op.cit.

qualité de film et de correspondance à un groupe cible. Nous pourrions par exemple être amenés à refuser un film d'horreur s'il en sortait 3 le même jour. Nous choisirions alors celui qui nous semblerait le mieux correspondre à nos critères de qualité et à notre public. (...) Forcément les genres seront plus présents dans un cinéma de 23 salles que dans un cinéma de 10 salles1. » Le but des multiplexes est de ramener les spectateurs qui s'étaient éloignés du cinéma, dans les salles obscures, pas d'en convaincre les cinéphiles, qui n'ont pas abandonné la culture de la sortie au cinéma2. Leur politique éditoriale doit être la plus large possible, « populaire et fédérateur » selon les mots de Philippe Lux. Dans une telle logique, on peut dès lors comprendre que les films de genre n'ont guère de place privilégiée dans de telles structures, qui concentrent plus de la moitié de la fréquentation cinématographique et environ 35% des fauteuils et des écrans en 20073.

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