§ 2 : L'hypothèque
Au-delà de toutes les divergences doctrinales dans son
appréciation et des remarques qui font parfois état de son recul,
l'hypothèque reste en pratique la « reine des sûretés
». Il s'agit d'une sûreté réelle qui naît
tantôt de la volonté des parties (hypothèque
conventionnelle), tantôt du fait de la loi (hypothèque
forcée légale), tantôt du pouvoir du juge
(hypothèque forcée judicaire). Seul les biens immeubles peuvent
être hypothéqués. Le créancier
bénéficiaire dispose alors d'un droit de suite et d'un droit de
préférence sur lesdits immeubles43. C'est la
sûreté qui semble la plus connue du public. C'est celle qui est la
plus recherchée par les professionnels. C'est encore elle que l'on
retrouve dans les discours les plus éloquents sur la capacité des
populations à accéder au crédit relativement aux garanties
requises. Dans de nombreux cas, elle fait ombrage à d'autres
sûretés et mécanismes de garantie et fait échec
à certains financements que ces autres mécanismes auraient
pourtant efficacement garantis. La recherche excessive de l'hypothèque
comme catégorie de sûreté par les créanciers est un
extrémisme qui prête le flanc à la critique. Elle ne manque
pourtant pas de nobles justifications. L'hypothèque porte sur les
immeubles, des biens rares (A) et par conséquent précieux (B).
A - La rareté des actifs immobiliers
Dire que l'immobilier est un bien rare peut susciter
l'étonnement. L'on pensera de prime abord que c'est le bien qui existe
partout, même quand les autres biens n'existent pas. L'immeuble peut
être non bâti : il s'agit seulement d'un lopin de terre
cultivé ou non, et c'est ce que l'on retrouve un peu partout, y compris
au fonds des mers et des océans. Il peut être bâti : une
« maison » est alors érigée sur la parcelle de terrain.
Ici encore, nos villes et campagnes sont faites de bâtisses servant soit
à l'habitation, soit à la réalisation de nombreuses
activités économiques, sociales, administratives et militaires,
etc.
42 Les données internes font état de
la localisation de 70% des affiliés en zone rurale et d'une proportion
d'un peu plus de 50% de l'encours de crédits affecté au
financement de l'agriculture. Cf. « Aperçu de la CamCCUL » et
statistiques sur les opérations de crédit du réseau au
31/12/2006.
4 3 Art 117 AU-OS
C'est en réalité la loi, et dans notre cas, les
articles 1er à 7 de l'ordonnance N°74/1 du 6 juillet
1974 fixant le régime foncier au Cameroun, modifiée et
complétée par l'Ordonnance N° 77/1 du janvier 1977, qui
rendent l'actif immobilier rare. Il ressort des dispositions combinées
de ces articles que seule l'obtention d'un titre foncier à la suite
d'une procédure d'immatriculation donne droit à la
propriété foncière. C'est la seule façon de devenir
titulaire du droit de propriété en matière
immobilière au Cameroun. Les officiers ministériels, les notaires
notamment, sont les gardiens institués du respect de ces dispositions.
L'article 8 de la même Ordonnance dispose que tous les actes
constitutifs, translatifs ou extinctifs de droits réels immobiliers
doivent être établis en la forme notariée, à peine
de nullité. Les notaires qui prêtent leur concours à la
violation de ces dispositions encourent les mêmes peines que les auteurs
principaux à savoir, une amende de FCFA 25.000 (vingt cinq mille)
à FCFA 100.000 (cent mille) et / ou un emprisonnement de 15 jours
à 3 ans. L'AU-OS ne remet pas en cause ces dispositions nationales. Il
les renforce au contraire. Aux termes de l'article 119, « seuls les
immeubles immatriculés peuvent faire l'objet d'une hypothèque,
sous réserve des textes particuliers autorisant l'inscription provisoire
d'un droit réel au cours de la procédure d'immatriculation,
à charge d'en opérer l'inscription définitive après
l'établissement du titre foncier ». En clair, seuls les terrains
immatriculés ou ceux en voie d'immatriculation peuvent faire l'objet
d'hypothèque.
Cette catégorie est minime dans la plupart des pays
africains au sud du sahara. Au Cameroun, les opinions les plus favorables n'ont
pas jusqu'ici estimé à plus de 15% les terrains occupés et
qui sont immatriculés. Dans le réseau CamCCUL, ils sont
estimés à moins de 10% dans les agglomérations urbaines et
moins de 2% en zones rurales et semi urbaines44. La révision
en 2005 et le 16 décembre du décret N° 76/165 du 27 avril
1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier avec pour objectif
avoué de faciliter l'accès à la propriété
foncière dans notre pays n'est pas de nature à suggérer le
contraire. Les parcelles immatriculées sont donc rares.
L'assiette de l'hypothèque très large au
départ (biens immobiliers) a donc été restreinte à
la seule catégorie des immeubles immatriculés, ces derniers
étant d'une telle rareté qu'ils suscitent tout naturellement la
convoitise.
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