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Pêche et Environnement : Perceptions de la surexploitation halieutique et des stratégies de gestion par les pêcheurs artisans de Mbour et de Joal (Sénégal).

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par Mamadou Diakhaté LO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA 2005
  

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Chapitre I : Modes d'exploitation

Prés d'une dizaine d'engins de pêche sont connus à Mbour et à Joal et peuvent être classés en deux catégories : les filets généraux et les lignes.

I.1. L es filets généraux

Parmi les filets généraux, on distingue la senne de plage, la senne tournante et les filets maillants.

I.1.1. La senne de plage

Ce type d'engin de pêche est utilisé dans les zones très côtières où il peut être manoeuvré à partir des plages. Comme source d'énergie, son utilisation nécessite surtout la puissance musculaire. Les sennes de plages ont généralement une longueur qui varie entre 200 et 1000 m pour une chute de 10 à 20 m.

L'impact de ce type de pêche est très négatif sur la ressource car il est peu sélectif. Son maillage fin (quelques fois appelé « moustiquaire ») fait que les poissons capturés sont en majeur partie juvéniles et mesurent 2 à 15 cm.

I.1.2. Les filets maillants

Parmi les filets maillant, on a les filets maillant fixes et les filets maillant encerclant.

> Les filets maillants fixes (filets dormants ou mbal ser) : ils font partie des engins de pêche artisanale les plus décriés à cause de leur non sélectivité et de leur caractère non biodégradable qui portent atteinte à l'environnement marin. Ils sont à base de fils monofilemment de couleur souvent verte ou blanche et peuvent mesurer, pour les filets de fond pour gros poissons, jusqu'à 90 m de long pour une chute de 1,5 m. Ces types de filets sont souvent fixés au fond de la mer pour barrer la route aux espèces de fond comme la sole qui peut être facilement capturée. Pour les filets de surface, la longueur varie entre 40 et 200 m pour une chute de 8 à 10 m. La pratique est simple et ne nécessite des dépenses en carburant et d'efforts importants. Ils sont relevés toutes les 12 ou 24 heures. Cependant, il arrive que ces engins se perdent en mer. Dans ce cas, ils sont susceptibles de pêcher continuellement. On les retrouve plus à Mbour qu'à Joal.

Photo 4 : Pirogues à filets maillants fixes ou dormant (« mbal ser »)

Cliché : M. D. LO, 2005

Photo 5 : Type de monofilemment usé rejeté sur la plage de Joal

Cliché : M. D. LO, 2005

> Les filets maillants encerclant : C'est une technique intermédiaire entre la senne de plage et la senne tournante. La largeur de ces filets varie entre 250 et 450 m pour une chute de 7 à 12 m avec un maillage de 60 à 80 mm. Leur utilisation nécessite l'emploi de pirogues de 12 à 15 m et consiste à encercler les bancs de poissons suite au repérage de leur direction à la surface de l'eau. Avec le resserrement du cercle formé, les poissons sont maillés dans le filet en tentant de s'échapper. Une fois dans la pirogue, ils sont démaillés un à un. Ce type de pêche est permanent surtout à Joal par la présence de l'espèce cible (sardinelle plate) dans les pêcheries artisanales du Sud de la Petite Côte.

I.1.3. La senne tournante

C'est un engin très performant qui cible les poissons pélagiques comme les sardinelles, les chinchards, les maquereaux, les grandes caranges, etc. Elle a subi de grandes modifications tant du point de vue de la taille de l'engin lui-même, que celle des pirogues. De 250 à 300 m de long pour une chute de 40 m au début des années 1970, les sennes tournantes sont passées à 400 m de long pour une profondeur pouvant atteindre 48 m avec un maillage de 28 à 30 mm. L'utilisation de cet engin nécessite l'emploi de deux pirogues dont les tailles sont passées de 14 à 20 m au cours de ces vingt dernières années. Le procédé consiste à encercler le banc de poisson en le doublant dans la direction où ils se déplacent. Puis on fait de sorte à fermer le filet en forme de poche par la partie inférieure. Ensuite le contenu est vidé dans la seconde pirogue de plus grande taille avec des épuisettes. A Mbour comme partout sur la Petite Côte, cet engin exerce une forte pression sur les ressources cibles car ayant une grande capacité de capture.

Photo 6 : Pirogues à senne tournante

Cliché : M. D. LO, 2005

I.1.4. Les lignes

On distingue principalement les lignes glacières, les lignes simples et les lignes casiers à seiche.

Les lignes simples ciblent les poissons dits nobles comme les dorades, les mérous, le pageot, les pagres. Ce sont des engins très faciles à manier. Ils sont constitués par une ligne mono fil avec des hameçons appâtés de morceaux de sardinelles.

Leur utilisation se fait en plein jour et ne prend pas beaucoup de temps. C'est pourquoi les pêcheurs qui pratiquent ce type de pêche n'ont pas besoin de glace. Par contre les lignes glacières nécessitent de grandes quantités de glace pour la conservation des captures en raison de la durée des sorties qui est d'au moins 24 heures.

Photo 7 : Pirogue glacière

Cliché : M. D. LO, 2005

La pêche à la seiche est faite à l'aide du casier en forme de parallélépipède.

D'autres types de pêche sont singulièrement notés. Il s'agit de la pêche à la main, celle à la voile et de celle au trémail qui est composé de 3 nappes de filets superposés et qui cible les espèces de fonds et de demi fond telles que le yet, le murex, les carpes, les soles, etc.

Chapitre II : Perception de la surexploitation halieutique par les pêcheurs et étude des impacts socio-économiques

Le milieu marin au Sénégal est soumis à de grandes mutations tant du point de vue dynamique que biologique.

Dans ce chapitre nous n'évoquerons que les mutations biologiques et leurs conséquences sur la vie économique et sociale.

II.1. Perception de la surexploitation des ressources halieutiques par les pêcheurs

L'une des mutations majeures les plus perceptibles par les capitaines-piroguiers interrogés est la diminution des ressources marines au sein du milieu naturel dans lequel ils travaillent.

Les pêcheurs de Mbour et de Joal appréhendent ce problème à partir de trois critères : le volume des débarquements, la durée des opérations de pêche et la taille des espèces.

60 % des capitaines-piroguiers interrogés n'arrivent pas à débarquer une quantité de poisson égale à la moitié de ce qu'ils mettaient à terre il y a prés de dix ans.

Le dépouillement des statistiques des postes de contrôle des pêches maritimes permet de le confirmer pour la zone de Mbour, mais pas tout à fait pour celle de Joal.

Tableau 7 : Evolution des mises à terre de Mbour de 1992 à 2004

Année

Tonnage

1992

102 791,27

1993

99 145,53

1994

69 704,84

1995

58 908,455

1996

68 072,245

1997

58 006,245

1998

68 694,675

1999

39 357,985

2000

55 668,18

2001

ND

2002

ND

2003

56739,36

2004

59 680,36

Source : Poste de contrôle de Mbour / ND : Données non Disponibles.

Les volumes globaux débarqués à Mbour ont depuis 1992 diminué de 41,9 % et n'ont atteint que 59 680,36 tonnes en 2004. L'analyse de l'évolution des captures annuelles permet de constater que la séquence 1992-1995 est la plus sévère car la chute de production est continuelle. Le volume minimum est enregistré en 1999 avec 39 357,985 tonnes de poissons débarquées. Cette tendance globale de diminution est aussi vraie pour plusieurs espèces considérées comme menacées par les pêcheurs interrogés. Il s'agit principalement des mérous, des badéches, du rouget, de la seiche, etc.

A Joal, nous n'avons pu disposer de suffisamment de statistiques. Mais l'évolution des mises à terre montre une irrégularité. Après une hausse sensible entre 1999 et 2001, une stagnation est enregistrée jusqu'en 2003.

Tableau 8 : Evolution des mises à terre (en tonnes) à Joal de 1999 à 2004

Années

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Tonnages

138228,55

145157,06

172210,22

133665,743

133665

159032

Source : Poste de contrôle de Joal

200000

150000

100000

Figure 2: Evolution des mises à terre à Joal
de 1999 à 2004

50000

0

1999 2000 2001 2002 2003 2004

années

En ce qui concerne l'évolution des espèces, il faut remarquer que certaines d'entre elles connaissent des chutes de production entre 1999 et 2004. C'est le cas par exemple des démersaux côtiers tels que le rouget (-100%),le poulpe (-49,11%), le cymbium (-12,76%), etc.

Tableau 9 : Evolution de quelques groupes (en tonnes) à Joal en 1999 et 2004

Années

Espèces

1999

2004

Evolution en %

Ethmaloses

23239,900

14877,622

- 35,98

Maquereaux

153,540

61,509

- 59,9

Rougets

1,030

0

- 100

Poulpes

2128,310

1082,971

- 49,11

Cymbium

2765,355

2412,398

- 12,76

Source : Poste de contrôle de Joal

En ce qui concerne la durée des opérations de pêche, les pêcheurs ont le même point de vue dans son allongement. En effet, en rapport avec l'éloignement des zones de pêche, faute de ressources abondantes, ils passent plus de temps à pêcher que d'habitude. En même temps on note que les volumes moyens des prises en une heure de pêche chutent de plus en plus. L'étude de 2001 conduite par ENDA DiaPol sous l'égide du PNUE, a d'ailleurs considéré comme exemple les badéches dont la prise moyenne nationale par kilogramme en une heure de mer, est passée de 190 kg entre 1971 et 1975 à moins de 10 kg vers 1998. Ce qui prouve en outre la réalité de la baisse de productivité des pirogues mais aussi des menaces d'extinction qui pèsent sur cette espèce à cause de sa forte exploitation.

Le troisième critère sur lequel les capitaines-piroguiers se sont appuyés pour montrer les problèmes biologiques de l'écosystème marin, est la taille des espèces capturées. Ils ont tous constaté la diminution de la taille des espèces. Au cours de nos séjours à Mbour et à Joal, nous avons constaté que certaines sardinelles mises à terre n'atteignaient pas leur taille minimale de commercialisation qui est de 20 cm.

En somme, l'analyse des critères dégagés par les pêcheurs interrogés, permet de voir que ceux-ci sont bien au fait des mutations biologiques du milieu marin.

Cependant, ces mutations ne sont pas forcément toujours mieux perçues par les pêcheurs les plus anciens dans le métier2. Nos enquêtes montrent que les pêcheurs ayant entre 10 et 24 ans d'expériences (en particulier, ceux de Mbour) et qui représentent 57,5 % des personnes interrogées, semblent mieux connaître ce problème en raison d'une part de la pertinence des réponses fournies et d'autre part, du fait que ce sont eux qui capturent le plus souvent les espèces dites nobles ou qui possèdent les plus grosses embarcations (les mieux équipées et capables

2 Les pêcheurs les plus expérimentés, si on se fonde sur l'échantillon considéré, ont entre 35 et 39 ans d'expérience. Ils sont au nombre de 5. Tous les pêcheurs interrogés ont au moins 10 ans d'expérience.

d'aller dans les zones de pêche les plus éloignées). Aussi ressentent-ils le plus les effets de la baisse de productivité surtout sur le plan socio-économique.

Parmi les raisons évoquées par les pêcheurs pour expliquer ces ruptures biologiques, on peut citer notamment : le chalutage de fond, le non respect de la réglementation ainsi que la violation des zones de pêche, l'accès libre à la ressource avec comme corollaire l'effectif pléthorique des pirogues, etc.

Le chalutage de fond est une technique de pêche propre aux bateaux de pêche industrielle. Les filets utilisés raclent le fond marin et capturent simultanément beaucoup d'espèces. La sélection de taille est faite au niveau de la poche terminale en relation avec le maillage. Ce qui entraîne des rejets d'espèces immatures déjà mortes.

Parmi ces filets, on peut notamment citer les filets maillant droits à langoustes, les filets maillant dérivants à thons long de 10 à 15 km avec une très longue chute, du chalut à boeuf qui a une grande capacité de capture.

Le non respect de la réglementation se résume à l'usage d'engins de pêche interdits par le code de la pêche et la violation des zones de pêche.

La violation des zones de pêche est plus perceptible avec les bateaux de pêche industrielle qui entrent souvent dans la zone des 6 milles réservée à la pêche artisanale. Ces incursions entraînent parfois des conflits liés à l'accès à la ressource, à la destruction des engins fixes et des embarcations artisanales.

L'utilisation d'engins de pêche tels que les monofilemments et multifilemments est décrié par la moitié des capitaines-piroguiers interrogés. Ceux-ci les jugent peu sélectifs, non biodégradables et portent atteinte au milieu puisqu'ils favorisent la sur-pêche.

L'accès libre à la ressource est aussi un motif d'appauvrissement des stocks. Les capitaines- piroguiers que nous avons interrogés estiment que les embarcations artisanales exercent de lourdes pressions sur la ressource du fait que n'importe qui peut exercer le métier de pêcheur au Sénégal ou même investir dans le secteur sans avoir à payer de droits d'accès ou de taxes. Ce qui implique la croissance du nombre d'embarcations d'année en année. A Joal par exemple le parc piroguier est passé de 532 à 739 embarcations entre 1999 et 2004 (source : poste de contrôle de Joal), soit une croissance de prés de 39 %. Ceci conforte la position selon laquelle, la pêche artisanale a une part de responsabilité dans la diminution des ressources halieutiques. Cela est d'autant plus vrai que 96,25 % des personnes interrogées le reconnaissent. Mais la majorité

(48,75 %) pensent que le niveau de responsabilité est faible comparé à la capacité de capture des chaluts industriels qui va à l'encontre de la volonté des autorités de pérenniser les ressources marines (Tableau 10).

Tableau 10 : Estimation du niveau de responsabilité de la pêche artisanale dans la
diminution des ressources halieutiques par les capitaines-piroguiers

 

Mbour

Joal

Total

Niveau

V. absolue

V. relative

V. absolue

V. relative

V. absolue

V. relative

Très fort

-

-

-

-

-

-

Fort

9

22,5

5

12,5

14

17,5

Faible

21

52,5

18

45

39

48,75

A. resp.

8

20

16

40

24

30

Sans réponse

2

5

1

2,5

3

3,75

Total

40

100

40

100

80

100

Source : Enquêtes personnelles, 2005. / A. resp. = Aucune responsabilité

En ce qui concerne la pollution marine au niveau local, toutes les personnes interrogées signalent les dépôts d'ordures ménagères et les rejets de captures invendues sur la plage ainsi que les rejets d'eaux usées dans la mer. Mais personne n'a pu établir un quelconque rapport entre la diminution des ressources halieutiques et ces formes de pollution.

II.2. Les impacts socioéconomiques

La surexploitation des ressources halieutiques n'a pas seulement engendré des mutations biologiques.

Les acteurs de Mbour et de Joal, comme partout ailleurs au Sénégal, ressentent de plein fouet les impacts de ce problème environnemental.

L'ensemble des capitaines-piroguiers interrogés déclarent que les revenus qu'ils tirent de l'activité de la pêche ont considérablement baissé. Compte tenu de la réticence de ces pêcheurs à vouloir communiquer le montant exact de leurs revenus, nous n'avons pas été en mesure de pouvoir quantifier cette baisse de revenus. Cependant, l'étude de 2001 conduite par ENDA DiaPol sous l'égide du PNUE, indique que le tiers des pêcheurs du pays vit aujourd'hui dans la pauvreté à cause de la surexploitation halieutique.

Les sous-secteurs de la pêche souffrent aussi de la diminution des ressources halieutiques. Avec la hausse du prix du poisson, la transformation artisanale subit la rude concurrence du sous- secteur du mareyage; ce qui représente une menace surtout pour la consommation nationale si l'on sait que les produits halieutiques couvrent 75 % des protéines animales.

Sur le plan social, la surexploitation engendre une concurrence de plus en plus rude pour l'accès à la ressource et crée des conflits entre pêcheurs artisans.

TROISIEME PARTIE :
PERCEPTION DES
STRATEGIES DE
GESTION PAR LES
PECHEURS ARTISANS

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon