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Pêche et Environnement : Perceptions de la surexploitation halieutique et des stratégies de gestion par les pêcheurs artisans de Mbour et de Joal (Sénégal).

( Télécharger le fichier original )
par Mamadou Diakhaté LO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA 2005
  

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Chapitre II : Perception des stratégies de gestion par les pêcheurs

Dans les chapitres précédents, nous avons tenté de voir les modes d'exploitation des ressources halieutiques et leurs implications environnementales et socioéconomiques.

Il est apparu qu' à cause de certaines pratiques non durables, les ressources halieutiques subissent une forte exploitation. Les volumes globaux des débarquements ont tendance à baisser, la taille des espèces diminue et les pêcheurs passent plus de temps à pêcher que d'habitude. Le corollaire de tout ceci est que les revenus des pêcheurs diminuent de plus en plus et la pauvreté gagne le secteur de la pêche.

Face à cette situation, diverses stratégies de gestion sont déroulées et concernent pour la plupart des plans de conservation de la ressource et de renforcement de la réglementation de son accès. Nous avons recueilli les avis des pêcheurs sur ces mesures de gestion.

La majorité d'entre eux sont d'accord qu'il faut aujourd'hui des pratiques de pêche responsables et durables pour sauvegarder la ressource.

II.1. Le nouveau permis de pêche artisanale

L'instauration du permis de pêche artisanale est officiellement effective depuis le début du mois d'octobre 2005 sur l'ensemble du territoire national.

Au cours de nos enquêtes, sur l'ensemble des capitaines-piroguiers interrogés, seuls 3,75 % n'étaient pas au courant du projet d'instauration du permis de pêche. Ils sont tous originaires de Mbour (tableau 11).

Tableau 11 : Estimation du niveau de connaissance de l'instauration du permis de pêche
artisanale

Etes-vous au
courant de
l'instauration du
permis de
pêche ?

Mbour

Joal

Total

V. absolue

V. relative

V. absolue

V. relative

V. absolue

V. relative

Oui

37

92,5

40

40

77

96,25

Non

3

7,5

0

0

3

3,75

Total

40

100

40

100

80

100

Source : Enquêtes personnelles, 2005.

Cette bonne connaissance de l'existence du permis de pêche, tient au fait que la mesure a été largement médiatisée et que des tournées de sensibilisation et d'information ont été effectuées dans 30 sites de pêche dont ceux de Mbour et de Joal au mois d'août dernier. C'est le CONIPAS, un syndicat créé en 2003 et qui regroupe l'ensemble des professionnels du secteur, qui en était le principal animateur avec le soutien des postes de contrôle des pêches maritimes. En outre, la quasi-totalité des pêcheurs ont bien accueilli cette mesure car pour eux l'accès à la profession doit être réglementé. Le permis de pêche est un bon moyen d'identification des vrais pêcheurs à condition qu'il soit délivré dans la transparence. Pour cela, ils proposent qu'une enquête approfondie soit effectuée par le CLP (chargé de délivrer le permis) sur la personne demandeur. Pour eux, l'intéressé doit fournir des renseignements précis sur ses moyens de production ainsi que sur son ancienneté dans le métier. Elle doit aussi montrer son savoir-faire et ses connaissances réelles du secteur ainsi que de l'environnement marin et côtier.

En ce qui concerne le coût des droits d'accès à la ressource, les pêcheurs sont unanimes à considérer que les tarifs appliqués (de 5000 à 25000 f CFA) sont vraiment accessibles contrairement à ceux appliqués par exemple en Guinée-Bissau et qui s'élèvent à 1 400 000 f CFA.

La lecture de cette nouvelle politique de régulation à l'accès à la ressource laisse apparaître une volonté manifeste de co-gestion des ressources halieutiques de la part des pouvoirs publics. Certaines prérogatives étatiques sont désormais concédées aux communautés de base à travers les Conseils Locaux de Pêche (CLP).

Cependant, une crainte est à prendre en compte. Elle concerne le caractère discriminatoire de l'application de la mesure. La mise en place de cette licence de pêche permet certes, de réguler l'effort de pêche excessif, mais elle cache une certaine volonté d'écarter les non-professionnels du secteur dont le seul tort est d'avoir cherché à échapper au chômage et à la pauvreté. Aussi, doit-on mettre en oeuvre des mécanismes de reconversion pour la réinsertion professionnelle de ces personnes.

II.2. Le code de la pêche

Tableau 12: Estimation du niveau de connaissance du code de la pêche de 1998

Etes-vous au
courant de
l'existence du
code de la pêche ?

Mbour

Joal

Total

V. absolue

V. relative

V. absolue

V. relative

V. absolue

V. relative

Oui

12

30

9

22,5

21

26,25

Non

28

70

31

77,5

59

73,75

Total

40

100

40

100

80

100

Source : Enquêtes personnelles, 2005.

La majorité des capitaines-piroguiers interrogés (73,75%) avouent ne pas être au courant de l'existence du code de la pêche maritime dont la mise en place est effective depuis 1998 ou prétendent n'avoir pas été suffisamment informés de son contenu.

Les pêcheurs qui affirment connaître son existence (22,5 % à Joal et 30 % à Mbour) ne peuvent pas en dégager les grandes lignes; mis à part la délimitation des zones de pêche industrielle et artisanale.

Certes, le taux élevé de pêcheurs n'ayant pas fréquenté l'école française (52,5 %) expliquerait en partie cet état de fait. Mais, il se trouve que certaines dispositions du code comme celles relatives à l'interdiction par exemple de l'utilisation d'engins destructeurs tels que les monofilemments ou multifilemments sont bien connues des pêcheurs. La preuve est que certains pêcheurs migrants n'hésitent pas à les utiliser lorsqu'ils sont à Mbour ou à Joal, alors qu'ils respectent la réglementation à Kayar où son application est stricte et contrôlée. Qui plus est, ils sont régulièrement sensibilisés par l'administration locale des pêches et certaines organisations professionnelles sur les dangers de l'utilisation de ces engins sur l'écosystème marin. Aussi, des rappels à l'ordre sont régulièrement faits à propos de la limitation sur la taille des espèces, du repos biologique, du maillage des filets, etc. De ce fait, la thèse de l'ignorance ou du manque de sensibilisation n'est pas soutenable. Ce qu'il faut par ailleurs envisager, c'est le renforcement des moyens de communication. Pour ce faire, nous pensons que dans le cadre de l'instauration du permis de pêche, on pourrait par exemple doter les CLP de Centres Communautaires Multimédia (CCM) comme ceux développés par l'UNESCO dans certaines îles du Pacifique pour une meilleure consolidation des pratiques éclairées. Dans ces CCM, on pourrait retrouver une station

radio dont la grille des programmes serait essentiellement consacrée à la sensibilisation des acteurs sur la gestion durable du milieu marin et côtier ainsi que du cadre de vie en général. L'accent serait mis surtout sur l'urgence de l'application de la réglementation en vigueur en matière de pêche maritime.

Outre la station radio, l'accès à Internet pourrait aussi être un levier pour permettre aux acteurs de dialoguer, d'échanger et de s'imprégner des pratiques éclairées extérieures afin de pouvoir les combiner avec les leurs ou celles plus modernes. Pour cela, un préalable est nécessaire. C'est la formation des pêcheurs aux TIC et leur alphabétisation en langues nationales ou en langues étrangères. Déjà, en matière d'initiation informatique, les membres du comité de gestion du quai de Mbour ont commencé à recevoir des modules de formation depuis plusieurs mois.

Toujours à propos de la perception du code de la pêche par les acteurs de la pêche à la base, on peut noter par ailleurs, que ce sont les pêcheurs à la retraite membres des organisations professionnelles qui semblent mieux le connaître.

La perception qu'ils ont du code n'est pas tout à fait négative. Mais, ils prônent son application stricte surtout en ce qui concerne la délimitation des zones de pêche. Pour eux, les pêcheurs sont victimes des incursions faites par les bateaux industriels dans la zone des 6 milles réservée à la pêche artisanale. Aussi suggèrent-ils son extension

jusqu'au- delà des 12 milles.

En ce qui concerne le problème de l'utilisation des engins de pêche artisanale non autorisés dans les eaux territoriales sénégalaises, ils ont souhaité son règlement à l'amiable. A ce propos, ils ont réaffirmé leur adhésion à la proposition faite par le cadre de concertation nationale sur la réglementation de l'accès à la ressource. Celle-ci consiste à accorder un délai aux utilisateurs de ces types d'engins pour leur permettre d'amortir les importants investissements avant l'application stricte de la réglementation.

D'autres propositions ont été faites. Il s'agit essentiellement du renforcement des postes de contrôle en ressources humaines et des moyens de communication pour la sensibilisation des acteurs pour des pratiques de pêche responsables.

II.3. Le code de conduite de Mbour

Seuls des pêcheurs résidents permanents (52,5%) ont fait mention de l'existence de ce code mais ne connaissent pas encore son contenu. Ceci est lié au fait que son application n'est pas encore totalement effective.

Mais déjà, ces pêcheurs sont d'accord sur le principe de l'autogestion et estiment qu'il est temps de réduire la pression sur la ressource.

Cette initiative est appréciable et montre que les acteurs sont bien conscients de la responsabilité de la pêche artisanale dans la surexploitation des ressources halieutiques.

Cependant, une chose est à signaler. Il s'agit du risque de conflits de compétences en matière de gestion des ressources halieutiques entre le comité de gestion du quai et le CLP qui devrait être bientôt installé. Aussi, compte tenu du fait que ce code n'a pas encore reçu l'approbation de l'autorité préfectorale, nous pensons qu' il serait prudent que cet instrument de régulation soit pris en compte dans l'élaboration des statuts du CLP et de la mise en place de ce dernier.

II.4. Le repos biologique

Tous les pêcheurs interrogés affirment être au courant du dernier repos biologique décrété par les pouvoirs publics entre le 20 mars et le 30 avril 2005 et aucun n'a transgressé l'interdit. Cependant, ils ont décrié la période pendant laquelle le repos a été décrété. Leur réponse est unanime :

« La fermeture de la pêche du poulpe de cette année n 'a pas été une réussite pour nous car depuis sa réouverture, l'espèce est devenue difficile à trouver. Les rares quantités de poulpe débarquées actuellement (au cours de nos enquêtes) ne comportent que des espèces de petite taille. Alors que c'est en juillet, août et septembre que la capture du poulpe se fait de manière beaucoup plus intense ».

Pour les pêcheurs interrogés, cette situation pourrait s'expliquer par le fait que la période pendant laquelle le repos a été décrété correspond au moment où l'espèce commence à arriver au large de nos côtes. Et le fait de ne pas les capturer pendant un certain temps entraîne leur migration. C'est pourquoi le produit est devenu introuvable.

Cette position sur le repos biologique est très paradoxale, et les interrelations entre les
conditions de migration et de celles de capture du poulpe telles que définies par les pêcheurs

posent un réel problème. Faut-il tenir compte de ces interrelations et leur accorder un crédit ? De toute manière, la fréquence des réponses apportées par les pêcheurs ne nous permettent pas de les réfuter catégoriquement. Cependant, nous pensons que les investigations méritent d'être poussées. Aussi est-il nécessaire de faire appel à la recherche biologique et océanographique en synergie avec les acteurs de la pêche pour savoir si réellement le poulpe est une espèce dont la capture est conditionnée par les conditions de migration.

II.5. L'aménagement de l'AMP de Joal

Les pêcheurs de Joal perçoivent ce projet d'aménagement comme un moyen de protection efficace de la faune marine et particulièrement des espèces menacées. C'est pourquoi ils ont réaffirmé leur adhésion à ce projet.

Cependant, une catégorie des pêcheurs a soulevé une question cruciale. Il s'agit des utilisateurs de sennes de plage. Pour eux, les promoteurs du projet doivent tenir compte de certaines préoccupations socioéconomiques. En effet, l'aménagement de l'AMP suppose le retrait des sennes de plage. C'est pourquoi ils souhaitent être dédommagés pour pouvoir se reconvertir dans d'autres types de pêche.

La question est à l'étude au niveau du WWF.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon