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La question de la souveraineté chez Georg Jellinek

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par Ghislain BENHESSA
Université Robert Schuman - M2 Droit public fondamental 2008
  

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2. Les normes juridiques comme « normes garanties »: des éléments extérieurs qui contraignent l'Etat souverain à respecter le droit

«Jellinek, proche des idées de Max Weber, critique la conception labandienne qui considère la contrainte comme caractéristique essentielle du droit »147 . En effet, selon Jellinek, la notion même de droit n'est pas uniquement affaire de contrainte. La contrainte n'est qu'une déclinaison de ce qu'il appelle les «garanties» : tout droit est caractérisé par la garantie de son application. Or, la garantie de l'application du droit ne passe pas exclusivement par la contrainte ; d'autres garanties que la contrainte existent.

D'ailleurs, Jellinek exprime très clairement son raisonnement : «c'est moins dans la contrainte que dans la garantie dont la contrainte est une forme particulière, que se trouve le caractère essentiel de l'idée du droit. Les normes juridique s ne sont point des normes de contrainte, mais des normes garanties ». De cette manière, les «garanties qu'offrent de grandes parties du droit public et du droit des gens, privés par leur nature même de toute garantie basée sur la contrainte juridique, possèdent souvent une force plus grande que toutes les mesures juridiques imaginables »148.

Jellinek, lorsqu'il s'attaque au droit public, entame son raisonnement en partant du postulat suivant. La puissance dont disposent les organes supérieurs a certes des limites dans la constitution mais « à l'intérieur de ces limites, la puissance peut s'exercer librement et s'il n'y a point, dans l'ordre juridique, de garanties assurant que cette puissance s'exercera toujours dans une direction déterminée, personne ne saurait dire dans quel sens s'exercera cette puissance à part le titulaire même de cette puissance »149 . De cette manière, le droit n'est pas

146Ibid., 311

147 Ibid., 310

148 Georg Jellinek, L 'Etat moderne et son droit, Panthéon-Assas, 2004, I, 508

149 Ibid., I, 543

seulement un système de contrainte, contrairement à ce qui a souvent été dit en doctrine, mais un système de garanties, assurant que le pouvoir s'exerce dans un sens précis et déterminé.

L'Etat est lié au droit par des mécanismes de garantie qui l'empêche de sortir du système juridique. «A l'extérieur comme à l'intérieur, l'Etat, dans la communauté de droit international des Etats, se reconnaît comme lié par le droit (par le droit international) sans se soumettre pour cela à un pouvoir supérieur ». Si «dans le droit international, juridiquement, l'Etat n'est soumis qu'à sa propre volonté », les «garanties ne reposent pas entièrement sur la volonté de l'Etat. Pour qu'il y ait droit, une seule chose est nécessaire, c'est qu'il y ait des garanties : il n'est pas indispensable que ces garanties viennent de la volonté de l'Etat »150. Comme Jellinek l'explicite à plusieurs reprises dans son ouvrage L 'Etat moderne et son droit, le droit n'est donc pas tant un instrument de volonté qu'un instrument de garantie. L'application du droit a lieu car des mécanismes de garantie poussent les Etats à l'appliquer: ces garanties sont telles que l'Etat ne peut sortir du droit et ne peut agir autrement que par le biais du droit.

En fait, pour «boucler» son système d'auto-limitation, pour montrer que l'Etat est lié au droit, Jellinek précise que de nombreux mécanismes de garantie non expressément juridiques poussent les Etats à respecter les prescriptions juridiques. Par exemple, les Etats doivent éviter de violer le droit international, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec des sanctions juridiques : l'opinion de la communauté internationale, ainsi que celle des juristes, des journalistes, du public, obligent les Etats à respecter les conventions et le droit international. Ces mécanismes, s'ils ne sont pas contraignants, sont donc loin d'être inefficaces.

«Ce n'est donc pas la contrainte matérielle, mais les garanties, desquelles la contrainte n'est qu'un simple mode, qui forment la marque essentielle de la règle de droit. Les règles de droit ne sont pas, à vrai dire, des normes de contrainte, mais des normes garanties »151 . Ainsi, les règles de droit sont autant de garanties justifiant l'argument selon lequel l'Etat ne peut sortir du droit. Ce n'est pas tant que l'Etat soit véritablement « contraint » par une force supérieure, le droit, à agir en vertu des prescriptions juridiques : en réalité, les règles juridiques sont des

150 Ibid., II, 133

151 Léon Duguit, La doctrine allemande de l'auto -limitation, RDP 1919, 16 1-190

garanties qui le «poussent» simplement à respecter le droit. Ces garanties suffisent à lier l'Etat au droit.

Si l'Etat s'auto-limite par le droit, il se trouve donc également contraint à respecter le droit par des mécanismes extérieurs, garantissent l'application du droit autant que les normes elles- mêmes. Des mécanismes non contraignants peuvent obliger l'Etat à appliquer le droit d'une façon tout aussi efficace - voire plus efficace - que des mécanismes juridiquement contraignants. En somme, Jellinek justifie le lien entre Etat et droit en montrant que l'Etat, outre le fait de devoir respecter les normes qu'il a produits par le biais de l'auto-limitation, doit également tenir compte du droit en raison d'éléments extérieurs, de mécanismes de garantie non expressément contraignants. L'Etat, même souverain, se trouve donc limité dans sa capacité d'agir.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore