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La mobilisation des savoirs chez les retraités à travers la pratique bénévole

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par Anne Gometz
Paris 8 Vincennes Saint-Denis - Master 1 2008
  

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Conclusion.

Les retraités en s'engageant dans une pratique sociale telle que le bénévolat, contribuent au bien-être collectif. Ils mettent à disposition d'autrui des savoirs - savoir-faire, savoir-être, savoir-agir - des compétences, des expériences, en acquièrent également pour les besoins de l'action. La vie ne s'arrête pas avec la retraite, et l'éducation se poursuit jusqu'à la mort.

Si les retraités s'engagent dans une activité bénévole, c'est avant tout pour se rendre utile aux autres, « rendre ce que l'on a reçu », étant le leitmotiv qui revient dans chaque entretien. Ce souhait de se rendre utile correspond à celui avoué ou non de continuer à jouer un rôle dans une société qui exclut rapidement ceux qui sortent du circuit du travail. Il ne s'agit pas uniquement de « remplissage », de combler un vide consécutif à l'arrêt d'un métier prenant ou de s'imposer un cadre temporel. Il y a de l'ordre de quelque chose d'autre, tel que donner du sens à sa vie, dans une période définie par une rupture, la retraite. Toutes les personnes que j'ai rencontrées évoquent leurs compétences, expériences professionnelles mais peut-être plus encore cette expérience de la vie qu'ils entendent mettre à profit intelligemment et surtout qu'ils souhaitent transmettre. Car quelle que soit l'activité bénévole qu'ils ont choisie, s'esquisse en toile de fond cet impérieux besoin de donner, d'échanger, de « faire part ».

Ils sont retraités dit-on; mais pas retraités de la vie. Au contraire, leur engagement dans toutes les formes qu'il peut prendre est profond, et si plaisir et convivialité sont mentionnés, il n'y a pas là que la recherche d'un loisir un peu original qui viendrait compenser un besoin narcissique insatisfait ou éventuellement mis à mal par le fait d'être écarté du monde du travail, mais bien une volonté réelle et sincèrement exprimée de « servir encore à quelque chose », et peut-être surtout d'expérimenter une nouvelle façon d'exister, de procurer un sens à cette troisième partie de la vie par la recherche d'une « reconnaissance dans une société qui demeure foncièrement productiviste » (Puijalon et Trincaz, 2000 : 235). Car ces bénévoles sont ancrés dans le concret, acteurs de terrain proches et attentifs aux autres, directement aux prises avec les réalités sociales dont ils deviennent, de par les multiples savoirs mobilisés, des « experts ».

Gardons-nous toutefois de tout angélisme autour du bénévolat des retraités, lequel ne serait qu'altruisme et solidarité et ne négligeons pas le poids des normes sociales, l'intervention des représentations autour du « bien vieillir », ainsi que la crainte toujours vivace d'être exclu de la société. Ces éléments sont actifs dans l'engagement bénévole, qu'ils soient explicitement cités ou en filigrane dans les motivations. Et finalement, la diversité des processus à l'oeuvre dans le social, celle des trajectoires individuelles n'autorisent pas la formulation d'une conclusion explicative sur les raisons de s'engager.

Grâce à l'approche compréhensive qui est ici privilégiée, j'ai cherché à saisir à travers les discours des retraités quels savoirs étaient mobilisés. Ils sont, on l'a vu, multiples et variés, mais tous ont en commun de participer à construire du lien social à une période de la vie souvent assimilée avec retrait social.

Apports de cette note de recherche.

Interroger la construction/production des savoirs chez les retraités dans leur engagement bénévole, c'est explorer le paradigme de l'éducation tout au long de la vie autrement qu'à travers l'éducation permanente des adultes. Les personnes retraitées que j'ai rencontrées considèrent que leur vie sociale n'est pas mise entre parenthèses avec l'arrivée de la retraite. Il ne s'agit nullement d'une mise en retrait puisque aujourd'hui retraite et entrée dans la vieillesse ne correspondent plus. Leur bonne santé, leur dynamisme intact les poussent à faire quelque chose de ce temps de vie dégagé des responsabilités professionnelles et familiales (souvent les enfants ont quitté le domicile). Ils ont plus que jamais envie d'être acteur de la société, d'y exercer un rôle parce qu'ils considèrent que leur expérience de vie peut être un apport intéressant pour autrui. Et un des espaces privilégiés pour que puisent s'exprimer ces connaissances qu'ils revendiquent est le monde du bénévolat, le cadre associatif, la participation citoyenne. En même temps, il y a cette volonté avouée ou non de contrer les stéréotypes de la personne âgée, du retraité qui sont toujours actifs dans l'imaginaire et auxquels ils ne veulent plus correspondre. Enfin, dans une société dite individualiste, force est de constater que l'impératif de l'épanouissement personnel, de la réalisation de soi, de cette nécessité d'être autonome atteint également ce moment de la vie, encourageant à saisir l'espace et le monde bénévole pour satisfaire ces exigences existentielles.

Le monde du bénévolat, le monde associatif réservent des espaces qui sont l'occasion formelle (réunions de travail, réunions de préparation autour d'un projet) et informelle (conversations) de transmettre et d'acquérir des savoirs.

Pistes de recherche pour le M2.

Cette note de recherche n'est qu'une première étape d'un travail plus complet sur les savoirs que mobilisent les retraités bénévoles et à partir de laquelle, il est possible de dégager une piste de recherche supplémentaire qui pourrait être idéalement explorée dans le cadre du mémoire de Master 2. Il est ainsi clairement apparu que les savoir-être constitués par les compétences sociales et interculturelles, les capacités relationnelles, occupent une place primordiale dans la pratique bénévole puisqu'ils interviennent au niveau de l'incitation à s'engager et ce sont ceux-là de plus qui sont prioritairement mobilisés et privilégiés lors des différentes activités.

En lien avec l'hypothèse principale qui suppose que le bénévolat à l'heure de la retraite mobilise une diversité de connaissances, compétences, expériences, et cela, essentiellement à travers les interactions qui ont lieu au cours de l'action et pour les besoins de celle-ci, je m'intéresserai à la place de l'autre, au rôle qu'il est amené à jouer dans la construction de ces savoirs diffus. Autrui se situe d'emblée, on l'a vu, au coeur de l'engagement, puisqu'il en est le moteur, une des motivations premières, une incitation à l'action et le garant de la pérennité du bénévolat. Mais il intervient également dans la mobilisation de ces savoirs, ceux-ci étant co-construits au sein d'un collectif qui apporte à la fois sécurité et soutien et la condition pour la réalisation des diverses actions entreprises par les bénévoles. C'est l'accent sur les aspects de ce travail collaboratif des bénévoles que je souhaite marquer en questionnant le rôle joué par l'autre, la place de la communauté dans les apprentissages liés au travail bénévole.

Postuler une spécificité de la pratique bénévole des retraités en termes de mobilisation de savoirs axés sur les savoir-être, les compétences sociales et interculturelles, est la voie que je me propose donc d'explorer dans le mémoire prochain du Master 2. Même si les retraités que j'ai rencontrés ont toujours à coeur de connaître, de découvrir de nouveaux savoir-faire, d'autres tours de mains, ce qu'ils paraissent rechercher avant tout, c'est bien le contact humain et à travers lui, la mise en acte d'une solidarité effective qui passe par un besoin de transmettre à l'autre de l'expérience de vie. Peut-être que la retraite au niveau des représentations s'esquisse comme la « dernière ligne droite » de l'existence, l'ultime chemin où il est possible de faire quelque chose d'utile, de servir à quelque chose et surtout à quelqu'un, à quelques uns.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote