UNIVERSITE DE YAOUNDE
II
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II
FACULTE DES SCIENCES FACULTY OF LAW
AND
JURIDIQUES ET POLITIQUES POLITICAL
SCIENCE
DÉPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE
DEPARTMENT OF POLITICAL SCIENCE
ELITES URBAINES ET POLITIQUE LOCALE AU CAMEROUN :
LE CAS DE BAYANGAM
Mémoire présenté et soutenu
publiquement pour l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies
(DEA) /Master en Science Politique
Par :
Paul NUEMBISSI KOM
Etudiant en DEA/Master de Science Politique
Sous la direction de
M. le Professeur Ibrahim MOUICHE
jury :
Président : Pr. ALETUM TABUWE
Michael
Rapporteur : Pr. Ibrahim MOUICHE
Membre : Dr. Mathias Eric OWONA NGUINI
Année académique : 2006-2007
SOMMAIRE
Dédicace...........................................................................................5
Remerciements............................................................................................6
Liste des sigles et
abréviations..................................................................7
Liste des tableaux et
cartes.....................................................................8
INTRODUCTION
GENERALE...................................................
.......10
Section 1 : La définition des
concepts.......................................................12
Section 2 : La problématique de
l'étude.....................................................14
Section 3 : La revue de la
littérature..........................................................17
Section 4 : La détermination du champ de
l'étude.........................................21
Section 5 : La
méthodologie...................................................................23
Paragraphe 1- Les techniques d'enquête : l'option pour l'analyse
documentaire et
l'entretien............................................................23
Paragraphe 2- Les méthodes d'analyse : l'option
pour l'interaction politique et
l'ethnométhodologie.................................................................24
Section 6 : Le bloc des
hypothèses..........................................................26
CHAPITRE 1 : PARTICIPATION POLITIQUE LOCALE ET
IDENTIFICATION SOCIOPOLITIQUE DES ELITES URBAINES BAYANGAM
.............................................28
Introduction.....................................................................................29
Section 1 : Les trajectoires
socioprofessionnelles plurielles des élites urbaines
bayangam.........................................................................31
Paragraphe 1 : Puepi Bernard : de la haute
administration à la politique..............31
Paragraphe 2 : Ngayap Pierre Flambeau : homme
d'affaires et intellectuel engagé dans la
politique..................................................................33
Paragraphe 3 : Tchuinte Madeleine : femme d'affaires et
femme politique
professionnelle..................................................................
34
Section 2 : De la forte représentativité des
élites urbaines dans les institutions politiques locales
bayangam...................................................35
Paragraphe 1 : De l'emprise contrastée des partis
politiques par les élites urbaines
bayangam.........................................................................................35
1- Le RDPC et la domination
généralisée des élites urbaines...............37
2- Les partis politiques de l'opposition,
parents pauvres des élites urbaines à
Bayangam.......................................................38
Paragraphe 2 : Les instances communales bayangam et la
participation dominatrice des élites
urbaines............................................................39
Conclusion
......................................................................................42
CHAPITRE 2 : LES DETERMINANTS DE LA VIE POLITIQUE
BAYANGAM
.............................................................44
Introduction.......................................
..........................................45
Section 1 : Les facteurs socio-politiques
bayangam.......................................46
Paragraphe 1 : La redistribution, comme gage d'influence
politique au
village ?.............................................................................................................
.......46
Paragraphe 2 : Les investissements sociaux des partis
politiques au
village.............................................................................49
Section 2 : Le traumatisme des années de luttes
d'indépendance........................50 Paragraphe 1 : Des luttes
d'indépendance des années 1950-1960 à Bayangam.......50
Paragraphe 2 : Des effets du traumatisme historique à
Bayangam.......................52
Conclusion
......................................................................................53
CHAPITRE 3 : DE LA DOMINATION
« BIGMANIAQUE » DE SOHAING
André......................................................................54
Introduction.....................................................................................55Section
1 : SOHAING André : du capital économique au
crédit politique.............56
Paragraphe 1 : Sohaing André, un grand entrepreneur
de la diaspora commerçante
bamiléké.....................................................................56
Paragraphe 2 : Sohaing André comme entrepreneur
politique...........................58
Section 2 : Le fondement du bigmanisme de Sohaing à
Bayangam.....................61
Paragraphe 1 : Du mythe et des « rumeurs
invérifiables » sur la personnalité de Sohaing
André.................................................................62
Paragraphe 2 : Des investissements sociaux au
village.................................. 63
Conclusion
.......................................................................................64
CHAPITRE 4 : LES LIMITES AU LEADERSHIP POLITIQUE
LOCAL DES ELITES URBAINES
BAYANGAM..............................................................66
Introduction.....................................................................................67
Section 1 : De la contestation et de la résistance
des élites du
« terroir ».........................................................................
.. 68
Paragraphe 1 : De l'identification sociopolitique du chef
supérieur
Bayangam..........................................................................68
Paragraphe 2 : Des luttes hégémoniques entre
le chef Pouokam Kom, ses notables et Sohaing
André..............................................................69
Section 2 : Des rivalités et luttes
hégémoniques entre élites urbaines...................71
Paragraphe 1 : Des luttes hégémoniques entre
élites urbaines RDPC...................71
Paragraphe 2 : Des concurrences politiques entre
élites SDF et RDPC................74
Section 3 : De la reconfiguration du système
politique local Bayangam................78
Paragraphe 1 : Du retrait des autorités
traditionnelles des compétitions politiques
locales............................................................................................78
Paragraphe 2 : Du dépassement des conflits et des
rivalités : le comité de développement
« pa'a yogam » comme lieu de
coopération..............................80
Conclusion
......................................................................................81
CONCLUSION
GENERALE...............................................................82
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES................................................85
ANNEXES......................................................................................92
DEDICACE
A ma mère, Tounmo Bernadette
A mes très chères grandes soeurs, Mmes Ngansop
née Kam Kom Florence et Djoum Kom Régine
A Monsieur Ngansop Jean - Pierre
REMERCIEMENTS
A notre Directeur, M. le Professeur Ibrahim Mouiche qui a
guidé nos premiers pas dans la recherche et, par ses conseils
avisés, les nombreux ouvrages mis à notre disposition et ses
encouragements, a facilité notre travail.
A tous nos informateurs, élites urbaines et paysans
Bayangam, des plus modestes aux plus influents, qui se sont prêtés
de bonne grâce à nos questions en dépit de leurs multiples
occupations, notamment, M. le maire André Sohaing, le professeur Maurice
Tchuente, M. Bernard Peupi, Le docteur Jean Claude Kanmogne, le
député Barthélemy Kom Tchuente, le docteur Pierre Flambeau
Ngayap et Janvier Tiemnou.
A MM. André Kayo Sikombe, Célestin Tchejip
Kaptchouang et Paulin Serges Akono Evang pour leur aide multiforme.
A nos professeurs du département de science politique
pour les enseignements reçus.
A mes grands frères Tayou Léopold et Kom
Valentin.
A nos camarades de promotion Estelle Etoh Ekwoneng,
Gaétan Omgba, Albert Ondoa et Paul Elvic Batchom.
A nos amis Yolande Wendja et Fred Medou Ngoa.
A Marie Danièle Njiwo Chimi et Kom Camille pour la mise
en forme de ce travail
A tous ceux qui, d'une quelconque façon ont
contribué à la réalisation de ce modeste travail.
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
ANLK :
Armée Nationale de Libération du Kamerun
ARTGAM :
Association des Réformes du Traditionaliste Yogam
CAPLAMI : Coopérative Agricole
des Planteurs de la Mifi
CEAN : Centre d'Etudes d'Afrique
Noire
CES : Collège
d'Enseignement Secondaire
CL : Convention
Libérale
GIC : Groupe d'Initiative
Commune
LGDJ : Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence
MAGZY : Mission
d'Aménagement et de Gestion des Zones Industrielles
MINATD :
Ministère de l`Administration Territoriale et de la
Décentralisation
MINESRI : Ministère de la
Recherche Scientifique et de l'Innovation
NEC : National Executive
Comitee
NPC/BUSH : Nationalisme des Pacifistes
du Cameroun pour le Bien être et l'Unité
réelle contre les Souffrances des Humains
PCA : Président du
Conseil d'Administration
PSD : Parti Démocrate
Camerounais
PUF : Presses Universitaires
de France
PFNSP : Presses de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques
RCSP : Revue Camerounaise de
Science Politique
RDPC : Rassemblement
Démocratique du Peuple Camerounais
RFSP : Revue Française
de Science Politique
SDF : Social Democratic
Front
SOPECAM : Société de
Presses et d'Edition du Cameroun
UCAC : Université
Catholique d'Afrique Centrale
UC : Union Camerounaise
UDC : Union
Démocratique du Cameroun
UFDC : Union des Forces
Démocratiques du Cameroun
UNC : Union Nationale
Camerounaise
UNDP : Union Nationale pour la
Démocratie et le Progrès
UPC : Union des Populations
du Cameroun
LISTE DES TABLEAUX ET
CARTES
TABLEAUX
Tableau 1 : Principales élites
urbaines influentes à Bayangam..........................30
Tableau 2 : Poids des partis politiques
à Bayangam au regard des législatives du 30 juin
2002.........................................................................36
Tableau 3 : Elites urbaines têtes
de listes aux municipales à Bayangam...............37
Tableau 4 : Résultats des
municipales de 1996 à Bayangam...........................40
Tableau 5 : Progression de la domination
des élites urbaines dans l'arène politique de
Bayangam.......................................................................41
Tableau 6 : Statistiques des
électeurs par tranche d'âge dans l'arrondissement de Bayangam
(2004)..............................................................52
Tableau 7 : Statistiques des
électeurs par sexe (2004)....................................53
Tableau 8 : Matrice des ressources
politiques de Sohaing André...................60
Tableau 9 : Résultats des
élections municipales du 30 juin 2002 annulées par la cour
suprême...........................................................................76
Tableau 10 : Résultats des
municipales partielles du 13 juin 2004 à
Bayangam.....78
CARTES
Carte 1 : Localisation de
Bayangam........................................................ 9
Carte 2 : Les principaux quartiers de
Bayangam...........................................22
Carte 1 : Localisation de
Bayangam
INTRODUCTION GÉNÉRALE
En 2004, après un
procès de deux ans consécutif aux municipales pluralistes de
2002, la Cour Suprême du Cameroun rendait des arrêts annulant le
scrutin dans cinq mairies1(*) du Cameroun. Quatre d'entre elles sont des communes
rurales. Cette tendance témoigne, sans doute, de ce que les villages
camerounais, à la faveur de la libéralisation des années
1990, sont loin d'être un lieu de consensus (Olivier de Sardan, 1995). En
effet, les mutations politiques n'ont pas affecté uniquement les centres
urbains, trop souvent pris comme seul lieu de mesure de l'effectivité de
la démocratisation. «Tout porte à penser, relève
Antoine Tine, que la démocratie ne concerne véritablement que les
citadins privilégiés - professionnels de la politique, leaders et
élus (parlementaires, municipaux)- et qu'elle est
déconnectée de la société, instaurant ainsi un
divorce profond entre les partis politiques et ceux qu'ils sont censés
représenter » (Tine, 2003 : 7). Or, comme le souligne
à juste titre Kengne Fodouop (2003 : 173), le Cameroun est un pays
essentiellement rural. Et, la démocratisation a transformé ces
zones en véritables arènes où s'affrontent une
multiplicité d'acteurs pour la conquête ou la conservation des
positions de pouvoirs.
L'ambition de cette étude, intitulée
« Elites urbaines et politique locale au Cameroun : le cas de
Bayangam », est de saisir, à partir de l'étude de cas
d'un village, l'impact du multipartisme et de la démocratisation dans
les arènes politiques locales rurales. Jean Blondel précise
à cet effet que l'étude de cas « est une
stratégie de recherche empirique qui permet d'étudier des
phénomènes contemporains dans la réalité où
les frontières entre le phénomène et son contexte ne sont
pas toujours évidentes et où il faut habituellement utiliser des
ressources multiples d'information et d'évidence »2(*).
En l'espèce, il s'agit de saisir un
phénomène politique consécutif à la
libéralisation politique intervenue au Cameroun en 1990 : les
élites urbaines investissent les arènes politiques rurales
où elles sont en concurrence avec les élites locales pour la
conquête des positions de pouvoir. Le local, mieux, les villages sont les
lieux d'apprentissage du pouvoir et de politisation à travers la
construction des marchés politiques périphériques. Ce
processus se fait à travers le jeu des élites qui confère
aux arènes politiques rurales une « épaisseur
symbolique » forte (Sindjoun, 2002 : 16) et, ce faisant, valide
la périphérie en tant que site pertinent d'observation de la vie
politique au Cameroun. Le niveau « micro » permet de mieux
saisir le passage d'un « référentiel
monopolistique » à un référentiel pluraliste du
gouvernement local, notamment parce que les enjeux politiques y perdent en
autonomie ce qu'ils gagnent en réalité pour les acteurs sociaux
(Engueleguele, 2005 : 135 ; Mayer et Perrineau, 1992 : 93).
L'ambition est donc de s'inscrire dans une « approche anthropologique
du processus de démocratisation au Cameroun » (Mouiche,
2005 : 207).
Toutefois, tout discours scientifique pour être pris
au sérieux, doit porter sur un objet clairement défini et
analysé par le moyen d'un appareillage méthodologique et
théorique explicite. Dans cet ordre d'idées, cette introduction a
pour ambition de se plier à cette exigence préalable. C'est ainsi
que la construction de notre objet de recherche passera par la
définition des concepts (I) et la formulation d'une problématique
spécifique (II). En outre, Alfred Grosser soutient à juste titre
que la connaissance scientifique doit être cumulative (1972 : 21).
Autrement dit, tout travail scientifique, sans être une simple
juxtaposition, doit se rattacher à des travaux antérieurs ;
ce sera l'objet de la revue de la littérature (III) qui nous permettra
de nous situer par rapport aux travaux antérieurs et se faisant montrer
la spécificité de notre analyse. Après une
délimitation précise du champ d'étude sur le triple plan
historique, sociologique et administratif (IV), nous procéderons aux
clarifications d'ordre méthodologiques (V). Cette introduction
s'achèvera par la formulation des hypothèses (VI) qui irrigueront
tous nos développements.
SECTION
I : LA DÉFINITION DES CONCEPTS
L'objet social soumis à l'étude ne devient objet
scientifique que par une coupure épistémologique,
c'est-à-dire la séparation de l'univers de la conscience
immédiate de celui de la réflexion scientifique (Grosser,
1972 : 46). On a recours pour ce faire aux concepts, dont trois
méritent ici d'être clairement définis, à savoir
élite, élites urbaines et politique locale.
En effet, en sciences sociales il est peu de concepts
univoques ayant une signification précise à la fois claire et
acceptée par tous. Le concept d'élite3(*)est d'emploi courant dans la
littérature sociologique, mais il n'est pas assuré que les
auteurs qui l'utilisent s'accordent sur une définition unique,
d'où la nécessité de préciser la signification qui
lui sera attribuée ici et par rapport à quelles
préoccupations essentielles elle le sera.
La notion d'élite a été initialement
conceptualisée par Vilfredo Pareto. Pour cet auteur; « la
notion principale du terme d'élite est celle de
supériorité...En un sens large, dit-il, j'entends par
élite d'une société les gens qui ont un degré
remarquable des qualités d'intelligence, de caractère, d'adresse,
de capacité de tout genre »4(*). Selon Raymond Aron, l'élite renvoie à
l'« ensemble de ceux qui, dans les diverses activités, se sont
élevés en haut de la hiérarchie et occupent des positions
privilégiées que consacre l'importance soit des revenus soit du
prestige » (1971 : 132-133). Dans le même ordre
d'idées, William Genieys considère que l'élite
désigne « une minorité qui dispose à un moment
donné dans une société déterminée d'un
prestige découlant de qualité naturelle valorisée
socialement ou de qualités acquises. » (Genieys 2006 :
121). Dans le cadre de cette étude, la synthèse
opérée par Guy Rocher parait opératoire. En effet, selon
cet auteur, l'élite renvoie aux personnes ou groupes de personnes qui
par suite du pouvoir qu'ils détiennent ou de l'influence qu'ils exercent
contribuent à l'action historique d'une collectivité, soit par
des décisions qu'ils prennent, par les idées, les sentiments ou
les émotions qu'ils symbolisent (Rocher, 1992 : 495). Autrement
dit, seront considérées comme élites les personnes
détenant soit du pouvoir soit de l'influence et qui participent
effectivement à l'activité politique à Bayangam.
Le concept d'élites urbaines quant à lui,
permet de discriminer entre les élites du terroir et les élites
extérieures. La notion d'urbain n'oppose pas nettement un monde qui
serait urbain à un monde qui ne le serait pas. Comme le relève
Clavel Maïte (2002 : 34), « les ruraux sont le plus souvent
des citadins qui vivent hors du périmètre des villes ».
En dépit de cet apparent brouillage, le terme urbain demeure
opératoire parce qu'il permettra dans cette étude de distinguer
ceux qui vivent de manière permanente en ville de ceux qui
résident en zone rurale (Fopoussi, 1991 : 72). Ainsi, les
élites urbaines s'entendent, dans la perspective de Ibrahim
Mouiche, des composantes politiques, économiques et intellectuelles
qui, en fonction des ressources et investissements qu'elles multiplient en
direction de leur région d'origine y exercent une influence politique et
y établissent des liens de clientage auprès des populations
(Mouiche, 2005 : 49 ; Tchejip Kaptchouang 2007 : 265). Il s'agit, de
manière restrictive dans le cadre de cette étude, d'élites
issues des filières économiques, administratives et
intellectuelles, et qui sont politiquement engagées.
La politique locale renvoie ici à l'arène
politique rurale de Bayangam. Autrement dit, le local tel qu'il est
appréhendé dans notre étude est synonyme de champ
politique périphérique entendu comme un espace de
compétition politique dont l'enjeu constitutif est la conquête de
positions de pouvoir dans diverses institutions périphériques
(Gaxie, 1996 :16). Bayangam est considéré dans la
perspective de Luc Sindjoun comme ayant ses propres enjeux, ses
trophées, ses règles de jeux, sa propre temporalité
(2002 : 126).
Une fois ces précisions conceptuelles faites, il
convient de préciser la problématique, étant entendu que
celle-ci constitue l'élément majeur de spécification d'une
étude.
SECTION
II : LA PROBLÉMATIQUE DE L'ÉTUDE
Depuis le retour en 1990 du multipartisme et de la
démocratisation, l'on note une nouvelle orientation dans les rapports
entre chefs traditionnels et élites urbaines à l'ouest du
Cameroun. En effet, Jean Pierre Warnier déjà en 1993 relevait la
présence et la visibilité au village des
« néo-notables » en quête de communauté
et de légitimité. L'on a vu des « migrants
enrichis », résident en ville « réinventer la
chefferie » en l'investissant (Warnier, 1993 : 220). La
libéralisation politique a donné prétexte à
certains de ces magnats pour bousculer les chefs soucieux de s'arc-bouter sur
leurs privilèges compulsifs des arènes municipales (Mouiche,
2005).
Même si l'action des élites urbaines en
direction de leurs villages n'est pas une nouveauté consécutive
aux années 1990 (Kengne Fodouop, 2003), c'est
« l'élargissement de la classe politique dans les rangs du
RDPC » aux principaux hommes d'affaires bamiléké
qui a accéléré leur engagement. En effet, ayant longtemps
affirmé leur attachement à leurs régions d'origines par un
volume important d'investissement, ces élites s'efforcent maintenant de
convertir leur surface financière et économique en dividende
politique. Les exemples sont légions : Fotso Victor à
Bandjoun, Kadji Defosso à Bana, Njele François à Bandja,
feu Tchanque Pierre à Bazou, etc. (Mouiche, 2005,2002).
C'est ainsi qu'à Bayangam, village objet de cette
étude, deux faits marquants permettent de nous introduire
commodément dans cette ambiance politique très animée. En
1994, lors de la cérémonie d'installation du premier
sous-préfet du nouvel arrondissement de Bayangam, la tension entre les
élites urbaines, les élites du terroir et les populations sont
déjà manifestes. Le Journal de Douala décrit une
scène assez significative à cet égard :
« Le 13 janvier dernier (1994) était un
grand jour pour les populations du jeune arrondissement de Bayangam...ces
populations ont tenu à célébrer cet
événement historique dans la joie, et cela malgré une
campagne de démobilisation orchestrée contre son principal
artisan, le célèbre homme d'affaires, André Sohaing, par
une clique de personnes, toutes originaires de Bayangam et
considérées jusque-là comme des dignes notables. Ces
oiseaux de mauvais augures étaient poussés en sous-main par
Jacques Kago Lele, appuyés par Kom Jean, pourtant vice-président
départemental RDPC du Koung-khi, et par Fotso Henri, président de
la sous- section de Bayangam. Au centre de tout ce beau monde, le chef
supérieur, S. M. Pouokam jouait les détonateurs, se comportant
comme le chef de file de ce clan qui voulait nuire à la bonne
organisation mise en place par M. Sohaing André avec l'approbation des
autorités administratives. Et pourtant, en sa qualité
d'auxiliaire de l'Administration, il se devait de jouer un rôle de
modérateur. Peut-être que le chef craindrait pour son
trône ? ... » (Le Journal de Douala, n° 55 du 17
février 1994, p. 4)
En 2002, lors des élections municipales, la
confrontation entre les acteurs s'est souvent soldée par des
affrontements physiques entre candidats. C'est ainsi que des
« bagarres » entre les divers protagonistes ont
été relevées dans divers bureaux de votes5(*), et témoignent si besoin
en était de ce que les élites urbaines (hauts fonctionnaires,
hommes d'affaires, enseignants...) s'impliquent beaucoup dans la politique au
village. En effet, dans son rapport général sur les
élections législatives et municipales de 2002, l'Observatoire
National des Elections (ONEL) révélait que : « les
autorités administratives ont beaucoup de mal à résister
à l'influence et à la pression des élites
extérieures dont l'immixtion intéressée dans les affaires
du « village » est de plus en plus décriée et
néfaste pour le déroulement serein des
élections ».
C'est dans cette perspective que se pose la
problématique de la libéralisation politique comme principe actif
de l'investissement des élites urbaines dans les arènes
politiques rurales. La problématique théorique à partir de
laquelle s'ordonne les rapports élites urbaines et politique locale,
dans le cadre de cette étude, s'inscrit ainsi à la fois dans
l'universelle et dans l'indigène.
La problématique universelle instituée est
celle de la structure du pouvoir dans les collectivités locales. Elle a
partie liée avec la question « qui gouverne ? »
Dahl (1979), Ngayap (1983.). Il s'agit dès lors de savoir qui
détient le pouvoir dans l'arène politique rurale de Bayangam.
Mieux y a t-il pluralisme ou polyarchie des catégories dirigeantes
à Bayangam ? Quelles sont les ressources et les stratégies
des acteurs en présence ?
La problématique indigène renvoie quant
à elle à la logique `'bigmaniaque'', c'est-à-dire
l'obsession que certaines élites ont de s'ériger en figure
dominante et incontestée écrasant tout challenger en vertu des
capacités supérieures de redistribution. Cette perspective permet
ainsi de s'interroger sur l'hypothèse de l'hégémonie
politique à Bayangam. Autrement dit, y- a - t'- il bigmanisme
politique à Bayangam ?
SECTION
III. LA REVUE DE LA LITTÉRATURE
Les perspectives théoriques d'interrogation sur les
rapports élites urbaines et politique locale au Cameroun sont diverses.
De manière générale on peut regrouper la
littérature existante en deux principales catégories. La
première porte sur des travaux à tendance universelle, sur la
structure du pouvoir dans les collectivités locales. La seconde
catégorie des travaux a partie liée avec des
problématiques indigènes, c'est-à-dire spécifiques
à l'Afrique et au Cameroun en termes de développement et
politique.
Sur la structure du pouvoir dans les collectivités
locales, on peut relever les travaux de Robert et Helen Lynd (1971) qui
analysent de manière systématique tous les aspects de la vie
politique et sociale de Middeletown et révèlent la structure
monolithique du pouvoir et la domination de la collectivité locale par
la famille X. La principale limite de cette analyse c'est de ne rien dire ou
assez peu sur les familles Y et presque rien sur la proportion des X par
rapport aux Y.
Dans la même perspective, mention doit être faite
des travaux de Robert O. Schulze (1971) qui formule l'hypothèse selon
laquelle le pouvoir local à Cibola revient dans une large mesure aux
personnes qui contrôlent le système économique de la
collectivité, d'où le rôle clé des dirigeants
économiques dans la structure du pouvoir des collectivités.
Freeman, Ferrero, Bloomberg et Sunshine (1971) quant à eux
développent diverses approches destinées à permettre
l'étude du leadership communautaire. C'est ainsi qu'ils mobilisent de
manière conjuguée l'approche décisionnelle,
réputationnelle, positionnelle et par l'activité sociale pour
identifier les leaders dans les collectivités locales
américaines.
A l'échelle de l'Ouest Cameroun, Ibrahim Mouiche
(2002, 2005, chap. 4) a mené des études similaires pour parvenir
à la conclusion de la domination bigmaniaque d'un entrepreneur
économique dans la localité de Bandjoun. Dans le même sens,
Célestin Kaptchouang Tchejip (2007 :252-260), a montré la
domination des entrepreneurs Kadji Defosso à Bana, Essam à
Sangmélima, etc. Il s'agit dans le cadre de notre étude de voir
dans quelle mesure ses hypothèses sont vérifiables ou non dans la
petite communauté de Bayangam où de nombreuses élites
urbaines sont en concurrence pour la conquête ou la conservation des
positions de pouvoirs.
A coté de ces problématiques universelles sur
la structure du pouvoir dans les localités, des problématiques
indigènes spécifiques ont été
développées.
Un premier courant regroupe les études autour des
problématiques en termes de développement. Ici, on peut convoquer
l'oeuvre de Kengne Fodouop (2003) qui aborde la question de l'apport et de
l'initiative des citadins en faveur du monde rural. Ici, les élites
urbaines sont considérées comme des agents du
développement du monde rural camerounais. L'étude de Paul Nchoji
Nkwi (1997) s'inscrit aussi dans cette même perspective. A partir de
l'étude de cas Njinikom, cet auteur analyse le rôle des
élites urbaines dans le développement rural ainsi que les
relations passionnelles qui lient ces derniers à leurs terroirs. Djuijeu
Mbogne (1983), quant à elle montre que les élites ont joué
un rôle plus ou moins déterminant dans le développement de
Bayangam.
Le mérite de la problématique en termes de
développement est qu'elle permet de mettre en exergue le rôle
clé que les élites urbaines jouent dans le monde rural.
Toutefois, le caractère ouvertement finaliste de ces analyses en
relativise la scientificité. Car l'objectif est non pas, comme le dirait
MachiaveL, de rendre compte des faits, mais de proposer des solutions aux
problèmes de développement du monde rural. Par ailleurs, le
défaut majeur de cette approche en termes de développement est
d'occulter la dimension politique de l'action locale des élites
urbaines. Notre étude s'inscrit de ce point de vue dans une analyse
politique des rapports élites- villages.
Un second courant regroupe des études aux
problématiques plus politiques.
Dans un article pionnier, Peter Geschiere (1996) pose les
rapports élites - villages en termes de piège. Dans les villages,
politique et sorcellerie sont intimement liées et constituent un
piège pour les élites. Le mérite de son approche est de
montrer que la sorcellerie est une ressource politique pertinente en milieu
rural. Les chefs Bamiléké usent de cette ressource pour
s'ériger en ·blanchisseurs· des richesses
accumulées en ville par les élites. Toutefois, il reste que la
sorcellerie n'est qu'un facteur parmi d'autres dans la compréhension de
la politique en milieu rural.
Thomas Bierschenk et Olivier de Sardan (1998)
s'intéressent à la problématique des « pouvoirs
au village ». Ils montrent comment la démocratisation et la
décentralisation ont constitué des facteurs de changement dans
l'univers rural du Bénin. A partir de l'exemple du village Founougou,
Nassirou Bako -Arifari (1998) montre comment le renouveau démocratique a
servi à la « capture » du débat politique
local par un nombre plus restreint d'acteurs locaux. Jacques Philibert
Nguemegne quant à lui formule et soutient l'hypothèse d'une
faible participation des populations rurales du Koung-Khi à la vie
politique. Le principal mérite de ces analyses est de montrer qu'il
existe une vie politique dans les villages, une vie qui obéit a des
déterminants particuliers. Le problème majeur auquel se trouve
confronté ces analyses, c'est de réfléchir par rapport au
model occidental. Ce qui amènes ces auteurs à conclure que la
faible participation des paysans constituent une limite au fonctionnement
« normal » et « harmonieux » du
système politique (Nguemegne, 1998 : 40). De notre point de vu, il
s'agit moins d'évaluer le comportement politique des élites
urbaines que de voir concrètement comment et pour quels
intérêts elles s'impliquent dans la politique au village.
Une autre problématique développée
depuis les années 1990, à la faveur de la libéralisation
politique est celle de la rotation, du renouvellement et de la circulation des
élites. La thèse dominante chez les africanistes en la
matière demeure celle de la non rotation des élites. Dans cette
optique, Patrick Quantin (1995) soutient que l'observation des transitions
démocratiques opérées depuis 1990 au Sud du Sahara
confirme le caractère limité des changements intervenus au niveau
des élites du pouvoir. Dans la même perspective, Jean Pascal Daloz
fait le constat de la «faible circulation des élites »
(1999 : 21). Fred Eboko quant à lui, analysant les élites
politiques, soutient l`hypothèse d'un « renouvellement sans
renouveau » au Cameroun (1999 : 99).
Le principal défaut de ces analyses c'est de s'appuyer
essentiellement sur le moule des seules instances du pouvoir central, sur les
acteurs majeurs de la vie politique, dévalorisant ainsi, dans une
certaine mesure, les acteurs locaux (Mouiche, 2004). C'est ainsi que
Célestin Tchejip Kaptchouang (2007) se propose d'évaluer la
contribution des partis politiques à la démocratisation de la vie
politique locale au Cameroun. Le principal apport de son analyse c'est de
montrer qu'au-delà des positions de pouvoir central, le local et les
positions périphériques sont le lieu d'une concurrence
marquée entre les partis politiques. En limitant son champ d'analyse
à l'Ouest Cameroun, André Tchoupie (2004) montre comment à
la faveur de la libéralisation politique la
« localité » est devenue un espace spécifique
de confrontation et une ressource fréquemment mobilisée dans le
jeu politique national par les élites. Si ces deux auteurs mettent en
lumière la pertinence du local comme site pertinent d'observation, ils
procèdent tous deux dans une certaine mesure par
généralisation abusive, considérant respectivement la
localité camerounaise et la « région » de
l'Ouest comme un monolithe, se faisant, ils ignorent les
spécificités de chaque terroir.
C'est contre cette approche par le ·haut·que
s'érige la thèse de la rotation locale des élites. Les
analyses les plus pertinentes ont été développées
par Ibrahim Mouiche (2001, 2002, 2004,2005).
En effet, Ibrahim Mouiche (2002, 2004) considère que
la démocratisation a au contraire contribué à une rotation
des élites dans les arènes politiques locales de l'Ouest
Cameroun. Mieux, selon cet auteur, le multipartisme et la
démocratisation ont constitué dans une large mesure un facteur de
subvertissement de la position des chefs traditionnels au profit des
élites urbaines (Mouiche, 2005, 2002).
Cette approche microsociologique a le mérite de faire
ressortir une nouvelle orientation dans les rapports entre chefs traditionnels
et élites urbaines à l'Ouest Cameroun; et par ricochet le
phénomène du bigmanisme politique. En effet, le
processus de démocratisation, les « logiques de
terroir » et les impératifs du développement local font
que les chefferies centralisées de l'Ouest du Cameroun sont devenues
« paradoxalement des sociétés à big
men » (Mouiche, 2005 : 208).
C'est dans une large mesure, l'approche formulée par
cet auteur qui guidera notre analyse pour rendre compte de l'entreprise
politique locale des élites urbaines à Bayangam.
SECTION
IV : LA DÉTERMINATION DU CHAMP DE L'ÉTUDE
Bayangam est un groupement d'une superficie d'environ 49
km², pour une population estimé à 20 000 habitants,
soit une densité de 468 habitants aux km². Limité au Nord et
au Nord-Est par Bandjoun, à l'Ouest et au Nord-Ouest par Baham, au Sud
par Bangoua et à l`Est et au Sud-Est par Batoufam ce village est
situé dans le département du Koung-Khi. En effet, il
est à la fois, le chef lieu de l'arrondissement de Bayangam
créé par décret N° 92/206 du 05 octobre 1992
comprenant Batoufam, Bandrefam et Bayangam. Dans le cadre de cette
étude, on se limitera à la localité de Bayangam en tant
que chefferie de 2e degré. Du fait de son attraction symbolique, en tant
que « chef lieu », Bayangam est le lieu de confrontations
politiques. Trois principaux partis politiques s'y disputent le leadership
politique local depuis 1996. Il s'agit du RDPC (Rassemblement
Démocratique du Peuple Camerounais), du SDF (Social Democratic Front) et
de l'UNDP (Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès). En
1996, l'UFDC (Union des Forces Démocratiques du Cameroun) était
présent mais a perdu toute audience dans ce village après les
élections de la même année. La plupart de ses militants
s'étant ralliés soit au RDPC soit au SDF. Des partis satellites
tels que le PSD (Parti des Démocrates Camerounais), le NPC/BUSH6(*) et l'UPC (Union des Populations
du Cameroun) sont présents, mais bénéficient d'un soutien
populaire relativement faible.
Ces différents partis sont soutenus par de nombreuses
élites urbaines constituées de ministres, députés,
hommes d'affaires, ingénieurs, etc. qui rivalisent pour la
conquête des positions de pouvoir ou tout simplement pour de l'influence.
Ce qui ne va pas sans poser des problèmes avec l'institution
traditionnelle.
En effet, sur le plan historique et culturel, Bayangam est
une chefferie Bamiléké de longue tradition dont la
création remonte au XVI iéme siècle. (Kuipou Chimba;
1986 : 17). En tant que telle de nombreux conflits tant internes
qu'externes ont rythmés son existence. En effet, après des
guerres contre des chefferies voisines comme Bandjoun et Batoufam qui prennent
fin avec l'arrivée des puissances impérialistes, la chefferie de
Bayangam va connaître des soubresauts internes à partir des
années 1940. Djuije Nbogne relève ainsi que des révoltes
contre le chef Kom David en 1948 à la suite de la création d'une
Association des Réformes du Traditionaliste Yogam (ARTGAM), conçu
pour « réformer » le village (1983 : 50). Cette
association fermée au chef recruta ses membres parmi
les « cadets sociaux » et les membres des
communautés extérieures. A ces conflits est venu se greffer une
effervescence particulière entre 1955 et 1963 du fait des luttes
d'indépendances qui, ici, ont été d'une intensité
particulière. Les archives de la chefferie révèlent, par
exemple, qu'il y a eu plus d'une centaine de morts du fait du
« maquis ».
Depuis 1990, la plupart des conflits s'y déclinent
dans une large mesure sous le prisme politique et traditionnel. Les
élites traditionnelles et les élites s'y affrontent pour le
contrôle des biens symboliques.
Carte 2 : Les principaux quartiers de
Bayangam
SECTION
V : LA MÉTHODOLOGIE
Par méthodologie, nous entendons à la fois les
techniques de recherche et la grille d'analyse utilisée.
Paragraphe 1 : Les techniques d'enquête :
l'option pour l'analyse
documentaire et l'entretien
Les techniques, selon Madeleine Grawitz, sont des
procédés opératoires rigoureux, bien définis,
transmissibles, susceptibles d'être appliqués pour étudier
un phénomène quelconque (2001 : 352). En effet, les
techniques sont les outils qui nous ont permis de récolter les
informations utiles pour la compréhension et l'explication de
l'activité politique locale des élites urbaines à
Bayangam. Pour ce faire nous avons eu recours aux techniques documentaires et
à l'entretien.
Les techniques documentaires nous ont permis, par le biais
des ouvrages généraux, des articles spécialisés,
des archives de la sous-préfecture, des procès-verbaux de la
mairie de Bayangam, des archives privés de certains acteurs politiques,
des journaux régionaux spécialisés sur l'Ouest Cameroun
(Ouest Échos, Le journal de Douala et Flash Infos) et un journal local
(Les Nouvelles de Bayangam), de faire le point sur l'activité politique
à Bayangam depuis 1990.
Par ailleurs, l'entretien, entendu comme «
procédé d'investigation scientifique, utilisant un processus de
communication verbale, pour recueillir des informations en relation avec le but
fixé » (Grawitz, 2001 : 644), nous a permis avec les
élites urbaines, les autorités traditionnelles, les
autorités administratives, les responsables locaux des partis
politiques, les agents communaux, ainsi que les citoyens ordinaires, de prendre
acte du sens que les acteurs donnent à leur pratique politique au
village.
Pratiquement, nous avons effectué notre enquête
en deux temps.
Le travail a commencé par une enquête de terrain
qui s'est déroulé du 17 septembre au 2 octobre 2006. Lors de
cette phase préliminaire, notre public cible était
constitué par le sous-préfet de Bayangam et ses adjoints, les
responsables locaux des partis politiques, les autorités
traditionnelles, les responsables et les agents communaux, et quelques paysans
ayant pris part de près ou de loin au jeu politique au village. Cette
pré- enquête nous a permis de noter la prégnance des
élites urbaines dans la vie politique locale et d'en identifier les plus
influentes.
L'enquête intensive s'est déroulée
ensuite entre Yaoundé, Douala, Bafoussam et Bayangam, lieux de
résidence des différents protagonistes, entre décembre
2006 et février 2007. L'enjeu était alors d'établir la
biographie sociale des principales élites urbaines identifiées
lors de la phase préliminaire et de recueillir le sens qu'elles donnent
à leur participation à la politique au village. Par ailleurs,
nous avons élargi la palette de nos informateurs aux citadins et paysans
ordinaires. Au total, près de soixante entretiens semi -directifs
intensifs ont été réalisés.
Les informations ainsi recueillies ont été
soumises à deux principales grilles d'analyse, ou deux principaux
« filtre de la connaissance » pour reprendre la belle
formule d'Alfred Grosser (1972 : 8).
Paragraphe 2 : Les méthodes d'analyse :
l'option pour l'interaction politique et l'ethnométhodologie
Notre étude reposera principalement sur l'interaction
politique.
En effet, l'interaction politique en tant que grille
d'analyse permet selon Jacques Lagroye « de comprendre et de
vérifier quel type de relation relie diverses unités sociales et
structure les rapports que les unités entretiennent »
(1991 : 165). C'est ainsi que les métaphores du
« jeu » et de « marché »
permettent de rendre compte des rapports de pouvoir et les relations entre
agents dans une perspective relationnelle et dans des systèmes
d'interaction. Cette démarche cherche à expliquer pourquoi telle
unité sociale participe à l'interaction, ses
intérêts à « entrer dans le jeu », les
comportements qu'elles parviennent à imposer et les ressources dont
elles disposent dans la compétition. La perspective interactionniste
combine ainsi analyse des contraintes et stratégies des acteurs,
pesanteurs structurelles, et dynamiques individuelle ou collective (Olivier de
Sardan, 1995 : 40).
Cette méthode nous permettra ainsi d'analyser
l'ensemble des interactions entre les élites urbaines sur la
scène politique rurale de Bayangam autour du pouvoir local qui constitue
ici l'enjeu principal. Elle permettra par ailleurs de prendre en compte les
rapports de force et les phénomènes d'inégalités,
l'accent étant mis ici comme le relève Olivier de Sardan
(1995 : 40) « sur les ressources des acteurs
sociaux « d'en bas » et leur marge de
manoeuvre ». Elle nous permettra également de
déterminer et de comprendre les relations de coopération, de
domination, de concurrence et d'antagonisme des intérêts qui
s'établissent entre les acteurs sociaux dans l'arène politique de
Bayangam.
L'ethnométhodologie sera mobilisée comme grille
secondaire.
L'ethnométhodologie est un courant de la sociologie
américaine conceptualisé dans les années 60 par Harold
Garfinkel à la suite de ses travaux sur les délibérations
de jurés à l'Ecole de Droit de Chicago. Dans ce concept,
« ethno » désigne le savoir quotidien de la
société à la disposition de tout membre, tandis que
« méthodologie » renvoie à la mise en oeuvre
de savoir-faire et des procédures profanes par ces membres (Durand et
Weil, 1997 : 253). En effet pour Garfinkel, cette démarche
vise :
« La réalité objective des faits
sociaux, en tant que toute société est produite localement, est
naturellement organisée, est réflexivement descriptible, est un
accomplissement continu et pratique, en tant que cette réalité
objective est partout, toujours, seulement, exactement et entièrement le
travail des membres, elle est le phénomène fondamental de la
sociologie » (cité par Coulon, 1987 : 124).
Cette définition permet ainsi de mettre en exergue les
postulats de cette grille d'analyse que sont : la pratique quotidienne,
l'indexicicabilité, la réflexivité, la
descriptibilté (accountability), la localisation et la notion de
membre.
En tant que telle, elle complétera avantageusement
l'interaction politique dans la mesure où son postulat de base est qu'il
faut prendre au sérieux le point de vue des acteurs. Puisqu'en effet
selon Coulon « c'est à travers le sens qu'ils donnent aux
objets, aux gens qui les entourent, que les acteurs fabriquent le monde
social » (1987 : 11). Mieux, il s'agira pour nous d'utiliser le
savoir véhiculé par les acteurs eux-mêmes,
car « l'acteur social n'est pas un idiot culturel ».
Ainsi, accorderons-nous une attention particulière aux sens que les
élites urbaines aussi bien que les élites du
« terroir » et les populations rurales donnent à
leur participation au jeu politique local à Bayangam.
SECTION
VI : LE BLOC DES HYPOTHESES
En tant que proposition de réponse à la
question posée, l'hypothèse de recherche .tend à formuler
une relation entre des faits significatifs (Grawitz, 2001 : 398).
L'hypothèse principale autour de laquelle s'articule
cette étude est la suivante : les élites urbaines dominent
l'arène politique rurale de Bayangam. Cette domination est une
réalité qui affecte toutes les institutions politiques locales.
Elle est mesurable par le poids de ces derniers dans les partis politiques et
les instances communales. La domination politique locale des élites
urbaines est le produit de l'interaction entre une diversité
d'élites aux ressources inégales qui consacre la domination d'une
catégorie sur les autres. En l'occurrence, le leadership local d'une
élite qui a réussi à convertir ses ressources
économiques en capital politique.
La résistance locale à la domination de
l'élite urbaine est une réalité qui consacre la
capacité stratégique des acteurs locaux de la politique à
Bayangam.
Il convient toutefois de préciser que dans le cadre de
cette étude, seules les élites urbaines du village Bayangam
seront prises en compte. A l'exception notable de Mme Félicité
Mbiaopo, présidente de la sous-section OFRDPC de Batoufam et membre
suppléant du comité central de ce parti, Batoufam et Bandrefam ne
comptent pas d'élites urbaines politiquement influentes au niveau local.
Par ailleurs nos enquêtes se sont focalisées sur Bayangam. Ce
n'est que depuis 2004 que pour des raisons d'équilibre politique le
poste d'adjoint au maire est réservé aux ressortissants des deux
autres villages. Entre 1990 et 2004, période prise en compte pour cette
étude, ce sont dans une large mesure les élites urbaines
originaires de Bayangam qui de manière générale dominent
le jeu politique local.
Cette étude est organisée en un plan de
chapitres
Chapitre 1 : Participation politique locale et
identification sociopolitique des élites urbaines bayangam
Chapitre 2 : Les déterminants de la vie
politique Bayangam
Chapitre 3 : De la domination
« bigmaniaque » de Sohaing André
Chapitre 4 : Les limites au leadership politique local
des élites urbaines
CHAPITRE
I : PARTICIPATION POLITIQUE LOCALE ET IDENTIFICATION SOCIOPOLITIQUE
DES ELITES URBAINES BAYANGAM
F. G. Bailey voit la politique, nationale comme locale, en
termes de « jeux » où se confrontent et s'affrontent
des acteurs sociaux autours de leaders et de factions. Le village Bayangam est
considéré ici non pas comme une communauté unie par la
tradition, cimentée par le consensus, organisée par une
« vision du monde partagée », mais plutôt
comme une arène (Olivier de Sardan, 1995 : 258).
C'est-à-dire un lieu de confrontation concrète d'acteurs en
interaction autour d'enjeux communs. A partir de l'interrogation sur les
détenteurs du pouvoir et /ou d'une influence, notre
réflexion va emprunter la voie du dévoilement de la configuration
et des propriétés sociales et politiques qui fondent
l'identité de ceux qui exercent l'activité politique à
Bayangam. Il s'agit dès lors de tester la pertinence de
l'hypothèse de la polyarchie qui est caractérisée par
un profond pluralisme social qui empêche la formation d'une classe
dirigeante en suscitant l'apparition d'une grande multiplicité de
leaders de groupes indépendants (Birnbaum et Chazel, 1971 : 12).
Dans la perspective définie par Robert Dahl et Charles E. Lindblom, la
polyarchie nécessite un certain endoctrinement social, la circulation
politique, la tolérance du pluralisme, le consensus. (1971 :
181)
L'analyse révèle en effet que l'arène
politique de Bayangam est dominée par une pluralité
d'élites urbaines aux trajectoires socioprofessionnelles multiples.
Diverses approches ont
été développées en science politique pour
identifier les leaders dans une collectivité locale. Il en existe
principalement quatre. D'abord, l'approche réputationnelle,
conceptualisée par Floyd Hunter, repose sur l'idée que le pouvoir
n'est pas « clandestin », car ceux qui subissent le pouvoir
dans une localité sont en mesure d'en identifier les détenteurs.
Ensuite, l'approche décisionnelle, développée par Robert
Dahl consiste à examiner un certain nombre de décisions, et
à déterminer quels sont les dirigeants ou les groupes qui l'ont
emporté en cas de conflits. L'approche positionnelle quant à elle
conduit à l'identification des dirigeants en titre des organisations.
Enfin, l'approche par l'activité sociale consiste à mesurer
le taux de participation aux activités volontaires au village.
(Schwartzenberg, 1998 : 598-600). A la manière de Linton Freeman et
alii (1971), nous avons mobilisé simultanément toutes ces
méthodes pour découvrir la structure réelle du pouvoir
à Bayangam. Il en ressort une pluralité d'élites aux
trajectoires diverses (comme le montre le tableau 1) et qui par ailleurs
dominent largement les institutions politiques locales.
Tableau 1 : Principales élites
urbaines influentes à Bayangam7(*)
N°
|
NOMS
|
PROFESSION
|
PARTI POLITIQUE
|
FONCTION POLITIQUE
|
RÉSIDENCE
|
1-
|
Sohaing André
|
Homme d'affaires
|
RDPC
|
-Maire de Bayangam
-Membre du comité central RDPC
|
Douala
|
2-
|
Tchuente Maurice
|
Professeur des universités
|
RDPC
|
-Ancien recteur et ancien ministre, PCA MADZI
|
Yaoundé
|
3-
|
Tchuinte Madeleine
|
Docteur en pharmacie
|
RDPC
|
-MINESRI
-Membre du comité central
|
Yaoundé
|
4-
|
Puepi Bernard
|
Ingénieur géomètre
|
SDF
|
Leader local du SDF
|
Yaoundé
|
5-
|
Ngayap Pierre Flambeau
|
Docteur en pharmacie
|
UNDP
|
-Secrétaire Général de
l'UNDP
-Membre du comité central de l'UNDP
|
Douala
|
6-
|
Kanmogne Jean Claude
|
Docteur en pharmacie
|
RDPC
|
Vice- président section RDPC du koung-
khi
|
Bafoussam
|
7-
|
Kom Tchuente Barthélemy
|
Ingénieur en génie civil
|
RDPC
|
-Conseiller du maire
-Député suppléant
|
Douala
|
8-
|
Kago Lele Jacques
|
Enseignant
|
SDF
|
-Membre du NEC
-Conseiller municipal à Bafoussam
|
Bafoussam
|
SECTION
I : LES TRAJECTOIRES SOCIOPROFESSIONNELLES PLURIELLES DES ELITES URBAINES
BAYANGAM
Selon Raymond Aron, l'étude empirique des
élites comporte essentiellement quatre aspects : leur origine
sociale et leur recrutement politique, les qualités qui semblent assurer
le succès et les modalités de leur carrière, la
manière de penser et la cohérence des membres de cette
catégorie (1971 : 138). En s'inscrivant dans cette
perspective, notre analyse va se limiter aux leaders habituellement tête
de liste des partis au cours de la concurrence politique locale. Si comme le
relève à juste titre Ibrahim Mouiche, « le pays
bamiléké se trouve entre le marteau du SDF et l'enclume du RDPC
» (2001 : 64), l'UNDP a ici un poids non négligeable. Nous
identifierons sur cette base Puepi Bernard du SDF, Ngayap Pierre Flambeau de
l'UNDP et Tchuinte Madeleine du RDPC. Sohaing André et Tchuente Maurice
quant à eux feront l'objet d'un chapitre à part du fait de la
spécificité de leurs trajectoires.
PARAGRAPHE 1 : Puepi Bernard : de la haute
administration à la politique
Puepi Bernard est né le 27 octobre 1943 à
Bayangam, où il entame ses études primaires dès 7 ans dans
une école protestante jusqu'au cours moyen I. A 12 ans, il quitte le
village pour Douala où il est admis au cours moyen I à
l'école sacré-coeur de New-Bell. En 1956, il entre au
Lycée technique de la même ville où il ressort avec un
baccalauréat option ·Mathématiques et technique·.
Il entre ensuite à l'Université Fédérale du
Cameroun en 1965 où il passe deux ans avant d'être admis en 1967
à l'École Nationale du Cadastre de Toulouse, en France.
Sa carrière administrative commence en 1970
à la Direction du Cadastre. En 1978, il est affecté comme chef
service interdépartemental à Maroua. Deux ans plus tard il est
nommé sous-directeur du plan cadastral à la direction du Cadastre
en 1980. Entre 1986 et 1989, il est le directeur du Cadastre. En octobre
1989, il est relevé de ses fonctions et affecté comme
délégué provincial dans l'Adamaoua. En 1991, il est
affecté à Bafoussam. En 1993, il est à nouveau
affecté à Yaoundé à la direction des domaines.
Depuis 1996, il est fonctionnaire retraité et officie désormais
comme géomètre dans le secteur privé.
Sur le plan politique, Puepi Bernard fait parti des
élites urbaines qui part de la haute administration pour militer dans
l'opposition dans l'opposition (Mouiche (2005). Son engagement ouvert dans
l`opposition s'effectue dans le carde de l'UFDC en 1991 où il milite
pendant cinq ans. En 1996, lors des premières municipales pluralistes,
il prend part à la compétition politique locale dans la liste de
ce parti. La même année, juste après les municipales, il
quitte ce parti pour le SDF à la suite de la ·trahison· de
Hamemi Bieleu lors des municipales pluraliste de 1996. Depuis 2002, il conduit
les listes SDF aux diverses élections locales, notamment les municipales
de 2002 et de 2004.
A Bayangam, la mobilisation conjuguée de la
méthode réputationnelle, positionnelle et par l'activité
sociale, fait apparaître ce dernier comme l'un des principaux leaders
institutionnels au sens que lui donne Freeman et alii (1971 : 426-247),
c'est-à-dire ceux qui jouissent au niveau local d'une réputation
de leadership supérieur. Les enquêtes permettent de dire qu'il
est, sur le plan politique, le principal adversaire du maire Sohaing
André. Dans la perspective de Jean pierre Warnier, il fait partie de la
« troisième génération d'entrepreneur
Bamiléké » constitué de diplômés de
grandes écoles ou de l'enseignement supérieur qui ont reçu
une formation de comptables, d'ingénieurs, de gestionnaires etc. Ils
tiennent un discours modernisateur, mais sont le plus souvent dépendants
des détenteurs des capitaux et de leur entourage (1995 : 69).
Même si dans le cas d'espèce, cette élite urbaine
définit son identité politique par rapport à son village.
Puepi Bernard correspond à la définition de
l'élite urbaine donnée au début de cette étude,
c'est-à-dire, les personnes qui, ayant excellé dans un domaine en
ville, obtiennent de l'influence au niveau local par les actions et les
idées qu'ils y diffusent8(*).
PARAGRAPHE 2 : Ngayap Pierre Flambeau : homme
d'affaires et intellectuel engagé dans la politique
Pierre Flambeau Ngayap est né le 13 février
1953 à Bangoua, village voisin de Bayangam. Cependant, sa socialisation
s'est faite pour l'essentiel en ville. En effet, c'est à Yaoundé
qu'il effectue ses études primaires et secondaires. En 1972, il obtient
au Lycée Leclerc son Baccalauréat D. Après deux
années passées à la Faculté des sciences de
l'Université de Yaoundé, entre 1972 et 1975, il quitte le
Cameroun pour la France. De 1976 à 1981, il poursuit des études
de biochimie, de nutrition, de pharmacie, de droit, de communication,
d'économie et de science politique9(*).
Sur le plan professionnel, sa carrière commence en
France dans le groupe pharmaceutique Synthélabo où il officiera
de 1982 à 1988, soit 6 ans. En 1988, il retourne au Cameroun pour
occuper le poste de directeur général de Rhône-Poulenc
Cameroun pendant 2 ans. En 1991, il devient le directeur du cabinet de
consultant Burex-Consultant. Parallèlement à ce poste, il ouvre
une officine de pharmacie à Douala en 1991. Entre 2000 et 2006, il est
le président de l'Assemblée Générale de l'Ordre
National des pharmaciens du Cameroun. Depuis 2007, il est le président
de l'Ordre national des pharmaciens du Cameroun10(*). Il est par ailleurs enseignant à
l'Université des Montagnes.
Au regard de ce qui précède, P. F. Ngayap
correspond à la définition que Pareto donne à
l'élite. Toutefois, ce qui fait de lui une personne influente à
Bayangam c'est sa carrière d'homme politique.
En effet, sur le plan politique nationale, il est connu
surtout comme l'auteur des ouvrages Cameroun : Qui gouverne ?
(1983); L'opposition au Cameroun : les années de braises
(2000)...et comme chroniqueur à La Nouvelle Expression (1995-1998)
et au Messager (1999-2002). Par ailleurs, il est le fondateur d'un parti
politique qui a vu le jour en 1991, à savoir La Convention
Libérale. Selon cet acteur politique :
« L'idée (de la création de ce
parti) est née de la volonté d'un groupe d'intellectuels, membres
de professions libérales et de jeunes cadres d'entreprises de Douala et
de Yaoundé de « faire autrement la politique » en
s'appuyant sur des hommes « neufs », bien formés et
sans passé politique... »11(*)
En 2002, La Convention Libérale va se joindre à
l'UNDP de Bello Bouba Maïgari. A la suite de cette intégration, il
devient le Secrétaire Général de ce parti. Il en est en
outre membre du comité central. C'est donc sous les couleurs de ce parti
que Ngayap apparaît comme l'un des principaux leaders dans l'arène
politique bayangam. Il y a conduit les listes UNDP aux municipales de 2002. En
même temps, il prenait part aux législatives à Douala pour
un mandat de député à l'Assemblée Nationale.
PARAGRAPHE 3 : Tchuinte Madeleine : femme d'affaires
et femme politique professionnelle
Mme Madeleine Tchuinte est née il y a 58 ans. Elle a
fait ses études secondaires à Nkongsamba d'où elle est
partie pour Strasbourg, en France afin d'y poursuivre des études
universitaires. Ces études de pharmacie ont été
couronnées par un Doctorat en pharmacie. Dès son retour au
Cameroun dans les années 1970, elle est nommée à la
direction de l'approvisionnement en médicaments au Ministère de
la santé publique.12(*)
Après un passage assez court dans l'Administration,
elle ouvre une officine de pharmacie dans la ville de Bafoussam, ville
où elle découvre la politique. En effet, sur le plan politique,
elle correspond à la définition que Max Weber donne de l'homme
politique au regard de sa carrière. A la question comment
êtes-vous entrée en politique ? Elle répond :
« Je suis arrivée à la politique
un peu par hasard. Un jour, j'ai lu dans Cameroon Tribune qu'on était
entrain de renouveler les organes de base (du RDPC) en 1986 à la maison
du parti et que les élections seront libres. (...) j'y suis allée
pour voir si c'était vrai. Nous étions huit candidats et j'ai
fait un ras de marée ».13(*)
C'est ainsi qu'elle a été tour à tour
conseillère municipale à la mairie urbaine de
Bafoussam en 1987; présidente de la section OFRDPC de la Mifi14(*) ; député
à l'Assemblée Nationale pendant deux mandats consécutifs
jusqu'en 1997. Aujourd'hui, elle est membre titulaire au comité central
du RDPC. Depuis 2004, elle est la Ministre de la Recherche Scientifique et de
l'Innovation.
Cette identification sociopolitique rapide permet de
constater que du fait de sa carrière politique, elle est l'une des
élites urbaines les plus influentes à Bayangam, à
coté de Sohaing André et Tchuente Maurice, élites urbaines
du même parti dont on étudiera plus loin l'influence.
SECTION II : DE LA FORTE
REPRESENTATIVITE DES ELITES URBAINES DANS LES INSTITUTIONS POLITIQUES LOCALES
BAYANGAM
Par instance, nous entendons dans la perspective de Karl
Schmitt, un ensemble constitué plus ou moins rationnellement qui
détient le pouvoir de décision dans les affaires internes et
externes et le cadre juridique ou institutionnel dans lequel se déroule
l'autorité politique (1993 : 20). Les partis politiques et les
instances communales constituent les lieux où se manifeste la domination
effective des élites urbaines à Bayangam.
PARAGRAPHE 1 : De l'emprise contrastée des partis
politiques par les élites urbaines bayangam
Dire que les partis politiques constituent
des vecteurs de la domination politique signifie que c'est par le biais de ces
derniers que les élites investissent le jeu politique local. De
manière générale, tous les partis qui ont leur
représentation locale sont dominés par les élites
urbaines. Mais cette domination est inégale selon qu'il s'agit du parti
au pouvoir le RDPC ou des partis politiques de l'opposition. Il s'agit par
ordre d'importance du RDPC, du SDF et de l'UNDP qui comptent respectivement 23,
22 et 10 sous sections. En 1996, l'UFDC était présent mais a
disparu peu de temps après les municipales cette année.
Même si L'UPC, le NPCBush et l'UDC sont présentes lors des autres
scrutins, notamment présidentiels et parlementaires, leur score et leur
audience très faible à Bayangam, justifie qu'on ne les prennent
pas en compte dans notre analyse (Confère tableau 2).
Tableau 2 : Poids des partis politiques
à Bayangam au regard des législatives du 30 juin 1997.
Partis politiques
|
RDPC
|
SDF
|
UNDP
|
NPC BUSH
|
PDS
|
votants
|
3076
|
2101
|
140
|
34
|
89
|
pourcentages
|
56,64%
|
38,62%
|
2,57%
|
0,63%
|
1,64%
|
(Source : archives de la sous-préfecture)
Ainsi, les têtes de liste des partis aux
élections municipales sont systématiquement des élites
urbaines comme le montre le tableau 3 ci-dessous. Les autres candidats sont les
représentants locaux des partis politiques et, vers la fin de la liste,
on retrouve des hommes et des femmes qui n'ont pas d'activité politique
régulière et qui ont été sollicités pour
compléter les listes en raison de leur représentativité
liée à l'âge, au sexe, à la profession, au lieu de
résidence, à l'activité sociale ou au statut dans le
village.
Tableau 3 : Elites
urbaines têtes de listes aux municipales à Bayangam
Partis politiques
|
Têtes de listes
|
Professions
|
Qualité
|
RDPC
|
Sohaing André
|
Homme d'affaires
|
Membre du comité central RDPC
|
SDF
|
Puepi Bernard
|
Ingénieur géomètre
|
Leader local du SDF
|
UFDC (en 1996)
|
Simo Tagne Joseph
|
Médecin
|
Leader local de l'UFDC
|
UNDP (depuis 2002)
|
Ngayap Pierre Flambeau
|
Pharmacien
|
Secrétaire général de l'UNDP
|
(Source : enquêtes)
L'analyse des listes des conseillers
présentées par les partis politiques lors des différents
scrutins depuis 1996 présente des proportions variables. Si on
relève la domination généralisée des listes RDPC
par les élites urbaines, les partis politiques de l'opposition sont les
parents pauvres en la matière.
1) Le RDPC et la domination
généralisée des élites urbaines
Le RDPC est le premier parti à Bayangam au regard de
ses performances électorales. On observe que la tendance lourde dans les
arènes politiques locales était la domination des
autorités traditionnelles. En effet, la liste présentée
par le RDPC en 1996 avait comme tête de liste les trois chefs
traditionnels de la commune. Les chefs Batoufam, Bandrefam et Bayangam. Les
élites urbaines n'apparaissent qu'à partir de la 4 ième
position. Cette tendance s'est rapidement inversée après le
scrutin de 1996. Une élite urbaine ayant pris la tête de la
commune. Depuis 1996, les autorités traditionnelles n'apparaissent plus
en tête de liste proposée par le RDPC. Les listes pour les
municipales de 2002 et les partielles de 2004 sont conduites par des
élites urbaines. A titre d'illustration, on recense outre la tête
de liste Sohaing André, deux grands entrepreneurs des travaux publics,
un diplomate, un enseignant d'université, plusieurs hauts
fonctionnaires,etc. Bien plus, ces candidats officiels sont soutenus par de
nombreuses élites urbaines qui ne briguent pas de sièges au
conseil municipal. Les plus représentatifs sont l'ancien ministre de
l'Enseignement Supérieur, le professeur Tchuente Maurice, la ministre de
la Recherche Scientifique et de l'Innovation (MINESRI), le Docteur Tchuinte
Madeleine, le Gouverneur Noutsa Joseph, le pharmacien Kanmogne Jean Claude,
etc. Il n'en va pas de même dans les partis politiques de
l'opposition.
2) Les partis politiques de l'opposition, parents
pauvres des élites urbaines à bayangam
S'agissant des partis politiques d'opposition ayant une
audience à Bayangam, la tendance est quasiment la même en
matière de listes électorales. Les élites urbaines
conduisent les listes de leur parti aux consultations
municipales, la différence s'observe au niveau
de la quantité et de la qualité des élites.
Ainsi, en 1996, les listes proposées par le SDF et
L'UFDC sont toutes deux conduites par des élites urbaines. La tendance
s'est confirmée depuis 2002, l'entrée en scène de L'UNDP
s'est traduite par la conduite des listes par une élite urbaine.
Concrètement, le SDF ne compte qu'une seule élite urbaine en la
personne de M. Puepi Bernard, soutenu par Kago Lele Jacques, membre du NEC. Il
en est de même de l'UNDP avec M. Ngayap Pierre Flambeau. Contrairement
aux listes du RDPC, celles de l'UNDP et du SDF sont constituées en
majorité par des maîtres d'écoles, des retraités,
des paysans, des manoeuvres, des sans emploi et même
d'élèves.
Cette faible participation des élites urbaines dans
les partis politiques d'opposition, ne doit pas occulter le fait que peu de
places sont réservées aux élites du terroir dans la
politique en général. L'explication de cette faible
représentativité des élites du terroir tient à deux
principaux arguments. Le premier argument tient dans les propos d'un conseiller
municipal résidant au village : « Nous pensions
que les élites urbaines, parce qu'elles vivent en ville, sont plus
à même de porter nos doléances. Leurs voix portent plus que
la notre ». Le deuxième argument tient aux ressources
limitées des élites du terroir qui, pour la plupart,
dépendent économiquement des élites extérieures.
Au total, on observe qu'en dépit de l'existence d'une
élite locale, ou élites du terroir que sont les notables, le
chef, les représentants locaux des partis politiques, les élites
urbaines se sont dans une large mesure appropriées le jeu politique
à Bayangam. Toutefois, cette domination varie d'un parti à
l'autre. Si on note une véritable irruption des élites urbaines
dans les listes d'investiture que propose le RDPC, parti au pouvoir, il n'en
est pas de même dans les partis politiques de l'opposition où l'on
retrouve d'avantage des élites opérant dans le secteur
privé ou des fonctionnaires retraités. C'est sans doute ce
constat qui a amené Ibrahim Mouiche à conclure au
« leadership local
« généralisé » des élites
urbaines en faveur du parti au pouvoir » (2005 : 224). Cette
tendance lourde se confirme dans les instances communales bayangam.
PARAGRAPHE 2 : Les instances communales
bayangam et la participation dominatrice des élites urbaines
La domination de l'arène politique de Bayangam par les
élites urbaines est quantifiable et mesurable ; l'instance
communale étant ici l'unité de mesure. Avec la création en
1992 d'un arrondissement et en 1995 d'une commune, la chefferie a cessé
d'être le centre principal du pouvoir au village. Comme le relevait
Jacques Philibert Nguemegne (1998), les autorités traditionnelles
s'étaient appropriées les instances communales. Les arènes
municipales dans la période du monopartisme étaient devenues de
véritables « perchoirs » pour les chefs
traditionnels. C'est donc à juste titre que Ibrahim Mouiche (2005 :
207) soutient :
« ...sous le règne du parti unique,
l'alliance hégémonique entre chefs et pouvoir d'Etat avait
conféré aux premiers une certaine assurance voire un blanc-seing,
où ils étaient craints là où ils ne pouvaient
être respectés. Mais bien plus, en leur qualité
d'auxiliaires de l'administration, les chefs étaient associés aux
organes de base du parti soit comme élus, soit comme membres de droit.
En outre, ils étaient constamment investis comme candidats dans les
compétitions politiques somme toute non compétitives, à
l'instar des élections municipales ».
Mais, la démocratisation et le multipartisme sont
venus changer la donne. Les élections municipales de 1996, 2002 et 2004
à Bayangam ont consacré de manière progressive, la
domination des instances municipales par les élites urbaines.
En 1996, la proportion des élites urbaines est
relativement faible au conseil municipal. Comme nous le verrons plus loin,
c'est par ses ressources variées que le Bigman Sohaing a pu se
faire élire maire à la place du chef traditionnel Pouokam Kom
Christophe. L'hypothèse de la polyarchie s'est effectivement
vérifiée lors de ce premier scrutin municipal au regard de la
présence significative au conseil municipal d'élites issues de
filières et de partis politiques différents.
Tableau 4 : Résultats des
élections municipales de 1996 à Bayangam
Parti politique
|
RDPC
|
SDF
|
UFDC
|
Pourcentage des suffrages
|
44,27%
|
39,29%
|
38,54%
|
Nombre de sièges au conseil
municipal
|
18
|
5
|
2
|
(Source : Ouest Échos n°024 du 21
février 1996, p. 3; rapport du procès verbal)
Trois partis politiques sont représentés au
conseil municipal soit 2 sièges pour l'UFDC, 5 sièges pour le SDF
et 18 pour le RDPC. Ce premier conseil municipal a consacré, dans une
certaine mesure la domination des autorités traditionnelles. Même
si le tout premier maire est une élite urbaine, les deux adjoints sont
les chefs batoufam et bandrefam.
En 2002, la domination des élites urbaines est nette.
Bien qu'une seule liste ait remporté les élections, sur les 25
conseillers municipaux, 13 sont des élites urbaines. Parmi eux, deux
résident hors du Cameroun. Le premier en Norvège et le second en
Italie. Le maire et le deuxième adjoint sont également des
élites urbaines qui résident respectivement à Douala et
à Dschang. Le poste de premier adjoint était alors
réservé à une élite du terroir, M. Wakam
Dieudonné. Cette configuration de l'exécutif communal va changer
à la suite de la contestation réussie des municipales de 2002 par
le SDF, les partielles de 2004 ont consacré l'hégémonie
des élites urbaines. C'est ainsi que le poste de premier adjoint au
maire, réservé jusque là aux élites du terroir,
sera attribué à une élite urbaine. C'est ainsi que depuis
2004, le maire et ses deux adjoints sont des élites urbaines. Le maire
réside à Douala, le premier adjoint à Dschang et le
deuxième adjoint à Bamenda.
Tableau 5 : Progression de la domination
des élites dans l'arène politique de Bayangam.
Période
|
Nombre d'élites urbaines au conseil
municipal
|
Nombre d'élites urbaines dans l'exécutif
communal
|
1996-2002
|
14 sur 25
|
1 sur 3
|
2002-2004
|
13 sur 25
|
3 sur 3
|
2004-2006
|
14 sur 25
|
3 sur 3
|
(Source : enquêtes)
A ce niveau de notre analyse, on peut se poser une
question : pourquoi tant d'élites urbaines
s'intéressent-elles à la politique au village qui ne
représente que 49 km² et dont le budget de la commune en 1996
était inférieur a 40 million ?15(*) Laissons le soin à nos
informateurs de répondre. En effet, les raisons qui poussent les
élites urbaines à se battre sur la scène
périphérique sont diverses et varient d'un acteur à un
autre et sont fonction, non seulement de leurs positions au niveau de
l'échiquier politique national, mais aussi de leur affiliation
partisane.
Ainsi M.X, 54 ans, leader local de l'UNDP justifie ainsi son
choix :
« Je participe à l'action politique
à Bayangam pour ne pas laisser le terrain et la gestion des affaires du
village à des personnes qui n'ont pas de capacités
managériales appropriés, mais qui ont pour seuls arguments
politiques la corruption des consciences et l'argent à distribuer aux
populations à l'approche des
élections... »16(*). Dans le même ordre d'idées, un autre
répondra :
« ...c'est pour sensibiliser les villageois, leurs
faire prendre conscience de » ce qu'ils doivent se prendre en
charge... »
M.Y, élite urbaine et militant du RDPC résume sa
position en ces termes :
« Le sort des élites urbaines est
lié au sort du village. L'élite qui fait campagne le fait pour
elle-même. Ce qui est en jeu à Bayangam ce n'est pas la commune,
mais l'image qui va se dégager à l'issue du vote. Car le
positionnement sur l'échiquier national en dépend. A village
rebelle correspond élite rebelle. »17(*)
C'est dans le même ordre d'idées que l'on peut
comprendre ce commentaire d'un conseiller municipal, enseignant
d'université :
« Je fais la politique au village par
réalisme. Lorsque après les élections de 1992
(présidentielle) le RDPC a obtenu un score de 1% dans mon village, nous
en avons ressenti les effets en ville. C'est depuis cette époque que
nous nous sommes investis au village pour soutenir le
RDPC... »18(*).
CONCLUSION
Le parti pris dans le cadre de ce chapitre était de
montrer qu'à la faveur de la libéralisation politique survenue au
Cameroun dans la décennie 1990, l'arène politique rurale de
Bayangam s'est vue investir par une pluralité d'elites urbaines.
Contrairement à ce que pense Daniel Gaxie (1994), la politique en milieu
rural Camerounais, contrairement à la France, n'est pas le fait
d'amateurs ou de profanes. Les différents acteurs qui
se battent pour la conquête des positions de pouvoir
périphérique sont des professionnels de la politique au sens que
Max Weber (1959) donne à ce terme. Ils vivent pour et de la politique.
C'est le cas notamment de Sohaing, Ngayap, Tchuinte et Kago Lele19(*) qui sont tous des responsables
à un niveau élevé de la hiérarchie dans leurs
partis politiques respectif. Par ailleurs, une sociologie des élites
urbaines montre qu'elles ont des trajectoires socioprofessionnelles plurielles.
En effet elles sont hommes d'affaires, entrepreneurs, architectes, diplomates,
avocats, médecins et professeurs de lycée. Ainsi se trouve
effectivement vérifiée l'hypothèse de la polyarchie
à Bayangam.
Cependant, l'activité politique locale des
élites urbaines au village n'est pas un long fleuve tranquille. Elle
s'effectue dans un environnement contraignant.
CHAPITRE 2 : LES
DETERMINANTS DE LA VIE POLITIQUE BAYANGAM
Selon George Gurvitch, « le principe fondamental de
toute recherche scientifique sur le comportement électoral consiste dans
la comparaison entre les résultats des élections et les facteurs
qui peuvent contribuer à les expliquer » (1968 : 48). En
effet, l'analyse savante du comportement électoral s'inscrit soit dans
l'école stratégique soit dans l'école écologique.
En arrière plan des analyses stratégiques se situent les notions
de marché et d'offre politique. Par contre, les analyses de types
écologiques dégagent plutôt la vision d'un électeur
captif conditionné par des solidarités sociales (Braud,
2004 : 383-389 ; Mayer et Perrineau, 2002 : 39). Ces
considérations théoriques permettent de comprendre que la vie
politique est dans une large mesure déterminée par des facteurs
qui échappent plus ou moins au contrôle des acteurs. Autrement
dit, dans l'arène politique de Bayangam, les entrepreneurs politiques
que sont les élites urbaines font face à des contraintes.
En effet, l'activité politique des élites
urbaines à Bayangam s'exerce suivant un certain nombre de facteurs. Les
règles de l'échange clientéliste ne s'effectuent pas
seulement dans le sens de la domination. De véritables contraintes
pèsent aussi sur les « patrons » dont le maintien du
statut supérieur, dépend largement de leur capacité
à répondre aux attentes des supporters qui leurs sont
indispensables. A ce propos Jean Pascal Daloz relève justement que:
« The exercise of power rests firmly on commonly and mutually
accepted terms. Political elites themselves must operate within well-defined
constraints, even if patron-client relations remains unequally biased in their
favour » (2002:5).
Il est dès lors question pour nous de montrer à
quel types de contraintes, se trouvent confrontées les élites
urbaines dans l'arène politique de Bayangam. Il s'agit dans une certaine
mesure, de déterminer les facteurs prédictifs du vote en milieu
rural, étant entendu qu'ici, l'expression du soutien à une
élite s'effectue généralement lors des compétitions
électorales locales.
La prise en compte de la longue durée (Bayart, 1989)
permet de mettre en exergue la pertinence du « traumatisme
historique », qui, selon Mayer et Perrineau, pose le problème
de la mémoire collective dans les comportements politiques
(1992 :46). Le traumatisme historique des années de luttes pour
l'indépendance du Cameroun dans la localité de Bayangam,
structure encore de manière forte l'activité politique. Mais, le
contexte des années 1990 a introduit des éléments de
rupture d'ordre socio-politique qui constituent autant de contraintes à
la domination des élites urbaines.
SECTION 1 : LES FACTEURS SOCIO-POLITIQUES
Les facteurs socio-politiques
renvoient aux facteurs relatifs au contexte des années de crise
économique au Cameroun. En effet, depuis la
libéralisation politique, la redistribution par les élites
urbaines et les investissements des partis politiques au village sont des
contraintes sérieuses, même si par ailleurs le poids des
idées n'est pas négligeable.
PARAGRAPHE 1 : La (re) distribution, gage
d'influence politique au village ?
L'idée selon laquelle, le politique en Afrique est
très peu basée sur l'idéologie, est largement
répandue dans la littérature africaniste (Farvejon, cité
par Mouiche, (2005 : 49-50), (Daloz, 2002 : 5 ; 1999 : 17),
Bayart (1989), Nguemegne (1998 : 450). Le problème majeur auquel se
trouve confrontée cette analyse, en dépit de sa pertinence, c'est
de succomber aux charmes de l'exotique et du spécifique. La
« politique du ventre » telle que formulée par
Bayart (1989, chap. IX) n'est pas une spécificité africaine.
Comme l'à si bien montré J.L. Briquet (2003 : 32) même
en France en zone rurale, le clivage idéologique gauche /droite
cède le pas à des considérations plus matérielles.
Selon cet auteur, en Corse rurale les rapports politiques sont :
« étrangers aux conflits
idéologiques qui divisent les partis politiques,limité aux
enjeux circonscrits de la localité, se déroulant dans un contexte
d'interconnaissance, le vote se modèle fréquemment, dans ce cas ,
sur les relations personnelles et familiales. Il s'énonce plus
facilement dans les registres de la proximité individuelle
(l'amitié, la confiance, la reconnaissance) que dans ceux de la
conviction politique abstraite. Il peut être la contre partie (ou
l'anticipation) d'avantages matériels que l'élu local a
octroyé (ou promet) à certains de ses
électeurs ».
Ainsi, la « politique du ventre » qui
serait un trait anthropomorphique du négro-africain, tombe dans les
travers du développementalisme (Onana, à paraître).
Elle n'est pas non plus le seul facteur déterminant
pour la compréhension du politique en Afrique. L'étude du cas de
Bayangam permet de vérifier la pertinence d'un tel point de vue. En
effet, et au premier abord, l'influence des élites urbaines au village
est, dans une large mesure proportionnelle aux actes
d'évergétismes réalisés. C'est ainsi que les
leaders les plus influents (cf. tableau 1) le sont surtout pour les actions au
village. A titre d'illustration, le professeur Tchuente Maurice a posé
des actes qu'on peut regrouper en deux catégories : ceux concernant
la jeunesse et ceux destinés à la population en
général. Pour les jeunes du village, il a
régulièrement organisé des cours de
répétition pour les élèves en classe d'examen, des
examens blancs conduits par les étudiants Bayangam, distribué des
livres aux élèves méritants et a crée une
bibliothèque au lycée de Bayangam. Pour l'ensemble de la
population rurale, il a crée un groupe d'initiative commune (GIC),
distribuer des kits de santé. Son plus important projet est sans doute
le projet volaille initié en 2003 pour « lutter
concrètement contre la pauvreté en milieu
rural »20(*). Ce
projet avait pour ambition d'initier environ 185 femmes à
l'élevage des poulets de chair. Par ailleurs, il a construit deux ponts
et deux forages au village.21(*)
Dans le même ordre d'idées, l'influence de
Puepi Bernard résulte de son discours pour le «
changement », mais surtout de la latérisation de l'axe central
qui traverse le village, l'installation du téléphone à la
chefferie et dons de médicaments à des intervalles plus ou moins
réguliers aux deux centres de santé du village. Par ailleurs, le
fait qu'il ne soit pas un notable, malgré toutes ces réalisations
augmente son influence et sa crédibilité politique. En effet, les
paysans considèrent que contrairement aux autres élites, du RDPC
notamment, ces actes ne sont pas faits dans le but de s'attirer les honneurs.
C'est toujours dans la même perspective, qu'on peut
comprendre le peu d'influence au niveau local d'un leader d'envergure national
comme Ngayap pierre Flambeau. En effet, deux facteurs complémentaires
permettent d'expliquer sa relative faiblesse au niveau local. D'une part, la
fusion de son parti, la convention libérale avec l'UNDP et l'accord de
gouvernement passé entre l'UNDP et le RDPC; Lors d'un entretien qu'il
nous a accordé, le secrétaire général de l'UNDP et
leader local de ce parti s'explique :
« Les municipales de 1996, plus encore que les
législatives et la présidentielle de 1992, ont montré les
limites d'un parti basé simplement sur des idées de faire la
politique autrement. Les valeurs conservatrices restent ancrées dans les
mentalités, l'argent et la corruption des consciences restent l'argument
électoral dominant, même chez les jeunes. La scène
politique est alors dominée par trois grands partis : le RDPC, le
SDF et l'UNDP. Dans ces conditions, considérant que dans les dix
prochaines années, il sera difficile de voir émerger une autre
formation politique, la Convention Libérale décide d'interrompre
son aventure solitaire et de s'arrimer à un parti porteur d'avenir et
dans lequel ses membres peuvent exprimer leurs talents. Excluant d'office le
RDPC, après des contacts exploratoires avec les deux autres partis, le
choix est finalement porté sur l'UNDP ».
Du fait de son alliance avec le RDPC, l'UNDP est dans une
large mesure assimilé par les paysans au
« R »22(*) où ils préfèrent adhérer
directement pour en tirer les bénéfices ou alors au SDF. D'autre
part, le volume relativement faible des actes d'évergétisme
constitue le second facteur. Ainsi a-t-il contribué à la
rénovation de l'Église Évangélique de son quartier
et fait des dons de houes23(*), ce qui en comparaison avec les réalisations
des autres élites urbaines, du point de vue des paysans, n'est pas
significatif.
Il convient toutefois de ne pas exagérer la part des
contraintes d'ordre matériel. En effet, au regard des résultats
des élections municipales, on se rend compte que le patronage politique
exercé par Fru Ndi sur l'électorat bamiléké avec
son discours de « changement » doit également
être pris au sérieux (Mouiche, 2005). Si non, comment
comprendrait-t- on le succès que remporte le SDF qui ne fait pas
« boire » et « manger » pour s'attirer
une clientèle politique ? Les scores très souvent
serrés sont sans rapport direct avec les réalisations des uns et
des autres. En effet, si la seule variable
« redistribution » devait être prise en compte, seul
le RDPC remporterait des suffrages à Bayangam. Les résultats des
trois compétitions locales qui s'y sont déroulées depuis
huit ans sont à ce titre illustratifs. Ainsi, alors que le parti au
pouvoir dispose qualitativement et quantitativement de plus d'élites
(cf. tableau : 1), en 1996 les résultats sont presque
équilibrés pour les trois partis en présence : 44,27%
pour le RDPC, 39,29%pour le SDF et 38,54% pour l'UFDC. En 2002, les
résultats des municipales ont été contestés avec
succès par l'opposition devant les juridictions compétentes.
C'est dire, qu'en définitive la place des
« idées » dans la politique au village est
importante.
PARAGRAPHE 2 : Les investissements sociaux
des partis politiques au village
De la même manière que les élites
urbaines, les partis politiques sont contraints de faire état de leurs
réalisations à côté de celles de leurs leaders pour
s'attirer une clientèle politique. C'est ainsi que par nos
enquêtes de terrain nous avons pu recouper grâce aux professions de
foi des différents partis en présence les actes posés ou
les promesses de réalisation. Les professions de foi permettent de
comprendre l'enjeu de la redistribution au village. Si à titre
individuel, les élites urbaines du RDPC ont réalisé le
plus d'investissement c'est le parti SDF qui, de ce point de vu est en
tête.
Dans cet ordre d'idées, le SDF a construit un bloc
d'hospitalisation de trois salles comportant quinze lits en plus des latrines
au Centre Médical d'Arrondissement de Bayangam grâce aux fonds des
microprojets parlementaires de ses députés entre 1997 et 2002. Ce
bloc est peint aux couleurs vertes - blanches de ce parti. Des dons de tables-
bancs ont également été faits aussi bien au Lycée
de Bayangam, au CES qu'aux diverses écoles primaires et maternelles du
village24(*) par les
militants les plus nantis de ce parti depuis que le RDPC a remporté les
législatives dans le Koung-Khi en 2002.
Le RDPC pour sa part dans son « bilan des
réalisations en faveur des populations »25(*) mettait en exergue des
investissements d'un coût total de 4 951 195 de F CFA. De
manière concrète, cet argent a été utilisé
pour refaire ou construire des ponts et chaussées, refaire certaines
écoles, l'achat d'un microscope et d'un moulin à écraser.
Seul l'UNDP ne se targue pas de réalisation matérielle
significative.
A coté de ces investissements des partis politiques au
village, une analyse des professions de foi fait ressortir un chapelet de
promesses faites pour s'attirer une clientèle politique.
Il apparaît au total que les facteurs socio- politiques
jouent un rôle important dans la politique locale de Bayangam et
constituent de ce fait des contraintes auxquelles les élites urbaines ne
peuvent se soustraire. Ces contraintes politiques et économiques sont
dans une large mesure liées à la conjoncture de crise
économique des années 1987. La prise en compte de la longue
durée permet de prendre au sérieux l'impact des luttes des
années d'indépendance.
SECTION 2 : LE TRAUMATISME DES LUTTES DES
ANNEES D'INDEPENDANCES A BAYANGAM
L'histoire locale de Bayangam
montre que les luttes d'indépendances des années 1950-1960 ont
marqué la mémoire collective des populations et y structurent
encore de nos jours les comportements politiques.
PARAGRAPHE 1 :
des luttes d'indépendance des années 1950-1960 à
Bayangam.
Les luttes d'indépendances ont été
entreprises au Cameroun par l'union des populations du Cameroun (UPC) dans les
années 1950.En effet, après sa création le 10 avril 1948
par des Bassa, Um Nyobe et Mayi Matip, des douala, Abel Kingue, et des
bamilékés comme Ernest Ouandié et Félix Moumie, ce
parti militera d'abord dans la légalité pour
l'indépendance du Cameroun, avant d'être mis hors la loi en 1955.
C'est à partir de ce moment que l'UPC entrera dans le
« maquis ».
A Bayangam, la rébellion trouve un train favorable,
car la masse des « cadets sociaux » y adhère au
discours révolutionnaire sur l'égalité et
l'indépendance. L'Armée de Libération Nationale du Kamerun
(ALNK) dirigée par des locaux,Tchoupo, Simo Pierre et Bentse - d'anciens
bandits chassés du village avant les troubles (NENKAM, 1979),
aidé de Singha de Badenkop et Paul Momo de Baham, terrorisa la
population de Bayangam. C'est ainsi que des hommes sont brutalement
éliminés, des tribunaux populaires jugent et châtient les
« traîtres », des impôts élevés
frappent la population. Même l'intervention des forces de l'ordre
participa des troubles dans la mesure où, eux aussi se livraient
à des actes de pillage et de vol en tout genre.
Les violences continuèrent ainsi jusqu'en 1960. A la
veille des élections législatives du 10 avril 1960, le pasteur
Nenkam David de l'église évangélique du Cameroun
située à Koupoue et le prêtre de la mission catholique de
Mbeng, trouvèrent une mort violente26(*). Les archives de la chefferie montrent qu'il y a eu
plus de 100 morts. En effet, lors de la campagne pour ces legislatives, Kamdem
Minym Pierre, le chef des Baham destitué en 1957 se promenait à
bord de sa jeep qui lui permettait de sillonner les villages. Il arrêtait
les gens qui refusaient de défendre sa cause et ses adversaires
politiques qu'il considérait comme des traîtres et leur tirait une
balle dans la tête. Par ailleurs, d'après un témoignage
recueillit par Nguemegne (1998 :181-182), Les tueries n'étaient pas
le fait des seuls maquisards :
« Il y avait une sorte de rivalité inter-
villages, et aussi entre les élites des villages. Les familles
s'entretuaient : on tuait les enfants bien placés,
c'est-à-dire instruits, ou ayant socialement réussi des autres
familles. Les gens d'un village allaient éliminer physiquement les
élites des villages voisins et détruire leurs infrastructures
viables. Une fois l'infâme tâche finie dans un village, il fallait
à tour de rôle, poursuivre l'oeuvre de destruction dans les
localités suivantes. Et réciproquement, le cycle infernal
recommençait... »
Les images de cette époque troublée restent
vives dans la mémoire collective locale et n'est pas sans effet sur les
comportements politiques des différents acteurs dans l'arène
politique de Bayangam. On peut ainsi, avec Jean-François Bayart
(cité par Mouiche, 2005 : 56) soutenir que la lutte pour
l'indépendance du Cameroun a « structuré sur la longue
durée les attitudes et les comportements des acteurs » et leur
a ainsi procuré un « idiome » qui plusieurs
années après les événements eux-mêmes
s'avère encore capable de « circonscrire le champ des
possibles politiques ». Ces événements historiques sont
importants pour comprendre l'activité politique à Bayangam de nos
jours.
PARAGRAPHE 2 : Des effets du traumatisme
historique des années de lutte sur la politique à
Bayangam
Les événements décrits plus haut
permettent de comprendre l'historicité de la peur des populations du
Koung-Khi en général et des Bayangam en particulier pour la
politique et la résistance des populations locales au discours politique
des élites urbaines.
Ainsi, à partir des résultats des
élections municipales par quartier, il apparaît qu'il y a une
corrélation entre quartiers ayant subi les affres des luttes des
années d'indépendance et vote contre le parti au pouvoir. A titre
d'illustration, les quartiers comme Tchala, Tougoue, Beng et Koupou sont
considérés comme des fiefs de l'opposition, notamment parce
qu'étant plus proches de Baham et de Bangou, ils ont subi avec beaucoup
plus d'intensité les conséquences des violences des années
1950-1963. En effet, Bangou est un ancien fief de l'UPC et terroir d'Ernest
Ouandie dernier chef historique dudit parti. Même si ce parti a perdu de
son audience, c'est essentiellement au profit du SDF. Par contre, les quartiers
comme Kassap, quartier du maire et Hiala, quartier où se situe la
chefferie traditionnelle, sont dans une large mesure acquis à la cause
du RDPC. En effet la chefferie de Bayangam est l'une des chefferies ayant dans
une certaine mesure échappée aux
destructions.
Bien plus, les statistiques des électeurs par tranche
d'âge révèlent que la participation est très forte
chez les personnes du troisième age chez qui la mémoire des
événements est encore assez vivante. Au contraire, les jeunes de
20 à 25 ans pour ceux non encore touché par l'exode rural,
participent très peu aux élections. La participation des femmes
est presque aussi forte que celle des hommes.
Tableau 6 : Statistique des
électeurs par tranche d'âge dans l'arrondissement de Bayangam
(2004)
|
Tranche d'age
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
effectifs
|
19 /20
|
20/25
|
25/30
|
30/40
|
40/50
|
50/60
|
60/70
|
70/80
|
80/90
|
100 et +
|
11 193
|
6
|
626
|
1460
|
2850
|
2003
|
848
|
1150
|
1001
|
419
|
130
|
(Source : archives, sous-préfecture de
Bayangam)
Tableau 7 :
Statistique des électeurs par sexe (2004)
Inscrits
|
Nombre d'hommes
|
Nombre de femmes
|
11 136
|
6221
|
4915
|
(Source : archives, sous-préfecture de
Bayangam)
Le traumatisme historique constitue ainsi une contrainte
à laquelle les élites urbaines font face à Bayangam. Ce
facteur permet ainsi d'apporter un bémol au discours récurrent
sur la politique du ventre.
CONCLUSION
L'objectif dans ce chapitre était de montrer que les
élites urbaines poursuivent leurs objectifs de conquête et de
domination de l'arène politique rurale dans un environnement qui leur
impose des contraintes. C'est ainsi que la prise en compte de la longue
durée nous a permit de mettre en exergue le poids du traumatisme
historique dans la structuration des comportements politiques des paysans.
Mais, sous l'effet de la conjoncture des années 1990, se sont
ajoutés des contraintes liées à la redistribution au
village ; l'influence des élites au village est dans une large
mesure proportionnelle aux investissements faits en direction du terroir. Par
ailleurs, la place des « idées » ne doit pas
être négligée. Ainsi, l'entreprise politique de domination
des élites urbaines ne s'effectue pas sans résistance de la part
des paysans et de l'environnement. Elle rencontre, sur le marché
politique de Bayangam, des difficultés variables à mobiliser sa
clientèle du fait des caractéristiques socio-culturelles qu'il
présente (ruralité, tradition, historicité, etc.).
Face à ces nombreuses contraintes auxquelles les
élites urbaines doivent faire face, l'une d'entre elles semble s'imposer
et apparaît comme la figure du cacique.
CHAPITRE 3 : DE LA DOMINATION
« BIGMANIAQUE » DE SOHAING André A
BAYANGAM
Si Max Weber (1992) est le théoricien
de la domination, la notion de big man a quant à elle
été initialement conceptualisée en anthropologie par
Marshal Sahlins (1963) pour rendre compte de la différence fondamentale
entre la société mélanésienne et
polynésienne. Le Big man est un leader, qui par ses propres
efforts, a réussi à émerger et s'est hissé au
dessus du lot des communs et bénéficie d'une grande
renommée. Ce modèle a été repris et adopté
au contexte africain entre autres, par Jean François Médard et
Yves Faure pour rendre compte des trajectoires des élites africaines
(Médard,1989, Médard et Faure,1994). Comme le relève
Patrick Quantin et Jean Pascal Daloz, cette approche en termes d'élites
est « nécessaire » dans la mesure où l'Etat
en Afrique se caractérise par un faible niveau d'institutionnalisation
du pouvoir et par conséquent par une forte personnalisation du pouvoir
(Daloz, 2002 : 1 ; Médard, 1989 : 42). Dans le même
ordre d'idées, Sophia Mappa soutient qu'en Afrique, on ne distingue pas
l'Etat en tant qu'institution, des hommes qui l'occupent. L'État est peu
intériorisé et ne constitue guère un objet de
réflexion ou de débat. « Ce sont, dit-elle, les
hommes politiques qui sont objets de débats » (1900 :
169).
C'est ce constat qui a dans une large mesure, justifié
la prise en compte de la variable personnelle dans l'analyse de l'Etat
africain. Mais l'accent a très souvent été mis sur les
seules élites du « haut », les
« numéros 1 » et les « numéros
2 » au détriment des autres titulaires du pouvoir (Quantin,
2005; Médard, 1989). Or, comme le suggère Ibrahim Mouiche
« ce genre d'études sur le `' haut'' demande à
être irrigué par celles du `'bas'' » (2002 : 126).
C'est dans cette perspective que nous analyserons la trajectoire d'un acteur
politique d'en « haut » qui s'implique dans les
élections municipales dans son terroir.
En effet, l'identification des élites urbaines
participant au jeu politique local nous a permis de vérifier la
pertinence de l'hypothèse de la polyarchie dans l'arène politique
de Bayangam. Toutefois, ce pluralisme masque mal l'hégémonie
d'une élite à savoir Sohaing André qui apparaît
comme la figure du cacique, c'est-à-dire selon Fogui « un
leader qui contrôle la quasi-totalité de ressources politiques,
économiques et sociales d'une zone géographique donnée et
qui est implicitement reconnu comme tel par les leaders extérieurs
à la zone ». Pour paraphraser Robert et Helen Lynd
(1971 : 214), on peut dire qu'à l'instar des villes
américaines, chaque village à l'Ouest Cameroun possède son
lot d'hommes d'affaires triomphants27(*).
Après avoir étudié les ressources de
Sohaing, nous verrons en quoi il est un bigman à Bayangam.
SECTION I : SOHAING
André : DU CAPITAL ÉCONOMIQUE AU CRÉDIT
POLITIQUE
Pour Yves Faure et Jean
François Médard,
« En Afrique
subsaharienne (...) le politique est réduit à l'économique
et, d'une certaine manière, l'économique au politique. En
régime patrimonial pouvoir politique, richesse et prestige sont
largement confondus. Ils finissent par se coaguler dans un processus complexe
et cumulatif. Mais à l'origine, ce n'est pas tant la richesse qui est
source de pouvoir que le pouvoir qui est la source de richesse. »
(1995 : 293).
L'analyse révèle en effet que Sohaing est
à la fois un entrepreneur économique et un entrepreneur
politique. Pour la Banque Mondiale, « entrepreneurs are people
who perceive profitable opportunities, are willing to take risks in persuing
them, and have the hability to organise a business » (cité par
Warnier, 1993:127). A l'analyse Sohaing apparaît comme un entrepreneur
économique et comme un entrepreneur politique.
PARAGRAPHE 1 : Sohaing André, un
entrepreneur de la diaspora commerçante
Bamiléké
Sohaing André est né le 21 janvier 1933
à Bayangam, où il entreprend des études primaires. En
1950, soit à 17 ans, il quitte le village pour Douala. C'est donc
très jeune à Douala qu'il découvre le commerce dans les
boutiques de Bessengué. C'est dans ce cadre qu'il est remarqué
par les grecs qui détiennent alors la plupart des affaires au Cameroun.
Entre 1950 et 1966, il se consacre au commerce de l'alimentation, des boissons
et dans l'importation du sucre28(*). En 1977, il rentre dans l'hôtellerie en
acquerrant Akwa Palace, hôtel quatre étoiles situé à
Douala.
En 1981, il est classé neuvième des plus
importants hommes d'affaires camerounais (Ngayap, 1983 : 261). Il dirige
alors la compagnie soudanaise dont le capital social s'élève
à 240 millions, la société Camerounaise de mise en
bouteille de vin et de représentation de marque, au capital social de 60
millions, la société de biscuiterie koupan-Sohaing-Cameroun ainsi
que les établissements Nein et Cie., à côté de ses
nombreuses affaires dans l'immobilier.
Sohaing fait ainsi partie de la « première
génération d'entrepreneur bamiléké » dont
parle Jean Pierre Warnier (1995 : 66-67 ; Geschiere et Konings,
1993 ; Mouiche, 2005). Celle-ci est constituée des cadets migrants,
nés et socialisés au village en contexte inégalitaire. Ils
sont allés en ville ou dans les zones de plantation à un
âge relativement précoce (entre 10 et 20 ans). Leur bagage
scolaire est inexistant ou réduit à quelques années
d'enseignement primaire. Rares sont ceux qui, possèdent le certificat
d'études primaires élémentaires ou qui ont passé
quelque années dans le secondaire. Ils ont commencé par occuper
des petits métiers de rue (marchands ambulants, laveurs de taxis,
porteurs d'eau), tout en menant une existence austère. Ils ont
constitué un capital grâce à la participation à une
tontine qui leur a fourni soutien moral, conseil en affaires, et moyen de
résister à la demande de la parentèle. Autour de la
trentaine ils ont contracté une union avec une femme partageant leur
capacité et leurs aspirations. Dès lors, les revenus de
l'épouse pourvoient aux besoins de la maisonnée, et ceux de
l'époux sont réinvestis dans l'immobilier de location, le
commerce, le transport, etc.
La période de prospérité qui va de 1955
à 1986, a permis à SOHAING de réaliser l'accumulation lui
permettant de se hisser au dessus du petit artisanat ou des métiers de
rue pour fonder des entreprises dans le secteur du commerce, de l'immobilier de
l'hôtellerie, de l'agro alimentaire, etc.
Sohaing compte parmi les hommes d'affaires ayant atteint
« le seuil de crédibilité politique »
(Ngayap, 1983). Sa place dans le monde des affaires peut également
être comprise au regard des titres symboliques dont il est titulaire. En
1988, il est intronisé compagnon de Beaujolais, nommé commandant
du grand conseil de bordeaux, Chevalier du coteau de champagne, etc. En effet,
il a été pendant longtemps l'importateur exclusif des vins et
spiritueux français au Cameroun.
Sohaing mobilise ainsi selon Jean François Bayart les
« symboles culturels de l'occident non seulement dans son pays ou
envers ses partenaires, mais aussi aux yeux de son terroir »
(1996 : 19-20). Sa trajectoire est particulière, car il ne rentre
dans aucun des trois cursus élaborés par Faure et Medart (1995).
Par contre, sa trajectoire colle bien au phénomène du
chevauchement ou straddling. Comme le précise ces
derniers :
« le straddling(...) se caractérise en
premier lieu par le cumul de positions. C'est- à- dire qu'un même
individu peut être à la fois haut fonctionnaire, dirigeant du
parti unique, grand propriétaire, homme d'affaires etc....le constat
répété de ce cumul permet de parler de
straddling »(1995 :305).
Dans cet ordre d'idées, l'accumulation des ressources
par le big man s'appuie à la fois sur des positions
formelles et informelles, politiques, économiques et sociales
très diversifiées. Seule une étude du processus de cumul
et de passage d'une position à l'autre permet de rendre compte de la
dynamique de l'accumulation.
Si Sohaing apparaît ainsi comme un entrepreneur
économique au regard des ressources accumulées, il est aussi un
entrepreneur politique dans la mesure ou l'ouverture démocratique lui a
permis de convertir les ressources d'une nature en ressource d'une nature
différente; autrement dit, ses ressources économiques en
ressources politiques.
PARAGRAPHE 2 : SOHAING, un entrepreneur
politique
Si Sohaing est un des hommes d'affaires qui comptent au
Cameroun, il est aussi un homme politique. Dans la perspective de Jean Patrice
Lacam (1988 : 24-25) :
« À l'instar d'un chef
d'entreprise, l'homme politique est un entrepreneur. Il l'est, non pas au sens
commun où, élu, il gère les affaires de sa
collectivité, mais au sens où, d'une part, il se constitue un
capital de ressources utiles à sa carrière, et où, d'autre
part, son capital constitué, il active ses ressources dans le but de
produire du pouvoir ».
A la différence de Fotso qui n'entre de manière
ouverte en politique qu'avec la libéralisation politique (Mouiche,
2002 : 133; Nguemegne (1998), Sohaing a toujours cumulé affaires et
politique. C'est ainsi qu'après avoir été simple militant
de l'union nationale camerounaise (UNC), il est nommé en 1975, membre du
comité central de ce parti sous le régime d'Amadou Ahidjo. Lors
du 4 ème congrès ordinaire de l'UNC à Bamenda en mars 1985
au cours duquel le parti allait se transformer en RDPC, il sera maintenu par
Paul Biya, le nouveau président, au comité central où de
nombreux hommes d'affaires vont l'y rejoindre, notamment Samuel Kondo, Pierre
Tchanque, Joseph Sack et James Onobiono (Owona Nguini, 1996). Avec
l'avènement du multipartisme et de la démocratisation, il est
élu député suppléant du Wouri à Douala en
1992. Outre ses positions de pouvoir dans les instances politiques, il est,
depuis 2003, le président de la section Commerce à la Chambre de
Commerce, d'Industrie, des Mines et de l'Artisanat. Dans le même ordre
d'idées, mention doit être faite de ses nombreux titres
honorifiques : chevalier de l'ordre de la valeur, chevalier du
mérite camerounais, etc.
Le politicien investisseur, par la
mobilisation de ses ressources et par la réalisation d'actes concrets,
cherche à produire du pouvoir. Or, très peu d'hommes politiques
font explicitement référence à leur goût pour le
pouvoir pour définir leur ambition locale. De toutes les élites
urbaines que nous avons rencontrées, très peu affirment leur
goût pour le pouvoir. Même s'il convient de prendre au
sérieux la « recherche du bien pour le
village »29(*)
comme but de leur activité, il n'en reste pas moins que à
l'instar des chefs d'entreprises, l'homme politique recherche le pouvoir
politique, soit parce qu'il le considère comme un moyen au service
d'autres fins, idéales ou égoïstes, soit qu'il le
désire pour lui-même en vue de jouir du sentiment de prestige
qu'il confère (Weber, 1959, 126). Avoir du pouvoir dans la perspective
de Jean Patrice Lacam, « c'est, pour l'entrepreneur politique,
avoir la capacité de faire systématiquement prévaloir ses
idées lors des processus décisionnels portant sur des enjeux
clés, et ce, dans le cadre d'un agenda politique totalement
maîtrisé »(1988 : 25).
Pour Sohaing André cette production du pouvoir
s'est traduite par la conquête et la conservation de plusieurs centres de
pouvoir. Ainsi, après avoir obtenu le titre honorifique de Fowagap,
il est devenu maire de Bayangam en 1996 et a conservé sa position
depuis lors.
Tableau 8 : Matrice des ressources politiques
de Sohaing30(*)
Origine Des Ressources
|
Fonction Des Ressources
|
Coercitives
|
Retributives
|
Persuasives
|
Personnelles
|
|
-Président du groupe SOHAING
|
-Titre de Fowagap
-Chevalier de l'ordre de la valeur
-Chevalier du mérite camerounais
|
Contextuelles
|
-soutien des différentes autorités administratives
de l'ouest (gouverneur, préfet, sous-préfet)
|
-Amitié des présidents Ahidjo et Biya.
-Amitié des principaux hommes d'affaires
-amitié des autorités administratives
provinciales
|
-Soutien logistique apporté par le RDPC
-Soutien des militants
-soutien des autorités traditionnelles en 1996
|
Institutionnelles
|
-Membre du comité central de l'UNC
-Membre du comité central du RDPC
|
-Président de la section commerce à la chambre du
commerce, d'industrie, des mines et de l'artisanat du Cameroun (2003)
-Député du Wouri (1992)
-Maire de Bayangam depuis 1996
|
|
(Source : enquêtes)
Au surplus, il a réussi par ses multiples ressources
à implanter les locaux de la sous - préfecture et de la mairie
dans sa concession familiale à kassap, en dépit de la
contestation des autres élites et des autorités
traditionnelles.31(*)
C'est ainsi que les manifestations publiques comme la fête de la jeunesse
ou la fête nationale du 20 mai se déroulent chez le maire. Sans
fausse modestie, le maire de Bayangam nous
déclarait : « je suis fier d'être le maire des
intellectuels. Lorsqu'en 1990 certains demandaient la conférence
nationale, moi j'ai demandé un district pour Bayangam ».
Au total, l'identification sociopolitique de Sohaing
André nous a permis de faire un inventaire de ses ressources politiques.
Il convient dès lors de comprendre comment et en quoi il est un
Bigman à Bayangam.
SECTION II : LE FONDEMENT DU
« BIGMANISME » DE SOHAING André à
BAYANGAM
C'est par ses réalisations au village que Sohaing est
considéré comme un Bigman. On le sait, sous le
régime du parti unique au Cameroun (1966-1990) les entrepreneurs
économiques « brillaient » par leur apathie
politique. Avec la démocratisation beaucoup vont entrer en politique en
s'efforçant de convertir leurs ressources économiques et
financières en dividende politique. C'est ainsi qu'on va assister
à ce que Ibrahim Mouiche appelle « l'élargissement de
la classe politique RDPC aux principaux hommes d'affaires
bamiléké » (2005 : 50). Même si comme on l'a
vu, M. Sohaing André est rentré en politique de longue date,
c'est l'ouverture démocratique qui va l'amener à s'inscrire dans
la logique de ce que Jean-Pascal Daloz qualifie de quête
« bigmaniaque », c'est à dire l'obsession de
s'ériger en figure dominante et incontestée écrasant tout
challenger en vertu des capacités supérieures de redistribution.
De fait, le bigman, c'est quelqu'un qu'on suit pour ce qu'il a
à donner.
La renommée des hommes politiques est souvent
basée à la fois sur des faits précis et sur des bruits et
rumeurs invérifiables (Médard, 1989), ce qui n'en constitue pas
moins une ressource politique pertinente.
PARAGRAPHE 1 : Du mythe et des
« rumeurs invérifiables » sur la personnalité
de Sohaing André
Sohaing apparaît dans la vie politique de Bayangam
à partir de 1992. Pendant les années dites de
« braise », le chef de l'État avait reçu les
principaux hommes d'affaires bamiléké. A la sortie d'audience,
aux journalistes qui voulaient savoir ce dont il avait parlé
avec le Président de la République, Paul Biya,
il a répondu « j'ai demandé au Président que
Bayangam soit érigé en district »32(*)
Or, comme souligne à juste titre Luc Sindjoun :
« La périphérie est un espace local construit par les
acteurs politiques dominants du centre à des fins de contrôle
social et de rayonnement territorial d'un système de domination
politique » (2002 : 34). En effet, toujours selon cet auteur,
la
« Promotion d'une localité dans l'ordre
administratif (est) pratiquement la condition sine qua non pour être
pourvu en infrastructure moderne (établissement d'enseignement public,
hôpitaux....). Le contrôle du découpage par le
président de la république apparaît alors comme une
ressource politique, comme un moyen pouvant éventuellement permettre
d'obtenir des soutiens et recevoir des requêtes de localités en
quête d'émancipation administrative » (2002-64).
Dans cet ordre d'idées, le partage administratif
devient par conséquent une ressource pour les élites urbaines qui
en revendiquent la paternité. Bayangam en tant qu'unité
administrative est dans une large mesure associée à la figure de
Sohaing André. On peut ainsi lire dans Cameroun Soir du 15
février 1996 :« Le président Sohaing incarne
Bayangam, et n'en est pas une simple élite .Il a sorti Bayangam des
ténèbres . Il fait corps avec son
Bayangam... ».
En effet, les demandes formulées pour demander
l'érection de Bayangam en unité administrative datent de 1963
(Kuipou Chimba, 1986 :166). Ainsi, même si dans une large mesure la
constitution de Bayangam en une unité administrative et une
collectivité territoriale décentralisée, respectivement en
1992 et en 1995, est le résultat d'un long processus ayant engagé
plusieurs acteurs33(*)
d'une part, et de la conjoncture favorable des années 90 d'autre part,
c'est Sohaing qui en retire tous les bénéfices politiques, car
Bayangam est considéré par les villageois comme étant sa
« chose »34(*).
Un autre argument qui milite en faveur de la domination de
Sohaing, c'est sa puissance réelle et/ou supposée dans le
processus de sélection locale des élites. C'est ainsi qu'au
village, la promotion d'un natif au poste élevé dans
l'État ou leur déchéance sont inscrites à son
actif. A titre d'exemple, les nominations du professeur Maurice Tchuente en
2002 et du Docteur Madeleine Tchuinte en 2004 comme membres du Gouvernement et
celle de M. Joseph Noutsa comme gouverneur de l'Adamaoua sont inscrites
à son actif. De la même manière et, en sens inverse, le
départ du gouvernement du premier et les péripéties de M.
Puepi Bernard, ancien directeur du Cadastre sont considérés comme
étant des victimes de la puissance du Bigman.
Sur un autre plan, malgré la nomination de
sous-préfets à Bayangam, ceux-ci demeurent très souvent
sous son commandement.35(*)
La domination « bigmaniaque » de
Sohaing s'appuie aussi sur des actes concrets.
PARAGRAPHE 2 : Les investissements sociaux au
village
Les actes d'évergétisme du milliardaire de
Bayangam sont nombreux. Pour un inventaire ordonné, nous distinguerons
ceux réalisés pour le compte des institutions publiques de ceux
réalisés pour les institutions traditionnelles.
Pour le compte des institutions publiques, on peut
relever :
-La contribution à hauteur de 80% pour la
construction du collège Polyvalent Saint Christophe, soit 30 millions
CFA;
-Contribution à hauteur de 40% pour la construction du
foyer social;
-Construction de l'Hôtel Akwa kassap;
-Construction du CES de Kassap livré clé en
main, soit 4 salles de classes entièrement équipées;
-Construction de deux forages;
-L'offre à titre gracieux des locaux provisoires
à la sous-préfecture de Bayangam36(*). (Un logement pour le sous-préfet de 1995
à 2004, locaux pour les services administratifs de 1995 à
2002);
-Offre de deux moulins a écrasé le mais;
-Offre d'un véhicule de service Nissan Patrol tout
terrain au sous-préfet;
-Don à la commune d'une Nissan Pick-up double cabine
(24 000 000 CFA)37(*).
A coté de ces réalisations
opérées dans le cadre des institutions publiques, les largesses
du bigman vont également en direction des autorités
traditionnelles .C'est ainsi que le feu chef, sa majesté Pouokam I a
reçu plusieurs véhicules, une Land Rover, une Mercedes 300 et une
Mercedes 280 (Nguemegne, 1998 :418). Dans la même perspective, il a
contribué à hauteur de dix millions pour l'achat d'un
véhicule neuf à sa majesté Pouokam II et son
adjoint.38(*)
Par ailleurs, les distributions ponctuelles d'aliments, de
pagnes et même parfois d'argent sont faites, soit pour des quartiers
précis, soit pour les militants du RDPC .Un responsable local du RDPC
résume ainsi une partie des activités de son chef :
« Fowagap organise une réunion
générale des sous- sections une fois par mois et une
réunion des présidents des sous-sections tous les deux mois
ponctuée par la distribution des aliments .Tous les « 11
février et 20 mai », il organise une coupe et
récompense tout le monde »39(*).
CONCLUSION
L'analyse de la structuration du pouvoir à Bayangam
permet de relever qu'en dépit du pluralisme des élites urbaines
en présence, la domination « bigmaniaque »
de Sohaing André est un fait indubitable. Cet entrepreneur a
réussi à convertir ses ressources économiques en
crédit politique. En prenant appui sur une multiplicité de
ressources personnelles, institutionnelles et coercitives, il a pu s'imposer
politiquement au village depuis les premières élections
pluralistes locales de 1996 malgré une véritable concurrence. Si
sa trajectoire doit être rapprochée de celle des autres big
men de l'Ouest, il présente cependant une spécificité
par rapport à Fotso Victor de Bandjoun, qui lui ne rentre en politique
qu'à partir des années 1990, et par rapport à Kadji
Defosso de Bana qui n'a milité dans le parti au pouvoir qu'après
avoir soutenu ouvertement l'opposition. La spécificité de Sohaing
tient à son entrée de longue date en politique dans le cadre de
l'UNC devenu RDPC depuis 1984.
Il convient toutefois de ne pas considérer cette
domination dans sa dimension absolue. Le local contribue aussi à
restructurer l'activité des élites urbaines qui s'y trouvent
confrontées à de nombreuses contraintes et résistances qui
limitent leur hégémonie.
CHAPITRE 4 : LES LIMITES AU LEADERSHIP POLITIQUE
LOCAL DES ELITES URBAINES BAYANGAM
Il s'agit ici de montrer que la domination de l'élite
urbaine sur la scène politique locale n'est pas absolue. Elle est
contestée et concurrencée. La question est dès lors celle
de l'identification des différents protagonistes et de la description
des processus conflictuels qui en ont découlés. La mobilisation
de l'interaction montre que dans une société d'interconnaissance,
les rapports entre les diverses unités sociales débouchent sur
des conflits et des rivalités. La politique implique des conflits qui
ont trait soit à des avantages matériels, soit à des
positions sociales et à des principes moraux (Edelman, 1991 : 129).
Dans une arène politique, les acteurs se mesurent toujours à
d'autres qu'ils regardent comme des adversaires ou des ennemis. Comme le
relève à juste titre Karl Schmitt (1992), la politique est le
lieu de discrimination entre l'ami et l'ennemi. L'arène politique de
Bayangam obéit plutôt à la configuration amis /
adversaires, du fait du processus de « parlementarisation »
politique. Dans la perspective de Luc Sindjoun, la parlementarisation renvoie
à un processus social contrôlé par l'État en vue de
la lutte politique pacifique, de l'exclusion de la violence destructrice de
l'adversaire, du renforcement de la légitimité de la
compétition (1999 : 33-34). Les conflits sont envisagés ici
dans leur dimension relative et non extrême. Toutefois, Julien Fruend,
précise qu' « il est impossible d'exprimer une
volonté réellement politique si d'avance on renonce à
utiliser la puissance, la contrainte et la violence » (Schmitt,
1992 : 14).
R. Darendorf a distingué entre deux types de conflits,
les conflits de pouvoirs et les conflits d'autorités. Dans cette
perspective le pouvoir est considéré comme la probabilité
de voir sa volonté s'imposer, tandis que l'autorité renvoie
à la probabilité qu'un ordre donné soit
exécuté.
Deux principaux types de conflits relativisent la domination
du jeu politique local par les élites urbaines. Il s'agit des
rivalités entre élites urbaines et élites du
« terroir » d'une part mais aussi des rivalités
entre élites urbaines sur la scène locale d'autre part. Ainsi,
les conflits et les rivalités entre élites sur la scène
politique locale constituent une limite sérieuse à la domination
des élites urbaines. Ce faisant, ces confrontations restructurent de
manière constante la politique au village.
SECTION 1 : DE LA CONTESTATION ET
DE LA RÉSISTANCE DES ELITES DU « TERROIR »
Par élite du « terroir » nous
entendons dans une perspective large, l'élite traditionnelle
constituée du chef traditionnel, ses notables et des
représentants locaux des partis politiques. Le principal conflit que
l'on peut relever ici est celui qui a opposé le chef et ses notables au
bigman Sohaing.
Ndjuije Mbogne (1983 : 61) a décrit avec
pertinence la situation des chefs traditionnels bamiléké dans le
contexte des années 1980. Selon cet auteur, des mouvements politiques
extérieurs à la chefferie sont venus affaiblir les chefs :
« le christianisme a fait perdre au chef son pouvoir religieux,
l'école lui a arraché son pouvoir sacré et les
institutions administratives ont pris le reste ». On peut ajouter que
la libéralisation politique a constitué à l'Ouest Cameroun
un contexte de conflit entre les big men, détenteurs du capital
économique et les autorités traditionnelles (Mouiche, 2004,
2005).
Pour comprendre la nature des conflits qui ont opposé
les autorités traditionnelles à Sohaing, il convient au
préalable de présenter la biographie sociale du chef
supérieur Bayangam. Elle permettra de comprendre pourquoi à un
conflit traditionnel s'est greffé un conflit proprement politique.
PARAGRAPHE 1 : De l'identification
sociopolitique du chef Pouokam Kom
Pouokam Kom est né vers 1917 et devenu chef du
groupement Bayangam le 6 décembre 1964 après la mort de son
père Kom Waindja, survenu le 22 août de la même
année. Avant son intronisation, il était secrétaire
d'état civil de Bayangam, secrétaire général de la
commune mixte Bangou40(*).
Compte tenu de ces responsabilités, il était un homme politique
bien connu dans la Mifi.
Sur le plan politique, il a été entre autres
vice-président de la section départementale de l'Union
Camerounaise (UC) puis du parti unique de l'Union Nationale Camerounaise (UNC),
membre du conseil d'administration de la coopérative agricole des
planteurs de la Mifi (CAPLAMI), plusieurs fois conseiller municipal de Bangou,
etc. (Kuipou Chimba, 1986 : 26). Il apparaît ainsi que le chef et M.
Sohaing, ont eu des trajectoires différentes. C'est ce qui peut dans une
certaine mesure expliquer une partie des conflits ayant opposé ces deux
acteurs politiques majeurs de Bayangam. De par sa carrière, le chef
espérait jouer un rôle de premier plan dans la nouvelle
unité administrative.
PARAGRAPHE 2 : Des luttes
hégémoniques entre Pouokam Kom41(*), ses notables et
Sohaing André
Les conflits de leadership entre le chef et son sujet sont
partis selon toute vraisemblance de l'élévation de Sohaing au
titre honorifique et prestigieux de Fowagap42(*) et ces conflits se sont confortés avec
l'avènement d'une unité administrative en 1992. Le chef
raconte :
« Un jour je suis resté à la
chefferie et Sohaing est venu me voir accompagné de Fotso Victor de
Bandjoun et de Kadji Defosso de Bana. Il m'a présenté Fotso que
je connaissais déjà bien et Kadji comme étant des Fowagap
à Bandjoun et à Bana. Il se plaignait de ce que seuls les
Bayangam ne connaissaient pas la valeur de ses enfants. Dans un esprit de
consolation, j'ai décidé sur le coup de l'appeler aussi
« fowagap », ceci pour éviter des frustrations parmi
ses amis, qu'il ne reste pas debout partout où ses amis seront assis.
Ce faisant, je savais bien qu'il n'y avait pas de
sous-chef à Bayangam et que ce titre était tout simplement
honorifique comme bien d'autres titres similaires à Bayangam »
(Kanmogne, à paraître).
En fait, ce titre représente dans la perspective de
Miaffo et Warnier, le couronnement de la réussite de l'itinéraire
et de la stratégie d'accumulation des entrepreneurs
bamiléké. (1993 : 50). A ceux qui lui reprochaient d'avoir
« vendu la tradition » il se défendait en ces
termes : « il n'y a personne qui naît avec un titre de
notable (...) il n'est attribué aux gens qu'en considération pour
ce qu'ils font pour leur village » (Nguemegne, 1998 : 417). Or,
comme nous l'avons souligné plus haut, Sohaing a réalisé
des investissements considérables en direction du village et en
direction du chef. Le problème est survenu de la volonté de ce
dernier de s'ériger en sous- chef, même s'il s'en défend.
Lors d'un entretien qu'il nous a accordé, il a soutenu que
n'étant pas de la famille royale, il ne voit pas comment il pourrait
devenir un chef à Bayangam.
De manière concrète, après l'obtention
de son titre, Sohaing aurait transformé la structure de sa concession
familiale en quasi-chefferie : plantation d'un baobab, construction de
cases secrètes, implantation de statuettes et symboles qu'on ne
rencontre en principe que dans les chefferies43(*).
Cette confrontation avec la tradition a dans une certaine
mesure contribué à relativiser la légitimité du
fowagap et a limité son pouvoir et surtout son influence
à Bayangam. Ce conflit traditionnel s'est mué en conflit
politique avec la création de l'arrondissement de Bayangam en 1992
à la suite de l'ouverture pluraliste intervenue deux ans plutôt.
En effet, le premier conflit est survenu à propos du
choix d'un site pour l'implantation de la sous- préfecture. Alors que le
chef et une partie importante de la population désirait que le site soit
à Mba, quartier situé au centre du village et au bord de la
nationale n° 4 reliant Yaoundé et Bafoussam, Sohaing André
souhaitait et eut gain de cause que tout se passe chez lui, à Kassap,
quartier situé au bout du village (Le journal de Douala n°33 du 17
février 1994, p. 4).
Le conflit politique résulte de la création en
1994 d'une sous-section RDPC dont les membres du bureau devaient être
élus. C'est ainsi que deux listes concurrentes seront
présentées, l'une représentant la faction du chef et de
ses notables et l'autre représentant la faction de l'élite
urbaine. La compétition tourna à l'avantage de la première
liste. En guise de représailles, Sohaing fera arrêter le chef et
ses notables du RDPC qui seront enfermés un temps au commissariat
central de Bafoussam avec la bénédiction du Gouverneur44(*).
Sur un tout autre plan, en 2001, l'organisation d'un
congrès des Bayangam sera reportée à cause des conflits de
leadership entre le chef et le maire.45(*)
Au total, il apparaît que la domination des
élites urbaines ne se fait pas sans résistance, même si
celle-ci semble se solder le plus souvent par la victoire des premiers,
détenteurs du capital économique, intellectuel et symbolique,
elle n'en porte pas moins atteinte à leur légitimité.
C'est dans cette même perspective qu'il convient de situer les
rivalités entre élites urbaines sur la scène politique
locale.
SECTION 2 : DES RIVALITES ET LUTTES HEGEMONIQUES
ENTRE ELITES URBAINES
La notion d'élite urbaine est un concept qui permet
d'homogénéiser une catégorie sociale
hétérogène. En réalité, la
catégorie « élites urbaines » renvoie
à une pluralité d'acteurs sociaux aux trajectoires
différentes, aux niveaux d'instructions et aux fortunes inégales,
aux convictions politiques divergentes. C'est sur la base de ces
considérations qu'on peut comprendre et par la suite distinguer deux
sortes de conflits entre les élites urbaines : d'une part, les
rivalités entre élites militant dans un même parti, et
d'autre part les conflits entre élites d'affiliation partisane
différente.
PARAGRAPHE 1 : Les luttes
hégémoniques entre élites urbaines RDPC
Tchuente Maurice et Sohaing André, respectivement
ancien ministre et grand entrepreneur économique, sont des élites
urbaines les plus connues au village. Le premier est le plus influent car, son
rayonnement, dans la perspective de Parsons, repose sur la persuasion et les
intentions positives des villageois. Le second quant à lui
détient le plus de pouvoir dont les fondements sont la coercition,
l'application des sanctions et les ressources économiques (Birnbaum et
Chazal 1971 : 12). Maurice Tchuente jouit du prestige lié à
son parcours académique et professionnel. Professeur
d'universités, il a été tour à tour Recteur des
Universités de Dschang, de Ngaounderé et de Douala avant
d'être nommé Ministre de l'enseignement supérieur entre
2002 et 2004. Depuis lors, il est le président du conseil
d'administration de la Mission d'Aménagement et de Gestion des Zones
Industrielles (MAGZY) cumulativement avec ses responsabilités
d'enseignant au département d'informatique de l'Université de
Yaoundé I.
Comme nous l'avons relevé pus haut, son influence
résulte des actions réalisées en direction du village.
Mais surtout des décisions qu'il a prises et qui, tout en satisfaisant
la population, portait atteinte à la réputation du big
man. Deux séries de décision prises par ce dernier alors
ministre de l'enseignement supérieur permettent d'illustrer cette
réalité. Après sa nomination, le ministre Tchuente,
suivant les doléances des populations, avait déplacé la
mairie de la concession du maire pour le centre de Bayangam. De même, le
défilé avait été organisé à Mba,
quartier public de Bayangam marché, alors que son lieu habituel
était la cour du maire au bout du village à Kassap.
De la même façon, en 2004 lors de la campagne
pour les municipales partielles, le maire avait été mis au
« banc de touche », l'accent étant mis sur le parti
et non plus sur sa personne. On peut ainsi lire dans un journal
régional : «il n'échappe à personne que
le candidat du RDPC ne s'appelle pas Sohaing André, la tête de
liste à Bayangam (Neutralisé et muselé pendant les
meeting), mais bien Maurice Tchuente » (Ouest
Échos n°361 du 07 au 14 janvier 2004). Un article de Mutation va
dans le même sens :
« selon des informations confidentielles
de l'équipe de campagne du RDPC, le comité de campagne a
estimé que pour une élection qui a toutes les allures d'un
défi,le maire en place depuis les élections de juin 2002,
André Sohaing, sera un peu en retrait cette fois ci,par tactique. Parce
que ses stratèges redouteraient qu'il irrite des populations
particulièrement sensibles à ses discours souvent
enfiévrés. Il s'est docilement plié à cette
« censure » attendant qu'on lui donne un rôle
à jouer le cas échéant.
Ce qui par contre a surpris plus d'un, c'est
l'irruption spectaculaire de son épouse dans la campagne. Mafokam, c'est
son nom, a élu domicile à Bayangam depuis l'ouverture de la
campagne. Avec une caravane. A ses cotés, les femmes les plus en vue du
RDPC du village,redevables au renouveau,comme Mafeu Tchuente Kom
Hélène, deuxième secrétaire de l'Ambassade du
Cameroun en Italie, par ailleurs conseiller municipal de la commune de
Bayangam »46(*).
Ces actes publics ont dans une certaine mesure constituer
le coeur du conflit entre le maire et le ministre. En dépit de ce que le
ministre appelle « différence fondamentale de point de vue par
rapport à la gestion du village », il déclare
néanmoins : « Sohaing est la seule personne qui peut
jouer le rôle de patriarche à Bayangam et je continuerai de le
soutenir pour les élections municipales »47(*)
L'une des conséquences politiques de ce conflit
politique ouvert entre les deux personnalités du village, a eu pour
effet de limiter et de porter atteinte à l'hégémonie du
maire au niveau local d'une part, et a affaibli la position du ministre au
centre d'autre part. Le premier ayant publiquement soutenu avoir
contribué au départ du ministre, dont le bilan ministériel
semblait pourtant satisfaisant aux yeux des villageois48(*). Ce dernier a par contre
été remplacé au Gouvernement par une autre élite
urbaine du village, Tchuinte Madeleine. Pour s'exprimer dans les termes de
Pareto on peut parler de la rotation des élites
Outre ce conflit entre l'homme d'affaires et le ministre, un
autre a opposé le big man à un pharmacien
réputé de Bayangam.
Le docteur Kanmogne Jean Claude, s'est ouvertement
opposé au maire lors des primaires organisées par le RDPC. Ce
candidat des « intellectuels »49(*) est né en 1949 à
Tchala Bayangam. Son parcours est semblable à celui des autres
élites étudiées jusqu'ici : après un
baccalauréat série D obtenu en 1972, il entre à
l'université de Yaoundé, d'où il part deux ans plus tard
pour la faculté de pharmacie de Reins en France. En 1980, il
dévient pharmacien et soutien une thèse pour le diplôme de
doctorat d'État en 1984. Après avoir servi dans l'administration
de 1980 à 1987, il se met en clientèle privée à
Bafoussam où il crée la pharmacie Binan. Sur le plan politique,
il milite de longue date dans le RDPC. Il occupe au sein de ce parti le poste
de vice-président de la section du Koung-khi, il est par ailleurs le
président du Cercle des pharmaciens de l'Ouest Cameroun.
Le conflit qui a opposé les deux hommes porte sur le
bilan « négatif »50(*) du maire à la tête de la mairie depuis
1996. Kanmogne Jean Claude représente ainsi le courant dit des
intellectuels qui reprochent au maire sa « gestion
patrimoniale » et personnalisée du village. Il est en effet
reproché au maire de n'avoir rien fait depuis son accession à la
commune. Mais, ce conflit a constitué un accréditif à la
domination du maire. On peut lire dans un rapport RDPC du 3 juillet 2002, page
2 :
« Dans le groupement, la discorde qui existait
entre les élites et le maire s'est dissipé avec les
résultats de la présélection. Le score était de 85%
en faveur du candidat maire sortant contre 15% pour son adversaire soutenu par
plusieurs élites Bayangam ».
A ces luttes internes au RDPC, il convient de relever des
luttes de leadership qui ont opposé et opposent encore les deux
principaux leaders institutionnels du village, à savoir celui du SDF et
celui du RDPC.
PARAGRAPHE 2 Des concurrences politiques entre
élites urbaines SDF et RDPC
Nous avons déjà relevé plus haut que
c'est des actes qu'elles posent au village que les élites urbaines
tirent leurs renommées. Le premier conflit qui oppose Puepi Bernard au
Big man Sohaing trouve son origine à propos de la route
principale, route qui traverse le village. Cette route est incontournable pour
qui veut se déplacer dans le village et elle n'est pas bitumée.
La principale conséquence est qu'en saison de pluies, elle est quasiment
impraticable aussi bien pour les véhicules que pour les piétons
et, en saison sèche, elle est la source de plusieurs maladies dues
à la poussière. Les paysans ont longtemps formulé le
souhait de voir cette route bitumée, d'autant plus
qu'elle mène chez Sohaing où est logé la
mairie et la sous -préfecture. Cette route constitue un enjeu politique
important au village, car les critiques formulées contre le maire de
Bayangam portent pour l'essentiel sur ce point. En effet, de nombreux paysans
que nous avons interviewés sur cette question lui reprochent de n'avoir
pas goudronné celle-ci. La même rengaine revient à
plusieurs reprises :
« En réalité Sohaing n'a
rien fait pour ce village. Tout ce qu'il a fait jusqu'ici il l'a fait
uniquement pour devenir maire. Regardez ce que fait Fotso à Bandjoun, il
a goudronner toutes les routes de son village et Sohaing n'arrive même
pas à goudronner celle qui mène chez
lui ? De peur qu'on en profite ? Puepi avait commencé
à entretenir cette route il a apporté des gros
engins des Travaux Publics pour tout racler en nous promettant qu'il allait
mettre du vrai goudron et depuis on attend...»
En effet Peupi Bernard est un ingénieur qui a mis ses
connaissances en pratique pour aménager cette route pendant trois ans.
Cet acte a constitué un important crédit politique pour celui-ci,
devenu très populaire au village. Cette popularité n'a pas,
semble t'il, plu à Sohaing qui a usé de ses prérogatives
de maire pour « détruire » cette route qui portait
atteinte à son hégémonie.
A ce premier conflit est venu se greffer un autre lors des
municipales de 2002. En effet, la Cour Suprême du Cameroun,
siégeant en Assemblée Plénière avait rendu un
arrêt confirmatif dans l'affaire État du Cameroun (MINATD),
Sohaing André,candidat du Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais(RDPC), commune rurale de Bayangam Contre/ Puepi Bernard, candidat
du Social Democratic Front (SDF)51(*). Cet Arrêt confirmait le jugement rendu en
première instance par la Chambre Administrative de la même cour
à la demande de Peupi, et qui annulait « l'élection
municipale du 30 juin 2002 dans la commune rurale de Bayangam ». Ce
contentieux qui opposait Sohaing à Puepi et, à travers eux, le
RDPC et le SDF, les deux principaux partis dans l'arène politique de
Bayangam, est le résultat d'un ensemble d'actes illégaux que les
différents partis se reprochaient.
L'Arrêt de la cour suprême invoque de nombreux
griefs pour justifier sa décision.52(*) En effet, lors du scrutin de 2002 à Bayangam
les différents acteurs politiques ont eu recours à diverses
pratiques, notamment la pratique du « vote multiple » qui
consiste à faire venir de la ville des électeurs qui votent
plusieurs fois dans divers bureaux. La lecture des archives de la sous -
préfecture font mention de 915 cas de double emploi. Cette pratique de
la fraude53(*)semble avoir
cours depuis 1996. Mais lors de ces premières élections
compétitives, les têtes de listes du RDPC étaient
constituées par trois chefs traditionnels. Or dans l'imaginaire local,
les chefs, garants de la tradition, ne pouvaient que servir
l'intérêt général. C'est ce qui ressort de cette
analyse de M. Tassing, militant SDF :
«En 1996, les élections ont été
truquées, nous n'étions que des novices dans la politique. Mais
les chefs étaient tête de listes ce qui a poussé beaucoup
de gens à voter et à soutenir le RDPC. On croyait que une fois
ces derniers parvenus à la mairie ils allaient servir
l'intérêt général même s'ils étaient du
parti au pouvoir. Or, c'est Sohaing et non le chef qui a pris la mairie. En
2002, nous étions un peu plus aguerris... ».
La contestation réussie des municipales de 2002 se
justifie dans une large mesure par l'absence des autorités
traditionnelles sur la liste du RDPC. Ici, contrairement à Bandjoun
où le SDF avait été disqualifié par un acte
à la « juridicité douteuse » (Mouiche,
2005 : 117) les partis politiques d'oppositions ont pu contester avec
succès les résultats des municipales. Ce qui a conduit aux
partielles du 13 juin 2004.
Tableau 9 : Résultats des
élections municipales du 30 juin 2002 annulées par la cour
suprême
Inscrits
|
votants
|
RDPC
|
SDF
|
UNDP
|
10671
|
5689
|
3689
|
2018
|
143
|
%
|
|
61,49
|
35,96
|
2,55
|
(Source : Rapport des scrutins législatifs et
municipales du 30 juin 2002, MINATD.)
Cette concurrence politique entre les deux acteurs politiques
s'est poursuivie par avocat interposé lors des élections
partielles de 2004. En effet, les deux candidats s'accusaient mutuellement de
diffamation. Certaines archives permettent ainsi de retracer ce conflit Dans
une requête adressée à la commission communale de
supervision des élections dans la circonscription de Bayangam, les
avocats de Sohaing soutiennent que :
« ...dans le cadre de la campagne
électorale relative aux élections municipales du 13 juin 2004, M.
Sohaing André est victime de la part de M. Puepi Bernard, candidat SDF
aux dites élections et de M. Tchatchoua de nombreuses
déclarations diffamatoires ; Qu'en effet, à l'occasion des
meetings organisés par le SDF à Bayangam, ces derniers accusent
M. Sohaing et ses camarades du RDPC de distribuer des sommes d'argent aux
électeurs pour obtenir leurs suffrages (...), qu'il plaise à M.
le président de déclarer ces imputations diffamatoires,
disqualifier M. Puepi Bernard comme candidat aux municipales du 13 juin 2004
à Bayangam ».
Pour sa part, Puepi Bernard formulera une requête au
président de la commission dont la teneur suit :
« J'ai l'honneur de solliciter de votre haute
bienveillance, la disqualification de M. Sohaing André, candidat RDPC
aux élections municipales partielles du 13 juin 2004. En effet, M.
Sohaing André, dans une requête en date du 8 juin 2004 m'accuse
faussement d'avoir déclaré au cours des meetings de campagne
« que ses camarades du RDPC et lui distribuent de l'argent aux
électeurs pour obtenir leurs suffrages ». .Or il se trouve
que, comme vous pouvez aisément le vérifier, je n'ai pas pris la
parole dans les meetings depuis celui du 8 juin 2004 au marché de
Bayangam .Ces accusations non fondées, diffusées partout, y
compris dans les requêtes à vous adressées, constituent
irréfutablement des faits diffamatoires contre ma personne. C'est
pourquoi je sollicite qu'il vous plaise M. le Président de disqualifier
M. Sohaing André comme candidat conformément aux disposition de
l'article 28 de la loi n°92/002 du 14-08-1992 fixant les conditions
d'élections des conseillers municipaux ».54(*)
Ce conflit n'a pas eu l'effet escompté par
les deux acteurs. Ils finiront par participer, tous les deux, aux
élections municipales partielles qui se solderont par la victoire du
RDPC avec un pourcentage 65,04 % des suffrages valablement exprimés.
Tableau 10 :
Résultats des élections municipales partielles du 13 juin
2004
inscrits
|
votants
|
RDPC
|
SDF
|
UNDP
|
9287
|
3791
|
2417
|
1104
|
194
|
% des suffrages
|
59,18
|
65,04
|
29,71
|
5,25
|
(Source : archives, sous-préfecture de
Bayangam.)
Au total, il apparaît que la domination des
élites urbaines se trouvent confrontée dans leurs entreprises de
domination du village à des nombreuses contraintes et résistances
qui contribuent à reconfigurer le système politique local
à Bayangam.
SECTION 3 : DE LA RECONFIGURATION DU
SYSTÈME POLITIQUE LOCAL BAYANGAM
Les conflits et les diverses rivalités entre les
différents acteurs ont débouché sur le retrait des
autorités traditionnelles des compétitions politiques locales.
Toutefois, si l'entrée par les conflits est pertinente, elle n'ignore
pas les accords, les compromis et la collaboration.
PARAGRAPHE 1 : Du retrait des
autorités traditionnelles des compétitions politiques locales
à Bayangam
Parler de la reconfiguration de la scène politique
locale à Bayangam, revient dans une large mesure, à s'inscrire
dans la problématique des effets induits de la démocratisation
sur la position des chefs traditionnels. En d'autres termes, quelle a
été l'influence de la parlementarisation de la vie politique
camerounaise sur le pouvoir des chefs ? Trois principales thèses
sont en présence.
Alors que pour les uns le multipartisme constitue une
nouvelle perspective pour les chefs, pour les autres il mine leur position. Le
troisième courant est représenté par Ibrahim Mouiche
(2005) qui soutien plutôt la thèse de l'ambivalence des chefs.
Mouiche a testé sur les localités voisines de Bayangam la
pertinence de l'ambivalence de la position des autorités
traditionnelles. C'est ainsi que les premières élections
pluralistes de 1996 ont tantôt renforcé la position des chefs,
c'est le cas du chef Monkam Tchiencheu David de Banka; tantôt affaibli
leur position. C'est ainsi qu'à Bamoun, alors que le sultan-roi briguait
avec succès la mairie depuis sa création, l'ouverture pluraliste
va consacrer l'émergence d'un nouveau leader en la personne de Ndam
Njoya au détriment du monarque. A Bandjoun, le big man Fotso
Victor va sortir victorieux des luttes hégémoniques qui
l'opposaient au feu chef Ngnie Kamga. (Mouiche, 2004).
Le trait caractéristique à toutes ces
collectivités est qu'elles existaient déjà avant
l'ouverture pluraliste des années 1990; ce qui n'est pas le cas de
Bayangam. En effet, Bayangam n'est devenu un marché politique distinct
qu'entre 1992 et 1996 avec les premières élections
municipales.
En 1996, la liste RDPC pour les municipales y est conduite
par les chefs traditionnels, Pouokam Kom Christophe de Bayangam et de ses pairs
de Batoufam et de Bandrefam. La première élite urbaine sur la
liste, Sohaing André, n'apparaît qu'à partir de la 4e
position. Après les élections, il deviendra « le tout
premier maire » de Bayangam. Cette victoire de l'élite urbaine
sur l'élite traditionnelle s'explique par l'inégalité des
ressources dont disposait chacun des deux acteurs. .....On peut donc en
conclure que comme à Banka, les chefs traditionnels Bayangam, Bandrefam
et Batoufam avaient été des « banques » de
vote, c'est - à - dire utilisés comme des pourvoyeurs de voix
pour le compte du RDPC.
Tirant les leçons de leur alliance
hégémonique réalisée paradoxalement à leur
détriment, les autorités traditionnelles vont se retirer des
listes RDPC lors des élections municipales de 2002 et de 2004 à
Bayangam.
Toutefois leur retrait formel n'a pas eu pour
conséquence une neutralité politique absolue de leur part. Elles
continuent, malgré tout, à participer à la campagne
électorale en faveur du parti au pouvoir.
L'entrée par les conflits nous a permis de mettre en
exergue les rivalités et les conséquences qui en ont
résulté sur le plan politique. Il convient cependant de
relativiser les effets conflictogènes des antagonismes. Dans la
perspective de Glucksman, le conflit doit aussi être envisagé
comme un « lien social ».C'est Dans cet ordre
d'idées que l'on peut envisager une institution locale comme le
comité « PA'A YOGAM ».
PARAGRAPHE 2 : Du dépassement des
clivages et des antagonismes : le comité de développement
« pa'a yogam 55(*)» comme lieu de coopération
Comme dans la plupart des villages, Bayangam dispose d'un
comité de développement au sein duquel on retrouve toutes les
principales élites influentes sans considération partisane. En
effet, les « associations des ressortissants », regroupant
des cadres issus d'une même région, ou d'un même village se
sont multipliées au Cameroun et impulsent des projets de
développement de plus en plus nombreux en s'appuyant sur leurs
compétences professionnelles et leurs relations sociales ou politiques
acquises en ville. Par là, ils gardent un lien avec leur origine sociale
(Olivier de Sardan, 1995 :162).
L'action concertée des élites Bayangam
s'effectue depuis 1965 dans le cadre d'un comité de développement
chargé de coordonner la réalisation des grands travaux dans le
village. C'est dans ce sens que, de manière constante, la plupart des
grandes réalisations sont le fruit d'actions concertées. On peut
ainsi à titre d'illustration noter la construction d'un bureau de poste
et télécommunications, d'un collège d'enseignement
général et technique (Le collège polyvalent saint
Christophe), l'adduction d'eau dans certains quartiers, etc.
Avec l'arrivée du multipartisme, des rivalités
politiques ont certes réduit l'envergure de ce comité de
développement. Le dernier congrès général
prévu en 2001 n'a pu avoir lieu du fait des conflits
hégémoniques entre Sohaing et le feu chef Pouokam Kom.
Néanmoins, l'implantation d'un CETIC et d'un Lycée à
Bayangam est à inscrire dans le cadre d'une action concertée des
élites urbaines. C'est dire qu'en dépit des nombreux conflits,
les différents acteurs urbains de la politique au village
coopèrent.
C'est ainsi qu'à la tête du comité de
développement « Pa'a yogam », on retrouvera
aussi bien les élites de l'opposition que les élites du RDPC. En
effet, le bureau exécutif de ce comité est présidé
par le professeur Tchuente Maurice entouré entre autres de Kanmogne Jean
Claude et Sohaing André du RDPC, de Puepi Bernard et Kago Lele Jacques
du SDF, ainsi que de nombreuses élites urbaines politiquement non
engagées.
CONCLUSION
L'idée générale de ce chapitre
était de montrer que l'activité politique des élites
urbaines donnait lieu à de nombreux conflits et rivalités aussi
bien entre les élites urbaines et les élites du
«terroir » qu'entre les élites urbaines elles
mêmes. Ainsi, les luttes hégémoniques entre Sohaing
André et les autorités traditionnelles se sont soldées par
la victoire du premier sur les seconds ; tirant les conséquences de
leur alliance réalisée paradoxalement à leur
détriment avec le bigman en 1996, elles se retireront des municipales de
2002 et des partielles de 2004. Par ailleurs, les oppositions entre les
élites urbaines ont dans une large mesure limitée leur
légitimité respective. Au-delà des conflits politiques,
ces élites coopèrent néanmoins dans le cadre du
comité de développement.
CONCLUSION GENERALE
Le point de départ de cette étude était
de rendre compte du comportement politique des élites urbaines en milieu
rural au Cameroun. Pour ce faire, nous avons procédé à une
étude de cas du village Bayangam qui, à la faveur du
multipartisme et de la démocratisation s'est vu investi par une
pluralité de professionnels politiques du centre. L'hypothèse
centrale qui a irrigué tous nos développements est que les
élites urbaines dominent largement le jeu politique à Bayangam.
Pour l'étayer, deux principales pistes auront été
explorées.
En partant d'abord de l'idée de polyarchie
développée par Robert Dahl et Lindblom (1971), nous avons
montré que de nombreuses élites issues de filières aussi
variées que différentes sont en luttes pour la conquête des
positions de pouvoir ou d'influence au village. Une identification
socio-politique des élites urbaines nous a permis de montrer la
pluralité des trajectoires socioprofessionnelles des élites
urbaines bayangam. Aussi, le SDF au niveau local est animé par un haut
fonctionnaire retraité et un membre du NEC; le leader local de l'UNDP
est le secrétaire général de ce parti au niveau national
et le RDPC est animé par des ministres, des députés, des
hommes d'affaires, médecins, avocats, membres du comité central
etc. En s'appuyant sur des ressources politiques variées, elles
parviennent à conquérir et à conserver les institutions
politiques locales. Cette domination se traduisant par leur présence
significative dans les instances communales, étant entendu par ailleurs
qu'elles sont systématiquement têtes des listes de leurs partis
politiques respectifs.
En partant ensuite de l'hypothèse du
bigmanisme politique telle que formulée par Ibrahim Mouiche
(2005), il nous est apparu à l'analyse, que la pluralité masque
mal la domination « bigmaniaque » de Sohaing
André. Par ses actes d'évergétisme et s'appuyant sur une
multiplicité de ressources personnelles, institutionnelles et
contextuelles, ce dernier réussit très souvent à imposer
son point de vue dans les grandes décisions locales. Ce faisant, il
s'est construit un fief politique où les autorités
traditionnelles (chef supérieur et notables) ne jouent plus que les
seconds rôles.
Il apparaît par ailleurs que la domination des
élites urbaines ne s'effectue pas sans contraintes et contestations. En
effet, les élites urbaines poursuivent leurs objectifs de conquête
et de domination de l'arène politique bayangam, dans un environnement
qui leur impose des contraintes. C'est ainsi que la prise en compte de la
longue durée nous a permis de mettre en exergue le poids du traumatisme
historique dans la structuration des comportements politiques des paysans.
Mais, sous l'effet de la conjoncture des années 1990, se sont
ajoutées des contraintes liées à la redistribution au
village ; l'influence des élites au village est dans une large
mesure proportionnelle aux investissements faits en direction du terroir. Par
ailleurs, l'activité politique des élites urbaines suscite de
nombreux conflits et rivalités entre les élites urbaines et les
élites du « terroir » ayant pour principale
conséquence la restructuration de la scène politique locale.
En définitive, notre étude nous aura
permis de mettre à jour le leadership politique local
des élites urbaines dans les villages de l'ouest Cameroun. A l'instar de
Bandjoun, village voisin où Ibrahim Mouiche a découvert le
bigmanisme politique (2002), Bayangam est devenu, avec l'ouverture
démocratique, une société à bigman
où les valeurs d'ordre économique et financier semblent dans une
large mesure prendre le pas sur les valeurs ancestrales. C'est ainsi
qu'à l'échelle du département les rivalités sourdes
entre le big man de Bayangam Sohaing André et celui de
Bandjoun, Fotso Victor y rythment la vie politique locale.
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ANNEXES
ANNEXE I
PROTOCOLE D'ENTRETIEN AVEC LE MAIRE DE
BAYANGAM
(André SOHAING)
1- Le milieu d'origine :
- La place la famille (père, mère,
frères) du maire dans le village
- Parcours scolaire
- Arrivée en ville.
2- Découverte de la politique et des affaires :
- Premier contact avec la politique (référence
ou modèle ayant inspiré sa jeunesse
- Premier contact avec les affaires
3- Entrée en politique et en affaire :
- Premier engagement politique (année, âge,
motivation de l'époque)
- Création de la première entreprise
- Les rapports entre la politique et les affaires.
4- Carrière d'homme politique et d'entrepreneur
économique pendant la période du Parti Unique et pendant la
période du Multipartisme.
Au regard de la place et des responsabilités
occupées dans le paysage politique et économique camerounais
(membre du comité central de l'U.N.C, du R.D.P.C, membre de la chambre
de commerce, Député, Maire...)
5- Action politique au plan local :
- Qu'est-ce qui le pousse à l'action ?
- Les motivations
- le sens donné aux actions
- Quelques données chiffrées sur les
investissements.
6- En dépit de nombreuses réalisations
concrètes (construction du collège, C.E.S, forage et dons
divers...), beaucoup de Bayangam semblent s'opposer à la personne du
maire. Certaines personnes estiment que le Maire s'approprie le village.
- Comment réagissez vous face à ces
critiques ?
- Vos relations avec le Chef Traditionnel et les élites
intellectuelles sont définies comme étant conflictuelles. Qu'en
est-il exactement ?
7- les relations avec les autres Grands Hommes de l'Ouest (M.
FOTSO, M. KADJI...)
- Qu'est ce qui vous distingue de ces autres
leaders ?
- Qu'est ce qui vous distingue de FOTSO à qui on vous
compare et vous oppose très souvent ?
8- Les relations avec les deux Présidents de la
République
9- Quelle est votre ambition politique suprême ?
10- Quelle image souhaitez-vous que l'on retienne de votre
engagement dans la vie politique camerounaise en général et de
Bayangam en particulier ?
ANNEXE 2
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES ELITES URBAINES
1-Le milieu d'origine :
-La place de la famille dans le village
(père, mère...)
2 -Parcours scolaire et
académique
-le primaire et le secondaire (école, lieu,
date...)
-l'université :
-l'année du Baccalauréat
-les facultés fréquentées
-les diplômes obtenus
3-Parcours professionnel et
politique
-les étapes marquantes de votre carrière
professionnelle
-Carrière politique
-premier engagement politique (année, age,
motivation de l'époque)
- les rapports entre votre profession et la politique
4-Action politique au plan local :
de l'intérêt pour le village
Une enquête au village vous fait apparaître comme
l'une des principales personnalités Bayangam.
-Qu'est -ce qui vous pousse à participer aux
compétitions politiques au village ?
-Quelle interprétation donnez vous à vos
résultats lors des diverses élections locales ?
-Que recherchent les élites urbaines au
village ?
6 -Vos relations avec les autres
élites Bayangam
7 -Avez-vous posé des actes
allant dans le sens du développement de votre village ?si oui
lesquels ?
8- Quel regard portez-vous sur la vie
politique locale à Bayangam depuis
1996 ?
ANNEXE 3
L'investissement des arènes politiques
locales par les hommes d'affaires et industriels camerounais de 1996 à
2004
Noms des candidats
|
Lieu de la compétition
|
SOHAING André
|
Commune rurale de Bayangam
|
FOTSO Victor
|
Commune rurale de Pete-bandjoun
|
KADJI Defosso
|
commune rurale de Bana
|
BANLOG Polycarpe
|
Commune rurale de Nyanon
|
ENGAMBA Albert
|
Commune rurale de Nguelemendouga
|
MOUKAM Emmanuel
|
Commune rurale de Bamendjou
|
FEUTHEU Claude
|
Commune rurale de Tonga
|
FONING Françoise
|
Commune urbaine d'arrondissement de Douala V
|
ESSAM François
|
Commune urbaine de Sangmélima
|
FADIL OUMAROU
|
Commune urbaine d'arrondissement de Douala III
|
Source : Célestin Tchejip Kaptchouang, 2007 :
263 ; Cameroon Tribune, n°7612/3900, samedi 8 juin 2002, Pp.
10-40.
ANNEXE 4
L'inscription de quelques hautes personnalités
publiques dans les compétitions politiques locales au Cameroun de 1996
à 2004
NOMS DES CANDIDATS
|
QUALITÉ
|
LIEU DE LA COMPÉTITION
|
OLANGUENA AWONO Urbain
|
Ministre de la santé publique
|
Commune rurale de Sa'a
|
PEREVET Zacharie
|
Ministre de la santé publique
|
Commune rurale de Kosa
|
ABETY Peter ALANGUE
|
Ministre chargé de mission à la Présidence
de la République
|
Commune rurale de Tubah
|
Ngankou Jean -Marie
|
Ministre délégué auprès du ministre
des finances chargé du plan de stabilisation et de la relance
économique.
|
Commune rurale de Bangangté
|
TSALA MESSI André
|
Secrétaire d'Etat au Ministère de l'urbanisme et de
l'habitat
|
Commune rurale de Monatélé
|
DAKAYI KAMGA Thomas
|
Ministre des transports
|
Commune rurale de Bandja
|
BELINGA Gilles Roger
|
Directeur général de la SIC
|
Commune rurale de Mengong
|
NGUIAMBA NLOUTSIRI Emmanuel
|
Directeur général de la camtel
|
Commune rurale de Lolodorf
|
IYA MOHAMED
|
Directeur général de la SODECOTON et
président de la FECAFOOT
|
Commune urbaine de Garoua
|
NDOUGA HELL Pierre
|
Directeur général de l'ARSEL
|
Commune rurale de Ngok-Mapubi
|
ATANGANA KOUNA Basile
|
Administrateur provisoire de la société nationale
des eaux du Cameroun (SNEC)
|
Commune rurale de Ngoumou
|
SIYAM SIWE Alphonse
|
Directeur Général du Port Autonome de Douala
|
Commune urbaine de Bafang
|
NIAT NJIFENJI Marcel
|
Ancien directeur général de la SONEL
|
Commune rurale de Banganté
|
HAMADOU EVELE
|
Président du Conseil d'Administration de la SEMRY
|
Commune rurale de Maga
|
ABATE MESSANGA André
|
Directeur général adjoint de l'ENAM
|
Commune rurale d'Akonolinga
|
Source : Célestin Tchejip Kaptchuang, 2007 :
263 ; Cameroon Tribune, n°7612/3900, samedi 8 juin 2002, Pp.
10-40.
* 1 Il s'agissait de la
commune urbaine de Nkongsamba et des communes rurales de Dschang, de Matomb,
d'Eséka, d'Edéa et de Bayangam.
* 2 Jean
Blondel, cité par Mouiche (2004 : 405)
* 3Pour une présentation
détaillée des différents sens de ce concept dans la
littérature anglo-saxonne, cf. Genieys (2006 : 128).
* 4 Vilfredo Pareto, cité
par Schwartzenberg (1998 :185)
* 5 Source : entretien.
* 6 Nationalisme des pacifistes
du Cameroun pour le Bien être et Unité réelle contre les
Souffrances des Humains
* 7 Résultat de
l'utilisation combinée de la méthode réputationnelle,
décisionnelle, positionnelle et par l'activité sociale à
Bayangam.
* 8 Pour aller plus loin sur
cette élite urbaine cf., Bernard Peupi, 2003, Quelle vie.
Autobiographie, Paris, L'Harmattan.
* 9 Source : entretien.
* 10 Cameroon tribune,
jeudi, 22 février, 2007, p. 8.
* 11 Source : entretien
* 12Cf. Cameroon
Tribune du 10 décembre 2004, p. 8.
* 13 Ouest Echos, n° 127,
2000, p 6.
* 14 Avant 1992, l'Ouest
comptait 5 départements donc celui de la Mifi qui regroupait près
de 14 chefferies traditionnelles. Les ressortissants de ces chefferies
s'identifiaient à la ville de Bafoussam, chef-lieu de département
et de la province. En 1992, l'Etat procède à une nouvelle
organisation administrative, en divisant l'ancien département de la Mifi
en 3 nouveaux départements : les Hauts Plateaux, la Mifi et le
Koung-Khi. Pour une analyse des effets du découpage administratif
à l'Ouest, cf. Kayo Sikombé (2005).
* 15 Source :
Procès verbal du premier conseil municipal de Bayangam, 1996.
* 16 Source :
entretien.
* 17 Source :
entretien.
* 18 Source :
Entretien.
* 19 Il convient de
signaler que ce dernier a démissionné du SDF le 23 avril dernier.
Après avoir servi comme directeur de l'Institut des Techniques
Administratives et Financières (ITAF) et enseigné à
l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM), il militera
d'abord dans le RDPC où il briquera le siège de conseiller
municipal à Bafoussam en 1987. Avec le retour au multipartisme, il
intégrera d'abord l'UDC en 1990, ensuite l'UFDC dont il conduira
les listes aux municipales à Bafoussam en 1996, enfin il
démissionnera de ce parti pour le SDF. Sous les couleurs de ce parti il
sera élu président du conseil municipal dans la même ville
en 2002, poste qu'il conservera jusqu'au 22 février 2006, date de sa
destitution. (Mutations, n° 1893, 25 avril 2007, p. 3), (Ouest Echos
n° 257 du 23 au 29 juillet 2002, p. 5).
* 20 Rapport annuel du projet
volaille dans l'arrondissement de Bayangam.
* 21 Ouest Echos, n°362 du
15 au 21 juin 2004, p. 4.
* 22 Appellation locale de
RDPC.
* 23 Source :
entretien.
* 24 Source :
enquête de terrain.
* 25 Profession de foi du RDPC.
Cf. annexes.
* 26 Source : entretien
avec des notables Bayangam.
* 27 On peut citer à
titre d'illustration le cas de Fotso à Bandjoun, Kadji à Bana,
Foning à Dschang. Pour une étude approfondie de la trajectoire
des deux premiers, confère Ibrahim Mouiche (2005). Cette tendance
s'observe un peu partout au Cameroun comme le montre les annexes 3 et 4.
* 28 La plupart des
informations utilisées ici ont été recueillies lors d'un
entretien semi directif avec M. Sohaing à Douala.
* 29 Les élites
justifient très souvent leurs intenses activités au village par
le souci du bien être de tous, le développement etc. Pour une
présentation allant dans ce sens, cf. Kengne Fodouop
(2003 :135-148)
* 30 Modèle librement
inspiré de Jean Patrice LACAM (1988 : 27-29).
* 31 Cf. Le Journal de Douala,
n° 33 du 11 février 1994.
* 32 Source :
entretien. Il précise : « pendant que les autres
demandaient la conférence nationale, moi je demandais un district.
Beaucoup de personnes n'ont pas compris le sens de mon action, cela m'a
d'ailleurs valu des problèmes à
l'époque... »
* 33Le Journal de Douala
n°33 du 17 février 1994 p. 4.
* 34 Source ;
entretien.
* 35 Confère matrice de
ses ressources politiques.
* 36Le Journal de Douala,
n°33 du 11 février 1994, p .5
* 37 Source :
Procès verbal de la mairie, 1999.
* 38 Les Nouvelles de Bayangam,
2003, p.6.
* 39 Source :
entretien.
* 40 Bangou est le chef lieu de
l'arrondissement de Bangou dont dépendait administrativement Bayangam
jusqu'en 1992, année de création de l'arrondissement de
Bayangam.
* 41 Il convient de
préciser que le chef supérieur de Bayangam est mort en 2001.Les
conflits entre les deux hommes relèvent donc du passé.
* 42 Littéralement
Fowagap signifie celui qui tue le gibier et le partage, autrement dit
quelqu'un qui fait preuve d'une très grande
générosité. Ce titre semble avoir été
taillé sur mesure pour les « néo- notables »
qui investissent les chefferies traditionnelles.
* 43 Sur les rapports entre
architecture et pouvoir chez les bamilékés, confère
Dominique Malaquais, 2002, Architecture, pouvoir et dissidence au
Cameroun, Yaoundé /Paris, Karthala et Presses de l'UCAC.
* 44Entretien
* 45 Ouest Echos, n°
178 du 21 au 27 février 2001, p .6.
* 46 Cf. http://
www.cameroon-info.net.
* 47 Source :
entretien.
* 48 Source :
entretien.
* 49 Source : archive de
la sous-préfecture de Bayangam.
* 50 Source :
entretien.
* 51 Arrêt
n°95/A/2003-2004 du 19 Avril 2004.
* 52 Les griefs sont
relatifs aux listes électorales, aux cartes d'électeurs, à
la campagne électorale, aux inscriptions sur les listes
électorales faites par l'Administration et non par la Commission
Communale de Supervision, le non affichage des listes d'électeurs, la
non distribution des cartes d'électeurs, la nomination des
présidents de bureau de vote sympathisants du RDPC, l'expulsion
arbitraire des représentants du SDF des bureaux de votes, l'intrusion de
l'autorité administrative dans le processus électoral, la
violation du secret de vote .( cf. Arrêt sus cité)
* 53 La fraude n'est pas
entendue ici dans son sens juridique. La fraude, plus froidement est
considérée comme relevant des règles pragmatiques mises en
oeuvre par les compétiteurs soucieux d'efficacité.
* 54 Source : archives
privés des deux protagonistes.
* 55 Signifie
littéralement, les gens de Bayangam.