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Elites urbaines et politique locale au Cameroun. Le cas de Bayangam

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par Paul NUEMBISSI KOM
Université Yaoundé II SOA - Master en sciences politiques 2007
  

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SECTION III. LA REVUE DE LA LITTÉRATURE

Les perspectives théoriques d'interrogation sur les rapports élites urbaines et politique locale au Cameroun sont diverses. De manière générale on peut regrouper la littérature existante en deux principales catégories. La première porte sur des travaux à tendance universelle, sur la structure du pouvoir dans les collectivités locales. La seconde catégorie des travaux a partie liée avec des problématiques indigènes, c'est-à-dire spécifiques à l'Afrique et au Cameroun en termes de développement et politique.

Sur la structure du pouvoir dans les collectivités locales, on peut relever les travaux de Robert et Helen Lynd (1971) qui analysent de manière systématique tous les aspects de la vie politique et sociale de Middeletown et révèlent la structure monolithique du pouvoir et la domination de la collectivité locale par la famille X. La principale limite de cette analyse c'est de ne rien dire ou assez peu sur les familles Y et presque rien sur la proportion des X par rapport aux Y.

Dans la même perspective, mention doit être faite des travaux de Robert O. Schulze (1971) qui formule l'hypothèse selon laquelle le pouvoir local à Cibola revient dans une large mesure aux personnes qui contrôlent le système économique de la collectivité, d'où le rôle clé des dirigeants économiques dans la structure du pouvoir des collectivités. Freeman, Ferrero, Bloomberg et Sunshine (1971) quant à eux développent diverses approches destinées à permettre l'étude du leadership communautaire. C'est ainsi qu'ils mobilisent de manière conjuguée l'approche décisionnelle, réputationnelle, positionnelle et par l'activité sociale pour identifier les leaders dans les collectivités locales américaines.

A l'échelle de l'Ouest Cameroun, Ibrahim Mouiche (2002, 2005, chap. 4) a mené des études similaires pour parvenir à la conclusion de la domination bigmaniaque d'un entrepreneur économique dans la localité de Bandjoun. Dans le même sens, Célestin Kaptchouang Tchejip (2007 :252-260), a montré la domination des entrepreneurs Kadji Defosso à Bana, Essam à Sangmélima, etc. Il s'agit dans le cadre de notre étude de voir dans quelle mesure ses hypothèses sont vérifiables ou non dans la petite communauté de Bayangam où de nombreuses élites urbaines sont en concurrence pour la conquête ou la conservation des positions de pouvoirs.

A coté de ces problématiques universelles sur la structure du pouvoir dans les localités, des problématiques indigènes spécifiques ont été développées.

Un premier courant regroupe les études autour des problématiques en termes de développement. Ici, on peut convoquer l'oeuvre de Kengne Fodouop (2003) qui aborde la question de l'apport et de l'initiative des citadins en faveur du monde rural. Ici, les élites urbaines sont considérées comme des agents du développement du monde rural camerounais. L'étude de Paul Nchoji Nkwi (1997) s'inscrit aussi dans cette même perspective. A partir de l'étude de cas Njinikom, cet auteur analyse le rôle des élites urbaines dans le développement rural ainsi que les relations passionnelles qui lient ces derniers à leurs terroirs. Djuijeu Mbogne (1983), quant à elle montre que les élites ont joué un rôle plus ou moins déterminant dans le développement de Bayangam.

Le mérite de la problématique en termes de développement est qu'elle permet de mettre en exergue le rôle clé que les élites urbaines jouent dans le monde rural. Toutefois, le caractère ouvertement finaliste de ces analyses en relativise la scientificité. Car l'objectif est non pas, comme le dirait MachiaveL, de rendre compte des faits, mais de proposer des solutions aux problèmes de développement du monde rural. Par ailleurs, le défaut majeur de cette approche en termes de développement est d'occulter la dimension politique de l'action locale des élites urbaines. Notre étude s'inscrit de ce point de vue dans une analyse politique des rapports élites- villages.

Un second courant regroupe des études aux problématiques plus politiques.

Dans un article pionnier, Peter Geschiere (1996) pose les rapports élites - villages en termes de piège. Dans les villages, politique et sorcellerie sont intimement liées et constituent un piège pour les élites. Le mérite de son approche est de montrer que la sorcellerie est une ressource politique pertinente en milieu rural. Les chefs Bamiléké usent de cette ressource pour s'ériger en ·blanchisseurs· des richesses accumulées en ville par les élites. Toutefois, il reste que la sorcellerie n'est qu'un facteur parmi d'autres dans la compréhension de la politique en milieu rural.

Thomas Bierschenk et Olivier de Sardan (1998) s'intéressent à la problématique des « pouvoirs au village ». Ils montrent comment la démocratisation et la décentralisation ont constitué des facteurs de changement dans l'univers rural du Bénin. A partir de l'exemple du village Founougou, Nassirou Bako -Arifari (1998) montre comment le renouveau démocratique a servi à la « capture » du débat politique local par un nombre plus restreint d'acteurs locaux. Jacques Philibert Nguemegne quant à lui formule et soutient l'hypothèse d'une faible participation des populations rurales du Koung-Khi à la vie politique. Le principal mérite de ces analyses est de montrer qu'il existe une vie politique dans les villages, une vie qui obéit a des déterminants particuliers. Le problème majeur auquel se trouve confronté ces analyses, c'est de réfléchir par rapport au model occidental. Ce qui amènes ces auteurs à conclure que la faible participation des paysans constituent une limite au fonctionnement « normal » et « harmonieux » du système politique (Nguemegne, 1998 : 40). De notre point de vu, il s'agit moins d'évaluer le comportement politique des élites urbaines que de voir concrètement comment et pour quels intérêts elles s'impliquent dans la politique au village.

Une autre problématique développée depuis les années 1990, à la faveur de la libéralisation politique est celle de la rotation, du renouvellement et de la circulation des élites. La thèse dominante chez les africanistes en la matière demeure celle de la non rotation des élites. Dans cette optique, Patrick Quantin (1995) soutient que l'observation des transitions démocratiques opérées depuis 1990 au Sud du Sahara confirme le caractère limité des changements intervenus au niveau des élites du pouvoir. Dans la même perspective, Jean Pascal Daloz fait le constat de la «faible circulation des élites » (1999 : 21). Fred Eboko quant à lui, analysant les élites politiques, soutient l`hypothèse d'un « renouvellement sans renouveau » au Cameroun (1999 : 99).

Le principal défaut de ces analyses c'est de s'appuyer essentiellement sur le moule des seules instances du pouvoir central, sur les acteurs majeurs de la vie politique, dévalorisant ainsi, dans une certaine mesure, les acteurs locaux (Mouiche, 2004). C'est ainsi que Célestin Tchejip Kaptchouang (2007) se propose d'évaluer la contribution des partis politiques à la démocratisation de la vie politique locale au Cameroun. Le principal apport de son analyse c'est de montrer qu'au-delà des positions de pouvoir central, le local et les positions périphériques sont le lieu d'une concurrence marquée entre les partis politiques. En limitant son champ d'analyse à l'Ouest Cameroun, André Tchoupie (2004) montre comment à la faveur de la libéralisation politique la « localité » est devenue un espace spécifique de confrontation et une ressource fréquemment mobilisée dans le jeu politique national par les élites. Si ces deux auteurs mettent en lumière la pertinence du local comme site pertinent d'observation, ils procèdent tous deux dans une certaine mesure par généralisation abusive, considérant respectivement la localité camerounaise et la « région » de l'Ouest comme un monolithe, se faisant, ils ignorent les spécificités de chaque terroir.

C'est contre cette approche par le ·haut·que s'érige la thèse de la rotation locale des élites. Les analyses les plus pertinentes ont été développées par Ibrahim Mouiche (2001, 2002, 2004,2005).

En effet, Ibrahim Mouiche (2002, 2004) considère que la démocratisation a au contraire contribué à une rotation des élites dans les arènes politiques locales de l'Ouest Cameroun. Mieux, selon cet auteur, le multipartisme et la démocratisation ont constitué dans une large mesure un facteur de subvertissement de la position des chefs traditionnels au profit des élites urbaines (Mouiche, 2005, 2002).

Cette approche microsociologique a le mérite de faire ressortir une nouvelle orientation dans les rapports entre chefs traditionnels et élites urbaines à l'Ouest Cameroun; et par ricochet le phénomène du bigmanisme politique. En effet, le processus de démocratisation, les « logiques de terroir » et les impératifs du développement local font que les chefferies centralisées de l'Ouest du Cameroun sont devenues « paradoxalement des sociétés à big men » (Mouiche, 2005 : 208).

C'est dans une large mesure, l'approche formulée par cet auteur qui guidera notre analyse pour rendre compte de l'entreprise politique locale des élites urbaines à Bayangam.

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